3
L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal La majorité des traitements en lien avec un cancer colorectal – chimiothérapie intraveineuse et thérapie ciblée – est administrée en milieu hospitalier. Seule la capécitabine est distribuée par les officines de ville. Le pharmacien a donc un rôle essentiel dans l'éducation thérapeutique du patient qui reçoit ce médicament. E n France, le cancer colorectal se situe au troisième rang des cancers tous sexes confondus. En 2011, 40 500 nouveaux cas auraient été diagnostiqués, dont 21 500 chez l’homme et 19 000 chez la femme. Ce cancer est à l'origine de 17 500 décès dont 53 % surviennent chez les hommes. Le risque de développer un cancer colorectal augmente avec l’âge. L’âge moyen au diagnostic est de 70 ans 1-2 . Outre l’âge et l’histoire familiale, les facteurs de risque du cancer colorectal sont intimement liés aux habitudes de vie : une alimentation riche en graisse et insuffisante en fibres, un apport calorique excessif, une consom- mation de charcuteries, de viandes rouges, de nour- riture cuite au barbecue, d’aliments frits et d’alcool, le tabagisme, l’obésité et un faible niveau d’exercice physique 3-5 . La majorité des cas de cancer colorectal se développe à partir d’un adénome. Celui-ci croît, se modifie et devient dysplasique. Il évolue éventuellement vers l’adéno- carcinome. Le traitement du cancer colorectal repose sur la chirurgie, la chimiothérapie et, pour le cancer du rectum, la radiothérapie. Le traitement est choisi en fonction du stade de la maladie et de l’état général du patient 3-5 . Le rôle du pharmacien d’officine dans l’éducation théra- peutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal pourra porter sur : – les traitements disponibles ou potentiels ; – les effets indésirables des divers traitements (chimio- thérapie) ; – la maîtrise du traitement à domicile et le suivi du patient après les traitements. La gestion du traitement La capécitabine (Xéloda ® ), un promédicament du 5-fluorouracile appartenant à la classe des antiméta- bolites (analogue de la pyrimidine), est indiquée dans le traitement du cancer du sein métastatique, dans le cancer gastrique et dans le traitement du cancer colorectal adjuvant ou métastatique. Elle peut être administrée en monothérapie ou en combinaison avec d’autres molécules de chimiothérapie ou de thérapie ciblée (tableau 1) 6-9 . © Fotolia.com/Cliparea Tableau 1 : Doses habituelles de capécitabine Monothérapie Combinaison 1 250 mg/m 2 , 2 fois par jour, par voie orale, pour 14 jours suivis de 7 jours de repos* 800-1 000 mg/m 2 , 2 fois par jour, par voie orale, pour 14 jours suivis de 7 jours de repos* Administrer la dose dans les 30 minutes suivant le repas du matin et du soir Disponible en comprimés de 150 et 500 mg. Arrondir la dose au comprimé le plus près Ne pas couper les comprimés * Il existe plusieurs formules permettant de calculer la surface corporelle. En France, le cancer colorectal se situe au troisième rang des cancers tous sexes confondus. 10 module 25 Éducation thérapeutique du patient atteint de cancer Actualités pharmaceutiques carnet de formation pharmaceutique continue 1 er trimestre 2012

L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal

L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectalLa majorité des traitements en lien avec un cancer colorectal – chimiothérapie intraveineuse

et thérapie ciblée – est administrée en milieu hospitalier. Seule la capécitabine est

distribuée par les officines de ville. Le pharmacien a donc un rôle essentiel dans l'éducation

thérapeutique du patient qui reçoit ce médicament.

