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1 SOMMAIRE A la Une Une reine sans couronne Les armes des Balkans Actualité Moldavie, Voisins Economie Social Photos d'actualité Société Santé Evénements Naturalisation Environnement Sports, Jeux olympiques Insolite, Page photos Connaissance et découverte Cinéma Littérature Mémoire Histoire Culture Tourisme Dossier monarchie Humour Info pratique Coup de coeur Numéro 97 - septembre-octobre 2016 Lettre d’information bimestrielle L a disparition de la reine Anne, à l'âge de 92 ans, tourne une page de l'his- toire roumaine, alors que ses proches ont déjà fait savoir que son mari, le roi Michel, de trois ans son aîné, très gravement malade, ne tarderait pas à la rejoindre dans la tombe. Jeune femme, Anne, princesse franco-danoise, avait servi dans l'armée de libération du général De Gaulle. Auparavant, lors de la débâcle de 1940, elle avait suivi sa famille française, les Bourbon-Parme, qui s'était exilée aux USA pour ne pas avoir à subir le joug nazi. Le destin du couple royal illustre les aléas de la Roumanie d'après-guerre et le demi-siècle tragique qu'aurait à subir l'Est du continent. C'est à Londres, capitale de tous les refus et de toutes les résistances, que la jeune ambulancière et infirmière du temps de guerre, avait rencontré son futur mari, le roi Michel. En sa compagnie, elle ne foulera le sol de son pays d'adoption qu'en 1992. Malgré les espoirs entrevus lors de la "Révolution" de 1989, la monarchie roumaine ne retrouvera jamais sa place. Elle n'était entrée ni dans le cœur, ni dans le souvenir des Roumains. Trop jeune - tout juste un siècle d'existence - trop assimilée à un passé où les classes possédantes écrasaient le peuple. Les espérances de restauration du système monarchique, entretenues aujourd'hui par le successeur désignée du roi Michel, sa fille aînée, la princesse Margareta, cassante et peu populaire, affligée en outre d'un mari ambitieux et détesté, le comédien Radu Duda, paraissent déconnectées de la réalité. Une autre restauration, bien plus sérieuse, pourrait, elle, survenir, à la fin de l'an- née. Les Roumains sont appelés aux urnes pour renouveler leurs députés et sénateurs. Le PSD des successeurs d'Iliescu et de l'ancienne nomenklatura avait certes perdu une bataille, voici deux ans, avec l'élection surprise à la Présidence de Klaus Iohannis, coiffant sur le poteau le Premier ministre Victor Ponta. A l'automne dernier, la tragédie de l'incendie d'une discothèque de Bucarest avait achevé de déconsidérer le pouvoir en place. A bout de souffle, les héritiers de l'ancien régime avaient été contraints de passer la main à un jeune chef de gouvernement, euro- péen et moderne, Dacian Ciolos. Mais c'était pour mieux laisser passer l'orage, se faire oublier le temps de retrouver une virginité, malgré toutes les affaires qui continuent à les accabler et éclatent chaque semaine. Les toutes proches élections législatives - prévues courant décembre - vont donc décider du sort du renouveau du pays. Soit les Roumains vont entériner le tournant de la dernière présidentielle en donnant les mains libres au président Iohannis pour enga- ger vraiment la refonte du système démocratique, soit ils vont retourner aux errements du passé, en rappelant aux commandes ceux qui l'ont sinistré. Henri Gillet Restauration et vieux systèmes 2 et 3 4 à 6 20 et 21 22 et 23 24 25 26 à 29 30 et 31 32 à 35 36 à 38 39 40 et 41 42 43 44 à 57 58 59 60 NOUVELLEs ROUMANIE Les de 6 à 13 14 à 16 17 et 18 19

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SOMMAIRE

A la Une

Une reine sans couronneLes armes des Balkans

Actualité

Moldavie, VoisinsEconomie SocialPhotos d'actualité

Société

SantéEvénementsNaturalisation EnvironnementSports, Jeux olympiques Insolite, Page photos

Connaissance

et découverte

CinémaLittérature MémoireHistoire Culture Tourisme Dossier monarchie HumourInfo pratiqueCoup de coeur

