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51 L’éducation Physique en France Sous la Quatrième République (1945–1959) Thierry Terret Après avoir connu la plus longue République de son existence de 1870 à 1940, subi pendant quatre ans le régime pétainiste de Vichy, puis vécu quelques mois de Gouvernement provisoire (1944-1946), la France vote en avril 1946 une nouvelle Constitution. La IVème République est née ; elle s’achèvera dans la douleur de la crise coloniale le 1 er janvier 1959, après 15 années d’une extrême instabilité politique l’amenant à changer de gouvernement tous les 6 mois. Cette période, mal-aimée 1 des Français soucieux d’oublier notamment les « milices patriotiques » et les milliers de morts et d’arrestations de « l’épuration » 2 , et où les contractions sont nombreuses entre la vitalité économique et les conflits politiques qu’elle connaît simultanément, a curieusement fait l’objet de moins d’attention des historiens du sport, en dehors de l’ouvrage incisif, mais déjà ancien, de Marianne Amar 3 . Les travaux sur l’éducation physique sous la Quatrième République sont tout aussi rares puisque, sur 175 articles sur l’histoire de l’EP en France 4 , aucun ne traite spécifiquement de la période 1945-1959. Dans les textes portant sur des périodes plus longues, les auteurs estiment en général que, en la matière, la IVème République a réagi au régime de Vichy en abrogeant simplement les textes de Pétain et en retrouvant les grandes options en vigueur sous la IIIème République : une éducation physique largement finalisée par la santé, dominée par la Méthode française où les exercices de gymnastique de développement et d’application se juxtaposent, le tout dans un système scolaire qui sépare les riches et les pauvres, les filles et les garçons 5 . Est-ce à dire que ces quinze années ne constituent qu’une poursuite des logiques engagées antérieurement, en jouant au mieux un rôle de transition entre la période dite « hygiénique » de l’éducation physique et sa période dite « sportive » qui démarre en 1960 avec la nouvelle politique instaurée par De Gaulle et Maurice Herzog 6 ? Ce · Sport History Review, 2002, 33, 51-72 © 2002 Human Kinetics Publishers, Inc. T. Terret <[email protected]>, CRIS, University of Lyon, 27-29 Bd du 11/11/1918, 69100 Villeurbanne, France.

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51LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE ET L’ÉDUCATION PHYSIQUE

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L’éducation Physique en FranceSous la Quatrième République

(1945–1959)Thierry Terret

Après avoir connu la plus longue République de son existence de1870 à 1940, subi pendant quatre ans le régime pétainiste de Vichy, puisvécu quelques mois de Gouvernement provisoire (1944-1946), la Francevote en avril 1946 une nouvelle Constitution. La IVème République estnée ; elle s’achèvera dans la douleur de la crise coloniale le 1er janvier 1959,après 15 années d’une extrême instabilité politique l’amenant à changer degouvernement tous les 6 mois. Cette période, mal-aimée1 des Françaissoucieux d’oublier notamment les « milices patriotiques » et les milliers demorts et d’arrestations de « l’épuration »2, et où les contractions sontnombreuses entre la vitalité économique et les conflits politiques qu’elleconnaît simultanément, a curieusement fait l’objet de moins d’attentiondes historiens du sport, en dehors de l’ouvrage incisif, mais déjà ancien, deMarianne Amar3. Les travaux sur l’éducation physique sous la QuatrièmeRépublique sont tout aussi rares puisque, sur 175 articles sur l’histoire del’EP en France4, aucun ne traite spécifiquement de la période 1945-1959.Dans les textes portant sur des périodes plus longues, les auteurs estimenten général que, en la matière, la IVème République a réagi au régime deVichy en abrogeant simplement les textes de Pétain et en retrouvant lesgrandes options en vigueur sous la IIIème République : une éducationphysique largement finalisée par la santé, dominée par la Méthode françaiseoù les exercices de gymnastique de développement et d’application sejuxtaposent, le tout dans un système scolaire qui sépare les riches et lespauvres, les filles et les garçons5. Est-ce à dire que ces quinze années neconstituent qu’une poursuite des logiques engagées antérieurement, enjouant au mieux un rôle de transition entre la période dite « hygiénique »de l’éducation physique et sa période dite « sportive » qui démarre en 1960avec la nouvelle politique instaurée par De Gaulle et Maurice Herzog6? Ce

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Sport History Review, 2002, 33, 51-72© 2002 Human Kinetics Publishers, Inc.

T. Terret <[email protected]>, CRIS, University of Lyon, 27-29 Bddu 11/11/1918, 69100 Villeurbanne, France.

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serait précisément faire peu de cas des conflits qui traversent alors le champde l’EP, conflits dont l’enjeu reste la définition d’un modèle légitime et d’uneconception dominante de l’éducation physique.

En effet, pendant ces quinze années, l’EP fait au contraire l’objet demultiples redéfinitions, aidée en cela par les hésitations manifestes dulégislateur dans une conjoncture politique turbulente et la nouveauté desstructures d’après-guerre. Non seulement l’impératif de santé ne permetpas de comprendre l’ensemble des enjeux de l’éducation physique propresà cette période, mais encore il devient difficile de la considérer au singulier.L’étude devrait conclure en revanche à un éclatement du champ en fonctiondu public visé, dans une forme de consensus institutionnel qui distribueles compétences. Ainsi la définition de l’éducation physique dansl’enseignement primaire, dans l’enseignement secondaire, dans les struc-tures de formation du futur ouvrier ou encore dans les centres derééducation physique qui confortent les classifications en groupes initiéespar les Instructions de 1945 apparaît-elle soumise à des conceptionspartiellement divergentes dont les relais théoriques sont assumés par desinstitutions distinctes.

1. Renouvellements Politiqueset Priorités Nationales

A la Libération, le monde du sport et de l’éducation physiquen’échappe pas à l’épuration— ici administrative—que connaît alors le pays7.Puisqu’il s’agit d’éliminer tout ce qui pourrait rappeler les heures de Vichyet de renouveler les structures en conséquence, le Gouvernement provisoireen licencie un tiers des cadres et crée une Direction Générale de l’EducationPhysique et des Sports8. Elle est rattachée au ministère de l’Educationnationale et placée sous la responsabilité du recteur Jean Sarrailh. Moinsde six mois plus tard, le premier février 1946, celui-ci est remplacé parGaston Roux9, la direction relevant bientôt d’un nouveau sous-secrétariatd’état à la Jeunesse et aux sports dont, signe du changement, la chargeincombe pour la première fois à une femme, Andrée Viennot, députée desArdennes10. Ces nouvelles structures et ces personnels constituent uneparenthèse de stabilité face aux multiples changements ministériels quiaffectent la Quatrième République en général et l’Education nationale enparticulier. Gaston Roux, socialiste et ancien directeur de cabinet de LéoLagrange, mais aussi militaire de carrière à l’Ecole de Joinville dont onconnaît le rôle joué pendant trois quarts de siècle comme principale in-stance de formation des maîtres de gymnastique et responsable de larédaction de la méthode française d’éducation physique entre 1925 et 1930,restera en effet en poste jusqu’en 1958. A l’exception d’une courte périodede 10 mois (du 22 janvier au 21 octobre 1947) au cours de laquelle ellerelève du ministère de la Jeunesse, des arts et des lettres, la Direction

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Générale de l’Education Physique et des Sports demeure pour sa part fidèleau ministère de l’Education nationale, le plus souvent au sein d’un sous-secrétariat d’Etat à l’Enseignement technique, à la jeunesse et aux sports.Dans le contexte particulier de l’après-guerre, la politique de cette nouvelleDirection Générale semble directement influencée par plusieursfacteurs qu’il convient de préciser dans les domaines sanitaires, scolaires,économiques et sportifs.

Vigilances Sanitaires, Traditions Scolaireset Explosion Démographique

Si, en France, les pertes humaines de la Seconde guerre mondiale sont,avec près d’1,5 millions victimes ou déficit de naissances, plus faibles quecelles de la Grande Guerre, il n’en reste pas moins que la population civilea été proportionnellement plus touchée que lors du précédent conflit. En1945, la priorité sera donc de protéger les plus faibles, en particulier lesenfants, dont un tiers présentent alors des troubles de la croissance. Commele souligne Jean-Pierre Rioux, les adolescents ayant 14 ans en 1945 ont unetaille moyenne inférieure de 7 à 11 centimètres à ceux de 1935 et pèsent de7 à 9 kilos de moins, retrouvant par là les indices du début du siècle11. Detels constats, rapidement dressés par les autorités, invitent à multiplier lesactions préventives et curatives, à croiser les dispositifs de renforcementde l’hygiène et de traitement des carences. L’éducation physique, obligatoiredans le système scolaire français depuis 1880, deviendra naturellement l’undes instruments privilégiés des politiques sanitaires quand il s’agira de laredéfinir entre 1945 et 1946 pour tous les ordres d’enseignement. On auraitcependant tort d’y voir une simple initiative de l’Etat, éventuellementcoupée des besoins exprimés par la population française. Au contraire, lademande, exprimée en dépense de consommation de santé et d’hygiènecorporelle, progresse fortement sous la Quatrième République, en doublantmême entre 1950 et 195812.

