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L’ ´ energie, un levier pour le eveloppement de l’Afrique? Sarah Mourtada, Amal Addala, Sophie Roy Master EDDEE Novembre 2014 L ’Afrique est un continent aux multiples pa- radoxes, en particulier dans le domaine de l’´ energie. D´ etentrice d’abondantes ressources naturelles (des hydrocarbures comme des renouve- lables), elle reste n´ eanmoins la partie du globe la moins d´ evelopp´ ee et la plus pauvre. Il est alors egitime de s’int´ eresser ` a la relation fort complexe de l’´ energie avec sa capacit´ e de d´ eveloppement. Quel est le poids de l’Afrique dans le domaine de l’´ energie ? L’´ energie peut-elle constituer un levier pour son int´ egration et son d´ eveloppement ? A travers cet article, nous exposerons dans un premier temps le po- tentiel ´ energ´ etique de l’Afrique, avant de d´ eterminer les raisons qui expliqueraient ce qui l’empˆ eche de s’approprier ses ressources de mani` ere ` a combler son retard en mati` ere de d´ eveloppement. Enfin, il est int´ eressant d’´ etudier les choix qui nous semblent ˆ etre strat´ egiques pour l’Afrique, pour utiliser efficacement et durablement ce vaste potentiel ´ energ´ etique, et se faire ainsi une place au sein de l’´ economie mondiale. Potentiel ´ energ ´ etique de l’Afrique ´ Economie et niveau de vie 1 Rassemblant 15% de la population mondiale (936 millions d’habitants en 2013 selon les donn´ ees de la Banque Mondiale) sur un territoire qui compte pour 20% de la surface terrestre habitable (54 pays), l’Afrique a connu une croissance annuelle de 4% en 2013, soit un point de plus que les pays du reste du monde. Cependant, l’Afrique est un vaste conti- nent, ` a l’identit´ e plurielle et o` u r` egnent de multiples disparit´ es : les pays sont de diff´ erentes tailles, ne poss` edent pas les mˆ emes types de ressources, ni la eme structure ´ economique. Dans un premier temps, on peut distinguer l’Afrique du Nord de l’Afrique subsaharienne. Les pays d’Afrique du Nord (Magh- reb et les pays au Nord du Sahara et du Sahel) ont connu une croissance relativement forte de 1998 `a 2008 (4,2%) mais qui n’est pas assez cr´ eatrice d’em- plois par rapport `a la pression d´ emographique et la participation croissante des femmes dans la vie active. Ceci se traduit par un fort taux de chˆomage et des in´ egalit´ es sociales importantes. La Tunisie pr´ esente par exemple un taux de chˆ omage de 15% d´ ebut 2014, en Mauritanie, 66,7% des femmes actives ˆ ag´ ees de 15 1. donn´ ees de la Banque Mondiale Page 1 of 15

L’Energie, un levier pour le développement de l’Afrique- MEDEnergie

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L’energie, un levierpour ledeveloppement del’Afrique?Sarah Mourtada, Amal Addala, Sophie Roy Master EDDEE

Novembre 2014

L’Afrique est un continent aux multiples pa-radoxes, en particulier dans le domaine del’energie. Detentrice d’abondantes ressources

naturelles (des hydrocarbures comme des renouve-lables), elle reste neanmoins la partie du globe lamoins developpee et la plus pauvre. Il est alorslegitime de s’interesser a la relation fort complexe del’energie avec sa capacite de developpement. Quel estle poids de l’Afrique dans le domaine de l’energie ?L’energie peut-elle constituer un levier pour sonintegration et son developpement ? A travers cetarticle, nous exposerons dans un premier temps le po-tentiel energetique de l’Afrique, avant de determinerles raisons qui expliqueraient ce qui l’empeche des’approprier ses ressources de maniere a combler sonretard en matiere de developpement. Enfin, il estinteressant d’etudier les choix qui nous semblent etrestrategiques pour l’Afrique, pour utiliser efficacementet durablement ce vaste potentiel energetique, et sefaire ainsi une place au sein de l’economie mondiale.

Potentiel energetique de l’Afrique

Economie et niveau de vie 1

Rassemblant 15% de la population mondiale (936millions d’habitants en 2013 selon les donnees dela Banque Mondiale) sur un territoire qui comptepour 20% de la surface terrestre habitable (54 pays),l’Afrique a connu une croissance annuelle de 4% en2013, soit un point de plus que les pays du restedu monde. Cependant, l’Afrique est un vaste conti-nent, a l’identite plurielle et ou regnent de multiplesdisparites : les pays sont de differentes tailles, nepossedent pas les memes types de ressources, ni lameme structure economique. Dans un premier temps,on peut distinguer l’Afrique du Nord de l’Afriquesubsaharienne. Les pays d’Afrique du Nord (Magh-reb et les pays au Nord du Sahara et du Sahel) ontconnu une croissance relativement forte de 1998 a2008 (4,2%) mais qui n’est pas assez creatrice d’em-plois par rapport a la pression demographique et laparticipation croissante des femmes dans la vie active.Ceci se traduit par un fort taux de chomage et desinegalites sociales importantes. La Tunisie presentepar exemple un taux de chomage de 15% debut 2014,en Mauritanie, 66,7% des femmes actives agees de 15

1. donnees de la Banque Mondiale

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a 24 ans sont au chomage contre 44,1% des hommesdu meme age. L’Afrique subsaharienne compte pour10% de la population mondiale et environ la moitiede sa population en dessous du seuil de pauvrete(IDH moyen de 0,465 contre une moyenne mondialede 0,729 selon les donnees Banque Mondiale). C’estincontestablement la zone la plus pauvre du globe.Mais au sein meme de cette region, les pays evoluenta differentes vitesses.

– L’Afrique de l’Ouest frole une croissance de 7%en 2014, avec une population jeune et urbanisee.Son dynamisme est essentiellement pousse par leNigeria et ses ressources en hydrocarbures ainsique la Sierra Leone avec ses exportations de feret de minerais. Cependant, les pays francophones(Cote d’Ivoire, Mali, Centrafrique) souffrent d’unpoint de vue economique, en partie a cause dumaintien du Franc, datant de l’empire colonial,et non adapte aux besoins actuels, et des insta-bilites politiques.

– L’Afrique du Sud est la 2eme puissanceeconomique apres le Nigeria avec d’importantesressources en minerais (or, diamants). Soneconomie est paradoxale : elle est comparablea celle d’un pays industrialise mais a besoin deforte restructuration et de forts investissementsdans les infrastructures de base. Ce pays estencore impregne de l’epoque de l’apartheid.

– L’Afrique de l’Est (Soudan, Ethiopie, Tanzanie,Kenya) est une region en marge, qui connaıt descrises humanitaires profondes : la plus grandesecheresse depuis 60 ans en 2011 qui a debouchesur une crise alimentaire, avec des famines tou-chant 13 millions de personnes, une flambeedes prix des matieres premieres et beaucoup deconflits armes (Soudan, Darfour) entraınant denombreux deplacements de populations.

L’Afrique ne peut donc etre consideree commeuniforme lorsque l’on souhaite etudier et analyser lepotentiel ou l’utilisation des ressources energetiques.

Electrification 2

Au lendemain de la colonisation, l’electrification ducontinent a ete une preoccupation majeure. Mais c’estun processus lent et aujourd’hui, malgre une crois-sance economique plus forte que la moyenne mon-diale, et des potentiels importants de developpement,l’Afrique est le continent le moins electrifie, avecseulement 35% de la population subsaharienne quia un acces a l’electricite contre 78% pour la popu-

2. Donnees du journal en ligne ”RFI”, cf bibliographie [18]

lation mondiale. Meme les entreprises ne sont pasepargnees : environ 10 millions de petites et moyennesentreprises n’ont pas acces a l’electricite. Cette si-tuation est disparate au sein de l’Afrique : 90% del’Afrique du Nord est electrifiee alors qu’un payscomme le Mozambique (sud de l’Afrique) possedepar exemple un reseau tres limite : seulement 2%des zones rurales sont electrifiees contre 22% en zoneurbaine. Lorsqu’ils existent, le probleme majeur desreseaux africains est la vetuste des infrastructures,delabrees et non entretenues. Cela occasionne descongestions et des coupures de courant, pouvant pa-ralyser le pays entier. Selon Jeune Afrique, ces cou-pures sont responsables d’une perte economique de 1a 4% du PIB. C’est le cas de nombreux pays, commela Guinee, qui en plaisante meme en surnommantsa societe d’electricite SNE, la Societe de la NuitEternelle, ou l’Afrique du Sud avec Eskom, compa-gnie de production et distribution d’electricite, quin’a pas reussi a repondre a la demande en 2008 eta plonge le pays dans le noir. Cela est notammentdu aux manques d’investissements dans les centralesexistantes qui vieillissent : l’Etat s’est completementdesengage et a privatise ce secteur qui subit aujour-d’hui une hausse des prix vertigineuse. Ceci seradeveloppe plus loin.