Numéro 97 - septembre-octobre 2016

Lettre d’information bimestrielle

La disparition de la reine Anne, à l'âge de 92 ans, tourne une page de l'his-toire roumaine, alors que ses proches ont déjà fait savoir que son mari, leroi Michel, de trois ans son aîné, très gravement malade, ne tarderait pas à

la rejoindre dans la tombe. Jeune femme, Anne, princesse franco-danoise, avait servidans l'armée de libération du général De Gaulle. Auparavant, lors de la débâcle de1940, elle avait suivi sa famille française, les Bourbon-Parme, qui s'était exilée auxUSA pour ne pas avoir à subir le joug nazi.

Le destin du couple royal illustre les aléas de la Roumanie d'après-guerre et ledemi-siècle tragique qu'aurait à subir l'Est du continent. C'est à Londres, capitale detous les refus et de toutes les résistances, que la jeune ambulancière et infirmière dutemps de guerre, avait rencontré son futur mari, le roi Michel. En sa compagnie, ellene foulera le sol de son pays d'adoption qu'en 1992. Malgré les espoirs entrevus lorsde la "Révolution" de 1989, la monarchie roumaine ne retrouvera jamais sa place. Ellen'était entrée ni dans le cœur, ni dans le souvenir des Roumains. Trop jeune - tout justeun siècle d'existence - trop assimilée à un passé où les classes possédantes écrasaientle peuple. Les espérances de restauration du système monarchique, entretenuesaujourd'hui par le successeur désignée du roi Michel, sa fille aînée, la princesseMargareta, cassante et peu populaire, affligée en outre d'un mari ambitieux et détesté,le comédien Radu Duda, paraissent déconnectées de la réalité.

Une autre restauration, bien plus sérieuse, pourrait, elle, survenir, à la fin de l'an-née. Les Roumains sont appelés aux urnes pour renouveler leurs députés et sénateurs.Le PSD des successeurs d'Iliescu et de l'ancienne nomenklatura avait certes perdu unebataille, voici deux ans, avec l'élection surprise à la Présidence de Klaus Iohannis,coiffant sur le poteau le Premier ministre Victor Ponta.

A l'automne dernier, la tragédie de l'incendie d'une discothèque de Bucarest avaitachevé de déconsidérer le pouvoir en place. A bout de souffle, les héritiers de l'ancienrégime avaient été contraints de passer la main à un jeune chef de gouvernement, euro-péen et moderne, Dacian Ciolos. Mais c'était pour mieux laisser passer l'orage, se faireoublier le temps de retrouver une virginité, malgré toutes les affaires qui continuent àles accabler et éclatent chaque semaine.

Les toutes proches élections législatives - prévues courant décembre - vont doncdécider du sort du renouveau du pays. Soit les Roumains vont entériner le tournant dela dernière présidentielle en donnant les mains libres au président Iohannis pour enga-ger vraiment la refonte du système démocratique, soit ils vont retourner aux errementsdu passé, en rappelant aux commandes ceux qui l'ont sinistré.

Henri Gillet

Restauration et vieux systèmes2 et 3

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

Disparition

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Lar e i n eAnne,

épouse du roiMichel, est décé-dée le 1er août, àl'âge de 92 ans,des suites d'unelongue maladie,dans un hôpitalde Morges, enSuisse. Le cou-ple vivait depuis2004 à Aubonne,en Suisse. Elle a

été inhumée le 13 août dans la cathédrale royale de Curtea deArges, en présence de quatre de ses cinq filles (Margareta,Elena, Sofia et Maria), la cinquième, Irina Walker, vivant auxEtats-Unis, étant tenue à l'écart, à la suite de son implicationdans un fait-divers. Les médecins avaient fortement décon-seillé à son mari, le roi Michel 94 ans, lui-même très grave-ment malade, de faire le déplacement.