Ces chiffres sont d’autant plus sensibles qu’après un demi-siècle destabilité démographique, une tendance à la hausse de la fécondité s’amorcedès 1943, avec plus de 800 000 naissances annuelles. Le pays gagne 4,5millions d’habitants entre la Libération et 1958, atteignant le chiffre recordde 44,5 millions. L’Etat multiplie les initiatives pour capitaliser ce potentielhumain : politique sanitaire et politique éducative convergent pour protégeret exploiter, préserver et favoriser les fruits du Baby boom. Mise en placede la sécurité sociale et du régime des prestations familiales, examensprénuptiaux, consultations des enfants, allègement des charges par lesystème fiscal du quotient familial, campagnes de vaccination, allocation àla mère au foyer (1955), développement des aides sociales sont autant detémoignages de l’effort réalisé. Associés à l’élévation du niveau de vie, desrésultats notables en découlent. La mortalité infantile régresse de façonspectaculaire, passant de 77,8 pour mille à la Libération à 31,5 pour mille

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en 1958. Mais cette jeunesse inquiète autant qu’elle garantit un avenir aupays. Elle suppose, pour le moins, le ferme rappel d’un rapport à la loi queles adolescents n’ont pas toujours connu pendant la période noire, ni pen-dant les années d’épuration qui suivent la Libération.

Dès lors, les politiques éducatives devraient garantir au moins la priseen charge effective de cette jeunesse scolarisée. Or, l’augmentation de lademande sociale en matière d’éducation a précédé l’arrivée des générationsdu Baby boom d’abord prévue pour le primaire à partir de 1951-1952, puisle secondaire 6 ans plus tard. C’est dire qu’un important dispositif derénovation du système scolaire aurait du accompagner cette explosion deseffectifs, tant dans les structures que dans les méthodes. Le plan Langevin-Wallon, présenté en 1947, va d’ailleurs dans ce sens13. Hélas, il tombe pen-dant l’une des années économiquement les plus difficiles pour la France etn’y survit pas. Dès lors, le pays conforte son rapport traditionnel au savoiret reste fidèle aux systèmes parallèles mis en place par la TroisièmeRépublique : une école primaire largement coupée d’un enseignementsecondaire reproduit les grandes divisions sociales du pays14.

Et puisqu’il s’agit de faire des économies, les secteurs les moinsvalorisés dans l’école feront l’objet des premières coupes sombres quanddes choix s’imposeront. Le corps, ce mal aimé dont l’institution scolaireplaide hypocritement la réconciliation avec l’esprit, est bien sûr en premièreligne. Le 22 octobre 1947, la commission de la « Hache » licencie pour raisonsbudgétaires 274 agents contractuels de la Direction Générale, dont 134enseignants. Trois mois plus tard, l’Etat confirme sa piètre considérationde l’activité physique et, le 2 janvier 1948, la commission de la « Guillo-tine » supprime 28,5% des postes d’enseignants d’éducation physique, soit428 maîtres et 1004 professeurs. Dans le second degré demeurent un peuplus de 3600 enseignants d’éducation physique, un chiffre bien en deçà decelui qui permettrait simplement à tout jeune scolarisé de pouvoir bénéficierd’une attention à son corps une fois par semaine. Au moment où s’accélèrentles flux d’élèves en direction du second degré, les effectifs des professeursd’éducation physique deviennent de plus en plus insuffisants, obligeantceux qui sont en place à la débrouillardise et leurs responsables à la modestiedes ambitions.

Le Sport à la Traîne

Face au sport, l’Etat est partagé entre deux attitudes : le maintien d’unecroyance en sa valeur éducative et la reconnaissance du prestige qu’il donneau pays. D’une part, en conformité avec les idéaux du Front populaire, lesport demeure en effet perçu comme relevant du service public et, à cetitre, tout doit être fait pour le protéger des marchands du temple etpréserver ses valeurs. Se conforte surtout l’assurance que la pratique sport-ive permet de transférer à la vie quotidienne les principes de la compétitionloyale et la volonté mise en jeu dans un entraînement parfois douloureux.

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Cette position qui fait du sport une « discipline de vie », notamment pourles activités auxquelles on accorde le statut de « sports de base » (natation,athlétisme, gymnastique) pour différentes raisons15, est toutparticulièrement stimulée par une sensibilité croissante à la délinquancejuvénile. Les éducateurs sont rejoints sur ce point par les pouvoirs publicset même par le Conseil National de la Résistance16 pour faire du sport unediscipline consentie et intériorisée dont la maîtrise des règles deviendraitun gage de citoyenneté. Un tel enjeu suppose bien entendu que le sport« vrai » soit protégé des sirènes du stade. L’Ordonnance du 28 août 1945permet par exemple à l’Etat de conserver une mainmise sur le systèmefédéral sportif en assujettissant ses subventions publiques et le droit demonter une équipe de France à une délégation de pouvoirs soumise à desrègles précises. D’autre part, un contrôle médical est rendu obligatoire en1945 pour la compétition sportive ; signe de son engagement en la matière,la Direction Générale en prend en charge partiellement le financement.

Ces quelques exemples indiquent clairement l’option affichée par lesautorités publiques. Le sport est perçu comme un remède à la faiblesse dela nation ; il suppose par conséquent d’être contrôlé. Pour autant, dès lespremières années qui suivent la Libération, l’Etat doit concilier cette exigencedu sport comme service public avec les transformations majeures qu’ilconnaît alors.

Le développement du sport dans l’après-guerre confirme d’abordcertaines tendances apparues plus tôt. Violence, corruption, mépris de ladémocratie dans les associations, dopage, boycott deviennent le lot commundu sport français. La réalité sportive heurte de manière frontale les valeursque les autorités lui associent. En outre, ces contradictions sont d’autantplus évidentes que le sport s’est fortement médiatisé. Si le spectacle sportifn’est pas encore systématiquement télévisé, il bénéficie cependant déjàd’une excellente diffusion sur les ondes radio. L’Equipe, sur les ruines dujournal l’Auto accusé de collaboration, s’impose aussi à partir de février1946 comme l’un des plus grands journaux sportifs du monde17. C’est doncpar les médias que l’événement sportif gagne une audience jamais atteinte.Au fil du discours journalistique, ses péripéties deviennent des dramesauxquels les autorités peuvent difficilement échapper. Certes, la France ases héros : Bobet qui gagne le tour de France en 1953 ou Cerdan, championdu monde de boxe qui disparaît tragiquement dans un accident d’avion en1949. Mais que dire quand l’Allemagne, l’ennemi d’hier, remporte la Coupedu Monde de Football en 1954 ? Quand les coureurs du Tour de France sefont attaquer en raison d’un passage en Italie en 1949 ? Quand un accidentaux 24 heures du Mans provoquent le décès de 79 personnes et en blessentprès d’une centaine d’autres en 1955 ? Surtout, l’admission de l’URSS auxJeux olympiques d’Helsinki en 1952 fait de la rencontre sportive un miroirdes tensions internationales et exacerbe les nationalismes. Non pas que laFrance n’ait jamais pris en compte auparavant les enjeux du sport dans lecadre des relations internationales18, mais le contexte de la Guerre froide

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en accentue désormais les effets et les attentes chez les sportifs, lesspectateurs et les responsables politiques.

Néanmoins, en dépit de cette évidence, le sport ne parvient pastotalement à être reconnu dans son nouveau statut par les autoritéspolitiques françaises, la course à la puissance symbolique de la nation auxyeux du monde passant davantage par la pacification intérieure et lerèglement des affaires coloniales. L’économie oblige à trancher et le sportreste en conséquence à la traîne, comme le montrent clairement les politiquesd’équipement sportif du moment.

Chacun, aussi bien du côté des fédérations que des pouvoirs publics,s’accorde en effet à reconnaître le niveau de délabrement des installationssportives. Ni le Front populaire, pour des raisons économiques, ni Vichy,notamment pour des raisons de contingentement des matériaux ou delourdeur administrative19 n’ont pu véritablement construire. Il faudrait doncun colossal effort pour rattraper les ratios que connaissent déjà d’autrespays en Europe. Mais l’économie en décide autrement, qui laisse les sportifssans stade ni piscine. En 1951, la commission Le Gorgeu20 le confirme : 64milliards de francs seraient à trouver dans les cinq ans (soit l’équivalent duProduit National Brut sur cette courte période !); mais le budget 1952 neprévoira par exemple que 885 millions pour l’équipement sportif21 ! Laguerre d’Indochine puis le drame algérien déplacent les priorités du Plan,faisant plus généralement du bâtiment le perdant de la modernisation dela France. Les premières lueurs d’espoir n’apparaîtront vraiment qu’après1958 avec la mise en place de Maurice Herzog à la tête d’un nouveau haut-Commissariat aux Sports. En attendant, la pratique sportive accuse unerégression de ses effectifs fédéraux, en particulier après 194922.

