5
C. R. Acad. Sci. Paris, t. 1, SCrie II c, p. 69-74, 1998 Chronique de la chimie/History of chemistry Le vrai faux probkme de I’(( kgalit6 )) des quatre valences du carbone Jean JACQUES <Zhimie des interactions mokculairrs. Coikge de France. 11 , place Marcelin-Berthelot, 75005 Paris, France (Rqu le 10 novembre 1397, accepre le 13 novembre 1397) Le concept de thravalence du carbone, for- mulC simultan6ment en 1858 par August Kekule et par Archibald Couper, ne supposait rien de p&is en ce qui concerne la nature et les propriP& des quatre afin& sklectives qui assu- rent l’architecture des composts organiques. Cette notion fondamentale allait rendre pos- sible celle de structure chimigue au sens oh nous l’entendons aujourd’hui. Si cette dernitre d&rBnait (en la compl&ant) la thtorie des lypes, la notion de radical, dtvelopp6e depuis les dCbuts de la chimie organique, restait capitale. Dans sa communication hist-orique aux Anna- Lerl [ 11, Kekult en rappelait l’importance : (( Les radicaux ne sont pas des groupements d’atomes d’une extrsme soliditt, mais un assemblage, une juxtaposition d’atomes qui restent instpa- rabies dans certaines rCactions, dans d’autres, au contraire, ces radicaux sont capables de dispa- raitre en tant que tels 1). En revanche, Couper, lui, dans le manuscrit de sa note aux Cumptes rendus de IIAcadkmie des sciences [2] (c laissait de c6tt l’idee de radicaux N. Cette pr&ision, prC- sente dans le manuscrit original [3], avait it6 bat&e dans la version pubMe. lmplicitement, et peut-&re consciemment, certe &serve ne traduisait-elle pas une fa<on d’esquiver le problkme qui fait l’objet de la prt- sente note ? En effet, si les quatre valences du carbone sont indiscernables dans le mtthane, ii etait clair que celle qui, dans le radical m&hylr par exemple, restait insatisfaite et capablr d’assurer une nouvelle liaison avec un autre A- merit ou un autre radical etait, elle, d’une nature part-iculitre. Mime s’il n’a pas ttt au centre d’un vasw dt’bat et s’il n’a pas contrarik l’effcacitt pratiqw de la notion de structure et son d&eloppement, ce probkme de l’egalid des quatre valences du carbone est rest6 dCbattu pendant plusieun dicennies. Je ne rappellerai que quelques exem- plcs oh il a trouvt son expression rkcurrente. En 1874, Adolphe Wurtz dam son ctkbre Lktionnaire de chimiepure et appliquke, ?I I’arti.- cle Hydrocarbures, distingue encore deux series de carbures d’hydrogkne (encadrk I). DE?TCRIPTlON GENl%ALE DES DIVERSES SERIES DE CARBURES D’HYDROGkNE .%RIE ~~47 URi%, C”HL”+L. - Les hydrocarbures de la sCrie C”H’“+’ renferment d’une part les homologues du gaz des marais, c’est-g-dire les Strie des hydrures alcooliques C H”.H, hydrure de m~thyle (gaz des marak)....... C” H’.H, hydrure d‘ethyle . . . . . . . . (3” H’.H, hydrure de propyle . . . . . ... ... .. .._............ hydrures des radicaux alcooliques, de I’autre ceux du dimethyle, du dikthyle et, en gCnPra1, de tous Its carbures qui, ?tI’Prar de libertk, repksentent les radi- caux des alcools doublk. Les formules suivanres reprksentent les deux skies de carbures d’hydrogkne sarurks, qu’on a longtemps consid&rks comme disrincres : SCrie des radicaux alcooliques normaux er mixte:; C H”.C H3, dimkthyle. C H3.C’ H5, methylure d’kthyle. I... R&dig& h I’invitation des rCdacteurs. 1251~8069/98/00010069 0 Adernie des SciencedElsevier, Paris 69

Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 1, SCrie II c, p. 69-74, 1998

Chronique de la chimie/History of chemistry

Le vrai faux probkme de I’(( kgalit6 )) des quatre valences du carbone Jean JACQUES

<Zhimie des interactions mokculairrs. Coikge de France. 11 , place Marcelin-Berthelot, 75005 Paris, France

(Rqu le 10 novembre 1397, accepre le 13 novembre 1397)

Le concept de thravalence du carbone, for- mulC simultan6ment en 1858 par August Kekule et par Archibald Couper, ne supposait rien de p&is en ce qui concerne la nature et les propriP& des quatre afin& sklectives qui assu- rent l’architecture des composts organiques.