Figure 1: Electrification de l’Afrique - Etude de BearingPoint 2013

Consommation d’energie 3

Par ailleurs, avec 15% de la population mondiale,l’Afrique consomme seulement 4% de l’energie pri-maire mondiale et 3% de l’electricite mondiale. Parhabitant, sa consommation totale en energie est 10fois plus faible que celle d’un americain.

3. Donnees de la Banque Mondiale

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Figure 2: Consommation d’energie par zone et par ha-bitant en Tep selon les donnees 2012 de laBanque Mondiale

La structure de sa consommation energetique re-pose essentiellement sur la biomasse (chauffage tradi-tionnel au bois, qui represente 57.6%) et sur les com-bustibles fossiles. Malgre des ressources importantesen hydrocarbures, la consommation de ressources fos-siles s’eleve seulement a 40% dans le mix energetique,contre une moyenne mondiale de 81,2%. Le renou-velable ne concerne que 2,7% de la consommationafricaine en energie primaire (contre 8,7% dans lemonde).

Figure 3: Consommation d’energie primaire en Afrique

Figure 4: Consommation d’energie primaire dans lemonde

Au niveau de la consommation d’electricite, lasituation est egalement diversifiee. Malgre son sta-tut de premiere puissance economique africaine etune forte demographie (170 millions d’habitants),un habitant du Nigeria consomme en moyenne 149kwH par an (selon les donnees de la Banque Mon-dial), ce qui est la moitie d’un habitant de Guinee, etbeaucoup moins que celui de l’Afrique du Sud (1450kwH) 4 .

Production d’hydrocarbures 5

Les hydrocarbures representent la premiere res-source energetique africaine exploitee grace a des com-pagnies internationales. Le continent detient doncune place importante dans la production mondiale.Pour le petrole, en 2013, l’Afrique a assure en 201310% de la production mondiale equivalent a 419 mil-lions de tonnes. Les producteurs africains les plusimportants sont le Nigeria (membre de l’OPEP) avec111 millions de tonnes, l’Angola avec 87 millions detonnes et l’Algerie avec 69 millions de tonnes. Onretrouve dans un second temps la Libye et l’Egypteavec des productions de l’ordre de 40 millions detonnes. D’autres pays comme le Congo Brazzaville,la Guinee Equatoriale et le Gabon detiennent unepart de production d’environ 10 millions de tonnes.Concernant le gaz naturel, en 2013, la productionafricaine a represente 6% de la production mondialeavec 419 millions de tep. L’Algerie est en premiereplace, avec 71 millions de tep, suivie de l’Egypte et duNigeria. Contrairement au petrole, la production degaz naturel en Afrique est limitee a quelques pays. Laproduction africaine de charbon est quant a elle faiblerelativement a la production mondiale. En 2013, oncompte 147 millions de tep (3,8% de la productionmondiale). En depit des reserves considerables, seulel’Afrique du Sud est positionnee sur le marche ducharbon et represente la quasi-totalite de la produc-tion.

Reserves en hydrocarbures 6

Petrole

Les reserves africaines sont estimees a environ8% des reserves mondiales de petrole. Les paysavec le plus grand potentiel petrolier sont, dansl’ordre decroissant : la Libye, le Nigeria, L’An-gola et L’Algerie. Dans un second temps, on re-trouve l’Egypte, la Guinee, le Congo, le Gabon et

4. Donnees Banque Mondiale5. voir annexe - Source : BP Statistical Review 20136. voir annexe - Source : BP Statistical Review 2013

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le Sud Soudan. Ces pays ont des reserves globale-ment equivalentes mais n’ont pas le meme rythme deproduction. Globalement, le ratio reserves sur pro-duction africain est de 40 ans, ce chiffre est moinsimportant que le ratio mondial qui lui est de 53ans. On estime qu’apres 20 ans, la plupart des paysproducteurs (Algerie, Gabon, Congo, Angola) au-ront exploite entierement leurs ressources. Le Nigeria,quant a lui, compte un ratio de 44 ans. Cependant,ce schema n’est pas fige. D’importantes reserves ontete decouvertes recemment en Afrique de l’Est.Si on regarde de pres les ratios reserves sur produc-tion en Afrique, on constate en effet des dynamiquesde production tres differentes. Certains pays commele Sud Soudan (ratio de 97 ans), n’exploitent prati-quement pas leurs reserves. Pourtant, ces dernieressont aussi importantes que les reserves de l’Egyptequi est 5eme producteur africain. Le Tchad, egalement,avec des reserves equivalentes au Congo (Brazzaville),s’oppose a celui-ci avec un ratio de 44 ans contre 16ans pour le Congo.Quoi qu’il en soit, de faible teneur en soufre, lepetrole africain est de bonne qualite et adapte auxbesoins des raffineries des pays de l’OCDE (eu-ropeennes notamment). De plus, grace a sa situationgeographique, il represente un marche facile d’accespour les Etats occidentaux, en comparaison avec lepetrole du Moyen-Orient ou d’Europe de l’Est. Autreparticularite, a l’exception notable du Tchad, paysenclave, ce petrole est principalement off-shore, rela-tivement facile a produire et a l’abri des problemesde securite que peut rencontrer le petrole produiton-shore.

Gaz naturel

Les reserves Africaines en gaz naturel representent7,6% des reserves mondiales. Elles sont principale-ment en Algerie et au Nigeria (qui detiennent chacunenviron 30% des reserves africaines) mais aussi enEgypte et en Libye. Globalement, l’Afrique presenteun ratio Reserves sur Production de 70 ans, et doncplus important que le ratio mondial (55 ans). Lesdynamiques de production sont evidemment impor-tantes pour les pays cites.

D’importantes decouvertes en Afrique

L’Afrique est peut etre le continent le plus dyna-mique du point de vue des decouvertes des hydro-carbures. Dans un rapport redige par l’IFP EnergiesNouvelles sur les decouvertes d’hydrocarbures en2012, l’Afrique est au cœur du sujet. Cette figureextraite du rapport montre le volume des decouvertesmondiales. Sur la derniere decennie, c’est l’Afrique

subsaharienne qui represente ces decouvertes. : oncompte le Ghana, l’Angola et surtout le Mozambiqueet la Tanzanie (decouvertes de gaz naturel).

Figure 5: Decouvertes mondiales d’hydrocarbures en2012

CharbonEn matiere de charbon, l’Afrique detient 3,6% des

reserves mondiales. Cette part n’est pas specialementimportante mais le continent africain n’exploite passes reserves. L’Afrique du Sud est le seul producteurimportant et possede des reserves considerables (ratioR/P de 117 ans).

Potentiel renouvelable 7

Le potentiel en energies renouvelables de l’Afriqueest consequent, notamment en ressources hydrau-liques, et pourrait constituer une voie privilegieevers une croissance durable. Dans une moindre me-sure, l’Afrique dispose egalement d’un potentiel engeothermie, en energie solaire, en eolien, et en utilisa-tion maıtrisee de la biomasse. Ce potentiel est large-ment superieur a ce que l’Afrique exploite reellementaujourd’hui.L’utilisation du potentiel hydraulique, a lui seul, per-mettrait de fournir toute l’electricite necessaire al’Afrique. On peut differencier petite hydraulique(rivieres et cours d’eau, production d’electricite lo-cale et approvisionnement en eau) de grande hydrau-lique (barrages). Actuellement, seulement 2 at 7%(selon les sources) du potentiel de grande hydrau-lique est exploite, et la part de l’hydraulique dans laproduction d’electricite est encore assez faible (en-viron 19% au global de l’Afrique, plus importante

