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L’enfance d’un Prussien bavarois

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Il faisait froid cette nuit-là. La neige avait enveloppé le paysage dans son doux manteau d’un blanc immaculé quelques jours auparavant. Elle avait donné un aspect féérique aux champs et aux forêts. Les bruits de la nuit étaient amortis, presque étouffés par tous ces flocons qui avaient dansé à travers le firmament jusqu’à la terre. Entre les collines blanches, la petite ville dormait paisiblement. Seul le claquement sec d’une branche se brisant sous le poids de la neige et du gel se faisait entendre de temps à autre.

Cependant à la maternité de l’hôpital l’activité s’était intensifiée dès les toutes premières heures de ce sept décembre. Plusieurs femmes avaient été prises de contractions dans la nuit et cela avait provoqué un ballet incessant de médecins, sage-femmes et infirmières. Parmi ces femmes en couches se trouvait Marthe, qui était arrivée au terme de sa quatrième grossesse. Elle avait grandi en Prusse et passé une jeunesse très dure. Son père était décédé quand elle avait trois ans. Depuis sa maman, couturière, assurait seule tant bien que mal la vie quotidienne pour elle et son frère, d’un an plus jeune qu’elle. Autant dire que les enfants étaient habitués à mettre la main à la pâte ! Ce qui lui avait permis d’apprendre la cuisine, le jardinage, la couture et toutes les tâches domestiques qu’une femme de cette époque était censée maîtriser. Elle était tombée amoureuse, s’était mariée et avec son premier bébé dans les bras avait été obligée de laisser sa maison, les siens et sa terre natale, du jour au lendemain et à la dernière minute devant un front russe qui ne cessait d’avancer. Le hasard l’avait emmenée en Bavière où une fille et un deuxième garçon lui étaient nés dans les difficiles années d’après-guerre.

Marthe était une femme de cœur et d’instinct qui ressentait plutôt les choses que de les raisonner. Sa bonne foi l’avait aidée à surmonter les multiples épreuves que la vie lui avait infligé. Le départ au front de son mari Hubert, la fuite devant l’ennemi dans le dernier train en partance, aux vitres brisées par les balles. A moins dix-huit degrés avec une poussette

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comme unique bagage. La perte de sa mère qu’elle n’avait pas eu le temps d’emmener avec elle et qui avait été entraînée par les Russes. L’accident de train qui, juste après la guerre, avait coûté une jambe à Hubert.

Ses trois premiers enfants étaient nés, comme il était d’usage en ce temps, à la maison avec l’assistance d’une sage-femme. Mais depuis qu’elle avait mis le dernier de ses bambins au monde une bonne dizaine d’années s’était écoulée et la maternité avait été créée. Tous les amis avaient déconseillé au couple de prendre le risque d’une autre grossesse à un âge aussi avancé. Marthe était tout de même dans sa trente-neuvième année et en 1957 il n’était pas courant de faire des enfants aussi tard. Mais son mari et elle ne s’étaient pas laissés dissuader, ils le désiraient vraiment ce petit dernier !

Les temps étaient redevenus un peu meilleurs. Hubert avait trouvé du travail tout près de leur domicile et les étals s’étaient renfloués de marchandises que l’on n’y avait pas vues depuis longtemps. Pour la première fois Marthe avait pu satisfaire ses envies de femme enceinte. Elle les avait satisfaites avec des bananes. Beaucoup de bananes ! Et le bébé en avait bien profité dans le ventre de sa maman ! Tant bien qu’à cinq heures quarante-cinq, quand le petit Marco poussa ses premiers cris, le médecin de service était en train de recoudre la pauvre Marthe. Malgré ses trois accouchements précédents elle n’avait pas été assez large pour le passage d’un nouveau-né de quatre kilos et demi…

Marco eut une petite enfance heureuse. Bichonné par ses parents et ses trois ainés il eut la chance de grandir au sein d’une famille unie. Il aimait rester dans la cuisine, auprès de sa mère qui ne cessait du matin au soir de s’adonner à des tâches multiples. En fin de journée et pendant les weekends il était promené à bicyclette par son papa, amoureux de la nature. Il commença ainsi très tôt à découvrir les environs et à apprendre des noms de plantes et d’animaux. En secret l’enfant se battait sans cesse avec un petit lutin invisible. C’était lui qui essayait de l’entrainer dans les bêtises et bien qu’il se bagarrait avec ardeur, le gnome resurgissait par surprise d’un autre côté. Même en lui sautant dessus les pieds joints il s’échappait au lieu de s’enfoncer dans le sol. L’imaginaire du gamin était animé !

