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Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006) par Jean-Marie GIRIER Institut de la communication - Université Lyon 2 - Master 1 en Sciences de l'Infomation et de la Communication 2006 Dans la categorie: Communication et Journalisme JEAN-MARIE GIRIER Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006) Mémoire sous la direction d'Alain Girod Maître de conférence en communication à l'Université Lumière Lyon 2 Directeur adjoint de l'Institut de la Communication Master 1, mention « Information - Communication » Institut de la communication - Université Lumière Lyon II Juin 2006 Remerciements Je tiens à exprimer ma gratitude envers le département de science politique de l'Université de Montréal et tout particulièrement Denis Monière pour m'avoir fait découvrir la lexicométrie lors de son cours d'analyse du discours

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Le vocabulaire des discours d'investiture au Québec et en France (1995-2006)

par Jean-Marie GIRIER Institut de la communication - Université Lyon 2 - Master 1 en Sciences de l'Infomation et de la Communication 2006Dans la categorie: Communication et Journalisme   

JEAN-MARIE GIRIER

Le vocabulaire

des discours d'investiture

au Québec et en France

(1995-2006)

Mémoire sous la direction d'Alain Girod

Maître de conférence en communication à l'Université Lumière Lyon 2

Directeur adjoint de l'Institut de la Communication

Master 1, mention «   Information - Communication   »

Institut de la communication - Université Lumière Lyon II

Juin 2006

RemerciementsJe tiens à exprimer ma gratitude envers le département de science politique de l'Université de Montréal et tout particulièrement Denis Monière pour m'avoir fait découvrir la lexicométrie lors de son cours d'analyse du discours politique. Merci à Alain Girod pour sa disponibilité et son accompagnement de fin de parcours.

Toute ma reconnaissance va également à Evelyne et Robert Girier, pour la chance qu'ils m'ont offerte de partir cette année au Québec. Je remercie tout particulièrement Marie Durand pour sa patience, son soutien de tous les jours et ses précieuses relectures.

Je tiens enfin à remercier Caroline Boily pour ses conseils méthodologiques retirés de son expérience doctorale, Marc-André Gosselin pour son expertise à propos du Parti québécois, et toutes les personnes qui ont accepté de me faire partager leur expérience en tant que plume de Premier ministre.

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Jean-Marie Girier

IntroductionLes mots, comme les fleurs, ont chacun leur parfum d'idéologie ; leur utilisation et leur fréquence, en partie inconsciente, traduisent mieux qu'un long discours la pensée politique profonde des candidats en quête de pouvoir.

Frédéric Bon

À l'heure où la communication des hommes politiques est scrutée, analysée dans ses plus petits détails par des médias avides du moindre faux-pas, le discours s'impose plus que jamais comme un outil indissociable de l'action politique. Dialogue ou monologue, il se situe au fondement du politique. On discourt sur le discours, la déclaration devient performative et son actualisation réalise véritablement une action 1 (*). De nombreux auteurs ont souligné l'importance que nous devons aujourd'hui lui accorder. Pour Frédéric Bon, « les phénomènes observés dans le champ politique semblent, dans une proportion écrasante, relever des faits de langage », et au-delà, « l'action politique elle-même semble avoir pour objet la production de langages et de symboles2(*) ». La construction et l'évolution de la chose publique se réalisent grâce à un discours public auquel participe la communauté des individus jugés aptes à discuter du pouvoir3(*). On discourt pour faire avancer la société, on s'oppose par le discours... tout passe par des actes de langage et nous pouvons, sans pour autant céder à un quelconque déterminisme, avancer qu'ils sont les outils indispensables de la politique. Tout est langage et l'idéal démocratique serait inaccessible sans le recours au débat, à la discussion.

À l'image de Dominique Maingueneau, de nombreux auteurs s'interrogent sur les règles selon lesquelles des énoncés ont été construits 4 (*). Le concept de dialogisme prend alors une importance toute particulière5(*). Le discours politique est en effet plurivocal6(*) ; il se construit sur des propos antérieurs, et il s'actualise face à des discours concurrents. Ainsi, l'interdiscours aurait un effet direct sur le choix des mots employés par les politiciens7(*). Les mots représentent la matière unique servant à construire des énoncés. Sylvianne Rémi-Giraud souligne à cet endroit que « les mots sont traversés par des clivages, des enjeux, des problématiques, et acquièrent des valeurs conflictuelles qui s'intensifient avec la « politisation » des problèmes »8(*).

Notre travail portera exclusivement sur les mots. Ces mots qui font la politique, ces mots qui composent les discours, ces mots dont le sens fait l'objet de luttes, ces mots créateurs de valeurs... Notre finalité ne résidera pas dans le contenu des discours mais bien dans la plus petite unité qui les compose. Nous ne chercherons pas à démystifier le quoi   ? mais à présenter dans la plus grande exhaustivité possible le comment   ?

Avant toute chose, il convient de redéfinir les termes principaux que nous emploierons. Nous ne ferons pas usage du terme «   vocabulaire politique   » car nous ne pouvons pas accepter la définition de Jean-Marie Denquin selon laquelle   :

«   On entendra donc par vocabulaire politique l'ensemble des mots et des formules élaborées non pour mettre le langage au service du réel mais pour accomplir des fonctions

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spécifiquement politiques qui consistent à mettre le réel au service du langage, ou plutôt mettre grâce au langage le réel au service de la politique 9 (*).»

Ce concept présente peu d'intérêt dans la mesure où les critères de catégorisation des mots relevant du politique sont trop subjectifs. Cette notion ouvre la porte à une infinité de possibilités. Nous préférons laisser à la politique le choix d'un vocabulaire exhaustif en considérant l'ensemble de la langue et nous n'aurons pas la prétention de catégoriser ces vocables. Certes nous travaillerons sur des termes particuliers, mais notre analyse s'élargira à l'environnement lexical, et ne se restreindra pas à des mots qui «   accompliraient   » une fonction politique. Nous rejoignons ainsi le point de vue d'Antoine Prost selon lequel «   on ne peut déterminer que dans l'abstrait si un terme est ou non politique 10 (*) ». Ce dernier refuse de définir a priori le vocabulaire politique et considère plutôt le vocabulaire effectivement utilisé, tel que nous le ferons.

Par ailleurs, il est nécessaire de s'accorder sur le sens que nous donnerons aux mots. Damon Mayaffre reconnaît qu'un mot n'a pas de sens mais des emplois, or il apparaît impossible de dresser une liste exhaustive des emplois d'un terme comme tente de le faire le Trésor de la Langue Française11(*). Pour sa part, Jean-Marie Denquin souligne que « les mots ont la signification qu'on leur accorde12(*) ». Nous considérons pour notre part que les mots disposent d'une certaine signification de départ relativement neutre ; ensuite les présupposés de l'auditeur viendront orienter la compréhension. Nous traiterons de ce dernier point en étudiant la lutte autour de certains termes ainsi qu'en nous positionnant d'un point de vue historique, cela nous permettra de tracer l'évolution de l'emploi de ces vocables et de leurs significations.

L'enjeu majeur de notre travail résidera dans une analyse empirique du couple langue-pays. En effet, nombres d'auteurs ont rapidement considéré que le vocabulaire varie selon les pays, or des recherches approfondies n'ont que très rarement été effectuées. Ainsi, Jean-Marie Denquin avance que   :

«   Le vocabulaire politique varie avec le pays. Nul ne serait douter que chaque culture politique élabore le sien, en fonction de son histoire, de ses institutions et de tous les paramètres complexes qui interfèrent dans la vie sociale   : le vocabulaire de la Russie stalinienne n'est pas celui de la Suisse ou des États-Unis 13 (*). »

De leur côté, André Salem et Ludovic Lebart estiment que   :

«   Si les langues, en tant que systèmes de concepts et de catégories, varient selon les cultures et les pays, les façons d'user de la langue de son propre pays varient aussi fortement selon les milieux sociaux, les degrés d'instruction, le sexe, l'âge, la région, bien sûr, mais aussi et tout simplement selon les individus, les écrivains ou les poètes, les époques 14 (*). »

Cet aspect élémentaire sera le point central de notre recherche. Nos objets d'analyse, les discours en France et au Québec, s'actualisent dans la même langue 15 (*). Si nous suivons le raisonnement des auteurs précédemment cités, nous devrions faire face à deux discours différents. En effet, ces deux pays représentent des cultures différentes, des régimes politiques différents... Cependant bien d'autres aspects rapprochent ces États historiquement liés. Notre choix correspond à la volonté de confronter des discours en français issus de deux traditions différentes. Le choix des discours belges ou suisses aurait présenté trop de

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proximité, et de nombreuses analyses ont déjà été effectuées à leur sujet. Le Québec nous offre l'opportunité de disposer d'un discours en langue française issus d'une culture nord-américaine. De plus, le corpus mobilisé n'a jamais fait l'objet d'une quelconque analyse lexicométrique, les travaux de Dominique Labbé et Denis Monière s'arrêtent en 1996 pour le Québec et en 1997 pour la France.

Problématique

Notre travail se concentre autour d'un enjeu principal. À l'aide de la lexicométrie, peut-on affirmer que le discours d'ouverture en langue française conduit à l'utilisation de mots similaires au Québec et en France   ? Ou bien existe-il, derrière cette apparente proximité lexicale, des mots spécifiques permettant de souligner les dissemblances entre les discours des Premiers Ministres de chaque pays   ?

Nous faisons l'hypothèse que les deux discours utilisent un même type de vocabulaire pour évoquer la gouvernance car la langue française offre un nombre limité de vocables pour décrire et exercer le pouvoir.

Nous postulons par ailleurs que le discours subit une forte contrainte institutionnelle qui, bien que différente, déterminerait les termes utilisés par les Premiers ministres en France et au Québec. C'est pourquoi nous pensons que les Premiers ministres usent d'un style très proche.

Nous supposons que les discours se différencient par des caractéristiques propres à leur situation nationale. Malgré une conjoncture mondiale parfois identique, il nous semble que celle-ci un effet sur les choix lexicaux. Ainsi nous faisons l'hypothèse que le discours québécois sera principalement marqué par des questions d'identité et de souveraineté, alors que les mots des discours français s'orienteront plutôt vers la question de l'emploi et la réaffirmation des valeurs de la République.

Nous répondrons empiriquement à cette problématique par le recours à l'analyse de données textuelles.

Problème épistémologique

Loin de l'analyse du contenu, nous n'allons pas chercher à savoir qui est derrière ces paroles et quelles sont les valeurs sous-jacentes construites volontairement afin de faire adhérer un auditoire à ses propos. Nous nous interrogerons sur les éléments qui composent ces actes de langage. Notre travail ne relèvera ni de la linguistique ni de l'analyse de contenu car nous ne traiterons directement ni de la langue ni de la parole. Nous travaillerons sur le vocabulaire, sur des unités de sens simples. Nous nous placerons au carrefour de l'interprétation politique, de l'histoire, de la sémiotique et de la statistique. Nous pourrions rapprocher la lexicométrie de la sociologie dans la mesure où leurs objets d'études sont les mêmes, bien que la lexicométrie offre un point de vue particulier en se basant sur le vocabulaire 16 (*). Il nous apparaît en effet essentiel de travailler sur une base exhaustive avec des méthodes fiables ne laissant la place à aucune subjectivité afin de disposer de résultats incontestables.

Pour répondre à nos questions, notre méthode consistera en une analyse lexicométrique des

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discours effectuée à l'aide du logiciel Lexico 3.45 développé par André Salem de l'Université la Sorbonne Nouvelle - Paris III.

Tout d'abord, il convient d'effectuer un bref rappel de cette méthode quantitative qui ne fait pas l'unanimité. La lexicométrie est entièrement basée sur la notion de fréquence. Le discours est segmenté dans sa plus petite unité, la forme graphique. Il s'agit d'une suite de caractères délimités par deux espaces blancs que nous nommerons occurrences. L'ensemble des formes d'un texte constitue son vocabulaire. Afin de pouvoir effectuer des comparaisons, il est nécessaire de traiter tous les textes avec une méthode de dépouillement strictement identique. Nous avons opté pour les normes mises en place par Dominique Labbé en 1990 17 (*). Il convient alors de procéder à une fastidieuse désambiguïsation manuelle des homographies afin d'éviter des erreurs de sens18(*).

Depuis les années 1950, de grands chercheurs issus de disciplines diverses ont construit et défendu la lexicométrie. Guiraud, Muller, Brunet, Tournier 19 (*) se sont opposés au courant subjectiviste en bâtissant une nouvelle science sociale basée sur les sciences dures. Frédéric Bon reconnaît que « l'objectivité scientifique de la mesure a une définition bien précise : elle signifie simplement que plusieurs chercheurs appliquant les mêmes critères obtiendront les mêmes résultats ». Le choix de l'objet et de cette méthode nous permettra de nous appuyer sur les publications de références de Denis Monière et de Dominique Labbé20(*) afin de pouvoir replacer nos analyses dans une perspective historique plus large et de les comparer aux corpus précédemment étudiés.

Mais la simple fréquence d'un terme suffit-t-elle pour affirmer que ce vocable revêt une importance particulière dans le texte étudié ? De nombreuses études ont démontré que les termes lourds de sens étaient aussi les plus répétés 21 (*), donc « la fréquence des termes paraît un indicateur sûr de leur importance objective22(*) ».

La lexicométrie s'impose par sa rigueur et la fiabilité de ses résultats. Des comparaisons entre des discours ont rarement été traitées par des auteurs dont les recherches reposent sur des méthodes aussi fiables que les données quantitatives. Par ailleurs, la lexicométrie présente des résultats tout à fait explicites et très représentatifs. De plus, l'application de cette méthode est particulièrement simplifiée par le recours à l'informatique. Une lecture intuitive superficielle pourrait entraîner de fausses évidences, alors que l'ordinateur se révèle comme un puissant outil de dépouillement. Damon Mayaffre souligne à ce propos que   :

«   l'ordinateur fait preuve à la fois de rigueur et de souplesse. Rigueur par l'exhaustivité et la systématicité de l'indexation, donc des explorations, donc des relevés d'information. Souplesse car l'ordinateur peut balayer le texte en quelques secondes, avancer et revenir en arrière sans se lasser, surfer sur la vague d'informations sans se laisser laminer par elle 23 (*). »

Le logiciel Lexico 3.45 nous permettra de disposer des mots les plus fréquents, donc les plus répétés. Des fonctions récemment développées nous permettrons ensuite de disposer des spécificités du vocabulaire 24 (*) et des segments répétés25(*). Nous avons aussi effectué artisanalement un certain nombre de mesures afin de disposer de la diversité du vocabulaire d'un orateur, et de tous les indicateurs nécessaires à la description de son style. Nous traiterons principalement de fréquences relatives. Cela serait susceptible de biaiser nos résultats car la fréquence relative d'un mot dépend de la longueur du texte. Mais, dans la mesure où les discours de notre corpus sont approximativement d'une longueur équivalente,

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nous estimons que le choix des fréquences absolues ne s'imposait pas.

Il apparaît essentiel de faire émerger certaines critiques et limites de la lexicométrie. Nous nous positionnerons face à celles-ci pour justifier notre cadre d'analyse.

Tout d'abord, il convient de souligner que nous ne cèderons pas à l'isomorphisme entre lexique et parti politique. Cela apparaîtrait réducteur et nous préférerons utiliser des notions de relation. Nous nous plaçons dans la ligne de Jean-Baptiste Marcellesi selon lequel cet isomorphisme conduirait à prêter au locuteur une naïveté linguistique et politique dans la mesure où il serait incapable de tenir des discours différents 26 (*). Le vocabulaire ne peut pas être considéré comme une étiquette fixée à un groupe politique car cela imposerait une rigidité qui ne correspond pas à une réalité de chassés-croisés lexicaux. Nous pourrons nous placer au-delà de cet isomorphisme en procédant à l'étude de l'univers lexical. Les mots ne seront pas séparés de leur environnement lexical adjacent.

Lorsqu'un mot est utilisé, le choix du mot suivant n'est plus aléatoire 27 (*). On pourrait penser que la lexicométrie ne tient pas compte de ce déterminisme. Cependant pour faire face à cette limite nous disposerons de deux outils qui sont respectivement l'analyse des cooccurrences, qui consiste à prendre en compte des vocables qui apparaissent à proximité de chaque terme, et l'inventaire des segments répétés qui permet de repérer les expressions qui se répètent dans un texte. Il faut cependant reconnaître que ces techniques sont loin d'être au point pour faire face à cette limite.

De plus, le fondement même de la méthode lexicométrique peut être remis en cause par l'importance de notions employées à très faible fréquence. En effet, «   c'est quelquefois la rareté même de certaines notions qui sera davantage révélatrice parce qu'elle renvoie au non-dit ou à ce qui doit être dit avec circonspection 28 (*) ». C'est pourquoi nous travaillerons sur les fréquences les plus élevées mais aussi les moins élevées, comme nous travaillerons sur les spécificités positives et négatives de chaque discours.

Enfin, notre travail ne comportera presque aucun recours à la récente technique de lemmatisation des textes. Les vocables d'une même racine sont regroupés sous le même lemme (souvent à l'infinitif), l'objectif étant de disposer d'une unité de sens pertinente linguistiquement 29 (*). Outre le fait que nous ne disposons pas des moyens techniques pour effectuer un tel ouvrage, nous considérons que cette méthode présente d'importantes lacunes. Maurice Tournier soulignait d'ailleurs que « la lemmatisation ne résout rien et empire tout ». Le renvoi d'un vocable à « une entrée canonisée du dictionnaire30(*) » ne fait pas disparaître le problème du sens, et impose une norme extérieure au vocabulaire du locuteur. Cela permet certes le traitement statistique de nouvelles données linguistiques, mais le texte lemmatisé dénature la réalité originelle du corpus. 

Le choix du corpus

Notre corpus est composé de onze discours   : cinq discours d'ouverture de session parlementaire au Québec et six déclarations de politique générale en France, couvrant la période 1995-2006. Ce choix correspond tout d'abord à la forme et la place de ces propos dans la vie politique. Le discours gouvernemental d'ouverture est un discours à haute portée politique, longuement préparé, dans lequel on est en droit d'attendre une forte connotation idéologique. Nous pourrions supposer, étant donné l'importance actuellement accordée aux

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modes de communication, que le vocabulaire politique tendrait à se dépolitiser. Cet exercice pourrait aussi être soumis à des contraintes institutionnelles, c'est ce que nous commencerons par démontrer. En outre, leur longueur généralement assez élevée permet d'obtenir des statistiques suffisamment fiables.

L'intérêt de l'ensemble des discours québécois repose tout d'abord sur une alternance entre les partis, mais également sur un moment où la jeune génération des souverainistes prend le relais des premiers péquistes 31 (*). La valeur symbolique accordée l'ouverture de session nous permet d'accéder à un propos qui devrait être idéologiquement marqué. De plus, la forme programmatique esquisse une vision politique globale. La prise en compte des répliques des chefs de l'opposition officielle viendront quant à elles enrichir ce corpus en mettant à jour les thèmes opposant diamétralement les partis et en offrant une lecture différente de la situation québécoise et de ses priorités. Notons que cet objet d'étude est composé seulement de trois hommes politiques (Lucien Bouchard, Bernard Landry et Jean Charest), ce qui nous permettra d'envisager une perspective évolutive des discours.

En France, notre corpus contient principalement des discours de droite. Seul celui de Lionel Jospin viendra marquer une alternance, et nous offrira l'opportunité d'analyser le discours de la cohabitation. Nous pourrons à nouveau percevoir cet ensemble une perspective évolutive à travers le cercle de Premiers ministres gravitant autour de Jacques Chirac.

Le choix de la période correspond à un tournant majeur pour les deux pays. Au Québec, l'année 1995 a été marquée par l'échec du référendum sur la souveraineté de la province. Le Premier ministre du Parti Québécois, Jacques Parizeau, avait alors appelé les Québécois à se prononcer sur la question qui fait d'un peuple un pays   : «   Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995   ?   ». Perdu par 25000 voix d'écart, ce référendum a ravivé la flamme souverainiste.

L'année 1995 marque en France la fin de 14 ans de règne socialiste et le retour à l'Élysée de la droite avec Jacques Chirac. Après une dure cohabitation entre Balladur et Mitterrand, la droite retrouve les pleins pouvoirs. Élue sur le thème de la fracture sociale, le RPR se propose d'affronter les difficultés structurelles de la France. Ainsi, notre ensemble couvre toute la présidence de Jacques Chirac.

Notre corpus se compose de deux États francophones, partageant une partie de leur histoire, et luttant parfois pour les mêmes causes (telles la diversité culturelle, la francophonie, la lutte contre la pauvreté en Afrique...). Bien que le Québec soit une province et la France un État à part entière, nous trouvons un point de comparaison dans la mesure où les deux pays disposent des mêmes pouvoirs d'action. Notons enfin qu'il s'agit de pays occidentaux qui subissent la même conjoncture internationale. La situation économique apparaît lors de cette période très difficile. Après la récession de 1993, l'économie française est en panne, et le chômage augmente ostensiblement. Le Québec doit pour sa part lutter contre le déficit, mais également mener de front la bataille de l'emploi. La période étudiée correspond à une prise de conscience sur la nécessité de la réorganisation de l'État et de ses programmes   : chômage, retraites, garderies, santé, contrats de travail... En définitive, c'est durant la fin des années 1990 et le début du XXI e siècle que la mondialisation va s'imposer avec tous les aspects

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négatifs qui l'accompagne.

Présentation des chapitres

Dans un premier chapitre, nous établirons une présentation des deux régimes politiques ainsi qu'un bilan de l'évolution politique récente du Québec et de la France. En outre, nous présenterons les discours d'ouverture en soulignant les contraintes institutionnelles qui déterminent leur production. Nous exposerons donc les conditions de production de ces déclarations grâce aux explications que nous avons recueillies auprès des auteurs de ces discours.

Lors d'un second chapitre, nous débuterons l'analyse lexicométrique afin de faire émerger un certain nombre de constats rapprochant les discours français et québécois. Nous évaluerons l'impact des contraintes institutionnelles sur le choix du vocabulaire. Par ailleurs, notre méthode nous permettra de procéder à une analyse stylistique afin de comparer certaines caractéristiques de construction des propos.

Enfin, dans un troisième chapitre, nous ferons ressortir certains éléments grâce auxquels les discours se différencient. Les caractéristiques nationales et la conjoncture du moment amènent les propos à se distancier. De plus, un détour par l'utilisation des pronoms personnel permettra de faire émerger deux conceptions du discours.

Chapitre 1

Le poids d'une institution discursive La déclaration de politique générale, c'est la chose la plus sinistre à faire.