7. L’Energie en Afrique a l’horizon 2050 - Jean-Pierre Fa-vennec ou rapport de l’IRENA 2012

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en Afrique subsaharienne, mais a nuancer car laproduction d’electricite est de toutes facons assezfaible). En Republique Democratique du Congo, ledeveloppement du barrage Inga doit, a terme, propo-ser une capacite hydraulique de 40 GW. On estimele potentiel de grande hydraulique total du pays a110 GW, ce qui en fait le troisieme potentiel mon-dial, derriere la Chine et la Russie. Le recours a lapetite hydraulique est encore tres faible. Pourtant,les regions isolees d’Afrique centrales et meridonialespossedent des cours d’eau permanents qui offriraientun excellent apport en energie.Le potentiel heliotermique est egalement importantet sous-exploite. A plusieurs endroits, notammentdans le desert saharien, l’energie recuperable est del’ordre de 2500 kWh par m2 et par, ce qui corresponda trois fois plus que l’energie recuperable moyenne enEurope. Mais actuellement, les initiatives l’utilisationde l’energie solaire sont encore tres faibles.La geothermie exploitable en Afrique est egalementconsequente. On estime qu’avec les technologies ac-tuelles, on pourrait produire une capacite de 9 000MW issus de la geothermie. Actuellement, 115 MWsont installes, soit 13% du potentiel total. La valleedu Rift, en Afrique de l’Est, possede notamment unfort potentiel geothermique.En ce qui concerne l’eolien, seules l’Afrique du Nordet l’Afrique du Sud possedent un potentiel signi-ficatif. L’Afrique subsaharienne, a cheval sur deszones equatoriales et tropicales, ne beneficie pasd’un regime venteux suffisant pour pouvoir l’ex-ploiter. 29% des des ressources mondiales en eoliense trouvent en Afrique, et ne sont, pour l’instant,pas encore exploitees. Des projets sont en cours dedeveloppement en Egypte, au Maroc, et en Afriquedu Sud.

Figure 6: Localisation des principales sources de poten-tiel renouvelable

Les obstacles a l’utilisation dulevier energetique pour ledeveloppement de l’Afrique

Malediction du secteur primaire etmauvaise gestion des rentes

L’Afrique est largement tributaire des secteursprimaires, qui representent 80% 8de ses exportations.Les pays Africains riches en petrole ne sont donc pascompetitifs dans les autres secteurs que le secteurprimaire. A titre d’exemple, le Nigeria, premierexportateur petrolier en Afrique, importe desproduits petroliers bruts, extraits de son sol. Celaest du a un manque d’infrastructures de raffinage.Il existe plusieurs modeles de pays exportateurs :certains sont arrives historiquement a s’affranchir deleurs ressources dominantes (Canada, Etats-Unis,Australie, Bresil) et de diversifier leur economie pourune croissance solide et independante des matierespremieres (et donc independante de la volatilite desprix des matieres premieres). D’autres, comme lespays africains, vivent le paradoxe de l’abondancedes ressources et de la vulnerabilite economique.L’Afrique est dans un cercle vicieux : a causede son deficit en infrastructures, ses perspectivesde croissance dependent des projections des prixpetroliers, faisant apparaıtre un risque economiquestructurel permanent. Cette figure publiee par leFMI dans un rapport sur l’Afrique illustre cespropos dans le cas de l’Angola.

Figure 7

8. Selon une contribution preparee pour le seminairede haut niveau du FMI Ressources naturelles, finance etdeveloppement, Alger, 4-5 novembre 2010

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L’Afrique vit ce qu’on a longtemps appele � leSyndrome Hollandais � (vocable utilise en referenceaux difficultes economiques rencontrees par lesPays-Bas avec l’exploitation de gisements gaziersdans les annees 1960), qui affirme que l’abondancedes ressources est une malediction et qu’elle aun effet negatif sur la croissance. En depit de sesressources abondantes energetiques ou minieres(petrole, gaz, diamants, cuivre), l’Afrique peine aremonter la pente et a depasser cette dependancepour une economie secondaire. Il existe un mou-vement de concentration economique autour dusecteur extractif, qui est intensif en capital, mais trespeu en main-d’oeuvre : une fois les infrastructuresen place, le fonctionnement des tours de forage etdes plates-formes ne requiert que peu de personnel.C’est pourquoi un boom petrolier ne permet pasforcement de faire croıtre l’economie d’un pays.De plus, la demande accrue de petrole et de gazgenere des flux financiers considerables. En effet,l’exploitation petroliere fournit une grande partie desrecettes des pays africains comme l’Angola, la Guineeequatoriale ou le Nigeria. Theoriquement, cet apporten capital devrait financer leurs efforts et leursstrategies en matiere de developpement. Mais pourle moment, la rente generee par la vente des matierespremieres, pour la plupart energetiques, destabilisel’activite economique des pays riches en ressourcesnaturelles. Selon de nombreux economistes, commeSala-i-Martin ou Subramanian, cette rente cree desconditions propices a la corruption et aux gaspillages.Des pays comme le Nigeria, l’Angola et le Soudanont sombre dans la guerre civile. Comment est doncnee cette malediction ? Quels en sont les facteurs ?Il existe encore en Afrique d’importants problemesde gouvernance concernant la rente petroliere.La majorite des contrats d’exploitation sont descontrats de concession, signes a l’epoque de lacolonisation. Aujourd’hui, l’Afrique s’ouvre auxcontrats de type partage de la production. Larente petroliere, qu’elle soit issue des royaltiesversees par les compagnies, ou de la vente desbarils recuperes d’apres le partage de production,n’est pas geree de facon optimale et pourrait etremise a contribution d’une bien meilleure manierepour participer au developpement local. En effet,longtemps, les gouvernements africains ont utilisecette rente petroliere comme deuxieme caisse del’Etat, pour des utilisations hors-budget officiel. Larente petroliere a egalement servi a financer l’achatd’armes et donc entretenu les conflits et les guerresciviles, notamment en Angola, au Nigeria ou auCongo. Le cas du Tchad fournit des enseignements

interessants sur le probleme de la gouvernance enAfrique. Le pays s’est en effet engage aupres dela Banque Mondiale a allouer d’une facon plusefficace la manne petroliere, en echange d’un soutienfinancier de la part de l’institution. En 2003, leParlement tchadien adopte la Loi 001 qui prevoitalors que 72 % des revenus soient alloues a dessecteurs prioritaires pour le developpement (sante,education, infrastructure), 10% soient bloques surun compte pour les generations futures et 4,5%aillent aux regions productrices. Des les premierestransactions, des incoherences apparaissent. Commela plupart des pays africains, le gouvernementtchadien utilise une partie des revenus pour l’achatd’armes. La situation se degrade en 2005, la loi 001est modifiee par le president Idriss Deby Itno quiajoute les depenses de securite et l’administrationaux domaines prioritaires au financement. Le Fondspour les Generations Futures est dissous.

Un autre probleme de gouvernance specifique auxpays Africains riches en ressources petrolieres est lasubvention des hydrocarbures. En effet, une faconpassive de placer les recettes de la rente petroliereau profit de la population est de subventionner leshydrocarbures consommes. Au Nigeria comme enEgypte, les prix du carburant a la pompe n’ont paschange depuis des decennies. Au Nigeria, a titred’exemple, les subventions representent environ 6%du PIB. Cette politique vertueuse en apparence poseplusieurs problemes. En premier lieu, les subventionsne profitent qu’a des categories aisees de la popula-tion africaine et repartit ainsi la richesse petroliered’une facon inegale. Dans un second temps, elle aengendre des phenomenes comme le gaspillage etl’absence d’une culture d’economie d’energie. Au-jourd’hui, le trafic routier au Caire est ingerable entermes de pollution et de nombre de voitures. Si lasubvention des hydrocarbures pour les entreprisespeut etre un levier pour dynamiser la croissance along terme, une subvention sauvage sous cette formene repond pas au besoin de developpement africain.

Un manque d’investissements qui paralysele developpement energetique

Terre de tous les paradoxes, l’Afrique illustre le pa-radoxe de l’economiste Rober Lucas : contrairementaux previsions de la theorie economique neoclassique,les flux internationaux de capitaux ne penetrent pasl’Afrique en depit de son potentiel. Les projets dedeveloppement energetique en Afrique ne manquentpas mais les capitaux, eux, font souvent defauts. Le

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seul secteur de l’energie en Afrique necessiterait, selonles estimations de la conference des Nations Unies surle commerce et le developpement, 29 milliards de dol-lars par an, en depenses de capital, au cours des dixprochaines annees. Si on fait un zoom sur l’Afriquesubsaharienne, d’un point de vue general, les paysn’investissent aujourd’hui que 45 milliards de dol-lars au lieu des 93 milliards qui seraient necessaires.Pourquoi le potentiel energetique ne suffit pas audeveloppement Africain ? Pourquoi n’y a-t-il pas en-core eu de developpement energetique effectif enAfrique ?