Le salaire de Hubert n’était pas très élevé. Marthe était donc obligée de compter au plus juste pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille jusqu’à la fin de chaque mois. Elle était manuelle, habile, bien organisée et se débrouillait toujours pour accomplir les tâches quotidiennes en peu de temps. Certaines de ces tâches se répartirent, bien sûr, entre ses enfants. Pendant le temps restant elle confectionnait les vêtements pour ses bambins, elle-même et quelques clientes.

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En plus de la couture, elle avait réussi à acquérir une machine à tricoter et en peu de temps gagné une telle maîtrise de l’engin que le fabricant lui avait proposé de donner des cours à ses nouvelles clientes. Certains après-midi trois ou quatre dames inconnues arrivaient ainsi à la maison. Ces jours-là Marco était exclu de la cuisine pour ne pas perturber les cours. Mais le reste du temps il aimait trainer dans les jupons de sa mère, discuter avec elle et apprendre ainsi des tas de petits secrets de cuisine et de la vie.

Vint le temps de la scolarité. Il entra en primaire à l’âge de six ans et y resta, sans grandes difficultés, parmi les premiers de la classe. Incité gentiment par sa maman à la foi catholique, il assista même Monsieur le Curé pendant plusieurs années comme enfant de chœur. Pendant ses heures de liberté il aimait se promener dans la nature, ramasser des fruits et observer les bêtes sauvages. Parfois, avant de s’endormir, il imaginait sa vie d’adulte. Il se voyait dans une cabane avec un jardin, des poules et des lapins vivre de chasse et de pêche en pleine nature. Tout allait bien, les parents pouvaient en être fiers.

Suivit l’entrée au lycée. En Allemagne, on y entrait à l’âge de dix ans. A ce tendre âge déjà il fallait choisir entre le collège et le lycée, selon le diplôme qu’on comptait obtenir. Bien sûr le choix appartenait plutôt aux parents. Marthe et Hubert avaient choisi d’envoyer leurs trois garçons au lycée pour leur permettre d’obtenir un métier apte à nourrir leur future famille. Quant à Gerda, la fille, elle suivait le parcours du collège. De toute façon, elle se trouverait sûrement un mari qui assumerait le côté matériel pendant qu’elle élèverait ses enfants et s’occuperait des tâches ménagères comme ses aïeules !

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Les langues étrangères

Au lycée l’ambiance n’était plus la même. Des enfants y arrivaient en cars des villages alentours. Marco ne faisait plus partie des premiers de la classe, mais se situait quand même dans une position tout à fait convenable. Jusqu’au jour où les premiers tourments de l’adolescence, le début de « l’âge bête », commencèrent à le titiller. Peut-être avait-il été trop sage tout au long de ces premières années de sa vie ?

A l’âge de treize ans il s’était mis à sympathiser avec une bande de copains beaucoup moins sages que ceux qu’il avait fréquenté auparavant. Les centres d’intérêt avaient changé avec ces nouveaux compagnons. La bande ne se priva guère d’expérimenter toutes les bêtises qu’un garnement de cette époque pouvait se permettre sans risques excessifs. Elle se mit aussi en guerre contre certains professeurs jugés injustes et hypocrites.

Le groupe avait notamment déclaré la guerre aux professeurs de latin et de français. Monsieur Maier enseignait le latin (obligatoire comme première langue étrangère dans cet établissement et que Marco considérait comme intéressante uniquement si on voulait devenir curé où docteur) et l’éducation sportive. C’était un grand homme athlétique dans la quarantaine qui entrait systématiquement en classe avec élan et en faisant une pirouette pour refermer la porte. Il avait tout vu et tout vécu, bien sûr qu’étant gosse lui aussi avait fait des bêtises et savait donc parer à celles de ses élèves.

Mais les temps avaient changé depuis et les jeunes étaient devenus un peu plus hardis. Sachant que monsieur Maier jetait dédaigneusement les crottes en plastique achetées en magasin de farces et attrapes à la poubelle, on lui en mit une vraie sur son bureau, bien fraîche et moelleuse. Sans hésiter, d’un geste magistral, déterminé, vif et précis comme à son habitude, il empoigna ce qu’il crut être du plastique. Cette fois le professeur s’efforçant habituellement à la bonne humeur perdit son calme.

La tête rouge comme une tomate il quitta la salle pour ramener madame la directrice. A défaut d’un coupable précis toute la classe dut encaisser

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une punition. Cela méritait vengeance ! L’homme, bien que grand gaillard, roulait avec une toute petite voiture. Assez nombreuse, la bande d’élèves pouvait facilement emporter le véhicule sur plusieurs dizaines de mètres – et ils savaient que le prof allait jouer aux cartes les vendredi soirs ! A plusieurs reprises monsieur Maier dut rentrer à pied de ses soirées, sa voiture ayant été garée entre deux piliers de l’église, dans un bac à sable aux bordures solides ou à d’autres endroits insolites où elle ne pouvait ni entrer, ni sortir en roulant. L’enseignant finit par acheter une automobile pesant plus d’une tonne.