Raymond Barre

Deux systèmes politiques distincts

L'Assemblée législative de Québec a été instaurée en 1791 afin de gérer le dominion britannique du Bas-Canada. Ce territoire, nommé la Nouvelle-France depuis sa colonisation par Samuel de Champlain, relevait auparavant de l'autorité du roi de France. La région participa ensuite à la création de la confédération canadienne lors de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique en 1867 par lequel fut institué l'État fédéral dont le gouvernement siège à Ottawa. La province fonctionne depuis lors sous un régime de monarchie parlementaire de type Westminster, dans un système bipolaire 32 (*) avec quasi uniquement deux partis. Le chef de l'État est la Reine Élisabeth II, mais son statut est seulement symbolique et consiste à maintenir les liens qui unissent tous les États du Commonwealth. Elle est représentée au Canada à travers un gouverneur-général qui a pour fonctions l'apposition du sceau royal et la promulgation des lois.

Le système de la confédération canadienne accorde des pouvoirs importants à ses provinces. Celles-ci fonctionnent comme de réels États, avec un gouvernement issu du Parlement qui

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dispose des pouvoirs régaliens, de l'initiative des lois, du droit de lever des impôts... Le Québec compose avec une administration qui lui est propre, lui permettant entre autres de gérer les domaines de la santé, de la justice 33 (*), de l'éducation, du budget...

Au Parlement de Québec, on retrouve le parti gouvernemental du Premier ministre et celui de l'opposition officielle. Le système politique conduit à la création de partis politiques forts car il est nécessaire de disposer d'une majorité au Parlement pour pouvoir mettre en place ses projets. La scène québécoise est monopolisée par le Parti libéral du Québec (PLQ) et par le Parti québécois (PQ). Plus récemment, les conservateurs de l'Action démocratique du Québec (ADQ) ont fait leur entrée dans la chambre. Leur arrivée a alors prêté à la création de gouvernements minoritaires au Parlement, mais ce fait est exceptionnel tant les deux grands partis neutralisent toute concurrence.

Les députés élus au suffrage universel direct nomment un Premier ministre parmi l'un d'eux, généralement le chef du parti. Ce dernier choisit dans le collège de députés son Cabinet, c'est-à-dire son conseil des ministres. La durée officielle du mandat est de 5 ans, cependant la longévité moyenne d'un Cabinet est de 3 ans. Les gouvernements savent agir en conséquence lorsqu'ils sont trop impopulaires, contestés par la base de leur mouvement ou s'ils subissent le moindre échec électoral. Dans le cas où le parti gouvernemental ne serait plus majoritaire en chambre, l'Assemblée peut exprimer sa défiance à l'égard du Premier ministre qui devra alors remettre sa démission au lieutenant-gouverneur, le représentant du gouverneur-général dans la province. Mais le régime n'en est pas pour autant instable dans la mesure où les gouvernements profitent toujours d'une période suffisamment longue pour appliquer leur programme.

Les élites québécoises des années 1980 sont majoritairement issues de la filière juridique ainsi que du milieu universitaire d'excellence. Ainsi Jacques Parizeau, diplômé de la London School of Economics enseignait à HEC Montréal, Bernard Landry repris ses études alors qu'il exerçait au Barreau de Québec pour obtenir un diplôme de l'IEP de Paris en section économique 34 (*), Jean Charest a commencé sa carrière en tant qu'avocat en droit criminel35(*), tout comme Lucien Bouchard. Nous pourrons voir plus tard que l'excellence oratoire des avocats transparaît nettement dans les mots des discours inauguraux.

Pour terminer, il faut préciser qu'il n'existe plus de Conseil législatif au Québec. Auparavant constitué sur le principe de la chambre des Lords au Parlement de Westminster avec des membres nommés à vie pour leur rang social, le Conseil législatif du Québec a été aboli en 1968. Cette chambre disposant de pouvoirs forts présentait un décalage trop grand avec l'idéal démocratique et le suffrage universel. Il n'existe donc plus qu'une seule chambre toute puissante, dont seuls les magistrats de la Cour Suprême de la Couronne peuvent invalider les décisions.

La République française, elle, prend ses sources au fondement de l'exaspération jacobine contre la monarchie qui se cristallisera dans la Révolution de 1789. L'idéal réside dans un État dirigé par des élus du peuple et responsables devant celui-ci. Un siècle et demi plus tard, au lendemain du second conflit mondial, les Français rejettent par référendum le retour à la III e République, qui reposait sur le primat du législatif. Le gouvernement provisoire laisse la place à la IV e République, un régime parlementaire bicamériste dans lequel les deux Assemblées élisaient un Président de la République pour 7 ans. Ce dernier disposait d'un rôle de second plan car le pouvoir exécutif était exercé par le Président du Conseil qu'il avait la

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charge de désigner. Cependant, face à une crise institutionnelle insurmontable 36 (*), le Général de Gaulle fut investi des pleins pouvoirs en 1958 afin de mettre en place une nouvelle constitution.

La V e République installe un régime semi-présidentiel pour en finir avec «   le régime des partis 37 (*) » en assurant à la fois la stabilité et la puissance du pouvoir exécutif, désormais aux mains du Président de la République. Élu dès 1962 au suffrage universel direct pour une durée de 7 ans38(*), le régime lui accorde une place très importante. Chef des armées, recours suprême en justice, il dirige la diplomatie et indique au gouvernement ses grandes orientations. Dans un souci de prééminence de l'exécutif, le Président de la République dispose aussi du droit de dissoudre l'Assemblée nationale, ce qui constitue une limite à la séparation des pouvoirs39(*).

En France, le Premier ministre est une véritable institution 40 (*). Certains historiens attribuent même son apparition au début de la monarchie capétienne41(*). Il est constitutionnellement un puissant subordonné, chargé de déterminer et d'exécuter la politique de la nation42(*). À l'inverse du système de la IVe République, le Premier ministre de la Ve République est nommé par le Président de la République, et compose avec lui son gouvernement43(*). À la différence du Québec, il n'est en aucun cas obligatoire que celui-ci soit un élu à l'Assemblée nationale, ainsi Dominique de Villepin est devenu Premier ministre sans n'avoir jamais été légitimé par l'élection. Par ailleurs, la Ve République rend possible la situation unique d'une cohabitation d'un Président et d'un Premier ministre politiquement opposés44(*) : le rôle du chef de l'État se voit alors affaiblit.

Le système bicaméral repose sur une Assemblée nationale élue au suffrage universel direct et sur un Sénat élu au suffrage universel indirect par les «   grands électeurs   ». Les projets de loi du gouvernement effectuent une navette entre les deux chambres afin d'être examinés. Cependant la décision finale appartient toujours à l'Assemblée nationale. Le gouvernement est responsable de son action devant celle-ci et il peut être renversé par le vote d'une motion de censure.

Contrairement au Québec, les élites de la classe politique française ne sont pas issues de la magistrature mais du fleuron de l'administration publique. En effet, il persiste en France une tradition de grandes écoles d'excellence. Le Général de Gaulle fonda par ordonnance en 1945 l'École nationale d'administration (ÉNA) afin de recruter et de former les futurs cadres supérieurs de l'administration publique. Cette institution d'élite constitue un réservoir de futurs dirigeants gouvernementaux. Parmi les dix derniers Premiers ministres de la V e

République, seuls trois ne sont pas issus d'un tel cursus. Jean-Pierre Raffarin, le seul à ne pas être énarque parmi notre corpus, détient par exemple un diplôme de l'École supérieure de commerce de Paris.

Notre objet d'étude porte donc bien sur deux États différents. Le régime parlementaire ne correspond en rien au système présidentiel. Les Premiers ministres disposent de fonctions équivalentes, mais n'évoluent pas dans un environnement similaire.

Récentes évolutions politiques au Québec et en France

Avant toute analyse, il convient de dresser un tableau de l'évolution du Québec et de la France lors de la fin du XX e siècle. Il apparaît opportun de souligner un certain nombre

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d'éléments qui faciliteront la compréhension globale du travail par la suite. Il s'agit d'offrir un panorama de la situation politique et de la chronologie dans lesquelles s'inscrivent les discours. Nous présenterons tous les Premiers ministres de notre corpus à travers leurs principales réalisations et parfois les raisons de leurs échecs. Concernant les hommes politiques actuels, nous nous contenterons d'une brève description afin d'éviter tout jugement personnel.

En 1960, le libéral Jean Lesage plaça le Québec sur la voie d'une «   Révolution tranquille   ». Il s'agissait alors de tourner la page après 18 ans d'une gouvernance sans partage de l'Union nationale de Maurice Duplessis, période communément appelée «   la grande noirceur   ». En effet, la province vécut de 1936 à 1959 sous le joug d'un régime traditionnel et autonomiste placé sous l'égide de l'Église catholique 45 (*). Dès 1960, le Québec prit le chemin de la modernité, du progrès, de la libéralisation des moeurs, mais aussi de la social-démocratie. La période fut marquée par le renforcement du souverainisme au Québec, conception qui atteindra son apogée en 1976 avec l'élection de René Lévesque dont le projet étapiste de souveraineté-association conquit les Québécois. Ce dernier deviendra l'emblème de l'indépendance lorsque le Premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau acceptera avec tous les autres Premiers ministres provinciaux l'acte constitutionnel de 1982 malgré l'avis défavorable du Québec. La belle province était en pleine expansion économique ; alors que la nationalisation des principales entreprises offrait de grandes marges de manoeuvre à l'État pour investir dans des politiques sociales, les conflits grandissants avec le pouvoir d'Ottawa paralysaient le Canada46(*).

Le fédéraliste Robert Bourassa (1970-1976   ; 1985-1994) milita pour la reconnaissance du statut distinct du Québec dans la constitution en raison de sa culture francophone   majoritaire. Cependant l'échec des Accords du Lac Meech et de Charlottetown supprimèrent tout espoir de trouver un compromis et relancèrent la ferveur nationaliste et indépendantiste. Il est vrai que l'histoire de la province fut jalonnée de confrontations entre francophones et anglophones. La langue devint le fer de lance d'un mouvement réclamant davantage d'autonomie pour la gestion d'un territoire qui ne partage en rien les caractéristiques des provinces de l'Ouest du Canada telles la Colombie-Britannique ou l'Alberta. Ainsi en 1974, la loi 22 érigea la langue française comme seule langue officielle, et en 1977, la Charte du français (loi 101) l'imposa comme seule langue professionnelle.

L'enjeu de la souveraineté repose sur le contrôle du pouvoir par l'unique peuple québécois. Le Parti québécois, qui regroupa dès 1968 tous les mouvements indépendantistes, entretient un réel nationalisme sur la base de l'histoire de cette province qui, jusque dans les années 1970, était soumise aux intérêts canadiens anglophones et américains. Le projet repose sur un idéal d'émancipation du gouvernement fédéral au nom d'une nation québécoise distincte de ses voisins canadiens, et qui éprouve le besoin de s'autogérer sans l'intervention d'acteurs extérieurs. L'objectif à court terme réside dans la création d'un État comparable à l'État canadien. De nombreux auteurs engagés ont théorisé le nationalisme 47 (*) et ont analysé les conséquences de l'indépendance de la province dans les moindres détails48(*). Les propos de Denis Monière, ancien chef du Parti indépendantiste dans les années 1960, reflètent parfaitement les aspirations des souverainistes :

«   Comme collectivité, les Québécois sont impuissants à orienter les politiques commerciales, douanières et tarifaires. Ils ne peuvent choisir les secteurs qui doivent être développés par l'action économique de l'État. Ils doivent subir des décisions et des priorités définies par les

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autres.»

«   La souveraineté est donc l'enjeu d'un déplacement de légitimité et implique que le peuple peut disposer de lui-même, qu'il est théoriquement le maître de ceux qui décident en son nom. La souveraineté du peuple se rapporte à la structure de l'autorité, elle assure au peuple le libre choix de ses gouvernants. 49 (*) »

D'après cet auteur, si les Québécois constituent un peuple, la souveraineté apparaît alors comme une évolution normale et souhaitable. Sans nous appesantir, notons que l'ONU exige certaines conditions pour reconnaître le droit à la souveraineté politique 50 (*) : il doit s'agir d'un peuple distinct qui dispose d'un territoire géographiquement limité, de structures propres, l'État doit être viable mais surtout la décision doit venir de la population. La plupart de ces modalités semblent être réunies si nous nous référons aux conclusions de la commission parlementaire Bélanger-Campeau. Ces deux députés avaient été mandatés par René Lévesque dans les années 1970 afin d'analyser la viabilité d'un État québécois. Désormais seul un référendum pourra sceller l'avenir du Québec.

Ces dix dernières années représentèrent un tournant dans l'évolution politique du Québec. Le Premier ministre souverainiste Jacques Parizeau organisa en 1995 un référendum sur la souveraineté. Celui-ci fut perdu par un point alors que 94% des électeurs s'étaient déplacés. Une des causes principales fut la peur d'une chute du dollar canadien, qui poussa massivement les Québécois à convertir leur épargne en dollars américains 51 (*). Vaincu, Parizeau démissionna en accusant le gouvernement fédéral d'avoir acheté le vote des communautés ethniques52(*). Le Parti québécois subit un sérieux revers et le gouvernement Bouchard se concentra ensuite sur l'économie pour prouver à la fois ses capacités de gestion et la puissance de l'industrie locale. En effet, la richesse de la province repose sur ses ressources naturelles telles l'amiante, le fer, le cuivre ou encore le bois, mais aussi sur les industries de hautes technologies comme l'aéronautique (Bombardier), l'informatique, l'automobile (General Motors). Bouchard ne suivit pas le « modèle québécois » consistant en d'onéreuses politiques keynésiennes à long terme, mais remis en cause l'étatisme et privilégia le « déficit zéro » qu'il atteignit en 1999. Son successeur Bernard Landry, fin économiste, se fit le porteur du libre échange et de l'accroissement de la place du Québec sur la scène internationale53(*). Comme son prédécesseur, il incarne un souverainisme modéré, emprunt du réalisme d'un parti gouvernemental ; il estime ainsi qu'il faut faire une offre de partenariat au reste du Canada avant de proclamer la souveraineté. Ni Landry ni Bouchard ne trouverons de moment opportun pour déclencher un référendum, ce qui vaudra d'ailleurs leur perte. En outre, la fin du XXe siècle représente une période intense en progrès sociaux. Le système de santé devient accessible à tous grâce à une assurance maladie et une assurance médicament efficaces. De plus, les jeunes parents sont incités à travailler grâce au système très développé de garderies à cinq dollars par jour (CPE) et les bases d'une indemnisation des chômeurs ont été mises en place en même temps qu'apparaissait un revenu minimum pour les plus démunis nommé le bien-être social (BS). Enfin le système scolaire, après avoir été laïcisé, a vu ses coûts pris en charge en grande partie par l'État... Le Québec des années 1990, grâce à une gestion budgétaire stricte, a développé un ensemble de programmes universels et innovants. L'ancien ministre fédéral Jean Charest, actuellement au pouvoir, entama pour sa part un vaste mouvement de réingénierie de l'État pour faire face aux rigidités organisationnelles, à une dette qui s'envole, et à un système de santé devenant trop lourd54(*). Il a remanié son gouvernement en 2006 pour évincer son ministre de l'écologie avec lequel il s'opposait sur

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l'application du protocole de Kyoto et sur la privatisation des parcs nationaux.

En 1944, au réveil de la libération, le Gouvernement provisoire de la République française dirigé par le Général de Gaulle met en place une ambitieuse politique de reconstruction. Il s'agit d'une période intense en progrès économiques et sociaux 55 (*). Le retour au pouvoir du Général dans le cadre de la Ve République présente la fin de la période de décolonisation alors qu'un État fort s'impose. Georges Pompidou s'inscrira pour sa part dans la lignée de son prédécesseur en poursuivant les politiques sociales et en s'attelant à l'organisation régionale du territoire. Valéry Giscard d'Estaing tenta ensuite de réaliser une « société libérale avancée », mais ces deux hommes d'État durent faire face à la crise économique des années 1970. Les chocs pétroliers ainsi que l'abandon du système de Bretton Woods, de change fixe des monnaies, n'arrangèrent rien à la stagflation56(*), alors que le nombre de chômeurs atteignait pour la première fois la barre d'un million. En 1981, l'alternance radicale proposée par François Mitterrand présenta un espoir immense. Les socialistes nationalisèrent des grandes entreprises, les salariés obtinrent une cinquième semaine de congés payés, la peine de mort fut abolie, les ondes radios libéralisées, une ambitieuse politique culturelle fut mise en place. Cependant, le déficit public se creusait, le nombre de chômeurs dépassait les deux millions, et malgré une politique de rigueur, le franc dut être dévalué à trois reprises 57(*). Sur le plan social, Michel Rocard apporta une innovation majeure en créant le RMI pour lutter contre l'exclusion.

En 1995, Jacques Chirac fut élu Président de la République après une campagne durant laquelle il appuya que l'État devait contrôler les dérives libérales pour réduire la «   fracture sociale   ». Dès son arrivée, le Premier ministre Alain Juppé vit sa politique contestée au sein même de son gouvernement. Alain Madelin, qui prônait un libéralisme absolu à l'image de Reagan, démissionna du gouvernement après seulement quatre mois ce qui entraîna sa recomposition. Alain Juppé s'employa ensuite à réformer une sécurité sociale trop coûteuse, provoquant des mouvements de grève exceptionnels. Jacques Chirac choisit finalement de dissoudre l'Assemblée nationale en 1997 afin d'éviter une crise institutionnelle. La gauche plurielle remporta alors les législatives et Lionel Jospin fut nommé à Matignon.

Le retour au pouvoir des socialistes fut accompagné d'une conjoncture favorable avec une reprise de la croissance. Outre le maintient des réformes pour satisfaire les critères de convergence européens nécessaires à l'Union économique et monétaire, le mandat de Lionel Jospin fut marqué par la loi sur la parité, la création du pacte civil de solidarité (PACS), ainsi que par la mise en place d'une couverture maladie universelle (CMU). Le grand chantier de l'emploi le poussa à innover en réduisant la durée du temps de travail de 39 heures à 35 heures hebdomadaires. Le nombre de demandeurs d'emploi chuta ainsi d'un million durant cette période.

Les élections présidentielles de 2002 marquèrent la déroute de Lionel Jospin qui ne parvint pas au second tour. Cet échec fut lié à la multiplicité des candidatures mais surtout à la progression des thèses défendues par le Front national de Jean-Marie Le Pen depuis des décennies. À partir de 1984, le parti d'extrême droite s'est durablement implanté dans la vie politique française. Incapable de se faire élire, le FN progressa en pesant sur une droite chrétienne et traditionaliste. Il parvint dans les années 1990 à s'implanter dans les municipalités, les conseils généraux et régionaux. Il s'imposa alors comme le troisième grand parti du pays, détenant la balance du pouvoir au gré de ses alliances. Nationaliste, anticommuniste, antiparlementariste, le FN construit son discours autour du chômage et de

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l'insécurité, trouvant leurs causes dans l'immigration 58 (*). Le parti se place comme un alternative « contre le système » afin de résoudre « la crise »59(*). Le leader xénophobe incarne à lui seul son parti, en atteste l'échec de la scission du parti avec son dauphin Bruno Mégret en 1999. Au fil des ans, l'ancien poujadiste a réussi à placer ses thèmes de prédilection à l'agenda politique et au coeur du débat électoral. Ainsi, la campagne présidentielle de 2002, orientée sur le thème de l'insécurité, a permis à Le Pen de rallier les votes protestataires pour accéder au second tour. Erwan Lecoeur conclut que ce résultat est le fruit de plus de trente années de patience60(*). Cet évènement inattendu a entraîné une mobilisation sans précédent afin de défendre les intérêts de la République : Jacques Chirac fut élu dans un sursaut démocratique avec plus de 80% des voix.

Jean-Pierre Raffarin fut nommé à Matignon et put s'appliquer à diriger le pays, fort d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, fait exceptionnel. Il prit pour engagement de défendre les intérêts de la «   France d'en bas   » et misa sur la croissance pour relancer l'économie. Sa réforme du système de retraite par répartition entama sa popularité, particulièrement du fait de la prolongation des années de cotisation. De plus, les points de vus furent divisés sur la politique sécuritaire de son ministre de l'Intérieur. Enfin, il poursuivit une politique de décentralisation en donnant de nouvelles responsabilités aux collectivités locales. Les élections régionales de 2004 servirent de sanction contre le gouvernement. Celui-ci fera alors l'objet d'un remaniement ministériel. Un an plus tard, c'est l'échec du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen qui mènera Jean-Pierre Raffarin à la démission.

La France est plus que jamais ancrée dans la communauté européenne. Ce membre fondateur participa à chaque avancée de cette union, mais la question divise toujours. Chirac, européen de circonstance, avait soutenu l'évolution apportée par le Traité de Maastricht en 1992. Lionel Jospin, souvent qualifié d'eurosceptique, fut un élément moteur du Traité de Nice en 2004. Le rôle des Premiers ministres dans ce grand ensemble est fondamental. Ainsi, Alain Juppé s'est attelé à satisfaire les critères de convergences pour l'union économique et monétaire, Lionel Jospin entérina le processus menant à une constitution, Jean-Pierre Raffarin défendit avec vigueur le projet lors du référendum. L'Europe est donc un élément incontournable mais surtout un objet qui s'impose aux Premiers ministres et dont la forte influence sur les politiques nationales n'est plus à démontrer.

Dominique de Villepin rejoignit dès mai 2005 l'Hôtel de Matignon avec l'ambition de redonner espoir aux Français en relançant la consommation. Son action réside dans l'application des promesses électorales du chef de l'État. Lutte contre le cancer, amélioration des conditions de vie des handicapés, baisse des impôts, les chantiers de la fin du quinquennat sont nombreux. Sans nous appesantir, nous retiendrons des initiatives en matière de logement social et une redéfinition des termes de l'immigration. Enfin, cette période a été marquée par une crise majeure liée au contrat première embauche.

Des conditions d'énonciation proches

Le choix des discours de politique générale et de ceux d'ouverture correspond à la nécessité de disposer de conditions d'énonciations proches afin d'effectuer une analyse comparative.

Tout d'abord, il convient de dresser un bref portrait historique, afin de montrer qu'ils se sont imposés au fil du temps comme les discours majeurs d'une gouvernance.

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Pendant deux siècles, le discours du Trône développait chaque année les volontés royales devant une assemblée non élue. Il était lu par le représentant du roi, en l'occurrence le gouverneur-général du Canada. En 1969, l'Assemblée législative de Québec devint l'Assemblée nationale du Québec. Dès lors, le discours inaugural fut prononcé à chaque début de session parlementaire devant une assemblée élue, dans un souci démocratique. En 1984, il prit le nom de discours d'ouverture, et sa lecture fut dorénavant retirée au lieutenant gouverneur au profit du Premier ministre. Cette évolution traduit la prise en main démocratique de l'Assemblée et le refus de la domination de la Couronne britannique 61 (*).

