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Association Régionale de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale de l’Océan Indien (AR 27) www.ihedn.fr Cycle d’études 2006-2007 L'énergie au 21 ème siècle La métamorphose de deux îles françaises de l’océan Indien : Mayotte et La Réunion L'urgence de la transition vers les énergies renouvelables et propres Rapporteur : Dr Claude Gindrey - CHR de Belle-Pierre 97400 Saint-Denis Tél : 02 62 90 54 00 [email protected] Rapporteur adjoint : CV (H) Bernard Verdier - 44, rue Archambaud 97410 Saint-Pierre Tél : 02 62 25 16 19

L'énergie au 21è siècle etude ar 27 ihedn 2007

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Etude IHEDN commandée par le Premier ministre Mr de VILLEPIN en 2007 , retenue et présentée au Forum des Auditeurs de L'IHEDN en novembre 2008 devant les services de Mr FILLON

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Association Régionale de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationalede l’Océan Indien

(AR 27)www.ihedn.fr

Cycle d’études 2006-2007

L'énergie au 21ème siècleLa métamorphose de deux îles françaises de l’océan Indien :

Mayotte et La Réunion

L'urgence de la transition vers les énergies renouvelables et propres

Rapporteur : Dr Claude Gindrey - CHR de Belle-Pierre 97400 Saint-DenisTél : 02 62 90 54 00

[email protected] adjoint : CV (H) Bernard Verdier - 44, rue Archambaud 97410 Saint-Pierre

Tél : 02 62 25 16 19

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Membres du groupe de travail

Colonel (er) Bruno Cachera, Matthieu Damian, Jean-Pierre Dourneau, Dr Claude Gindrey, Pr Patrick Hervé, Marie-Denise Lallemand, Commandant (rc) Minh Nguyen Van Hinh, Michel Polenyk, Bruno Raffi, AC1 Bernard Salva (Président de l’AR 27), CV (H) Bernard Verdier.

Sommaire

INTRODUCTION page 3

I- LE PAYSAGE ÉNERGÉTIQUE ACTUEL DE LA RÉUNION ET DE MAYOTTE page 5

I- 1- L’état des lieux en 2007 impose un changement radical de paradigme.I- 2- Recherche et perspectives énergétiques dans l’océan Indien.

II- L'URGENCE ET LA NÉCESSITÉ DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE page 7

II- 1- L'évaluation des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel.II- 2- Le charbon d'Afrique du Sud et le procédé « SASOL».II- 3- L'alternative par le recours au nucléaire propre est-elle envisageable ?II- 4- L’énergie solaire, une manne céleste pour les îles tropicales.

III- LES STIGMATES DE LA CRISE PÉTROLIÈRE DANS LES DEUX ILES page 9

III- 1- La déstabilisation induite par l’approche du pic pétrolier et son incidence sur la planification pluriannuelle des investissements énergétiques.III- 2- L’ampleur et la précocité des réponses politiques locales et nationales permettront-elles d’éviter le risque de crash économique ?III- 3- Comment réussir l’inéluctable transition énergétique ?

IV- L’ESSOR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA MÉTAMORPHOSE ÉNERGÉTIQUE page13

IV- 1- La disparition des filières émettrices de gaz à effet de serre additionnels passe par la promotion soutenue des énergies renouvelables et propres.IV- 2- La filière hydrogène s'organise dans les îles.IV- 3- L'évolution du transport routier, ferroviaire, aérien et l'impact des technologies transversales sur nos modes de vie insulaires.

CONCLUSION page 15

ANNEXES page 17

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« Notre salut et notre perte sont en nous-mêmes. »Epictète, philosophe grec.

INTRODUCTION

L'essor du concept de Développement Durable à La Réunion et à Mayotte est à mettre en relation avec une meilleure perception de l'accélération des échéances économiques et environnementales, quasi vitales pour les jeunes populations insulaires en forte croissance démographique : celle de La Réunion devrait en effet atteindre 1 million d’habitants et celle de Mayotte 0,3 million à l’horizon 2025. Leur développement actuel doit donc être prudent et raisonné, de façon à ne pas obérer celui des générations futures et à ne pas dilapider leurs ressources naturelles.

La préservation de leur futur biotope et celle de leurs espérances légitimes doivent être, par conséquent, une préoccupation majeure des décideurs politiques. L’intérêt d’anticiper l'après-pétrole, à savoir l’abandon progressif de l’usage des énergies fossiles polluantes pour ne pas en subir les effets néfastes potentiellement dévastateurs, semble n’être vraiment perçu que par une faible partie de l’opinion publique.

Dans son rapport 2006 (1), l'Agence Internationale de l'Energie chiffre à 20 000 milliards de dollars (plus de 50% du PIB mondial actuel) les investissements nécessaires à réaliser dans le monde d'ici 2030 pour adapter le secteur énergétique à la demande croissante et à l’exigence environnementale des 8 à 9 milliards d’habitants que comptera alors la planète.

La production de pétrole atteindra très prochainement son apogée, alors que les besoins mondiaux s’accroissent : un différentiel énergétique s’installe, source potentielle de conflits majeurs.(2)

(Voir Annexes - Figure 1 : le pic de production du pétrole ou « peak oil »)

L’impact de l’effet de serre additionnel sur l’environnement maritime et terrestre des îles est réel et sa vitesse exponentielle. Si l’atteinte au biotope corallien a été la plus précoce, les biologistes nous alertent aussi maintenant sur la probable disparition progressive d’autres espèces animales et végétales. Ainsi, du fait de la surexploitation dont elles font l’objet, nos ressources halieutiques s’épuisent de façon inquiétante dans la Zone Economique Exclusive française de l’océan Indien qui représente à elle seule près du quart de l’ensemble de nos ZEE dans le monde.

Les rapports du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), lequel, depuis 1989, réunit 3000 à 4000 experts internationaux de compétences scientifiques complémentaires, ont établi, de façon incontestable, notre responsabilité collective dans le changement climatique et le réchauffement global.(9)

L'origine anthropique du changement climatique est prouvée. La vitesse acquise de la fragilisation environnementale, en cas de poursuite de la croissance des émissions de gaz à effet de serre (GES) additionnels, sera impressionnante, avec un taux atmosphérique de GES qui atteindrait 0,12% à la fin du 21ème siècle et un gain de température de l’ordre de 2 à 4 degrés en hypothèse moyenne. L’acidification progressive des mers et des océans du fait de

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l’augmentation de la teneur atmosphérique en CO2, N2O, NH3 représente un risque indéniable, mais peu connu.

