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______________________________________________________________________________ L’efficacité de la gestion des ressources humaines : au-delà des paradigmes Denis Chênevert Professeur titulaire Département de gestion des ressources humaines 26 avril 2017 ______________________________________________________________________________ Les cahiers des leçons inaugurales

L’efficacité de la gestion des ressources humaines : au ... · La santé des médecins ... la protection des niches de marché ou encore l’accès aux ressources financières

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______________________________________________________________________________

L’efficacité de la gestion des

ressources humaines : au-delà

des paradigmes

Denis Chênevert Professeur titulaire

Département de gestion des ressources

humaines

26 avril 2017

______________________________________________________________________________ Les cahiers des leçons inaugurales

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Denis Chênevert

Denis Chênevert a obtenu son doctorat de l’Université

de Toulouse I. Il enseigne principalement la gestion

stratégique des ressources humaines et la gestion de la

rémunération. Il a été récipiendaire du prix du meilleur

livre pédagogique à HEC Montréal en 2009 ainsi que

du prix du Highly Commended Paper Award en 2013,

dans la revue Journal of Health Organization and

Management. Ses récents intérêts de recherche portent

principalement sur les liens entre le climat de travail, l’absentéisme, l’épuisement

professionnel et la performance dans le réseau de la santé.

Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à prononcer un discours inaugural,

appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon,

les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.

©, avril 2017 , Denis Chênevert

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L’efficacité de la gestion des ressources humaines :

au-delà des paradigmes

Table des matières

Introduction ........................................................................................................... 5

I. Alignement et contingence .......................................................................... 7

A. L’alignement vertical ............................................................................. 9

Le secteur d’activités ............................................................................ 10

La stratégie d’affaires ........................................................................... 11

La culture et les valeurs organisationnelles ........................................ 12

La mission de l’organisation ................................................................ 16

B. L’alignement horizontal ...................................................................... 17

L’organisation du travail ..................................................................... 19

Les pratiques de gestion à haute implication ..................................... 19

La santé des médecins .......................................................................... 21

Le soutien social .................................................................................... 22

L’adhésion aux changements ............................................................... 23

Le style de leadership ........................................................................... 23

La reconnaissance non monétaire ....................................................... 24

Conclusion ........................................................................................................... 27

Bibliographie ....................................................................................................... 30

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Introduction

Ce questionnement, à savoir qu’est-ce qui caractérise ma carrière universitaire n’a

pas été simple à définir. En fait, mon parcours et ma contribution ne reposent pas

sur un sujet bien défini ou un terrain de recherche spécifique. En empruntant un

regard rétrospectif, je me suis dit : « Mais pour l’amour du ciel, quels sont les

chemins que j’ai bien pu emprunter ? » Tantôt dans le domaine de la rémunération,

de la mobilisation, de la performance au travail, et par la suite le roulement du

personnel en passant par l’épuisement professionnel, l’intention de quitter son

emploi et sa profession et finalement l’absentéisme, pour ne nommer que ceux-là.

Des secteurs et entreprises très variés ou encore quelquefois des organisations très

spécifiques comme celles du secteur de la santé et des services sociaux. Un

enseignement tout aussi diversifié constitué de cours de base en gestion des

ressources humaines au BAA, au DESS, au MBA et en propédeutique, des cours

de rémunération au BAA, au certificat et à la M.Sc., des cours de gestion stratégique

des ressources humaines au MBA, au E-MBA et à la M.Sc., des cours de

méthodologie de recherche à la M.Sc et finalement l’atelier de recherche à la M.Sc.

En somme, je suis un peu comme un électron libre à HEC ne sachant jamais sur

quoi ni quand m’arrêter. En fait, il est peut-être préférable de laisser libre cours à

l’électron, car son confinement pourrait générer une situation explosive. Malgré

tout, l’angoisse s’est emparée de moi, et ceux qui me connaissent savent que ce

n’est pas dans mes habitudes. Et je me suis dit : « Mais coup dont! Qu’est-ce que

j’ai bien pu faire pendant toutes ces années ? » En discutant un dimanche matin

avec ma conjointe, je lui ai mentionné humblement : « Ma chérie, je pense

malheureusement que je n’ai rien fait de spécifique dans ma carrière… » Et elle

me répondit du tact au tact : « Mais voyons, tu as fait tellement de choses, il y a

sûrement une logique dans tous tes travaux… » Après plusieurs minutes de

« Brainstorming » Eureka, je pense avoir trouvé le fil conducteur. Ce qui teintent

mes recherches et mon enseignement, l’évidence que je ne voyais plus, c’est la

contingence, l’alignement et la contextualisation de la gestion des ressources

humaines sous la forme d’une remise en question des postulats établis. Tel un

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disciple de Karl Popper, je me suis évertué à remettre en question les paradigmes

que l’on tient pour acquis. Pourquoi certaines pratiques de gestion fonctionnent-

elles dans certains secteurs, mais pas dans d’autres ? Pourquoi l’épuisement

professionnel génère-t-il plus d’absentéisme chez certaines cultures ? En quoi le

climat de travail inhibe-t-il les efforts investis dans l’implantation de pratiques de

gestion à haute implication? J’ai en fait toujours cherché à aiguiller les

gestionnaires dans leur quête de solutions face à des initiatives qui devaient être

concluantes à première vue, mais qui ne l’ont pas toujours été. Humblement, j’ai

tenté, pendant toutes ces années, d’être à la fois le plus rigoureux possible dans ma

démarche scientifique et le plus pertinent possible pour les étudiants à qui

j’enseigne et les gestionnaires que je conseille.

Mais d’où vient cette idée de contingence et d’alignement ?

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I. Alignement et contingence

L’idée générale de ce concept est que l’absence de correspondance entre deux ou

plusieurs éléments d’un système réduit l’ensemble de son efficacité (Lorsch et

Lawrence, 1967). Ce concept a permis de synthétiser les notions principales de la

théorie générale des systèmes avec les résultats des recherches objectivistes,

permettant ainsi d’aborder les problématiques de gestion de façon plus concrète et

plus spécifique, tout en accordant plus d’importance au fait relationnel dans les

organisations (Burell et Morgan, 1979). La performance d’un système serait

directement liée au degré de correspondance ou d’alignement de ses différentes

composantes.