Il convient de souligner que le Québec présente l'exception d'être un État composé de deux communautés linguistiques. Ainsi, le discours majoritairement en français comprend quelques phrases en anglais. Par ailleurs, notons qu'il est toujours suivi de la réplique du chef de l'opposition officielle. Cet aspect typiquement issu du régime parlementaire exerce une pression supplémentaire sur l'énonciateur qui se placera dans une situation polémique face à son adversaire.

En France, la déclaration gouvernementale tient lieu après l'investiture d'un Premier ministre et la composition du gouvernement ; elle précède un vote de confiance. Le discours de politique générale se déroule dans l'hémicycle du Palais Bourbon lors d'une séance extraordinaire. Il est parfois prononcé au Palais du Luxembourg, mais les sénateurs ne peuvent pas s'exprimer sur le texte. En effet, en vertu de l'article 49-1 de la Constitution, le gouvernement demande la confiance aux députés lors de sa déclaration. C'est pourquoi celle-ci contient les grandes lignes de l'action gouvernementale à venir. Or la dérive présidentialiste des premiers septennats avait entraîné les Premiers ministres à négliger cette demande. Sous Valéry Giscard d'Estaing, le respect de cette responsabilité fut exercé, avant de disparaître avec les Premiers ministres socialistes. Notre corpus est pour sa part constitué uniquement de discours ayant été suivis de l'application de l'article 49-1   ; il faut lier ce fait à de fortes majorités à l'Assemblée nationale, ce qui n'était pas toujours le cas pour les gouvernements socialistes des années 1990 (Mauroy, Fabius, Cresson).

Au-delà du détail historique, nous pouvons d'ores et déjà considérer que l'institution canalise le message et ainsi les choix de vocabulaire. Afin d'étayer nos propos, nous nous appuierons sur des études lexicométriques effectuées sur divers États dont les discours gouvernementaux apparaissent proches.

Il convient pour aborder ce thème de faire référence à Michel Foucauld selon lequel   :

«   Dans toute société la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d'en conjurer les pouvoirs et les dangers   62 (*)».

C'est ainsi que le philosophe français aborde les contraintes institutionnelles pesant sur le discours. La prise de parole serait donc encadrée par des interdits 63 (*) qui imposeraient en quelque sorte un « discours type ». Dans son étude sur les gouvernements belges, Jean-Claude Deroubaix64(*) confirme les contraintes lors de la production et met en avant le partage des mots usuels des institutions politiques. Il en est de même en Espagne où l'homogénéité du vocabulaire reposerait sur un vocabulaire institutionnel commun65(*). En France, le discours de politique générale poursuit la tradition de la IIIe République quant à sa

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forme. Le Premier ministre y expose ses intentions dans un genre programmatique66(*).

Il est significatif que la plupart des contraintes liées à l'institution reposent sur une base historique. Tout d'abord, ce type de cérémonie est infiniment solennel, très hiérarchisé et la marge de liberté apparaît mince. Le protocole hérité de traditions ancestrales neutralise toute créativité. C'est une des raisons ayant conduit au choix de notre corpus dans la mesure où ces discours apparaissent comme un outil de référence assez stable dans le temps. Par ailleurs, les discours d'ouverture sont toujours prononcés devant un public similaire, dans des conditions très règlementées qui créent une stabilité dans le temps. Le discours se déroule au coeur de l'Assemblée devant l'ensemble des députés. Il est entouré de tout un protocole et les tours de paroles sont strictement encadrés, parfois restreints, et accordés par le Président de l'Assemblée.

Enfin, il convient de parler de l'auditoire. Le discours réclamant la confiance des députés s'actualise au sein même de la chambre parlementaire, mais l'assistance est bien plus vaste. Ainsi, il s'est détourné au fil des années de sa cible initiale pour se destiner davantage aux médias et aux citoyens. Il s'agit actuellement du discours majeur d'une gouvernance, et il servira de base aux journalistes comme aux élus de l'opposition pour faire valoir le bilan de l'action en place.

Outre les contraintes de l'institution politique, il faut intégrer ces discours dans un espace temporel. Les discours gouvernementaux présentent en effet une continuité temporelle, c'est pourquoi nous avons précédemment insisté sur la contextualisation historique. Au Canada, il existe une «   chronologicité   » du vocabulaire politique. Les discours du Trône sont proches car ils partagent un même vocabulaire et des mêmes thèmes 67 (*). Les différents gouvernements sont soumis à la conjoncture et aux problèmes placés à l'agenda politique. En Espagne, l'analyse de l'évolution du vocabulaire a démontré que « la cause principale des changements lexicaux n'est pas l'alternance des partis au pouvoir mais l'évolution de la société espagnole 68(*)». Cependant l'évolution chronologique exposée ici est principalement liée à des problèmes récurrents comme l'organisation et le développement de l'État, et non à une réelle périodisation.

Nécessairement, l'idéologie des partis au pouvoir reste présente mais bien timide quant à son actualisation par le discours. Le vocabulaire idéologique est régulier, mais immergé dans un vocabulaire institutionnel. Ainsi, Jean-Claude Deroubaix décèle de rares tentatives d'introduction d'un lexique partisan 69 (*) ; Dominique Labbé avance pour sa part une certaine logique de parti et de nomination, dont la continuité politique serait porteuse de sens70(*).

Cependant, le Québec a présenté dans les années 1980 un contexte inédit où une telle coupure s'est opérée. Les discours inauguraux québécois représentent sur la période de 1976 à 1994 une réelle exception face à toutes ces situations d'effacement des marqueurs lexicaux idéologiques. On retrouve logiquement des proximités entre les discours de Premiers ministres d'une même législature ou d'une même tendance, mais les déclarations inaugurales au Québec exposent alors un réel affrontement entre deux idéologies 71 (*). L'arrivée au pouvoir du Parti québécois a entraîné un « séisme lexical » et des changements radicaux dans les thèmes traités, et cela malgré une forte contrainte institutionnelle72(*). Les contraintes institutionnelles et temporelles apparaissent donc surmontables lorsque l'écart idéologique est démesuré, ici principalement sur le thème de la souveraineté.

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Une forme programmatique

La question de la forme du discours est également au coeur du processus de contrainte institutionnelle. Le XX e siècle a réellement sacralisé un discours très général et programmatique. Long, insistant sur des valeurs et offrant un catalogue de mesures, ce discours s'impose d'évoquer tous les groupes sociaux et leurs intérêts. Chacun souhaite entendre des propos allant en sa faveur, et comme le tiers secteur, les amis politiques, et tous les groupes d'influence sont nombreux, le discours prend parfois des proportions démesurées. D'ailleurs, c'est cet aspect programmatique qui lui donne sa forme. Celui-ci est long et il apparaît difficile de lui donner du rythme, même avec un bon fil conducteur. En réalité, balayer un horizon aussi vaste que celui des actions d'un gouvernement conduit à évoquer à la suite des objets aux antipodes les uns des autres. Raymond Barre résume parfaitement le poids de ces contraintes dans cette déclaration   :

«   Le discours de politique générale, qui présente l'action d'un gouvernement devant le Parlement ne doit rien, absolument rien négliger. Ni personnes. Tout doit être dit, promis, daté, chiffré. Même si la précision peut s'accompagner de souplesse et de garde-fous notamment pour éviter plus tard de trop douloureux rappels d'engagement. Les priorités de l'exécutif doivent certes apparaître clairement mais chacun, chaque groupe voulant évidemment qu'on le considère comme prioritaire, il faut donner le sentiment de prêter attention à tout le monde 73 (*)». 

L'institution impose un modèle type, et il serait inimaginable de trouver un discours de propagande qui traiterait d'une thématique unique. De fait, une certaine longueur du propos est requise, tout comme un registre de vocabulaire riche. Ceci semble très valorisé, symbole d'une certaine érudition, à l'image des «   gens de lettres   » de l'époque des Lumières. Les écarts majeurs se retrouveront au Québec dans la mesure où le discours est plus fréquent qu'en France ; les Premiers ministres attacheront moins d'importance à un discours qui se situe au milieu d'un mandat. Par ailleurs, remarquons que les discours sont d'une longueur moyenne de 6398 formes graphiques en France contre 9628 au Québec. Il existe donc une réelle différence de longueur, mais les variations pour un même pays nous permettent d'obtenir des échantillons stables pour notre analyse lexicométrique.

Malgré la forte contrainte institutionnelle, il existe des petites évolutions quant au style discursif. Ces mutations interviennent dans le temps par des «   mini-ruptures   » inaugurant de nouvelles formes discursives. On ne se situe pas dans une continuité temporelle en terme de vocabulaire mais dans une reproduction des meilleures techniques des gouvernements précédents.

Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith ont effectué une analyse lexicométrique des discours de politique générale en France de 1974 à 1997 74 (*). À travers leurs recherches sur les clivages politiques, ils ont fait émerger quatre formes de discours. En réalité, il s'agirait davantage d'une architecture principale et de trois variantes. Le discours classique est programmatique, il développe les actions futures du gouvernement, est marqué par les verbes d'action et se compose d'aspects relationnels et internationaux. Parmi les variantes, les auteurs attirent notre attention sur des formes développées par certains Premiers ministres. Ainsi, Pierre Mauroy a forgé son discours avec un bilan technique tout en insérant des termes militants politisant davantage ses propos. En effet, la déclaration de politique générale est habituellement peu enclin à exposer une démonstration de force mais adopte une

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démarche plus consensuelle. Son successeur, Laurent Fabius, a produit comme Jacques Chirac un discours personnalisé à outrance. En se dissociant de son auditoire, il favorise le « nous » commun ainsi que le « je » et tente l'introduction de thématiques nouvelles. Enfin, Michel Rocard, et ses successeurs dans les années 1990, ont fait évoluer le discours « vers un genre moins informatif et plus communicatif » qui privilégie l'apport de concepts nouveaux (exclusion, bataille pour l'emploi, pacte républicain...). Toutefois ces périodes ne reflètent aucune évolution majeure, il s'agirait plutôt d' « effets de mode ».

Par ailleurs, il est intéressant de voir un placement dans une continuité temporelle à des fins stratégiques   : Jacques Chirac utilisa le discours de son prédécesseur Pierre Mauroy afin de l'inverser 75 (*). Il s'inspira de sa forme technique tout en y ajoutant une bonne part de personnalisation. De plus, on retrouvait un vocabulaire similaire utilisé pour offrir une analyse opposée au politicien lillois.

Les conditions de production

Prenons enfin les conditions de production comme un facteur majeur d'influence sur le discours. En France comme au Québec, le processus d'écriture et le choix de l'angle pour aborder certains aspects se décline de la même manière.

Discours majeur, celui-ci est envisagé à long terme, et son processus de construction débute au minimum deux mois à l'avance. Nous mobiliserons particulièrement l'exemple de la rédaction des discours de Jean Charest en 2003 et 2006 dont nous avons pu connaître les détails et dont le processus reflète d'une manière générale la construction de la plupart de ce genre de discours 76 (*). Ainsi, de nombreux acteurs apportent leur contribution lors de la préparation.

Tout d'abord, signalons que les discours ne sont jamais écrits par le Premier ministre en personne, mais ils sont délégués à des conseillers en communication que l'on nomme parfois «   nègres   », «   plumes de l'ombre   » ou «   speechwriters  » 77 (*). Ces individus travaillent souvent au sein même du cabinet ministériel, mais ils choisissent parfois de travailler à domicile en tant que consultants pour s'éloigner de toute forme de pression. C'est le cas de Pascal Servant qui a rédigé le discours de Jean Charest en 2003. On retrouve généralement chez ces conseillers le même type de parcours : hommes de lettres, ils ont souvent été journalistes, et leur passion pour l'écriture les a conduit à assister les mots du pouvoir. Prenons l'exemple de Jean-François Lisée, ce « speechwriter » de Jacques Parizeau puis de Lucien Bouchard est directement issu du journalisme. Pigiste pour Le Monde, Libération et l'Express, il fut ensuite correspondant à Washington pour La Presse, et l'Événement du Jeudi. L'actuel directeur du centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal passa de la plume à l'action en 1994, et son rôle évolua en celui d'un conseiller stratégique.

La conception du discours est initiée par le Premier ministre ou par son chef de cabinet. En France et au Québec, le professionnel de l'écriture rencontre généralement le politicien afin de se placer sur la même ligne et de lui proposer un parcours intellectuel dans le traitement des thèmes principaux. Dans le cas de Jean Charest, le processus de construction revient à l'initiative de Stéphane Bertrand son chef de cabinet. Selon ses proches collaborateurs, Jean Charest est négligeant vis-à-vis de ses discours et délègue bien volontiers cette tâche ardue à son entourage. À l'opposé, Lionel Jospin donnait une place centrale à ses moindres propos et veillait avec une attention perfectionniste à disposer de discours d'une grande qualité. Il

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imposait d'ailleurs à ses équipes de nombreuses relectures et retravaillait lui-même longuement les discours.

Une fois le départ donné, le discours est sans cesse travaillé et remodelé. Le conseiller en communication commence par produire un squelette du discours, puis une version rédigée. Richard Vigneault souligne que son objectif lors de l'écriture est de «   donner de l'altitude, un Premier ministre doit voler haut   ». Ces véritables auteurs se fixent des objectifs élevés et prennent beaucoup de temps pour lire, réfléchir, et s'imprégner du contexte d'énonciation avant de se lancer dans la rédaction.  

Outre la fonction d'écriture, de très nombreux intervenants participent à l'élaboration du contenu des discours. Le moteur central de cette dynamique est le couple constitué par le chef de cabinet et le directeur des communications. Mais se greffent ensuite les nombreux spécialistes de domaines connexes. Ainsi, les rédacteurs des discours feront appel à l'expertise du conseiller économique, du directeur des politiques, du responsable des relations extérieures, de la personne qui s'occupe des dossiers jeunesse, emploi... Chacun vient apporter sa contribution ou une relecture pour valider la pertinence du propos. Notons qu'au Québec les députés et futurs ministres viennent quémander une phrase à leur égard afin de disposer d'une caution institutionnelle du Premier ministre. Au final, pour le discours de Jean Charest en 2006, pas moins de soixante personnes seront intervenues sur un discours qui aura évolué à travers quatorze versions différentes, la dernière étant finalisée quelques minutes avant la déclaration.

Il convient maintenant de s'interroger sur l'aspect personnel du discours, comment pouvons-nous l'attribuer à un Premier ministre qui ne l'a même pas conçu   ? On ne peut nier que le Premier ministre ne tient pas une place majeure, mais il s'approprie tout de même son discours. Tout d'abord, il faut souligner que les conseillers en communication s'imprègnent du «   parlé   » du personnage afin de lui écrire un discours proche de sa personnalité. Dans le cas de Jean Charest, son conseiller Pascal Servant souligne qu'il essaye de capter un style en fonction de la manière dont s'exprime le politicien. Il avait dans ce cas la consigne supplémentaire d'écrire des phrases courtes. Lors des relectures et jusqu'à la dernière minute, le Premier ministre impose certains changements de style et de termes. C'est ainsi que Denis Monière a démontré que les deux discours d'ouverture de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, bien qu'ayant été écrits par la même personne (en l'occurrence Jean-François Lisée), sont bien emprunt du style personnel du Premier ministre. Il a prouvé en comparant avec des exercices de conférences de presse que le chef du gouvernement s'appropriait réellement son texte.

Bien que le discours soit lu à partir d'une version rédigée et non à partir de notes, il est fréquent qu'un orateur «   sorte   »   de son texte. Souvent, le Premier Ministre rajoute quelques éléments qui avaient été supprimés dans des versions antérieures en fonction du déroulement de son élocution et de son ressenti personnel. Ces hommes politiques disposent d'une très grande connaissance de leurs dossiers ce qui leur permet une aisance du propos. Cet aspect vient renforcer notre perspective associant réellement la parole à son orateur. Par exemple, Jean Charest est sorti de son dernier discours durant une quinzaine de minutes. Il s'agissait d'anecdotes vécues lors de récentes tournées dans les régions. Pour son conseiller en communication, ce fait relève d'une volonté de l'homme politique de «   faire le pont avec son auditoire   ».

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Nous venons donc de démontrer qu'il existe des contraintes institutionnelles sur les discours. Un état de la littérature a permis de dresser un panorama des déclarations gouvernementales en général, puis nous avons pu réduire l'analyse au cadre du Québec et de la France. Une contextualisation historique a permis de nous familiariser avec deux régimes politiques distincts dont l'évolution politique récente est bien différente. Au terme de ce premier chapitre, il faut remarquer que des contraintes pèsent sur les deux discours, mais celles-ci ne sont pas les mêmes. Cependant, elles agissent par un mécanisme similaire sur des variables que partagent les deux types de discours étudiés. Ainsi, nous retrouvons un propos réalisé d'une manière équivalente sous une forme programmatique, destiné à une énonciation d'assemblée dont les auditoires sont divers et multiples.

Désormais, nous allons démontrer empiriquement grâce au recours à la lexicométrie les effets de cette contrainte institutionnelle. En outre, le chapitre suivant nous permettra de mettre à jour tous les éléments réunissant les discours de notre corpus. Tout d'abord, nous mettrons à jour cette contrainte discursive avant de comparer les styles de chaque Premier ministre.

Chapitre 2

Les constantes des discours d'ouverture

en France et au Québec

1. Un discours marqué par une contrainte discursive liée à l'institution.

Notre propos va consister à faire émerger «   les mots de la gouvernance   » communs aux deux discours. Il va s'agir de relever les termes clés auxquels les Premiers ministres français et québécois ont principalement recours. Nous débuterons par l'ensemble des vocables que nous lions à l'institution.

Le traitement lexicométrique de notre objet d'étude met à jour le poids institutionnel attribué à ces discours. L'ouverture de chaque session offre des conditions d'énonciation identiques pour tous les locuteurs, qui sont ainsi soumis aux mêmes contraintes. Il existe des exigences quant à la forme, mais aussi des attentes quant au contenu.

On notera tout d'abord la prédominance de vocables concernant l'acte du discours en lui-même. Les nombreux substantifs monsieur, président, discours soulignent l'aspect protocolaire de l'acte discursif   ; les discours débutent en effet en s'adressant à «   Madame la lieutenant-gouverneur, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, Messieurs le chef de l'opposition officielle, Mesdames et Messieurs les ministres... 78(*)» ou encore à « Mesdames et Messieurs les députés ». Cet aspect est renforcé par le pronom personnel vous dont les quelques utilisations sont destinées au Président de l'Assemblée nationale ou de l'Assemblée.

Il faut souligner à cet endroit la sur-utilisation par Jean Charest du groupe de vocables

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monsieur le Président (+18 79 (*)) que l'on retrouve à de nombreuses reprises comme l'interlocuteur unique du député libéral. Jean Charest plaide littéralement sa cause comme s'il se trouvait devant le tribunal de la nation, il met à profit son expérience d'avocat afin de rallier le Président en l'intégrant dans ses propos. Une lecture de l'environnement lexical de monsieur le Président nous permet de constater la surabondance de pronoms de la première personne. Le recours au vocable sert ainsi à la justification d'un point de vue ( je), ou tente d'imposer une idée comme une évidence (nous). À travers ce martèlement, le Président de l'Assemblée est donc pris à témoin et le poids de l'institution est détourné par Jean Charest comme outil de légitimation.

Certains verbes très fréquents relèvent uniquement de l'acte discursif. La prise de parole est automatiquement accompagnée de formules qui permettent au locuteur de se situer par rapport à son texte. Nous retrouvons ainsi les verbes dire, voir ou encore penser comme l'illustrent les fragments ci-dessous issus du discours de Lionel Jospin   :

«   En m'adressant à vous, je mesure le poids de ma responsabilité personnelle et de celle de mon gouvernement. [...] Mais je tiens à en préciser les termes. J'entends dire ici ou là que, selon une expression convenue, «nous n'avons pas le droit à l'erreur». Telle n'est pas ma conception, ni mon langage. [...] De sa majorité, le Gouvernement attend un soutient lucide et attentif. À la nation   il dit   : rien ne peut être fait sans son concours actif. [...] Je le dis avec gravité et résolution   : je vous demande votre confiance parce qu'en conscience et en vérité, pour notre pays, j'ai confiance. 80 (*)»

Cet extrait souligne que l'acte de discours est une démarche personnelle forte de sens à travers laquelle le Premier ministre s'engage pleinement   ; il apparaît donc normal que les termes choisis lui permettent de s'approprier son texte.

Le poids institutionnel transparaît également à travers le champ lexical du gouvernement. En effet, les substantifs gouvernement (225-115 81 (*)), ministre (120-48), et président (103-43) sont parmi les plus fréquents dans le corpus du Québec et de la France. Bien que sur-employés par les partis de droite, ils ne sont pas pour autant délaissés par les autres Premiers ministres car ces termes relèvent d'un vocabulaire commun usuel. Il s'agit ici d'un lexique incontournable pour décrire les missions du Premier ministre, il est alors normal de trouver cette constante entre les discours.

Le genre programmatique du discours inaugural entraîne systématiquement la référence aux pays partenaires. À l'heure de la mondialisation, le discours national s'insère dans un contexte global et particulièrement à travers les grands ensembles régionaux qui émergent. Dans le corpus québécois, les vocables Amérique (17) et États-Unis (10) sont respectivement les sixième et huitième noms propres les plus fréquents. Précédant la capitale Québec, ou la province voisine l'Ontario, le rôle prédominant de partenaire économique privilégié du voisin direct transparaît nettement. En particulier, la première puissance mondiale est très proche du Québec pour ses ressources hydroélectriques   ; l'énergie extraite des barrages québécois est en grande partie exportée au-delà de la frontière afin de fournir toute la côte Est jusqu'à New York. Les termes se rapportant à l'Amérique du Nord sont mobilisés pour réaffirmer que le Québec est plus que jamais ancré dans ce vaste ensemble territorial, permettant parfois de s'en distinguer. Ces vocables sont utilisés d'une manière identique par le Parti libéral et par le Parti québécois   ; le graphique 1 nous permet de constater que les

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usages sont très proches.

Graphique n°1   : Fréquences absolues par parti des vocables monde, international(e-s-aux), Amérique, et États-Unis.

Le corpus français présente les mêmes caractéristiques de référence sur cette notion d'intégration internationale. Bien évidemment, il est accordé dans ce cas une fonction majeure à la construction de l'Europe (34). De plus, les nombreux partenaires frontaliers de la France comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, ou l'Espagne disposent d'une place de choix. Le passé colonialiste du pays le conduit fréquemment à évoquer l'Afrique (3) ainsi que ses départements d'Outre-mer (12). À propos de ce dernier vocable, nous pouvons constater que ces territoires disposent plus que jamais d'une place à part entière dans la nation française, car tous les discours adressent quelques mots à ces concitoyens des Caraïbes ou d'ailleurs, et l'évoquent bien plus que l'Europe.