Les « surprises climatiques » (cyclones extrêmes, houles géantes, comme celle qui a affecté La Réunion en mai 2007) vont se multiplier, entraînant des conséquences humaines et financières de plus en plus importantes. Des études menées par des cabinets d’assurances, notamment le rapport 2006 de Sir Nicholas Stern, ont chiffré le coût annuel des désastres environnementaux à plusieurs milliards d’euros, et ce chiffre sera aussi en croissance exponentielle.

Diverses conférences internationales, dont celle de Nairobi, en novembre 2006, et celle qui a abouti à l’Appel de Paris pour la création d’une ONU de protection de l’Environnement (ONUE), en février 2007, montrent bien que la préoccupation des décideurs est grandissante, que chaque année la prise de conscience individuelle se généralise. Mais elles révèlent aussi que l’actualisation du protocole de Kyoto se heurte toujours à l’inertie politique et économique d’un monde irresponsable dont les richesses sont inégalement reparties entre les pays, même si tout un chacun admet que l’exemple vertueux doit venir des pays industrialisés, lesquels disposent des vrais moyens de recherche et d'action.

Les guerres du feu ont toujours lieu, et la lutte et les trafics pour disposer du platine, utilisé dans les piles à combustible hydrogène, en sont un exemple. Les pays d'Afrique australe possèdent les principales mines de platine (60% des réserves connues, 700 tonnes extraites annuellement). Ce métal à haute valeur stratégique, dont la valeur boursière double tous les cinq ans, a aussi été trouvé dans une mine malgache, au Nord de Mahajunga. Une coopération dynamique dans ce domaine, pourrait être un atout pour la France et l’Europe qui doivent sécuriser leur accès à ce métal stratégique.

La crise économique et le choc environnemental qui se profilent à l'horizon de l’ensemble des îles du Sud-Ouest de l’océan Indien ne sont donc pas encore pris réellement en compte, ni suffisamment anticipés : l’inquiétude des jeunes générations ne cesse de grandir, à juste raison. Malgré quelques efforts louables et parfois exemplaires, tels que les actions de l'Agence Régionale de l’Energie Réunion (ARER), de la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN), ou encore la création de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) et celle du Groupe Hydrogène Réunion,(3) le constat de notre inadaptation globale et de notre incapacité à combattre les nombreuses inerties structurelles, intellectuelles ou financières, face à ces nouveaux risques identifiés, est actuellement flagrant.

Comment les populations insulaires pourront-elles satisfaire leurs besoins futurs alors que les ressources énergétiques classiques deviennent de plus en plus rares sur un marché mondial extrêmement instable ? Comment concevoir de Nouvelles Technologies de l’Energie (NTE) accessibles à tous pour anticiper la rupture d’équilibre entre ressources et besoins, afin de ne pas être démunis et perdants ?

Un rattrapage de nos retards cognitifs et structurels, couplé à une mutation technologique profonde, s'impose pour sécuriser, abonder et pérenniser durablement notre approvisionnement énergétique insulaire dans les toutes prochaines décennies. Cette préconisation repose sur le double constat suivant : le caractère inquiétant de l'accélération du changement climatique et la prise de conscience de plus en plus forte d'une limitation critique

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des ressources mondiales en hydrocarbures dont l’usage devra inéluctablement être abandonné.(4)

Ce changement de paradigme scientifique est prôné par l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques (OPECST) qui a récemment proposé la création d’un Haut Conseil pour la Transition Energétique auprès du Premier ministre (5) pour les prochaines décennies, ce qui stabilisera et renforcera l’action de l’Etat.

Après avoir dressé l’état des lieux « énergétique » de La Réunion et de Mayotte, puis évalué les conséquences financières et environnementales des choix énergétiques passés, nous envisagerons des solutions novatrices et réalistes, des perspectives de recherche et des alternatives nouvelles dans ce domaine, en formulant en conclusion un éventail de quelques recommandations spécifiques.

I- LE PAYSAGE ÉNERGÉTIQUE ACTUEL DE LA RÉUNION ET DE MAYOTTE.

Si des actions positives ont été menées dans le cadre du Plan Régional des Energies Renouvelables et d’Utilisation Rationnelle de l’Energie (PRERURE), de gros efforts restent à faire pour honorer nos engagements. La France s’est engagée à réduire par un facteur 4 ses émissions de GES additionnels à l’horizon 2020 : or, nos émissions annuelles de GES ont quasiment décuplé depuis 1985, du fait du recours au charbon et au fuel, de l’augmentation du parc automobile, sans que personne - ou presque - ne s’en alarme vraiment et ne stoppe cette dangereuse tendance…

I- 1- L’état des lieux en 2007 impose un changement radical de paradigme.

La production électrique s’accroît dans chaque île, sans privilégier suffisamment les Energies Renouvelables et Propres (ERP). A La Réunion, les besoins grandissants d’une population en forte croissance (790 000 habitants) et le développement économique fragilisent l’équilibre entre l’offre et la demande. Tout doit être fait pour minorer et maîtriser l’accroissement de la demande qui est actuellement de l’ordre de 4% par an.

La production actuelle est réalisée à partir de quatre sources distinctes : deux sources renouvelables propres, celles des centrales hydrauliques - 22% - et de la bagasse - 12% - et deux sources fossiles polluantes importées, le fuel - 21% - et le charbon - 41% -, pour une puissance totale installée de 530 MW (disponible 420 MW) avec une énergie livrée au réseau de l’ordre de 2,3 milliards de KWh selon les données 2005 de l’Observatoire de l’Energie Réunion (OER)(3). Il conviendrait donc de remplacer sans tarder les 300 MW « charbon fuel » par 2000 MW « ERP », (compte tenu d’une durée de production moindre) pour honorer nos engagements de faire respecter le facteur 4 : cela constitue un réel changement de paradigme scientifique pour nos décideurs et nécessite l’élaboration d’une nouvelle stratégie locale d’approvisionnement.

(Voir Annexes - Figure 2 : évolution de la répartition des énergies à La Réunion.)

Notons qu’en 1980, les seules centrales hydrauliques suffisaient à fournir les 500 millions de KWh nécessaires (150 MW). Les deux usines bagasse-charbon et l’usine

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thermique du Port ont été mises en fonction progressivement dès 1990. Elles représentent actuellement presque 70 % de la puissance installée, et fournissent en consommation 1,2 milliards de KWh. A ce rythme de 4% par an, il faudrait donc fournir au réseau, chaque année, une nouvelle centrale de 20 MW pour répondre à la demande. Actuellement ceci ne pourrait se faire qu’à partir de centrales au fuel, tant que les ERP (géothermie, solaire, éolien, énergie des vagues, énergie thermique des mers et océans, tour solaire en paroi, etc…) restent à l’état de projets et de rêves immatures.