La recherche d’une gestion efficace ne consiste pas à appliquer un principe donné

comme plusieurs l’ont prôné, mais résulte davantage d’une interaction complexe

entre des facteurs situationnels. Les organisations agissent de manière à modeler

leur environnement selon une série de choix relatifs à leurs environnements interne

et externe. Elles ne sont donc plus contraintes d’agir de la même façon et de

répondre directement et de manière prévisible comme le stipulent les approches

traditionnelles (Miles et Snow, 1978). Le choix d’un modèle de gestion doit être

tributaire d’un contexte organisationnel particulier ou d’un type de problème

donné. En fait, le concept de contingence permet une compréhension des différentes

personnalités propres à chaque entreprise et la sélection de pratiques de gestion

nécessaires à chacune d’elles plutôt que de suggérer des techniques populaires qui

sont utilisées par d’autres. De la même façon, les pratiques et concepts souhaitables

pour une entité de l’entreprise ne sont pas nécessairement efficaces pour une autre

entité ou encore moins pour l’ensemble de l’organisation.

Nous contraignons trop souvent les entreprises à emprunter un chemin pavé

d’avance, comme s’il y avait une seule voie au succès. Le principe

« d’équifinalité » nous enseigne qu’il y a plus d’une façon d’organiser efficacement

une entreprise, plus d’une stratégie permettant de maximiser le profit et plus d’un

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style de leadership permettant d’atteindre ses objectifs d’affaires (Doty, Glick et

Huber, 1993). En fait, une organisation peut atteindre le même état final qu’une

autre, malgré des conditions initiales différentes et en empruntant des voies tout

aussi différentes. Je ne cesse de répéter à mes étudiants que c’est la cohérence de

leurs décisions qui m’importent le plus dans leurs travaux et pas toujours le résultat

final auquel ils arrivent, car lorsqu’il y a cohérence, alignement et contingence, il y

a normalement efficience, efficacité et performance.

Étant donné ces différentes constations, je vais vous présenter les différents

alignements ou contingences que les problématiques de mes recherches ont mis en

exergue, en tentant d’y apporter un éclairage nouveau. Les différents alignements

qui ont meublé mes problématiques de recherche se divisent en deux grandes

catégories : l’alignement vertical et l’alignement horizontal.

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A. L’alignement vertical

Le concept d’alignement vertical en gestion des ressources humaines se veut une

prise de conscience de l’importance du facteur humain dans la réussite de la stratégie

d’affaires. Historiquement, les activités de GRH ont été abordées de façon isolée en

cherchant les pratiques permettant d’en accroître l’efficacité, et ce, sans égard aux

autres fonctions de l’entreprise. Les ressources humaines ont toujours été perçues

comme l’un des avoirs les plus coûteux et les plus difficiles à contrôler. Par

conséquent, les dirigeants ont traditionnellement basé leurs stratégies d’affaires sur

d’autres facteurs tels que les processus techniques, la protection des niches de marché

ou encore l’accès aux ressources financières. Toutefois, la globalisation et

l’ouverture des marchés ont éliminé l’avantage d’être dans une industrie plutôt

qu’une autre, réduit les barrières à l’entrée et ont considérablement restreint la

concentration industrielle (Snell, Youndt et Wright, 1996). Les ressources sont donc

devenues plus facilement accessibles pour toutes les entreprises, réduisant ainsi les

moyens disponibles afin d’obtenir un avantage compétitif.

Cette prise de conscience au cours des dernières années a permis d’aborder la gestion

des ressources humaines sous un angle stratégique. L’entreprise cherche à se

démarquer par l’unicité de son capital humain de manière à disposer d’une force de

travail nécessaire à l’atteinte de ses objectifs. Il n’est plus souhaitable de gérer ses

ressources humaines uniquement de façon opérationnelle, car la vision d’affaires à

moyen et long terme adoptée par les équipes de direction doit être appuyée par les

ressources humaines. Le meilleur plan stratégique ne peut être implanté sans une

attention particulière portée aux politiques et pratiques de gestion des ressources

humaines. Étant donné que la gestion des ressources humaines est un élément critique

de succès, elle doit être intégrée dans toutes les phases du processus de planification

stratégique.

Ma conception de l’alignement verticale se veut toutefois plus large que celle de

beaucoup de chercheurs qui ont tendance à la limiter au degré de cohérence avec la

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stratégie d’affaires. L’alignement vertical se veut une façon de comprendre les

organisations et principalement la gestion des ressources humaines à la lueur de ce

qui la transcende. Le secteur d’activités, la stratégie d’affaires et la culture

organisationnelle, pour ne nommer que ceux-là, teintent le fonctionnement général

de l’entreprise et influencent la mise en œuvre des différentes fonctions.

Le secteur d’activités

À titre d’exemple, les régimes de rémunération incitative sont connus comme étant

des pratiques de gestion des ressources humaines efficaces lorsqu’il est question

d’accroître la productivité et la performance au travail. Cette croyance mérite

toutefois d’être contextualisée. Dans une étude que nous avons réalisée auprès de

128 entreprises canadiennes, nous cherchions à comprendre l’influence des régimes

de rémunération incitative sur la productivité et le taux de roulement des employés

(Tremblay et Chênevert, 2008). De façon générale, nos résultats suggèrent un lien

significatif entre la présence d’incitatifs de nature individuelle et la productivité des

employés, mais ne démontre pas de lien avec le taux de roulement. Nous aurions

pu nous en ternir à ces résultats et transmettre le message qu’il faut investir dans

des pratiques de rémunération incitative de nature individuelle. Toutefois, la réalité

est toute autre. En contextualisant ces résultats selon l’intensité technologique des

128 firmes étudiées, nous arrivons à une conclusion bien différente. Nos résultats

suggèrent que l’utilisation d’incitatifs individuels accroît le taux de roulement dans

un environnement à forte intensité technologique. Lorsqu’il est question de

l’utilisation des incitatifs de nature collective ou d’équipe, les résultats suggèrent

une augmentation de la productivité et une réduction du taux de roulement, mais

ce, seulement chez les firmes à forte intensité technologique. Par conséquent, il faut

être prudent dans l’utilisation des programmes de rémunération incitative selon leur

nature individuelle ou collective et selon le secteur d’activité concerné. En effet, la

créativité et l’innovation propre aux entreprises à forte intensité technologique les

contraignent à favoriser le travail d’équipe, et par conséquent à reconnaître avant

tout la performance collective et non individuelle. Il doit donc y avoir un

alignement entre les pratiques de gestion des ressources humaines et le secteur

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d’activités propre à chaque entreprise. Contrairement à ce qui est régulièrement

véhiculé, l’implantation de régimes de rémunération incitative n’a pas toujours les

effets escomptés, et ce, par manque d’alignement avec certains facteurs propres à

l’environnement de l’entreprise.