Par ailleurs, la France et le Québec se développent tous deux sous la coupe d'une entité supranationale. Le Québec s'intègre dans une confédération, et la France se place dans un processus fédéraliste au sein de l'Union européenne. On constate que les champs lexicaux de chaque entité supranationale sont des spécificités équivalentes pour les deux pays, soit un écart par rapport à la norme de +12 pour le Québec et +11 pour la France. Ainsi, l'autorité

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supérieure à l'État présente une utilisation et une fréquence semblable entre les deux discours.

Graphique n°2   : Spécificités du champs lexical de fédéral et de européen par pays.

Un nouvel élément important transparaît à travers les citations, qui entraînent le recours à des noms propres de circonstance. Les discours se placent toujours dans une chronologie historique, une succession discursive. En France, le corpus sera marqué par l'évocation du Président Jacques Chirac (3) dans la mesure où les Premiers ministres de droite, nommés par ce dernier, le mettent en valeur. La référence à Charles de Gaulle, fondateur de la V e

République et de ses institutions, fonctionne sur le même principe. Au Québec, c'est le libéral Robert Bourassa qui sera cité en exemple par ses successeurs. Dans ce cas, non seulement les libéraux mais aussi les souverainistes revendiqueront son héritage idéologique.

Un certain nombre de vocables apparaissent incontournables. La justice n'a qu'un nom, il n'y a pas de synonyme pour gouvernement, ni pour économie, etc... Au-delà de l'emploi de mots identiques, nous voulons nous interroger sur l'offre lexicale d'une langue. En effet, le français officiel de Paris et de Québec est le même, et on sait dès lors que le choix des mots est restreint. Le vocabulaire d'un individu peut être composé de 200 à 5 000 mots, or comme nous savons que les discours gouvernementaux sont riches, combien de mots sont utilisés par

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les locuteurs   ?

Notre ensemble de onze discours est composé de 86 508 occurrences. On trouve dans celui-ci 8 454 mots-formes dont 4 116 hapax. Le terme hapax est issu du grec hapax legomenon et signifie une «   chose dite une seule fois   » 82 (*). De plus, dix articles et prépositions83(*)

représentent à eux seuls 22 268 occurrences. Une fois la soustraction effectuée, les 60 124 occurrences que comprend le reste du corpus ne sont donc composées que de 4 328 vocables, alors que les discours appartiennent à sept hommes politiques différents. Si nous réduisons ces vocables par suppression des pluriels et dérivés, du point de vue du sens, il reste moins de la moitié des mots. En réalité, les discours sont produits avec un nombre très restreint de mots et cet aspect a récemment été mesuré par Dominique Labbé sur un terrain très proche du nôtre84(*). Il en résulte que 44% des mots d'un ensemble de discours de politique générale sont potentiellement partagés par des locuteurs différents car il s'agit de formes outils ou usuelles. Sachant que les discours d'ouverture traitent toujours de futures réformes et de l'organisation de l'administration publique, l'offre de vocables n'est pas illimitée.

Revenons à nos 4   328 vocables auxquels nous avait conduit notre calcul. À partir de ces derniers, il est possible d'appliquer la théorie de Guiraud 85 (*). Selon cet auteur, une fois enlevés les mots-outils qui présentent la plus grande fréquence comme nous l'avons fait, les cinquante premiers mots sont les mots-thèmes, c'est-à-dire que la pensée s'organise autour d'eux. Les 4000 vocables suivants sont les mots de base qui constituent la substance du discours. Cela justifie donc notre manière de procéder, et il est frappant de constater que les principaux mots-thèmes sont partagés par la France et le Québec. Donc les termes utilisés pour établir les discours sont approximativement les mêmes en France et au Québec.

Nationalisme et rapport à soi

La déclaration d'ouverture ou de politique générale est un discours qui active des mécanismes identitaires. Le Premier ministre s'exprime au nom d'une identité qu'il représente. Il incarne l'État et l'ensemble de ses concitoyens desquels il retire sa légitimité. Une partie de ses propos fonctionne comme une idiosyncrasie en permettant l'identification au groupe, ici à la nation, ou alors son exclusion. Les vocables entrant dans ce mécanisme sont parmi les plus fréquents, preuve du poids de ce nationalisme dans les discours.

Le discours procède à une réelle structuration de l'identité. Le locuteur définit un «   nous   » à travers les noms propres principalement. Celui qui se retrouve le plus est le nom du pays, ici Québec (408) et France (110). Bien évidemment, la fréquence québécoise apparaît très élevée, mais nous examinerons ce point dans le prochain chapitre. Le second nom propre en terme de fréquence correspond à la désignation par la nationalité avec les vocables Québécois (121) et Français (76).

Nous avons relevé les principaux désignants nationaux utilisés dans notre corpus, et il est très instructif de les comparer à des ensembles historiques. En nous appuyant sur les recherches de Maurice Tournier 86 (*), nous pouvons constater que de Pétain à Mitterrand, les désignants sont sensiblement les mêmes.

Tableau n°1   : Dix désignants nationaux les plus fréquents de quelques corpus politiques.

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Désignants nationaux majeurs de quelques corpus politiques (les dix plus fréquents)

Nom Pétain De Gaulle Le Pen Mitterrand Chirac PM français 87 (*)

Date 1940-42 1958-1965 1984 28.4.88 28.4.88 1995-2006

Occ. 31 962 51 500 55 820 86 508

1. France France Français France Français État

2. Français pays pays Français France France

3. pays Français France Pays pays Français

4. État République État nationale État pays

5. nationale État national État République République

6. nation nation nationale Française nationale nationale

7. patrie nationale Française République Française nation

8. Française Françaises nation Françaises patrie national

9. national Française patrie nation nations républicain

10. peuple national communauté national républicaine Françaises

Il est intriguant de faire émerger une si faible évolution en soixante-dix années. Cela pose d'autant plus de questions qu'un certain nombre de ces vocables s'est vu approprier par le Front national. Aujourd'hui encore, le recours à ces marqueurs d'identité révèle le maintient d'un nationalisme discursif fort.

Notre corpus se distingue par la forte utilisation dans les deux pays de État (96-124). Paul Bacot attire à cet endroit notre attention sur le double sens accordé à ce vocable 88 (*). Il rappelle que « la sociologie politique, notamment depuis Max Weber, nous enseigne que derrière l'institution abstraite se cache un groupement humain », État est alors plus ou moins synonyme de nation ou de peuple. Il permet aux Premiers ministres d'incarner cette institution, c'est-à-dire de se placer comme un élément central et moteur de la nation.

Les vocables utilisés au Québec sont quelque peu différents, car il faut prendre en compte les deux paliers d'État. Néanmoins, on retrouvera le même fonctionnement avec les termes État (96), régions (73), nationale (42), région (32), provinces (30), etc... On peut avancer que les vocables régions au Québec et pays en France participent de la même logique en terme de désignation. D'après Sylvianne Rémi-Guiraud 89 (*), « pays fait dominer le trait géographique : c'est avant tout le territoire, vu dans son aspect physique et concret, en tant que réalité géographique. Le trait humain vient en second ».

Après avoir présenté cet ensemble d'éléments, nous pourrons donc considérer qu'un pays s'auto-définit dans son discours à travers quatre variables. Tout d'abord ses institutions, son régime, et les individus qui les incarnent. Ensuite à travers le nom du pays et celui de ceux qui l'habitent. Puis par un territoire spatial et enfin avec le concept plus «   subjectif et sentimental 90 (*) » de nation.

Lorsqu'un Premier ministre définit un «   nous-nation   », il fixe un «   je   », et de fait, un

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«   autre   ». Un discours de politique générale s'inscrit toujours par rapport à ses prédécesseurs. En effet, un Premier ministre prend la place d'un homme d'État qui le précédait et qui a mis en place une politique, développé des programmes... L'exercice discursif impose subséquemment au locuteur de se positionner. Il convient particulièrement à cet endroit de s'attarder sur les formes autre et autres. Ces vocables permettent le double emploi de la distinction et de l'exclusion. Ainsi, pour évoquer l'étranger, on parle d'autres gouvernements, d'autres marchés, d'autre pays, d'autre langue... Le discours politique présente la caractéristique de toujours se situer par rapport à d'autres pays, soulignant leur nature dissemblable.

La seconde constatation qui s'impose, est que lorsqu'un même Premier ministre procède à un second discours, suite à un remaniement ministériel, la fréquence de ce vocable apparaît parfois plus élevée. Le processus est le même dans le cas d'une alternance politique. Nous considérons qu'il s'agit là d'un outil lexical permettant de se dissocier d'un prédécesseur ou de prendre de la distance avec des propos antérieurs. On évoquera l'opposition sans la nommer en parlant de l'autre côté, des autres partis, et le changement de cap sera évoqué en parlant d'autre vision, d'autre mot d'ordre, d'autre logique.

Graphique n°3   : Classement chronologique des fréquences absolues des vocables autre et autres par discours et par pays.

Comme on peut le voir sur le graphique, il existe de grosses variations concernant l'utilisation des vocables de l'altérité. Les discours de Charest en 2003 (n°1), et de Jospin en 1997 correspondent à une alternance, ainsi les Premiers ministres auront tendance à utiliser autre afin de marquer une rupture idéologique. Dans le cas de Bouchard en 1996 (n°1), le recours au vocable lui permet de prendre de la distance avec l'échec du référendum de 1995. L'ensemble des discours de la droite française ont peu recours à cette forme car ils se placent tous sous l'autorité d'un Président duquel ils ne peuvent se distancer. Il en est de même pour Landry en 2001 dans la mesure où il assume la continuité d'un prédécesseur issu de son parti. Seules divergences, les seconds discours de Bouchard et Charest observent une croissance dans l'utilisation du mot autre, à l'inverse de ceux de Juppé et Raffarin. Nous avançons que cela est lié à un changement de cap dans le cas québécois, associé à des propos polémiques. En France, ces faibles fréquences se comprennent par la portée générale du discours qui ne réside pas dans une modification de la gouvernance, mais dans la meilleure communication du contenu des réformes.

Ce dernier point nous conduit à évoquer le cadre polémique du discours. La déclaration s'inscrit dans une concurrence   : la critique de l'opposition est inévitable. Dès lors, nous observons que le parti gouvernemental a tendance à tenir un discours positif et valorisant envers lui-même et envers ses productions. C'est par la démonstration du recours systématique aux adjectifs mélioratifs que nous développons cet élément clé de ce type de discours. En tant que chef du gouvernement, il n'est pas possible d'être alarmiste quant à la situation du pays, ni d'utiliser une négativité trop prononcée qui rappellerait les coutumières querelles politiques. Il s'agit de se placer au-dessus de cela et ainsi de se démarquer d'une opposition qui n'a pas d'autres solutions que de se reclure dans la critique.

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Un détour par les adjectifs de fréquences élevées nous donne un excellent aperçu de cette situation. Une fois de plus, nous retrouvons les mêmes vocables utilisés de manière similaire au Québec et en France. Les Premiers ministres se placent dans le registre de la nouveauté avec les adjectifs nouveau (48-24), nouvelle (41-34), nouveaux (32-30), et nouvelles (34-22). Ils mettent l'emphase sur leur projets avec grand (31-16), grande (38-31), grands (16-22) et grandes (17-14), et soulignent leur portée avec les vocables nécessaire (14-12) et nécessaires (12-38). D'un autre côté, les adjectifs serviront à préciser les termes de l'action grâce à économique (64-36), sociale (25-91), sociaux (27-40) ou encore public (24-30) et publique (25-42).

Action et désir

Il convient maintenant de nous appesantir sur les verbes mobilisés dans les discours d'ouverture et les discours de politique générale. Nous pensons que leur choix est contraint par l'exercice et par la forme du discours. En effet, les attentes reposent sur la mise en place d'actions concrètes, ainsi que par le déclenchement d'une réflexion sur les problèmes structurels majeurs de l'État.

Afin de démontrer empiriquement notre postulat, nous allons pour un temps nous éloigner d'une démarche lexicométrique pure pour la prolonger vers une lemmatisation. Comme il l'a été souligné en introduction de ce travail, la lemmatisation est contestable et ne présente pas une évolution majeure. Cependant, elle s'avère tout à fait utile dans le cas de l'étude des verbes mobilisés. Si nous conservons les strictes données lexicométriques, il apparaît impossible de catégoriser les verbes car leur conjugaison conduit le logiciel à les comptabiliser sous des formes graphiques différentes. Ainsi notre travail de lemmatisation a consisté à regrouper tous les verbes sous leurs formes canoniques à l'infinitif. Ce travail long et fastidieux nous a mené à rechercher manuellement tous les verbes conjugués et à les classer par catégorie selon leur racine. Dans le souci ne pas biaiser notre analyse, notons que les participes passés et les participes présents n'ont pas été comptabilisés. Par ailleurs, cette méthode a parfois laissé la place à une interprétation personnelle, et il est possible que certaines fréquences aient échappé à notre vigilance, mais dans l'ensemble les résultats principaux sont très fiables.

Dans le cas présent, nous avons retenu les verbes les plus fréquemment utilisés par les locuteurs. Bien évidemment, les verbes être (920-1025) et avoir (572-346) sont les deux premiers groupes de vocables mobilisés par l'ensemble des Premiers ministres. Ils relèvent d'outils linguistiques incontournables et leur présence ne révèle aucune proximité, sinon qu'il s'agit bien d'une même langue parlée.

Une fois les mots-outils placés de côté, nous faisons face aux verbes choisis par le locuteur et on constate que les plus fréquents d'entre eux sont communs aux discours des deux pays. Les fréquences absolues ne sont aucunement représentatives, mais un classement fait ressortir un ensemble dont l'analyse est très instructive. Après une première lecture élargie à l'environnement lexical, nous avons fait émerger deux catégories   : les verbes d'actions, et les «   verbes d'actions qui se présument de parole   » 91 (*) que l'on pourrait définir par une réflexion, le désir d'une politique à venir, ou une projection dans le futur.

La première catégorie regroupe un ensemble de vocables utilisés par les Premiers ministres afin d'illustrer des actions politiques qui seront mises en place à court terme. Il s'agit de faire

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(314-135) des économies, de prendre (51-28) des initiatives   ; les pouvoirs publics vont agir (46-40) afin de mettre (50-67) en place des structures pour permettre (45-48) à chacun de vivre mieux. Au Québec, il est nécessaire de venir (32) en aide aux plus démunis, de réduire (30) le chômage, alors que la France se fixera pour objectif de créer (20) des emplois, et de favoriser (20) le retour de la croissance. Tous les emplois de ces verbes correspondent à une volonté de transmettre à l'auditoire un sentiment de prise en charge par un gouvernement capable d'assumer rapidement ses responsabilités. En effet, si le discours est un programme, l'auditoire n'attend pas pour autant uniquement un inventaire de réflexions sur la situation nationale mais l'annonce de l'application immédiate de promesses électorales.

La seconde catégorie mobilise un ensemble de verbes auxquels l'environnement lexical nous conduit à attribuer le sens de désir et de projection d'objectifs. Cet ensemble se construit en opposition au premier dans la mesure où les verbes désignent une intention ou un processus lent de réflexion, de dialogue qui n'a pas encore été mis en route. Les principaux lemmes que nous retrouverons seront les verbes devoir (135-227), falloir (73-80), vouloir (56-77), savoir (52-31), proposer (34-26). Ces verbes communs sont les symboles de la volonté, ou de l'obligation, comme la montre la forte utilisation du verbe pouvoir (154-85).

Outre les verbes-outils, nous pouvons retirer de notre analyse que le discours se construit sur un savant équilibre entre l'action et la réflexion. Cela permet de faire émerger deux composantes majeures des discours qui nous semblent liées aux attentes de l'institution. Ainsi, le programme se doit d'énoncer un certain nombre de procédures et de politiques claires pour lesquelles il ne manque plus qu'une présentation devant le Parlement. Par ailleurs, le Premier ministre fait part à ses pairs avec un peu plus de hauteur de grandes idées et présente l'esprit général d'un chantier ou d'une loi dont la période de maturation n'est pas arrivée à son terme. Le discours se modèle sur l'alternance d'un propos ancré dans le présent mais aussi tourné vers un avenir proche pour lequel des pistes de travail se manifestent.

Nous pouvons constater que ces verbes sont équitablement répartis à travers tout le texte. En effet, le logiciel Lexico offre une fonction nous permettant de visualiser la répartition d'un ensemble de vocables dans le corpus. Une photographie de notre écran d'ordinateur nous a permis d'obtenir les deux figures ci-dessous   pour tous les vocables issus du verbe faire.

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Répartition dans le corpus France

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Répartition dans le corpus Québec

La répartition ne nous permet de faire émerger aucune constante de cet exemple. Les verbes répondent à une utilisation aléatoire sur le corpus. Nous pouvons remarquer que les sections contenant un dérivé de faire apparaissent parfois contiguës, cela étant lié au rythme interne du propos qui intercale la première et la seconde catégorie de verbes. Du reste, en reproduisant un exercice similaire avec des verbes de la seconde catégorie, nous avons constaté qu'ils n'appartenaient jamais à la même section que ceux de la première, c'est-à-dire qu'ils ne se situaient pas proches en terme de nombre de phrases.

Le recours à la méthode des segments répétés vient corroborer les résultats précédemment établis. Les segments répétés, comme les définissent André Salem et Ludovic Lebart, «   sont les séquences de mots non séparés par un caractère délimiteur de séquence, qui apparaissent plus d'une fois dans un corpus de textes. Leur prise en compte permet de répondre en partie aux questions concernant le choix des unités statistiques les plus pertinentes 92 (*)».  En France, le logiciel fait ressortir la forme il faut (52), ainsi que les structures nous devons (32), nous voulons (23 occ. pour l'UMP). Au Québec, la proximité dans l'usage des verbes est confirmée avec, outre la forme nous allons (168), les structures nous devons (31), et nous voulons (38).

Le groupe il faut apparaît très intéressant   : issu du registre oral, il a été popularisé par

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François Mitterrand. Depuis, il est repris par l'ensemble des gouvernants car cette expression présente l'avantage de «   l'indétermination des moyens quelle rend possible 93 (*) ». Preuve en est de son usage par Jean-Pierre Raffarin dans sa première déclaration de politique générale :

«   Notre objectif reste le plein emploi. Il faut éviter que, globalement, l'ensemble de nos procédures freine la création d'activité. C'est le sens de la baisse d'impôt. C'est le sens de la baisse des charges que nous engageons de façon résolue. Les baisses de charges constituent la clé de voûte de notre stratégie. Ce n'est pas de l'idéologie, mais tout simplement «ça marche », ça crée des emplois. Et c'est pour ça qu'il faut le faire. On n'a pas trouvé ça dans un petit livre rouge, dans un petit livre bleu. On a trouvé ça dans les résultats de l'Insee. C'est là où il y a de la création d'emplois ; c'est pour ça qu'il faut alléger les charges   ».

Notre propos concernant le poids institutionnel pesant sur ces discours serait incomplet sans procéder à une analyse factorielle des correspondances (graphique 4). Cet outil permet de visualiser dans l'espace la distance entre les vocabulaires des locuteurs. En prenant l'exemple de quelques discours inauguraux et de leurs répliques, notre hypothèse de la forme institutionnelle du discours d'ouverture se voit confirmée. Les trois discours officiels sont regroupés sur la gauche du graphique, ce qui signifie qu'ils ont un vocabulaire proche malgré les différences idéologiques. C'est donc la forme du discours, son genre programmatique ainsi que des thématiques récurrentes (organisation de l'État, santé, jeunesse...) qui priment sur un regroupement idéologique.

Graphique n°4 : Analyse factorielle des correspondances.

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La fracture idéologique se ressent avec les répliques des chefs de l'opposition officielle. On y trouve des caractéristiques communes, dans la mesure où ces discours sont regroupés à l'extrême droite du graphique   ; mais l'écart vertical entre les répliques libérales et péquistes est immense. Il apparaît donc que le discours de réplique laisse davantage ressortir les oppositions idéologiques.

Cette analyse factorielle des correspondances fait état de trois pôles dans le corpus choisi en exemple. Le premier repose sur les discours inauguraux, chronologiquement ordonnés. Le genre programmatique, mêlant aspects techniques et conceptions générales, est la caractéristique l'opposant aux autres pôles. Le second pôle regroupe les répliques de Jean Charest en 1999 et 2001. Ce discours de contestation, plus long que les discours inauguraux, s'attaque au bilan historique du Parti québécois. Le Parti libéral est placé dans une situation d'opposition depuis 1994 et se doit de présenter une vision alternative. Le troisième pôle, constitué par l'unique discours de réplique de Bernard Landry (2003), s'oppose au second du fait que le chef de l'opposition officielle soit ici l'ancien Premier ministre en exercice. Il n'a donc pas de bilan auquel s'objecter, mais met l'emphase sur les grands succès de son gouvernement afin d'inviter le gouvernement Charest à «   essayer de faire mieux que nous, et ce ne sera pas simple [...] la barre est haute   ».

2. Analyse stylistique des Premiers ministres : un style

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très proche.

Si les termes employés sont en grande partie les mêmes, c'est peut-être par leur emploi, la manière de les agencer dans le texte que nous pouvons différencier les types de discours. Lors d'une lecture intuitive, au-delà du cadre institutionnel, d'autres éléments entrent en jeu dans le sentiment de proximité entre les déclarations. Nous allons étudier dans une seconde partie les traits stylistiques de ces discours afin de saisir si des similarités pourraient être à l'origine de ce flou dans la différenciation. Certes, les études déjà effectuées tendent à conclure que chaque rhéteur a son style propre, mais nous allons démontrer qu'il existe un format de référence dans lequel s'inscrivent tous les locuteurs.

Le style relève du fait propre d'un auteur   ; il peut être défini comme   « un écart individuel par rapport à la norme linguistique 94 (*) » efficacement mesurable grâce à l'outil statistique. Bourdieu rajoute que « le style est en ces cas un élément de l'appareil, au sens de Pascal, par lequel le langage vise à produire et à imposer la représentation de sa propre importance et contribue ainsi à assurer sa propre crédibilité ». Grâce à la statistique textuelle, nous disposons d'un grand nombre d'indicateurs de comportements lexicaux. Nous mobiliserons ces outils heuristiques dans une optique de comparaison afin de calculer la richesse du vocabulaire. Nous étudierons ensuite l'accroissement du vocabulaire, l'usage de la ponctuation, la rhétorique du chiffre, et la négativité du propos. Les travaux pionniers de Jean-Marie Cotteret et René Moreau95(*) ainsi que les publications plus récentes de Dominique Labbé96(*) et Denis Monière97(*) favoriseront l'utilisation des outils méthodologiques à notre disposition.

La richesse du vocabulaire

Le concept de vocabulaire est appliqué au locuteur. Il le puise dans le lexique, c'est-à-dire dans la totalité des mots d'une langue. Comme nous l'avons souligné plus haut, le vocabulaire se compose seulement de quelques milliers de mots, et les individus se distinguent entre eux par son étendue. Or les hommes politiques cherchent à user d'un vocabulaire abondant car il subsiste dans nos sociétés une mythologie valorisant cela. L'autre facette du discours, sa réception, rajoute une contrainte dans la mesure où un vocabulaire trop alambiqué, trop savant, repousse l'auditoire.