(Voir Annexes - Figure 3 : structure du réseau électrique à La Réunion)

Le photovoltaïque, en forte croissance, ne représentait fin 2006 que 2 MW et deux fermes éoliennes fonctionnent à ce jour, alors qu’une dizaine de fermes - soit un total de 200 à 300 éoliennes tropicalisées (rabattables en cas de menace cyclonique) - pourraient s’implanter à La Réunion.

Pour Mayotte et ses 170 000 habitants, la vulnérabilité énergétique est actuellement encore plus grande. La quasi totalité de l’énergie (90%) dépend de l’approvisionnement en hydrocarbures, alors que les besoins explosent. Tandis que la puissance installée a atteint 38 MW en 2006, pour une consommation progressant de 12% par an, la construction d’un nouveau turbogénérateur au fuel d’une puissance de 40 MW est prévue en 2007 à Longoni. Divers projets embryonnaires ERP, notamment éoliens et océanothermiques, se développent péniblement.

Energie, développement et PIB sont intimement liés : à titre de comparaison, actuellement la consommation annuelle par habitant est évaluée à 0,43 tonnes équivalent pétrole (tep) à Mayotte, et à 1,41 tep à La Réunion, soit le triple. Elle est de l’ordre de 4,62 tep en France métropolitaine, de 8,44 tep aux USA et de seulement 0,05 tep à Madagascar.(1) Tous ces pays devront aller ensemble vers l’économie hydrogène, dans le cadre d’un partenariat international interactif ignorant les frontières.

I- 2- Recherche et perspectives énergétiques dans l’océan Indien.

Les tensions récurrentes enregistrées depuis quelques années sur les prix des hydrocarbures et de l'énergie en général ont fourni la démonstration explicite qu'une ressource que l'on estimait profuse et bon marché, ne le sera évidemment pas, d’ici une génération (2030-2040). Comment réagiront les économies fragiles des deux îles face à une augmentation inéluctable du prix du baril?

Ces deux petites îles n’ont pas de centrales nucléaires - ce qui permettrait d’atténuer, comme en métropole, les conséquences économiques prévisibles du pic pétrolier - et actuellement, ni l’une ni l’autre ne sont candidates à s’en doter, pour des raisons d’échelle et d’exiguïté du marché. Mais elles sont, en revanche, riches de soleil, de vents, de houles, de courants, de gradients thermiques marins, sources conséquentes d’énergies renouvelables et propres, à la condition de savoir mieux capter et exploiter chacune d’entre d’elles.

Des intentions écologiques existent, comme la mise en place du nouveau code des marchés publics, qui intègre le concept Haute Qualité Environnementale (HQE), ou bien encore la nouvelle réglementation thermique, qui impose pour 2007 une amélioration de l’efficience énergétique des nouveaux bâtiments construits de l’ordre de 15%. Mais au regard

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de l’effort à fournir et de notre vulnérabilité économique, peu d'actions sont vraiment fertiles, trop peu d’excellents projets sont soutenus financièrement et politiquement.

La sobriété énergétique fournit aussi des « négawatts », c’est-à-dire des économies virtuelles de watts non gaspillés, et c’est donc essentiellement une modification radicale de nos comportements et de nos consommations qui nous permettra de respecter nos objectifs nationaux, à savoir une diminution de nos rejets de GES par un facteur 4 d’ici une vingtaine d’années.

Une recherche appliquée dynamique sur des technologies du stockage de l’électricité par l’hydrogène - ou « hydricité » -, sur les héliogénérateurs Stirling, sur l'Energie Thermique des Mers & Océans (ETMO), sur les hydroliennes, sur la biomasse marine et sur toutes les autres formes d’ERP, permettrait aux futurs habitants de ces îles de disposer, à terme de deux ou trois décennies, de climatisation efficiente, d'eau douce potable, d’une source d’électricité propre et stable, du vecteur hydrogène produit localement à profusion, d’aquaculture, et de bon nombre d’autres applications nouvelles à imaginer. Le plus tôt sera le mieux pour la réussite de cette autonomie énergétique, créatrice de richesses potentielles.

Une didactique écofiscalité, sanctionnant nos gaspillages, notre surconsommation immodérée d’hydrocarbures, permettra le financement direct de cette recherche vertueuse et forcément fructueuse à terme, car menée directement sous le soleil, première ressource naturelle et gratuite. La technopole de Saint-Denis est apte à recevoir cette pépinière d’entreprises innovantes, permettant à ces nouvelles filières de se développer harmonieusement.

II- L'URGENCE ET LA NÉCESSITÉ DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE.

II- 1- L'évaluation des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel.

Les données évolutives tenant compte des technologies d’extraction restent préoccupantes. S’y ajoutent des tensions géopolitiques menaçantes: les restrictions commencent à apparaître et lorsque le pétrole et le gaz seront rares, ils seront forcement chers et aussi moins disponibles, moins équitablement distribués. Les petites îles font partie des territoires qui seront les premiers handicapés par cette pénurie physique. Cette réelle vulnérabilité peut être considérablement amoindrie, voire totalement éliminée, si nous anticipons avec lucidité et pugnacité.

Tout va dépendre des facteurs anthropiques d’évolution de la demande énergétique fossile : d’une part, l’inflexion et la stabilisation démographiques mondiales attendues d’ici 20 à 40 ans, d’autre part l’essor économique de la Chine et de l’Inde, pays qui représenteront le tiers de la population mondiale et très probablement, le tiers de la demande énergétique à terme. Les petites îles de l’océan Indien ne pèseront pas bien lourd et leurs économies fragiles ne seront pas épargnées, sauf si nous sortons maintenant du piège énergétique par un sevrage volontariste associé à la mise en place urgente d’une production locale d’énergie propre et respectueuse de notre biotope.

La chimie verte et le bioéthanol issus de la valorisation de la biomasse, ne peuvent être que des compléments. Toutefois, ils ne sont pas négligés par les groupes sucriers, car le

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soutien financier de la filière canne pourrait ne pas être pérennisé par l’Union européenne, exigeant de leur part une diversification de leur activité.

II- 2- Le charbon d'Afrique du Sud et le procédé « SASOL ».