La Quatrième république a rêvé d’un nouvel ordre social etéconomique. Elle a imaginé qu’elle pouvait reconstruire et moderniser, etplacer le pays en bonne place dans l’échiquier international. Mais la réalitéest bien plus difficile et guide la plupart des choix dans des ministères oùle jeu des équilibres politiques est bien plus décisif pour leur attributionque les compétences spécifiques. En fait, économiquement, le pays est auplus mal. L’indice de la production industrielle est tombé à 38 en 1944 surune base de 100 en 1938. Les séquelles de la guerre n’expliquent pas tout :les causes sont autant structurelles que conjoncturelles. Elles amènent uneinflation galopante et une situation de crise chronique. Certes, à partir de1948, l’aide économique du plan Marshall donne une bouffée d’oxygèneau pays. Elle permet de maintenir à flot le plan Monnet qui définit jusqu’en1952 les priorités de la France en matière de reconstruction, d’équipementset, plus généralement, de modernisation du pays. L’indice de la produc-tion industrielle atteint alors 213 en 1958. Entre 1950 et 1958, le pouvoird’achat du salaire horaire moyen augmente de 40%. La spiraleconsommation-production s’active et assure la reprise économique des« Trente Glorieuses » bien que celle-ci se fasse à partir d’investissementslourds qui privilégient largement l’industrie, au détriment d’autres secteurs.

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Pour autant, les premières années de la Quatrième République nebénéficient pas encore de cette reprise. A la Libération, c’est donc dans uncontexte économique, politique et moral excessivement difficile que sontprises les premières mesures relatives à l’éducation physique.

Une Liberté Imposée

Sans doute peut-on ici s’étonner de la rapidité avec laquelle la Direc-tion Générale publie les Instructions ministérielles à l’usage des professeurset maîtres d’éducation physique et sportive puisque le texte est publié moinsde 5 mois après la fin officielle de la guerre et quelques semaines seulementaprès la rentrée scolaire. L’explication en est donnée dans l’introduction :« Les présentes instructions ne prétendent pas régler tous les problèmesqui se posent (. . .). Elles ont pour objet essentiel de mettre un terme àl’obligation faite aux professeurs de pratiquer une seule méthode, imposéeuniformément à tous ». C’est donc en réaction à l’Education Générale etSportive de Borotra et de Pascot23 que paraissent ces instructions,conformément d’ailleurs à l’abrogation de tous les textes de Vichy.L’explication est en revanche insuffisante à elle seule pour justifier le choixalors laissé aux enseignants de s’appuyer soit sur la méthode naturelle,soit sur la méthode française, soit sur la pratique des sports. Cette libertépédagogique apparaît en vérité autant comme la volonté de rompre avecVichy que comme la prise en compte de l’état dans lequel se trouvent lesétablissements scolaires, les élèves et les enseignants : elle s’impose parcequ’on ne pouvait pas vraiment demander autre chose, dans un tel contexte,que de faire le maximum en s’arrangeant au mieux des conditions locales.Tous les entretiens réalisés avec des enseignants d’EPS de l’époqueconfirment que les installations appropriées et le matériel étaient inexistants,obligeant à d’incessants « bricolages » et à des adaptations de fortune24.

En dépit de son invitation à la liberté pédagogique, le texte comprendpour la première fois un plan d’ensemble de l’éducation physique duranttoute la scolarité, c’est-à-dire de 6 à 16 ans. Ce constat est décisif, moinssans doute pour le primaire que pour le secondaire puisque, en dépit del’obligation de l’éducation physique imposée dès 1869 pour le seconddegré25, aucun programme officiel n’avait jamais été spécifiquement préciséjusqu’ici. Les grands principes que fixent ces instructions de 1945 serontdonc censés concerner l’ensemble de la jeunesse française. Ces principessont d’abord de l’ordre des finalités, dont on perçoit immédiatement cequ’elles doivent simultanément aux exigences sanitaires et aux nécessitésd’une reprise en main de la jeunesse : développement normal de l’enfant,recherche des attitudes défectueuses, amplitude respiratoire ; habitude dugeste naturel, développement de l’adresse, de la vitesse, de la force, de larésistance, éducation respiratoire ; affinement du geste, développement del’esprit d’équipe, de la discipline, de la virilité, de l’altruisme, préparationà la vie sociale. Des règles d’organisation de la leçon sont ensuite données,

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en distinguant la « leçon proprement dite », de deux heures hebdomadaires,et la séance de plein air qui regroupe pendant une demi-journée par semainedes activités plus authentiques permettant la mise en œuvre de méthodesactives.

Malgré son unité de principes, le texte de 1945 n’échappe pourtantpas à une redéfinition des publics scolaires. Il crée en effet des catégories ;il met en place des typologies et contribue à classer chaque individu selonplusieurs critères. Ainsi, outre les systèmes primaires, secondaires et tech-niques classiques est notamment proposée une organisation en quatregroupes d’élèves selon leur niveau de développement et leurs besoins.L’ensemble crée finalement des poches aux limites parfois incertaines, maisdans lesquelles une spécificité de conceptions pourra s’affirmer. Ajouté àla fameuse et officielle liberté pédagogique de l’enseignant, il auraévidemment pour conséquence d’aviver la rivalité entre les tenants d’uneéducation physique hygiénique, corrective, utilitaire ou sportive26. Face àl’opportunité institutionnelle que constitue le flou des instructions officiellesde 1945, les protagonistes auront à cœur d’imposer leurs arguments etd’affirmer leurs choix, obligeant en quelques années les autorités à envisagerde nouveaux textes régulateurs et à trouver dans la quête de la santé unconsensus minimal.

2. Le Choix de la Santé :Légitimité Politique et Jeunesse Française

En 1946 apparaît une revue mensuelle dédiée à l’éducation physique,Héraclès, à laquelle la Direction générale de la Jeunesse et des Sports accordeaussitôt son patronage27. Bien que ne se réclamant d’aucune chapellepédagogique, on peut considérer qu’elle expose le point de vue officielleen la circonstance, ainsi que l’explicite sans ambiguïté la page de garde. Orforce est de constater que la revue se refuse à trancher ou à céder à l’un desdifférents lobbies en présence. Les perspectives de pédagogie sportive ycôtoient apparemment les éléments de gymnastique corrective, laprésentation de la Lingiade de 1949 ou celle du Xème rallye internationalde camping. La juxtaposition éclectique de courants divers y constitue defait une doctrine officielle dont la cohérence est assurée par la finalitésanitaire. Mais le détail des transformations institutionnelles permet denuancer très largement cette vision consensuelle. Reste en effet à appréciercomment, dans chacune des catégories déterminées pour penser la jeunesse,s’organise plus précisément l’éducation physique.

L’enseignement Primaire

Les Instructions officielles du premier octobre 1946 relatives auxprogrammes d’éducation physique dans les écoles primaires élémentairess’affichent d’abord comme un rappel des instructions de 192328. Le double

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but de l’éducation physique y demeure identique : « corriger les attitudesdéfectueuses qu’impose trop souvent au corps de l’enfant le travail scolaire,développer ses qualités physiques, sa force, son adresse, sonagilité ».Toutefois, les applications et l’initiation sportive (limitée àl’athlétisme et aux jeux préparatoires aux sports collectifs au cours moyen)sont cette fois intégrées aux côtés de la gymnastique de maintien. Lelégislateur ne peut plus faire entière abstraction des transformationsculturelles qui traversent la société française. Certes, les précautions à pren-dre par l’instituteur sont nombreuses : « Il ne s’agit ici que de procéder àune étude méthodique et correcte des techniques sportives, avec le souciconstant de limiter l’effort des élèves à la mesure de leurs moyens phy-sique ». Il n’en demeure pas moins que l’initiation sportive est iciofficiellement confortée, soit pour rattraper des pratiques enseignantes déjàen usage29, soit pour contrôler un mouvement qui, dans le secteur fédéral,prend des formes que les responsables de la nation désapprouvent : « Loinde prétendre faire des élèves de l’école primaire des “sportifs”, on a voulusimplement les initier à une activité sociale qui trouve sa place dans lesmoindres bourgades et leur apprendre les principes d’une vie collectiveadaptée à leurs goûts et à leurs possibilités, au lieu de les laisser se livrer àune agitation désordonnée et épuisante avec le seul souci de cabotinagequi est l’opposé du véritable esprit sportif »30.