Ambulancière dans les Forces Française libres

Anne et Michel avaient formé le couple royal roumainayant la plus grande longévité, avec 68 ans de vie commune.Il s'était connu en 1947 à Londres, à l'occasion du mariage dela reine Elizabeth II et du prince Philip. Michel avait demandésa main à la jeune femme de 24 ans seulement une semaineaprès leur rencontre et était retourné tout de suite, seul, enRoumanie, si bien qu'Anne devra attendre 44 ans, en exil,avant de fouler pour la première fois le sol roumain, en 1992.Leur mariage avait lieu un an après, en 1948, à Athènes, lafuture reine Sophie d'Espagne et l'ex-roi Constantin de Grèceétant leurs pages d'honneur.

Anne Antoinette Françoise Charlotte Zita Marguerite deBourbon Parme était née en 1923, à Paris, dans le XVIèmearrondissement. Elle était la fille unique du prince René deBourbon-Parme et de la princesse Margaret du Danemark quiavaient aussi trois garçons, Jacques, Michel et André. Lafamille vécut en France jusqu'en 1939, fuyant l'occupationnazie pour l'Espagne, le Portugal et les USA. Anne suivit alorsdes cours dans une école de design, tout en étant parallèlementvendeuse dans un magasin. En 1943, à 19 ans, elle s'engageadans les Forces Françaises libres où elle servit comme ambu-lancière et infirmière dans les campagnes d'Afrique du Nord,d'Italie, Luxembourg et Allemagne. Le général de Gaulle luidécernera la croix de Guerre.

Avant l'exil, le future couple vécut une autre épreuve.Anne étant catholique, elle demanda une dispense au Pape PieXII pour pouvoir épouser un mari orthodoxe. Ce dernier,ancien nonce à Berlin, bien plus à cheval sur les principes quelorsqu'il traitait avec Hitler - exigea que les enfants à venirsoient élevés dans la religion catholique, ce que refusa Michel,la constitution roumaine exigeant qu'ils soient orthodoxes.Toutes les démarches pour le faire changer d'avis n'aboutissantpas, le couple se maria finalement à Athènes lors d'une céré-monie boudée par toutes les cours européennes, à l'exceptionde celle du Danemark. Bannis de leur pays, Anne et Michelétaient tenus aussi à distance par leurs pairs.

Cinq filles mais pas d'héritier

Le couple a eu cinq filles, ce qui aurait posé problème sila monarchie avait été restaurée, la Roumanie étant régie par laloi salique, imposant un héritier mâle. Michel avait souhaitéd'ailleurs, en vain, que le principe de cette loi de successionsoit révisé. Les filles du couple royal sont, dans l'ordre:Margareta, désignée princesse héritière et chef de la familleroyale (née en 1949), Elena (née en 1950), Irina (née en 1953),Sofia (née en 1957) et Maria (née en 1964).

D'origine française, la reine Anne

est décédée à l'âge de 92 ansLe roman d’une vie d’exilés

Une reine sans couronne

Dans son livre de souvenirs, lareine Ana raconte sa rencon-tre avec le roi Michel de

Roumanie à Londres, alors qu'elle n'étaitque la princesse Anne de Bourbon-Parme, de descendance franco-danoise.Elle avait servi auparavant comme ambu-lancière volontaire au sein de l'Armée dugénéral Leclerc, de 1943 à la fin de laSeconde guerre mondiale, avec le gradede caporal, terminant lieutenant et étantdécorée par le général De Gaulle.

Le couple s'est marié à Athènes, enjuin 1948, après l'abdication forcée deMichel six mois auparavant. Ana avait

alors 25 ans. Les poux ont eu cinq filles. "Mon cousin, Jean de Luxembourg,

donnait un dîner à son ambassade àLondres. Ma mère et mes frères étaientdéjà arrivés à la réception, à l'hôtelClaridge's.

Je les ai rejoints dans une chambremise à leur disposition, y croisant la mèrede Michel, la reine Elena, et sa sœur, laduchesse d'Aoste.

Près d'elles se tenait un grand jeunehomme en uniforme. Comme visiblementtous les deux on sortait de l'Armée… jel'ai salué militairement au lieu de lui faireune révérence. Je me suis dit que j'avais

commis un impair et, me sentant dansmes petits souliers, j'ai été immédiate-ment demander à mes cousins quelleattitude adopter pour réparer cette gaffe.Ils ont beaucoup ri et m'ont conduitedevant le jeune roi, lequel s'est égalementamusé de la situation. Il en a profité pourm'inviter au cinéma.

