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L’économie politique comme écriture tragique

(Les théories de la Justice au dix-septième en France de Montchrestien à Boisguilbert)

Stéphane CallensCentre EREIA, IFRESI CNRS

Université d’Artois

Dürer, Sancta Justitia, 1493

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Quelques mots sur le lien tragédie/début de l’économie politique

En France, premiers écrits d’économie politique dans des dynasties littéraires :Montchrestien est un auteur de tragédie; son « Traité d’économie politique » introduit l’expression en 1615. Il est un des grands représentants de la tragédie héroïque avec Corneille.La tragédie humaniste, puis classique est à base de sentences et maximes : beaucoup de genres littéraires sont à base de goût de la sentence et de la maxime au XVIIème (recueils de maximes, fables); Les premières études économiques peuvent se situent aussi dans cette expansion d’un procédé littéraire.Boisguilbert appartient à la famille de Corneille; mais il a fait ses études à Port Royal et participe du tournant racinien de l’écriture tragique.Une réécriture des deux plus célèbres tragédies de Montchrestien est réalisée par Racine (Esther reprend Aman de Montchrestien) et Boisguilbert (La Reine d’Ecosse).

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Sommaire1 / on va distinguer les théories politiques de la justice et les théories économiques; ce qui permet de constater que la transition de l’un à l’autre se fait au 17ème siècle2/ La Clémence, théorie politique, est un corrélat du mercantilisme3/ Le jansénisme, remise en cause de la Clémence4/ Le thème de l’égalité apparaît avec les projets de réforme fiscale (Vauban, Boisguilbert) à la fin du dix-septième siècle

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Théorie politique de la

justice

Théorie économique de la justice

18ème-20éme

siècle

Antiquité et

Renaissance

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1/ des théories politiques aux théories économiques de la justice

Dans l’Antiquité : Une Clémence de l’empereur pour cultiver sa popularité (Sénèque)A la Renaissance :néo-stoïcisme et Clémence associée au développement d’un droit administratifLe dix-huitième : tous les thèmes de la théorie économique de la justice sont en place (Contrat Social, Utilitarisme, Séparation des pouvoirs qui rompt institutionnellement avec les usages politiques de la justice, ceux de la Clémence)CONCLUSION : la césure entre théorie politique et économique se situe au dix-septième siècle

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Rawls : liberté et égalité

Montchrestien et les mercantilistes

Boisguilbert et les réformateurs fiscaux

La Clémence, une théorie Politique de la justice

Que l’impôt ne « ruine pas le pauvre »: apparition d’une théorie économique de la justice

Période de la tragédie Héroïque: le dilemme cornélien est exercice de vertu

Période de la tragédie dite « tendre » : Racine

Un rigorisme moral de type calviniste

Un rigorisme moral de type janséniste

Apparition du thème de la liberté

Apparition du thème de l’égalité

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2/ La Clémence

Un Souverain et son administration « Modérateur » qui fait « autant d’ordonnances que de désordres » (Montchrestien, Traité)

Images d’Almanach (vers 1690):

L’intendant corrige les écoliers; la Justice fait vomir le trop perçu par les marchands de blés.

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L’oubli, thème de la clémence héroïque

« Et qu’enfin la clémence est la plus belle marque qui fasse à l’univers connaître un vrai monarque » (Cinna, 1265-6)

Tragédie héroïque : celles de Montchrestien et CorneilleIl existe un lien entre l’héroïsme et la virtu de Machiavel et

des Politiques (on désigne par ce terme spécifiquement les conseillers de henry IV; Montchrestien est lié à la cour de Condé, branche parallèle à la famille régnante des Bourbon)

« qu’Auguste a tout appris, et veut tout oublier » (Cinna, 1780)

Le souverain est là pour arrêter le cycle des représailles et des vengeances; l’oubli doit arrêter la guerre civile: c’est le principe de l’Edit de Nantes (1598). Celui-ci n’accorde la liberté de culte qu’aux seigneurs hauts-justiciers

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« le Traité d’économie politique »

Montchrestien est lié à la cour des Condé. Dans le Traité il avance que « l’âme est à Dieu et les corps au Roi », une revendication de la liberté de conscience. Le Traité est lié à l’échec des Etats-Généraux de 1614, où Condé insatisfait se retire.Expression du « Beruf »: la vocation, dessein d’un Dieu du puritanisme.Cité puritaine qui exclut « les vagabonds, les fainéants, voleurs, pipeurs, batteurs de pavé, rufians, maquereaux »Le « Traité »est très xénophobe et belliciste : expression de ce « mercantilisme » en quelque sorte à son apogée théorique.

Reprise des guerres de religion: Montchrestien tombe dans une embuscade en 1621.

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3/ La remise en cause de la Clémence

Le « ne que » de La Rochefoucauld« 15. La clémence des princes n’est souvent qu’une politique pour gagner

l’affection des peuples » (Maximes, 1664)

« L’égalité mais » de PascalChez Pascal : une théorie critique de la justice, proche des thèmes « ne que »

RacineCondamnation de la Clémence et reformulation d’une justice sociale

royale; thème de la surprise, l’erreur de bonne foi des rois et des ministres.

On passe d’un problème de vertu à un problème d’information. Ce thème de la « surprise » est très important chez Le Pesant de Boisguilbert.

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EstherAprès la révocation de l’Edit de Nantes, et avant la mort d’Arnauld; rapprochement temporaire des jansénistes et de Louis XIV dont Racine est un des acteurs principaux. Dans Esther, un roi de Justice sociale et peu clément (il ne maîtrise pas sa colère et tue Aman par méprise)

« mais un roi sage et qui hait l’injusticeQui sous la loi du riche impérieux

Ne souffre point que le pauvre gémisseEst le plus beau présent des cieux »

(Esther, 991-994)Cependant, le jansénisme reste attaché à un absolutisme religieux, s’il récuse tout

cas de conscience et usage relâché de la justice, il ne construit pas pour autant autre chose qu’une théorie critique, mais encore politique, de la justice.

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4/ Boisguilbert et les réformateurs fiscaux

les grandes famines de la fin du règne de Louis XIV s’accompagnent de réformes fiscales mettant en œuvre des impôts directs à taux de 5 % (1695), puis 10 % (1710).

Vauban, Belesbat, Fénelon, Boisguilbert :un groupe de réformateurs fiscaux.

Vauban

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Egalité fiscale

Trois innovations majeures : impôt de quotité, droit de remontrance et égalité fiscale.

Le plus épineux : les clercs . L’Eglise obtiendra une exemption fiscale après la réforme fiscale de 1710.

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Le Pauvre, « endroit faible » de la nation

Montchrestien : purge du corps de la Nation de ses gueuxTout sujet acquiert un statut positif de contribuable. La taxation proportionnelle apparaît comme la plus « juste », devant les aspects fortement régressif du système fiscal en place.

Émergence d’une conscience « moderne » de la vulnérabilité de masse, dans un retour des famines interprété comme l’échec du colbertisme.

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En toîle de fond, une intrigue de durabilité budgétaire

Le traité de Montchrestien a valeur de programme pour l’administration royale : cependant il recommande de faire la guerre à ses voisins et d’être clément, c’est à dire d’accorder des larges exemptions fiscales… une politique d’ « insoutenabilité » budgétaire.Dont les conséquences sont perceptibles à l’époque de Boisguilbert : un service de la dette qui excède même les capacités du système fiscal de l’époque. Autour d’une universalité de l’impôt se fixe une première expression d’une théorie économique de la justice et des solidarités devant la pauvreté.