Toutefois ce n’était que la façon exagérée du professeur de latin de chercher à se donner des airs de bon papa ultra-sportif qui incita les copains aux âneries à son égard. Il n’en était pas de même pour madame Schmitt, l’enseignante de français. Elle devait avoir environ trente-cinq ans, était ce qu’on appelle « une femme bien roulée » et utilisait ce don de la nature d’une manière extrêmement vicieuse envers ses élèves. Madame portait systématiquement des jupes assez courtes, souvent assorties de blouses joliment décolletées, voire boutonnées qu’à bonne moitié desquelles dépassait un soutien-gorge noir ou flambant rouge à dentelles. Bien sûr que le spectacle ravissait les yeux des lycéens, jeunes mâles en pleine effervescence des hormones de l’adolescence !

Penchée sur son bureau ou bien assise dessus avec les jambes croisées (histoire de faire monter sa jupe un peu plus), tout en donnant ses cours et en faisant mine de rien, elle attendait patiemment sa proie. Car dès qu’un des élèves se laissait aller à rêvasser un peu trop de ses formes généreuses, elle le remarquait infailliblement et, un sourire malicieux aux lèvres, trouvait le moment opportun pour appeler le fautif au tableau et le soumettre à un interrogatoire noté. Dans des telles conditions il est bien évident que les jeunes gens se mettaient plutôt à trembler et à bégayer que de se rappeler de la conjugaison française !

Ils s’occupèrent donc plutôt à trouver des sournoiseries à faire subir à la professeur vicieuse que de la belle langue, et le résultat ne tarda pas à se faire sentir. A cause des notes de français et de latin la carrière de lycéen de Marco s’arrêta au deuxième redoublement. Il finit son parcours scolaire avec une année de collège, ce que lui permit au moins de finir avec un diplôme de troisième. La seule langue qui l’avait intéressé lors de ses années d’études et dans laquelle il avait réussi à obtenir des notes acceptables ou même bonnes était l’anglais. Les professeurs avaient été sympathiques et la langue anglaise lui permettait de comprendre les messages des chansons qu’il écoutait.

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Tourments de l’adolescence

Son deuxième frère faisait des études de psychologie. Marco lui servit de cobaye pour un test concernant la direction professionnelle à prendre. Le test ne donna rien de précis, sinon que le jeune serait éventuellement destiné à un avenir artistique. Pas plus avancé, Marco posa ensuite plusieurs candidatures afin d’obtenir une place d’apprentissage et effectua des tests d’embauche. En général les résultats étaient bons, mais l’adolescent était devenu un peu trop rebelle. Il avait toujours la question que les gérants d’entreprises n’aiment pas. Celle qui fait comprendre que l’individu ne sera pas facile à gérer et à mettre dans un moule. Plusieurs entretiens finirent ainsi avec des réponses négatives. Jusqu’au jour où notre Marco, enrhumé, affaibli et fiévreux, se présenta au concours d’embauche de l’entreprise qui s’appelle Télécom de nos jours.

Il eut à peine la force de remplir les formulaires, de répondre aux questions. Son esprit rebelle qui faisait habituellement sortir les questions ou remarques non désirables était hors de combat. Il eut la place. Une des quarante places d’apprenti disponibles cette année là dans l’entreprise, éloignée de 70 kilomètres de sa ville natale. On savait d’avance que seul les vingt meilleurs seraient embauchés à la fin de l’apprentissage. Marco trouva une chambre et acheva brillamment sa première année d’apprenti, au grand contentement de ses instructeurs et de ses parents. Il en fut récompensé. Marthe et Hubert ayant décidé de changer de véhicule, il lui firent cadeau du permis et de l’ancienne voiture pour pouvoir venir les voir plus souvent, bien entendu.

Marco apprécia beaucoup cette nouvelle liberté, il reprit contact avec d’anciens copains et s’en fit des nouveaux. Il n’était pas fait pour la ville ! Enfermé depuis un an dans la grisaille des murs et du goudron il avait besoin d’air. Quand il apprit qu’un couple parmi ses connaissances qui louait une vieille ferme cherchait un colocataire, il n’hésita pas un instant et emménagea à trente kilomètres de son lieu de travail. Ce qui entraina de

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nouveaux contacts. On était bien chez les uns ou les autres ou encore sous le vieux tilleul du village à discuter, rire et philosopher autour du quotidien, de la musique qu’on écoutait et des relations humaines !