Afin de calculer la richesse du vocabulaire de chacun des discours nous utiliserons le taux de répétition, le nombre de vocables de fréquence unique (hapax) ainsi que la diversité du vocabulaire 98 (*). Nous avons procédé à des calculs manuels pour toutes les mesures.

Le nombre de hapax permet de mesurer si le lexique est plus ou moins grand. Mais les chiffres apparents sont trompeurs, nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur cette valeur car les discours ne sont pas tous de la même longueur. L'indice du taux de répétition d'un mot dans chaque discours permet alors de disposer de mesures comparables. Il est obtenu par le rapport entre le nombre d'occurrences et le nombre de formes graphiques différentes. Les mots sont en moyenne répétés 4,28 fois dans les discours québécois et 3,83 fois dans les discours français. Cet écart de 45 centièmes est très faible et la comparaison entre les deux pays nous conduit à avancer une forte proximité. Ce discours politique spécifique se distingue des propos polémiques, nous rejoignons ici les résultats précédemment établis par l'analyse factorielle des correspondances. Nous avons effectué les

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mêmes mesures sur les répliques officielles au Québec, et les taux de répétition dépassent alors 6, révélant de réelles stratégies de martèlement. Nos résultats relativement faibles doivent être reliés à l'aspect programmatique du discours dont l'effet est d'aborder des sujets divers en assurant le peuple de ses aptitudes à gérer le pays.

Nous pouvons alors mettre ces résultats en parallèle avec le taux de hapax par discours. Il varie entre 18% et 10%, mais dans l'ensemble la moyenne se situe à 14% pour les discours français comme pour les discours québécois. Il apparaît une fois de plus une caractéristique commune aux deux pays. Le discours, de part sa forme, présente les particularités d'un discours très développé, non redondant. Il ne fait pas passer avec acharnement un message de persuasion mais laisse apparaître dans un ton littéraire une grande maîtrise de l'objet. Les taux de hapax renvoient à un vocabulaire riche qui, de part les statistiques, se situe entre l'oral et l'écrit. C'est précisément à cet endroit que nous ressentons qu'il s'agit davantage d'une lecture que d'une performance oratoire.

La répétition est un peu plus forte au Québec, mais il faut noter aussi que les discours sont légèrement plus longs. Cela nous conduit à examiner les caractéristiques statistiques de la langue. Il convient de relativiser les précédents résultats car il faut tenir compte de la loi de Zipf selon laquelle plus un discours est long plus la tendance à la répétition s'accroît car le locuteur n'utilise pas un vocabulaire illimité 99 (*). Cependant cette loi, généralisée par Mandelbrot, fait encore aujourd'hui l'objet de débats. Afin de neutraliser les différences de longueur des discours, nous avons calculé la diversité du vocabulaire. Cette mesure, effectuée manuellement, est très longue et fastidieuse : nous avons séparé le corpus en 86 parties de 1 000 mots puis il a fallu effectuer une analyse lexicométrique distincte pour chaque partie afin de faire ressortir le nombre de formes différentes. Le tableau ci-dessous fait état des moyennes.

Tableau n°2   : Diversité moyenne du vocabulaire pour 1000 mots 100 ( * )

Discours Bouchard 1996

Bouchard 1999

Landry 2001

Charest 2003 Charest 2003

Diversité 433 445 460 391,75 411,91

Discours Juppé 1 1995

Juppé 2

1995

Jospin 1997

Raffarin 2002

Raffarin 2004

De Villepin 2005

Diversité 441,7 420,2 447,2 422,7 418,3 436,8

Le vocabulaire apparaît extrêmement riche et divers. Bourdieu dit d'ailleurs de ce signe de richesse qu'il devient alors «   signe d'autorité   » et permet d'être «   cru et obéis   ». Au Québec comme en France, la diversité est extrêmement élevée, et les résultats présentent une homogénéité impressionnante entre tous les discours. L'objectif des discours d'ouverture est de transmettre un message volontaire de compétence, et même d'expertise. Le travail effectué sur le choix des mots correspond clairement à cette exigence.

La diversité souligne vraiment que notre corpus est un ensemble qui se caractérise par «   l'oralisation   » d'un discours écrit. Pour mettre en relief cet aspect, nous avons placé nos

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résultats en comparaison avec des discours politiques purement oraux de type conférences de presse, petits discours sur notes, et débats télévisés.

Graphique n°5   : Diversité du vocabulaire de quelques grands corpus 101 ( * )

Comme nous pouvons le voir dans le graphique réalisé ci-dessus, les discours d'ouverture se détachent nettement. Alors que Mitterrand est réputé pour son art de la parole et la finesse avec laquelle il pesait chaque mot 102 (*), les Premiers ministres dont nous étudions les propos se positionnent bien au-delà. Seul le « parler d'assemblée »103(*) et la forme du discours permettent de différencier notre corpus des autres prestations. Ce sont donc les éléments que nous retenons pour rapprocher les discours français et québécois.

Le rythme du discours

Le rythme du discours revêt également une grande importance, et la ponctuation permet de nous éclairer à cet endroit. Les signes de ponctuation sont des formes graphiques, donc le logiciel de statistique textuelle les comptabilise comme n'importe quel mot. Cela nous permet de disposer des fréquences et d'effectuer ensuite quelques calculs supplémentaires 104 (*).

On peut constater que les locuteurs ayant le vocabulaire le plus riche sont ceux dont les phrases sont les plus longues du fait d'une argumentation complexe. Ainsi Bernard Landry, qui présente le plus fort taux de hapax (18%) et une diversité de 460 formes pour 1 000 mots, est le Premier ministre dont les phrases sont les plus longues avec plus de 28 mots. Souvent qualifié de littéraire, cet excellent orateur a présenté une vision générale dans un discours très court. Il s'est inscrit dans les discours de son prédécesseur, qui présentent sensiblement les mêmes caractéristiques, en imposant un style de maîtrise des clés de l'État.

Les résultats apparaissent assez homogènes, même si les discours québécois se détachent parfois du fait de leur longueur. Bien évidemment, c'est particulièrement dans ces mesures qu'il est envisageable de faire ressortir les caractéristiques personnelles, mais tout cela reste bien relatif. Ainsi, la moyenne du nombre de mots se situe aux alentours de 20, alors que si nous la comparons à des corpus de grands orateurs, nous pouvons voir que François Mitterrand utilisait 33 mots par phrase 105 (*), et l'ancien journaliste René Lévesque 36 mots106(*)

! Les discours d'aujourd'hui sont plus pragmatiques et beaucoup moins enflammés qu'autrefois, en témoigne le faible nombre de virgules par phrase : 0,87 pour Charest, 1,13 pour Juppé, 1,6 pour Bouchard. Cet indicateur permet de distinguer le recours à des phrases

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plus ou moins complexes. Tandis que René Lévesque utilisait autrefois plus de deux virgules par phrase dans de longs raisonnements intellectuels, la tendance se profile actuellement à la simplification du propos, grâce à une épuration du vocabulaire complexe, l'offre de raccourcis heuristiques à travers des mots clés, etc... Face à une médiatisation croissante, les discours doivent plus que jamais se rendre intelligibles. Avec des phrases courtes, des incises peu nombreuses, le Premier ministre est assuré que l'auditoire ne perdra pas le sens. Dans cette optique, Denis Monière avance que la longueur idéale pour une bonne compréhension est d'environ 24 mots par phrase : tous les discours des Premiers ministres se situent d'ailleurs dans cette moyenne.

Pour le reste, les autres formes de ponctuation nous apprennent relativement peu de choses. Nous pourrons simplement noter que toutes exclamations ou interrogations sont bannies, ce qui marque la différence avec des discours davantage polémiques. Par ailleurs, les tirets sont peu employés, signe de l'abandon du style cumulatif, toujours dans l'optique de se purger de tout obstacle à la compréhension. Enfin, notons que la citation n'est plus de mise, les Premier ministres évitent désormais le recours à d'autres pour attester la valeur de leurs propos.

La rhétorique du chiffre

L'exploration de l'emploi des chiffres rentre dans le cadre de l'étude stylistique. Le recours aux chiffres peut caractériser un discours ancré dans l'action, et souligner des qualités de gestionnaire. Comme pour la richesse lexicale, il existe une mythologie autour du chiffre. Il symbolise l'expertise, la bonne connaissance des dossiers et les hommes politiques ne peuvent dès alors omettre d'insérer de telles énumérations de chiffres dont nul ne vérifiera la véracité. Le passé récent nous a montré, lors du célèbre débat de 1974 entre Giscard d'Estaing et Mitterrand 107 (*), que cette connaissance représente un enjeu de taille. Dès lors, les Premiers ministres, sans sombrer dans la démagogie, auront tendance à employer des vocables relevant du rationnel pour combler des attentes « émotionnelles ». Si nous accordons un peu d'attention aux chiffres mobilisés dans le cadre budgétaires ou de prévisions d'augmentations en tout genre, on constate que ces chiffres tiennent plus d'un effet d'annonce. Une valeur ne prend sens que dans la mesure où l'on dispose d'une échelle de comparaison, ce qui n'est généralement pas le cas. Ainsi, si nous nous plaçons dans une perspective aristotélicienne, les millions et les milliards relèvent davantage du pathos que du logos.

Chaque chiffre correspond à un usage différent 108 (*). Les dizaines sont liées le plus souvent à l'expression d'une situation en années, en acteurs, en pays. Au Québec, les centaines font référence à des numéros de lois. Les milliers représentent des emplois, ou de petites sommes comme des salaires ; enfin, les autres valeurs correspondent majoritairement à de grosses sommes en rapport avec le budget de l'État. Par ailleurs, nous avons pris en compte les signes dollars et pour-cent afin de disposer de plus d'indicateurs.

Notre ensemble de discours apparaît ici assez hétérogène. Ceux du Québec mobilisent beaucoup plus de chiffres en valeur absolue. Cela viendrait corroborer les qualités de gestionnaire attribuées à Lucien Bouchard et Bernard Landry. Mais en calculant la proportion de valeurs numériques dans chaque discours, nous obtenons des résultats différents. Une fois la longueur du texte neutralisée, on peut observer que les seconds discours d'un même Premier ministre se détachent systématiquement par une forte utilisation des numéraux. Cette constante réside dans une orientation différente du discours. La

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première déclaration correspond à sa dénomination de «   générale   », et consiste en une vision globale des changements à établir pour l'avenir du pays. Lors du second discours, qui suit un remaniement ministériel, le gouvernement est dans l'action, il dispose de bonnes connaissances des dossiers et peut désormais chiffrer précisément les initiatives qu'il va prendre. L'extrait suivant, tiré du discours de Jean Charest en 2006, en est particulièrement révélateur   :

«   Monsieur le Président, la situation des familles du Québec va continuer d'occuper une place prépondérante dans l'action du gouvernement, au cours des mois qui viennent. Depuis le 1er janvier 2005, 1 million de familles québécoises avec enfants profitent d'un nouveau régime de soutien aux enfants qui redistribue 2   milliards de dollars par année.

En termes concrets, ça donne quoi, M. le Président? Permettez-moi de vous donner un exemple. Le soutien maximal procure plus de 3   000   $ de plus à un couple avec deux enfants ayant un revenu de 43   000   $. C'est 1 million de familles qui voient s'accroître leur marge de manoeuvre financière 109 (*). »

Le Premier ministre actuel du Québec situe temporellement ses objectifs, présente le coût total du programme ainsi que le nombre de citoyens qui en sont bénéficiaires. Il en sera de même pour Alain Juppé en 1995 avec la réforme de la sécurité sociale, Lucien Bouchard en 1999 dans l'accompagnement de la jeunesse, et Jean-Pierre Raffarin en 2004 pour la relance de la croissance et de l'emploi.

La négativité

Sur ce dernier point, il s'agit une fois de plus de faire émerger des similitudes entre les différents discours. Le discours d'ouverture présente-t-il des aspects relevant de la critique ou de la polémique   ? Le graphique n°6 montre que les discours en France comme au Québec ont des caractéristiques identiques quand à la négativité. Nous avons retenu les vocables pas, n' et ne comme révélateurs de cette situation.

Comme dans notre sous-partie précédente, les seconds discours d'un même Premier ministre présentent tous la même baisse. Il apparaît en effet logique que les locuteurs ne vont pas effectuer un bilan négatif de leur action mais au contraire user du discours pour renforcer un sentiment de réussite et assurer du respect de leurs engagements. La courbe rouge de l'article pas est très représentative de cette tendance.

Les résultats concernant les discours de Jospin et De Villepin dévient de la norme avec une négativité un peu plus élevée. Nous attribuons cela à la situation de cohabitation pour Lionel Jospin et au besoin de rupture que Dominique de Villepin a voulu apporter à la suite de Jean-Pierre Raffarin.

Graphique n°6   : Fréquences relatives des adverbes de négation pas, n' et ne

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Cependant, ces écarts semblent minimes s'ils sont comparés à d'autres corpus politiques. Il est indéniable que le poids de l'institution contraint ces discours à être peu critiques car davantage préoccupés d'obtenir la confiance de tous. L'attitude d'un chef de gouvernement le conduit à ne pas polémiquer au contraire des autres discours dans le Parlement. En effet, notre corpus ne peut en aucun cas être généralisé au discours d'assemblée, ni même au discours gouvernemental comme l'ont fait Labbé et Monière. La déclaration est l'antithèse des propos que pourrons tenir les partis d'opposition 110 (*). Ainsi, il semble évident dans le graphique ci-dessous que les répliques des chefs de l'opposition officielle sont toutes tournées vers une négativité de mise pour un tel exercice.

Le discours de réplique des chefs de l'opposition officielle au Québec est l'excellent exemple d'un exercice destiné à critiquer et remettre en cause les propos tenus la veille lors du discours d'investiture. Les conditions d'énonciation sont identiques, l'auditoire est le même, mais la visée est bien différente. De la sorte se développe un discours polémique avant tout.

Graphique n°7   : Fréquences absolues cumulées des articles pas et ne

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Nous pouvons un instant examiner ce discours sur le discours, car le Premier ministre au Québec va devoir anticiper sur cette réplique tant attendue par les médias. Par exemple, chez Jean Charest, on trouve un emploi important de guillemets car le libéral reprend les propos péquistes pour mieux les renverser. Aussi le verbe citer apparaît parmi les spécificités positives du PLQ dans notre ensemble des répliques de 1999 et 2001, et le segment et je cite est parmi les plus répétés. De même, l'utilisation de la question rhétorique permet de mettre l'accent sur une affirmation. Le recours important à cette figure de style (32 et 29 fois) ainsi qu'à la citation amènera à des phrases caractéristiques telles : « le premier ministre nous dit que, et je cite, « créer de l'emploi, c'est notre priorité » »   ; ou encore cet enchaînement d'interrogations très révélateur   :

«   Et qu'avons nous en retour pour notre argent ? Parce que c'est ça, la question que ces gens là doivent se poser. Quand on paie plus, on doit se demander : on reçoit quoi en retour? Il se peut très bien, monsieur le Président, qu'on fasse un choix de société, un choix collectif de payer davantage, et, en retour, on se dit : on s'offre plus de services, le système de soins de santé est meilleur, extraordinaire, différent de celui des juridictions qui nous entourent. Ce n'est pas évident 111 (*) ».

Dans ce chapitre, nous avons montré que la fréquence des vocables permet de mettre en relief un certain nombre d'éléments caractéristiques des discours québécois et français. Il est saisissant d'observer combien ils sont proches sur de nombreux points. De la contrainte institutionnelle au style, il a été mis de l'avant le recours à des mots-outils communs et à des mots-thèmes peu éloignés. De plus, nous avons souligné que l'énonciation relève davantage du genre écrit que de l'oral. Nous allons désormais examiner les aspects nationaux grâce auxquels les discours se distinguent.

Chapitre 3

L'influence des spécificités nationalesAprès avoir soulevé un certain nombre de normes partagées dans la composition des discours au Québec et en France, nous allons mettre en relief les spécificités de chaque discours. C'est désormais davantage sur les thèmes que portera notre propos, et nous mettrons en exergue les éléments caractéristiques d'un pays. Ensuite nous verrons si le

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système politique influe sur certains choix lexicaux.

1. L'enjeu de la souveraineté au coeur des discours d'ouverture au Québec.

La bataille du « Québec »

Comme nous l'avons montré lors de notre préalable historique, le phénomène du souverainisme québécois n'est pas récent. Il est issu d'une culture de conflit entre anglophones et francophones qui a traversé les siècles pour évoluer d'une lutte militaire à une revendication politique. La place et le choix des mots revêtent alors une place essentielle, car comme le note Olivier Reboul, «   les croyances, les idéologies qui fondent une position politique s'objectivent dans le langage 112 (*) ». Le nationalisme québécois se construit ainsi dans le langage à travers ses désignants. Le théoricien Karl Deutsch souligne que le groupe national défini un « nous » collectif qui se différencie des autres113(*), il apparaît alors normal que le premier vocable historique apparu soit canadien français. La première identité reposait sur un territoire, et sur le fait culturel du partage de la langue française. L'identité s'est développée par opposition aux anglophones, et la conservation de canadien a été analysée comme « une collectivité soumise qui porte la marque de sa dépendance114(*) ». Avec le terme Québécois, l'identité a évolué vers un contenu politique et ne s'est pas restreinte à un groupe d'individus mais prend une conception plus large. Ce n'est plus la langue qui permet d'effectuer une distinction, mais l'appartenance à un État.

Cependant, il faut insister sur le fait que le vocabulaire nationaliste autour du terme Québec est produit à la fois par les souverainistes, mais et par les libéraux qui sont pourtant fédéralistes. En réalité, le sens accordé à cet ensemble de vocables fait constamment l'objet de conflits entre les deux entités politiques.

Comme on le voit ci-dessous, il n'y a pas d'emploi homogène des vocables Québec, Québécois, québécoise, québécois car chacun tente de se l'approprier et en aucun cas un Premier ministre ne pourrait négliger cela. Cette bataille lexicale incessante transparaît encore plus nettement grâce au calcul des spécificités 115 (*) : Québec est une spécificité positive de Jean Charest et négative de Lucien Bouchard ; québécoise est une spécificité positive Bouchard et négative de Charest, etc...

Graphique n°8   : Fréquences relatives des vocables du nationalisme par année.

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Il est vain de démarquer un des deux partis, car l'appropriation du sens est au coeur de leur lutte de pouvoir. Comme le soulignait Annette Paquot il y a plus de vingt ans, « le mot Québec, nom propre qui fonctionne comme un collectif, est défini limitativement par la majorité des énonciateurs nationalistes comme l'ensemble des francophones de vieille souche. Employé en ce sens, il est porteur de connotations, idéologiques et affectives particulières 116 (*) ». Ce sens est celui adopté par le Parti québécois, dont on n'oubliera pas de noter que le choix du nom entre réellement dans cette lutte d'appropriation identitaire. Le Parti libéral, soit Jean Charest dans notre corpus, use de la polysémie du terme pour considérer les Québécois comme tous les habitants du Québec, sans effectuer une restriction liée à l'origine, à la langue, ou à la revendication politique.

Le choix sémantique pour qualifier le projet politique se situe dans le même ordre. Historiquement, on a parlé de séparatisme, puis d'indépendance, et aujourd'hui de souveraineté 117 (*). Denis Monière souligne que le sens des termes n'est pas le même, car la souveraineté est la « détention du pouvoir suprême » alors que l'indépendance est « la forme que prend la souveraineté dans les relations avec les autres États118(*) ». Le mot souverainisme apparaît élastique et plus ambigu car il n'exclut pas, par exemple, la thèse du fédéralisme asymétrique.

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Graphique n°9   : Fréquences relatives de souveraineté, séparation et référendum.

On peut voir que le Parti québécois monopolise l'emploi de souveraineté, ce qui apparaît normal dans la mesure où il s'agit de son unique finalité. À l'opposé, Jean Charest fait apparaître un mot nouveau en désignant ses adversaires de «   tenants de la séparation   », il joue alors sur la connotation péjorative associée à ce terme. Il y adjoint référendum qu'il brandit comme l'obsession qui éloigne les péquistes des réalités. Ceux-ci l'avaient progressivement abandonné suite à l'échec de 1995 et à sa résonance défaitiste.

Le discours souverainiste de Bouchard et Landry passe aussi par le recours aux noms propres Canada, Ottawa, et Ontario. Nous avons tenté de faire émerger une structure actancielle sous la forme de celle proposée par Jacqueline Picoche 119 (*). On constate que le nom propre sujet Canada est plus souvent agent que patient : le Canada a fait son choix, force le jeu, impose ses vues et la personnalisation va jusqu'à le faire parler à l'aide du verbe dire. De plus, Canada est accompagné de l'adjectif anglais dans 29% de ses utilisations (15), reproduisant le vocabulaire du nationalisme de conservation qui primait de la fin du XIXe

siècle à la première moitié du XXe siècle. Les vocables Canada-anglais (+13) et Canada-français renvoient à cette fracture linguistique dans la confédération, et on notera à cet égard que le substantif langue (21) est beaucoup plus utilisé par le Parti québécois, et au regard des concordances, la langue est associée à la nécessité de conservation du français (9), mais aussi à l'ouverture vers d'autres langues (7).

Graphique n°10   : Spécificité des noms propres Canada et Ottawa par parti.

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Le graphique ci-dessus rend évidente cette opposition dans l'utilisation du champ lexical fédéral. De la même manière que Canada, le nom propre Ottawa (+4) est personnalisé par les péquistes et devient littéralement acteur ; la capitale incarne alors tous les maux du gouvernement fédéral (+11) 120 (*). Ottawa s'autorise certaines légèretés, Ottawa préfère créer une nouvelle bureaucratie... Les libéraux font bien moins référence au Canada et à Ottawa, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que l'ancien ministre de l'environnement, fédéraliste convaincu, oppose à une vision souverainiste les avantages d'un Québec fort dans un Canada riche de son union.

L'usage de l'anglais

Les Premiers ministres adressent toujours quelques propos à la minorité anglophone du Québec. L'enjeu linguistique est de grande importance au Canada, et le bilinguisme mérite d'être analysé afin de comprendre comment les politiciens francophones s'adressent aux 8% de Québécois anglophones.

Tableau   n°3 : Usage de l'anglais par discours d'ouverture.

