Les 20 ans de Nemausus

Les 20 ans de Nemausus

Sous la direction de Laurent Duport

SOMMAIRE

PréfaceLES 20 ANS DE NEMAUSUS, par Pascal Fancony 5MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT SEPT, par Laurent Duport 9LE MOT DE Monsieur Jean-Paul Fournier, Sénateur du Gard, Maire de Nîmes 12LE MOT DE Monsieur Michel Grontard, Président de Vaucluse Logement 14

A propos de NemaususPROPOS SUR NEMAUSUS, par Jean Nouvel 21LAISSEZ-VOUS CONTER NEMAUSUS, par la ville de Nîmes 33NEMAUSUS, DES LOGEMENTS PAS COMME LES AUTRES, par Vaucluse Logement 39LE CORBUSIER & JEAN NOUVEL, FRANCS-TIREURS DE L’HABITAT, par Gérard Monnier 50PROUVE - NOUVEL : INDUSTRIE & ESPACES DE VIE, par Florence Sarano 58EDITORIAL POUR l’AAMAC, par René Ventura 66L’EGLISE SAINT-PIERRE DE FIRMINY-VERT, par José Oubrerie 68NEMAUSUS, 20 ANS APRES, par Bruno Vayssière 77SAINT OUEN, NIMES, BEZONS, UNE TRILOGIE DE JEAN NOUVEL, par Laurent Duport 89

Nemausus a 20 ansEDITORIAL, le 16 Novembre 2007... 105LA FABRIQUE OPTIQUE, installation éphémère sur le mail de Nemausus 111NEMAUBILE, prototype de mobilier urbain 113LA PAROLE AUX HABITANTS, 20 ans à bord du Nemausus 116

3 cycles d’expositions à NemaususLES ARTS PLASTIQUES, et la commémoration des 20 ans de Nemausus 120LE SHOW-ROOM B301, un volume, une lumière, un atelier artistique 122BIENVENUE A BORD / SHOW-ROOM B301, expositions d’octobre 2007 à janvier 2008 128NEMAUSUS , SUJET PHOTOGRAPHIQUE, un acte plus qu’un sujet 138DUOS D’ARTISTES, expositions au Show-Room B301 d’Avril à Juin 2008 161

Nemausus, patrimoine contemporainUN EPILOGUE POUR POINT DE DEPART, article de La Marseillaise du 19 juin 2008 169LE LABEL PATRIMOINE DU XX° SIECLE, par Michèle François 172NEMAUSUS, PATRIMOINE DU XX° SIECLE, par Dominique Bellion, Préfet du Gard 173NEMAUSUS : L’ETAT DES CHOSES, workshop 2008 178CREATION D’UN CENTRE DE RESSOURCES, projet de simulation 184PROJET DE REAMENAGEMENT DE L’APPARTEMENT B301, workshop 2009 189

NEMAUSUS’ TWENTIETH ANNIVERSARYBy Pascal Fancony

Jean Nouvel designed Nemausus in Nîmes in 1987, hoping to build a new kind of housing project: more beautiful, larger and brighter, without necessarily being more expensive. The size of the living space is an aesthetic assumption for the architect. The surface of the Nemausus flats is 40% bigger than in traditional housing projects. The staircases and passageways are made of metal, the walls of bare concrete, interior spaces open onto balconies through garage doors converted for domestic use… The architect innovates. He creates 110 m2 lofts, 15 m2 balconies, entitling the residents to one, two or three-storey flats. Each flat is singled out by a specific interior design and each resident lives in a different space from his neighbours. With Nemausus, social housing changes in its form, standard and style. Jean Nouvel abandons the mass production still thriving in the 80s. Since then, what we call « the boat » has been moored to the town of Nîmes, attracting tourists from around the world, cultural associations, artists, students and new tenants on the lookout for unusual spaces.Shortly before its twentieth anniversary, Nemausus is still waiting to be recognized for its remarkable nature. On these grounds, the « 20 years of Nemausus » Association organised an event including exhibitions and conferences promoting this architecture’s cultural and artistic identity.