A la belle saison des fêtes mémorables furent quelquefois organisées en pleine nature. L’un ou l’autre connaissait toujours une clairière sympathique ou un cours d’eau bordé de prés. On y faisait des grillades, guitares et percussions étaient de la partie. Un peu plus loin, à l’abri d’un buisson complice, une amourette se dessinait parfois lors de ces festivités. Du coup les visites chez les parents se firent plus rares que ceux-ci ne le souhaitaient.

En cette année le jeune devait aussi faire sa seule rencontre avec l’institution « armée ». Le service militaire était encore obligatoire et le jeune homme avait déclaré l’objection de conscience dans l’espoir de pouvoir effectuer en remplacement un « service civil » d’utilité publique. Bien que d’une durée supérieure à celle du service militaire, il fallait alors passer devant le juge pour obtenir – éventuellement – un tel privilège. Et notamment le juge de leur circonscription était réputé être un dur. Un des copains de Marco avait fait l’expérience quinze jours avant lui. Ils ne surent jamais ce qui était arrivé au juste ni si il y avait eu de l’alcool ou des drogues en cause, mais en sortant du procès le copain s’était pendu dans les bois.

Marco se rendit donc le jour dit à son tour dans la salle d’audience, fermement décidé de ne pas se laisser faire. Il dut découvrir en la personne de monsieur le Juge un vétéran de guerre à l’œil de verre et amputé d’une jambe. Dès le premier moment tout dans son attitude et surtout le regard de son œil intact exhalait la haine envers la vie. Pourquoi d’autres n’auraient pas à assumer ce service à la patrie qui l’avait rendu infirme ? Il commença son interrogatoire avec les questions d’identité d’usage pour très vite partir sur des terrains plus ambigus :

« Imaginez que vous êtes un juif israélien que les arabes veulent pousser dans la mer avec son peuple. N’auriez-vous pas envie de vous battre dans votre armée ? »

Marco lui répliqua qu’il se sentait peu capable de se mettre à la place d’un habitant de Jérusalem, mais qu’en ce cas il tâcherait de s’expatrier pour ne pas participer à une violence quelconque.

Le juge se fit alors plus explicite : « Imaginez que vous vous embrassez avec votre petite amie sur le banc

d’un parc à la tombée de la nuit. Il se trouve que par hasard vous avez un révolver dans votre poche. Surgit alors des buissons un individu fermement décidé à vous dévaliser et à violer votre chérie. Qu’est-ce que vous faites ? »

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Devant l’aberration de la question l’objecteur resta perplexe. Il fallait tout de même avoir l’esprit malsain pour avoir la prétention de pouvoir établir un état de conscience d’après de tels critères ! Il répondit au juge que sa question était déplacée dans un pays où le port d’armes est soumis à une règlementation extrêmement sévère. Que de surcroit il ne voyait aucune raison de porter une arme en se promenant avec sa chérie, même s’il devait en posséder une. Et si, malgré cela, toutes les conditions du film du juge étaient réunies, un être humain dans une telle situation réagirait certainement par réflexe impulsif sans avoir le temps de sonder sa conscience.

Le magistrat n’insista pas plus longtemps. Débout, appuyé sur son bureau et avec une tête rouge de colère il annonça à l’insurgé que son objection était rejetée et que l’armée ne lui ferait que du bien. Marco fit appel à cette décision dans les jours suivants, le délais d’attente en ce cas était long puisque pratiquement tous contestaient la décision d’un juge aussi impartial. Il allait bien voir par la suite ce qui se passerait !

Il suivit quand même son apprentissage d’une manière satisfaisante, bien qu’avec un enthousiasme décroissant. L’ambiance à l’entreprise était devenue plus lourde. Les cours étaient de plus en plus spécifiques et les innovations technologiques à prendre en compte de plus en plus fréquentes. L’esprit de compétition s’était installé parmi la quarantaine d’apprentis. L’entreprise appartenant à l’état à l’époque, l’enjeu était un poste de fonctionnaire assurant une future vie tranquille. De ce fait bon nombre de ses collègues n’hésitaient pas à mettre tout en œuvre pour distancer leurs concurrents.

Marco perdit son calme habituel le jour où il avait terminé une installation assez complexe d’examen bien en avance. Il partit aux toilettes, se donna le temps de prendre un café à la cantine et constata à son retour que plus rien ne fonctionnait à sa pièce d’examen. Il réussit toute de même à dépanner l’installation quelques minutes avant l’heure. Tout en effectuant ses réparations, il avait remarqué les sourires sournois de son voisin d’en face, petit lèche-bottes qu’il n’appréciait guère.