Du fait de la création au début des années 90 des centrales « bagasse - charbon » de Bois Rouge et du Gol, ce sont environ 300 000 tonnes de charbon qui sont chaque année importées par La Réunion, représentant environ 30% de l’énergie livrée au réseau. Si les tensions sont moins fortes sur cette source fossile, celle-ci reste extrêmement polluante. La séquestration géologique du CO2 ne semble pas être une technologie applicable du fait du terrain volcanique poreux et sismique.

L’utilisation du charbon liquéfié par le procédé sud-africain « SASOL », préconisé pour remplacer le pétrole, présenterait les mêmes inconvénients environnementaux, et il nous faut à tout prix éviter le recours paresseux à cette très mauvaise idée, par la mise en place rapide et pertinente d’un réseau structuré de distribution d’hydrogène, lequel serait obtenu par les seules énergies propres, sur chacune des deux îles.

II- 3- L'alternative par le recours au nucléaire propre est-elle envisageable ?

Il est peu concevable et peu raisonnable d’imaginer la construction de centrales nucléaires de 3ème génération, du type « European Pressure Reactor » (EPR), compte tenu de l’inadéquation des puissances unitaires et des besoins actuels et futurs de La Réunion et de Mayotte. Par ailleurs, les réserves connues d’uranium semblent indiquer que le pic de production d’uranium civil sera atteint en 2060 - 2080, au rythme actuel de sa consommation, laquelle devrait encore s’accélérer...

Le projet international de réacteur expérimental à fusion nucléaire, ou « International Thermonuclear Experimental Reactor » (ITER), mené par un consortium dans le Sud de la France, pourrait être une solution intéressante pour nos îles dès 2050. Cette énergie séduisante quasi propre qui reproduit le phénomène nucléaire solaire, viendrait de la fusion entre atomes de deutérium et de tritium, les deux isotopes de l’hydrogène présents naturellement dans l’eau de mer. Tout va dépendre des résultats des travaux menés par les chercheurs de Cadarache et leur rapidité à lever les écueils, et à mettre au point des réacteurs d’une taille adaptée et dont les rejets seront dépourvus de risque radioactif majeur. Quels que soient les résultats encore hypothétiques et lointains de ces recherches audacieuses, nous sommes confortés dans notre choix d’accélérer le développement rapide des énergies thermiques marines et des technologies novatrices de l’hydricité, celles-ci s’avérant être tout à fait complémentaires de celles de l’ITER.

II- 4- L’énergie solaire, une manne céleste pour les îles tropicales.

Considérons que nous avons la chance d’avoir une source d’énergie inépuisable qui passe chaque jour au-dessus des îles tropicales et que cette manne céleste pourrait répondre à la quasi totalité de nos besoins insulaires à terme : 0,1% de l’énergie solaire qui rayonne sur nos terres et nos océans - si nous savions la récupérer - suffirait à couvrir les besoins énergétiques de l’ensemble de la planète.

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Les efforts faits à La Réunion en solaire thermique sont remarquables et exemplaires : 60 000 toitures sont maintenant équipées, soit trois fois le parc national, avec un rythme annuel de 10 000 nouveaux chauffe-eaux solaires installés, représentant une puissance évitée de 10 MW par an. Néanmoins, nous sommes encore très loin des 2000 MW d’un panel d’énergies propres souhaitable pour obtenir l’autonomie énergétique d’ici deux décennies. Rappelons également que la contribution du photovoltaïque, actuellement en très forte croissance avec un objectif louable de 100 MW fonctionnels en 2020, est encore modeste, avec seulement 2 MW installés en 2006. Les centrales photovoltaïques constitueront une source précieuse mais discontinue pour le réseau de distribution, contrairement à celle de l’énergie thermique des mers, constante de jour comme de nuit, hiver comme été. Rappelons également l’intérêt du couplage des installations photovoltaïques avec celle de l’éolien urbain (aérogénérateurs à axe vertical), permettant un plus rapide retour sur investissement.(7)

III- LES STIGMATES DE LA CRISE PÉTROLIÈRE DANS LES DEUX ILES.

III- 1- La déstabilisation induite par l’approche du pic pétrolier et son incidence sur la planification pluriannuelle des investissements énergétiques.

Indispensable pour nos activités quotidiennes, le pétrole a un impact social considérable et on ainsi vu des émeutes parfois violentes éclater dans certains pays, notamment dans ceux en développement, à la suite de hausses importantes du prix du baril, comme ce fut le cas, par exemple, aux Comores en 2004. A Madagascar, la presse relate régulièrement les difficultés induites par des coupures récurrentes du réseau électrique consécutives aux ruptures d’approvisionnement en pétrole, ou bien encore, des faillites de courtiers en énergie. Ces îles voisines ont des PIB 50 fois inférieurs au PIB réunionnais (et 100 fois inférieurs au PIB national français) : leur fragilité indéniable est préoccupante.

Actuellement, rien que pour l'achat et l’importation des hydrocarbures et du charbon, La Réunion dépense chaque année environ un milliard d'euros. Nous allons inéluctablement vers une pénurie physique de pétrole, lequel deviendra de plus en plus onéreux, et les stigmates de la crise économique vont s’amplifier, constituant une réelle menace pour la cohésion sociale de ces deux îles. Serons-nous capables d’y faire face, si nous n’envisageons pas prioritairement - avec force et conviction - leur total remplacement par d’autres sources énergétiques qui nous soient propres ?

Combien d’entreprises seront-elles obligées de fermer leurs portes ? Combien de personnes seront-elles mises de force au chômage? Combien de foyers réunionnais ou mahorais seront-ils bientôt mis en grande difficulté ? Tels sont les scenarii que doivent désormais sérieusement envisager nos dirigeants, et qui doivent les conduire à engager une vraie stratégie de la métamorphose énergétique sur le court et le long termes, mobilisant l’ensemble des acteurs publics et privés concernés, avec des échéances respectées.

La programmation des investissements relatifs aux moyens de production électrique donne lieu à l’établissement au niveau national d’un document de référence appelé Planification Pluriannuelle des Investissements (PPI). Le ministère de l’Industrie a confié cette responsabilité, pour La Réunion et pour Mayotte, à EDF et à la DRIRE.

La PPI « Réunion - Mayotte » validé en mai 2006 et couvrant la période 2007 - 2015 est fondé sur un scénario tendanciel de croissance annuelle de la puissance appelée de l’ordre

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de 15 à 20 MW pour La Réunion et de 5 MW pour Mayotte. La DRIRE a donc annoncé la mise en place prochaine d’une nouvelle génératrice au fuel de 20 MW au Port et d’une autre de 40 MW pour Mayotte à Longoni courant 2007. En 2008, la construction à La Réunion d’une centrale au charbon de 50 MW est prévue par EDF et par la Séchilienne Sidec, avec un objectif annoncé de 500 000 tonnes importées chaque année. Est-ce un choix raisonnable ?