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LES 20 ANS DE NEMAUSUSPar Pascal Fancony

Jean Nouvel conçoit Nemausus à Nîmes en 1987 dans la perspective de construire des logements sociaux d’un nouveau genre : plus beaux, plus grands, plus lumineux, sans pour autant être plus chers. La grandeur de l’espace habitable est pour l’architecte un postulat esthétique. Les appartements sont à Nemausus d’une superficie 40% supérieure à celle des HLM traditionnels. Les escaliers et les coursives sont métalliques, les murs en béton brut, les espaces intérieurs s’ouvrent sur des terrasses par des portes de garage détournées pour un usage domestique… L’architecte innove. Il crée des lofts de 110 m2, des terrasses de 15 m2, il offre aux habitants le choix d’habiter un simplex, un duplex ou un triplex. Chaque appartement se singularise par un aménagement spécifique, chaque habitant vit dans un espace différent de celui de son voisin. Avec Nemausus, le logement social change de forme, de norme, de style. Jean Nouvel se départit de la production de masse encore répandue dans les années 80. Depuis, celui que l’on appelle « le bateau » s’ancre dans la ville de Nîmes, attirant des touristes venus du monde entier, des associations culturelles, des artistes, des étudiants, et des nouveaux locataires à la recherche d’espaces singuliers. Peu avant son vingtième anniversaire, Nemausus reste néanmoins en attente d’une reconnaissance de son caractère remarquable.

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The purpose of all these actions is to gain recognition for the building and to have it listed as 20th century architectural heritage, while promoting the wealth of such heritage with the support of the town of Nîmes. The Association wishes Nemausus to become a permanent resource centre in this town, in order to encourage national and international exchanges and contemporary creation. This is why we are happy to welcome contributions from artists, teachers, architects and lecturers who, each in their own way, support the contents of this anniversary event.By occupying Nemausus, the artists take up the bet of putting it into new perspective, allowing a wide audience to take a fresh look on this remarkable architecture. With the assistance of the town of Nîmes, the Conseil Général du Gard and Vaucluse Logement, owner of Nemausus, the Association was able to organize a series of meetings, debates and exchanges to consider Nemausus’ future, with a will to perpetuate and develop contemporary projects.

Pascal Fancony,Artist and teacher at the Nîmes Fine Arts School,

Vice-President of the « 20 years of Nemausus » Association

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Forte de cette observation, l’association « Les 20 ans de Nemausus» a organisé une manifestation nourrie d’expositions et de conférences visant à la valorisation de l’identité culturelle et artistique de cette architecture. Ces actions se sont inscrites dans l’objectif de la reconnaissance et de l’inscription du bâtiment au patrimoine architectural du XX° siècle et à la promotion de sa valeur patrimoniale avec le soutien de la ville de Nîmes. L’association souhaite que Nemausus devienne, dans la ville, un centre de ressources permanent, favorisant le échanges nationaux et internationaux ainsi que la création contemporaine. C’est en ce sens que nous nous réjouissons de la participation d’artistes, d’enseignants, d’architectes et de conférenciers, venus alimenter, tous à leur manière, le contenu de cette manifestation anniversaire. En investissant Nemausus, les artistes relèvent le défi de lui offrir un éclairage nouveau, permettant à un large public de porter un autre regard sur cette architecture remarquable. Avec l’appui de la ville de Nîmes, du Conseil Général du Gard, et de Vaucluse Logement, propriétaire de Nemausus, l’association a pu développer un ensemble de rencontres, de débats et d’échanges permettant de penser son devenir, dans une volonté de pérennisation et de développement de projets contemporains.