Cette notion fondamentale allait rendre pos- sible celle de structure chimigue au sens oh nous l’entendons aujourd’hui. Si cette dernitre d&rBnait (en la compl&ant) la thtorie des lypes, la notion de radical, dtvelopp6e depuis les dCbuts de la chimie organique, restait capitale. Dans sa communication hist-orique aux Anna-

Lerl [ 11, Kekult en rappelait l’importance : (( Les radicaux ne sont pas des groupements d’atomes d’une extrsme soliditt, mais un assemblage, une juxtaposition d’atomes qui restent instpa- rabies dans certaines rCactions, dans d’autres, au contraire, ces radicaux sont capables de dispa- raitre en tant que tels 1). En revanche, Couper, lui, dans le manuscrit de sa note aux Cumptes rendus de IIAcadkmie des sciences [2] (c laissait de c6tt l’idee de radicaux N. Cette pr&ision, prC-

sente dans le manuscrit original [3], avait it6 bat&e dans la version pubMe.

lmplicitement, et peut-&re consciemment, certe &serve ne traduisait-elle pas une fa<on d’esquiver le problkme qui fait l’objet de la prt- sente note ? En effet, si les quatre valences du carbone sont indiscernables dans le mtthane, ii etait clair que celle qui, dans le radical m&hylr par exemple, restait insatisfaite et capablr d’assurer une nouvelle liaison avec un autre A- merit ou un autre radical etait, elle, d’une nature part-iculitre.

Mime s’il n’a pas ttt au centre d’un vasw dt’bat et s’il n’a pas contrarik l’effcacitt pratiqw de la notion de structure et son d&eloppement, ce probkme de l’egalid des quatre valences du carbone est rest6 dCbattu pendant plusieun dicennies. Je ne rappellerai que quelques exem- plcs oh il a trouvt son expression rkcurrente.

En 1874, Adolphe Wurtz dam son ctkbre Lktionnaire de chimiepure et appliquke, ?I I’arti.- cle Hydrocarbures, distingue encore deux series de carbures d’hydrogkne (encadrk I).

DE?TCRIPTlON GENl%ALE DES DIVERSES SERIES

DE CARBURES D’HYDROGkNE

.%RIE ~~47 URi%, C”HL”+L. - Les hydrocarbures de la sCrie C”H’“+’ renferment d’une part les homologues du gaz des marais, c’est-g-dire les

Strie des hydrures alcooliques

C H”.H, hydrure de m~thyle (gaz des marak)....... C” H’.H, hydrure d‘ethyle . . . . . . . . (3” H’.H, hydrure de propyle . . . . . . . . . . . . . .._............

hydrures des radicaux alcooliques, de I’autre ceux du dimethyle, du dikthyle et, en gCnPra1, de tous Its carbures qui, ?t I’Prar de libertk, repksentent les radi-

caux des alcools doublk. Les formules suivanres reprksentent les deux skies de carbures d’hydrogkne sarurks, qu’on a longtemps consid&rks comme disrincres :

SCrie des radicaux alcooliques normaux er mixte:;

C H”.C H3, dimkthyle. C H3.C’ H5, methylure d’kthyle. I...

R&dig& h I’invitation des rCdacteurs.

1251~8069/98/00010069 0 Adernie des SciencedElsevier, Paris 69

Page 2: Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

J. Jacques

hydrure de buryle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CL H’.C’ H5, diPthyle (tthylure d‘&thylc). C H”.C” H’, methylwe de propyle.

C5 H”.H, hytlrure d’amyle . ..___........____................. { CL H’.C’ H’, ethylure de propyle. C H”.C” H”, mCthylure de butyle.

hydrure d’hexyle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

C.’ He’.C” H7, dipropyle (propylure de propyle). C’ Hi.@ H’, ethylure de butyle. C H”.C5 H”, mtthylure d’amyle.

hydrure d’heptyle, etc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . {

C’ H:‘.C” H”, propylure de butyle. C’ Hc’.C5 HI’, ethylwe d’amyle. C H’.C” H13, m&thylure d’hexyle.