La stratégie d’affaires

En ce qui a trait à la stratégie d’affaires, on s’attendrait à ce que l’efficacité des

pratiques de gestion des ressources humaines soit tributaire de leur niveau

d’alignement avec la stratégie de l’entreprise. C’est en fait le principal message que

je transmets à mes étudiants. Je leur mentionne que pour réussir l’implantation

d’une nouvelle stratégie d’affaires il faut impérativement que les employés

modifient leurs comportements de manière à aligner leurs efforts sur les objectifs

attendus de la nouvelle stratégie.

Comme le disait si bien Albert Einstein : « La folie consiste à répéter obstinément

les mêmes gestes et à s’attendre à des résultats différents. »

Les pratiques de gestion des ressources humaines ont donc comme mission

d’aligner les comportements des employés de manière à répondre aux impératifs de

la stratégie d’affaires, ce qui nécessite un alignement vertical, c’est-à-dire un

arrimage entre ce qui est voulu par la direction générale et ce qui est mis en œuvre

au quotidien par les employés et les gestionnaires. Plus fort sera cet alignement et

plus performante sera l’organisation. Une entreprise qui préconiserait une stratégie

de différenciation de ses produits et services, qui chercheraient donc à se démarquer

de la concurrence par un produit unique de grande qualité et un service hors pair,

aurait intérêt à implanter des pratiques de gestion des ressources humaines

différentes d’une entreprise qui privilégie une stratégie de leadership par les coûts

caractérisée par une production de masse standardisée et un service peu distinctif.

À titre d’exemple, une étude que nous avons réalisée auprès de 602 entreprises

provenant du Canada, de la France et du Royaume-Uni suggère qu’une gestion

transparente de l’information est particulièrement efficace lorsqu’on est en

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présence d’entreprises ayant adopté une stratégie de différenciation de leurs

produits et services et qu’une centralisation de la prise de décisions est un mode de

gestion plus efficace en présence d’entreprises peu diversifiées, possédant une

stratégie mono-produit (Chênevert et Tremblay, 2011).

D’autres éléments structurants de l’entreprise, tels que la culture, les valeurs et la

mission méritent également une attention particulière en matière d’alignement des

pratiques de gestion des ressources humaines.

La culture et les valeurs organisationnelles

Comme le disait l’ancien président de Southwest Airlines: « Culture is what people

do when no one is looking. »

La culture et les valeurs organisationnelles sont souvent plus stables que la stratégie

d’affaires et plus structurantes en matière de développement organisationnel. Elles

se construisent au fil du temps et illustrent la personnalité de l’organisation. Elles

ne peuvent s’imposer, mais se découvrent au gré des décisions, des comportements

et des attitudes manifestés au quotidien. Combien de dirigeants ont échoué en

voulant changer la culture de leur entreprise et combien d’échecs ont été observés

dans l’implantation de nouvelles pratiques de gestion qui n’étaient pas alignées sur

la culture et les valeurs organisationnelles.

À cet effet, trois études que nous avons réalisées dans le secteur de la santé

suggèrent l’importance des valeurs organisationnelles en matière d’épuisement

professionnel. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés au lien entre

l’épuisement professionnel et les épisodes d’absences à court terme. Les résultats

de cette étude réalisée auprès de 428 employés du réseau de la santé suggèrent que

des valeurs humaines et d’innovation véhiculées par un établissement accentuent le

lien entre l’épuisement professionnel et l’absentéisme (Jourdain et Chênevert,

2015). Ce résultat contre-intuitif vous surprend sûrement. Pourquoi des valeurs

humaines en situation d’épuisement professionnel agiraient-elles positivement sur

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l’absentéisme ? Autrement dit, en situation d’épuisement, lorsque vous percevez

que votre organisation fait la promotion de valeurs plus humaines axées sur

l’innovation vous vous permettez davantage de vous absenter. Par contre, si vous

percevez que votre organisation a plutôt des valeurs de rationalisation et de

contrôle, le lien entre le degré d’épuisement professionnel des employés et le

nombre de leurs absences s’atténue. Quel message ces résultats envoient-ils aux

gestionnaires ? Que ces derniers n’auraient pas intérêt à véhiculer des valeurs

humaines et d’innovation au sein de leur établissement ? En situation de pénurie de

main-d’œuvre, pourquoi un gestionnaire du réseau de la santé et des services

sociaux agirait-il de manière à accroître l’absentéisme chez ceux qui ressentent de

l’épuisement professionnel? Peut-être que la situation est plus complexe qu’elle

n’en a l’air ? La théorie de la conservation des ressources nous dit que lorsqu’un

individu est en épuisement, il se retrouve dans une spirale qui aspire ses ressources

au fur et à mesure qu’il puise dans celles restantes, jusqu’au point où il a dilapidé

l’ensemble des ressources disponibles (Hobfoll, 1989). Ce processus entraîne la

plupart du temps une détérioration de la santé de l’individu et un diagnostic

d’épuisement professionnel suivi d’une absence à long terme. Cette situation est-

elle plus souhaitable ? Prendre quelques jours de congé afin de récupérer lorsque la

fatigue n’est plus soutenable serait peut-être préférable à une absence à long terme ?

Une étude que nous avons réalisée auprès des employés d’Hydro-Québec suggérait

qu’une absence diagnostiquée pour trouble de santé mentale au cours des deux

années précédentes augmentait de 90 % les chances de s’absenter ultérieurement

pour le même type de problème, et que le nombre de jours d’absence après chaque

épisode croît de façon exponentielle (Chênevert, Bellavance et Simard, 2012). Il

faut donc, à tout prix, éviter le premier épisode.

En fait, l’absentéisme à court terme n’est peut-être pas un problème en soi, mais

davantage une solution. Je me souviens d’en avoir discuté avec mon bon ami

Patrick, qui était à l’époque directeur des ressources humaines au Centre de santé

et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île et qui est maintenant maître

d’enseignement à l’École au sein de mon département. Je lui parlais de l’étude que

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je réalisais à l’époque dans son organisation sur le climat de travail et l’absentéisme,

pour lui mentionner que j’observais un lien significatif entre l’engagement de ses

employés et leur niveau d’absences (Chênevert, Jourdain, Cole et Banville, 2013).