Enfin, comme auparavant, aucune différence n’est envisagée pourles filles, bien que les écoles soient toujours distinctes pour les deux sexes.Le droit de vote accordé aux femmes un an plus tôt ou le succès récent duDeuxième sexe de Simone de Beauvoir n’y changent rien. Les filles demeurenttoujours largement oubliées dans les textes officiels relatifs à l’éducationphysique. Au mieux est rappelé le principe de plus forte modération del’exercice que les filles doivent respecter ainsi que les activités qui corre-spondent mieux à leur « tempérament » (c’est-à-dire conformes auxfonctions légitimes que la société accordent aux femmes) comme le jonglageou la danse31. Le texte de 1945 est en tout cas d’autant plus discret sur laquestion qu’un essai de doctrine féminine avait tenté d’être imposée sousVichy et que le principe de réaction à l’orthodoxie pétainiste aurait été dèslors mis à mal.

L’application réelle de ce texte passe par la diffusion d’un mémento en194932 qui donne les caractéristiques et les principes d’application desdifférentes activités supports de l’éducation physique—gymnastiquenaturelle, jeux, gymnastique de maintien, éducation sportive, activités deplein air et activités complémentaires (natation, ski, danses et, pour les filles,gymnastique rythmique)—déclinés en exemples d’exercices et de leçon-type. Il précise aussi les conditions d’évaluation sur la base de petitesépreuves individuelles périodiques rappelant le Brevet Sportif Populaireet de la prise des mensurations trois fois par an. Si aucune méthode n’estimposée, la lecture des exemples et des choix prioritaires de l’instituteurconforte la place que la gymnastique naturelle, la gymnastique de maintien

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et l’initiation sportive prennent dans l’éducation physique. Pour autant,chaque méthode n’a pas exactement la même place pour l’élève : d’unepart, l’élévation de l’âge des élèves autorise davantage d’applicationshébertistes33 et pré-sportives et, inversement, plus l’enfant est jeune, plusune gymnastique de formation doit lui être consacrée. D’autre part,l’initiation sportive est largement déplacée en direction de la demi-journéede plein air hebdomadaire, au détriment de la leçon pendant laquelle lesbases correctives sont valorisées. Elle trouve son véritable espaced’expression dans le domaine périscolaire, avec l’Union Sportive del’Enseignement Primaire (USEP)34. Pour autant, l’articulation avec la leçond’EP est préservée : « Les activités de l’USEP ne sont qu’une présentationpédagogique plus vivante, plus gaie, des programmes officiels de l’EP àl’école primaire... mais l’USEP se refuse à plonger directement les enfantsdans les activités qui, à leurs yeux, porteront l’étiquette prestigieuse dusport, sans la préparation permanente qu’elle demande à la pratiquerationnelle de l’Education Physique, éducation physique qui trouve sonprolongement normal dans les jeux sportifs »35.

Les choix du législateur apparaissent alors également à travers lesexpériences médiatisées du mi-temps pédagogique de Vanves, après 1950.Avec l’appui des autorités locales de cette petite ville de la couronneparisienne36 et le soutien direct de la Direction Générale de la Jeunesse etdes Sports, une classe expérimentale de fin d’étude primaire bénéficie de15 heures d’éducation physique contre 2 heures 30 pour la classe témoin.Les résultats très positifs obtenus tant au Certificat d’Etude que sur lesmorphologies et les performances physiques37 justifieront l’extension del’expérience à une plus grande échelle38. Mais la nature de l’éducation phy-sique utilisée mérite surtout attention. En 1950, elle a en effet fait l’objetd’instructions directes de la part de la Direction Générale Jeunesse et Sport,le professeur d’EPS sollicité devant suivre un tableau précis qui montreclairement la position officielle en la matière. En l’occurrence, les 15 heuresd’EP hebdomadaires se partagent en 2 heures de gymnastique de maintienet corrective, 2 heures de natation, 1 h 30 d’entraînement général foncier, 3heures d’initiation sportive, 1 heure de plein air... et 5 h 30 de déplacementspour se rendre sur les installations sportives39.

Cette répartition des méthodes dans les différents « espaces » du pre-mier degré semble confortée en 1959, dans les nouvelles InstructionsOfficielles40, sans toutefois limiter l’éducation physique à un rôleexclusivement hygiénique et compensatoire. Dans un paradoxal mélangede culte de l’effort, de motivation et de recherche du plaisir pour l’élève41,l’éducation physique devra combiner la gymnastique analytique et, à sasuite, les exercices naturels et sportifs. Un Programme réduit en précise làencore les contenus42, sous la forme de 220 exercices organisés en six sériesqui ne sont pas sans rappeler les grandes orientations définies dans le projetde règlement de la méthode française rédigé . . . en 1919 : gymnastique demaintien, exercices naturels, exercices préparant à l’athlétisme, exercices

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préparant aux sports collectifs, éducation rythmique, natation. L’ensembleest présenté par niveau de classe et, pour les instituteurs désirant « faire unpas de plus », un Programme complet voit même le jour en 196143. Largementinspirés des nouveaux programmes pour le second degré parus en juin dela même année, les textes de 1959 ont finalement tenu compte à la fois destraditions de la Ligue Française d’EP en matière d’éducation physiquefondamentale et des propositions plus « appliquées » développées demanière distincte à l’Institut National des Sports et à l’Ecole NormalSupérieur d’Education Physique, en jouant sur les trois espaces distinctsque constituent la leçon, la séance de plein-air et l’animation de l’associationsportive USEP.

L’enseignement Secondaire des « Normaux »

Les choix généraux observés pour le premier degré sont aussi ceuxdu second. Les instructions du premier octobre 1945 concernent d’ailleursl’ensemble de la scolarité, avant que des textes spécifiques n’interviennentbientôt plus ponctuellement. Dans l’enseignement secondaire, pour lesenfants « normaux » de 12 à 16 ans classés dans les groupes I et II, estenvisagé exactement le même programme qu’à l’école primaire. Au-delàde la liberté pédagogique affichée en introduction, quatre types d’exercicessont prévus dans un ordre d’importance croissante : exercices préparatoires,maintien, jeux, exercices naturels et utilitaires. L’éducation sportive,cinquième type d’exercices, n’est en fait proposée qu’après 15 ans. En re-vanche, l’initiation sportive peut être abordée pendant les séances de pleinair pour tous les élèves de plus de 12 ans, garçons comme filles44.

Une telle proposition ne permet guère de donner une forme cohérenteà l’éducation physique à l’échelle du pays, ni même de garantir de quoibénéficie exactement chaque élève. Aussi, le 13 février 1947, sur l’invitationde la Ligue Française d’Education Physique, un comité de coordinationd’EP est constitué afin de dépasser les oppositions entre les différentes con-ceptions et envisager des programmes mieux définis pour l’école. Autourde représentants de l’Inspection générale (Berthoumieu, Lafitte et Vuillemin,Balland) sont présents la FFEP (Bernard, Clavel, Dufrenne, Marchal,Simmonet), la LFEP (Fournié), et l’ENSEP (David, Lagisquet). Mais au-delàdes institutions, les appartenances à telle ou telle tendance ne sont en faitpas aussi nettes : le docteur Balland est aussi membre (et futur président)de la LFEP et de la Société Française de Rééducation Physique, R. Davidappartient par ailleurs à la FFEP, M. Lagisquet est également membre de laFSGT et de la LFEP. Dans ces conditions, le comité de coordination ne peutguère que forger un nouvel éclectisme où le seul hymne à la santé assureraitla cohérence ou bien se dissoudre dans ses contradictions. Son impuissanceconfortera les continuités. L’école conservera une orientation traditionnellefidèle aux normes qui ont fondé l’éducation physique et cela, quel que soitle niveau auquel on se situe. D’autres tentatives, plus officielles celles-là,

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sont initiées directement par la Direction générale Jeunesse et sport. L’arrêtédu 6 février 1950 institue par exemple une commission « chargée de l’étudeet de la mise au point des textes destinés à organiser les activités physiquesde la jeunesse française ». Un nouveau « programme provisoire pour lesétablissements du second degré et les établissements de l’enseignementtechnique »45 voit même le jour en 1952, mais sans remettre en question leschoix faits à la Libération.

En fait, Gaston Roux est partagé entre une orientation hygiéniste etune pression sportive de plus en plus pressante. Dès 1950, il doit rendreobligatoire une association sportive affiliée à l’Office du Sport Scolaire etUniversitaire (OSSU) dans chaque établissement et un forfait de 3 heureshebdomadaires dans le service statutaire des enseignants d’EPS peut luiêtre consacré46. Trois ans plus tard, le ministre de l’Education nationaleentreprend un programme d’action pour « relancer » le sport français. Lesmesures envisagées touchent aussi bien la politique de recrutement qu’uneffort particulier en direction du plein air, du contrôle médical, du milieudu travail, ou encore des examens : « Je veux faire en sorte que tous lesenfants de France aient aux examens de base une épreuve d’éducationphysique et sportive », affirme-t-il47. Le 25 avril 1955, le Comité d’Etude dela Réforme de l’Enseignement propose enfin un texte dont le titre V précisenotamment que « l’Etat a le devoir de veiller à la formation physique desjeunes Français ; (que) cette mission incombe au ministre de l’Educationnationale » (article 27), que « l’éducation physique et sportive figure auprogramme et dans les horaires de chaque cycle à tous les degrés del’Enseignement public » (article 30) et qu’elle « est donnée par lesinstituteurs et les éducateurs spécialisés » (article 32).