Rien n’est actuellement proposé dans la PPI comme alternative propre, alors que le pragmatisme et le simple respect de nos engagements internationaux devraient imposer l’usage et la valorisation de la biomasse terrestre et marine et le recours urgent à l’énergie thermique des mers, même si celles-ci ne sont encore qu’en phase de recherche et de développement. Nous sommes actuellement prisonniers de nos habitudes et de nos addictions, lesquelles nous amènent à émettre encore davantage de GES, piége qui se refermera cruellement d'ici une ou deux décennies, ces investissements industriels devenant obsolètes dès lors que le pétrole sera hors de prix, que les atteintes à notre biotope seront devenues irréversibles, et que l’usage du charbon et des hydrocarbures sera définitivement proscrit...

Seront-elles les dernières centrales polluantes dans nos îles ? Nous espérons donc vivement, grâce à l’arbitrage régalien de l’Etat, la mise en place courageuse et audacieuse de systèmes énergétiques durables, comme ceux de la géothermie et de l’ETMO, ou de tout autre procédé énergétique propre capable de nous libérer de notre dépendance fâcheuse aux énergies fossiles et de métamorphoser nos systèmes énergétiques insulaires, pour les sécuriser.

Il est facile de considérer que les surcoûts de ces nouvelles technologies seront rapidement compensés par les économies faites sur les factures d’importation des énergies fossiles et sur celles des conséquences des pollutions, le retour sur investissement sera plus aisé. Nous ne regretterons pas nos efforts. Nous pouvons, comme le font déjà d’autres territoires, nous libérer du poids du joug du “pétrole omnipotent” lequel, jusqu'à présent, nous obligeait pratiquement à l'usage immodéré et irraisonné de ces substances polluantes... Une volonté politique forte et résolue doit s’afficher.

L’anticipation des marchés futurs est un principe de base de l’économie et il semble pertinent d’inciter l’université de La Réunion à s’investir encore davantage dans la recherche appliquée, en étroite collaboration avec des organismes comme le Centre National de la Recherche Scientifique, l’Agence Nationale de la Recherche ou encore le nouvel Institut National de l'Energie Solaire. Une équipe universitaire a récemment construit un panneau solaire mixte photovoltaïque et thermique qui pourrait être fabriqué industriellement et commercialisé. Une entreprise réunionnaise spécialisée dans la climatisation solaire a déposé un brevet international. Ce sont des exemples à suivre et à encourager, car ils sont créateurs d’emplois.

La mise en place d’un Institut de Recherche sur l’Océanothermie (ETMO-OTEC), de dimension européenne, qui travaillera en émulation avec les instituts OTEC américains, japonais et indiens, nous apparaît de même hautement prioritaire, La Réunion étant bien placée pour servir de site expérimental pilote, en raison des caractéristiques particulières de son environnement océanique et socio-économique (solvabilité de la demande). Ce procédé français, bâti sur le principe thermodynamique du polytechnicien Sadi Carnot au début du 19ème siècle, a été expérimenté par l’ingénieur Georges Claude dans les années 1930 à Cuba et au Brésil.

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III-2- L’ampleur et la précocité des réponses politiques locales et nationales permettront-elles d’éviter le risque de crash économique ?

Par la conjugaison de l’action publique et privée, par la relance de la recherche appliquée universitaire (et l’augmentation de ses budgets au niveau national et européen), par l’implication de l’Agence pour l’Innovation Industrielle, et localement, par le soutien apporté aux propositions originales de l’ARER et du Groupe Hydrogène Réunion, il est possible d’obtenir en peu de temps une dynamique de transition énergétique et le passage progressif vers une économie hydrogène salutaire.

Le Groupe Hydrogène Réunion a associé dans une réflexion commune des acteurs locaux, tels que l’Université, l’ARER, les collectivités locales, les compagnies consulaires, le Centre Hospitalier Régional, des acteurs nationaux comme EDF et le CEA, et des acteurs internationaux puissants, notamment Air Liquide, Areva Hélion, leaders mondiaux dans leurs domaines respectifs.

Il ne s’agit pas en fait d’être novateur, mais bien de rattraper notre retard. Notre pays a signé en 2003 un protocole d’action international favorisant l’avènement de l’économie hydrogène. Plusieurs pays, dont la France et certains autres Etats de l’Union européenne, se sont réunis au sein de l’International Partnership for the Hydrogen Economy (IPHE) pour oeuvrer ensemble et développer tout ce qui peut favoriser la mise en place de la distribution d’hydrogène et la mise au point des piles à combustible, permettant d'envisager progressivement la fin du règne pétrolier.

Le Canada, le Japon, l’Allemagne, maintenant la Chine et certains Etats nord-américains comme la Californie, sont les seuls, pour l’instant, vraiment impliqués dans cette démarche de modernisation énergétique et si on peut y constater la forte participation de nos deux entreprises françaises, Areva et Air Liquide, on regrette amèrement leur moindre implication dans nos départements et collectivités d’outre-mer, malgré une demande prioritaire.

Le passage volontaire à l’économie hydrogène est un moyen judicieux de répondre ici aux menaces environnementales et de sortir les îles de l’océan Indien de leur vulnérabilité énergétique et économique. Il s'agit ici, plus qu'en métropole, d'une vraie urgence et chacun de nous doit être conscient du rôle qu'il a à jouer et du travail qu’il doit fournir pour réussir cette mobilisation générale, afin d’éviter à tous de cruelles et lourdes déconvenues.

III- 3- Comment réussir l’inéluctable transition énergétique ?

Celle-ci passe par une réflexion collective impliquant un maximum d’acteurs experts et de décideurs publics et privés, permettant d’anticiper les échéances du pic pétrolier et d’amoindrir les conséquences climatiques désastreuses du forçage radiatif des GES.

C’est tout l’intérêt de la mise en place au niveau national de ce Haut Conseil pour la Transition Energétique auprès du Premier ministre prônée par l’OPECST,(4) et aussi , au niveau régional, d’un Conseil analogue qui réunirait autour de chaque Préfet, lors de rendez-vous semestriels ou annuels, les divers opérateurs concernés. S’agissant de La Réunion, sans être exhaustif, on peut proposer de retenir comme partenaires possibles de cette cellule

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stratégique : Société Réunionnaise des Produits Pétroliers (SRPP), EDF, TOTAL, Air Liquide Réunion, solaristes et autres producteurs d’ERP, Groupe Dijoux, Groupes industriels sucriers, Séchilienne Sidec, sans oublier DRIRE, ADEME, ARER, et représentants des collectivités et des consommateurs, soit une vingtaine de membres au total, s’impliquant collectivement dans une réflexion prospective décennale et l’élaboration concertée d’une PPI consensuelle.