- Encadre 1

----

Et Wurtz poursuivait : (( En traitant par ie chlore ou le brome quelques-uns des termes correspondants de ces deux series, tels que l’hydrure d’ethyle et le mtthyle, l’hydrure d’heptyle et l’ethylure d’amyle, M. Schorlem- mer a obtenu des chlorures ou bromures qui lui ont paru identiques dans les deux cas, circons- tance qui a port& ce chimiste h conclure g l’iden- titt des deux series d’hydrocarbures. Cette conclusion parait devoir Ctre abandon&e. D’abord elle repose sur des expiriences trop peu nombreuses et qui ne paraissent pas offrir le de@ de prtcision que comporterait un sujet aussi delicat. En second lieu, il est B remarquer que la thgorie prkoit. et que I’expPrience per- met dc constater des isomCries parmi les car- bures appartenant aux deux series ( ‘) )).

Et Wurtz se just&ail en note : c( 1. Ayant sou- mis B l‘action de l’hydrogtne naissant le dibro- mure de d&yl&e (diamylkne), j’ai obtenu un dihydrure de dPcyltne Cl0 H2” H2 = C”’ Hz2, qui m’a paru diff&ent de l’amyle ou diamyle C5 H”.C5 Hi’ = C”’ Hz” N.

En f:lit, comme beaucoup de ses contempo- rains, Wurtz mit un certain temps avant d’adopter toutes les implications de la theorie de la structure. A sa d&charge, il faut bien dire que l’cxistence des multiples isomercs des hydrocarbures complrquait singuli6rement le problerne de leur prkparation et de leur etude. Mais d’autres, cornme Lothar Meyer (1836 1895), ne manifest&rent pas la mtme inertie. Dans son livre LXe mndernrn Tbeorie der O%e- mie paru en 1864 (p. .3 13), Meyer, pour expli- quer les cas d’isomtrie observes dans la serie des hydrocarbures satur&, avait d’abord cru news- saire d’admettre l’in6galitC des quatre valences du carbone. Deux ans plus tard [4], les r&ultats de Carl Schorlemmcr [S] (se reporter B l’annex~~) I’avaient fait changer d’avis : avec I’obtention du mime chlorure d’ithyle B partir

70

de I’hydrure d’tthyle et du dimethyle, le pro- blPme ttait r&olu.

En 1880, cette question de 1’6galitt des quatre valences du carbone rebondissait Icependant sous une autre forme. L. Schreiner dans un arti- cle intitule Deux cas remarguahles de mhame%ie ddn.r des combinaisons organiqtles [6] rapportait que, suivant leur mode de formation, on pou- vait obtenir un carbonate de mtthyle let ti’kthyle et un carbonate d’tthyle et de mkhyle p&en- tant des points d’Cbullition diffdrent.s. Dans la m&me communication, I’auteur dicrivait la prtparation de deux u&es substituCes isomkres CH,NHCONHC2H, et C,H,NHCONH-

CH3. Ces don&es comblaient bviciemment de joie

Hermann Kolbe, antiatomiste de choc, qui considkrait comme des aberrations (Verirrun- gen), les (( 01s de la nature ), promulguees par Kkle (7;:’ e u’ (( Certains acceptent #encore le dogme de I’egalit6 des quatre valences du car- bone alors qu’il y a longtemps qu’on a mis en evidence, dans les acides organiques, la diff& rence qui existe entre les liaisons qw unissent l’oxygkne au carbone )).

Par une de ces coi’ncidences auxquellrs l’his- toire des sciences nous a habit&s, A. Geuther (1830-I 895) et son collaborateur Bruno R6se IS], au m6me mois d’aoht 1880, arri- vaient B des conclusions diamktralement oppo- &es B celles de Schreiner et de Kolbe.