Du point de vue des entreprises et des bailleursde fonds, l’investissement est une operation risquee.Plusieurs facteurs sont pris en compte et font quel’Afrique ne beneficie pas d’une attractivite suffi-sante. Dans le rapport de la conference des NationsUnies sur le commerce et le developpement CNU-CED, malgre une tendance a la hausse, dans 22pays du continent, la productivite de l’investisse-ment n’a pas change ou a diminue entre 1990-1999et 2000-2011. En outre, l’augmentation globale de laproductivite des investissements occulte le fait quel’investissement public est peu productif en Afriquesubsaharienne.

Un secteur et un marche incertains

La strategie d’investissement est conditionneeavant tout par l’existence d’un marche poten-tiel. Ce marche se materialise par une perspectiveconsequente de la demande qui donne une idee du pro-fit realisable. En Afrique, meme si les pays du Magh-reb ou l’Afrique du Sud repondent a cette exigence, lereste des etats fait face a une croissance desequilibree.Il subsiste de vastes franges de populations quisont dans l’incapacite de repondre a leurs besoinselementaires et ne detiennent pas un pouvoir d’achatattractif aux yeux des investisseurs (petit nombrede consommateurs, faible consommation, non sol-vables). Le secteur energetique est particulierementcomplexe car il offre une rentabilite limitee. A titred’exemple, les investissements dans l’electrificationrurale s’adressant a des populations pauvres (ma-joritaires en Afrique sub-saharienne) n’offrent au-cune perspective economique et ne peuvent etre en-visages que par les ONG ou les institutions de fi-nancement comme la Banque Mondiale, La BanqueAfricaine de Developpement ou l’Agence Francaisede developpement. Dans ce cas, on pourrait s’at-tendre a ce que les etats africains proposent desformules d’obligations d’achats ou des subventionspour pallier a ce probleme et permettre a des projetsd’infrastructures energetiques d’etre rentables. Outre

le marche existant, il est clair que la fonction decout dans le secteur energetique est importante. Eneffet, il requiert la mise en place d’infrastructuresimportantes qui sont inexistantes et qui demandentdes investissements tres lourds. De plus, le retoursur investissement dans le secteur de l’energie est aenvisager sur le long terme.

Un climat handicapant

Le climat qui regne en Afrique et qui a ete evoqueprecedemment n’encourage pas les investissements endepit des ressources energetiques. L’indice de securitepour les investissements est tres mediocre en Afrique :instabilite politique, climat de corruption, lourdeurde l’appareil bureaucratique (inefficacite de l’adminis-tration) remettent en cause les notions de primautedu droit, de droits de propriete, l’execution des ac-cords d’achats d’electricite et le remboursement desdettes publiques. Ceci fait planer une incertitude etun risque important sur les investissements. Aujour-d’hui, sans les garanties de la Banque Mondiale, laplupart des projets de developpement en Afriquene verraient pas le jour. Un obstacle plus pesant,et qui est sans doute le fruit des facteurs evoques,est l’absence ou la deficience du cadre institution-nel et juridique. Si on demande a un investisseur 9

quel element determine ses choix, la reponse estinevitable : un cadre juridique et institutionnel quilui garantit son retour sur investissement et ses droits.Cet element existe pour le moment en Afrique duSud, en Afrique du Nord et commence a etre misen place dans des pays comme le Nigeria ou l’An-gola. Neanmoins, l’Afrique est un continent incertainpar rapport a ce que peuvent offrir d’autres paysemergents plus stables et dotes d’un cadre institu-tionnel plus fiable et mieux ancre.

Une deficience dans le systeme financier

Il existe en Afrique une absence remarquable devisibilite de l’information financiere due a l’opaciteadoptee par les pays africains. Le cout de l’informa-tion est des lors non negligeable pour les investis-seurs. Les pays africains doivent en urgence se doterde bases fiscales solides. Pour le moment, hormispour le secteur petrolier tire par la pression de lademande, de nombreux pays africains ont du mala s’armer d’une politique fiscale efficace et definie(l’impot sur les societes, sur les gains en capital. . .).On parle souvent de fuites de capitaux et de systeme

9. Temoignage du responsable zone Afrique et Moyen-Orient de la Banque de Lazard a une Conference a l’Institut desEtudes Politiques de Paris sur le developpement energetiqueen Afrique (25 Decembre 2014)

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financier opaque. � La fuite des ressources hors del’Afrique au cours des trente dernieres annees – quasil’equivalent du PIB actuel de l’Afrique – freine ledecollage du continent �, a declare Mthuli Ncube,economiste en chef et vice-president de la BanqueAfricaine de Developpement.De l’autre cote, ce sont les investissements locauxqui recoltent les mefaits de ce manque de liquiditeet d’absence de lignes de credit (par consequent). Laplupart des pays africains choisissent de pratiquer desrestrictions sur la libre circulation des capitaux et demettre en place des taux d’interet exorbitants. Desdonnees extraites du bulletin mensuel de Septembre2014 de la Banque centrale des etats de l’Afriquede l’Ouest montrent des taux d’interet au niveau del’UEMOA (Union economique et monetaire ouest-Africaine) de l’ordre de 7%. Plus parlant, le site de laBanque mondiale affiche en 2013 des taux d’interetreels tres importants : 13% pour l’Angola, 16% pourla RDC et 10% pour le Nigeria.

Un deficit democratique

D’autre part, l’Afrique accuse, dans certains pays,d’un veritable deficicit democratique : regimes autori-taires en Angola, au Tchad, en Ethiopie, coups d’etatrecents au Niger, en Mauritanie ou en Cote d’Ivoire.Or la presence effective d’un regime democratiqueest un element indispensable a la reconnaissanceet a la legitimite d’un Etat sur la scene interna-tionale. Dans le domaine du developpement via lelevier energetique, qui necessite des investissementsetrangers, cela peut constituer un frein majeur.

Attractivite sur fond de neocolonialisme

Avec ses ressources non exploitees, et la promessede ce qu’elles peuvent apporter, l’Afrique, malgrela frilosite des investissements, reste au coeur detoutes les pensees et toutes les envies. Beaucoupde sommets, France-Afrique, Chine-Afrique, Etats-Unis-Afrique, se succedent et nous amenent anous interroger sur la teneur des relations qu’elleentretient avec le reste du monde.

Europe

Lors de la creation de l’Union Europeenne, RobertSchuman declarait : “L’Europe pourra, avec desmoyens accrus, poursuivre la realisation de l’unede ses taches essentielles : le developpement ducontinent africain”. Par leurs histoires imbriquees, ilparait coherent que l’Europe s’interesse de pres ausort africain. Malgre une apparente bonne volonte,elle n’est pas totalement desinteressee et ses actions

sont parfois teintees d’une saveur colonialiste. Eneffet, l’Afrique represente un marche interessantpour des entreprises en quete de developpement etles interventions europeennes peuvent favoriser leursimplantations. On peut citer le cas de l’entreprisede BTP francaise Eiffage, poussee par l’AgenceFrancaise de Developpement, qui mise une grandepartie de sa strategie de developpement sur lesprojets africains comme la construction de grossesinfrastructures, de centrales electriques au Gabonou au Senegal. Par ailleurs, via les compagniespetrolieres (ENI, TOTAL, Shell) qu’elle encourageet supporte, l’Union Europeenne cherche surtouta couvrir ses besoins en energie, au detriment despopulations locales, de leur environnement et deleurs conditions de vie. Tout est alors permis poursecuriser ses apports, et de nombreux scandales onteclate ces dernieres annees, comme la decouverte duvaste systeme de corruption au Nigeria, ou les degatsenvironnementaux ou sanitaires mis en evidence(fuite des oleoducs, torchages du gaz).