En France, le cancer colorectal se situe au troisième rang des cancers tous sexes confondus. En 2011, 40 500 nouveaux cas auraient été diagnostiqués,

dont 21 500 chez l’homme et 19 000 chez la femme. Ce cancer est à l'origine de 17 500 décès dont 53 % surviennent chez les hommes. Le risque de développer un cancer colorectal augmente avec l’âge. L’âge moyen au diagnostic est de 70 ans1-2.Outre l’âge et l’histoire familiale, les facteurs de risque du cancer colorectal sont intimement liés aux habitudes de vie : une alimentation riche en graisse et insuffisante en fibres, un apport calorique excessif, une consom-

mation de charcuteries, de viandes rouges, de nour-riture cuite au barbecue, d’aliments frits et d’alcool, le tabagisme, l’obésité et un faible niveau d’exercice physique3-5.La majorité des cas de cancer colorectal se développe à partir d’un adénome. Celui-ci croît, se modifie et devient dysplasique. Il évolue éventuellement vers l’adéno-carcinome. Le traitement du cancer colorectal repose sur la chirurgie, la chimiothérapie et, pour le cancer du rectum, la radiothérapie. Le traitement est choisi en fonction du stade de la maladie et de l’état général du patient3-5.Le rôle du pharmacien d’officine dans l’éducation théra-peutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal pourra porter sur :– les traitements disponibles ou potentiels ; – les effets indésirables des divers traitements (chimio-thérapie) ; – la maîtrise du traitement à domicile et le suivi du patient après les traitements.

La gestion du traitementLa capécitabine (Xéloda®), un promédicament du 5-fluorouracile appartenant à la classe des antiméta-bolites (analogue de la pyrimidine), est indiquée dans le traitement du cancer du sein métastatique, dans le cancer gastrique et dans le traitement du cancer colorectal adjuvant ou métastatique. Elle peut être administrée en monothérapie ou en combinaison avec d’autres molécules de chimiothérapie ou de thérapie ciblée (tableau 1)6-9.

© F

otol

ia.c

om/C

lipar

ea

Tableau 1 : Doses habituelles de capécitabine

Monothérapie Combinaison

1 250 mg/m2, 2 fois par jour, par voie orale, pour 14 jours suivis de 7 jours de repos*

800-1 000 mg/m2, 2 fois par jour, par voie orale, pour 14 jours suivis de 7 jours de repos*

Administrer la dose dans les 30 minutes suivant le repas du matin et du soir

Disponible en comprimés de 150 et 500 mg. Arrondir la dose au comprimé le plus prèsNe pas couper les comprimés

* Il existe plusieurs formules permettant de calculer la surface corporelle.

En France, le cancer colorectal se situe au troisième rang •des cancers tous sexes confondus.

10module 25

Éducation thérapeutique du patient atteint de cancer

Actualités pharmaceutiques • carnet de formation pharmaceutique continue • 1er trimestre 2012

Page 2: L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal

La durée de traitement d’une chimiothérapie à base de capécitabine varie selon l’indication :– en traitement adjuvant du cancer colorectal, la durée requise est en général de 6 mois ;– en contexte métastatique, le traitement est prolongé jusqu’à la progression de la maladie ou l’apparition de toxicités importantes.

Les effets indésirablesLa capécitabine, généralement bien tolérée, peut néan-moins générer des effets indésirables, graves s’ils ne sont pas gérés à temps. Le patient doit savoir les reconnaître et communiquer avec son équipe soignante lors de leur apparition. Certaines toxicités peuvent entraîner l’interruption ou l’arrêt définitif de la capécitabine pendant le cycle de traitement6-8.• Les nausées sont fréquentes, mais de faible intensité et facilement contrôlées avec les agents antiémétiques habituels. Les vomissements sont moins fréquents et généralement peu sévères.• Les stomatites peuvent être évitées en utilisant, en prophy laxie, un gargarisme à base d’eau et de sel plusieurs fois par jour. Si le patient rapporte des aphtes ou des érythèmes douloureux, limitant ou non la capacité à s’alimenter, il est important d'interrompre le traitement et de communiquer avec l’équipe soignante. Le traitement ne pourra être repris qu'à disparition de la douleur. La dose de capécitabine pourra aussi être réduite lors des cycles suivants (tableau 2).• La diarrhée est attendue chez plus de 50 % des patients traités par la capécitabine. Elle est sérieuse (de grade 3-4, soit plus de 7 à 9 selles liquides par jour) dans 10 à 20 % des cas, surtout si la capécitabine est utilisée en combinaison. Dès les premiers signes, et après exclusion de causes infectieuses possibles, l’utilisation du lopéramide est recommandée. Si, malgré tout, on note plus de 4 selles liquides par jour ou s’il y a présence de selles nocturnes, il convient d’interrompre la capécitabine et d’aviser l'équipe soignan te. Le traitement sera interrompu jusqu’à réso-lution des symptômes à un niveau de grade 1. La dose sera alors réduite pour les cycles subséquents selon un algorithme prédéfini qui peut être retrouvé dans la monographie du produit (tableau 3). Les mesures non pharmacologiques habituellement prescrites lors de diarrhées (hydratation, alimentation adaptée, etc.) doivent également être rappelées et appliquées.• L’érythrodysesthésie palmo-plantaire (ou syndrome palmo-plantaire) est un des effets particuliers de la capé-citabine. Elle se manifeste par des engourdissements, des fourmillements et de l’érythème dans la paume des mains