Ainsi l’écofiscalité pourrait être adaptée à nos conditions insulaires spécifiques, pour trouver rapidement les financements nécessaires à l’émergence des Nouvelles Technologies de l’Energie et éviter une possible situation de blocage économique lors du crash pétrolier. Favoriser davantage l’accès de chacun à une production autonome d’énergie propre (photovoltaïque, éolienne urbaine) permettrait de sécuriser progressivement les deux îles, tout en créant des emplois nouveaux autour des nouvelles richesses énergétiques produites, ce qui peut constituer un réel progrès social.

Remarquons que la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) n’existe pas dans les DOM sous sa forme métropolitaine : elle est remplacée par la Taxe Spéciale de Consommation sur les Carburants (TSCC), qui alimente le Fonds d’Investissement des Routes et des Transports (FIRT), géré par la Région. Les carburants sont aussi soumis à l’octroi de mer, dont les taux sont fixés par cette même collectivité. Il existe donc, au plan local, des moyens directs pour alimenter financièrement l’effort de la recherche locale, à travers l’instauration d’une écofiscalité comprise et acceptée par tous. Il est à noter que la Charte de l’Environnement insiste sur l’intérêt de respecter le principe « pollueur-payeur ».

Il est désormais souhaitable qu’une partie de la TSCC, alimente, en complément de crédits nationaux et européens, la recherche appliquée sur l’hydrogène, et serve à la mise en place d’un vrai système de production et de distribution de ce gaz vecteur, avant l’arrivée des premiers véhicules équipés de pile à combustible. Cette utilisation judicieuse de la TSCC qui incitera à optimiser la consommation d’hydrocarbures pourrait être admise par tous si elle s'accompagne d'une démarche suffisamment didactique et bien médiatisée.

La réalisation d’une feuille de route pluriannuelle pour la transition énergétique soumise à l’aval du Préfet et qui coordonnera ici les actions publiques et privées, sera la première mission de ce Conseil d’experts « énergies propres ». Elle permettra une lisibilité pour le grand public des échéances à venir : date probable d’apparition du réseau de distribution d’hydrogène, mais aussi, par exemple, date limite de l’usage exclusif des biocarburants pour les courses motorisées, date du passage au « tout hydrogène », concomitamment à l’interdiction définitive de l’usage des hydrocarbures fossiles pour les compétitions automobiles...

Une vraie politique « négawatts » pourra naître avec, par exemple, une grande rigueur dans la gestion des éclairages publics et surtout la mise en place des tableaux de bord énergétiques par les administrations et les entreprises, car on sait que cette procédure simple est une source possible d’économie de l’ordre de 10 à 15%.(6)

IV- L’ESSOR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA MÉTAMORPHOSE ÉNERGÉTIQUE.

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IV- 1- La disparition des filières émettrices de gaz à effet de serre additionnels passe par la promotion soutenue des Energies Renouvelables et Propres.

Le site internet de l'Agence Régionale de l'Energie Réunion (ARER) et celui d’Island News (Natural Energy Ways toward Self-sufficiency for Islands) les déclinent(3) : certaines ERP sont déjà fonctionnelles, d'autres attendent des financements pour émerger.

A - L’Energie Thermique des Mers & Océans (ETMO) est un procédé conceptualisé par Jacques d’Arsonval en 1881 et expérimenté par Georges Claude en 1930 aux Caraïbes. L’expérience a été renouvelée à Hawaii en 1973, ensuite en Inde et plus récemment au Japon avec un certain succès. (8) Utilisant le gradient de 20° C entre eau chaude de surface et eau froide de profondeur, ce procédé thermodynamique permet d’envisager un développement d’unités de production de l’ordre de 10 à 100 MW de puissance. Les îles tropicales constituent un lieu idéal pour leur mise au point technologique, grâce au soutien de l’Europe, qui pourra bénéficier en retour d’hydrogène « propre » (sans CO2) à profusion . Les applications associées (eau douce, climatisation, aquaculture, agriculture, production de lithium, et peut être de xénon) rentabilisent la pose des tuyaux profonds.

En fait, en plus des îles ensoleillées, ce sont tous les rivages tropicaux qui sont concernés, soit en sites terrestres côtiers soit en stations maritimes équatoriales, avec production massive et inépuisable d’hydrogène exportable vers tous les ports de la planète.

L’océan tropical est un immense capteur thermique et on doit au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et à l’Agence Spatiale Européenne (ESA) d’en avoir fait la cartographie sous-marine, permettant d’identifier plusieurs centaines de sites favorables à l’implantation de l’« ETMO ».

(Voir Annexes - Figure 4 : Energie Thermique des Mers et Applications – Figure 9: un projet de station «offshore» OTEC australien - Figure10 : un projet OTEC japonais IOES)

Il n’existe seulement que quatre grands acteurs dans ce domaine : le NELHA (Natural Energy Laboratory of Hawaii Authority, laboratoire américain), le SSP (Sea Solar Power, entreprise américaine), le NIOT (National Institute of Ocean Technology, institut indien des technologies de l’océan) et surtout l’IOES (Institute of Ocean Energy, institut japonais de l’énergie de l’océan). L’Europe doit s’engager à rattraper son retard : à cet effet pourrait être envisagée la création prioritaire d’un Institut de Recherche de dimension européenne sur l’énergie thermique des mers et des océans, qui serait localisé à La Réunion qui dispose de très nombreux atouts, tout comme Mayotte qui abrite le plus grand lagon du monde (1 500 km²).

(Voir Annexes - Figure 5 : température de surface des océans : la zone équatoriale est un immense capteur solaire. Les interfaces "rouges" et "vertes" sont les zones où les unités ETMO pourraient être installées : le marché tropical se chiffre donc en milliards d'euros…)

B - L'énergie solaire thermique : nos solaristes ont installé à La Réunion 60 000 appareils (actuellement au rythme de plus de 10 000 par an), soit trois fois plus que l'ensemble de la France métropolitaine.

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C - L'énergie solaire photovoltaïque est en plein essor et pourrait bénéficier du couplage avec les éoliennes urbaines pour optimiser les transformateurs et les systèmes de stockage énergétique.