Dans un m&moire portanr sur les transfor- mations des chloroformiates en nouveaux car- bonates mixtes par substitution du chlore au moyen d’alcoolates approprits, R&se apportair 1 a preuve de l’identite totale des carbonates mixtes obtenus, quel que soit leur mode de prP- paration. C’ttait pour lui demontrer du mime coup I’kgalitk des deux affinites (Kohlenstoffaf- finitaten) qui lient, dans ces composils, le car-

Page 3: Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

Le vrai faux problhme de I’<( Cgalit6 B des quatre valences du carbone

bone aux radicaux alcoxy (ou le chlore dans le Louis Henry (1834-1913) publiait dans nos

phosgkne). Comptes rendus une note [9] qui, selon lui,

On aurait pu croire la question dtfinitive- clevait mettre un point final (ou presquc) .w

ment rkglCe : elle ne I’ktait pas encore pour tout probltme qui nous occupe. Elle m&rite d’Ctre

le monde. En 1887 - plus de vingt ans aprts les relue, ne serait-ce que pour I’ingtniositC de la

travaux de Schorlemmer .- le chimiste belge solution qu’elle propose (encadre’ 2).

--

CHl~rri ORGANIQUE - MPthode de dhermination de la valeur reldhe des quatre unith d’action chimique dc,

Ihome du mubone. Note de M. Louis Henry, pr&enrPe par M. Friedel.

tc A la base des doctrines de la Chimie organique, telle qu’elle est gkn&alement comprise aujourd’hui, st wouvenr deux principes gknkaux :

cs n. La yuadvivalence de l’atome du cLubone ;

CC 6. I:identitPfonr,tionnellt,de celui-ci dims ses divers points d’atrache, c’est-i-dire I’idenrirC de valeur de ses quarre unites d’acrion chimique.

CC Le premier de ces principes esr un fair d’ordre expkrimenral : aussi est-il en dehors de route conresration

Le second esc loin d’avoir le mCme caractkre de cercirude objective ; ii se vCr&e dans ses conskquences, mais

une dtmonsrration rigoureuse, directe et compkce, lui manque encore, du moins d’ordre chimique. C’esr la

&he que j~ai entrepris de rkoudre. Je crois qu’il ne sera pas inurile d’cxposer la mkthode qui doit, selon moi,

me permetcre d’atteindre 21 cc but.

cc L’identitk ou la diffkrence de valeur des quarre unit& d’affinitC du carbone peut se dt!duire de la nature

des composk monocarbon& CX”. Quelle que soit la valeur relative de ces diverses unirPs d’affinitk, les d&i.

v& monocarbon&, <:X4 siwpb, ne renfermant fix& sur le carbone que des radicaux de mCme sorte, doivenr

Stre uniqucs. chacun de leur espkcc. II en est ainsi dans la realitC : on ne connair en effet quc sous une seult,

variktt les composts CH”, CCI”. CO’, CS’. C(OC’ H514, etc. ; mais il en doit &re rout aurrement ‘dea composk mixtes, ceux oti sur I’atome C sent fix& des radicaux diff’rents.

c( Si ces quacre unit& d’affinirbs sont de mCme sortc‘ et one la m&e valeur, les d&iv& mixtes doivenr krrt

aussi, au point de \we chimique, chacun seuls de leur espke ; mais ils doivent exister sous des varittts dif-

fekntes, si ces diverses unit& d’affinirks ne sont pas identiques. Prenons le cas le plus simple et supposons

une unik d’affinitb diffirente des trois autres ; cela &ant, un compose double CX3X’ devra constituer d,eun

vnrid& distinctes ; L~TI composk triple (:>(?X’X” en constiruera troi.rct un compose quadruple (XX’X”X”

en constiruera quatre. On Irr voir, la quesrion revienr B I’kude de I’isomkrie dans les d&iv& monocarbon&

mixtP,- ; puisqu’elle SC pose ddjB d’unc manikre compkte et dam les conditions les plus simplcs dam Ies d&i-

v& d0uhle.r CX’X’, il est possible de se r-estreindre 3 I’examen de ceux-ci. Ceux qui se prksentent d’eux-

m&mes et qui sonr les plus ais& a obrenir sent les d&iv& monosubstituk du methane CH’X.

cc Au premier abord la quesrion semble r&olue, les dCrivCs mixtes (:X3X’ n’existent chacun que sous uric

seuie variCc6 ; on ne connaic, en effet, qu’un seul alcool m&thylique CH-‘(OH), qu’un seul chlorure dc

mkthyle CH’CI, qu’une seule mtthylamine CH’(AzH’), comme un seul chloroforme CHCl’ et une seulc

chloropicrine CCI”(Az0’). Mais, en y regardant de plus prk, on volt que ce fairest saris valeur ; la raison en

est que l’on esr dans I’impuissancc absolue d’affirmcr que, dans les divers khantillons, form& dans des con-

ditions difkenres de ces d&iv&, les radicaux X et X’ saturent des unites d’affnitts diverses.