Pascal Fancony, Artiste et professeur à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Nîmes

Vice-Président de l’Association les 20 ans de Nemausus

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NINETEEN EIGHTY SEVENBy Laurent Duport

In 1987, as a young student in my second year of architecture, I was lucky to work on Nemausus, thanks to Frédéric Chambon and Jean Rémy Nègre, architect partners of Jean Nouvel and Jean-Marc Ibos on the project. At first, as from completion of the carcassing, I was given a strange task : to point out the eventual faults in the raw concrete shells separating the apartments in order to allow any subsequent interventions. Then, while I was in charge of assisting the architects during the OPA (Operations Prior to Acceptance), I was able to visit the entire 114 apartments and therefore observe the innovative and experimental nature of this project. How truly amazing to see some of the homes extend over three floors with doors over five metres high as facades, fully opening onto South-facing balconies. The distribution between flats is provided by wide passageways lined with the apartment’s front doors, leading onto open kitchens. As for interior allotments, the scenographies for the apartments, all double-oriented, include as many as seventeen different typologies.

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MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT SEPT Par Laurent Duport

C’est en 1987 que jeune étudiant en deuxième année d’architecture, j’ai eu la chance de travailler à Nemausus grâce à Frédéric Chambon et Jean-Rémy Nègre, architectes associés à Jean Nouvel et Jean-Marc Ibos sur l’opération. Dans un premier temps, dès la fin du gros œuvre un drôle de travail m’est demandé : relever les malfaçons qui pouvaient exister sur les voiles de béton brut qui séparent les appartements afin de laisser le choix d’une intervention ultérieure. Puis chargé d’assister les architectes pour les OPR (Opérations Préalables à la Réception), j’ai l’occasion de visiter la totalité des 114 appartements et de mesurer le caractère innovant et expérimental de cette réalisation. Quel étonnement de voir certains logements se développer sur trois niveaux avec pour façades des portes de plus de cinq mètres de haut s’ouvrant entièrement sur des terrasses au Sud. La desserte est assurée par de larges coursives donnant directement accès aux cuisines des logements. Les différents modes de distribution intérieure sont autant de scénographies des dix-sept typologies d’appartements, tous traversants.

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That same year, Jean Nouvel was at the IFA (Institut Français d’Architecture - French Architecture Institute) with an equally unconventional exhibition including videos alternating interviews and career achievements. The exhibition is then shown in Nîmes at the Galerie des Arènes. But 1987 is also an important year, as it celebrates the hundredth anniversary of the birth of Le Corbusier, whose work I approached while participating in the set-up of the « Le Corbusier et la Méditerranée » and « L’Aventure Le Corbusier » (Paris) exhibitions. The IFA exhibition is called « CORBU VU PAR » and Jean Nouvel’s contribution consists in a graphic presentation (the first CG imagery!) of the Nemausus drafts. My decision is made : I will continue my studies in Paris and associate with Jean Nouvel as soon as possible, and this I have been doing since that very year.

Laurent Duport,Architect and teacher at the Ecole Nationale Supérieure in Montpellier

Chairman of the « 20 ans de Nemausus » Association

1. « Jean Nouvel » Exhibition, IFA, in Paris from February 10th to May 28th, 1987, in Nîmes from May 15th to June 21st, 1987.2. «Le Corbusier et la Méditerranée » exhibition, Marseilles, Vieille Charité, June to September 1987. 3. « L’aventure Le Corbusier » exhibition, Centre Georges Pompidou, Paris, October 1987 - January 1988.4. « Corbu vu par » exhibition, IFA, Paris, 23rd June to 7th November, 1987.

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La même année Jean Nouvel est à l’IFA (Institut Français d’Architecture)1 avec une exposition là aussi peu conventionnelle, constituée de vidéos où interviews et parcours de réalisations se mélangent. Cette exposition sera accueillie à Nîmes à la galerie des Arènes. Mais l’année 1987 est aussi importante avec la célébration du centenaire de la naissance de Le Corbusier dont j’approche l’œuvre à travers ma participation à la mise en espace des expositions, «Le Corbusier et la Méditerranée »2 (Marseille) et « L’Aventure Le Corbusier»3(Paris). A l’IFA l’exposition s’intitule « CORBU VU PAR »4 et la contribution de Jean Nouvel se traduit par la présentation graphique de planches (les premières images de synthèse!) de Nemausus. Ma décision est prise : j’irai continuer mes études à Paris et côtoyer Jean Nouvel dès que possible, ce que je fais depuis cette année là.

