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L’ELITE SPORTIVE, ET APRES ? CAHIER DES EXPERTS #66 12.12.2019

L’ELITE SPORTIVE, ET APRES

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L’ELITE SPORTIVE, ET APRES ?

CAHIER DES EXPERTS #66

12.12.2019

Page 2: L’ELITE SPORTIVE, ET APRES

BRUNO LAPEYRONIEDirecteur SportColl

Maître de conférences associéUniversité de Montpellier

EDITO

Cahier des experts #66 – 12.12.2019

La problématique de la reconversionsportive est toujours au cœur desdébats. C’est à la fois assez logiqueen constatant la précarité des statutsde nos sportifs d’élite (étudiants,contrats spécifiques, sans emploi) quisurfent avec plus ou moins d’habiletéavec les institutions, les accordsfédéraux, les partenariats collectifs,et in fine, leurs intérêts particuliers,qu’ils soient sportifs ou financiers, àcourt, moyen ou long terme.Pourtant c’est tout autant surprenantpuisqu’en s’intéressant à ladynamique, notamment du ministèredes Sports, des collectivitésterritoriales et des associationssportives (et leurs fédérations), il estassez facile de mesurer les effortsparticulièrement importants dechacun : définition partagée dustatut d’élite, prise en charge etaccès facilités pour des concours oumétiers, contractualisation avec lesministères de la Défense ou del’Intérieur, accompagnementspersonnalisés au sein de CREPS, miseen valeur des sportifs à travers unedéclinaison positive de leurs imagesaccolées aux collectivités territorialessupports, ou tout autre moyenfacilitant la formation ou lesdiplômes.Modestement, à notre échelle, nousœuvrons, en fonction descaractéristiques temporelles et descontraintes de la vie sportive dehaut-niveau, au sein de l’Universitéde Montpellier et en partenariatavec Comiti, à la mise en place deformations adaptées (DiplômeUniversitaire « Gestion de Clubs »)en e-learning.

Mais ce n’est qu’une goutte d’eau,qui nécessite, comme tous les outils,d’être mise en réseau et en synergieavec bons nombres de dynamiqueslocales. Ce 66e numéro du cahier desexperts souhaite participer à la

construction de cette toilealimentant les solutions anticipéesde reconversion sportive. Nousremercions les deux experts, qui ycontribuent largement avec leurstémoignages.

Cependant, en relisant les ouvragesde Catherine Louveau (1), deBéatrice Barbusse (notamment « Dusexisme dans le sport » en 2017), deCharlotte Parmantier et Jean Jourdan(3) ou de Christine Mennesson (4), laquestion semble se poser de façonaccrue pour les ex-championnes. Lenuméro de mai 2018 de «Womensports » (2) mérite toutenotre attention puisqu’il évoque,sans tabou, les trajectoires sportives,les formations, (le fameux doubleprojet du ministre Braillard), lesemployabilités compliquées et mêmela question identitaire (et la difficultéde faire le deuil de la championnequi n’existe plus).Dans une société où le sport fémininpeine à trouver sa place légitime,nous rejoignons ce constat, en yajoutant, de façon un peu effrayante,le fait que ceci est partagé par tous, ycompris des acteurs qui ont sudévelopper un business, parfois sansscrupule et sans avenir, surfant surles fonds d’une crise, sans y répondrevéritablement. Les experts de cecahier nous rappellent, qu’en plus del’énergie nécessaire à lareconversion, la vigilance semble deplus en plus nécessaire. N’endéplaise à « Barbie et Kiki », hérosstéréotypés des années 80, àmoderniser ?

1-http://www.gtm.cnrs.fr/gtm/equipe/les-membres-du-gtm/louveau-catherine/2-https://www.womensports.fr/reconversion-des-sportives-fait-quoi-apres/3- Femmes et football : entre volontarisme etrésistance. In Charrier, Jourdan. L’impact social desgrands événements sportifs internationaux (2019)4- Les sportives « professionnelles » : travail ducorps et division sexuée du travail. Les cahiers dugenre (2007)

Ce 66e numéro du cahier desexperts souhaite participer àla construction de cette toilealimentant les solutionsanticipées de reconversionsportive. Nous remercions lesdeux experts, qui ycontribuent largement avecleurs témoignages.

Conversion et reconversion

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L’AVIS DES EXPERTS

Merci de vous présenter en quelquesmots ?