J'ai découvert qu'il ne savait pascomment on faisait la queue, ni commentpayer. Avec mon frère, on a entreprisalors de lui apprendre comment vivresimplement et non pas dans un palais:acheter un billet de spectacle, un magazi-ne, payer un taxi… C'était très drôle".

Le roi Michel à l'école de la vraie vie

Lire notre dossier spécial

monarchie (pages 44-55)

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Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

pour 81 millions d'euros d'armement

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Les Américains s'appuient sur leur base roumaine de Deveselu

Les marquages des armes identifiant l'origine et la date deproduction révèlent que des quantités importantes ont été pro-duites très récemment, certaines en 2015. Sur le 1,2 milliardsd'euros d'armes et de munitions vendu, seuls 500 millions d'eu-ros disposent d'un certificat de livraison, selon les informa-tions commerciales des Nations unies et les rapports nationauxd'exportation. Trois livraisons ont notamment eut lieu via labase américaine de Deveselu en Roumanie, près de la merNoire pour une quantité totale de 4700 tonnes d'armes et demunitions.

Selon l'eurodéputée écologiste suédoise Bodil Valero, rap-porteure du dernier rapport du Parlement européen sur le com-merce des armes, "les États qui vendent des armes à l'ArabieSaoudite et aux pays de la zone Moyen Orient-Afrique du nordne prennent pas suffisamment de précautions et sont parconséquent en infraction avec la législation, qu'elle soit euro-péenne ou nationale". "Peut-être que la Bulgarie, la Slovaquieet la Croatie n'ont pas honte, mais elles le devraient" souligne-t-elle. Tous les gouvernements contactés donnent la mêmeréponse: ils respectent leurs engagements internationaux.Certains clament avec aplomb qu'ils ne sont pas responsablesde la revente des armes à des tiers. Un rapport de l'ONU demars 2015 relève pourtant que la Croatie fait preuve "d'unmanque inquiétant de préoccupation vis-à-vis de la destina-tion finale des armes et de leur transfert vers des pays dont laSyrie et l'Irak".

L'Arabie Saoudite plaque tournante

Les premières livraisons d'armes massives ont commencéà l'hiver 2012, quand des dizaines d'avions-cargos sont partisde Zagreb avec à leur bord des armes de l'époque yougoslaveachetés par l'Arabie Saoudite. Peu après, des vidéos ont com-mencé à montrer des combattants en Syrie utilisant des armescroates. Zagreb a toujours nié avoir livré des armes en Syrie,mais l'ancien ambassadeur américain à Damas, RobertStephen Ford, assure le contraire, sans "pouvoir" en dire plus.Selon une enquête du New York Times de février 2013, unofficiel croate aurait offert de livrer des stocks d'armes ancien-nes à la Syrie lors d'une visite à Washington à l'été 2012.

Ces livraisons n'étaient qu'un début. S'en est depuis suiviun commerce d'armes d'un volume sans précédent entre lesBalkans, l'Europe centrale et le Moyen Orient. Les huit paysconcernés par l'enquête ont écoulé leurs stocks, mais aussirevendus des armes fabriquées en Biélorussie et en Ukraine.Certains ont même tenté de refourguer des systèmes anti-charssoviétiques venus du Royaume-Uni. Avant les printemps ara-bes de 2011, le commerce des armes entre l'Europe de l'Est etl'Arabie Saoudite, la Jordanie, les Émirats Arabes Unis et laTurquie - les quatre principaux partisans de l'oppositionsyrienne - était négligeable, voire inexistant, selon l'analyse

des données d'exportation.Entre 2012 et 2016, les huit pays d'Europe centrale et des

Balkans ont vendu pour 806 millions d'euros d'armes et demunitions à l'Arabie Saoudite, selon les sources officielles. Ilsen ont aussi vendu pour 155 millions à la Jordanie,135 millions aux Émirats Arabes Unis et 87 millions à laTurquie. Le Qatar, lui aussi soutien connu de l'oppositionsyrienne, ne figure pas parmi leurs clients. "À de rares excep-tions, les armées saoudienne, jordanienne, émiratie et turquen'utilisent que du matériel d'Europe de l'ouest", assure JeremyBinnie, expert militaire spécialiste du Moyen Orient pour latrès sérieuse revue Jane's Defense Weekly. "Par conséquent, ilest très probable que ce matériel était destiné à leurs alliés enSyrie, au Yémen et en Libye". Des documents confidentiels duministère de la Défense serbe indiquent d'ailleurs que Belgrades'inquiète du fait que les armes vendues à l'Arabie Saouditepourraient en réalité finir en Syrie.