Tableau 2 : Ajustement des doses en présence de stomatite

Grade Combinaison 1er épisode (dose)

2e épisode(dose)

3e épisode(dose)

4e épisode(dose)

1 Érythème indolore 100 % 100 % 100 % 100 %

2 Érythème douloureux, œdème ou ulcères, mais capacité à manger

Interrompre* puis 100 %

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

3 Érythème douloureux limitant la capacité à manger

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

4 Déshydratation, nécrose des muqueuses ou besoin de soutien parentéral ou entéral

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

* Interrompre le traitement jusqu’à résolution des symptômes à un grade 0 ou 1.

Tableau 3 : Ajustement des doses en présence d'une diarrhée

Grade Symptômes 1er épisode (dose)

2e épisode(dose)

3e épisode(dose)

4e épisode(dose)

1 Augmentation de 2-3 selles par jour

100 % 100 % 100 % 100 %

2 Augmentation de 4-6 selles par jour ou selles nocturnes

Interrompre* puis 100 %

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

3 Augmentation de 7-9 selles par jour ou incontinence et malabsorption

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

4 Augmentation de 10 selles ou plus par jour, présence de sang dans les selles

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

* Interrompre le traitement jusqu’à résolution des symptômes à un grade 0 ou 1.

Tableau 4 : Ajustement des doses en présence d’érythrodysesthésie  palmo-plantaire

Grade Symptômes 1er épisode (dose)

2e épisode(dose)

3e épisode(dose)

4e épisode(dose)

1 Engourdissement, fourmillement, érythème indolore et enflureIncommodité qui ne perturbe pas les activités quotidiennes

100 % 100 % 100 % 100 %

2 Érythème douloureux et enflureIncommodité qui ne perturbe pas les activités quotidiennes

Interrompre* puis 100 %

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

3 Desquamation humide, ulcération, bulles cutanées, douleur intenseGêne importante qui empêche de vaquer à ses activités

Interrompre* puis 75 %

Interrompre* puis 50 %

Arrêter définitivement

Arrêter définitivement

* Interrompre le traitement jusqu’à résolution des symptômes à un grade 0 ou 1.

11 module 25

Éducation thérapeutique du patient atteint de cancer

Actualités pharmaceutiques • carnet de formation pharmaceutique continue • 1er trimestre 2012

Page 3: L’éducation thérapeutique d’un patient atteint d’un cancer colorectal

et des pieds (figure 1). Cet effet peut être léger et n'incom-moder en rien les activités du patient. En revanche, lors-que la douleur est présente ou que les activités du patient sont perturbées, le traitement doit être interrompu jusqu'à la disparition de la douleur. Dans le cas où une desqua-mation, des bulles cutanées ou une douleur intense sont notées, il faut également interrompre le traitement. Toute interruption doit être notifiée à l’équipe soignan te. Des ajustements de doses sont habituel lement néces-saires (tableau 4, page précédente).

L’observance du traitementLa capécitabine est un médicament qui s’administre deux fois par jour et de façon cyclique, ce qui peut gêner certains patients. De plus, le nombre de comprimés de la prise du matin et celui de la prise du soir peuvent différer. Il est recommandé de remettre au patient un calendrier de prises du médicament pour faciliter son adhésion au traitement.