Laurent Duport, Architecte et professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier

Président de l’Association les 20 ans de Nemausus

1.Exposition « Jean Nouvel », IFA, à Paris du10 février au 28 mai 1987, à Nîmes du 15 mai au 21 juin19872.Exposition « Le Corbusier et la Méditerranée », Marseille, Vieille Charité, de juin à septembre 1987 3.Exposition « L’aventure Le Corbusier » Centre Georges Pompidou, à Paris du octobre 1987 - janvier 19884.Exposition «Corbu vu par », IFA, à Paris du 23 juin 07 novembre 1987

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©Georges Fessy

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A propos de Nemausus

PROPOS SUR NEMAUSUS PAR JEAN NOUVELConférence du 16 Novembre 2007 au Carré d’Art de Nîmes, Invitation du COBATY Nîmes Gard dans le cadre des Rendez-vous de Novembre

Nemausus remonte à l’époque où, venant de perdre le concours du Carré d’Art à Nîmes, le maire Jean Bousquet m’avait confié envisager pour moi un autre projet. Il désirait que je construise des logements sociaux afin que les jeunes nîmois puissent revenir habiter dans leur ville. Je ne pouvais qu’approuver son idée. Je lui ai fait part de l’existence d’une politique Mitterrandienne appelée REX, pour « Réalisations Expérimentales », octroyant un certain nombre d’avantages. Cette politique permettait certes d’accorder un faible budget supplémentaire aux études, mais surtout nous dispensait de suivre toutes les règles alors en vigueur pour la construction des logements sociaux. Notre idée était de se servir de cette formidable opportunité que constituaient les REX pour essayer de créer des logements d’un autre type, plus spacieux, bénéficiant d’espaces extérieurs généreux. Les DTU étaient terrifiants à l’époque, et ils le sont encore d’ailleurs pour beaucoup, mais la politique des REX nous a permis de passer au travers de nombreuses contraintes.

J’avais déjà travaillé, avec Pierre Soria à Saint Ouen, sur des logements dits expérimentaux s’appuyant sur cette même politique des REX. La structure de ces logements ressemblait peu ou prou à une usine. Pour réussir à construire des logements d’une superficie 40% supérieure à la norme tout en minimisant les coûts, j’avais fait croire au moment de l’appel d’offres qu’il s’agissait d’une usine de fabrication de matelas. Les prix de l’industriel n’étant pas les mêmes que ceux du logement, j’avais obtenu des prix très intéressants. Il ne restait plus qu’à poser quelques cloisons pour que les grands espaces dessinés se transforment en appartements, et les espaces destinés à l’installation des machines nécessitant de l’eau se transformaient comme par enchantement en salle de bains ou en cuisine… Nous étions donc arrivés à faire quelque chose de réellement étonnant, assez austère depuis l’extérieur mais offrant à l’intérieur des appartements aux volumes généreux, en duplex pour la plupart. Pour le projet de Nemausus, nous voulions reproduire cette expérience, mais en pousser les limites : innovations architecturales, adaptation au climat nîmois et aux conditions du site. Nemausus a été une opération très mal perçue dans le milieu du logement social, tout simplement parce qu’elle apporte la preuve que, pour un coût

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ABOUT NEMAUSUS, BY JEAN NOUVEL16th November 2007 Conference at the Nîmes Carré d’Art, At COBATY Nîmes Gard’s request, on the occasion of the November Rendez-vous.

Nemausus goes back to the time when, after having lost the Carré d’Art contest in Nîmes, mayor Jean Bousquet admitted he had another proposition in store for me. He wanted me to build a housing project in order to encourage young « Nîmois » to settle back in their town. I could only agree with his idea. I told him about a policy launched by Mitterrand called REX, as in « Experimental Realizations », which could bring us quite a few benefits. Of course, this policy would grant us a little more research budget, but most of all it would exempt us from following the regulations then concerning housing project construction. Our idea was to use the fantastic opportunity given by REX to try and create a new type of housing, with more living and out-of-door space. DTUs (building regulation documents) were terrifying at the time, and still are for many, but thanks to the REX policy we were able to overcome many restrictions.