Pendant son enfance, dans les bois, il avait acquis une certaine dextérité aux fléchettes. Les apprentis s’étaient rendu compte lors de moments oisifs dans l’atelier qu’un pointeau pouvait assez bien s’utiliser comme tel (un pointeau ressemble à un tournevis très pointu qui sert à percer le bois avant d’y insérer des vis). Il ne put se retenir. Dans une fraction de seconde, l’outil traversa les trois mètres qui le séparaient du mur d’exercice du voisin pour s’y planter solidement, à vingt centimètres de la tête de l’autre.

« Fais gaffe, encore un seul coup tordu de la sorte et je viserais juste », lui dit-il.

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L’avertissement fut efficace, le voisin ne créa plus jamais de problème. Une grande question commença alors à tourmenter l’apprenti : pouvait-

on espérer une vie heureuse, tout en étant obligé de jouer sans cesse des coudes pour obtenir ou défendre sa place ? En sachant que la technologie n’arrêterait pas de faire de nouveaux progrès nécessitant des formations quasiment en continu ? En prévoyant très bien qu’entre tout cela une majeure partie du temps serait occupée ? Que seulement avec de la chance, il resterait peut-être un peu de place pour une petite femme qui élèverait les enfants et préparerait la popote ? Marco finit par conclure qu’un tel avenir n’était pas fait pour lui, que son temps et sa tête pouvaient et devaient servir à autre chose. Pendant que certains de ses collègues calculaient déjà leur future retraite, il décida d’abandonner l’idée d’une carrière de fonctionnaire aux Télécom. (Quand on regarde les statistiques suicidaires de l’entreprise en ces temps modernes, on peut trouver ce choix judicieux.)

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Le premier amour

Les vacances d’été approchaient. Deux semaines de liberté ! La première s’écoula sans événement digne d’intérêt. La plupart de ses connaissances étaient partis vers d’autres contrées. Marco finit par s’ennuyer. Un des copains, parti à trois cents kilomètres, se trouva dans le même cas. Par téléphone et sur un coup de tête une décision fut prise :

« On part dans le Sud de la France ! » A l’époque, en Allemagne, on en entendait souvent parler, de ce Sud de

la France. Certains décrivaient des plages féériques, la mer bleue. D’autres avaient découvert des paysages sentant bon le thym et le romarin et des rivières qui les avaient laissés perplexes. On vantait les belles femmes, les arts culinaires et les bons vins de la France. On prétendait même y avoir vu des soucoupes volantes. Peut-être grâce aux bons vins ?

Marco retrouva son compère d’aventure et en deux jours, la côte méditerranéenne fut rejointe prés de Sète. Au sud de Valence quelque chose d’inexplicable commença à vibrer en lui. A mesure que sa petite voiture longeait les routes bordées de platanes et les collines odorantes, il se sentit attiré par ces paysages. Une voix douce et à peine perceptible se fit entendre au fond de lui-même. Il fallait revenir là dès que possible ! Essayer d’y rester quelque temps pour mieux pouvoir humer ces odeurs nouvelles, se laisser pénétrer par ce pays magique où ni la lune ni les couchers du soleil n’avaient les mêmes lueurs qu’à la maison. Les cinq jours de vacances restant passèrent très vite. Trois sur la plage, où nos compères eurent pour la première fois de leur vie le plaisir des yeux d’admirer des femmes en monokini et deux pour le retour. Cela était frustrant. Vivement les prochaines vacances !

A la rentrée Marco avait perdu le goût de son apprentissage. A quoi bon suivre des cours qui n’avaient plus d’autre but que d’obtenir un diplôme qui ne servirait probablement pas à grand chose ? Un mois plus tard, le destin décida de s’occuper de lui de manière imprévue : une jeune

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Française s’était égarée dans le village voisin. Elle avait cherché du travail aux vendanges en vain et fini par trouver un gîte dans une communauté de copains.

Il ne mit pas longtemps avant de constater qu’il s’agissait d’une belle brune aux formes féminines fort plaisantes et aux yeux de braise, un peu plus âgée que lui, qui ne parlait que sa langue maternelle. Elle se nommait Iris, nom bien choisi pour cette jolie fleur aux airs un peu sauvages et qui aimait s’habiller de couleur mauve ! Les yeux de braise firent leur effet et malgré les difficultés de langage, le coup de foudre ne se fit pas attendre longtemps.

