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DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES

Lettre XLVII - Du Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil

Je ne vous verrai pas encore aujourd’hui, ma belle amie, et voici mes raisons, que je vous prie de recevoir avec indulgence.

Au lieu de revenir hier directement, je me suis arrêté chez la comtesse de, dont le château se trouvait presque sur ma route, et à qui j’ai demandé à dîner. Je ne suis arrivé à Paris que vers les sept heures, et je suis descendu à l’Opéra, où j’espérais que vous pourriez être.

L’opéra fini, j’ai été revoir mes amies du foyer ; j’y ai retrouvé mon ancienne Émilie, entourée d’une cour nombreuse, tant en femmes qu’en hommes, à qui elle donnait à souper le soir même à P… Je ne fus pas plutôt entré dans ce cercle, que je fus prié du souper, par acclamation. Je le fus aussi par une petite figure grosse et courte, qui me baragouina une invitation en français de Hollande, et que je reconnus pour le véritable héros de la fête. J’acceptai.

J’appris, dans ma route, que la maison où nous allions était le prix convenu des bontés d’Émilie pour cette figure grotesque, et que ce souper était un véritable repas de noce. Le petit homme ne se possédait pas de joie, dans l’attente du bonheur dont il allait jouir ; il m’en parut si satisfait, qu’il me donna envie de le troubler ; ce que je fis en effet. […]

L’idée sublime que nous nous étions formée d’un buveur Hollandais, nous fit employer tous les moyens connus. Nous réussîmes si bien, qu’au dessert il n’avait déjà plus la force de tenir son verre : mais la secourable Émilie et moi l’entonnions à qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu’elle doit au moins durer huit jours. Nous nous décidâmes alors à le renvoyer à Paris ; et comme il n’avait pas gardé sa voiture, je le fis charger dans la mienne, et je restai à sa place. Je reçus ensuite les compliments de l’assemblée, qui se retira bientôt après, et me laissa maître du champ de bataille. Cette gaieté, et peut-être ma longue retraite, m’ont fait trouver Émilie si désirable, que je lui ai promis de rester avec elle jusqu’à la résurrection du Hollandais.

Cette complaisance de ma part est le prix de celle qu’elle vient d’avoir, de me servir de pupitre pour écrire à ma belle dévote, à qui j’ai trouvé plaisant d’envoyer une lettre écrite du lit et presque dans les bras d’une fille, interrompue même pour une infidélité complète, et dans laquelle je lui rendis un compte exact de ma situation et de ma conduite. Émilie, qui a lu l’épître, en a ri comme une folle, et j’espère que vous en rirez aussi.

Comme il faut que ma lettre soit timbrée de Paris, je vous l’envoie ; je la laisse ouverte. Vous voudrez bien la lire, la cacheter, et la faire mettre à la poste. Surtout n’allez pas vous servir de votre cachet, ni même d’aucun emblème amoureux ; une tête seulement. Adieu, ma belle amie. […]

Adieu, la très belle dame. Je veux avoir tant de plaisir à vous embrasser que le chevalier puisse en être jaloux.

de P… ce 30 août 17…

Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, 1792

SCÈNE IV D. JUAN, SGANARELLE, CHARLOTE, MATHURINE.

SGANARELLE, apercevant Mathurine. Ah, Ah !MATHURINE, à Don Juan. Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d’amour aussi ?DON JUAN, à Mathurine. Non, au contraire, c’est elle qui me témoignait une envie d’être ma femme, et je lui répondais que j’étais engagé à vous.CHARLOTTE. Qu’est-ce que c’est donc que vous veut Mathurine ?DON JUAN, bas à Charlotte. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l’épousasse ; mais je lui dis que c’est vous que je veux.MATHURINE. Quoi ? Charlotte…DON JUAN, bas à Mathurine. Tout ce que vous lui direz sera inutile ; elle s’est mis cela dans la tête.CHARLOTTE. Quement donc ! Mathurine…DON JUAN, bas à Charlotte. C’est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie.MATHURINE. Est-ce que…? DON JUAN, bas à Mathurine. Il n’y a pas moyen de lui faire entendre raison.CHARLOTTE. Je voudrais…DON JUAN, bas à Charlotte. Elle est obstinée come tous les diables.MATHURINE. Vramant…DON JUAN, bas à Mathurine. Ne lui dites rien c’est une folle.CHARLOTTE. Je pense…DON JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la là, c’est une extravagante.MATHURINE. Non, non : il faut que je lui parle.CHARLOTTE. Je veux voir un peu ses raisons.MATHURINE. Quoi ?DON JUAN, bas à Mathurine. Je gage qu’elle va vous dire que je lui ai promis de l’épouser.CHARLOTTE. Je…DON JUAN, bas à Charlotte. Gageons qu’elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme.MATHURINE. Holà ! Charlotte, ça n’est pas bien de courir sur le marché des autres.CHARLOTTE. Ce n’est pas honnête, Mathurine, d’être jalouse que monsieur me parle.