I had already worked with Pierre Soria on REX housing projects in Saint Ouen. Their structures looked more or less like factories. In order to build homes by 40% larger than usual but still cutting costs, I had to pretend they were mattress factories during the invitation to tender. Industrial and housing prices were very different and I managed to get interesting prices. We only needed to build a few dividing walls to turn large spaces into flats, and spaces originally designed for machines using water miraculously turned into bathrooms or kitchens … We had managed to create something truly amazing, rather austere from the outside but with generous living space, mostly duplex apartments. We wanted to experiment the same method with the Nemausus project, pushing the limits a little further: architectural innovation, adaptation to Nîmes’ specific climate and building area. The Nemausus operation was not popular in the housing project industry, simply because it proved that, for a given budget, it was possible to build bigger, nicer flats with generous outdoor space. I was convinced of the importance of overcoming those days’ social standards, because a two-bedroom flat won’t always mean 63 m2. It was essential to think differently, but that also meant bringing the prices down. The Nemausus project proves that with an industrial logic, new housing can be built, simpler, larger, thicker,

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donné, il est possible de construire des appartements plus grands, tout aussi agréables, et disposant de généreux espaces extérieurs. Ma conviction était qu’il était impératif de sortir des normes sociales de l’époque, un T3 ne correspondant pas systématiquement à un 63 m2. Il était indispensable d’essayer de raisonner autrement, mais pour ce faire il fallait également dompter les prix. Le projet de Nemausus prouve qu’en partant d’une logique industrielle, constructive, il est possible de réaliser des logements simples mais beaucoup plus grands, épais, traversants, directement desservis par des coursives. Les prix ont été rationalisés au maximum par le choix de systèmes parfaitement connus et maîtrisés. La structure se compose de simples voiles en béton, tous identiques, avec une portée de 5m, comme cela a toujours été le cas dans les logements sociaux. Une fois la question de la structure solutionnée, il nous fallait prendre parti pour la « peau ». Le bardage constituait à l’époque la solution au meilleur marché. Certes, le bardage ne fait pas très luxueux, on l’associe difficilement à un programme de logement, mais nous avions pris le pari de dire qu’un bardage en aluminium ferait « presque chic », « presque appartement », et nous argumentions notre choix en nous référant à l’architecte australien Glenn Murcutt et à son travail sur l’utilisation de la tôle ondulée dans l’habitat.

Nous avons ensuite fait le choix de ne pas investir d’argent dans les distributions et les couloirs difficiles à entretenir. En revanche, la situation du bâtiment, à Nîmes, ville du Sud où l’on vit souvent dehors, a imposé que l’on projette de réaliser de grandes terrasses pour chaque appartement. Ces terrasses n’ont pas été conçues de façon traditionnelle, mais les plus fines possibles, en béton préfabriqué, dans le continuum parfait des planchers. Je ne sais pas si nous aurions aujourd’hui le droit de les réaliser de la même manière, mais toujours est-il que vingt ans après leur réalisation, personne n’a encore eu à se plaindre du moindre problème de fuite d’eau. Pour les menuiseries, les escaliers, les portes, nous avons épuisé tous les modèles de catalogues, essayant à chaque fois de trouver l’élément le plus adéquat possible. L’entreprise Hörmann, spécialiste des portes, proposait à l’époque des portes de garages beaucoup plus souvent utilisées dans les casernes de pompiers que dans les habitations. Ces portes n’assuraient pas une bonne isolation, nécessitant donc que l’on demande à l’entreprise de travailler à améliorer leur qualité pendant que nous dessinions des joints spéciaux permettant une parfaite étanchéité. Il ne nous restait plus qu’à travailler les détails : rangements, rideaux, câbles… Le budget du bâtiment à été en tout point contrôlé et rationalisé de sorte que nous avons pu opérer à un certain nombre de choix architecturaux permettant d’offrir aux habitants un luxe d’espace.