Bref, le sport bénéficie incontestablement d’une sensibilité favorable,y compris au niveau ministériel, et aurait pu s’imposer si l’inspectiongénérale n’avait alors de l’éducation physique une vision plusconservatrice48. Devant les libertés prises par les enseignants au regard desInstructions de 1945, un nouveau texte est rédigé en 1959 afin de stigmatiserces égarements et rappeler les règles qui s’appliquent à tous afin d’éviter« des interprétations qui cèdent parfois de façon excessive aux affinitéspersonnelles des Professeurs ou Maîtres »49.

Les instructions de 1959 consacrent le succès des propositions de laLigue Française d’Education Physique en calquant largement leurs propo-sitions sur celles de Pierre Seurin. Pourtant, au-delà de ce choix désormaisbien connu, on retrouve la subtile organisation des différentes conceptionsdans des « espaces » distincts. La gymnastique de maintien et les exercicesnaturels parmi lesquels la trilogie « courir, sauter, lancer » possède un statutparticulier50 concernent les deux heures d’éducation physique, alors quel’initiation sportive relève davantage de la demi-journée de plein air et lacompétition de l’OSSU. Chacun y trouve apparemment plus ou moins soncompte, les enseignants faisant ensuite leur choix, même si leurstémoignages montrent que la méthode sportive s’impose inexorablementau sein même de la leçon, notamment à partir des années cinquante.

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Les Centres de Rééducation Physique

Certaines des propositions de Pétat, « l’inventeur » de la kinésithérapieen France51, ont incontestablement trouvé une écoute plutôt bienveillanteà la Direction Générale d’Education Physique et des Sports. Leregroupement des élèves en plusieurs groupes justifiant des formesd’éducation et de rééducation adaptées n’en est pas la moindre. Dès 1945,les professeurs d’éducation physique sont invités à chaque rentrée scolaireà relever pour chaque élève les mensurations staturales (taille et périmètrethoracique), pondérale (poids) et spirométrique (capacité respiratoire). Lecroisement de ces informations avec les performances réalisées l’annéeprécédente (ou lors d’exercices probatoires) permet au médecin scolaire deconstituer des groupes homogènes du point de vue médical. Si les groupesI et II peuvent bénéficier d’une éducation physique « normale », seuls lespremiers ont le droit de participer aux activités sportives de l’OSSU. Lesélèves du groupe III sont « à ménager » et suivront un enseignementlargement basé sur la gymnastique de maintien. Quant à ceux du groupeIV, ils sont dispensés « d’éducation physique normale » et doivent suivre« des cours spéciaux de corrective dans un dispensaire ou àl’établissement »52.

Deux ans après ce texte, la création des centres de rééducation phy-sique fournit un cadre aux élèves du groupe IV. En 1948, on compte déjà 50centres en France qui reçoivent 25 000 écoliers ou apprentis53. Ils serontplus de 1000 en 195554. Reste alors la question des intervenants. Or, commele suggère Serge Fauché55, la limite entre le groupe III et le groupe IV estextrêmement floue et les professeurs d’EPS seront progressivementdépassés par les kinésithérapeutes entre 1947 et la fin des années cinquante.Il leur restera alors à affirmer une compétence autre et à redéfinir leur pub-lic. Cette période est donc marquée par des tentatives pour étendre lagymnastique médicale à l’enfance « normale », celle qui oscille entre lesgroupes II et III, et à adopter des formes de traitement plus novatrices.L’œuvre de récupération envahit en réalité tous les secteurs scolaires, ycompris l’enseignement technique. Comme l’affirme le docteur Weber en1953, « le jeune déclaré inapte à la visite médicale d’entrée au centre(d’apprentissage) ou à l’école professionnelle doit être considéré, eu égardau travail physique demandé, comme un malade et relève de ce fait dessoins médicaux, du repos et de la cure en maison spécialisée »56.

Quant aux choix pédagogiques réalisés par les professeurs spécialiséset les rééducateurs, ils tentent d’affirmer une spécificité à travers la priseen compte de modèles psycho-moteurs qui se distinguent des conceptionsanatomo-physiologiques traditionnelles. Officiellement, le législateur a faitle choix de la corrective57, mais les leçons varient fortement d’un centre àun autre bien qu’ils possèdent toujours une partie de gymnastique de pos-ture venant combler des manques pour remettre dans la norme58. Il n’endemeure pas moins que l’ouverture est sensible, qui fait du travail sur laconscience et l’attention des élèves une alternative au redressement

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morphologique sur fond de psychologie wallonienne. La « douchepsychique », par exemple, est un outil utilisé pour amener l’adolescent àprendre conscience de son corps afin de jouer volontairement sur son to-nus musculaire59. En imposant pendant quelques instant l’immobilité totalesur un commandement bref (« Douche ! ») à un moment où l’activité est aucontraire relativement libre, l’apprentissage de l’attention à soi y devient lapremière étape d’une maîtrise de ses émotions et donc de ses performancesscolaires.

Toutefois, cette orientation psycho-motrice de plus en plus marquée,si elle définit un champ inédit, ne parvient pas à ébranler la forteressescolaire. Son identité n’apparaît pas d’emblée. De nombreux professeursd’EPS et rééducateurs voient d’ailleurs dans la gymnastique morpho-fonctionnelle autant une occasion de redresser les corps que d’entraîner àla persévérance, l’effort et la volonté. Le législateur rappelle aussi sansambiguïté les règles du jeu en 1951 : les centres de rééducation physiqueont essentiellement vocation à traiter les déficiences morphologiques à partirde la gymnastique corrective60. Bref, le modèle de l’éducation physique del’enfant normal s’impose sur celui qui tente de s’en démarquer à partir denouveaux repères, parce que la définition légitime de la santé demeuretrès largement assujettie aux conceptions traditionnelles.

Défendant une spécificité entre les kinésithérapeutes et les membresde la LFEP, c’est contre cette soumission à la norme hygiénique définie àtravers les conceptions néo-suédoises du mouvement que s’insurge Pétat,suivi d’ailleurs par une partie du corps médical et des défenseurs du cou-rant psycho-moteurs. Dès le début des années cinquante, la thèse demédecine de R. Haure porte un coup radical à la domination néo-suédoise.A partir d’approches statistiques et empiriques, l’auteur démontre que« contrairement à ce qu’affirment les partisans d’une gymnastique demaintien, il n’y a aucune relation entre la posture et la santé, l’efficience etla résistance »61, bref, qu’on peut être déformé et en bonne santé ! La cri-tique, cinglante, se systématisera après 1960 dans les discours de la SociétéFrançaise Universitaire de Rééducation Physique nouvellement créée parPétat, ou encore chez Jean Le Boulch62. Et là aussi, la référencemorphologique des centres de rééducation physique ne résistera plus guèrelongtemps face à la montée en puissance d’autres modèles, notammentpsychophysiologiques.

L’enseignement Technique

Bien qu’aucune épreuve d’éducation physique ne soit prévue auCertificat d’Aptitude Professionelle avant 1953, la plupart des formationssont tenues d’en inclure quelques heures depuis 194663. Les collèges tech-niques et les centres d’apprentissage doivent par exemple en principe 2heures d’EP hebdomadaires plus 2 heures de plein air sur les 3 années(pour un total d’une quarantaine d’heures de cours et de formationprofessionnelle) et cela, aussi bien pour les filles que pour les garçons64. Le

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jeudi après-midi est par ailleurs dégagé pour les activités de l’OSSU. Pourautant, on peut douter de l’application de ces textes, ce qui justifie d’ailleursun rappel à l’ordre de l’Administration en 195365. C’est pour ces adoles-cents, bientôt regroupés sous le terme de « Jeunesse ouvrière » qu’à partirde 1945 se développent un ensemble d’actions ayant pour objectif decompenser l’absence d’années préparatoires dans les structures publiquesou privées. Pour cette tranche d’âge des 14-21 ans sont d’abordsprogressivement mis en place des Centres d’activités physiques d’entreprise(CAPE)66. Créés dans les établissements dotés ou non d’une écoled’apprentissage, leur fonctionnement est peu à peu optimisé67 alors quediminue relativement la participation de l’Etat68. En 1952, ils sont classésen 2 groupes, celui des Centres d’activités physiques d’entreprisesproprement dits et celui des Centres d’activités physiques ruraux69, danslesquels se pratiquent des formules masses (passage du Brevet sportifpopulaire par exemple) et des compétitions (cross, natation...). Enfin, le 12mars 1953 sont créés de manière complémentaire des Centresinterentreprises, des Centres de perfectionnement sportif (CPS)70,généralement unisport, ou surtout des Centres d’initiation sportive (CIS)multisports à la suite des résultats d’une phase expérimentale menée dansneuf départements sous le nom « d’écoles de sports »71.