Le couple de colocataires de Marco s’était séparé. Ils étaient partis tous deux en lui laissant la petite ferme sympathique au loyer modéré. Iris y emménagea, avec son sac à dos comme unique possession, au bout de quelques jours de leur rencontre. Les connaissances du français de Marco étaient restées très limitées. Au début, la cohabitation des jeunes amoureux se passa donc avec beaucoup de rires suite à des malentendus et l’appui permanent du petit dictionnaire qui fut emmené jusqu’au lit pour les chuchotements sur l’oreiller. Puis il y avait tant de façons de se dire son amour sans parler ! Iris, de quatre ans son ainée, délivra le jeune homme de son statut de puceau. Pendant les années précédentes il avait bien exploré quelques corps féminins et échangé caresses et baisers. Cependant il s’était contenté des tendresses offertes sans jamais insister pour « aller jusqu’au bout ». Il y avait toujours eu ou un manque de sentiments ou de moyens contraceptifs.

Entre le langage des mains, de l’amour et du petit dictionnaire, les tourtereaux furent capables de mener à bien la plupart de leurs conversations élémentaires en quelques semaines. L’hiver était rude et la route entre le village et le lieu de travail de Marco était restée bloquée par la neige et le verglas plusieurs jours durant. C’était la fête de l’amour à la ferme.

A la fin de l’hiver Iris commença à s’ennuyer sérieusement. Elle était née et avait grandi sur une péniche et bourlingué toute sa vie d’un endroit à l’autre. Elle avait des origines multiples qui lui donnaient son air exotique. Et cet être hors normes commençait tout doucement à préparer Marco au fait qu’elle allait répartir en France, elle avait besoin de parler sa langue et de sentir les odeurs printanières de la Provence. Il comprit bien ses besoins, mais n’eut aucunement envie de subir une séparation de sa chérie. Son CAP était prévu pour l’été suivant et mieux valait tout de même l’avoir. D’un autre côté la petite voix intérieure se fit entendre de nouveau, caressée par les récits qu’Iris pouvait faire de son pays et des aventures qu’elle y avait vécu. La voix se mit à chanter les odeurs de garrigue, des

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rivières et de la Méditerranée. Des odeurs de fruits cueillis sur l’arbre, de lavande et beaucoup d’autres encore.

C’était le désarroi. Partir, tout plaquer ? Ou laisser s’envoler cette fleur exotique avec le vent, au risque d’en perdre la trace, pour obtenir le diplôme ? Iris décida alors de partir pour un mois, en stop comme elle en avait l’habitude, pour lui laisser un délai de réflexion.

La vie nous fait parfois des signes qu’on ne peut pas ignorer. Ainsi le lendemain du départ de sa bien-aimée le propriétaire de la ferme rendit visite à Marco. Il en avait assez de cette cohabitation non conjugale avec l’étrangère bizarre au sujet de laquelle on ne savait rien au village. La vierge avait toujours été présente dans la maison (effectivement, une statuette ornait la niche au dessus de la porte d’entrée) et on ne pouvait en aucun cas tolérer qu’un jeune couple de bons à rien continuât à porter tort à son image de la sorte. De surcroît, il avait besoin de la maison pour y loger de la famille et il fallait donc libérer les lieux dans les meilleurs délais. Le délais expira quelques jours après le retour d’Iris qui avait tenu parole. La décision de Marco était prise.

Marthe et Hubert, qui avaient suivi les exploits amoureux de leur rejeton avec beaucoup de suspicion, furent effondrés en apprenant la nouvelle et mirent en œuvre tout leur pouvoir de dissuasion, essayant la discussion, les larmes, la colère. Ses responsables du travail essayèrent également de le faire changer d’avis. Rien n’y fit et aux premiers beaux jours les tourtereaux partirent, sac sur le dos, trois sous en poche et le pouce dans le vent, vers l’inconnu. Cette décision devait accessoirement lui éviter une nouvelle convocation pour son objection de conscience. Tout ce qui regarde l’armée étant secret d’État on ne viendrait pas l’inquiéter en France et il allait simplement falloir qu’il ne se fasse pas remarquer lors de ses séjours en Allemagne tant qu’il n’aurait pas dépassé l’âge pour être appelé.

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Temps de bohème

En ce temps-là l’auto-stop était un moyen de déplacement fréquemment utilisé par les jeunes en mal de dépaysement. Cela marchait assez bien en général et en trois ou quatre jours Marco retrouva pour la deuxième fois le frisson qu’il avait ressenti en arrivant dans le Sud pour ses premières vacances. Le couple avait emporté une petite tente de camping et deux bons sacs de couchage qu’on pouvait lier ensemble pour pouvoir se tenir chaud au plus près. Marco ne s’était jamais senti aussi libre. Sa seule attache était désormais sa belle bohémienne qui avait l’habitude de vivre ainsi.