ChineDepuis les annees 80, la Chine s’interesse de pres

a l’Afrique. Ce continent se revele strategique, d’unepart pour trouver des debouches aux produits etservices chinois, et d’autre part pour securiser les ap-provisionnements energetiques de la Chine (petrole,charbon, uranium) necessaires a la forte croissancede son economie. La Chine se rapproche donc despays africains, par d’importants investissements demilliards de dollars dans le secteur de l’energie etdes infrastructures, sans jamais se preoccuper de lanature du regime qu’elle peut encourager de la memefacon. En 2009, elle signe par exemple un accord de 7milliards de dollars pour un projet minier en Guinee,moins de deux semaines apres une repression brutale(assassinat de 150 sympathisants de l’opposition aupouvoir en place en Guinee). Peu apres, a l’issue duforum de cooperation de l’Afrique a Sharm-el-Sheikh,la Chine accorde un pret global de 10 milliards dedollars, et devient ainsi le premier bailleur de fond del’Afrique. Ce rapprochement a commence des 1983,avec l’Angola, richement pourvu en hydrocarbures,mais tres instable politiquement. Personne ne voulaitse risquer a investir. La Chine s’est donc durable-ment implante en controlant une grande partie desressources, et aujourd’hui l’Angola est le deuxiemeproducteur de petrole d’Afrique (2,3% de la pro-duction mondiale, juste apres le Nigeria). La Chineessaie de se demarquer d’autres etats aux allures de“neo-colonialistes” en se proclamant porte-parole despays emergents, et jouant de son soft-power : prets

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aux etats, fondations d’ecoles, forums de cooperation.Cependant, sa participation a la geopolitique afri-caine de plus en plus active devient visible et n’estpas toujours bien accueillie, car l’arrivee massive dela Chine en Afrique inquiete certains specialistes, quicraignent une dependance accrue du continent vis avis de la Chine, via un endettement massif.�Il ne fautpas que l’Afrique sorte d’un neocolonialisme pour al-ler tomber pieds et poings lies dans le neocolonialismechinois� conclut sur ce sujet Rene N’Guettia Kouassi,directeur du departement des affaires economiquesde l’Union africaine.

Les defis africains a relever :mesures et recommandations

Developper l’energie c’est aussidevelopper l’Afrique

L’energie est une source et une consequencedu developpement. Il est clair que la croissanceeconomique et la consommation d’energie sont liees :le progres d’un pays est directement correle au degred’acces a l’energie. L’Histoire confirme une elasticiteunitaire entre l’accroissement de la demande del’energie et l’accroissement du PNB. Cet acces estgage d’un niveau de vie decent pour la populationen termes de sante et d’education mais aussi unpuissant levier de developpement pour les industrieslocales. Le niveau de developpement reflete doncincontestablement le niveau energetique. Quels fac-teurs permettront a l’Afrique de developper le secteurenergetique ?

Un nouveau modele de gestion de la rentebase sur la transparence

Avant tout, il faudra mettre en place un nouveaumodele de la gestion de la rente, qui soit efficace ettransparent. De nombreux pays africains riches enressources oeuvrent dans ce sens et ont introduit desregles specifiques d’allocation de la manne petroliere.Au Congo et au Nigeria, tout surplus est deposedans un compte special aupres de la Banque cen-trale. Une partie importante des recettes petrolieresa ainsi ete epargnee au Nigeria en 2004 a la faveurde l’envolee des cours. Le gouvernement du Congo aquant a lui utilise l’essentiel de l’excedent degage en2004 pour regler les arrieres de sa dette exterieure,afin d’ameliorer ses relations avec la communauteinternationale 10. Ces exemples montrent que les gou-

10. Source : Perspectives economiques en Afrique 2005 parl’OCDE et la BAD

vernements africains ont pris conscience du problememais que les initiatives manquent encore de fermete.L’objectif principal est de mettre en place des lois quitracent les recettes d’exportation et qui les engagentdans des usages prioritaires (education, energie, trans-ports, sante..). Par exemple, apres les crises evoqueesprecedemment, le Tchad s’est engage en 2006 aupresde la Banque Mondiale. Il a prevu que 70% des reve-nus petroliers seront affectes a la lutte contre la pau-vrete. Toutefois, avant l’allocation, il est necessaired’avoir une vision claire des recettes petrolieres. Latransparence permettra la fin de la captation de larente. On limitera de ce fait la fuite des capitaux etl’evasion fiscale en maximisant le capital en faveurdu developpement. Global Witness a plaide 11pourplus de transparence dans les transactions financieresentre les multinationales et les Etats d’une part etdans les investissements publics et prives d’autre part.L’ONG a lance un appel en direction des institutionsinternationales et des agences de credit pour qu’ellesobservent cette necessaire clarte dans leurs rapportsavec les pays africains producteurs de petrole. Seulscinq etats africains (Afrique du Sud, Ghana, Ile Mau-rice, Seychelles, Botswana) sont aujourd’hui membresdu forum mondial sur la transparence et l’echanged’informations a des fins fiscales.

Developper un capital humain

Une des recommandations les plus cruciales estque l’Afrique devra se forger un capital humain doted’une expertise dans les domaines de politique pu-blique, d’economie, de gestion des investissementset d’ingenierie. Ce dernier sera necessaire pour batirune economie solide, des infrastructures energetiques,des ecoles, des universites et des hopitaux quiaugmenteront le niveau de vie et permettront undeveloppement general. Il permettra aussi, dans unpremier temps, de bien gerer le capital energetique entermes de contrat avec les compagnies internationales.Les pays africains doivent etre capables de determinerla meilleure strategie pour optimiser l’exploitationde leurs ressources energetiques au regard des impotssur les societes petrolieres et les taxes sur le gainen capital. Pour cela, les pays doivent investir dansl’education, les echanges avec l’international pour letransfert de savoir mais surtout dans une politiqued’attraction des cerveaux de la diaspora africaine.Actuellement, la plupart des pays petroliers exigentque les compagnies internationales forment le person-nel local pour assurer le transfert d’experience et deconnaissances. Francis Ackah, directeur technique de

11. Rapport publie par l’ONG Global Witness sur l’opacitefinanciere en Afrique

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la compagnie nationale petroliere du Ghana, a declareen 2009, a l’epoque de la decouverte de gisements auGhana, � A l’heure actuelle, il faut reconnaıtre quenous n’avons pas le savoir-faire necessaire pour gerercette enorme ressource, mais nous pouvons nous es-timer heureux car nous beneficions de l’experienced’autres pays �. 12

Dynamiser les investissements

Les etats africains ont un role cle a jouer pourpromouvoir l’investissement comme source de crois-sance. Les decideurs politiques ont a leur disposi-tion une multitude de leviers et doivent construireune politique publique stable. On retrouve troispossibilites d’investissements qu’il faudra dynami-ser differemment :

– l’investissement direct etranger IDE : Les inves-tissements directs etrangers (IDE) en Afriqueont atteint 43 milliards de dollars en 2013, soitune hausse de 16,2% par rapport a 2012 13. Lerapport intitule � Perspectives economiquesmondiales � publie en Avril 2014 par le FMIprecise que la majeure partie de ces inves-tissements est restee orientee vers le secteurdes industries extractives. Dans le domaine del’energie, ils se heurtent aux obstacles evoquesauparavant. Pour les developper, il faudraimperativement mettre en place un cadre insti-tutionnel et juridique solide et fiable.

– l’investissement via le secteur public : C’estsans doute la forme la plus adaptee a undeveloppement profond et solide. L’Etat gracea ses recettes fiscales et ses recettes d’exporta-tions pratique l’emprunt public et investit viades politiques adaptees. Pour le moment, memesi l’investissement public joue un role essentiel decatalyseur dans le processus de developpement,son taux a diminue dans au moins 23 pays aucours des deux dernieres decennies, les baissesles plus marquees ayant ete observees dans lespays suivants : Cabo Verde (baisse de 18,1% a13%) ; Egypte (de 14,5% a 8,2%) ; Erythree (de17,6% a 13,4%) et Lesotho (18,2% a 9,1%) 14.Il reste neanmoins consequent dans les paysriches en ressources. Dans le rapport de laconference des Nations Unies sur le commerce etle developpement de 2014, les recommandationssur l’investissement public en Afrique insistent

12. D’apres le site www.lesAfriques.com13. Selon l’Agence Africaine Ecofin d’informations

economiques sectorielles14. Source : rapport de la conference des Nations Unies sur

le commerce et le developpement de 2014

sur l’amelioration de la selection et l’executiondes projets, la meilleure utilisation des infra-structures existantes par des mesures de main-tenance et la focalisation des investissementspublics futurs sur des secteurs tels que l’energieet les transports.

– l’investissement via le secteur prive : Hormisl’Afrique du Sud et les pays de l’Afrique du Nord,le secteur prive local peine a se developper enAfrique. Pourtant, ce secteur est essentiel pourdynamiser l’economie et creer un tissu d’echangeplus dense avec les entreprises etrangeres. Dansun second temps, ce secteur permettra d’ac-croıtre le niveau de la qualification de la maind’oeuvre locale et accelerer les transferts de tech-nologies. Le developpement du secteur privenecessite un perfectionnement des competencesde la main-d’oeuvre, l’elargissement de l’accesa un credit abordable, l’acces a des infrastruc-tures publics et la diminution du cout eleve desfacteurs de production.

Le secteur energetique de demain

Un zoom sur le developpement energetique estprimordial d’une part en raison de l’importancedu potentiel africain et d’une autre, en raison del’importance du secteur pour le developpementgeneral.