Nombre total Nombre de formes Pourcentage sur le total des

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d'occurrences différentes occurrences du discours

DO Bouchard 1996

- - -

DO Bouchard 1999

432 227 3,506%

DO Landry 2001

71 41 1,163%

DO Charest 2003

44 36 0,482%

DO Charest 2006

276 151 2,333%

Total 823 - 1,709%

Le tableau n°3 expose la part de l'allocution consacrée à l'anglais en pourcentage par rapport à l'ensemble de chaque discours. On pourrait s'attendre à ce que les souverainistes négligent cet auditoire traditionnellement fédéraliste, mais la réalité révèle le contraire. C'est en effet Lucien Bouchard qui prononcera le plus de mots en anglais, l'ancien chef du Bloc québécois au Parlement fédéral accorde 3,5 % de son discours à cette langue qu'il maîtrise parfaitement. Mais c'est aussi lui qui en usera le moins avec un usage nul en 1996. Il faut bien préciser que tous les discours inauguraux comprennent d'ordinaire un minimum d'une phrase en anglais, alors que les répliques officielles des chefs de l'opposition en sont dépourvues.

Il apparaît clairement que les phrases en anglais dans les discours sont uniquement destinées à être reprises dans les médias anglophones. Que ce soit au PQ ou au PLQ, les mêmes propos rassurants se retrouvent. Cela transparaît dans les vocables les plus utilisés 121 (*) : les verbes to assure, to protect, to enrich, to contribute servent à tranquilliser les Québécois anglophones en prônant l'enrichissement lié au bilinguisme. Le substantif government devient le sujet des phrases dans la mesure où celui-ci s'engage à protéger the English-speaking population.

2. La France face à des défis structurels

La bataille de l'emploi

L'emploi est le réel leitmotiv des dix dernières années de gouvernance en France. Lorsque François Mitterrand prit le pouvoir en 1981, le nombre de chômeurs était de 1,8 millions, et cette valeur atteignit 2,8 millions 14 ans plus tard. Lionel Jospin la réduisit de 3,1 à 2,4 millions en 5 ans, et désormais le nombre de chômeurs est stabilisé autour de 2,6 millions 122 (*). Quoi qu'il en soit, la résorption du chômage s'est imposée comme la grande bataille de la fin du XXe siècle. Tous les dirigeants politiques font désormais preuve d'un certain volontarisme et tentent leur chance face à cette oeuvre colossale.

L'objectif des Premiers ministres de droite comme de gauche est de relancer l'emploi (114) grâce à tous les moyens possibles. Par ailleurs, leur action (45) réside aussi dans le retour de

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la confiance (25) des ménages. Comme le laisse entendre le politologue Roland Cayrol 123 (*)

« les Français ne croient plus, dans leur immense majorité, qu'une solution globale (une solution politique) puisse être trouvée, à court ou même à moyen terme, au problème du chômage ». Ce fléau pèse sur les esprits, mais l'espoir persiste car les deux tiers des Français estiment que le chômage et l'emploi doivent être les priorités du gouvernement124(*). Dès lors, les Premiers ministres vont composer avec les attentes de leurs concitoyens.

Graphique n°11   : Fréquences relatives des vocables emploi, chômage et économie.

Le vocable le plus utilisé est emploi, et il regroupe tout un champ lexical composé des termes chômage (28), contrat (36), travail (52), embauche (16), création (33). Dans leur étude sur les discours de politique générale 125 (*), Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith font remarquer que Édith Cresson, Édouard Balladur, Alain Juppé et Lionel Jospin insistent moins sur le commerce, l'économie, pour privilégier l'emploi. Le graphique ci-dessus corrobore leurs résultats, qui peuvent désormais s'étendre jusqu'en 2006. Par ailleurs, les deux courbes situées au bas du graphique nous permettent d'effectuer un parallèle entre chômage (28) et économie (23). Nous constatons que ces vocables sont employés dans les mêmes proportions, et qu'au-delà, ils suivent la même évolution. Les deux phénomènes subissent un usage commun car les Premiers ministres avancent que le chômage est lié aux faibles performances de l'économie nationale. Sans la définir comme telle, les dirigeants

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présentent la cause de ce chômage comme structurelle. C'est ainsi qu'on parlera beaucoup de croissance (39) car cet indicateur cristallise les solutions dont l'État (124) n'est pas maître. Le refus de présenter cette situation en tant que structurelle les amène tous à tourner autour d'une réalité par l'échappatoire de l'éducation, des charges patronales ou encore de l'Europe. Les propos ne peuvent pas s'inscrire dans un réalisme trop dur qui exposerait les blocages intervenus lors de l'évolution des structures démographiques, économiques, sociales, institutionnelles. Gouverner signifie étymologiquement tenir la barre126(*), alors un chef de gouvernement ne peut renvoyer l'action à plus tard.

On constate que la fréquence du terme emploi est proportionnelle à l'évolution du taux de chômage. Ce vocable monopolise l'espace, il est un symbole mobilisé comme un espoir en l'avenir (47), et cela se développe au détriment de l'usage de son champ lexical 127 (*). Le terme chômage dont la résonance rappelle les échecs successifs de l'ensemble des gouvernements, est progressivement délaissé ; il en est de même pour le vocable travail. On remarque aussi l'emploi parallèle de création et de contrat : nous considérons ces termes révélateurs des politiques adoptées durant cette dernière décennie. Pour pallier au chômage, de nombreux outils ont été développés, nous allons en présenter trois à travers des extraits caractéristiques :

- les contrats aidés pas l'État   : «   Nous allons instituer le contrat initiative-emploi dont vous connaissez l'économie générale   : pour un salaire au niveau du SMIC, une exonération complète des charges sociales patronales et une prime de 2   000 francs par mois pendant deux années   » (Juppé, 1995).

- le soutien à la création d'entreprise   : «   Nous créerons des conditions propices au développement des ces entreprises, par une fiscalité favorable à l'investissement, par la mobilisation de l'épargne, par le renforcement des fonds propres des PME, par la simplification des procédures administratives, par une politique active du capital-risque. C'est là, je le sais bien, que se situe le principal gisement d'emplois du tournant du siècle   » (Jospin, 1997).

- des nouveaux contrats de travail   : «   Dans le respect du code du travail, je propose la mise en place à compter du 1 er septembre d'un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée, le «   contrat nouvelle embauche   ». Mieux adapté aux contraintes des très petites entreprises auxquelles il pourra être proposé, il conciliera plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles sécurités pour le salarié   ». (De Villepin, 2005).

Autour de ces programmes, on notera l'existence du champ lexical de l'éducation et de la formation. Il persiste en France une mythologie urbaine qui valide l'équation éducation égal emploi 128 (*). Dès lors nous pouvons constater que l'offre de politiques correspond à cette croyance : l'éducation est généralement présentée dans les discours lors du questionnement sur une meilleure orientation pour favoriser l'entrée sur le marché du travail129(*). De l'école (29) à l'université (12), l'enseignement (8) scolaire (17) est orienté vers l'éducation (23) et désormais vers une vraie formation (29) professionnelle (21). Cependant, la cible étant les jeunes (46), l'absence des mots collège et lycée apparaît contradictoire alors que ces institutions formatrices sont fondamentales dans le processus de développement et d'acquisition d'un savoir commun.

D'autres lierons le cas de l'emploi avec l'Europe (33). Lors des négociations pour l'Union

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économique et monétaire, Juppé et Jospin se reposeront sur la Communauté européenne. Ce paragraphe apparaît très symptomatique   :

«   Certes la croissance ne se décrète pas, elle se prépare, elle se gagne. Nous n'y parviendrons pas seuls. L'atonie de la croissance est un problème posé à l'Europe tout entière. La réponse doit pas conséquence être commune. [...] Dans un délais très court, nous avons pu obtenir de tous nos partenaires, d'une part, l'acceptation d'une résolution sur la croissance et l'emploi venant compléter et équilibrer le pacte de stabilité et, d'autre part, la tenue d'un sommet exceptionnel consacré à l'emploi.   » (Jospin, 1997)

Les exigences importantes de l'Union ont pour effet de placer les chefs de gouvernement dans une situation où ils se déchargent d'un problème national sur la zone économique régionale. Cette initiative permet de recontextualiser à juste titre le phénomène en libérant la voix au gouvernement sur d'autres domaines. Mais cette réflexion abandonnée par Jean Pierre Raffarin était empreinte de réalisme économique.

La réaffirmation des valeurs républicaines

Face aux problèmes d'exclusion (19), de sécurité (55) et devant le nécessaire besoin de réforme (51), les Premiers ministres français réinvestissent le champ lexical des valeurs de la République. Ainsi fleurissent de nombreux termes symboliques et forts de sens. Solidarité, égalité, justice, telle aurait pu être la nouvelle devise de l'État sous l'ère Jospin. Notre corpus ne comporte qu'un seul discours socialiste, il n'est alors pas aisé d'effectuer une généralisation, mais nous pouvons noter que ces termes sont sur-employés par la gauche. Lionel Jospin souhaite faire vivre la République (2), ce segment ouvre la voie à tout un discours replaçant les valeurs au coeur du dispositif. Il exprime sa confiance dans les institutions (+4), sa conception (+3) républicaine (+3) de la démocratie (+4), son désir de pluralisme (+3) 130 (*). Les vocables solidarité (47) et justice (43) sont également mobilisés par les Premiers ministres de droite. Et d'une manière générale, c'est l'idéal de la démocratie (35), le souci d'égalité (31) qui est porté par l'esprit (31) républicain (20) qu'incarne chaque homme politique. Lionel Jospin énonce littéralement ses fins en soulignant que « Revenir aux sources de notre République doit nous faire saisir à quel point notre pays souffre d'un retard démocratique. La modernisation de notre démocratie ne suppose pas seulement des réformes institutionnelles, elle nécessite de profonds changements culturels ».

Il convient de prendre le temps d'analyser la portée sémantique de l'ensemble de ces termes. Jean-Marie Denquin affirme que le terme républicain «   est utilisé rituellement, mais sans passion 131 (*) » ; un tel raisonnement ne peut pas s'appliquer ici car avec la crise des valeurs, on peut voir que le champ politique réinvesti véritablement tous ces termes porteurs de sens afin de réaffirmer le partage de valeurs communes. Nous postulons que l'État, à travers ce type de discours, n'est ni dans l'État-symptôme ou l'État-miroir comme l'avancent parfois les médiologues132(*). On prend en quelque sorte le chemin de l'État-symbole dans lequel s'applique la supériorité de l'idée sur la réalité. Mais entre pragmatisme et réintroduction des valeurs, c'est plutôt un État-repère qui est en train d'émerger dans ces discours. La situation crée le sens et les Premiers ministres peuvent user des mots phares de la République pour actualiser les valeurs et montrer aux Français les éléments autour desquels ils peuvent tous se retrouver.

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3. La différenciation lexicale des partis gouvernementaux au pouvoir.

Le maintient d'une fracture discursive au Québec.

La principale opposition, nous l'avons montrée précédemment, concerne le projet de société. Or celui-ci a des incidences sur les thèmes développés par les partis. Le Parti québécois s'est parfois interrogé sur son positionnement politique, car l'indépendance n'est pas une fin en soit, et il a alors investi le champ du social. D'après Denis Monière, le problème de la souveraineté serait lié à ce dernier thème, et certains avancent un écueil théorique qui consiste à   :

« assimiler le nationalisme à l'idéologie bourgeoise et au capitalisme, et à postuler que seuls la lutte des classes et le passage du capitalisme au socialisme permettront spontanément de résoudre la question nationale 133 (*). »

Sans adhérer à cette vision trop radicale et simpliste, les péquistes se sont lancés dans un vaste projet de social-démocratie. Les spécificités lexicales sont sur ce point très explicites 134 (*). Bouchard et Landry vont parler de réforme (+4) de la sécurité sociale (+4), mais surtout de solidarité (+5) qui sera un de leurs objectifs prioritaires. En outre, c'est le PQ qui mobilise le plus d'adjectifs liés à social135(*). Bernard Landry développe particulièrement un discours de gauche. De plus, on constate une sur-utilisation des vocables de la jeunesse (+3) car les souverainistes ont mis en place de nombreuses actions (+4) envers les étudiants (+3) afin de favoriser une économie du savoir. L'emploi (+16) apparaît comme le vocable qui caractérise le plus ce parti. Les deux hommes politiques ont mobilisé particulièrement d'énergie pour présenter des conditions favorables à la création d'emplois (+3).

Le Parti libéral du Québec, pour sa part, n'a pas d'autres choix que de se positionner à l'opposé du Parti québécois. Toute la politique de Jean Charest se concentre sur l'économie et la santé. L'actuel Premier ministre s'attaque aux finances publiques, un segment très répété (11 fois) 136 (*). Il soulève le spectre de la dette (+6), et situe sa responsabilité (+3) dans la relance de la croissance (+3). C'est particulièrement grâce aux revenus tirés de l'énergie (+5) qu'il pourra favoriser (+3) la baisse du fardeau fiscal (+3)137(*). D'autre part, il agit sur le développement économique (11) des régions du Québec (15). Il avance que ses efforts (+3) seront synonymes de richesse (+5) et de prospérité (+4).

Jean Charest opte volontiers pour un discours alarmiste afin de s'imposer comme l'unique homme capable de redresser le Québec. Il use abondamment du concept de système (+4) dans un sens très négatif, et il a récemment essayé d'introduire le concept de crise138(*).

Enfin, le cheval de bataille des libéraux québécois est le domaine de la santé (+9). Comme on peut le voir ci-dessous, le PLQ impose sont leadership (+4) sur un thème qui lui a toujours réussi. Il est important (+2) de revoir (+3) les services aux citoyens (+6), donc Jean Charest a choisi de faire appel à l'initiative privée en mettant en place des projets de partenariat. Il agit pour le bien commun (+3) face à ces lourds défis (+3) et le coût trop élevé des infrastructures (+4) publiques (+3).

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Graphique n°12   : Fréquences relatives des vocables santé et soin par année.

Les mêmes mots pour les mêmes thèmes en France

Comme le soulignent Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith dans leur étude très complète des discours de politique générale en France 139 (*), on ne peut plus catégoriser l'énonciateur selon son appartenance à une idéologie de gauche ou de droite. Pour eux, la crise structurelle qui frappe la France depuis la fin des années 1970 a conduit à une technicisation du discours au détriment de l'aspect idéologique. Au-delà, c'est « un vocabulaire unique » qui tend à rapprocher des discours flous « au contenu vague ».

Valeurs abstraites, considérations sociales, il existe un discours type qui serait reproduit par tradition. En s'attardant sur les spécificités de chaque parti que le logiciel a extraites, nous pouvons percevoir qu'elles sont très peu nombreuses 140 (*). L'UMP se distingue par le sur-emploi du seul adjectif sociale (+4) et du seul verbe agit (+3). On remarque aussi que les écarts sont relativement faibles : le plus important est de +5 pour le PS et +4 pour l'UMP, alors qu'au Québec on trouve par exemple les vocables emploi et président avec une spécificité de +16. Cela signifie que les discours de notre corpus « France » sont trop proches et trop semblables pour pouvoir extraire des caractéristiques fortes.

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Le constat est renforcé par l'analyse des segments répétés 141 (*). Les trois groupes les plus fréquents, soit il faut, j'ai, et notre pays, sont les mêmes pour la gauche comme la droite. Quel résultats devons-nous établir à partir de cela ? Les discours se rapprochent par leurs usages lexicaux, et à l'heure du déclin des idéologies, les gouvernants semblent s'être résignés à toute introduction d'un lexique partisan. Dominique Labbé, grâce à une analyse poussée de rapprochement lexical par dendrogramme, a démontré avec les couples Cresson-Balladur et Juppé-Jospin que le clivage droite-gauche avait disparu142(*). De plus, il laisse entendre que l'influence du temps n'a pas d'effets sur des discours qui ne changent pas.

Prenons l'exemple du champ lexical de social. Ces termes ont généralement été davantage employés par les gouvernements de gauche que par ceux de droite. Or on constate ici que c'est Lionel Jospin, dont la rhétorique a d'ailleurs souvent été qualifiée de libérale, qui emploie le moins ces termes. Sociale (+4) apparaît comme une spécificité de l'UMP, mais il convient de minimiser la portée de ce résultat ainsi que de la pointe de Juppé sur la courbe ci-dessous car ces discours ont essentiellement porté sur la sécurité sociale. Nous pouvons seulement constater que Lionel Jospin investit le champ du service public en s'opposant aux privatisations et en réaffirmant les fonctions essentielles (+3) des organisations (+3) publiques (+3) dont les différents mandats (+3) permettent aux citoyens (+3) de bénéficier de services équitables.

Graphique n°13   : Fréquences relatives des vocables sociale, sociaux, social par année

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Retenons que ce mouvement global en France n'est pas nouveau   : Jean-Marie Cotteret évoquait déjà la dépolitisation des discours il y a 30 ans dans son étude sur Mitterrand et Giscard d'Estaing. Il soulignait à l'époque que «   la coloration politique du vocabulaire n'est pas immuable   ; certains mots circulent dans l'éventail des idéologies, adoptés par les uns pour être ensuite récupérés par les autres 143 (*) ». Une fois de plus, il convient de replacer notre propos dans le cadre du corpus. Cette analyse s'applique uniquement aux déclarations de politique générale en France, et n'est en aucun cas réductible au discours gouvernemental ou même au discours politique.

Nous contre je : des pronoms pour un système politique

Nous allons analyser les pronoms personnels   en tant que révélateurs de la conception du pouvoir. Les pronoms personnels se présentent-t-ils comme un outil commun aux différents Premiers ministres   ? Ceux-ci seraient probablement tentés de différencier leur discours de celui de leur prédécesseur en le personnalisant à outrance. À l'inverse, ils pourraient s'inscrire dans le même type de rapport au destinataire, soit proche (je) soit plus globalisant (nous). L'étude des pronoms de la première personne va nous permettre de dresser un parallèle entre leur emploi et le système politique.

Graphique n°14   : Fréquences relatives de l'utilisation de la première personne du singulier et du pluriel par les Premiers ministres.

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Le graphique ci-dessus fait état de l'emploi des pronoms de la première personne en associant les discours québécois et français. Nous pouvons ainsi comprendre comment le locuteur se situe dans chaque pays. Le premier constat à établir relève presque de l'évidence   : le discours d'ouverture au Québec mobilise la première personne du pluriel alors que la déclaration de politique générale fait une sur-utilisation de la première personne du singulier.

Le premier lien que nous effectuons tient au système politique. Au Québec, le Premier ministre n'est pas un gouvernant solitaire imposant ses vues à tous ses confrères députés. Dans le système parlementaire, c'est un parti politique et son idéologie qui sont plébiscités et non un homme. La gouvernance s'effectue dans le cadre d'un Cabinet avec une solidarité ministérielle forte, les membres du Conseil des ministres ne sont pas constitutionnellement séparés les uns des autres 144 (*). Nous conviendrons pour l'instant que c'est la collégialité du pouvoir qui place la première personne du pluriel à la base du discours.

À l'inverse, le discours en France est très marqué par la personnalité du Premier ministre avec une sur-utilisation de la première personne du singulier. Dans le système politique français, le Premier ministre n'est pas un membre à part entière du gouvernement mais il en est son unique moteur. «   Dans l'ordre normatif, la suprématie constitutionnelle du Premier Ministre est écrasante. Il domine la procédure législative. L'article 21 lui attribue le pouvoir règlementaire en annonçant qu'   «   il assure l'exécution des lois   » et   «   exerce le pouvoir

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règlementaire 145 (*) ». Par ailleurs, il travaille sous la coupe du Président de la République ; ainsi cette personnalisation de la gouvernance peut dans certaines circonstances s'analyser comme un contrepoids face à la domination du chef de l'État.

Au Québec, c'est Jean Charest qui utilise le plus la première personne du pluriel. En 2003, nouvellement élu, il se trouve dans une situation où il doit légitimer sa position et affirmer son leadership (je veux, j'aimerais, je cite, j'assume ce nouveau rôle...). Le pronom personnel je est d'ailleurs renforcé par le suremploi de moi et me. À l'inverse, en 2001, Bernard Landry doit maintenir son hégémonie au sein du PQ malgré de fortes dissensions. C'est lui-même qui a poussé Bouchard à démissionner par une bataille interne, alors il doit s'imposer en tant que rassembleur, c'est pourquoi son propos n'est pas très éloigné des caractéristiques françaises car il produit une alchimie entre les deux pronoms.

Corinne Gobin 146 (*) souligne que nous est un élément intéressant car « cette forme lexicale joue un rôle essentiel en politique : le nous rassembleur de l'union ou le nous qui distingue soit des autres ». La première personne du pluriel est en effet polyréférentielle : nous les députés libéraux, nous les députés péquistes, nous l'Assemblée nationale, nous les Québécoises, nous les Canadiens, ou encore un nous de majesté. Ce pronom offre une vision plus collégiale de la gouverne, et va au-delà de l'Assemblée. De plus, il permet d'inclure le peuple dans les propos. Ainsi le Premier ministre libéral utilise principalement le nous les libéraux qui « se montreront digne de la confiance », qui « seront à l'écoute » de la population. Les propositions gouvernementales ne sont pas personnalisées mais attribuées à nous le gouvernement libéral.

Nous pouvons émettre un second raisonnement, car il ne faut pas oublier que le discours québécois relève quelque peu de la polémique par son inscription dans un contexte d'opposition parlementaire directe. On peut estimer que le recours à nous permet de présenter une majorité forte et unie, sans dissension aucune et qui avance dans un seul sens. Nous considérons qu'il s'agit d'un moyen de se protéger de la réplique qui a tendance à fustiger uniquement le symbole institutionnel du Premier ministre.

Afin d'apporter un panorama complet de l'utilisation des pronoms, nous tenons à souligner les caractéristiques des répliques officielles. Il s'agit cette fois des pronoms on et vous147(*). Les propos des chefs de l'opposition ont toujours tendance à être polémiques, et cela ressort par le pronom personnel vous désignant le gouvernement nouvellement institué. Il est ici notable que la critique ne s'adresse pas personnellement au Premier ministre mais à son discours ; nous rejoignons ici la thèse de Bernard Cohen148(*) selon laquelle les discours d'assemblée sont des « métadiscours », « on discourt sur le discours ». Ce pronom sert également à s'adresser à l'auditoire ou au Président de l'Assemblée. Le pronom impersonnel on est majoritairement utilisé dans les répliques. Il représente 23,24% du total des pronoms en 1999, 24,87% en 2001, et 18,97% en 2003. Il s'agit du second pronom le plus utilisé après nous. Son utilisation permet d'avancer un argument sans en définir le locuteur, et il est un outil puissant dans une situation polémique afin de renforcer son discours comme si l'on parlait à partir de lieux communs.

Les spécificités sont très instructives à cet égard, et il existe une réelle situation de miroir entre les vocables français et québécois. L'emploi du singulier dans le discours français présente un écart de +12 par rapport à l'ensemble du corpus, et le pluriel québécois un écart

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de +40 (voir graphique page suivante).

Graphique n°15   : Spécificités des vocables je, j' et nous pas pays.