Une société aérienne moldave dans le coup pour l'acheminement

Une fois arrivées en Arabie Saoudite, en Jordanie, auxÉmirats Arabes Unis et en Turquie, les armes prennent la routede la Syrie via deux centres militaires secrets, l'un en Turquie,l'autre en Jordanie, explique Robert Stephen Ford. Ces centresqui emploient des forces venues des pays du Golfe, deTurquie, de Jordanie et des États-Unis coordonnent ensuite ladistribution aux différents groupes de l'opposition syrienne."Chaque pays impliqué dans l'armement de l'oppositionsyrienne conserve la décision finale sur la destination desarmes", poursuit l'ancien ambassadeur américain à Damas.Les armes sont ensuite acheminées par la route jusqu'à la fron-tière syrienne ou livrées par avions militaires.

Selon les documents obtenus par BIRN et l'OCCRP, lasociété moldave AeroTransCargo a organisé six vols entre lesbases militaires saoudiennes et l'aéroport internationald'Ankara à l'été 2015. À bord de ces avions, 250 tonnes demunitions. Pour Pieter Wezeman, de l'Institut international derecherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), ces vols pour-raient constituer une part de l'approvisionnement des rebellessyriens. Un commandant de l'armée syrienne libre, qui préfèregarder l'anonymat pour sa sécurité, confirme que les armesvenues d'Europe centrale et des Balkans sont distribuéesdepuis des centres de commandement. "Nous ne faisons pasattention aux pays d'origine, nous savons juste qu'elles vien-nent d'Europe de l'Est".

Les Saoudiens et les Turcs livrent aussi directement desarmes aux groupes djihadistes assure Robert Stephen Ford.Riyad a en outre livré par avion du matériel à ses alliés auYémen, notamment des fusils d'assaut serbes. "Pour des opé-rations de ce type, il est difficile d'imaginer qu'il n'y a pas eude collaboration entre les différents services de renseigne-ment", avance le diplomate, précisant qu'il n'a jamais été per-sonnellement engagé dans de telles négociations. (suite p. 6)

La Roumanie exporte

Depuis 2012, la Croatie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, laRoumanie, le Monténégro ainsi que la République Tchèque et la Slovaquie ontvendu pour plus d'1,2 milliards d'euros d'armes et de munitions au Moyen Orient.Du matériel de bonne qualité et bon marché acheté massivement par l'ArabieSaoudite, les Émirats Arabes Unis et la Turquie pour armer leurs alliés en Syrie.Enquête dans les méandres d'un business aussi opaque que juteux.

Cette nuit du 28 novembre 2015, les habitants de Belgrade dorment pour laplupart profondément lorsque les immenses réacteurs de l'Iliouchine II-76de la compagnie biélorusse Ruby Star se mettent à vrombir sur le tarmac de

l'aéroport Nikola Tesla. L'immense quadriréacteur de fabrication russe s'apprête à pren-dre les airs pour livrer son chargement d'armes vers Jeddah en Arabie Saoudite. En trei-ze mois, 68 vols sont partis des Balkans et d'Europe centrale, dont la Roumanie, avec àleur bord des milliers de tonnes d'armes et de munitions. La destination finale de ceséquipements militaires : les guerres de Syrie, d'Irak et du Yémen. C'est ce qu'ont décou-vert les enquêteurs du Balkan Investigative Reporting Network (BIRN) et del'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP).