Ces structures qui regrouperont près de 300 000 jeunes non scolarisésà la veille de 196072, sont initialement créées pour répondre à trois orienta-tions : le premier axe, surtout assuré dans les CAPE, concerne la « Jeunesseouvrière ». Le principe sur lequel il repose est celui de l’ancienne Loi Astierqui oblige tout entrepreneur à donner à ses apprentis une cultureprofessionnelle mais aussi une formation générale de laquelle on peutattendre désormais une partie relative à l’éducation physique de 4 à 9 heureshebdomadaires. Le second axe concerne « l’enseignement sportif »,principalement assuré dans les CIS, et qui joue le rôle de vivier pour leclub. Enfin, « le plein air » complète le dispositif en offrant à cette jeunessenon scolarisée et en grande partie urbaine l’occasion d’une évasion dans lapratique d’activités de loisirs en pleine nature.

Reste à finaliser davantage ces dispositifs en les rendant plus attractifs.L’une des difficultés auxquelles se heurtent au départ les animateurs est eneffet paradoxalement de convaincre les premiers intéressés, les apprentis,à la pratique d’activités physiques. On comprend mieux, dès lors, pourquoila formation repose largement sur l’initiation sportive et le plein air. Touteproposition rappelant trop les orientations hygiénistes des Instructionsofficielles de 1945 pour l’éducation physique scolaire eût été vouée à l’échec.Les difficultés de l’implantation de la gymnastique en témoignent73. Pourautant, une formation faisant largement appel aux sports est plus facile àmettre en œuvre dans les CIS que dans les CAPE où certains principesdemeurent fortement présents : orientation vers l’athlétisme conçu commesport de base, souci d’adaptation au métier, compétition sans spécialisationdoivent très vite suivre les « activités d’accrochage »74.

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La réforme du Certificat d’Aptitude Professionnelle de 1953 vaégalement dans le sens d’une meilleure « attractivité » avec l’apparition,pour la première fois, d’épreuves physiques obligatoires dans l’examendonnant des bonifications pour les notes supérieures à 10. Leur préparationconstitue désormais « le couronnement de l’entraînement méthodiqueeffectué dans les centres »75. Dès 1949, les Commissions NationaleProfessionnelles Consultatives étaient saisies de la question par la Direc-tion Jeunesse et Sport et deux d’entre elles, celles de la Métallurgie et duBâtiment, déposent un an plus tard des conclusions qui seront adoptées en1951 par les autres Commissions et officialisées par décret 2 ans plus tard76.Après une première cession laborieuse77, et en dépit des critiques sur lecaractère désormais trop peu professionnel du CAP, le choix des épreuvesphysiques finit par s’imposer sur le modèle du Brevet Sportif Populaire78 :des performances athlétiques en hauteur, poids, vitesse, résistance (garçonsseulement) et grimper sont ramenées à un barème qui permet l’attributionde bonifications.

Conclusion

L’éducation physique sous la Quatrième République ne se comprendque dans le contexte des lendemains d’une guerre, cela est une évidence.Toutefois, la plupart des auteurs ayant abordé cette période se limitentgénéralement aux conséquences de la « liberté pédagogique » des instruc-tions de 1945 et à celles de la forte sensibilité à la question sanitaire pour lesenfants du Baby-boom. Il est en effet aisé de mettre en relation les grandsobjectifs de l’EP et l’ensemble de la politique sanitaire du pays au mêmemoment, dont témoigne notamment la création du système de sécuritésociale79. Dès lors, la vision qui dominait jusqu’ici dans les passages relatifsà cette période était caricaturalement celle d’une éducation physiquerelativement identique pour tous, assujettie à la gymnastique suédoise et àla méthode française et éloignée des pratiques sportives. Une telle conclu-sion est réductrice pour de multiples raisons.

D’abord, les conséquences de la guerre touchent bien d’autres aspects,qui vont de la réorganisation institutionnelle de l’EP à, surtout, une priseen charge inédite de l’enfance. Le seul souci de l’hygiène ne suffit pas, enparticulier, à expliquer l’extrême catégorisation dont les élèves font l’objeten fonction de critères sociologiques (l’école des pauvres et l’école des no-tables), sexuels (l’école des filles et l’école des garçons) et biologiques (selonl’âge et le degré de « normalité »). On peut suggérer en fait que cettedifférenciation procède d’un souci de rationalisation de l’emprise de lasociété sur une jeunesse dont Marianne Amar a montré qu’elle est alorsperçue comme potentiellement dangereuse car ayant vécu sans repèresstables pendant plusieurs années80. Il s’agit de diviser et répartir pour mieuxcontrôler, adapter les enseignements pour mieux renforcer l’intensité desnormalisations éducatives.

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67LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE ET L’ÉDUCATION PHYSIQUE

Ensuite, la liberté pédagogique n’apparaît pas tant comme uneréaction à Vichy que comme la prise en compte d’un principe de réalité.Pour Jean-Pierre Rioux, « la France est le seul grand pays à recevoir deplein fouet tous les chocs majeurs de l’après-guerre : ruines, crise monétaire,séquelles de guerre civile, difficultés sociales et surtout guerre froide etdécolonisation »81. Sans doute peut-on discuter le caractère exclusif ethiérarchisant de l’affirmation, mais il est néanmoins incontestable que laQuatrième République s’est heurtée à de nombreuses difficultés matérielles.Dès lors il n’y a pas de contradiction entre l’immobilisme dont fait preuvel’école de la IVème République depuis plus d’un demi-siècle82 et la liberténouvellement laissée à l’enseignant d’éducation physique. Ce sont là deuxconséquences d’une même contrainte, qui est en l’occurrence bien pluséconomique que politique.

Enfin, la Quatrième République est loin d’être une période stable etmérite assurément d’être reconsidérée dans sa dynamique propre. Il existemanifestement deux phases, dont l’année 1952 pourrait constituer lacharnière, tant pour l’augmentation des indices économiques que pourl’enlisement plus radical des gouvernements successifs83. Culturellementet socialement, la vie quotidienne des Français s’en ressent. La société touteentière se tourne vers une civilisation du loisir84 dans laquelle le sport tientprogressivement sa place. L’amélioration du niveau de vie est d’ailleursassociée à celle des conditions de l’existence qui, à la faveur des multiplesactions de l’Etat, voit se réaliser des progrès spectaculaires du point de vuede la médecine et de l’hygiène. Dans ces conditions, on doit conclure àl’existence d’une éducation physique de moins en moins en phase avec lasociété. Entre la vigilance sanitaire à laquelle l’éloignement progressif desannées noires devrait donner moins de poids et le culte de l’effort, duprogrès et de la modernité auquel le sport devient de plus en plus assimilé,la Quatrième République a paradoxalement choisi la tradition. Cette situ-ation fragilise d’autant plus l’éducation physique que plusieurs concep-tions s’affrontent sur fond de restructuration institutionnelle pour imposerdes choix plus précis85. Mais, devant un champ hautement conflictuel, lelégislateur a eu l’habileté d’afficher l’individu sain comme modèle deréférence consensuel toute en segmentant les structures d’accueil des élèves.L’institution offrant ainsi des espaces d’expression pour chaqueprotagoniste, les conflits seront apaisés. Les responsables de la DirectionGénérale Jeunesse et Sports resteront d’ailleurs les mêmes pendant toutecette période, une stabilité complètement inédite au regard de l’incessantrenouvellement auquel on assiste dans les différents ministères. Mais cettestabilité volontiers tournée vers le passé a un coût : entre 1945 et 1959,l’éducation physique se trouve largement maintenue dans une forme demoins en moins compatible tant avec les besoins sociaux en matièred’activités physiques qu’avec certains groupes de pression constitués quirevendiquent des options plus culturalistes et sportives que médicalisanteset traditionnelles.

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Endnotes

1J. Barsalou, La « Mal-aimée, histoire de la IVe République (Paris: Plon, 1964).2Les estimations sont de 10 000 exécutions sommaires. Cf. P. Novick,

L’épuration française (Paris: Balland, 1985).3M. Amar, Nés pour courir. Sport, pouvoir et rébellion (Grenoble: Presses

universitaires de Grenoble, 1987).4En dehors de quelques manuels de préparation au concours du professorat

d’EPS. Voir T. Terret, Anciens et nouveaux objets dans l’histoire de l’éducation phy-sique, Spirales, 13-14, 1998, 367-381.

5Sur la pérennité structurelle et pédagogique de ces deux écoles, cf. A. Prost,Histoire de l’enseignement en France (Paris, Colin, 1968).