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MATHURINE. C’est moi que monsieur a vue la première.CHARLOTTE. S’il vous a vue la première, il m’a vue la seconde et m’a promis de m’épouser.DON JUAN, bas à Mathurine. Eh bien ! que vous ai-je dit ?MATHURINE. Je vous baise les mains, c’est moi, et non pas vous, qu’il a promis d’épouser.DON JUAN, bas à Charlotte. N’ai-je pas deviné ?CHARLOTTE. A d’autres, je vous prie : c’est moi, vous dis-je.MATHURINE. Vous vous moquez des gens ; c’est moi, encore un coup.CHARLOTTE. Le v’la qui est pour le dire, si je n’ai pas raison.MATHURINE. Le v’la qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai.CHARLOTTE. Est-ce, monsieur, que vous lui avez promis de l’épouser.DON JUAN, bas à Charlotte. Vous vous raillez de moi.MATHURINE. Est-il vrai, monsieur, que vous lui avez donné parole d’être son mari ?DON JUAN, bas à Mathurine. Pouvez-vous avoir cette pensée ?CHARLOTTE. Vous voyez qu’al le soutient.DON JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la faire.MATHURINE. Vous êtes témoin comme al l’assure.DON JUAN, bas à Mathurine. Laissez-la dire.CHARLOTTE. Non, non il faut savoir la vérité.MATHURINE. Il est question de juger ça.CHARLOTTE. Oui, Mathurine, je veux que monsieur vous montre votre bec jaune.MATHURINE. Oui, Charlotte, je veux que monsieur vous rende un peu camuse.CHARLOTTE. Monsieur, vuidez la querelle, s’il vous plaît.MATHURINE. Mettez-nous d’accord, monsieur.CHARLOTTE, à Mathurine. Vous allez voir.MATHURINE, à Charlotte. Vous allez voir vous-même.CHARLOTTE, à Don Juan. Dites.MATHURINE, à Don Juan. Parlez.DON JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai,

laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J’ai un petit ordre à donner ; je viens vous trouver dans un quart d’heure.CHARLOTTE, à Mathurine. Je suis celle qu’il aime, au moins.MATHURINE. C’est moi qu’il épousera.SGANARELLE. Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.DON JUAN, revenant. Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suis pas.SGANARELLE. Mon maître est un fourbe ; il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (Il aperçoit Don Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez le plutôt à lui-même.DON JUAN. OuiSGANARELLE. Monsieur ? comme le monde est plein de médisants, je vais au devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il aurait menti.DON JUAN. Sganarelle.SGANARELLE. Oui, monsieur est homme d’honneur, je le garantis tel.DON JUAN. Hon !SGANARELLE. Ce sont des impertinents.

Molière, Dom Juan, Acte II, scène 4

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Malgré le fond de l'excellente morale, fruit nécessaire des divins principes enracinés dans mon cœur, je fus toute ma vie la victime de mes sens; je me suis plu à m'égarer, et j'ai continuellement vécu dans l'erreur, n'ayant autre consolation que celle de savoir que j'y étais. Par cette raison j'espère, cher lecteur, que bien loin de trouver dans mon histoire le caractère de l'impudente jactance1, vous y trouverez celui qui convient à une confession générale, quoique dans le style de mes narrations vous ne me trouverez ni l'air d'un pénitent, ni la contrainte de quelqu'un qui rougit rendant compte de ses fredaines2 : ce sont des folies de jeunesse. Vous verrez que j'en ris, et si vous êtes bon, vous en rirez avec moi.

Vous rirez quand vous saurez que souvent je ne me suis pas fait un scrupule de tromper des étourdis, des fripons, des sots quand j'en ai eu besoin. Pour ce qui regarde les femmes, ce sont des tromperies réciproques qu'on ne met pas en ligne de compte, car quand l'amour s'en mêle, on est ordinairement la dupe de part et d'autre. [ ...]

Examinant, mon cher lecteur, le caractère de cette préface, vous devinerez facilement mon but. Je l'ai faite parce que je veux que vous me connaissiez avant de me lire. Ce n'est qu'aux cafés, et aux tables d'hôte, qu'on converse avec des inconnus.

J'ai écrit mon histoire, et personne ne peut y trouver à redire; mais suis-je sage la donnant au public que je ne connais qu'à son grand désavantage ? Non. Je sais que je fais une folie; mais ayant besoin de m'occuper, et de rire, pourquoi m'abstiendrais-je de la faire ?

1. Se dit d'une personne vaniteuse qui manifeste la haute opinion qu'elle a d'elle-même. 2. Écart de conduite qui ne porte pas à conséquence, sans réelle gravité.

Giacomo Casanova, Histoire de ma vie, 1825.

Sur Casanova : - Un dossier de l’Express, regroupant des extraits savoureux, un entretien avec

Chantal Thomas (spécialiste du XVIIIème) et un diaporama des différentes adaptations cinématographiques de l’œuvre : http://www.lexpress.fr/culture/livre/casanova-une-certaine-idee-de-la-seduction-et-du-plaisir_1015722.html

- Un dossier consacré à l’exposition « Casanova » à la BNF (avec, notamment, le manuscrit de l’œuvre) : http://expositions.bnf.fr/casanova/

Valmont écrit du lit d’Emilie

Achille Jacques Jean Deveria, gravure Pierre Touzé, 1820

A retrouver ici : http://sites.univ-provence.fr/pictura/GenerateurNotice.php

Valmont écrit du lit d’Emilie

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Nils Lafrensen, dit Nicolas Lavreince le Jeune,gravure Romain Girard, 1788

A retrouver ici : http://sites.univ-provence.fr/pictura/GenerateurNotice.php?numnotice=A2481

Valmont écrit sur le dos d’Emilie

Charles Monnet, gravure Charles Louis Lingée, 1796.

A retrouver ici : http://sites.univ-provence.fr/pictura/GenerateurNotice.php?numnotice=B1212