En France, comme dans le discours gouvernemental italien 149 (*), le je « prédomine au détriment de l'impersonnel «le gouvernement» ». Mais il n'est pas toujours employé plus fréquemment que son pluriel. Prenons comme point de départ la situation personnelle des locuteurs. Alain Juppé, dauphin légitime du Président, bénéficie déjà d'une aura au sein de la droite française qui ne demande qu'à se confirmer. Lionel Jospin, leader de la gauche plurielle doit imposer son style dans la perspective des présidentielles de 2002. Jean-Pierre Raffarin, président de région jusqu'à sa nomination, est un réel serviteur de l'État ayant appliqué la ligne politique de son supérieur hiérarchique. Par contre Dominique de Villepin doit s'imposer comme homme de terrain avant l'échéance présidentielle de 2007. On peut remarquer que les Premiers ministres dont l'avenir personnel va se jouer autour d'une échéance électorale vont personnaliser énormément leurs propos, mais ne négligent pas pour autant le pluriel car ils doivent rassembler leurs partisans. À l'inverse, Jean-Pierre Raffarin va utiliser davantage un nous la droite, et un nous englobant sa propre personne et le Président de la République, duquel il tire sa réelle légitimité. Sa fonction d'exécution des principaux engagements de Jacques Chirac va le conduire à adopter un style qui apparaît non

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conformiste face à la tradition de la Ve République.

À l'issue de ce dernier chapitre, nous bénéficions de nouveaux éléments qui nous permettent de prendre de la distance avec la thèse de la proximité des discours. Nous venons de démontrer que c'est du point de vue du contenu que se différencient nos corpus. Par ailleurs, l'usage des pronoms a apporté un élément majeur dans l'analyse de la perception de la gouvernance.

ConclusionFaire de la politique, c'est d'abord prendre la parole. Pour celui qui la contrôle, le vocabulaire n'est plus très loin du pouvoir. Les linguistes appellent cela « le Besetzung »

Emmanuel Faux

Onze années de gouvernance, onze années de pouvoir, onze discours, sept Premiers ministres, 86   508 mots, les fréquences sont fécondes et offrent une entrée originale dans notre corpus. Nous avons confronté des discours issus de deux pays que seule la langue réunit. L'emploi des mots et la comparaison du vocabulaire ont constitué la trame du travail.

Au-delà, nous avons étudié les discours de politiciens contemporains. Aujourd'hui Lucien Bouchard, Bernard Landry et Lionel Jospin se sont retirés de la vie politique tout en restant des acteurs incontournables à la veille d'échéances électorales importantes. Alain Juppé revient justement du Québec pour relancer sa carrière politique interrompue durant quelques années, et Jean-Pierre Raffarin courtise la présidence du Sénat. Quant à Jean Charest et Dominique de Villepin, ils font face à des contestations chaque jour plus grandes, mais tiennent la barre et poursuivent leur mission au service de l'État.

Dans quelques mois, des élections présidentielles vont se dérouler en France et un scrutin provincial au Québec, les discours seront-t-ils à nouveau semblables   ?

Il est indéniable qu'il existe une importante contrainte institutionnelle qui a pesé sur les discours d'hier et dont on peut supputer qu'elle pèsera encore sur ceux de demain. Notre hypothèse selon laquelle cette contrainte déterminerait les termes employés par les Premiers ministres en France et au Québec semble validée aux vues des résultats fournis par l'analyse lexicométrique. Le discours d'ouverture au Québec et la déclaration de politique générale en France présentent de nombreux éléments communs. Premièrement, il s'agit des conditions d'énonciation. Dans chaque pays, ce type de discours relève du rituel et est conditionné par un ensemble de traditions   : la forme, qui consiste dans une vision programmatique, mais aussi l'auditoire qui se compose toujours d'une assemblée, et les attentes des citoyens comme des médias. Cet exercice, élevé au rang d'art, fait parti des plus difficiles d'un mandat car il constitue le fondement de la gouvernance future ainsi qu'une sorte de baptême du pouvoir pour le locuteur. Construit sensiblement de la même manière, il s'inscrit dans une chronologie forte et subit le poids des prédécesseurs.

Dès lors, nous avons mis en avant que la France et le Québec partagent les mêmes caractéristiques   : formes convenues, thèmes redondants et identiques, faibles innovations lexicales... Le parlé d'assemblée est aujourd'hui marqué par la dépolitisation du discours, la

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recherche de l'efficacité des mots. Outre le renforcement des valeurs universelles, ce type de discours est teinté par l'enjeu personnel qu'il représente pour le locuteur.

Nous avons démontré empiriquement que les Premiers ministres usent d'un style très proche. Ordinairement, lors du visionnage de ces discours, nous avons tendance à les associer de près, et cela s'explique par le style. Ainsi nous avons fait émerger grâce aux fréquences des vocables certaines caractéristiques communes. Le nombre de mots, la longueur des phrases, le recours aux chiffres ou à la ponctuation ont révélé des proximités intrigantes. Ceci d'autant plus que le style est généralement l'aspect individuel qui permet de distinguer un locuteur. Certes les discours sont écrits par des plumes professionnelles, et les Premiers ministres y ajoutent leur touche personnelle, mais nous postulons que l'institution impose encore un style convenu, comme si la même recette devait être appliquée par tous.

Notre analyse stylistique a permis de faire émerger l'existence de plusieurs formes différentes de ce style de discours. Il existe en France deux sortes de déclarations   de politique générale. La première, qui suit la nomination d'un Premier ministre, joue pleinement son rôle programmatique de présentation des grandes lignes des années à venir. La seconde forme est un second discours de milieu de mandat, suivant généralement un remaniement ministériel, qui abandonne une visée trop générale pour se concentrer sur un thème unique. C'est en quelque sorte un discours de crise qui consiste à demander au Parlement de réitérer sa confiance dans l'action gouvernementale. Il intervient pour palier une contestation interne ou nationale, alors le ton adopté est beaucoup plus consensuel, les réussites gouvernementales sont mises en valeur, et les réformes à venir font l'objet d'un éclaircissement particulier.

Nous pouvons également dégager une variable commune aux deux corpus qui réside dans le type de discours adopté. La déclaration est lue, et ne relève aucunement de l'oral. Une comparaison avec des prestations orales d'anciens présidents ou de répliques de l'opposition officielle nous a permis de caractériser notre objet d'étude par une «   oralisation de l'écrit   ». Le discours d'investiture est le seul de toute une magistrature à ne pas être construit à partir de notes mais écrit, retravaillé et lu mot à mot, preuve qu'il a une importance toute particulière dans un discours d'une telle portée.

En répondant à ces questionnements à propos des contraintes institutionnelles et du style, nous sommes parvenus à la conclusion que les deux pays utilisent un même type de vocabulaire pour évoquer la gouvernance. Au-delà, nous avons souligné que la langue française offre un nombre limité de vocables pour décrire et exercer le pouvoir. Si les discours se ressemblent tant, c'est en partie parce qu'ils mobilisent des mots outils et des mots usuels à une hauteur de plus de 40 % des vocables. De plus, ces termes apparaissent dans les mêmes proportions et parfois dans une répartition similaire dans le texte.

La délimitation du style «   discours d'ouverture   » nous a permis de le recontextualiser vis-à- vis d'un certain nombre d'autres interventions politiques. Les répliques officielles au Québec nous ont permis d'exclure la polémique, la redondance, et la négativité de notre corpus. La déclaration se veut unificatrice, positive et davantage consensuelle. Par ailleurs, les résultats parfois obtenus nous laissaient croire à des écarts entre la France et le Québec, mais grâce à une mise en parallèle avec d'autres types de discours politiques, nous avons pu rendre compte d'une homogénéité au sein de notre corpus.

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Cependant, les limites de la comparaison apparaissent dans les caractéristiques nationales. Les deux pays ne subissent pas la même conjoncture   : le Québec se place sous l'ombre du géant américain alors que la France tente de mener l'Europe. Leurs ressources naturelles ne sont pas les mêmes, leurs industries sont différentes, et au-delà, la sociologie même de la population est dissemblable.

Le Québec est marqué par la question nationale. L'avenir de cette province est incertain et les discours se déchirent constamment à propos du débat sur la souveraineté. La contestation du pouvoir fédéral entraîne tout un ensemble de vocables qui caractérisent le discours québécois. C'est en particulier avec les déterminants identitaires que nous avons pu montrer l'importance accordée à la caractérisation d'un peuple québécois.

En France, c'est la conjoncture qui s'est imposée avec la difficile résorption du chômage. Tous les Premiers ministres ont utilisé un fort champ lexical de l'emploi et de l'action. Tout cet ensemble de vocables a été mobilisé en vue de souligner la détermination du gouvernement. En parallèle, nous pouvons constater la réaffirmation des valeurs de la République. Face à la recrudescence de l'exclusion, des incivilités, de la contestation des institutions de l'État, les Premiers ministres se font porteurs de valeurs unificatrices de l'État-repère en prônant la cohésion nationale à travers un pacte républicain.

Au-delà des thématiques nationales privilégiées, nous avons démontré que le système politique influe sur l'emploi des mots. Notre étude des pronoms personnels souligne deux conceptions de la gouvernance. Au Québec, le système parlementaire conduit à une vision collégiale du pouvoir. À l'inverse, le discours en France est très personnalisé, preuve de la place centrale du Premier ministre.

Retour sur la méthodologie

Tout d'abord, il convient d'apporter quelques limites à notre corpus. En termes de représentativité, notre travail présente le désavantage de n'être composé que de peu de discours de Jean Charest et Lionel Jospin. Pour le libéral, nous disposons de deux discours, et pour le socialiste d'un seul. Ce dernier cas présente une situation importante d'isolement au milieu d'un corpus de droite, et nous ne sommes pas dans la capacité de généraliser à partir de cet unique discours. Pour le québécois, nous disposons de données conséquentes dans la mesure où nous avons élargi aux répliques officielles, mais nous ne disposons d'aucun texte d'un autre locuteur libéral. Cependant, pour avoir un corpus davantage équilibré, il aurait été nécessaire de remonter au milieu des années 1980.

Du point de vue de la méthode, nous avons développé en introduction sa rigueur scientifique. Une fois les textes analysés, nous avons généralement confirmation de nos hypothèses intuitives. Comme le souligne Antoine Prost à propos de la lexicométrie   :

«   On bute ici sur la force rétroactive de l'évidence. L'exposé des résultats suscite une telle impression d'évidence, qu'on s'imagine les avoir toujours connus. L'évidence provoquée par l'étude s'impose comme évidence antérieure à l'étude, et le lecteur conclut de bonne foi que l'étude était inutile, puisque ses conclusions étaient évidentes... 150 (*) »

Certes l'usage de la lexicométrie prête parfois à la validation d'évidences, mais sa mise en contexte permet également d'obtenir des surprises et des éléments inattendus. Ainsi notre

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analyse des longueurs de phrase, tout comme l'usage des pronoms personnels nous a permis de mettre l'accent sur des spécificités «   cachées   ». Par ailleurs, la fiabilité de la méthode rend possible des comparaisons avec des résultats obtenus dans des études précédentes. Ce fait est particulièrement intéressant et permet au chercheur qui étudie un discours de disposer sans cesse de références fiables. Il nous a été possible de rapprocher notre corpus avec des études précédemment établies sur le vocabulaire de René Lévesque, Charles de Gaulle ou encore François Mitterrand.

Si la méthode est scientifique, elle n'en est pas pour autant aisée. Nous avons suivi les normes de saisies et de dépouillement des textes politiques établies par Dominique Labbé en 1990 151 (*). Le travail sur les homonymies s'est révélé particulièrement long. De même, toutes les mesures que nous avons réalisées manuellement nous ont conduit à de longs dépouillements. Il en est ainsi pour le calcul de la diversité du vocabulaire pour lequel nous avons du partager notre corpus en 86 parties de longueur identique.

Le logiciel Lexico 3.45 présente une interface souple d'utilisation mais s'avère peu performant dès que le corpus est trop long. Nous n'avons pas pu effectuer une analyse factorielle des correspondances. Cette fonction calcule une distance entre les textes puis les dispose sur un graphique, elle nous aurait permis de présenter dans l'espace les différents types de discours et valider nos conclusions.

De même, à travers l'état de la littérature effectué, nous avons noté un certain nombre d'innovations qui méritent notre attention. Tout d'abord, Luong et Barthélémy ont développé en 1998 la représentation arborée des distances entre un corpus de discours. Il s'agit d'un arbre qui n'est pas planté mais qui se présente d'une manière dynamique dans l'espace 152 (*). Cet outil offre la grande opportunité de traiter le vocabulaire ainsi que la grammaire. Il a récemment été utilisé dans les ouvrages de Damon Mayaffre153(*) et de Dominique Labbé154(*).

La représentation des distances par un dendrogramme est aussi un outil qui sera très pertinent lorsque son utilisation se simplifiera 155 (*). Un algorithme construit des classes, en regroupant deux textes séparés par une distance faible, qui sont ensuite placées dans le graphique en fonction de leur distance avec les autres groupes qui auront été ainsi construits. Cette méthode accélère les regroupements par une automatisation rigoureuse qui prend en compte tous les éléments du corpus alors que pour notre part nous avons effectué des liens à partir de quelques correspondances.

Pour aller plus loin, nous pourrions souhaiter disposer de davantage de mesures linguistiques misent en rapport avec la réception. Comme l'avait effectué Jean-Marie Cotteret en son temps, il serait positif de comparer les discours à ce que l'on nomme le «   français fondamental   ». Nous relions directement cela à une théorie de la réception, car selon la plus ou moins grande proximité avec un langage commun, nous pourrions voir si le discours est adapté à la compréhension par les cibles actuelles. Subséquemment, il serait intéressant d'aborder les sciences cognitives pour mesurer les effets de la fréquence sur l'auditoire. Ainsi, mêlant ces deux dernières remarques, nous pouvons imaginer un dispositif consistant à sélectionner un panel d'individus afin d'analyser leur réception, leur comportement et leur compréhension du discours. Nous approchons ici une utilisation professionnelle de cette technique qui permettrait de «   tester   » l'efficacité d'un texte sur une population cible.

À l'image du travail de Denis Monière effectué sur la presse 156 (*), nous pourrions ensuite

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élargir cette analyse à davantage de pays francophones. La Belgique et la Suisse présenteraient des cadres proches de celui de la France ; mais il serait très intéressant de voir comment se développent les discours dans les pays d'Afrique noire et du Maghreb.

Enfin, il serait important d'analyser la construction du mythe du «   parler d'assemblée   » institutionnalisé. Dans une perspective ethnologique, philosophique, et historique, il s'agirait de comprendre le maintient de traditions qui ne correspondent plus aux réalités politiques et institutionnelles. Au coeur de cette agora, il semble exister des codes gestuels, un ensemble d'attitudes et de réactions convenues. C'est donc aux fondements de notre démocratie que certains questionnements méritent d'être posés.

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Patrice SERVAN, Plume de Jean Charest pour son discours inaugural de 2003, actuellement consultant en communication pour le parti Libéral, conversation téléphonique, 13 mars 2006.

Patrice SERVAN, Plume de Jean Charest pour son discours inaugural de 2003, actuellement consultant en communication pour le parti Libéral ; et Richard VIGNEAULT, auteur du discours inaugural de D. Johnson en 1994 et de Jean Charest en 2006 ; rencontre à Outremont, 31 mars 2006.

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- Parti libéral du Québec : www.plq.org

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Table des illustrations

Graphiques

Graphique 1 Fréquences absolues par parti des vocables monde, international(e-s-aux), Amérique, et Etats-Unis..........................................................................

43

Graphique 2 Spécificités du champ lexical de fédéral et de européen par pays............. 44

Graphique 3 Classement chronologique des fréquences absolues des vocables autre et autres par discours et par pays......................................................

50

Graphique 4 Analyse factorielle des correspondances .............................................. 56

Graphique 5 Diversité du vocabulaire de quelques grands corpus............................. 62

Graphique 6 Fréquences relatives des adverbes de négation pas, n'et ne..................... 67

Graphique 7 Fréquences absolues cumulées des articles pas et ne................................ 68

Graphique 8 Fréquences relatives des vocables du nationalisme par année.................. 72

Graphique 9 Fréquences relatives de souveraineté, séparation et référendum............... 73

Graphique 10 Spécificité des noms propres Canada et Ottawa par parti....................... 74

Graphique 11 Fréquences relatives des vocables emploi, chômage et économie.................

77

Graphique 12 Fréquences relatives des vocables santé et soin par année......................... 84

Graphique 13 Fréquences relatives des vocables sociale, sociaux, social par année...............................................................................................................

86

Graphique 14 Fréquences relatives de l'utilisation de la première personne du singulier et du pluriel par les Premiers ministres ...............................................

87

Graphique 15 Spécificités des vocables je, j' et nous par pays .................................. 91

Tableaux

Tableau 1 Dix désignants nationaux les plus fréquents de quelques corpus politiques ..........................................................................

47

Tableau 2 Diversité moyenne du vocabulaire pour 1000 mots ................................. 61

Tableau 3 Usage de l'anglais par discours d'ouverture .......................................... 75

Photographies

Photographie 1

Répartition dans le corpus France ............................................................ 54

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Photographie 2

Répartition dans le corpus Québec............................................................ 54

Index des siglesADQ : Action Démocratique du Québec

BIT : Bureau International du Travail

BS : Bien-être Social

CÉGEP : Collège d'Enseignement Général Et Professionnel

CMU : Couverture Maladie Universelle

CPE : Contrat Première Embauche (France),

Centre de la Petite Enfance (Québec)

CSA : Conseil Supérieur de l'Audiovisuel

CSG : Contribution Sociale Généralisée

EDF/ GDF : Électricité De France, Gaz De France

ENA : École Nationale d'Administration

FMI : Fonds Monétaire International

FN : Front National

FSV : Fonds de Solidarité Vieillesse

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONU : Organisation des Nations-Unies

PACS : PActe Civil de Solidarité

PCC : Parti Conservateur du Canada

PCF : Parti Communiste Français

PLC : Parti Libéral du Canada

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PLQ : Parti Libéral du Québec

PME/ PMI : Petites et Moyennes Entreprises / Industries

PQ : Parti Québécois

PRG : Parti Radical de Gauche

PS : Parti Socialiste

RDS : Remboursement de la Dette Sociale

RMI : Revenu Minimum d'Insertion

RPR : Rassemblement Pour la France

SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance

TLF : Le Trésor de la Langue Française

TPS : Taxe Pour les Services

TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

TVQ : Taxe sur la Valeur du Québec

UDF : Union Démocratique Française

UMP : Union pour un Mouvement Populaire

UN : Union Nationale (Duplessis)

UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l'Éducation, la Science

et la Culture

Table des matières

Introduction .......................................................................................... 1

Problématique .................................................................................... 6

Problème épistémologique ..................................................................... 7

Le choix du corpus .............................................................................. 12

Présentation des chapitres ..................................................................... 14

Chapitre 1 15

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Le poids d'une institution discursive...........................................................................................

Deux systèmes politiques distincts ............................................................ 15

Récentes évolutions politiques au Québec et en France .................................... 20

Des conditions d'énonciation proches ........................................................ 28

La forme programmatique ..................................................................... 33

Les conditions de production .................................................................. 35

Chapitre 2

Les constantes des discours d'ouverture en France et au Québec.............................................................................................

40

1. Un discours marqué par une contrainte discursive liée à l'institution ................. 40

Nationalisme et rapport à soi ...................................................... 46

Action et désir ........................................................................ 51

2. Analyse stylistique des Premiers ministres : un style très proche ..................... 57

La richesse du vocabulaire ......................................................... 59

Le rythme du discours .............................................................. 63

La rhétorique du chiffre ............................................................ 64

La négativité ......................................................................... 66

Chapitre 3

L'influence des spécificités nationales................................................

70

1. L'enjeu de la souveraineté au coeur des discours d'ouverture au Québec ............ 70

La bataille du « Québec » .......................................................... 70

L'usage de l'anglais ................................................................ 75

2. La France face à des défis structurels ..................................................... 76

La bataille de l'emploi .............................................................. 76

La réaffirmation des valeurs républicaines ...................................... 80

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3. La différenciation lexicale des partis gouvernementaux au pouvoir................... 82

Le maintien d'une fracture discursive au Québec .............................. 82

Les mêmes mots pour les mêmes thèmes en France ........................... 84

Nous contre je : des pronoms pour un système politique ...................... 87

Conclusion ........................................................................................... 93

Retour sur la méthodologie ........................................................ 97

Bibliographie ........................................................................................ 101

Table des illustrations .............................................................................. 109

Index des sigles ...................................................................................... 110

Girier Jean-Marie(c)

* 1 John Langshaw Austin, Quand dire, c'est faire, Paris, Éditions du Seuil, 1970, 164 pages.

* 2 Frédéric Bon, Langage et politique. Publié sous ce titre dans le Traité de science politique édité sous la direction de Madeleine Grawitz et Jean Leca, in Les discours de la politique, Paris, Éditions Economica, Collection Politique comparée, Publiée avec le concours du CNRS, 1991, page 241.

* 3 Gilles Bourque et Jules Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec, Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 21.

Habermas a développé à ce propos le concept de publicité critique pour souligner le fait que le pouvoir est discuté « entre des individus rationnels et pleinement libres de jeter un regard critique » sur les règles politiques.

* 4 Dominique Maingueneau : Genèses du discours, Bruxelles, Pierre Mardaga Éditeur, 1984, 209 pages ; L'analyse du discours, Introduction aux lectures de l'archive, Paris, Éditions Hachette, 1991, 268 pages.

* 5 Mikhail Bakhtine, Le marxisme et la philosophie du langage, Paris, Éditions de Minuit, 1977, 233 pages.

* 6 Gilles Bourque et Jules Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle

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analyse du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec, Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 54.

* 7 Pierre-Eugène Muller, L'éloquence de Jaurès et la lexicométrie, pages 65 à 78, in Fabrice d'Almeida, et al., L'éloquence politique en France et en Italie de 1870 à nos jours, Actes du colloque organisé à Nanterre les 9 et 10 octobre 1998, Rome, École Française de Rome, 2001, 328 pages.

* 8 Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 7 et 8.

* 9 Jean-Marie Denquin, Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997, page 5.

* 10 Antoine Prost, Vocabulaire des proclamations électorales de 1881, 1885 et 1889, Paris, Presses Universitaires de France, Publications de la Sorbonne, série NS Recherches, 1974, 196 pages.

* 11 Damon Mayaffre, « L'herméneutique numérique », L'Astrolabe. Recherche littéraire et informatique, novembre 2002.

* 12 Jean-Marie Denquin, Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997, page 9.

* 13 Ibid, page 6.

* 14 Ludovic Lebart, André Salem, Analyse statistique des données textuelles, Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988, 202 pages.

* 15 Précisons que le français officiel du Québec est identique au français de France. L'Office québécois de la langue française revendique officiellement cette filiation linguistique et s'adapte aux évolutions apportées par l'Académie française. Certes il existe des québécismes, faits de langue caractéristiques du français du Québec, mais ceux-ci relèvent d'un parlé local et non officiel qui modifie les tournures et les prononciations.