6Tous les auteurs s’accordent sur cette rupture. Voir par exemple G. Andrieu,L’éducation physique en France : une histoire des pratiques (Joinville: Actio, 1990); P.Arnaud, L’orthodoxie scolaire de l’éducation physique ou l’étrangère dans la maisonEcole, Revue des Sciences de l’Education pour l’ère nouvelle, 1-2, 1990, 15-29; J.P. Clément,J. Defrance, C. Pociello, Sport et pouvoirs au XXème siècle, enjeux culturels, sociaux etpolitiques des éducations physiques, des sports et des loisirs dans les sociétés industrielles(Grenoble: Presses universitaires de Grenoble, 1994); J.L. Martin, L’éducation phy-sique en France sous la Vème République (Paris: Presses universitaires de France, 1998).

7Une Commission d’épuration est créée au ministère de l’Education nationalele 6 octobre 1944.

8Décret n° 45-1882 portant organisation de la Direction Générale de l’EducationPhysique et des Sports, 18 août 1945.

9Le remplacement de Sarraihl par Roux est interprété par Marianne Amarcomme une victoire des défenseurs du mouvement sportif sur les conceptions d’unsport éducatif développées par les pouvoirs publics.

10Le changement a lieu à la suite des élections du 2 juin 1946.11JP. Rioux, La France de la Quatrième République (Paris: Seuil, 1980), tome 1 :

« L’ardeur et la nécessité » p. 32, note 1.12Idem, p. 242.13Dès 1945, une commission de réforme de l’enseignement est mise en place

sous la direction de Paul Langevin et Henri Wallon, dont le rapport sera remisdeux ans plus tard. Les propositions de réorganisation des programmes, méthodeset structures du système scolaire y sont radicales et ne verront le jour, pour la plupart,que 50 ans plus tard ! L’ensemble du projet est publié dans Le Plan Langevin-Wallonde réforme de l’enseignement (Paris: Presses universitaires de France, 1964).

14A. Prost, L’Ecole et la famille dans une société en mutation (1930-1980) (Paris:Nouvelle librairie de France), tome IV de Histoire de l’enseignement et de l’éducationen France, 1981.

15Cet aspect a été précisé dans T. Terret, Education physique et sport de base,in J. Gleyse (Ed), L’éducation physique au XXème siècle : histoire et culture (Paris: Vigot,1998) et dans T. Terret, P. Fargier, A. Roger , B. Rias, L’athlétisme et l’école. Histoire etépistémologie d’un sport éducatif, Paris: L’Harmattan, 2002).

16Rapport du congrès du Sport organisé par le Conseil National de laRésistance, Archives de la FSGT, dossier non coté, cité par Marianne Amar, op.cit.

17E. Seidler, Le sport et la presse (Paris: Colin, 1964).18Voir P. Arnaud et J. Riordan (Eds), Sports et relations internationales (Paris:

L’Harmattan, 1998); JP. Saint-Martin et T. Terret (Eds), Histoire du sport dans l’entre-deux-guerres. Regards croisés sur les influences étrangères, (Paris: L’Harmattan, 2000).

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69LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE ET L’ÉDUCATION PHYSIQUE

19JL. Gay-Lescot, Sport et éducation sous Vichy (Lyon: Presses universitaires deLyon, 1991).

20Chargée d’évaluer les besoins en matière d’équipement scolaire,universitaire, scientifique et artistique.

21Sur l’histoire des installations sportives, voir la revue Spirales, 5, 1992, ainsique J.P. Callède, Les politique sportives en France. Eléments de sociologie historique (Paris:Economica, 2000). Les budgets relatifs à l’éducation physique et au sport entre 1949et 1952 sont annexés à l’article de J.M. Delaplace, Le sport civil et scolaire au tournantdes années 50. L’Etat et ses responsabilités, in K. Szikora (Ed), Sport and Politics(Sankt Augustin: Academia Verlag, à paraître en 2002).

22J.M. Delaplace, op. cit., qui compare l’évolution démographique etl’évolution des effectifs des fédérations sportives civiles et scolaires.

23Jean Borotra et le colonel Jep Pascot ont été les deux Hauts-commissaires àl’Education générale et Sportive sous le Régime de Vichy. Leur politique autoritairea valorisé les horaires d’éducation physique, mais en la plaçant sous le joug d’une« doctrine nationale » exclusive fortement teintée de « méthode naturelle » et, surtoutassujettie aux idéaux anti-républicains de l’Etat français. Voir P. Arnaud, T. Terret,P. Gros, JP. Saint-Martin, Le sport et les Français pendant l’Occupation (1940-1945) (Paris:L’Harmattan, 2002).

24Une cinquantaine d’entretiens ont été réalisés par l’intermédiaire de nosétudiants de maîtrise. D’autres témoignages sont donnés dans la revue Spirales,Lyon, n°13-14, 1998.

25Voir P. Arnaud, Le militaire, l’écolier, le gymnaste (Lyon, Presses universitairesde Lyon, 1991).

26Pour une vision plus extensive du champ de l’éducation physique sous laQuatrième République, voir T. Terret, Le sport contre la santé. Les redéfinitions del’éducation physique sous la Quatrième République, Revue Française de Pédagogie, àparaître en 2000.

27Héraclès disparaît en février 1950 avec son numéro 43 pour raisonsfinancières.

28Instructions officielles du 1er octobre 1946 relatives aux programmesd’éducation physique dans les Écoles Primaires élémentaires. Une note du 18 octobre1945 donnait cependant déjà l’essentiel du programme.

29Comme le suggèrent plusieurs entretiens réalisés auprès de personnes ayantconnu l’école primaire dans les années quarante.

30Instructions officielles du 1er octobre 1946 relatives aux programmesd’éducation physique dans les Écoles Primaires élémentaires.

31Voir sur cette question T. Terret , Le corps en rythme. Danse et éducation phy-sique au début du siècle, in P. Arnaud, T. Terret, sous la dir. de, Education physique,Sports et Arts. XIXème-XXème siècles (Paris: Ed. du CTHS, 1996); T. Terret T., L’éduca-tion physique des filles en 1945. A propos d’un film pédagogique, in P. Arnaud, T.Terret T., sous la dir. de, Histoire du sport féminin (Paris: L’Harmattan, 1996).

32G. Roux, directeur général de la Jeunesse et des Sports, Introduction àMinistère de l’Éducation Nationale, Mémento d’éducation physique. Conseil et plan detravail pour l’application des programmes d’éducation physique dans l’enseignement dupremier degré (Paris: Imprimerie nationale, 1949), p. 5.

33En référence à la « méthode naturelle » d’éducation physique de GeorgesHébert qui a joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’éducation physique en Francedepuis le début du siècle. Cf. J.M. Delaplace, Georges Hébert, la méthode naturelle etl’école. 1905-1957, Thèse de doctorat, Université de Lyon, 2000.

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70 TERRET

34Mémento USEP, Édition 1968. Le nombre de licenciés, qui était de 34 867 en1946-47, y progresse ainsi régulièrement pour atteindre 127 335 en 1949-1950, 237123 en 1954-1955, 410 240 en 1959-1960, et 570 161 en 1964-1965. L’USEP se tournevers l’INS en 1948 pour alimenter la réflexion de sa commission technique et de sesresponsables départementaux, en particulier par des stages (cf. Haure-Place(président de la commission nationale technique de l’USEP), Le sport dans le pre-mier degré ou... l’USEP à l’école, INS, 17, septembre-octobre 1951, p.2).

35Haure-Place, Et voici que prend vigueur une USEP chargée d’espérance,INS, 18, novembre-décembre 1951, p. 4.

36R. David, qui avait lancé une expérience similaire en 1938 dans l’Aude, esten 1950 directeur de l’Enseignement primaire de la Seine, dont dépend Vanves.

37P. Giolitto, Les classes de neige et le tiers temps pédagogique (Paris: Pressesuniversitaires de France, 1970. Voir aussi les comptes-rendus donnés dans les re-vues pédagogiques, ainsi que M. Marguerita, L’expérience scolaire de Vanves, uneformule nouvelle d’éducation : le mi-temps pédagogique et sportif, thèse de médecine,1952.

38J.M. Lorrain, Ecole et plein air, L’éducation physique, 8, 1956, p. 22.39Le programme quotidien est donné par R. Hervet, Vanves, son expérience,

ses perspectives, INS, 24, novembre-décembre 1952, p. 5.40Circulaire n°1080 EPS/3 du 10 septembre 1959 relative à l’enseignement de

l’EPS dans l’enseignement du premier degré.41Sur la méfiance scolaire envers le culte du dépassement physique, cf. P.