Modele economique pour le developpementenergetique en Afrique

Hormis les recommandations generales sur le cli-mat d’investissement et la politique de gouvernance,le developpement energetique necessite une politiquespecifique. Chaque pays africain devra avant toutcomposer son mix energetique a partir des ressourcesa sa disposition et de son potentiel d’investissement.L’adaptation des infrastructures et des projets aupotentiel local est donc cruciale. A titre d’exemple,le plan energetique camerounais 15 qui vise a resorberle deficit du pays (40 GWh par an) pour porterla puissance installee a 5 000 MW d’ici a 2020(contre 1 337 MW actuellement), mixe la miseen place de structures energetiques gazieres pourl’usage industriel et des structures hydroelectriques.Sachant qu’il dispose d’un potentiel hydrauliqueestime a 20 GW (le deuxieme du continent apresla RD Congo), dont il n’exploite que 6%, il a misen place le barrage-reservoir de Lom Pangar (30MW), sur la Sanaga. Il est construit par la China

15. Economie JeuneAfrique : ”Cameroun, les secteurs clesde la croissance”

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International Water and Electric Corporation etl’Electricity Development Corporation, pour un coutde 75 milliards de F CFA, cofinances par la Banquemondiale, la Banque africaine de developpement(BAD) et l’Agence francaise de developpement.Pour les infrastructures energetiques d’envergurenationale ou regionale, un des modeles interessantspour permettre le decollage energetique de l’Afriqueest de construire des partenariats public-prive.Si la politique d’investissement le permet, unsysteme de concession peut etre mis en place : lesetats confient la gestion d’un projet energetique aune entreprise privee. Elle est alors en charge dudeveloppement de l’acces a l’energie, et beneficied’une exclusivite d’exploitation sur une duree longueafin de rentabiliser ses investissements et degagerdes benefices. A terme, la puissance publique devientproprietaire des infrastructures. Cette solution esttres interessante car elle libere le pouvoir publiqueet dynamique le secteur prive sous reserves d’unclimat favorable. Par exemple, l’entreprise publiqueGDC (Geothermal Development Company) 16 secharge de l’exploration des ressources geothermiquesau Kenya. GDC prend donc en charge les risquesde l’exploration : elle procede ainsi a des etudes desurface, d’exploration, d’evaluation et de productionde forage. Les investisseurs seront par la suite invitesa s’associer au developpement de la centrale dans lecadre d’un partenariat public-prive. Cette solution apermis d’alleger le risque lie a l’investissement dansla geothermie qui aurait ete repercute sur le prixpropose au consommateur. Ainsi, grace a ce modele,le Kenya s’engage dans un modele de developpementviable s’inspirant de son potentiel geothermique.

Efficacite energetique

Dans un monde ou les revolutions indus-trielles passees sont nombreuses, il est importantque l’Afrique prenne en compte l’experienceenergetique des pays industrialises pour optimiserson developpement. Actuellement, l’efficaciteenergetique n’est pas d’actualite en Afrique. Pour-tant, on peut evoluer les economies potentiellesa un tiers de la consommation actuelle 17. Il estdonc important d’integrer cette composante dansle projet de developpement energetique en Afriquepour permettre une croissance plus performante. Unplan d’action et des institutions specialisees doiventdonc voir le jour pour superviser la mise en place

16. Source : Le site officiel GDC Geothermal DevelopmentCompany

17. Source : L’ENERGIE EN AFRIQUE A L’HORIZON2050 - AFD-BAD

d’infrastructures et de projets energetiques. Plusparticulierement, il faudra cibler la consommationde carburant dans les transports, l’efficacite desbatiments au vu de la climatisation et l’utilisationd’equipements performants pour les usages domes-tiques.

Defis de l’electrification

Developpement des interconnexions

Nous l’avons identifie precedemment : l’Afrique estun continent tres peu electrifie, et son developpementa la fois economique et social est fortement dependantde sa politique d’electrification dans les annees avenir. Aujourd’hui, la plupart des infrastructuresen place sont heritees de l’epoque coloniale : ellessont vetustes et generent des couts d’exploitationtres onereux. L’interconnexion entre les differentspays, que ce soit a petite ou grande echelle, sembleetre un pari audacieux qui posent beaucoup deproblematiques, economiques et politiques, mais quiparaıt etre une premiere reponse pertinente aux be-soins actuels et urgents de l’Afrique. En effet, beau-coup de pays, pris dans leurs individualites, sont troppetits ou trop peu peuples et n’ont pas les moyensd’investir seuls dans des nouvelles infrastructurescouteuses. Investir a plusieurs permet de jouir desystemes plus performants, ce qui peut entraınerune baisse significative des couts de production. EnAfrique de l’Ouest par exemple, 14 pays se sont re-groupes pour investir ensemble dans un reseau detransport electrique. Eiffage, groupe francais, inter-vient dans ce projet de grande envergure. Il a entreautre pour mission de relier le Burkina Faso, paysenclave qui n’a pas acces a des ressources energetiquea prix abordable, avec le Ghana et la Cote d’Ivoirequi peuvent produire en excedent et sont capablesd’exporter de l’electricite. Il a deja realise en 2012l’interconnexion entre le Burkina Faso et le Ghanaet pense finir le bouclage d’ici 2015. De maniereplus generale, les pays cotiers ont des ressourcesen hydrocarbures et produisent actuellement assezd’electricite pour pouvoir l’exporter et donc venir enaide aux pays enclaves.

D’autres exemples d’interconnexion reussie sonten place en Afrique de l’Est. Djibouti, qui dependenormement du petrole et qui est donc expose a lavolatilite des prix des hydrocarbures, et l’Ethiopie,qui possede un reseau base essentiellement surl’hydro-electrique, au cout de production parconsequent plus faible, ont decide de relier leurs

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Figure 8: Projets d’interconnexion en Afrique de l’Ouest

reseaux en 2002. Ce projet qui concerne uneconnexion de 35MW depuis l’Etiopie a ete en partiefinance par la Banque Africaine de Developpementet termine en 2012. Selon l’INERA, Djibouti areduit sa consommation d’energie fossile de 65%en la remplacant par de l’electricite verte, ce quidiminue a la fois sa facture energetique, et sonempreinte carbone. 33 000 habitants de Djibouti,ainsi que les villes ethiopiennes rurales frontalieresen beneficient. Ceci est important car en dehors desgrandes agglomerations, les habitants beneficientpeu du developpement des reseaux interconnectes :seulement 5 a 15% des populations rurales ontaujourd’hui acces a l’electricite, ce qui s’explique parla dispersion des habitations, et la faible consomma-tion. Il ne faut donc pas oublier le developpementlocal des reseaux de distribution dans ce grand enjeuque represente l’electrification.

Developpement local

Aujourd’hui, l’electricite reste un produit trescher (du a sa rarete). En effet, son prix dans leszones connectees au reseau s’etablit aux alentoursde 12c$/kWh, un prix equivalent a celui des pays del’OCDE, sachant que l’Afrique possede un niveaude vie environ 15 fois inferieur. Hors reseau, lesprix sont 2 a 3 fois plus eleves (solution de groupeelectrogene, solaire). La pauvrete est l’un desobstacles majeur a l’electrification. Pour y pallier,la Cote d’Ivoire a par exemple decide de diminuerdrastriquement les prix d’abonnement, avec pourobjectif de relier 100% de la population au reseauelectrique d’ici 2020. Une deuxieme reponse quise profile peut etre une production locale pourune consommation locale pour l’electrification desmilieux ruraux. Si le monde Africain urbain est

forcement destine a des grandes infrastructuresconventionnelles, le monde rural necessite desmodeles economiques plus en adequation avecses particularites (faible pouvoir d’achat et faibleconsommation). Par exemple, A Dar Salam al’Est de Tambacounda au Senegal, l’entrepriseSchneider Electric a subventionne l’installation d’unemicro-centrale solaire qui permet a l’ensemble duvillage d’acceder a une energie primaire grace a unsysteme de location-rechargement de batteries. Cetteexperience est evidemment encore a l’etude maisdonne au moins une idee des solutions d’integrationenergetique au sein de l’Afrique profonde.