D - Les biocarburants et la chimie verte : l'implication des industriels du sucre est forte en notant que Maurice et Madagascar sont déjà bien avancés en ce domaine, avec la création d’unités de production de biocarburants dont l’huile de jatropha.

E - La géothermie profonde et de surface : une prospection est en cours à La Réunion, sur le site du volcan, avec une hypothèse forte de récupérer 40 à 80 MW. Le développement de la géothermie de surface (pompes à chaleur près des parkings, des pelouses) pourrait permettre aux particuliers de produire une partie de leur propre énergie, générant la création de nouveaux emplois.

F - L'éolien plein champ, off shore et aussi urbain peut et doit prendre de l’ampleur, en accompagnant le développement de la production d’hydrogène par l’électrolyse de l’eau. Il est important d’envisager le développement de l’éolien urbain, qui peut être couplé aux équipements photovoltaïques afin de les rentabiliser(7), diverses entreprises françaises et européennes ont montré leur savoir faire au 5è

colloque éolien d’Amiens en novembre 2006 organisé par l’ADEME. Ce sont, là encore, des gisements d’emplois et des richesses nouvelles.

G - Le gisement hydrolien des îles de l'océan indien est à expertiser : plusieurs mégawatts seraient à récupérer dans les passes des lagons ou encore, par exemple à l’embouchure de la baie de Diego Suarez à Madagascar.

H - Les héliogénérateurs stirling : ils associent une parabole solaire et un moteur à combustion externe. Fonctionnels au Nouveau Mexique à Albuquerque, ils font l’objet d’une recherche de développement par l’équipe du CNRS d’Odeillo dans le cadre du réseau SolLab regroupant plusieurs centres scientifiques du pourtour méditerranéen. Le kWh solaire coûtera 5 à 7 cents d’euros d’ici dix à vingt ans.

I - Les tours solaires adaptées en falaise pourraient représenter un appoint non négligeable et le remarquable projet de l’ARER dans le cirque de Cilaos à La Réunion pourrait être retenu.

IV-2- La filière hydrogène s'organise dans les îles.

Sous l’impulsion de l’ARER et du Conseil Régional, l’année 2005 a vu la création du Groupe Hydrogène Réunion, constitué d’une vingtaine d'acteurs institutionnels et économiques. A l'occasion du 16th World Hydrogen Energy Congress (WHEC 2006) à Lyon, un ingénieur chargé de développer un réseau de production et de distribution d’hydrogène sur La Réunion et sur Mayotte a été recruté.

Le stockage de l'électricité par l'hydrogène est une innovation qui mérite une attention particulière. Ce concept appelé « hydricité » est né récemment aux Etats Unis et au Canada : il associe un réseau de distribution électrique intelligent couplé à un stockage de l'hydrogène obtenu à partir d'ENR modulé par électrolyseur et pile à combustible, afin d'apporter à

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l'utilisateur final un flux d'électrons stable et constant, en s'adaptant extemporanément aux variations de la demande et de la production. Ce concept deviendra inéluctablement un standard quand les hydrocarbures seront prohibés ou inexistants.

Les nouvelles constructions hospitalières doivent dès maintenant respecter le critère environnemental et intégrer un panel NTE : éoliennes urbaines couplées à des panneaux solaires photovoltaïques, capteurs thermiques, une climatisation solaire, des électrolyseurs permettant de générer in situ de l’oxygène et de l’hydrogène, afin d’alimenter des véhicules SAMU et des générateurs à pile à combustible, le tout couplé à l’arrêt de l’usage médical du protoxyde d’azote (N2O) remplacé en partie par le xénon. L’arrêt de l’économie du N2O représentera en France un gain d’émissions de plus d’un million de tonnes de CO2 par an, le CO2 étant 310 fois moins radiatif que le N2O. Cet arrêt espéré favoriserait l’éclosion de l’économie hydrogène, l’industrie chimique réorientant dès lors son activité vers une production moins nocive.

(voir Annexe - Figure 9 : image de l’hôpital pilote « HQE NTE » Jules Verne, tel qu’il pourrait être construit à Cambaie - Saint-Paul, au terme du plan Hôpital 2012)

IV- 3- L'évolution du transport routier, ferroviaire, aérien et l'impact des technologies transversales sur nos modes de vie.

Le nombre de véhicules étant en élévation continue, les besoins en hydrocarbures augmentent. De plus, les embouteillages représentent sur notre réseau insulaire captif une contrainte supplémentaire et une perte de temps et d’énergie . L'insuffisance des transports en commun ne sera que partiellement levée par la mise en service du « Tram-Train » prévue à La Réunion à l’horizon 2012-2015. La réduction des consommations unitaires et le bridage des véhicules, l'amélioration des rendements des moteurs classiques, l'hybridation seront des moyens de moins consommer en attendant l'arrivée des premiers véhicules à pile à combustible hydrogène.

Le cas délicat du transport aérien, cordon ombilical avec la Métropole et le reste du monde est à considérer. Il est naturel que le prix du billet d’avion suive de très près les variations du prix du baril de Brent : notre mobilité aérienne actuelle sera revue à la baisse… A terme, l’hydrogène remplacera certainement le kérosène, mais cette conversion prendra probablement quelques décennies, les dernières gouttes de pétrole allant probablement vers le transport héliporté.

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication réduisent les transports incongrus et polluants, en favorisant opportunément la rentabilité du travail à domicile. Les visioconférences sont aussi des solutions économisant des déplacements inutiles et les pertes de temps associées.

CONCLUSION

La nécessité d’une transition énergétique entre un « ancien monde », dont l'économie et l'organisation sociale reposaient sur l'utilisation systématique de ressources énergétiques fossiles, sales, polluantes, abondantes et bon marché et un « nouveau monde » contraint de

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ménager intelligemment des ressources énergétiques renouvelables et propres, devient de plus en plus prégnante et urgente, jour après jour. Créer des richesses énergétiques nouvelles et les rendre accessibles à tous doit être le leitmotiv - et l’action volontariste - de tous nos décideurs.

Il nous faut donc continuer à être créatifs et inventifs et accepter l'innovation et les risques de l'expérimentation, sans complexe aucun, dans tous les domaines. Dans une même vision partagée et respectueuse des intérêts de tous, chacun doit aussi modifier ses comportements excessifs et doit pouvoir choisir sa propre énergie, pour l’équipement de sa maison, de son entreprise, de son lieu de travail. Ces choix participeront à la consolidation énergétique et la modernisation des deux îles, en réduisant, dans le même élan, leur vulnérabilité économique.