Il était plutôt surpris de ces résultats, comme moi d’ailleurs. Comment les gens les

plus engagés peuvent-ils s’absenter davantage que les autres. Cela allait à

l’encontre des postulats en gestion des ressources humaines. Toutefois, en

regardant de plus près les résultats, je me suis aperçu que cela était vrai uniquement

pour les absences à long terme et non pour les absences à court terme. Les absences

à long terme étant celles certifiées médicalement, alors que les absences à court

terme sont liées aux congés de maladie de cinq jours ou moins. C’est à ce moment

que Patrick, un praticien aguerri, m’a dit qu’il pensait comprendre le problème. Son

personnel soignant le plus engagé n’a pas tendance à prendre des congés de maladie

par crainte de nuire à la santé de ses patients ou encore d’obliger une collègue à

faire du temps supplémentaire pour combler cette absence. Au fil du temps, elles

s’épuisent de plus en plus jusqu’au moment où le diagnostic tombe et qu’elles

doivent s’absenter à long terme pour épuisement professionnel. C’est alors que

Patrick a mis en place une stratégie pour déceler les signes avant-coureurs de

l’épuisement afin de suggérer à ses employés les plus engagés de prendre, de temps

à autre, une journée de congé afin de refaire le plein.

En termes de coûts individuels, organisationnels et sociaux, laquelle des deux

situations est préférable ? Prendre quelques jours de congé ici et là pour refaire le

plein ou s’absenter à long terme avec des risques de récidives ?

Pour en revenir aux valeurs organisationnelles véhiculées, dans une autre étude que

nous avons réalisée et présentée en 2015 lors du congrès organisé par l’Association

canadienne de protection médicale, nous avons souligné que plus de 20 % du

personnel infirmier interrogé avait mentionné avoir été victime de comportements

hostiles de la part des médecins au cours de la dernière année. La situation mérite

d’autant plus notre attention qu’elle concerne, dans une plus large mesure, les

jeunes infirmières et infirmiers, ceux-là mêmes qui sont les plus susceptibles de

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quitter la profession. On parle ici d’abus verbaux, psychologiques ou physiques, de

critiques ouvertes et personnelles ou de la frustration manifestée à l’égard du

personnel infirmier concernant la prestation de travail. À titre d’exemple, nos

résultats suggèrent qu’un établissement qui valorise des valeurs plus humaines au

travail réduit les risques de voir apparaître ce type de comportement. En fait, un

accroissement d’un point de la moyenne obtenue sur l’échelle des valeurs humaines

peut réduire de près de 13 % les risques de voir apparaître des comportements

perturbateurs chez les médecins. Sachant, selon nos résultats, qu’un accroissement

d’un point des comportements perturbateurs des médecins sur l’échelle utilisée peut

entraîner à l’égard du personnel infirmier une augmentation de 15 % de

l’épuisement professionnel, la promotion des valeurs humaines au sein des

établissements du réseau de la santé n’est donc pas contre-productive, malgré son

lien avec les absences à court terme (Chênevert, 2015). En fait, les établissements

de santé auraient plutôt intérêt à dicter un code de conduite comportant des valeurs

de courtoisie, d’indulgence, de transparence et de respect des autres afin d’édifier

une culture, certes orientée vers la qualité des soins aux patients, mais également

vers le respect des valeurs humaines.

Toutefois, je me suis souvent interrogé sur l’effet réel des valeurs

organisationnelles à l’égard des attitudes et des comportements au travail. Ce

questionnement me rappelle une anecdote survenue dans le cadre d’une

intervention en entreprise que j’ai réalisée il y plusieurs années. Lors d’une

discussion avec la directrice générale de cette entreprise, je lui demandais de me

décrire les valeurs dominantes au sein de l’organisation afin de bien positionner

mon intervention. Cette dernière me mentionne que les valeurs de l’entreprise sont

la communication, la transparence, le plaisir au travail, l’initiative et l’imputabilité.

Je me surprends à lui demander : « Si j’intercepte un de vos employés dans le

corridor, ce dernier va nécessairement me répéter les mêmes valeurs ? » Cette

dernière me répond : « Non, les gens ne les connaissent pas vraiment. » Cela m’a

semblé un peu curieux étant donné que la communication et la transparence

apparaissaient parmi les deux premières valeurs de cette organisation. Cette petite

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anecdote m’a fait réaliser que ce n’est pas tant les valeurs qui importent, mais

l’adhésion des employés à ces valeurs ou encore le degré de correspondance entre

les valeurs organisationnelles et celles que possède chaque employé.

À cet effet, une étude que nous avons réalisée auprès des employés d’un Centre de

santé et de services sociaux suggère que l’implantation des pratiques de gestion à

haute implication que sont le pouvoir de prise de décisions, le développement des

compétences, le partage de l’information et la reconnaissance non monétaire

réduisaient la prévalence de l’épuisement professionnel chez les employés dans la

mesure où ces derniers partageaient les valeurs de l’organisation (Kilroy, Flood,

Bosak et Chênevert, sous presse). En fait, le partage des valeurs ou encore

l’alignement entre les valeurs individuelles et les valeurs organisationnelles

médiatise totalement l’effet des pratiques de gestion sur l’épuisement

professionnel. Cela suggère que les efforts réalisés par les gestionnaires en termes

d’investissement dans le développement et l’implantation des pratiques de gestion

à haute implication seraient vains si les employés ne partageaient pas, de prime

abord, les valeurs de l’entreprise. Pour être plus précis, nos résultats suggèrent que

les pratiques de gestion à haute implication favoriseraient, en quelque sorte, le

partage des valeurs au sein de l’entreprise, et c’est ce partage des valeurs, cette

cohérence entre valeurs personnelles et valeurs organisationnelles qui

amélioreraient la santé psychologique des employés.

La mission de l’organisation

À l’image de la culture et des valeurs organisationnelles, la mission de l’entreprise

permet de donner un sens aux efforts individuels et collectifs. Les politiques et les

pratiques organisationnelles, et à plus forte raison le leadership de la direction

générale, agissent sur la compréhension que se font les employés du rôle de

l’entreprise dans la société et du bien-fondé de ses actions. En adhérant à quelque

chose de plus grand qu’eux, les employés trouvent un sens à leurs efforts

quotidiens. Si cette mission n’est pas attractive ou si elle ne permet pas à l’individu

de se définir comme un agent de changement social, il devient plus difficile pour le

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superviseur immédiat d’agir sur le climat de travail de son équipe, et ce, nonobstant

ses qualités de leader.