Une ouverture strategique a d’autres secteurs 18

L’electrification est un enjeu majeur pour l’Afriqueet son developpement. Outre sa necessite premierecomme vecteur de croissance et d’amelioration desconditions de vie des africains, l’electrification duterritoire peut etre vu comme un moyen ou un sup-port pour developper des marches dans de nombreuxsecteurs. C’est le cas des telecommunications quibeneficieront largement de la mise en place d’unreseau electrique dense et fiable. Le marche de latelephonie est actuellement en plein essor, avec unecroissance de pres de 20%. Les investissements dansles infrastructures d’alimentation et de distributiond’electricite pourront permettre une plus grandeutilisation des mobiles dans les zones rurales, faisantde l’Afrique un potentiel enorme en terme dedebouches. Orange est par exemple present dans16 pays africains et a installe 1300 antennes relaissolaires pour que la population puisse profiter desservices de telephonies (recharger les batteries parexemple) mais egalement des services energetiques debase comme l’eclairage des ecoles ou la refrigerationdes medicaments dans les hopitaux. Un acces facilitea l’electricite (et plus largement a l’energie) est unveritable defi pour l’Afrique, a la fois sur le plansocial, economique et politique. L’Afrique se doitdonc d’attirer des investisseurs potentiels sur lesprojets d’electrification. Mais les pays concernesdoivent egalement s’armer de prudence car leseventuels industriels interesses auront pour objectifde tirer parti au maximum de cet enorme marcheemergent, plus que de contribuer au developpementdu continent.

Energies renouvelables et biomasse

Au vu de leur potentiel consequent, une grandemajorite des etats africains se sont donnes des

18. Selon une etude Bearing Point

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objectifs precis d’integration des EnR dans leurmix energetique sur dix ans. Si l’Afrique reussit amettre en place un systeme possedant les qualitesnecessaires a son developpement, comme nous l’avonsdeveloppe precedemment, la mise en place d’unmix energetique adapte et de son developpementcoherent a long terme est piste d’avenir.

Exploitation du potentiel hydrauliqueSelon l’IRENA, rien que grace a l’hydraulique,

l’Afrique pourrait assurer une production electriquede 1800 TWh, soit 18 fois ce qu’elle a produit en2009. C’est l’Afrique centrale qui detient l’essentielde ce potentiel, capitalisant un quart des cours d’eau.De nombreux projets de barrage hydroelectriquessont en cours de realisation, comme au Camerounavec le barrage Lom Pangar ou en RDC avec lebarrage de Grand Inga. Ce dernier, le plus importantprojet hydroelectrique au monde, pourrait a termeproduire 40 000 MW, soit deux fois plus que lebarrage des Trois Gorges en Chine, pouvant couvrirjusqu’a la moitie des besoins de l’Afrique. Ce barrageest tres controverse quant a son cout (estime a 80millions de dollars), a la corruption tres presenteen RDC, ainsi qu’aux impacts environnementauxqui sont presages. De maniere generale, les barragesnecessitent d’importants investissements, maispermettent en contrepartie la production d’uneelectricite moins chere que celle issue des centralesthermiques. Aujourd’hui, l’Afrique n’en est qu’audebut de la valorisation de ce potentiel largementinexploite.

Developpement du solaireForte de son climat tres ensoleille, l’Afrique peut ti-

rer parti de l’energie solaire. Les infrastructures sontde moins en moins cheres et deviennent largementrentables dans certaines zones d’Afrique tres enso-leillees. La societe nationale d’electricite du BurkinaFaso, Sonabel, vient de signer un accord avec unesociete canadienne pour la construction d’une cen-trale solaire d’une capacite de 20 MW, devenant ainsile leader en solaire sur le continent africain. Cettecentrale, d’un cout estime de 36 millions d’euros, etfinancee en partie par la BAD, possedera une dureede vie de 25 ans et comportera 77 220 panneauxphotovoltaıques.

D’apres un rapport de l’IRENA, l’Afrique pourraitcouvrir l’ensemble de ses besoins energetiques graceau developpement d’un mix energetique entierementrenouvelable. Nous pensons que l’energie solaire etl’hydraulique sont les deux energies renouvelables amettre en place en priorite pour une electrification

efficace.

Amelioration de l’utilisation de la biomasse

Le bois de feu compte aujourd’hui pour unegrande partie de la cuisson en Afrique subsaharienne(seuls 30% des africains ont acces a des techno-logies de cuisson ”propres” 19) et l’utilisation nonmaıtrisee de cette ressource est un veritable freinau developpement de ces regions. D’une part, elleaugmente la deforestation, ensuite, certains gaz decombustion sont toxiques et provoquent de serieusesmaladies respiratoires, parfois mortelles. Enfin, lacollecte du bois demande un temps important auxfemmes et aux enfants, temps qui n’est pas utilisepour l’education, et qui peut etre considere commeun frein au developpement. Deux mesures semblentenvisageables pour ameliorer l’utilisation actuelle dela biomasse.

A court-terme, il faut developper la distributionde foyers ameliores, qui permettraient de reduire lesemissions toxiques et donc l’occurrence des maladiesrespiratoires. Actuellement, le bois est brule entretrois pierres, et 95% du pouvoir calorifique est perdu.La consommation journaliere par famille est estimea environ 10 kg de bois, ce qui correspond a desemissions carbone de 2 a 4 tonnes par famille et paran 20. Pour comparaison, les emissions carbone parhabitant par an en France sont d’environ 6 tonnes. Laquasi-totalite de l’Afrique emet par habitant moinsde deux tonnes de dioxyde de carbone par an, maistoujours est-il que l’utilisation de la biomasse tellequ’elle est actuellement n’est pas optimale, degageplus de dioxyde de carbone que ce qu’elle devrait, enplus des autres desavantages que nous avons cites.Les foyers ameliores, en argile, permettraient uneeconomie de 35% de combustible utilise 21, et pourraitavoir des retombees positives sur l’economie locale,en creant des emplois au niveau des entrepreneurs lo-caux, des artisans et des distributeurs. Cette mesure,pourtant peu couteuse et facile a realiser, selon lerapport de l’Agence Francaise de Developpement etde la Banque Africaine de Developpement, est trespeu mise en place encore.

Ensuite, a plus long terme, il faudrait entamer unetransition energetique et passer du bois de feu brut adu gaz naturel, butane ou methane. La suppressiondu bois de feu ne parait pas encore envisageable,

19. voir IRENA L’Afrique et les energies renouvelables, Rap-port 2013

20. Panetoscope.fr - Emissions mondiales de CO2 dans l’at-mosphere

21. youphil.fr - Foyers ameliores, une solution durable pourl’Afrique - 2012

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mais la methanisation apparaıt etre une alternativeinteressante. En effet, il serait envisageable de mettreen place des unites de methanisation permettantl’utilisation de dechets menagers ou cellulosiques,qui puissent gerer de maniere plus securitaire lesemissions de gaz toxiques et de dioxyde de carbone.Le methane ainsi cree pourrait etre utilise pour lacuisine via un systeme local de distribution du gaz.

Role des organisations et des institutionsinternationales

L’Afrique a toujours pris une place importantedans les plans de developpement des organisationsinternationales comme l’Unesco, la Banque Mondialeou les Nations Unies. En plus de ces institutions,on retrouve les fonds souverains ou solidaires despays, occidentaux pour la plupart, qui orientent leursaides vers l’Afrique. Cette participation au profit dudeveloppement se fait moyennant des engagements dela part des pays Africains en matiere de gouvernanceet de developpement. La presence des organisationsinternationales d’aide au developpement est actuelle-ment plus importante que les investisseurs etrangers.Ces institutions ont permis d’une facon limitee :

– l’augmentation des investissements etrangersgrace a des garanties financieres.

– l’accompagnement des pays dans la mise en placede politiques publiques par le biais d’une exper-tise dans les affaires publiques.

– l’observation et la surveillance de la gouvernanceet de la gestion des capitaux notamment ceuxissus de l’industrie extractive.

– des prets et des capitaux a des taux d’interetsinteressants pour relancer l’economie.