Bonjour, Je me présente rapidement :Allan Fenoglio, Fondateur du Collectif desSportives et préparateur mental deformation, avec un parcours en Facultédes Sciences du Sport à Dijon et Lyon.J'accompagne actuellement des sportivesde haut niveau sur l'aspect psychologiquedans le but d'atteindre un véritableéquilibre dans la performance sportive,professionnelle et personnelle. Pour moil'épanouissement est une des clés pouratteindre la performance. Dans le mêmetemps, je rédige un mémoire avec commeproblématique « L'accompagnement dudouble et triple projet de la sportive dehaut niveau pendant sa carrière ».

Vous êtres Président du Collectif « Lessportives ». Vous pouvez présenter cettestructure et ses missions ?

Le collectif des sportives est une structureassociative construite pour et avec lessportives de haut niveau pour améliorerleurs conditions dans le sport de hautniveau. Nous sommes actuellement basésà Toulouse, et nous sommesaccompagnés par la région Occitanie.Nous souhaitons valider notre modèle auniveau régional avant de nous étendre surle territoire.Nous avons deux finalités très concrètes.La première : L'accompagnement dutriple projet (sportif / professionnel /personnel) de la sportive de haut niveauvia six services : Juridique, Double projet& Reconversion, Gestion de l'image,Performance sportive, Maternité etSponsoring. Nous souhaitons clairementcollaborer avec les clubs et lesfédérations, pour construire ensemble unaccompagnement global. Et ainsi être unevéritable valeur ajoutée auxaccompagnements déjà en place.La deuxième : La structuration del'économie du sport féminin. Noussommes actuellement en train d'analyserles meilleurs clubs Français féminins, afind'en ressortir des indicateurs propres audéveloppement économique du sport

féminin en France. Mais nous collaboronségalement avec de grands comptes, afinde prouver que le développement dusport au féminin, attire des financeursprivés via d'autres valeurs, unecommunication et des champs d'actionsdifférents.Nous sommes d'ailleurs l'exemple parfaitcar nous sommes soutenus par de grandsgroupes pour notre développement,comme la BNP PARIBAS, DECATHLONFRANCE, la SNCF ou encore AXA. D'autresmécènes vont également rejoindrel'aventure à la rentrée pour nousaccompagner dans notre développement,afin d'aider la structuration du sportféminin de haut niveau sur le plan global.Des actions novatrices vont d'ailleurs êtrelancées par le Collectif des Sportives à larentrée, je vous invite à suivre notreactualité sur les réseaux ...

Quels conseils donneriez vous auxsportives, en lien avec leursenvironnements sportifs, pour optimiserleur avenir ?

Si j'avais un conseil à donner, ce seraitcelui d'être proactive, véritablementactrice dans la gestion de sa carrière surle plan global et pas seulement sportif.Dorénavant, les fédérationsaccompagnent de mieux en mieux lagestion de carrière des sportives de hautniveau et offrent des solutions en interne.Les entreprises ont également comprisl'intérêt et l'opportunité d'accompagnerles sportifs de haut niveau de manièregénérale. Que ce soit pour leurcommunication ou bien le recrutementde profil atypique. Il faut que les sportivesse saisissent de ces opportunités pourêtre accompagnées pendant leur carrière(CIP, Pacte de performance, Sportcompétences …) mais aussi pour préparerleur seconde vie. Je suis persuadé qu'unsportif serein dans son triple projet est unsportif encore plus performant.

INTERVIEW D’ALLAN FENOGLIO

Il faut que les sportives sesaisissent de cesopportunités pour êtreaccompagnées pendantleur carrière (CIP, Pacte deperformance, Sportcompétences …) maisaussi pour préparer leurseconde vie. Je suispersuadé qu'un sportifserein dans son tripleprojet est un sportifencore plus performant.

ALLAN FENOGLIOPrésident

Collectif « Les Sportives »

Cahier des experts #66 – 12.12.2019

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L’AVIS DES EXPERTS

Merci de vous présenter en quelquesmots ?

J’ai commencé le tennis à l'âge de 11 ans.J'ai suivi un cursus scolaire normaljusqu’au Bac, en m'entrainant soirs etweek-ends, puis je suis allée en Fac dedroit 6 mois car j'étais blessée. Ce n'estqu'après que j’ai enfin pu faireuniquement du tennis. Je suis doncarrivée sur le circuit pro très tard, à 22ans. Le temps de rattraper un peu monretard, j’ai été sélectionnée cinq fois enEquipe de France, aux cotés d’AmélieMauresmo notamment. J'ai atteint la 34e

place mondiale et les 1/4 de finale àWimbledon. Parcours atypique maisformateur, j’ai pris ma « retraite » sportiveà l’âge de 34 ans. Je suis aujourd’huiconsultante sur Bein Sports et impliquéedans diverses activités autour du sport.