Arnaud, Les deux voies d’intégration du sport dans le système éducatif, in P. Arnaud,T. Terret (Eds), Éducation et politique sportive (Paris: Ed. du CTHS, 1995) ; sur le rejetdu plaisir en éducation physique, voir J. Gleyse, Éducation physique et plaisir ducorps, in P. Arnaud et T. Terret (Eds), Éducation physique, Sports et Arts. XIX°-XX°siècles (Paris: Ed. du CTHS, 1996, 107-120).

42Ministère de l’Éducation Nationale, Haut-Commissariat à la Jeunesse et auxSports, L’Éducation physique et sportive dans l’Enseignement du premier degré. Programmeréduit (Paris: Institut Pédagogique National, 1960).

43AEEPS, Premier degré d’éducation physique et sportive. Programme complet (Paris :Armand Colin-Bourrelier, 1961).

44T. Terret, L’éducation physique des jeunes filles en 1945. A propos d’un filmpédagogique, in P. Arnaud, T. Terret (Eds) Histoire du sport féminin (Paris:L’Harmattan, 1996).

45Secrétariat d’Etat à l’enseignement technique, à la jeunesse et aux sports,Programme provisoire d’éducation physique des établissements d’enseignement du seconddegré et des établissements de l’enseignement technique, 1er/12/1952.l

46Arrêté du 25/05/1950.47Programme d’action concernant la jeunesse et les sports, INS, 29, septembre-

octobre 1953, p. 4. L’épreuve d’EPS sera finalement rendue obligatoire aubaccalauréat en 1959.

48M. Herr, Les textes officiels et l’histoire. Analyse de trois textes relatifs àl’éducation physique, in P. Arnaud, JP. Clément, M. Herr, op. cit.

49Instructions du 20 juin 1959.50A la fois au regard des examens scolaires et de la préparation à l’athlétisme.51P. Pétat, La fonction de rééducateur, Rééducation physique, 19, novembre 1938,

pp. 4-8.

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71LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE ET L’ÉDUCATION PHYSIQUE

52Instructions ministérielles du 1er octobre 1945 à l’usage des professeurs etmaîtres d’éducation physique et sportive.

53M. Cassagne, Les centres de rééducation physique et leur contribution àl’adaptation de la gymnastique corrective, Notes techniques de l’ENSEP, janvier 1949.

54Ministère de l’Education nationale, Directives de gymnastique corrective à l’usagedes adolescents déficients (Paris: Direction générale Jeunesse et sport, 1955), p. 4.

55S. Fauché, Corps et psychisme. Histoire et épistémologie de la psychomotricité(Paris: PUF, 1993), p. 94.

56Dr Weber, L’éducation physique des jeunes au sein de l’entreprise, Annalesde cinésiologie et de rééducation physique, 22, avril-juin 1953.

57Ministère de l’Education nationale, Directives de gymnastique corrective à l’usagedes adolescents déficients, op. cit. ; Ministère de l’Education nationale, Rééducationphysique. Notice d’application technique et pédagogique (Paris: Direction généraleJeunesse et sport, 1950).

58F. Belligon, Contribution à la rééducation physique. Un procédé de fichagemorphologique (Vénissieux, 1954); F. Belligon, Consolidation des points faibles(Vénissieux, 1954).

59M. Pouey, La douche psychique du Docteur P. Tissié. Son utilisation engymnastique corrective et médicale, Annales de cinésiologie et de rééducation physique,7-8, 1949. M. Pouey est vice-président de la Société Française de Rééducation Phy-sique.

60Direction générale de la Jeunesse et des sports, Rééducation physique. Noticed’orientation de l’enseignement (Paris: Bureau médical, 1951).

61R. Haure, Considérations sur les bases scientifiques de l’éducation physique, Bor-deaux, Thèse de médecine, 1950, p. 19, cité par Serge Fauché, op cit., p. 145.

62P. Vayer, Essai d’une conception psychologique de la rééducation del’attitude, Bulletin de la SFURP, 1, 1965 ; J. Le Boulch, La gymnastique de maintienest-elle une méthode efficace d’éducation physique, Les cahiers scientifiques d’éducationphysique, 2, 1964.

63Circulaire n°427 du 3/10/1946, “Dispositions particulières auxenseignements techniques et professionnels”.

64Pour les collèges techniques, cf. l’arrêté du 7/01/1950 (Bulletin officiel del’Education nationale du 2/02/1950) et les circulaires 2980 du 21/07/1950 et 3215du 27/07/1951 (BOEN du 28/07/1951) pour l’enseignement industriel garçons, lacirculaire 866 du 17/11/1917 (non insérée au BOEN) pour l’enseignement industrielfilles, l’arrêté du 23/07/1951 (BOEN du 6/09/1951) pour l’enseignement éco-nomique et commercial et l’arrêté du 15/01/1952 (BOEN du 18/06/1953) pourl’enseignement social. Pour les centres d’apprentissage, cf. l’arrêté du 29/09/1952(BOEN du 2/10/1952) pour l’enseignement industriel, la circulaire 3583 du 19/08/1950 non insérée au BOEN pour l’enseignement commercial, et l’arrêté du 21/02/1950 (BOEN du 23/03/1950) pour l’enseignement social.

65Cf. la circulaire du 16/09/1953 qui vise « à mettre un terme à une situationqui ne saurait se prolonger ».

66Circulaire du 30 mai 1945 n°46 EPPS, à titre expérimental puis généralisationpar la circulaire n°435 EPS/I du 15 mai 1947.

67Circulaire n°1058 EPS/2 du 9 mai 1949 sur l’accroissement de l’efficacitédes centres.

68Circulaire n°1168 EPS/2 du 12 avril 1950.

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72 TERRET

69Circulaire n°1006 EPS/2 du 29 avril 1952.70Pour un exemple, cf. T. Bertrand, Les Centres de Perfectionnement Sportif

du Rhône, Jeunesse ouvrière. Enseignement sportif. Plein air, (JEP pour la suite), 3,décembre 1954, p. 37 et suiv.

71M. Montchany, Les écoles de sports en Lot-et-Garonne, JEP, 1, mars 1954, p.49 et suiv.

72En octobre 1954, on compte déjà 1465 CAPE et 1667 CIS qui regroupentrespectivement 103 000 et 77 000 jeunes gens (cf. M. Risset, L’éducation physique etsportive du secteur non scolaire, JEP, 10, juin 1957, p. 9). Encore faudrait-il aussiajouter les centres de Ski, de Montagne et de Camping qui relèvent de la mêmestructure générale.

73JEP, n°11, oct. 1957, p. 50.74M. Pierson, Développement des Centres d’Activités Physiques, JEP, 2, juin

1954, p. 15.75Circulaire n°577 EPS/2 du 13 mars 1953 et n°2845 du 5 octobre 1953.76Décret n° 53-86 du 3 février 1953, BOEN n°8 du 19/02/1953. Cf. le court

historique donné dans JEP, n°5, juillet 1955, pp. 8-16.77La première cession de 1954 ne sera pas mise en place dans tous les

départements et, en certains cas, des modalités originales ayant déjà fait leurspreuves auparavant seront conservées (par exemple pour le CAP des mineurs dehouilles et de fer qui propose un parcours athlétique largement inspiré des parcourshébertistes). Ces dérogations sont d’ailleurs officialisées par l’arrêté ministériel du30/03/1954 (BOEN n°14 du 8/04/1954).

78Lequel BSP est par ailleurs l’occasion d’un challenge du nombre propre auCAPE à partir de 1950 (cf. J. Gasnier, Les challenges nationaux du BSP, JEP, 8, Sept.1956). Sur la relation entre les premières épreuves d’EPS du CAP et le BSP, cf. JEP,n°11, oct. 1957, p. 24.

79Depuis l’Ordonnance du 4 octobre 1945, en France, le système de « sécuritésociale » oblige l’Etat à prendre en charge les frais médicaux et les retraites de tousles salariés et de leur famille.

80M. Amar, op. cit., relève que le taux de délinquance juvénile fait l’objet d’uneforte attention de l’opinion et des autorités publiques à cette époque.

81JP. Rioux, op. cit., tome 1, p. 264.82Pour A. Prost, op. cit., L’école du 19ème siècle demeure inchangée dans ses

grandes lignes jusqu’au début des années soixante . . . c’est-à-dire jusqu’à la miseen place de la Vème République par de Gaulle.

83J.P. Rioux op. cit., ainsi que le tome 2, L’expansion et l’impuissance. 1952-195,(Paris: Seuil, 1983).

84J. Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ? (Paris, 1962).85Nous avons identifié au moins six grandes conceptions à cette époque, qui

possèdent leurs réseaux, leurs appuis politiques et leurs caractéristiques sociales.Les traditionalistes de la Fédération Française de Gymnastique Educative, sont ceuxoù les Inspecteurs généraux en charge de l’écriture des programmes d’EP sont lesplus implantés. Cf. T. Terret, Le sport contre la santé. L’éducation physique sous laIVème République, in Revue française de pédagogie, à paraître en 2002.