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double-oriented and opening onto passageways. Prices were reduced to a maximum by choosing well-known and mastered systems. The structure is made of simple, identical concrete shells with a 5m range, as is usual in housing projects. Having solved the structure issue, the « skin » had to be chosen. Cladding seemed like the cheapest solution at the time. Of course, cladding does not look very classy and is not easily associated with housing projects, but we had decided that aluminium cladding would look « almost chic», « almost like an apartment »; we justified our choice by referring to the Australian architect Glenn Murcutt and his use of corrugated iron in housing. We then chose not to invest money into layouts and corridors that would be hard to look after. On the other hand, because Nîmes is a Southern town where people live outdoors, we had to plan the creation of large balconies for each apartment. These balconies were not built in the traditional way, instead they were as thin as possible, using precast concrete and extending the inside flooring. I doubt if we would be allowed to do it nowadays, but it still goes to show: no one has complained about leaks in twenty years. As for woodwork, staircases and doors, we exhausted all the styles in all the catalogues, trying to find the most appropriate elements. At that time, Hörmann, a company specializing in doors, proposed garage doors that were more frequently used in fire stations than in houses. These doors did not provide good insulation, so we had to ask the company to improve their quality while we designed special seals for perfect air tightness. There were only details left to work on: storage, curtains, cables… Because the building’s budget was entirely controlled and rationalized, we were able to make a number of architectural choices, therefore providing residents with the luxury of space.

This is what Nemausus is all about : quantity of space as an aesthetic criterion. A beautiful home is a big home; a beautiful room is a big room. What we first see when opening the front door to one of the flats in the building is a 5x12 m space. This mere figure goes against the idea of a housing project. I also wanted these flats to have a raw touch, similar to a loft. A loft is virtually nothing, and that’s why anything can be done to it. The balconies we designed really offer residents luxurious space, with 5x3 metres perfectly extending the indoor space. Some three-story flats even have two balconies. The front apartments are truly impressive, with a large sitting room and a kitchen downstairs and two bedrooms upstairs. With Nemausus, we really fought to propose something new to future residents. We tried to associate several artists to the building’s creation. Daniel Buren offered to participate. We finally decided to work with François Seigneur, who came to leave his mark on the concrete, sometimes engraving it, or accentuating its flaws, covering it with gold foil, writing a few words on it… Anne Frémy also contributed to the project by working on possible ways to furnish the apartments.

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Nemausus, c’est la quantité d’espace comme critère esthétique. Un beau logement, c’est un grand logement ; une belle pièce, c’est une grande pièce. Effectivement, la première chose qui s’offre à notre regard lorsque l’on pousse la porte d’entrée d’un appartement du bâtiment, c’est un espace de 5x12 m. Cette simple donnée de superficie est déjà antinomique à la notion de HLM. Je désirais également que ces logements aient un aspect brut, assimilable à un loft. Un loft, ce n’est rien, et c’est parce que ce n’est rien que l’on peut y faire ce que l’on veut. Les terrasses que nous avons dessinées offrent aux usagers un réel luxe d’espace avec leur 5x3 m, en parfait prolongement de l’espace intérieur. Certains triplex ont même deux terrasses. Les appartements de tête sont très luxueux, avec un grand séjour et la cuisine en bas, et deux chambres à l’étage.