Paris vend 200 fois plus d'armes que Bucarest

Et ces vols ne représentent qu'une petite part du 1,2 milliards d'euros d'armes écou-lées depuis 2012 par la Croatie (302 millions d'euros), la République Tchèque(240 millions), la Serbie (194 millions), la Slovaquie (192 millions), la Bulgarie(122 millions), la Roumanie (81 millions), la Bosnie-Herzégovine (72 millions) etmême le Monténégro (3 millions). Ce commerce est destiné, dans l'ordre, à l'ArabieSaoudite (829 millions d'euros), la Jordanie (155 millions), les Emirats Arabes Unis(135 millions) et la Turquie (87 millions). On est toutefois très loin des 16 milliardsd'euros d'exportations de la France (200 fois la Roumanie), attendus cette année, qui enfont un des quatre pre-miers pays exportateursdu monde, derrière lesUSA, la GrandeBretagne et la Russie.

Pendant que desmilliers de tonnes d'ar-mes et de munitions pre-naient la route del'Europe vers le MoyenOrient, plus d'un million de réfugiés faisaient le chemin inverse, fuyant des guerres ali-mentées par ces armes qui auraient déjà tué pas moins de 400 000 personnes. Pourtant,si l'Union Européenne a fermé ses portes aux réfugiés, le lucratif commerce des armescontinue de semer la mort en toute opacité. Une activité qui serait largement illégaleselon Amnesty International. "L'enquête met en évidence les preuves de la dispersionsystématique des armes vers des groupes armés accusés de violer les droits humains.Si tel est le cas, ces transferts contreviennent au Traité sur le commerce des armes desNations unies", souligne Patrick Willen, spécialiste du trafic d'armes.

Selon BIRN et l'OCCRP, qui ont examiné pendant un an les données sur les expor-tations d'armes et de munitions, les rapports de l'ONU, les plans de vol et les contratsd'armement, les huit pays des Balkans et d'Europe centrale ont livré à l'Arabie Saoudite,à la Jordanie, aux Émirats Arabes Unis et à la Turquie des milliers de fusils d'assaut,d'obus de mortier, de lance-roquettes, d'armes anti-chars et de mitrailleuses lourdes. Surdes vidéos accessibles sur les réseaux sociaux, on peut constater qu'elles sont utiliséesnon seulement par l'Armée syrienne libre, mais aussi par les organisations djihadistes,à commencer par l'État islamique et le Front Al-Nosra.

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BUCAREST

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Après 4 ans de tergiversations, leConseil national d'attestation des tit-res, des diplômes et des certificatsuniversitaires (CNATDCU) a officielle-ment demandé au ministère del'Education de retirer le titre de doc-teur à l'ancien Premier ministre, VictorPonta. Sur les 35 membres qui com-posaient la commission en charge dudossier, 34 ont été du même avis. Le35ème s'est abstenu. Le ministre del'Education a signé l'ordre de retraitde la thèse laissant sous entendrequ'il n'avait pas d'autre choix. Il s'agitdonc de la fin d'un suspens qui auraduré quatre ans. En juin 2012, larevue scientifique de langue anglaiseNature avait la première dévoilée leplagiat. Déjà à l'époque, le CNATDCUs'était saisi et, après analyse, avaitconfirmé la tricherie. Mais le gouver-nement, conduit par Victor Ponta,avait immédiatement dissout l'institu-tion et ce dernier avait finalement pugarder son titre de docteur.

"Docteur" Ponta

était bien un tricheur

Les armes des Balkans sèment la mort en Irak et en Syrie

Sorin Ovidiu Vîntu, l'escroc le pluscélèbre de Roumanie, devenu milliar-daire après avoir escroqué desmilliers de petits épargnants et retrai-tés, a été condamné définitivement à6 ans et 2 mois de prison pour sonrôle dans le scandale "Petrom servi-

ce", causant un préjudice de 83,5millions d'euros à l'Etat, et incarcéré.Quatre de ses complices ont reçu despeines équivalentes. Les accusésdevont rembourser la somme de 36millions d'euros à Petromservice. SOVavait déjà purgé une peine de 5 ansde prison pour différentes malversa-tions sous Ceausescu.