* 16 Régine Robin, Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973, page 35.

* 17 Dominique Labbé, Normes de saisie et de dépouillement des textes politiques, Grenoble, Université Pierre Mendès-France Grenoble II - Institut d'Études politiques de Grenoble, Cahiers du CERAT, Cahier n°7, Avril 1990, 119 pages.

* 18 Par exemple, nous avons dû effectuer une distinction entre le verbe à l'infinitif pouvoir et le substantif le pouvoir. Il en était de même pour Français et français, État et état...

* 19 Maurice Tournier fut le principal animateur du laboratoire de lexicologie politique de l'ENS Fontenay Saint-Cloud. Les réussites de ce groupe entraînèrent la création en 1980 de la revue MOTS (Mots, Ordinateurs, Textes, Sociétés), puis dans les années 1995 des JADT (Journées d'analyse des données textuelles).

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* 20 Dominique Labbé et Denis Monière : « La connexion intertextuelle. Application au discours gouvernemental québécois ». Lausanne, Actes des 5ème journées internationales d'analyse statistique des données textuelles, 2000, 10 pages ; « Essai de stylistique quantitative. Duplessis, Bourassa et Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème journées internationales d'analyse statistique des données textuelles, 2002, 9 pages ; Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Paris, Editions Honoré Champion, Collection Lettres numériques, 2003, 181 pages.

* 21 Groupe Saint Cloud, La parole syndicale, Étude du vocabulaire confédéral des centrales ouvrières françaises, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, 270 pages ; et Antoine Prost, Vocabulaire des proclamations électorales de 1881, 1885 et 1889, Paris, Presses Universitaires de France, Publications de la Sorbonne, série NS Recherches, 1974, 196 pages.

* 22 Antoine Prost, « Les mots », in René Rémond, Pour une histoire politique, Paris, Éditions du Seuil, Seconde édition, 1996, 387 pages, page 259.

* 23 Damon Mayaffre, « L'herméneutique numérique », L'Astrolabe. Recherche littéraire et informatique, novembre 2002.

* 24 Un calcul de probabilité permet de mesurer si des termes sont ou ne sont pas caractéristiques d'un discours.

* 25 Groupes de formes composés de 2 à 5 occurrences présents fréquemment dans le texte.

* 26 Jean-Baptiste Marcellesi, Le Congrès de Tours : (décembre 1920), étude sociolinguistique, Paris, Pavillon, 1971, 359 pages.

* 27 Antoine Prost, « Les mots », in René Rémond, Pour une histoire politique, Paris, Éditions du Seuil, Seconde édition, 1996, 387 pages, pages 266 à 267.

* 28 Gilles Bourque, Jules Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec, Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, page 61.

* 29 Ainsi, les vocables est, suis, sont, sera, fut seront regroupés sous le lemme être.

* 30 Damon Mayaffre, « De la lexicométrie à la logométrie », L'Astrolabe.

* 31 Substantif utilisé pour désigner les membres du Parti québécois.

* 32 Il existe un système de pouvoir à deux paliers : le pouvoir fédéral et le pouvoir provincial. Ils sont tous les deux distincts.

* 33 Notons que le droit civil québécois est unique au Canada. Il repose sur les bases du Code Napoléon.

* 34 Michel Vastel, Landry, le grand dérangeant, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 2001,

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434 pages.

* 35 Jean Charest, J'ai choisi le Québec, Ottawa, Éditions Pierre Tisseyre, 1998, 276 pages.

* 36 Sous la IVe République, le Président du Conseil était dépendant des majorités parlementaires. En 12 ans, pas moins d'une vingtaine de gouvernements se succédèrent, avec une durée moyenne de 9 mois. Le régime fit face à une crise diplomatique avec le Canal de Suez, et des crises coloniales avec le conflit en Indochine et les négociations avec la Tunisie et le Maroc. Ce sont les évènements d'Algérie qui scelleront définitivement le sort d'un régime incapable de s'imposer face aux évolutions de son temps (décolonisation, Trente Glorieuses...).

* 37 Expression employée par Charles de Gaulle, fervent opposant aux institutions de la IVe

République.

* 38 Depuis le référendum sur le quinquennat en 2000, le Président de la République est élu pour une durée de 5 ans. Cela permet d'éviter les blocages institutionnels liés à une éventuelle cohabitation. Par ailleurs, le statut pénal du chef de l'État a été précisé en 2001 par la Cour de Cassation qui lui accorde l'immunité tant qu'il est en fonction.

* 39 Serge Sur, Le système politique de la Cinquième République, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?, 3ème édition, 1987, 120 pages.

* 40 Paul Marie de la Gorce, Bruno Moschetto, La Cinquième République, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que-sais-je ?, 7ème édition, 1996, 124 pages.

* 41 Jean Massot, Le chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française, collection « Notes et études documentaires », 1979, 299 pages.

* 42 Jean Massot, Le chef du gouvernement en France, Paris, La documentation française, collection « Notes et études documentaires », 1979, 299 pages ; Stéphane Rials, Le Premier Ministre, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 2ème édition, 1985, 123 pages.

* 43 Dominique Labbé, Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Paris, Editions Honoré Champion, Collection Lettres numériques, 2003, page 81.

* 44 La Ve République fut marquée par trois périodes de cohabitation : Mitterand-Chirac (1986-1988), Mitterrand-Balladur (1993-1995), et Chirac-Jospin (1997-2002).

* 45 Gilles Bourque, Jules Duchastel, Restons traditionnels et progressifs, Pour une nouvelle analyse du discours politique. Le cas du régime Duplessis au Québec, Montréal, Les Éditions Boréal, 1988, 389 pages ; et Jean Hamelin, et al., Histoire du Québec, Montréal, Éditions France-Amérique, 1976, 519 pages.

* 46 Paul-André Linteau, et al., Histoire du Québec contemporain, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1989, tome I et II.

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* 47 Nous retiendrons en particulier la définition de la nation selon Karl Deutsch dans « Nationalism and social communication » Cambridge, The MIT Press, 1969. Il considère qu'il s'agit d'un phénomène de communication car cette dernière est liée au partage d'une culture commune. Appartenir à une nation, ce serait être capable de communiquer plus facilement avec ceux qui en font parti que ceux qui n'en font pas parti.

* 48 Voir Jacques Brossard, L'accession à la souveraineté et le cas du Québec, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1976 ; Gérard Bouchard, La nation québécoise au futur et au passé, Montréal, VLB, 1999 ; Françoise Épinette, La question nationale au Québec, Paris, Presses Universitaires de France, 1988 ; Jean-Pierre Gaboury, Le nationalisme de Lionel Groulx, Ottawa, Presses de l'Université d'Ottawa, 1970 ; Gilles Gougeon, Histoire du nationalisme québécois, Montréal, VLB, 1993 ; Denis Monière, Le développement des idéologies au Québec, Montréal, Québec-Amérique, 1978 ; Robert Young, La sécession du Québec et l'avenir du Canada, Québec, Les Presses de l'Université de Laval, 1995.

* 49 Denis Monière, Les enjeux du Référendum, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1979, citations extraites des pages 102 et 110. Notons que cet ouvrage engagé pour l'indépendance reçu le Prix du Gouverneur général, malgré que ce dernier soit garant du maintient de l'unité nationale.

* 50 Jacques Brossard, L'accession à la souveraineté et le cas du Québec, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, 1976, page 191.

* 51 Jacqueline Dubé-Corkery et Pierre Béliveau, Point de Rupture, Québec/Canada, le Référendum de 1995, Radio-Canada / Canadian Broadcasting Corporation, Immavision distribution, 2005.

* 52 Cette réaction souleva de vives polémiques. En effet, dans leur définition du peuple québécois, les souverainistes n'ont pas toujours été clairs avec la place accordée à l'autre. Ces propos ont rappelé les thèses racistes, xénophobes et antisémites de l'historien Lionel Groulx, initiateur du nationalisme québécois au XIXe siècle. Le PQ se revendique de son héritage idéologique et n'a pas pris ses distances avec cet auteur.

* 53 Michel Vastel, Landry, le grand dérangeant, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 2001, 434 pages.

* 54 Christian Rouillard, et al., La réingénierie de l'État, Vers un appauvrissement de la gouvernance québécoise, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2004, 162 pages.

* 55 Sur le plan économique, les années 1944 à 1946 correspondront à une vague de nationalisations : Renault, Air France, EDF, GDF, SNCF, Banque nationale... Sur le plan social, le vote est accordé aux femmes, et apparaissent également la sécurité sociale, le SMIG, les allocations familiales, les caisses de retraites...

* 56 Phénomène économique caractérisé par une situation d'inflation couplée à une croissance nulle.

* 57 Pierre Milza, Serge Berstein, Histoire du XXe siècle, 1973 à nos jours, la recherche d'un

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nouveau monde, Paris, Éditions Hatier, 1993, 273 pages.

* 58 Jean-Christophe Cambadélis et Eric Osmond, La France blafarde. Une histoire politique de l'extrême droite, Paris, Plon, 1998.

* 59 Isabelle Cuminal, Maryse Souchard, Stéphane Wahnich, Virginie Wathier, Le Pen, les mots. Analyse d'un discours d'extrême droite, Paris, La Découverte, 1997.

* 60 Erwan Lecoeur, Un néo-populisme à la française, Trente ans de Front National, Paris, Éditions La Découverte, collection Cahiers libres, 2003.

* 61 Gaston Deschenes, « L'ouverture des sessions », Québec, Bulletin de la bibliothèque de l'Assemblée nationale à Québec, vol 18, n°1-2, 1989, pages 3 à 7.

* 62 Michel Foucault, L'ordre du discours. Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1970, Paris, Gallimard, NRF, 1971, page 10.

* 63 Cf. Christian Lebart, Le discours politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, chapitre 1.

* 64 Jean-Claude Deroubaix, « Les déclarations gouvernementales se suivent et se ressemblent. Exploration d'une chronique textuelle », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.

* 65 Ramon Alvarez, Monica Becue et Juan José Lanero, « Le vocabulaire gouvernemental espagnol (1979-1996 ) », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.

* 66 Pascal Marchand et Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.

* 67 Dominique Labbé et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Editions Honoré Champion, collection Lettres numériques, Paris, 2003, 181 pages.

* 68 Ramon Alvarez, Monica Becue et Juan José Lanero, Le vocabulaire gouvernemental espagnol (1979-1996), in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 14 pages.

* 69 Jean-Claude Deroubaix, « Les déclarations gouvernementales se suivent et se ressemblent. Exploration d'une chronique textuelle », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 25 pages.

* 70 Dominique Labbé et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000).

* 71 Dominique Labbé et Denis Monière, « La connexion intertextuelle. Application au discours gouvernemental québécois », in Actes des 5èmes journées internationales d'analyse

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statistique des données textuelles, Lausanne, Suisse, 2000.

* 72 Denis Monière, « Les mots du pouvoir, Cinquante ans de discours inauguraux au Québec (1944-1996 »), in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000.

* 73 Emmanuel Faux, et al., Plumes de l'ombre, Les nègres des hommes politiques, Paris, Ramsay, 1991, page 46.

* 74 Pascal Marchand, Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica-Mots, n°62, mars 2000, 13 pages.

* 75 Dominique Labbé et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000).

* 76 Sources : Patrice Servan, Plume de Jean Charest pour son discours inaugural de 2003, actuellement consultant en communication pour le parti Libéral ; et Richard Vigneault, auteur du discours inaugural de D.Johnson en 1994 et de Jean Charest en 2006 ; rencontre à Outremont, 31 mars 2006.

* 77 Emmanuel Faux, et al., Plumes de l'ombre, Les nègres des hommes politiques, Paris, Ramsay, 1991, 266 pages.

* 78 Début du discours d'ouverture de Lucien Bouchard en 1999.

* 79 Voir annexes, tableau n°3 : les spécificités du discours libéral, page 5. Notons qu'une valeur entre parenthèse précédées de la forme mathématique + ou - signifie que nous parlons d'une spécificité du groupe de discours.

* 80 Extraits tirés des vingt dernières lignes du discours de politique générale de Lionel Jospin en 1997.

* 81 Les valeurs entre parenthèses indiquent ici que le vocable gouvernement apparaît 225 fois dans le corpus Québec et 115 fois dans le corpus France. Nous ferons toujours apparaître en premier la valeur québécoise, puis la valeur française. Dans le cas où les valeurs entre parenthèses seraient précédées de la forme mathématique + ou - cela signifiera que nous ne parlons pas de fréquences mais de spécificités.

* 82 Ludovic Lebart, André Salem, Analyse statistique des données textuelles, Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988, page 30.

* 83 Il s'agit des formes : de, la, et, l', le, les, des, d', à, en. Remarquons la présence d'une moitié d'articles définis et d'une moitié d'articles indéfinis. La première présente 9210 occurrences et la seconde 8018.

* 84 Dominique Labbé et Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Paris, Éditions Honoré Champion, 2003, chapitre 5. La mesure a été

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effectuée sur l'ensemble des déclarations de politique générale de 1945 à 2000.

* 85 Pierre Guiraud, Les caractères statistiques du vocabulaire, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que-sais-je ?,1954, 116 pages.

* 86 Maurice Tournier, « Français à l'extrême droite. Un mot habité », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 65 à 76.

* 87 PM français représente l'ensemble des déclarations de politique générale de notre corpus.

* 88 Paul Bacot, « Des mots pour dire la politisation. État, nation, patrie, pays, peuple dans des corpus de politiciens français contemporains », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 43 à 62.

* 89 Sylvianne Rémi-Guiraud, « Le champ lexical français. Peuple, nation, État, pays, patrie », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, pages 19 à 30.

* 90 Paul Bacot, « Des mots pour dire la politisation. État, nation, patrie, pays, peuple dans des corpus de politiciens français contemporains », in Sylviane Rémi-Giraud, et al., Les mots de la nation, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, page 44.

* 91 Expression développée par Dominique Labbé dans Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 326 pages.

* 92 Ludovic Lebart, André Salem, Analyse statistique des données textuelles, Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988, page 24.

* 93 Dominique Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, page 27.

* 94 Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, L'économie des échanges linguistiques, Paris, Édition Fayard, 1982, 239 pages.

* 95 Jean-Marie Cotteret et René Moreau, Recherches sur le vocabulaire du Général de Gaulle, Analyse statistique des allocutions radiodiffusées 1958-1965, Paris, Éditions Armand Colin et Fondation nationale des Sciences Politiques, collection Travaux et recherches de science politique, 1969, pages 27 à 51.

Jean-Marie Cotteret et René Moreau, et all. Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976, Chapitre 2 : les caractères statistiques des discours, pages 42 à 60.

* 96 Dominique Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 326 pages.

* 97 Dominique Labbé et Denis Monière, « Essai de stylistique quantitative. Duplessis,

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Bourassa et Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème journées internationales d'analyse statistique des données textuelles, 2002, 9 pages.

* 98 Cf. Annexes, Tableaux n°9 et n°10 pages 10 et 11

* 99 Ludovic Lebart, André Salem, Analyse statistique des données textuelles, Questions ouvertes de lexicométrie, Paris, Bordas, Dunot, 1988, page 34.

* 100 Pour plus de détails, voir le dépouillement en annexe n°10, page 11.

* 101 Les valeurs sont issues des ouvrages suivants : Jean-Marie Cotteret, René Moreau, Recherches sur le vocabulaire du Général de Gaulle, Analyse statistique des allocutions radiodiffusées 1958-1965, Paris, Éditions Armand Colin et Fondation nationale des Sciences Politiques, collection Travaux et recherches de science politique, 1969 ; Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976 ; et Denis Monière, « Analyse lexicographique du débat des chefs en français dans l'élection fédérale de 1988 », Revue canadienne de science politique, mars 1991.

* 102 Dominique Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 326 pages.

* 103 Expression mobilisée par Bernard Cohen dans « Un cas de situation de discours : le parler d'assemblée », in École Nationale Supérieure de Saint-Cloud, Actes du 2ème colloque de lexicologie politique, Colloque organisé à Saint-Cloud du 15 au 20 septembre 1980, Paris, Librairie Klincksieck, 1982, pages 377 à 389.

* 104 Cf. annexes, tableau n° 11, page 12.

* 105 Dominique Labbé, Le vocabulaire de François Mitterrand, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, et Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976.

* 106 Dominique Labbé, Denis Monière, « Essai de stylistique quantitative. Duplessis, Bourassa et Lévesque », Saint-Malo, Actes des 6ème journées internationales d'analyse statistique des données textuelles, 2002, 9 pages.

* 107 Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976, 347 pages.

* 108 Cf. annexes, Tableau des fréquences absolues des chiffres et des nombres, n°16, page 15.

* 109 Cf. l'ensemble de la citation reproduite en annexe, page 16.

* 110 Régine Robin, Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973, page 26.

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* 111 Extrait de la réplique de Jean Charest en 1999.

* 112 Olivier Reboul, Langage et idéologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1980.

* 113 Karl Deutsch, Nationalism and Social Communication, Cambridge, The MIT Press, 1969, cite par Denis Monière, Les enjeux du Référendum, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1979, page 36.

* 114 Denis Monière, L'indépendance, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1992, page 74.

* 115 Cf. annexes, Graphique n°1, page 17.

* 116 Annette Paquot et Jacques Zylberberg, « Lexique flou d'un Québec incertain », in École Nationale Supérieure de Saint-Cloud, Actes du 2ème colloque de lexicologie politique, Colloque organisé à Saint-Cloud du 15 au 20 septembre 1980, Paris, Librairie Klincksieck, Institut national de la langue française, 1982, pages 577 à 594.

* 117 Denys Arcand, Le confort et l'indifférence, l'échec du référendum de 1980. La fin de la Révolution tranquille, in Denys Arcand : L'oeuvre documentaire intégrale, Office national du film du Canada, 2004.

* 118 Denis Monière, L'indépendance, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1992, pages 83-84.

* 119 Cf. Jacqueline Picoche, Dialectique du vocabulaire français, Paris, Nathan, 1993, 206 pages.

* 120 Cf. Denis Monière, « Les mots du pouvoir. Cinquante ans de discours inauguraux au Québec (1944-1996 ) », in Le « programme de gouvernement » un genre discursif, Lexicométrica - Mots, n°62, mars 2000, 13 pages.

* 121 Cf. annexes, Tableau n°17 : Vocables en anglais les plus fréquents, page 18.

* 122 Références extraites des données de l'Insee.

* 123 Roland Cayrol, Le grand malentendu, les Français et la politique, Paris, Éditions du Seuil, 1994, pages 24 à 26.

* 124 Sondage TNS-Sofres pour Lire la politique : Les attentes des Français à l'égard du gouvernement, réalisé en mars 2006.

* 125 Pascal Marchand, Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », Lexicométrica-Mots, mars 2000, 13 pages.

* 126 Raymonde Monnier, « Des mots en politique. Gouverner ou tenir la barre », Lexicométrica, 2001, 7 pages.

* 127 Cf. annexes, graphique n°5, page 20.

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* 128 Roland Cayrol, Le grand malentendu, les Français et la politique, Paris, Éditions du Seuil, 1994, 186 pages.

* 129 Cf. annexes, graphique n°6, page 21.

* 130 Cf. Annexes, tableau n°5, page 7.

* 131 Jean-Marie Denquin, Vocabulaire politique, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 1ère édition, 1997, page 113-114.

* 132 Régis Debray, L'État séducteur, les révolutions médiologiques du pouvoir, Paris, Éditions Gallimard, collection Folio/ essais, 1993, 198 pages.

* 133 Denis Monière, Les enjeux du Référendum, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1979, page 36.

* 134 Cf. annexes, tableau n°4, page 6.

* 135 Cf. annexes, graphiques n°2 et n°3, page 19.

* 136 Cf. annexes, graphique n°7, page 22.

* 137 Cf. annexes, graphique n°3, page 19.

* 138 Cf. annexes, graphique n°4, page 20.

* 139 Pascal Marchand, Laurence Monnoyer-Smith, « Les discours de politique générale français : la fin des clivages idéologiques ? », Lexicométrica-Mots, mars 2000, 13 pages.

* 140 Cf. annexes, tableaux n°5 et graphique n°6, pages 7 et 21.

* 141 Cf. annexes, tableau n°8, page 9.

* 142 Dominique Labbé, Denis Monière, Le discours gouvernemental - Canada, Québec, France (1945-2000), Paris, Éditions Honoré Champion, Collection Lettres numériques, 2003, chap. 6.

* 143 Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d'Estaing/ Mitterand, 54774 mots pour convaincre, Paris, Presses Universitaires de France, 1976, page 124.

* 144 Sharon L. Sutherland et G. Bruce Doern, La bureaucratie au Canada : contrôle et réforme, Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement au Canada, 1986, pages 1 à 59.

* 145 Stéphane Rials, Le Premier Ministre, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je ?, 2ème édition, 1985, page 73.

* 146 Corinne Gobin, « Un survol des discours de présentation de l'exécutif européen (1958-1993) » in Le « programme de gouvernement », un genre discursif, Lexicométrica - Mots

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n°62, mars 2000, 7 pages.

* 147 Cf. annexes, graphique n°6, page 21.

* 148 Bernard Cohen, « Un cas de situation de discours : le parlé d'assemblée », in École Nationale Supérieure de Saint-Cloud, Actes du 2ème colloque de lexicologie politique, Colloque organisé à Saint-Cloud du 15 au 20 septembre 1980, Paris, Librairie Klincksieck, Institut national de la langue française, Volume 2, 1982, pages 377 à 389.

* 149 Sergio Bolasco, Déclarations et répliques gouvernementales dans le discours parlementaire italien, deux genres discursifs, in Le « programme de gouvernement », un genre discursif, Lexicométrica - Mots n°62, mars 2000, 18 pages.

* 150 Antoine Prost, « Les mots », in René Rémond, Pour une histoire politique, Paris, Editions du Seuil, Seconde édition, 1996, page 269

* 151 Dominique Labbé, Normes de saisie et de dépouillement des textes politiques, Grenoble, Université Pierre Mendès-France Grenoble II - Institut d'Etudes politiques de Grenoble, Cahiers du CERAT, Cahier n°7, Avril 1990, 119 pages.

* 152 Cf. annexes, figures n°1, page 23.

* 153 Damon Mayaffre, Paroles de Président. Jacques Chirac (1995-2003) et le discours présidentiel sous la Ve République, Paris, Éditions Honoré Champion, 2004, 291 pages.

* 154 Dominique Labbé, Denis Monière, « La connexion intertextuelle. Application au discours gouvernemental québécois », Lausanne, Actes des 5ème journées internationales d'analyse statistique des données textuelles, 2000, 10 pages.

* 155 Cf. annexes, figure n°2, page 24.

* 156 Denis Monière, Démocratie médiatique et représentation politique, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1999.

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