Avec Nemausus, nous nous sommes réellement battus pour pouvoir proposer aux futurs habitants autre chose. Nous avons essayé d’associer quelques artistes à la réalisation du bâtiment. Daniel Buren avait proposé une intervention. Nous avons finalement décidé de travailler avec François Seigneur, qui est venu marquer le béton, quelques fois le boucharder, d’autres le surligner, ou encore en accuser les défauts, le couvrir à la feuille d’or, lui inscrire quelques mots… Anne Frémy a également apporté sa contribution au projet en effectuant un travail sur la manière dont il était possible de meubler les appartements. Les appartements témoins, meublés avec des meubles achetés à Emmaüs, montraient ainsi aux futurs habitants que les espaces contemporains n’appelaient pas systématiquement des meubles contemporains, que des objets, même anciens, pouvaient s’intégrer à un environnement très brut. Le maire, Jean Bousquet, avait par ailleurs émis la volonté que ces appartements ne soient pas loués tels qu’ils peuvent l’être habituellement par les HLM, c’est-à-dire affectés à des locataires selon un ordre de priorité établi par un système de liste, mais qu’ils soient loués comme n’importe quel appartement « de ville ». Un agent immobilier s’occupait donc des visites, et chaque bénéficiaire pouvait effectuer le choix du logement dans lequel il souhaitait vivre. L’une des premières idées du projet était de tirer partie de la grande allée de platanes qui conférait au site une certaine noblesse. Les terrasses des appartements de Nemausus s’ouvrant sur un espace central, les platanes devenaient garants d’une intimité préservée, jouant un rôle de filtre entre les habitations. Les plans des bâtiments sont marqués par une certaine répétitivité. La sérialité des éléments était un fait nécessaire pour tenir les prix, mais nous avons beaucoup travaillé à ce qu’elle génère un rythme. Ainsi par exemple, lorsque vous regardez des arcades, ce n’est pas tant la répétition de l’arc que vous percevez qu’une composition rythmée dans sa globalité. Le parking est à l’air libre, décaissé de moitié.

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The model rooms, furnished with pieces from Emmaüs (charity shop), showed the future residents that contemporary architecture did not always mean using contemporary furniture and that even old objects could be integrated in a very raw environment. Mayor Jean Bousquet had expressed his wish that these flats should not be rented out as housing projects usually are, that is to say allocated to tenants according to their order of priority on a list, but be rented out as any regular « town » flat. Therefore, an estate agent dealt with the visits and each beneficiary could choose the flat he wished to live in. One of the first ideas of the project was to make the most of the grandeur a long alley of plane trees gave to the place. The balconies of Nemausus opened onto a large central space and the plane trees guaranteed a sense of preserved intimacy by acting as screens between homes. In order to keep the prices down, the building elements had to stay serial, but we tried hard to make them generate rhythm. For instance, when you look at the arcades, you see a globally rhythmic composition, more than a repetition of arches. The car park is out-of-doors and half-sunken. At the time, we thought there was nothing worse than coming home through third basement car parks and botched « sub-spaces », but it seems that due to security problems the park has become disused. A few surveillance elements or simply a watchman would have been enough to give credit to a layout preserving outdoor spaces without encouraging underground car parks, rejection spaces to me.

Nemausus being the Roman name for Nîmes, choosing the colour red was evident to us. The under-surface of some of the prefabricated elements was painted red, and so are the doors, framings and staircase graphics. Thereby creating, literally speaking, a “red thread”. The colour of the blinds was also a way of bringing dashes of blue, yellow or red. As all the flats were rented out, I had recommended forbidding changing the blinds. God knows how this idea, distorted by extravagant interpretations, earned me the criticism of being an architect who refuses to let anyone alter his work.

We always consider the buildings we have designed as children we have wanted, cherished and protected. Then they grow up, live their own life and face their own problems. Some never manage to overcome the first difficulties of life. They are often the ones we love a little more than the others. We feel sorry for them, say they don’t deserve their sad fate. Then sometimes, ten or twenty years later, society realizes that this particular building is interesting and puts it back on the straight and narrow. I still have this hope for the buildings that have suffered the most …

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Nous pensions à l’époque qu’il n’y avait rien de pire que de rentrer chez soi en passant par des parkings de troisième sous-sol et des « sous espaces » mal finis, mais il semblerait que des problèmes de sécurité aient conduit ce parking à la déshérence. Un simple gardien, ou quelques éléments de surveillance, auraient cependant permis de donner crédit à cette forme permettant de sauvegarder les espaces extérieurs sans pour autant créer les espaces de rejet que sont pour moi les parkings fermés.