Ils se promenèrent pendant deux mois, dressant leur tente où bon leur semblait, se lavant dans des cours d’eau ou des lavoirs et faisant leur cuisine au feu de bois ou sur un petit réchaud de camping. Iris connaissait plein d’endroits, avait toujours une anecdote à raconter sur sa jeunesse, une crue dévastatrice de la rivière au bord de laquelle ils campaient ou un renard qui était apparu à tel ou tel endroit. Elle avait passé les années précédentes à « faire les saisons » dans les champs et habité là où un patron pouvait bien avoir besoin d’elle.

A cette époque la société était un peu moins modernisée et il était courant qu’un paysan cherchât de la main-d’œuvre saisonnière. Parfois des ouvriers étaient logés dans un mas, sinon une tente était plantée à proximité. Deux mois après le départ les économies de nos amoureux commencèrent à s’épuiser et il devint urgent de trouver du travail.

Il finirent par en dénicher dans la cueillette des cerises. Une gentille dame les avait déposés prés d’un marché de producteurs. L’année était bonne, les fruits jolis et sains et les prix assez élevés pour permettre aux agriculteurs d’embaucher sans retenue. Il était facile de trouver des contacts, puisque à la fin des transactions celles-ci étaient arrosées au bistrot d’en face. Quelques pastis plus tard Iris et Marco partirent dans la benne d’une camionnette, au milieu de caisses vides, au village voisin.

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La tente était plantée dans une olivette le soir même. Le lendemain matin premier départ au champ. Il faisait beau en ce mois de mai et les arbres étaient chargés de fruits mûrs à point. La première journée, période d’essai, se passa fort bien. Les paniers se remplissaient à bonne cadence et Gilbert, le patron et sa femme avaient le sourire jusqu’aux oreilles. Au village il n’y avait que la boulangère qui passait tous les matins. Le patron proposa donc de ramener les jeunes au rendez-vous avec les grossistes pour pouvoir faire des courses dans la supérette à côté du marché. On se retrouverait ensuite au bistrot que le surplombait. De la terrasse du café on avait en effet une vue imprenable sur l’activité en contrebas.

Des pleines caisses d’asperges ainsi que des dizaines de tonnes de cerises étaient proposées aux grossistes sur des chariots, allignés en quatre rangées. A la fin des transactions, le garde champêtre fit entendre un coup de sifflet. C’était le signe que les marchandages était terminés et qu’il fallait procéder au chargement des camions. Bien sûr, le premier arrivé était le premier à pouvoir rentrer chez lui pendant que plusieurs heures d’attente pouvaient guetter le malheureux dernier.

Vu de la terrasse du café la bousculade pouvait paraître assez comique. Cent, parfois peut-être cent-cinquante chariots, tirés à la main par des paysans fatigués de leur journée et qui font la course vers les différents camions, essayez d’imaginer ! Ça se rentrait dedans, ça gueulait, s’insultait, rigolait quand l’un d’eux avait pris un virage trop vite et renversé son voyage. Tout cela donnait soif, bien sûr. Autant dire qu’une fois les chargements finis il y avait de l’animation au bar !

Une vingtaine de jeunes avaient trouvé du travail dans le village. Leurs origines étaient diverses et les tablées, très cosmopolites, pouvaient être composées d’au moins dix nationalités différentes. Marco trouva des occasions de parler dans sa langue maternelle ou en anglais. Concernant le français, au milieu des bruits du bistrot, il ne comprenait presque rien. Trop de monde parlait à la fois, les voix se mélangeaient dans ses oreilles et finissaient en bourdonnement. Heureusement Iris était là ! Elle prit le temps de lui répéter tout doucement et le nombre de fois qu’il était nécessaire les mots inconnus, de répondre à sa curiosité et de lui expliquer cette langue nouvelle qu’il avait tant envie d’apprendre mieux. Parfois la mentalité du professeur peut ainsi déterminer l’envie d’un jeune d’apprendre ou non une matière…

La saison des différentes variétés de cerises s’étala sur un mois et donna accessoirement aux jeunes l’occasion de faire une bonne cure de vitamines. A la fin le couple resta dans les alentours pendant quelques jours pour fêter l’événement avec les collègues saisonniers avant que tout le monde ne reparte aux quatre vents. Ensuite nos amoureux cherchèrent d’autres

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emplois. La petite tente fut plantée dans plusieurs villages le long de l’été à l’occasion du ramassage de fruits et légumes.