À cet effet, nos travaux de recherche dans le réseau de la santé suggèrent que les

superviseurs immédiats ont une influence sur le degré d’épuisement professionnel

de leurs employés dans la mesure où ils adoptent un style de leadership

transformationnel (Bosak, Chênevert, Kilroy et Flood, 2017). Le superviseur qui

serait stimulant intellectuellement, inspirant, qui serait en mesure de considérer la

singularité de chacun et qui aurait une personnalité charismatique réduirait la

prévalence de l’épuisement professionnel chez ses employés. Toutefois, cet effet

bénéfique du supérieur immédiat serait tributaire de la mission de l’organisation et

principalement de son caractère attractif auprès des employés. Le style de

leadership du gestionnaire agirait donc indirectement sur la santé psychologique

des employés dans la mesure où il réussit à rendre attractive et significative la

mission de l’entreprise aux yeux de ses employés.

Cette réflexion sur l’alignement verticale en matière de gestion des ressources

humaines m’amène à une certaine prudence dans mes conclusions. Nonobstant ce

qu’on laisse présager sur le rôle stratégique des ressources humaines, bon nombre

d’entreprises sont encore à un stade transactionnel dans leur mode de gestion du

capital humain et sont loin de réfléchir à l’importance de l’alignement vertical.

Malheureusement, comme nous le dit le dicton : ils font bien les choses, mais pas

nécessairement les bonnes choses.

Ce qui m’amène à vous parler de l’alignement horizontal.

B. L’alignement horizontal

L’alignement horizontal en matière de gestion des ressources humaines suggère

principalement que les pratiques de gestion des ressources humaines peuvent avoir

une influence optimale sur la performance organisationnelle dans la mesure où elles

sont synergiques, qu’elles agissent en quelque sorte en complémentarité; c’est ce

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que l’on appelle l’effet de synergie. Toutefois, il est possible que certaines pratiques

de gestion des ressources humaines s’opposent mutuellement et soient, en quelque

sorte, en contradiction; c’est ce que l’on appelle l’effet d’interférence. Si

l’alignement vertical cherchait principalement à comprendre le rôle des RH dans

l’atteinte des objectifs stratégiques, l’alignement horizontal est de nature plus

instrumentale et vise l’efficience dans l’allocation des ressources humaines.

Comment s’assurer que les pratiques de gestion des ressources humaines sont

déployées de façon optimale. C’est le niveau de cohérence entre elles qui en garantit

l’optimisation. Néanmoins, les entreprises ont souvent l’habitude d’adopter des

pratiques de gestion de manière séquentielle sans nécessairement analyser leur

niveau de cohérence. Un gestionnaire des ressources humaines part, un autre arrive

avec de nouvelles idées et implante des pratiques qui l’ont bien servi dans le passé,

et ce, souvent sans considération de ce qui existe déjà dans l’entreprise. Le plus

paradoxal dans tout cela, c’est d’entendre les employés nous dire que cette pratique

a déjà été implantée dans le passé et abandonnée depuis. L’implantation des

pratiques de gestion des ressources humaines dans certaines organisations, c’est un

peu comme le jour de la marmotte, une impression de déjà-vu. Il faut dire qu’il

n’est pas toujours facile et possible pour les gestionnaires des ressources humaines

de prendre le recul nécessaire afin d’analyser la cohérence au sein de leur portfolio

de pratiques. Toutefois, sans ce recul, beaucoup d’efforts sont investis sans pour

autant permettre l’atteinte des résultats escomptés. Combien d’entreprises ont

investi dans de nouvelles formes d’organisation du travail sans ajuster leurs

pratiques de gestion des ressources humaines. Par exemple, on met en place des

équipes autonomes de travail sans évaluer la capacité de prise de décision des gens

et ni leur degré d’autonomie. On continue à évaluer leur performance et à les

rémunérer sur une base individuelle, et on recrute de nouveaux employés sans

s’assurer que leur profil correspond à ce type d’environnement de travail, comme

si tout le monde était disposé et confortable à travailler sans encadrement.

Naturellement, cela est contre-productif et mérite une prise de conscience à l’égard

de l’ensemble de la stratégie de gestion des ressources humaines. Comme

mentionné précédemment, il s’agit ici de l’effet d’interférence.

18

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L’organisation du travail

Ces différentes considérations m’ont amené à réfléchir à la question de la

formulation de la stratégie de gestion des ressources humaines et principalement à

l’alignement entre les modes d’organisation du travail et les pratiques de

rémunération. Dans une étude réalisée auprès d’une centaine d’entreprises

québécoises, on a cherché à comprendre dans quelle mesure l’arrimage entre

l’organisation du travail et les pratiques de gestion de la rémunération pouvait

accroître la productivité et la stabilité de la main-d’œuvre (Chênevert et Tremblay,

2009). Nos résultats suggèrent que lorsque l’entreprise implante un mode

d’organisation du travail basé sur l’autonomie et la participation à la prise de

décisions, elle aurait intérêt à implanter des pratiques de rémunération basée sur

l’octroi d’un pourcentage significatif de bonis, un salaire relatif supérieur à son

marché de référence et de bons avantages sociaux. Toutefois, si son organisation

du travail n’est pas axée sur l’« empowerment », mais plutôt sur des modèles très

hiérarchisés, elle aurait plutôt intérêt à réduire la portion d’incitatifs et à offrir un

salaire et des avantages sociaux inférieurs à son marché de référence. Ces résultats

appuient, d’une certaine manière, le concept d’« équifinalité » vu précédemment.

En effet, qu’elle adopte l’une ou l’autre des stratégies importe peu, l’important c’est

qu’elle demeure cohérente, car l’entreprise qui s’éloigne de son modèle idéal

obtient de moins bonnes performances que celle qui le respecte. Cette prise de

conscience permet de sortir du paradigme « one size fit all » trop souvent véhiculé

et enseigné à nos étudiants.