Nemausus étant le nom romain de Nîmes, le choix de la couleur rouge apparaissait dès lors évident. Le rouge a donc été appliqué en sous face d’un certain nombre d’éléments préfabriqués, il se retrouve sur les portes, les bardages, les graphismes de l’escalier. C’est en ce sens qu’il crée « un fil rouge » au sens premier du terme. La couleur des stores était également une manière d’apporter des touches bleues, jaunes, ou rouges. Tous les appartements étant en location, j’avais préconisé que l’on ne puisse pas toucher aux stores. Dieu sait à quel point cette idée, déformée par des interprétations fantasques, m’a valu la critique d’être un architecte refusant que quiconque altère son œuvre.

On considère toujours un peu les bâtiments que l’on a construits comme des enfants que l’on a voulus, choyés, protégés. Puis ils grandissent, vivent leur propre vie, et font face à leurs propres difficultés. Certains ne réussissent pas à passer les premières difficultés de la vie. Ce sont souvent ceux que l’on aime un peu plus que les autres. On s’apitoie sur leur sort, on se dit qu’ils ne méritent pas leur triste destinée. Puis quelquefois, dix ou vingt ans après, la société se rend compte que ce bâtiment est intéressant et le remet dans le droit chemin. Il me reste encore cet espoir pour les bâtiments qui ont le plus souffert…

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©Georges Fessy

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Cet ouvrage est issu du travail collaboratif de Laurent Duport, Architecte, Pascal Fancony, Peintre, et de Julie Morel, Architecte, avec l’aide et le soutien des Editions de l’Espérou. Depuis 1995, l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier met à disposition une structure éditoriale participant à la diffusion de la culture architecturale et à la diffusion des recherches menées par les enseignants et étudiants de l’établissement.

« Porter un nouveau regard et actualiser les points de vue 20 ans après sur une architecture emblématique pour en révéler l’exemplarité s’est avéré être une formidable occasion de fédérer autour de l’idée de partager un patrimoine commun »

Laurent Duport, Architecte, Maître Assistant à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier,

Président des 20 ans de Nemausus

« C’était pour moi une « évidence » de commémorer les 20 ans de ces bateaux de la modernité qui semblaient en dérive. Je regrette de n’avoir pas pu aller plus loin dans la transformation d’usage de quelques logements en ateliers-logements pour les artistes »

Pascal Fancony, Peintre, Professeur à l’École des Beaux-Arts de Nîmes,

ancien habitant de l’atelier B 301 à Nemausus et ancien Président des 20 ans de Nemausus

Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie Delta Color à NîmesDépot légal décembre 2010

Dans un souci de développement durable cet ouvrage a été réalisé sur du papier INAPA oxygen silk 40 % FSC 60 % recyclé 115 gr, et la couverture sur du papier INAPA oxygen silk 40 % FSC 60 % recyclé 350 gr.

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« L’air du temps ». C’est précisément la singularité d’une époque qu’il convient de saisir afin d’y répondre par l’innovation. C’est ce dont l’architecte Jean Nouvel a su témoigner avec Nemausus, bâtiment emblématique des années 1980.

« 20 ans ». C’est le temps qui aura permis à toute une génération d’exprimer, par la création contemporaine, la richesse des regards portés sur cette architecture singulière. C’est aussi, le temps nécessaire à sa reconnaissance et à sa labellisation au « Patrimoine du XX° siècle ». Les 20 ans de Nemausus, 20 ans de souvenirs de résidents, 20 ans de créations, telle est l’histoire que l’Association éponyme a souhaité mettre à l’honneur en constituant un programme de manifestations commémoratives. Valoriser pour écrire un nouvel avenir est aujourd’hui encore son ambition ainsi que celle des professeurs, étudiants, artistes, architectes, bailleurs sociaux, élus, ou tout simplement habitants et acteurs de la ville de Nîmes qui ont contribué à porter sur Nemausus un regard toujours réactualisé. Cette publication est trace de leur engagement.

Les 20 ans de NemaususSous la direction de Laurent Duport

Les 20 ans de Nemausus

15 eurosISBN : 978-2-912261-54-0 éditions de l'espérouéditions de l'espérou

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