cs I1 est done nkessaire de produire Ies d&iv& monosubstiruks du methane CH-‘X dans un systPme mbrho-

dique de kaccions permertant d’affirmer que le radical substituant X satisfait successivement chacune $des

quatre unit& d’affinirC de I’atomc du carbone ; en prenanr successivement la place de chacun des quatre aro-

mes d’hydrogkne de CHq ; en d’aurres tcrmes, il s’agif de constarer si I’ordre d‘introduction d’un radical X

dans la molkule du mkrhane influe OLI n’influe pas sur les prnprikk et la nature du compost: CH3X qui en

r&l It’.

(( Les composes monosubstituks, destintb i rtsoudre cctte question, sur lesquels, apr&s mGre reflexion.

mon choix s’est fix& sent le nitromhhzne CH”(A&) et le ~cynnom&hane CH.‘-CAz ou I’acktonitrile. Les rai-

sons de cette prkfkrence sonl d’abord que ces composks sent bien connus, do&s de propriCr&s physiques et

chimiques qui permettent de les soumettre a un examen minutieux ec approfondi, ensuite qu’ils sent aistis a

obtenir par des mkrhodes diverses, saris devoir recourir 1 des tempCratures ilevies, capables de d&erminer

des modifications dans les rapports de combinaisons des tSlCmenrs dans la mol&ule. I...

71

Page 4: Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

J. Jacques

(( Je dkignerai par les lettres a, p, yet 6 les quatre atomes de l’hydrogkne, successivement remplaces dans le methane par les radicaux (AZ&) et (CAz). Voici I’ensemble des reactions qui me permettra d’obtenir les quatrc dCriv&, nitromtthane et ackonitrile a, p, y et 6.

cs I” DPrivh a ou directs. - Rtaction de I’iodure de mCthylc CH31(a). Sur le nitrite d’argent Ag(Az0’) (Victor Meyer) et le cvanure potasriquc KCRz (Louis Henry).

(t 2” DPviv6j p. - (a) Nitromtchane p. Bm(AzO.‘) - CHJ ; reaction sur le nitrite potassique KAz02 de I’acide P-chloro-ace’tique, ?X [‘&at de sel (Kolbe).

fi-CICH’ - CO’K + KAzO” = P-(AzO*) CH2 - CO’K + KCI, P-(AzO’) CH” - CO’K + H(OH) = p-AzO’ - CH” + CO(OH)(OK).

<< L’acide P-chloro-acktique rtsulte de I’action directe du chlore sur I’acide acktique synrhitique

CH’ - (C02H)” fait avec I’acCtonitrile synth&tique CH’ - CAza.

tc (h) Acttonitrile p-(3H3 - (CAzjB. Distillation s&he de l’acide P-cyano-acPtique (Van t’Hoff)

p-(CAT) .- CH’ - (CO’H la = P-CAz - CH” + CO’.

(( L’acide P-cyano-acktiquc r&Ire de [‘action du cyanure de potassium sur I’acide [khloro-ackrique ClCH’ - CO’H i I’ttat de se1 (Kolbe et H. Miiller).

(( 3O D@‘~ivks y. - A i’aide de I’acide y-chloro-ackique y(ZlCH’- CO(OH) on obtient, par les reactions qui

viennent d’@trc indiquees, I’acttonitrile et le nitrom~tbane correspondants, y. L’acide acttique monochlok y rPsulte de la distillation stchc de l’acide y-chloromalonique I/-CICH = (CO’H)’ a0 (Conrad et Guthzeit)

y-CICH = (C02H)‘c$ = y-CICH’ - COOH + CO’.

(( Uaction du chlore sur le malonate dikthylique fournit, avec une nettetP remarquable, son dtrivt! chlor6 CICH - (COOC’H5)‘. Uacide malonique lui-m;me CH2 - (COOH)’ I$ d &ive de I’acide cyano-acttique

PCAz - CH” - (COOH)a.

(( 4” Dkk 6. - On les obtiendra comme les d&iv& prkkdents, j I’aide de I’acide acitique mono-

chlore 6-CICH’ - COOH, par les r&actions indiqutes.