Les pratiques de gestion à haute implication

Le même constat peut se faire au sujet des approches fondées sur l’implantation des

meilleures pratiques de gestion. Qu’on les appelle les pratiques à haute implication

ou les systèmes à haute performance, leurs effets réels sur la performance au travail

ne sont pas toujours aussi évidents qu’on veut bien le laisser croire. Comme

mentionné précédemment, ces pratiques sont liées à la participation au processus

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de prise de décisions, au développement des compétences, au partage de

l’information et à la reconnaissance. Mon questionnement est le suivant : si leurs

effets étaient universels pourquoi les entreprises n’ont-elles pas toutes implanté ces

pratiques ?

Nos études dans le réseau de la santé et des services sociaux à l’égard de ce type de

pratiques nous suggèrent qu’ils n’ont pas d’effet direct sur la performance au

travail, mais un effet indirect par l’entremise d’un plus grand sentiment

d’empowerment chez les employés (Chênevert, Jourdain et Tremblay, 2013;

Chênevert, Jourdain et Vandenberghe, 2016). Si le personnel soignant n’a pas le

sentiment de posséder les compétences nécessaires pour performer dans ses tâches,

s’il n’a pas suffisamment d’autonomie pour prendre des décisions ayant un impact

sur la qualité de son travail et si les responsabilités qui lui sont conférées l’éloignent

de sa pratique médicale et réduisent le sens de son travail, l’investissement dans la

mise en œuvre de pratiques de gestion, quelles qu’elles soient, n’influencerait en

rien la performance au travail. Il a donc lieu de se questionner sur le climat de travail

et la dynamique des acteurs organisationnels avant de développer et d’investir dans

de nouvelles pratiques de gestion. Pour pousser un peu plus loin cette réflexion, les

résultats de cette recherche suggèrent également qu’un climat de confiance entre le

personnel soignant et les médecins était nécessaire à l’influence des pratiques de

gestion à haute implication sur le sentiment d’empowerment des employés. Encore

une fois, la cohérence est de mise, car les établissements de santé qui investiraient

dans de nouvelles pratiques de gestion obtiendraient peu de résultats si, de prime

abord, ils ne s’assuraient pas d’établir un lien de confiance entre les employés et les

médecins. À cet effet, j’ai souligné antérieurement la difficulté relationnelle que

pouvaient éprouver certaines infirmières avec les médecins. Il peut s’avérer difficile

de générer un climat de confiance lorsqu’on est en présence de comportements

hostiles.

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Page 23: L’efficacité de la gestion des ressources humaines : au ... · La santé des médecins ... la protection des niches de marché ou encore l’accès aux ressources financières

La santé des médecins

Je me permets toutefois de faire une parenthèse à ce moment-ci de mon exposé pour

parler de l’état de santé des médecins. En fait, les comportements hostiles observés

par le personnel infirmier chez certains médecins ne seraient pas étrangers à leur

état de santé. L’entrevue que j’ai réalisée avec la docteure Anne Magnan, directrice

générale du Programme d’aide aux médecins du Québec, dans le cadre des

séminaires du Pôle santé a permis de mieux comprendre le niveau de détresse

psychologique vécue par les médecins. Les données disponibles aux États-Unis

parlent de 52 % de médecins manifestant des signes d’épuisement professionnel.

Ce taux serait de 36 % supérieur à celui de la population en générale et aurait

augmenté de 40 % au cours des quatre dernières années (Schrijver, 2016). Au

Québec, les résultats préliminaires de mes dernières études suggèrent un taux

d’épuisement de près de 40 %. Est-ce que cet état psychologique pourrait expliquer

en partie certains problèmes de comportements au travail ? Est-ce que des médecins

en situation d’épuisement professionnel pourraient être plus colériques, plus

irritables, plus conflictuels, voir difficiles d’approche ? Ceux qui connaissent les

comportements entourant la détresse psychologique vous diront qu’il s’agit des

principaux signes. À regarder la gestion du changement opérée depuis quelques

années dans le réseau de la santé, ou plutôt l’absence de gestion, il n’est pas

étonnant de constater, également au Québec, une augmentation de la prévalence de

l’épuisement professionnel chez nos médecins. Selon Madame Magnan, il y a eu

une augmentation de près de 25 % des demandes de consultation au Programme

d’aide aux médecins au cours de la dernière année. Nos études suggèrent que ces

problèmes ne seraient pas étrangers aux ambiguïtés et aux conflits de rôle qui

règnent dans le système de la santé et qui contreviennent à l’adhésion aux

changements. Dans un sondage récent, nous avons demandé à des médecins ce

qu’ils pensaient de certains changements en cours. Près de 90 % d’entre eux ont

mentionné que la vision du ministère n’était pas claire à l’égard des changements

en cours. De plus, 85 % ont indiqué ne pas avoir été consultés ou impliqués dans

ces changements. Après cela, on se plaindra qu’il y a de la résistance aux

changements. Fin de la parenthèse.

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Le soutien social

Cela m’amène à vous parler du soutien social et de l’importance de son alignement

pour la performance, la santé au travail et le roulement du personnel. Le soutien

social en milieu de travail peut provenir de l’organisation, du supérieur immédiat

ou des collègues et apporte une ressource supplémentaire afin de faire face aux

difficultés vécues. En situation d’épuisement professionnel, cela peut jouer un rôle

déterminant. L’employé doit avoir la conviction que l’on va prendre le temps de

l’écouter s’il vivait un problème de quelque nature que ce soit ? Cela est d’autant

plus important dans un environnement où l’on côtoie quotidiennement la maladie

et la souffrance. Dans le domaine hospitalier, le personnel soignant vit des

situations difficiles qui l’amènent à devoir compter sur les autres. Ce n’est pas par

hasard si le premier instrument de mesure de l’épuisement professionnel a été

développé et testé auprès du personnel soignant.

Le fait de donner aux infirmières de l’autonomie dans leurs tâches et un certain

pouvoir décisionnel, donc plus d’empowerment, réduirait leur niveau d’épuisement

professionnel. Cela est en lien direct avec le modèle théorique de Karasek (1979)

qui stipule qu’un contrôle élevé sur ses tâches réduit les risques d’épuisement.

Toutefois, nos résultats de recherche suggèrent que cet effet est salutaire

principalement en contexte de soutien des collègues (Kilroy, Flood, Chênevert et

Bosak, 2015). La ressource additionnelle que constitue ce soutien comblerait

l’absence de ressources organisationnelles qui est trop souvent le propre du secteur

de la santé. En période d’austérité, où les ressources financières et humaines se font

rares, il ne reste simplement qu’à se serrer les coudes et à se soutenir mutuellement.