Les initiatives, pour le moment limitees, dansle secteur energetique notamment dans l’accesa l’energie ont ete nombreuses : UN-Energy, lesprojets du groupe de la Banque Mondiale, EUEIl’initiative de l’Union Europeenne pour l’energie,le partenariat UE Afrique. A titre d’exemple, leprojet Objectifs du Millenaire, organe consultatifcree par le secretaire general de l’ONU, a souligneplusieurs programmes d’actions pour l’Afrique dontla geothermie, l’hydraulique et la lutte contre lescoupures electriques. D’autres initiatives emanentdes etats, on cite le plan � Power Africa � annoncepar le president americain Barack Obama en Juin2013. Ce plan vise a augmenter la capacite deproduction d’electricite dans six pays (Ethiopie,Ghana, Kenya, Liberia, Nigeria, Tanzanie) et adonner acces au courant a 20 millions de foyersd’ici 2018. Cet objectif a ete triple lors du sommet

de Washington pour monter jusqu’a 60 millions demenages Africains. La facture s’eleve a 26 milliardsde dollars et fait intervenir la Banque Mondialeet le fond souverain Suedois. Tirant le bilan de lapremiere annee, Stephen hayesdu Corporate Councilon Africa, l’organisme qui federe les entreprisesamericaines en Afrique, estime que la missionest difficile :� Identifier les sites et finaliser lescontrats sont deux choses differentes. Les entreprisesamericaines sont en train d’essuyer les platres et lefinancement cote americain est difficile �. 22 Plusgeneralement, il va sans dire que les institutionsinternationales ont joue et continuent a jouer unrole primordial dans le developpement Africain.Mais cette vision d’aide au developpement, tombeparfois dans l’inefficacite bureaucratique et neprofite pas necessairement aux pays. Une faconplus judicieuse de percevoir les liens Africains avecle reste du monde serait la vision du partenariateconomique. Au sommet de Washington des LeadersAfricains, apres l’annonce de plusieurs projetsd’investissement, le president Tanzanien JakayaKikwete, a affirme � Je me felicite que l’Afrique soitenfin prise au serieux �. � L’objectif n’est plus l’aideet l’assistance, a rencherit la ministre Kenyane desAffaires etrangeres Amina Mohamed, nous avonstrop longtemps tarde a faire evoluer cette relationvers la sphere economique �.

L’energie sera un pilier mais aussi uneconsequence du developpement de l’Afrique.Meme si les pays sont tres differents et ne

doivent pas etre traites de la meme maniere, leprobleme majeur qui ressort est l’absence de vo-lonte politique de bonne gouvernance et d’institutionsfiables. L’Afrique du Sud emerge mais doit encoresecuriser sa gestion energetique, l’Afrique du Nords’est developpee mais stagne aujourd’hui pour desraisons politiques, l’Afrique subsaharienne de l’Ouesta une economie mal geree qui repose uniquementsur les hydrocarbures, et l’Afrique de l’Est traineencore de grandes fractures politiques et sociales.Aujourd’hui, il y a un manque d’expertise humaineet une mauvaise gestion des ressources, notammentenergetiques. Ceci se repercute sur tout les facteursde developpement : investissements, niveau de vie,economie du pays. Le secteur energetique nous ap-parait etre un secteur central dans la constructionde l’economie africaine, et il necessite un engage-ment solide de la part des Etats. Neanmoins, il est

22. Source : African Business Magazine Edition FrancaiseOctobre-Novembre 2014

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sur que l’Afrique presente de belles perspectives etopportunites energetiques (energies renouvelables,decouvertes d’hydrocarbures, projets d’electrificationlocale) qui pourront, dans les bonnes conditions, per-mettre un boom economique et energetique. Il faudraalors, de la part des Etats, une politique solide pourfaire face a la convoitise des puissances mondiales.

References

[1] African Business Magazine - Edition FrancaiseNovembre 2014 ”USA/Afrique : comment lesamericains investissent sur le continent”

[2] LesAfriques.com, 2009 Article : ”Comment leGhana exorcise la malediction du petrole”.

[3] Rapport des Nations Unies sur le Commerce etle Developpement, Juin 2014

[4] Le capital investissement en Afrique, 2014- Neuvieme forum pou le developpement del’Afrique a Marrakech Document de travail :des financements innovants pour la transforma-tion de l’Afrique

[5] BP Statitical Review, 2013 - Site officiel de BP(2014). Donnees statistiques sur l’energie enAfrique

[6] Panorama nouvelles decouvertes de petrole etde gaz, 2014 - IFP Energies nouvelles (2014).

[7] eminaire de haut niveau organise le FMI a Tu-nis en 2006 Les obstacles a l’investissementen Afrique : explication du paradoxe de Lucas(Peter J. Montiel Williams College)

[8] Perspectives economiques et Regionales FMI,2014 - Edition Francaise Avril 2014 AfriqueSubsaharienne, pour une croissance durable etplus solidaire.

[9] Diversification de l’economie des pays richesen ressources naturelles, 2010 - Contribu-tion preparee pour le seminaire de haut ni-veau du FMI Ressources naturelles, finance etdeveloppement a Alger. Alan Gelb, Center forGlobal Development

[10] L’Afrique et les energies renouvelables : la voievers la croissance durable IRENA, InternationalRenewable Energy Agency, 2012

[11] L’energie de l’Afrique : enjeux et perspectivesAbdelnour Keramane, Medenergie N◦42, Sep-tembre 2013

[12] L’energie en Afrique a l’horizon 2050 Jean-Pierre Favennec, Agence Francaise de

Developpement et Banque Africaine dedeveloppement, 2009

[13] Banque Mondiale- site officiel Donnees sur ledeveloppement dans le monde

[14] Jeune Afrique, journal en ligne L’Afrique faitle pari de l’interconnexion, juin 2014

[15] Polemos, journal en ligne sur l’analyse des af-frontements geopolitiques Chine-Afrique, la ten-tation du neocolonialisme, 2009

[16] Etude Bearing Point L’electrification rurale enAfrique, Avril 2013

[17] Jeune Afrique, journal en ligne Nigeria : le plande privatisation monte en intensite, Juin 2014

[18] RFI, journal en ligne L’Afrique sous equipee enelectricite, 2010

[19] Jeune Afrique, journal en ligne Developper lesenergies renouvelables : un imperatif pour lecontinent africain, Aout 2014

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Annexes

Production des hydrocarbures en Afrique

111

87

69

46

35

15 14 12 106 5 5 3

Nigéria Angola Algérie Libye Egypte Guinée Equatoriale

Congo Brazzaville

Gabon Autres Soudan Tchad Sud Soudan

Tunisie

Production de pétrole en million de tonnes en 2013

Source : BP Statistical Review 2013

Production Africaine : 419 million de tonnes10 % de la production mondiale de pétrole

71

50

32

11

19

Algérie Egypte Nigéria Libye Autres

Production de Gaz Naturel en million de Tep en 2013

Source : BP Statistical Review 2013

Production Africaine : 184 million de Tep

6 % de la production mondiale de gaz naturel

145

1 2

Afrique du Sud Zimbabwe Autres

Production de Charbon en million de Tep en 2013

Source : BP Statistical Review 2013

Production Africaine : 147 million de Tep

3,8 % de la production mondiale de charbon

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Réserves en hydrocarbures

Pétrole

Réserves en millions de barils en 2013 Part mondiale

Algérie 12,2 0,7%

Angola 12,7 0,8%

Tchad 1,5 0,1%

Congo (Brazzaville) 1,6 0,1%

Egypte 3,9 0,2%

Guinée Equatoriale 1,7 0,1%

Gabon 2,0 0,1%

Libye 48,5 2,9%

Nigeria 37,1 2,2%

Sud Soudan 3,5 0,2%

Soudan 1,5 0,1%

Tunisie 0,4

Autres 3,7 0,2%

Total Afrique 130,3 7,7%

Total Monde 1687,9 100,0%

48

21

19

44

16

15

15

23

Pas de données

44

97

34

19

40

53

Autres

Algérie

Angola

Tchad

Congo (Brazzaville)

Egypte

Guinée Equatoriale

Gabon

Libye

Nigeria

Sud Soudan

Soudan

Tunisie

Total Afrique

Total Monde

Ratio Réserves/Production en années

Source : BP Statistical Review 2013

Page 18: L’Energie, un levier pour le développement de l’Afrique- MEDEnergie

Gaz naturel

Réserves Prouvées en 2013 en Tera m3

Part mondiale

Algérie 4,5 2,4%

Egypte 1,8 1,0%

Libye 1,5 0,8%

Nigéria 5,1 2,7%

Autres 1,2 0,7%

Total Afrique 14,2 7,6%

Total World 185,7 100,0%

57

33

Pas de données

Pas de données

57

70

55,1

Autres

Egypte

Libye

Nigéria

Algérie

Total Afrique

Total Monde

Ratio Réserves sur/Production en années

Source : BP Statistical Review 2013

Page 19: L’Energie, un levier pour le développement de l’Afrique- MEDEnergie

Charbon

Charbon Réserves Prouvées en 2013 en millions de tonnes Part mondiale

Afrique du Sud 30 156 3,4%

Zimbabwe 502 0,1%

Autres 1 156 0,1%

Total Afrique 31 814 3,6%

Total Monde 891 531 100,0%

466

117

315

113

Autres

Afrique du Sud

Zimbabwe

Total Monde

Ratio Réserves sur/Production en années

Source : BP Statistical Review 2013