Il nous faut anticiper et construire l’après-pétrole avec les idées de l’avant-pétrole : le miroir d’Archimède, le principe thermodynamique de Sadi Carnot, le moteur à combustion externe du pasteur Stirling, l’électrolyse de l’eau évoquée par Jules Verne, l’énergie thermique des mers de Georges Claude et préparer concomitamment l’intégration de ces technologies de l’énergie propre dans notre vie au quotidien.

(Voir Annexe - Figure 10 : usine ETM flottante "La Tunisie" pour la fabrication et la vente de glace industrielle au Brésil. Ingénieur Georges Claude, 1930)

Devenons des écocitoyens responsables, acteurs privilégiés s’impliquant dans des choix énergétiques réellement propres, puisque l’écologie et l’économie sont des valeurs maintenant liées constitutionnellement par la promulgation de la Charte sur l’Environnement, outil juridique accessible à tous.

L’énergie des 550 000 tonnes d'hydrocarbures et des 300 000 tonnes de charbon consommées annuellement à La Réunion et à Mayotte, devra donc être inéluctablement remplacée, au cours de ce 21ème siècle, par celle obtenue à partir des ERP et des biocarburants produits dans certains pays de l’océan Indien (huile de jatropha de Madagascar et du Mozambique par exemple), en intégrant les concepts novateurs d’hydricité et d’économie hydrogène. Le plus tôt étant le mieux, il s’agit bien d’une urgence réelle, car dans ces îles tropicales déjà fragilisées par le réchauffement climatique et la croissance démographique, aucune centrale nucléaire n'est présente -ni même envisageable à terme- pour limiter les conséquences d'une brutale pénurie d’hydrocarbures.

Le chantier de la métamorphose énergétique à Mayotte et à La Réunion est donc un défi à relever du fait de la création de richesses et de marchés énergétiques nouveaux : à court terme, cela représente des centaines, voire des milliers d’emplois durables. Mobilisons-nous, pour ne pas subir demain, pour obtenir une autonomie énergétique totale et pérenne, avec l’ambition d’être, avec d’autres îles, modèles d’une civilisation hydrogène. Conformément à sa mission d’expertise, l’AR 27 souhaite, au terme de cette étude, formuler 7 propositions d’action visant à réussir la modernisation économique et énergétique de ces deux îles françaises de l’océan Indien, ces recommandations urgentes rejoignant évidemment celles faites au niveau national par l’OPECST (4)…

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1- Faire de la transition énergétique une absolue priorité des gouvernances locales avec la mise en place de conseil d’experts ad hoc, ayant autorité pour obtenir une PPI consensuelle et pour faire respecter le principe juridique « pollueur-payeur ».

2- Faire de La Réunion et de Mayotte des acteurs exemplaires et pilotes de l’économie hydrogène, et créer à cet effet un Institut Européen d’Etude et Recherche sur l’Océanothermie.

3- Encourager l’écofiscalité pour consolider le développement local des filières ERP, en adaptant les budgets de la recherche locale à cet enjeu prioritaire.

4- Mener une action médiatique forte dans le domaine des transports pour réduire drastiquement la consommation d’hydrocarbures, actuellement excessive.

5- Renforcer l’action MDE HQE menée dans le secteur résidentiel tertiaire par l’ADEME, la DIREN et l’ARER, en impliquant les structures hospitalières et administratives dans cette démarche pilote, qui respecte le critère environnemental.

6- Préparer stratégiquement l’avènement inéluctable des technologies de l’hydricité.

7- Coopérer avec les îles voisines, Comores, Madagascar, Maurice et Seychelles, dans le cadre de la Commission de l’Océan Indien (COI) et du Réseau Island NEWS, pour obtenir cette métamorphose énergétique, progressivement, dans chacune de ces îles.

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ANNEXES

1- Le pic de production du pétrole atteint bientôt son apogée, alors que les besoins mondiaux s’accroissent : un « différentiel » énergétique s’installe, source potentielle de conflits majeurs.

2- Evolution de la répartition des énergies à La Réunion (source OER-ARER). Il convient de remplacer les 300 MW « charbon - fuel » par 2 000 MW «ERP» d’ici 2020.

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3- Structure du réseau électrique de La Réunion (source EDF).

4- Energie Thermique des Mers & des Océans et applications associées.

(Source : http://www.xenesys.com/english/otec/product/jpg/main_4_0_a.jpg )

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5- Température de surface des océans : la zone équatoriale est un immense capteur solaire.

(Source : http://maps.wunderground.com/data/images/tropical.gif)

6- Carte des fonds océaniques par altimétrie spatiale (source CNES).

(Source : http://www.cartographie.ird.fr/images/fond_ocean/MNTOcean_rvb.gif)

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7- Un projet de station « offshore » OTEC australien.

(Source : http://www.evworld.com/images/otec_vholstein.jpg )

8- Un projet OTEC japonais.

(Source : http://www.xenesys.com/japanese/otec/jpg/f-otec.jpg )

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9- Image de l’hôpital pilote « HQE NTE » Jules Verne tel qu’il pourrait être construit à Cambaie - Saint-Paul - au terme du plan Hôpital 2012.

(Source : http://www.gual-industrie.com/images/appli2ph2.jpg )

10- Usine ETM flottante «La Tunisie» pour la fabrication et la vente de glace industrielle au Brésil. Ingénieur Georges Claude 1935.

(Source : http://www.ifremer.fr/exploration/enjeux/etm/tunisie.jpg)

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) - Rapport 2006 de l’Agence Internationale de l’Energie.http://www.worldenergyoutlook.org/

(2) - Site de l’Association pour l'étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel.http://aspofrance.org/

(3) - Site de l’Agence Régionale de l’Energie Réunion.http://www.arer.org/fra/pages/accueil.htm

(4) - Rapport de l’OPECST n°3415 (2001) sur « L'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables » http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/energies/r3415.asp

(5) - Rapport de l'OPECST n°426 (2005-2006) « Les apports de la science et de la technologie au développement durable, Tome I : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise ». http://www.senat.fr/rap/r05-426/r05-426.html

(6) - Le bilan énergétique de La Réunion - Observatoire de l’Energie Réunion. http://www.arer.org/fra/pages/oer/pages/oer.htm

(7) - Site d’un constructeur d’éoliennes urbaines.http://www.windside.com/images/ecenter.jpg

(8) - Site de l’IFREMER sur l’énergie thermique des mers.http://www.ifremer.fr/exploration/enjeux/etm/

(9) - Résumé du 4ème Rapport du Groupe 1 du GIEC - Février 2007.http://www.effet-de-serre.gouv.fr/fr/etudes/SPM2007gr1.doc

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