Investir dans le développement de l’empowerment par le biais des pratiques de

gestion à haute implication est une solution possible pour la santé psychologique

des infirmières, mais à condition d’instaurer un climat d’entraide. Le soutien entre

collègues agirait de manière instrumentale comme un bassin de ressources

permettant aux infirmières de faire face aux situations stressantes. C’est comme si

l’accès à une nouvelle ressource que constitue l’empowerment pavait la voie à

l’accessibilité d’autres ressources que constitue le soutien des collègues. Il s’agit

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en fait du concept de « caravane de ressources » développé par Hobfoll en 2002,

qui stipule que des gains de ressources dans un aspect de son environnement de

travail facilitent l’accessibilité à d’autres formes de ressources. Un plus haut niveau

d’empowerment apporterait l’autonomie et le niveau de discrétion nécessaires pour

aller solliciter un soutien émotionnel chez ses collègues, accentuant ainsi les

bienfaits de l’empowerment sur la santé au travail.

L’adhésion aux changements

Ces constats s’appliquent également en ce qui concerne la gestion du changement.

Les spécialistes de la gestion du changement que sont Alain, Céline et Kevin vous

diront que l’absence d’information, de communication et de consultation en période

de changement génère de l’ambiguïté et des conflits de rôle réduisant par le fait

même l’adhésion aux changements. Les résultats de nos recherches réalisées auprès

de 550 employés du réseau de la santé suggèrent effectivement que le degré

d’ambiguïté et de conflits dans les rôles assumés par le personnel est lié

négativement à l’adhésion aux changements (Chênevert, Kilroy et Bosak, 2017).

En fait, c’est comme si l’énergie nécessaire pour faire face à l’ambiguïté et aux

conflits dans leur travail venait dissiper l’énergie dont ils auraient besoin pour

s’investir dans un changement organisationnel. Toutefois, cela doit être

contextualisé en fonction du climat de travail et principalement selon le niveau de

soutien obtenu des collègues. Le soutien des collègues minimiserait l’effet négatif

de l’ambiguïté et des conflits sur l’adhésion aux changements. Plus simplement, si

vous pouvez bénéficier du soutien de vos collègues dans le cadre de votre travail,

vos problèmes vous semblent moins lourds et vous êtes plus disposés à vous

impliquer dans un changement.

Le style de leadership

Un autre exemple d’alignement horizontal est celui entre le soutien social et le style

de leadership des gestionnaires. Bon an mal an, il y aurait environ 20 % des

gestionnaires dont le style de leadership serait qualifié de passif par leurs employés.

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Qu’est-ce qu’un gestionnaire passif ? Un gestionnaire passif est celui qui tarde à

apporter des réponses à vos requêtes, qui intervient uniquement lorsque la situation

dégénère et qui est rarement là lorsque vous avez besoin de lui. On peut facilement

imaginer les conséquences de ce type de gestionnaire sur le climat de travail. Je suis

persuadé que vous en avez déjà connu un, en dehors de HEC naturellement ! Dans

une étude sur le lien entre l’influence du soutien social et la performance au travail

du personnel soignant, nos résultats ont révélé que les effets positifs du soutien

social provenant de l’organisation, des collègues et des médecins, étaient

contrecarrés par la présence d’un leader passif (Chênevert, Vandenberghe et

Tremblay, 2014). Un bon climat de travail dans lequel les gens s’entraident et se

soutiennent serait vain si on est en présence d’un supérieur immédiat dont le style

de leadership est passif. Ce qui est encore plus désolant, c’est que l’effet

d’interférence, soit l’effet négatif, est plus fort que l’effet de synergie, soit l’effet

positif. Qu'est-ce que cela veut dire ? C’est qu’un mauvais gestionnaire sera

toujours plus dommageable pour la dynamique de son équipe que pourrait être

profitable un bon gestionnaire. En fait, cela me fait penser à un article que j’ai lu

dans la revue « Review of General Psychology », intitulé « Bad is Stronger Than

Good » (Baumeister, Bratslavsky, Finkenauer et Vohs, 2001). Il semblerait que

l’on réagit plus fortement aux éléments négatifs de son environnement qu’aux

éléments positifs et que cela remonte au début des temps où l’instinct de survie

nous enseignait à réagir plus fortement aux menaces de l’environnement qu’aux

opportunités.

Par conséquent, attendez à la fin de ma présentation avant de réagir, car pour

l’instant, il n’y a rien de menaçant.

La reconnaissance non monétaire

Pour en finir avec l’alignement horizontal, nous nous sommes questionnés sur

l’impact de l’alignement de l’énoncé d’une politique de gestion des ressources

humaines et son application au quotidien. La politique que nous avons étudiée est

celle de la reconnaissance non monétaire. Cette politique a été identifiée dans la

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littérature comme étant l’une des plus importantes en matière de climat de travail.

En fait, dans le réseau de la santé l’absence de budget discrétionnaire pour les

gestionnaires réduit considérablement les autres formes de reconnaissance, les

incitatifs financiers et autres étant également proscrits. Néanmoins, un nombre

important d’études ont souligné le rôle nettement plus déterminant de la

reconnaissance non monétaire en matière d’attitudes et de comportements au

travail. Dans les études qui ont cherché à connaître les facteurs les plus importants

au travail, la reconnaissance et le feed-back personnalisé arrivent habituellement

bons premiers. Étant donné que c’est gratuit et que c’est à la portée de tous les

gestionnaires, on s’est dit qu’il serait intéressant d’en mesurer l’impact sur les

mécanismes de retrait que sont l’intention de quitter, l’absentéisme et le départ réel.