A la mi-août ils rejoignirent une exploitation où Iris avait déjà travaillé auparavant. Ils y étaient logés pour deux bons mois, le temps de rentrer les courgettes, le raisin de table et les vendanges. Marco avait bronzé et maigri pendant l’été. Il s’était musclé aussi, le travail aux champs avait changé son corps. Jusqu’au départ du pays il avait été plutôt dodu, même un peu gros à certaines périodes. Avec sa nouvelle vie il mangeait moins, plus sain et il bougeait plus. C’était tout à son bénéfice.

Les deux tourtereaux s’étaient fixé comme règle numéro un de ne dépenser qu’un minimum de leurs salaires pour accumuler quelques économies en prévision de l’hiver. Leur train de vie n’était pas bien coûteux. Quand ils étaient en promenade, entre les saisons, il pouvait arriver qu’ils trouvent un logement provisoire dans une maison abandonnée. D’autres fois ils passaient la nuit dans des constructions pas encore terminées. Leurs seuls frais étaient causés par la nourriture. Iris connaissait bon nombre de combines pour manger pas cher et même quelques plantes sauvages comestibles. Ils firent les fins des marchés, ramassant ce que les marchands avaient laissé et qui leur semblait encore bon à manger, et ne se privaient pas de se nourrir dans les champs. De temps à l’autre un poisson fraichement pêché dans une rivière augmentait la diversité alimentaire.

Un jour leur bonne étoile décida de leur offrir un nouveau moyen de subvenir à leurs besoins en période creuse : un couple sympathique les avait pris en stop et hébergé pour la nuit près de Barcelonnette. Dans leur maison Marco fut interpellé par un habitant étrange. Sur une planchette au sommet d’une étagère trônait un petit pantin de bois, habillé d’un beau costume de peinture noire. Un bâton était planté dans son dos. A quoi pouvait bien servir une telle marionnette, dépourvue de fils ?

Leurs hôtes rigolèrent. Un de leurs copains fabriquait ces engins pour les vendre sur les marchés. Ils les initièrent dans le fonctionnement : assis sur un côté de la planchette, il fallait donner des impulsions rythmiques à celle-ci avec une main. On mit de la musique, du jazz. L’autre main tenait la tige du pantin pour le faire évoluer au dessus de cette planche en mouvement. Le pantin fit des sauts comiques dès que ses pieds rencontraient le bois de la planche, et … il faisait des claquettes ! Les quatre jeunes s’amusèrent un bon moment à tour de rôle. C’était trop marrant, à faire comme à voir. Soudain, une idée vertigineuse jaillit :

pourquoi ne pas continuer la rigolade en ville, avec un chapeau devant ? On pourrait peut-être gagner de quoi boire un coup ? Chose dite, chose

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faite. Les quatre complices, le pantin, un lecteur de cassettes et le chapeau se mirent en route.

La ville était pleine de monde. En à peine une heure ils réussirent à accumuler les moyens de boire trois ou quatre coups. Le lendemain matin, Marco et Iris furent présentés par leurs hôtes au copain du marché où ils acquirent un des fameux pantins. Le vendeur leur proposa même de les emmener chez lui pour leur enregistrer une cassette aux rythmes convenables pour la marionnette qui fut baptisée « Hugo ». Hugo leur permit ensuite de vivre quand il n’y avait pas de boulot dans les champs. Le revenu était plus aléatoire et incertain, mais les bons jours pouvait égaler un salaire agricole tout en s’amusant.

Entre les travaux aux champs et Hugo ils avaient ainsi réussi à mettre un petit trésor de côté dans le courant de l’été, quelques milliers de francs qui pour eux représentaient une vraie fortune. Cette richesse était destinée à leur faire passer l’hiver au chaud, dans des pays inconnus. Ils descendirent donc vers le sud et passèrent le début de l’hiver à l’exploration de l’Espagne. Un beau jour ils découvrirent ainsi la magnifique vue qu’on a des collines près d’Algeciras, par dessus le détroit de Gibraltar, vers le Maroc.

L’envie d’aller faire une excursion dans ces contrées nouvelles ne se fit pas attendre longtemps. Ils ne connaissaient rien de ce pays, n’avaient pris aucun renseignement. La meilleure façon de découvrir, n’était-ce pas de se rendre sur place, de vivre au jour le jour et d’y faire ainsi ses expériences de la vie ? Le voyage sur le continent africain ne dura que quatre jours. Un rabatteur avait repéré les deux blanc-becs de loin, réussi à les rendre confiants et de les entrainer vers son charmant petit village de montagne dans l’Atlas. Ils y furent dépouillés et ne réussirent que d’extrême justesse à se tirer d’affaire vivants. Secoués par cette mésaventure ils terminèrent le reste de l’hiver en Allemagne, hébergés par la famille ou des copains. Aux premiers beaux jours ils répartirent vers le Midi où les saisons les attendaient.