Après des résultats de très haut-niveau,la « reconversion » est toujours trèsparticulière : vous pouvez revenir survotre expérience récente, avec lesmoments clés de votre parcourspersonnel et professionnel ?

On n’est jamais vraiment préparé àarrêter sa carrière. C’est encore pirequand une blessure vient y mettre unterme, ou que les résultats ne sont plus là.J’ai eu la chance de choisir le moment etd’y réfléchir bien avant. Il m’a fallu plusd’un an avant de prendre la décision.J’étais sûre de moi, et les derniers joursont même été difficiles. Il me tardait !Quand je suis rentrée sur le court pourmon dernier match c’était à RolandGarros et je me suis dit que pour une foisj’allais pouvoir jouer détendue… Mais enfait c’était horrible! Je n’arrivais pas ajouer. J’ai regardé passer la dernière balleau ralenti, et voila c’était fini. Pas eu letemps de savourer ! Ensuite j’ai eu besoinde souffler pendant quelques mois puisles choses se sont faites naturellement.J’ai eu envie de me diversifier, de toucherun peu a tout, j’ai passé mon D.E, j’aiparticipé à l’organisation d’événements,et je suis rentrée chez Bein Sports commeconsultante. J’ai également créé uneassociation pour l’intégration du handicappar le sport, et je suis capitaine del’équipe féminine de Montpellier. On estun peu hyper actif quand même je pense

quand on est sportif et il m’est trèsdifficile de rester à rien faire. Le bonéquilibre est difficile à trouver. J’ai aussibesoin de sortir du monde du sport. Et aumilieu de tout ça trouver sa place en tantque femme! Ce n’est évidemment passimple. Le tennis, à de très raresexceptions près, ne permet pas de fonderune famille lorsque l’on est encore enactivité. Le joueur de tennis de manièregénérale passe de 30 à 40 semaines endéplacement. Alors ensuite tout est àfaire !

Quels conseils donneriez vous auxsportives, en lien avec leursenvironnements sportifs, pour optimiserleur avenir ?

Chaque carrière est différente et chaquefaçon que l’on a d’appréhender la suiteaussi. Je conseillerai toujours de garder entête qu’une carrière n’est pas éternelle. Etdonc de ne pas délaisser les études troptôt. Pour son éducation personnelled’abord mais aussi parce qu’on ne saitjamais, tout peut arriver. Blessures,mauvais résultats, etc. Trop de sportifs seretrouvent sans solution ou sans bagage.Il est extrêmement difficile de toutconcilier c’est certain, mais ce n’est pas àprendre a la légère. Il faut commencer à yréfléchir bien avant le moment où l’onarrêtera vraiment.On ne se rend pas vraiment compte à quelpoint le temps passe vite quand on estencore en activité. Pour en avoir discutéavec d’autres sportifs, certains font mêmeun déni. Comme si ça n’allait jamaisarriver. Mais pourtant si, ça arrivetoujours.En revanche, les sportives ne doivent pasoublier qu’elles ont une chance inouïe,que le sport est la meilleure école de vie,et que les qualités et les valeurs qu’ellesauront acquises sont rares et recherchées.Elles ont beaucoup de choses à donner, àredonner, et à transmettre. Et le bon côtédes choses, c’est que le champ despossibles est immense.Même si ça ne fait pas tout car ensuite lesrègles ne sont plus les mêmes! C’est unnouveau challenge à relever ! Et là aussiencore une fois le temps passe vite.

INTERVIEW DE SEVERINE BELTRAME

En revanche, les sportivesne doivent pas oublierqu’elles ont une chanceinouïe, que le sport est lameilleure école de vie, etque les qualités et lesvaleurs qu’elles aurontacquises sont rares etrecherchées. Elles ontbeaucoup de choses àdonner, à redonner, et àtransmettre. Et le bon côtédes choses, c’est que lechamp des possibles estimmense.

SEVERINE BELTRAMEEx-joueuse professionnelle de

tennis

Cahier des experts #66 – 12.12.2019

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