Il y a effectivement un lien entre la perception de la présence d’une politique de

reconnaissance institutionnelle et l’intention de quitter l’organisation. Plus le

personnel soignant perçoit la présence d’une politique de reconnaissance et moins

il a l’intention de quitter. De la même façon, plus il reçoit de reconnaissance au

quotidien de la part de son supérieur immédiat et moins il a l’intention de quitter

et, indirectement, moins il quittera son organisation. À la lumière de ces résultats,

il serait donc logique d’implanter une politique de reconnaissance. Pas si vite, et je

pense que vous me voyez venir. Cela est vrai, mais ça dépend du contexte. En fait,

il doit y avoir cohérence entre la perception que l’on a de l’existence d’une politique

de reconnaissance et le fait d’en recevoir personnellement. Autrement dit, si je

perçois qu’il existe une bonne politique de reconnaissance dans mon organisation

et que j’en reçois personnellement, mon intention de quitter l’organisation sera au

plus bas. Toutefois, si je perçois qu’il existe une bonne politique de reconnaissance,

mais que personnellement je n’en reçois pas, mon intention de quitter l’organisation

augmentera significativement. Ce qui est plus désolant, c’est que l’incohérence

augmente davantage l’intention de quitter que ne la réduit la cohérence. Le fait de

promouvoir la présence d’une politique de reconnaissance dans un contexte où les

employés n’ont pas le sentiment d’en recevoir personnellement serait coûteux en

ce qui a trait au taux de roulement volontaire. Nos résultats suggèrent qu’il ne s’agit

pas d’un cas isolé. En effet, plus de 40 % des répondants ont mentionné recevoir

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peu de reconnaissance au travail et près de 25 % ont indiqué qu’ils songeaient à

quitter éventuellement. Au lieu d’agir sur la rétention des employés, une politique

de reconnaissance mal implantée sur le terrain aurait l’effet inverse. L’alignement

et la cohérence sont donc encore une fois de mise.

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Page 29: L’efficacité de la gestion des ressources humaines : au ... · La santé des médecins ... la protection des niches de marché ou encore l’accès aux ressources financières

Conclusion

La recherche incessante d’une plus grande performance organisationnelle par

l’entremise d’un meilleur alignement entre les pratiques de gestion des ressources

humaines et les caractéristiques organisationnelles permet de mieux comprendre

les succès et les échecs des entreprises. Ma quête de solutions m’a continuellement

poussé à remettre en question les postulats établis afin de contextualiser les résultats

des efforts entrepris par les organisations en matière de gestion des ressources

humaines. Éviter de tomber dans de grandes généralités tout en cherchant à

démontrer l’importance d’un meilleur alignement entre la stratégie RH et le

contexte de l’entreprise a été mon leitmotiv.

Toutefois, lorsque j’observe l’évolution du marché du travail et les changements

technologiques qui pointent à l’horizon, je me demande si cette recherche

d’alignement et de contingence n’est pas sans risque. Comme le souligne

Mintzberg, la stratégie d’affaires est de plus en plus émergente et de moins en moins

délibérée, ce qui limite énormément la possibilité pour les services des ressources

humaines d’aligner leurs pratiques sur la stratégie d’affaires. Si la stratégie d’une

entreprise est en partie informelle et que cette dernière change régulièrement pour

s’ajuster à un environnement des plus turbulents, serait-il illusoire de vouloir y

aligner les pratiques de gestion des ressources humaines ? À mon avis, il serait

contre-productif de changer constamment les pratiques de gestion des ressources

humaines pour suivre la stratégie d’affaires, car les employés ont besoin de stabilité

et de continuité à l’égard des signaux qui leur sont transmis.

En effet, la notion d’alignement et de contingence ne reconnaît pas le besoin de

devoir s’abstraire d’un alignement hermétique lorsque les organisations sont en

période de transition ou lorsqu’elles poursuivent des buts multiples et souvent

conflictuels. Dans ce contexte, l’alignement pourrait être contre-productif parce

qu’il inhibe l’innovation et contraint le répertoire de compétences disponibles dans

l’entreprise (Snell et coll., 1996). La maximisation de l’alignement entre les

pratiques de gestion des ressources humaines et les caractéristiques

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organisationnelles n’est peut-être pas souhaitable lorsque des changements

organisationnels sont nécessaires ou qu’il faut absolument adopter des objectifs

conflictuels pour correspondre à un environnement changeant. Il faut également

reconnaître que les différentes pratiques de gestion des ressources humaines n’ont

pas la même capacité d’alignement et de flexibilité. Par exemple, certaines

pratiques telles que les régimes de bonis peuvent être implantées rapidement et

avoir un impact immédiat sur l’organisation, alors que d’autres, telles que les

programmes de recrutement et de formation, prennent plus de temps à développer

et ont un impact à plus long terme. Par conséquent, certaines pratiques de gestion

des ressources humaines répondraient davantage au besoin de flexibilité des

organisations qu’à celui de l’alignement et de la contingence (Wright et Snell,

1998).

De plus, je me questionne sur le postulat à l’effet que la stratégie RH découlerait

impérativement de la stratégie d’affaires et que le rôle des systèmes de gestion des

ressources humaines serait de soutenir l’implantation de la stratégie d’entreprise

(Kerr, 1985). Cette relation de cause à effet m’est souvent apparue trop simpliste.

Pour quelle raison les hauts dirigeants ne formuleraient-ils pas leurs stratégies, à

tout le moins partiellement, en réponse au bassin de compétences et d’habiletés

disponibles au sein de leur entreprise ? Étant donné la rapidité des changements

technologiques et la formulation de nouveaux contrats psychologiques dans nos

organisations, la direction des ressources humaines devrait veiller à ce que les

objectifs stratégiques puissent être réalisables à l’égard du potentiel humain de

l’entreprise.

Développer un système de ressources humaines qui peut s’adapter rapidement est

une réalité qui repositionne mon discours sur le rôle central de l’alignement et de

la contingence en matière de gestion des ressources humaines. En fait, au lieu de

développer une série de compétences permettant de répondre aux exigences

spécifiques de la stratégie d’affaires courantes, il serait peut-être plus opportun de

développer un capital humain possédant un large éventail de compétences et une

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plus grande autonomie à l’égard des comportements à adopter (Wright et Snell,

1998). La stratégie RH ne devrait-elle pas promouvoir le développement de

compétences génériques et transversales afin de doter les entreprises d’une

meilleure capacité d’adaptation tout en gardant le cap sur les éléments plus

structurants que sont le secteur d’activités et la culture organisationnelle ?

Il est vrai cependant que plusieurs gestionnaires sont issus de nos universités, qui

fonctionnent, la plupart du temps en silos, et qui dispensent l’enseignement dans un

mode tout aussi compartimenté. Je mentionne souvent à mes étudiants que les

principaux enjeux auxquels ils seront confrontés dans leur carrière ne seront pas

des enjeux de gestion des ressources humaines, mais des enjeux d’affaires dans

lesquelles la gestion des ressources humaines apportera une contribution

significative. Toutefois, pour être en mesure d’en saisir toute la complexité, ils

doivent renoncer, en partie, au réflexe qu’on leur a transmis, soient celui

d’appréhender les problèmes à la seule lumière de leur spécialisation.

Merci de votre attention.

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