(( L’acide chloro-acttique 6 doit rCsulter de la d&composition, par la chaleur, de I’acide &chloromkthine- tricarbonique &ClC - (COOH)’ (x, p et y.

(1 L’kther mgthine-tricarbonique HC - (COOC’H’)’ subir aiskment I’action substituante du chlore ; il rtsulte lui-m&me de I’action du chlorocarbonate tthylique ClCO(OC2H5) SW le malonate: d’Cthyle mono-

sod& ((Conrad et Guthzcit).

c( J’ai obtenu, jusqu’a present, tant pour I’acCtonitrile que pour le nitro-mtthane, les dPriv& a, p et y. Je n’ai pu constater, entre ces d&iv& d’ordre substitutif divers, aucune diffdrence apprkciable. II me reste I obtenir- les d&iv& 6 : cc‘ sont ceux dont la prCparation exigera le plus d’efforts et de travail.

__-

Encadre 2

II est trop facile de s’ktonner aujourd’hui de des longueurs et des e’nergies diffkentes [ 111. I’acharnement de nos anc&tres h s’attaquer a un problkme (finalemenr saris consCquences majeures) dont I’origine Gent saris doute ZI l’imprtcision du mot valence, une imprkcision que Pauling en 175 1 ne manquait pas de relever [I 01. En fait, avant la dkouverte de l’tlectron (1877), la vaknce pouwit dtsigner B la fois la c~~p&tP pour un atome de former des liaisons et ces liaisons elles--m&es. Aujour- d’hui, tous les ktudiants savent que, dans les combinaisons organiques dont elles assurent I’architecture, les diffkrentes liaisons du car- bone avec lui-m&e ou avec d’autres 6lCments ne sont pas (( Cgales )) : Jles peuvent possfkler

Mais qui peut prktendre que, dans nos recher- ches actuelles, nous ne sommes pas parfois vic- times de la m@me myopie que nos colkgues du sitcle dernier ?

Annexe

I1 ne peut Gtre question de revenir ici dans le d&ail sur l’ceuvre et la personnalitC de Carl Schorlemmer (1834-l 892) dont I’importance dans l’histoire de la chimie reste diversement apprtcike quand elle n’est pas injustement oublike. On trouvera en particulier dans le Dic- tionary of Scientijk Biographies (de C.C. Gillis--

72

Page 5: Le vrai faux problème de l'≪ égalité ≫ des quatre valences du carbone

Le vrai faux probkme de I’u Cgalitk P des quatre valences du carbone

pie, Scriners and Sons, tome XII) et dans les-ci n’ont pas CtP recensees par les Chemical A History of Chemistry de J.R. Partington (MC Abstracts. On pourra lire avec inter&, de Theo- Millan 1964, tome IV, p. 774) I’essentiel de ce dor Benfey et Tony Trave (Chemistry &Indust?y qu’il faut savoir sur lui. Ami personnel de Karl (London), 1992, p. 441), un remarquable arti- Marx et de Friedrich Engels, son activite de cle intitule CarlScborlemmer, the red chemist qui communiste militant a fait I’objet de nombreu- donne une image sans parti pris de ce chimiste, ses publications partisanes dans des revues philosophe et historien des sciences hors du sovietiques ou de I’ex-RDA. La plupart de cel- commun.

Rdfdrences et notes bibliographiques

[I] KekulP A., .4nn. 106 (1858) 153.

(21 Couper A.S., C.R. Acad. Sci. Paris 46 (1858) 1 I57 et Ann. de Chit& 53 (1858) 469.

[.1] Jacques J., C.R. Acad. Sci. Paris 322 (1996) 255.

[4] Meyer L., Ann. 139 11866) 28.3.

[5] Schorlemmrr C., Anti. 132 (1864) 234.

[6] Schteincr L.. J. Prak Chem. 22 (1880) 353.

171 Kolbe H., J. Prak Chem. 22 (1880) 361.

IS] Geurher A., Rase B., Ann. 205 (1880) 353.

[‘>I Henry L.. CR. Acad. Sci. Paris 104 (1887) 1106.

[III] Pauling L., Chimie geWrale (trad. R. PBris), Dumxi, Paris, 1251, p. 11.3.

[l I] Voir, pnr exemple : March J., Advanced Orgamc Ch emistry: Reactions, Mechanisms and Structutc, MC Craw-Hill. p. 21-27

73