Dans certaines situations, il peut s’avérer nécessaire de remplir, pour le patient, un pilulier ou un distributeur de médicaments. Si plus de comprimés que nécessaires sont remis au patient, il est impératif de lui expliquer de ne pas les prendre pour éviter les surdoses et la toxicité. Des cas de toxicités sévères allant même jusqu’au décès ont été rapportés avec des erreurs de prises de capécitabine pour une période dépassant la durée prescrite.

Règles hygiéno-diététiques chez un patient atteint d’un cancer colorectalÉtant donné que plusieurs facteurs de risque du cancer colorectal sont liés aux habitudes de vie, il paraît logique d’en faire un état des lieux auprès du patient. Le pharma-cien pourra l'encourager à maintenir des bonnes habitudes alimentaires en réduisant sa consommation de graisses, de charcuteries et de viandes rouges, de nourriture cuite au barbecue et d’aliments frits. Le patient devra favori-ser l’apport de fruits et légumes et une consommation plus élevée en fibres. L’alcool et le tabagisme doivent, par ailleurs, être évités. Une consultation diététique peut être pertinente. n

Nathalie Letarte

Pharmacienne en oncologie, Département de pharmacie du Centre

hospitalier de l'Université de Montréal, Professeure adjointe de clinique

à la Faculté de pharmacie de l’université de Montréal (Québec)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits

d’intérêts en relation avec cet article.

1. Collectif. La situation du cancer en France

en 2011. Boulogne-Billancourt: INCa; 2011.

2. Collectif. Situation de la chimiothérapie

des cancers en 2010. Boulogne-Billancourt: 

INCa; 2010.

3. Schrump DS, Altorki NK, Henschke 

CL, Carter D, Turrisi AT, Gutiérrez ME.

Non small cell lung cancer. In: Cancer, prin-

ciples and practice of oncology. DeVita VT,

Hellman S, Rosenberg SA, editors. 7th ed.

Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins; 

2005.

4. National Comprehensive Cancer Network. 

Clinical practice guidelines in oncology.

Colorec tal cancer. V.2.2011. www.nccn.org

5. Medina PJ, Sun W, Davis LE. Colorectal 

cancer. In: DiPiro JT, Talbert RL, Yee GC, 

Matzke GR, Wells BG, Posey LM, editors. 

Pharmaco therapy: a pathophysiologic

approach. 7th ed. New York: McGraw-Hill; 2008.

6. Hoffmann-La Roche. Monographie Xeloda. 

2011. www.rochecanada.com/fmfiles/

re7246001/Research/ClinicalTrialsForms/Pro-

ducts/ConsumerInformation/Monograph sand-

PublicAdvisories/Xeloda/xelodaFeb15pmF.pdf

7. British Columbia Cancer Agency. Capecitabine . 

In: Cancer Drug Manual. 2011. www.bccancer.

bc.ca/NR/rdonlyres/08AB775B-8C52-407C-

B6F3-83CB7AAF57F4/49724/Capecitabinemono-

graph_2March2011_formatted.pdf

8. British Columbia Cancer Agency. 

Protocol summary for adjuvant therapy of

colon cancer using capecitabine. 2011.

www.bccancer.bc.ca/NR/rdonlyres/C0A8933B-

3AAD-4EBA-A95C-4552A0A060C9/50082/

GIAJCAP_Protocol_1Apr2011.pdf

9. Haute Autorité de santé. Tumeur maligne,

affection maligne du tissu lymphatique

ou hématopoïétique, cancer colo rectal.

Guide affection longue durée. 2008.

www.has-sante.fr/portail/upload/docs/appli-

cation/pdf/guide_colon_version_web.pdf

Références

© B

SIP

/Sco

tt C

amaz

ine

Figure 1 : Engourdissement, fourmillements, érythème •dans la paume des mains sont des effets indésirables spécifiques de la capécitabine.

12module 25

Éducation thérapeutique du patient atteint de cancer

Actualités pharmaceutiques • carnet de formation pharmaceutique continue • 1er trimestre 2012