Sorin Ovidiu Vîntu

retrouve la prison

Conflits

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Des enterrements qui reviennent cher

Environ 40 000 Moldavesdécèdent chaque année,selon le Bureau des sta-

tistiques nationales, pour 2,9millions d'habitants résidant sur lesol national. Non seulement, lamort d'un proche cause de grandesdouleurs à son entourage mais

revient aussi cher. Nadejda Rusnac, une jeune fille d'un villa-ge près d'Orhei a fait les comptes lors de la disparition récen-te de son père. Pour une inhumation modeste, cela lui a coutéprès de 1500 euros, soit près de dix fois son revenu mensuel:500 euros pour le service funéraire, 50 euros à l'église et 25euros remis au pope pour que lacérémonie soit belle, 500 eurospour le repas des morts (30 person-nes), 200 euros d'offrandes et aut-res dépenses.

Dans le village de Chirca, prèsd'Anenii Noi, Cristina Jalba et satante ont déboursé 2500 euros pourl'enterrement du grand-père. "Lepope nous avait dit de donner selonnos possibilités. Nous lui avonsremis 250 euros, un orchestre estvenu accompagner le cortège, etensuite il a fallu inviter tout le monde à table". Certains réus-sissent à limiter les frais en préparant eux-mêmes le repas eten l'organisant chez eux.

"Tous les mois, je mets de l'argent de côté"

Olivia Ivanova, 72 ans, avait aussi convoqué un orchestre

et des danseurs folkloriques pour l'enterrement de son mari."Je lui avais demandé: comment veux-tu… avec ou sansmusique, avec cravate ou nœud papillon?" blague-t-elle. Maisune inquiétude l'habite: "Main -tenant que je suis seule, quifera comme il faut quand ce sera mon tour?". Tous les mois,elle met de l'argent de côté sur sa modeste pension. A charge,le moment venu, à ses voisins d'organiser la cérémonie.

Nadejda, veuve aussi, touche une pension mensuelle de50 euros. Elle a pris ses précautions. Sur la dernière, elle enlaissera la moitié au pope pour la messe, le reste sera pour lecercueil. Sa fille la plaisante: "Maman, çà fait dix ans que jete vois cacher tes sous dans le matelas!".

Le cercueil le plus modeste coûte 25 euros, mais en géné-ral, il faut compter plutôt entre 100et 150 euros, plus la croix en bois,20 euros. Quand à l'église… plusl'enterrement se déroule loin deChisinau, moins cela coûte… de 15euros dans les villages reculés à unecentaine pour les cérémonies plussophistiquées, avec luminaires, ten-tures, etc. Si on veut que le popeaccompagne le défunt jusqu'aucimetière, en disant ses prières, ilfaut prévoir 50 euros supplémentai-res.

Des restaurants se sont spécialisés dans les repas desmorts. Dans le village de Truseni, il faut compter 7 euros parpersonne, à partir de 30 convives, une réduction étant consen-tie au-delà de 100 personnes. A Lozova, dans le raion deStraseni, le repas est servi dans la cour de l'église ou dans leréfectoire du lycée. Les invités se retrouveront pour une autre"pomana" neuf jours plus tard, puis 40 jours.

La Moldavie refuge des survivants de la guerre russo-turque de 1828-1829

La "petite Bulgarie" de Tvardita

Malgré son jeune âge, Masha tient à rendre comp-te de la valeur de ce qu'elle fait. "J'étudie ladanse pour conserver des traditions qui, autre-

ment, disparaîtraient". Dans les salles de l'imposante DomKultury ne cachant pas son style des années 1980, Masha etses camarades répètent une danse traditionnelle bulgare. Unedanse dont la complexité nécessite de la discipline et une tech-nicité certaine, qui ne s'acquiert qu'au bout de quatre annéesd'entrainement.

Comme Masha, Victoria a les idées claires: "Je me suisinscrite dans cette école parce que ma famille m'a transmiscette passion. Nous chan-tons et dansons la musiquebulgare depuis des généra-tions". Dans la salle d'àcôté, on peut entendre unedizaine d'enfants apprendreles rythmes complexes deschansons populaires, qui àla gaida, qui au kaval ou àla gadulka.

C'est dans les annéessuivant la guerre russo-turque de 1828-1829 quecertains combattants bul-gares, craignant la répres-sion de la Sublime Porte,ont commencé à s'installersur le territoire moldave, yenracinant pour longtempsdes coutumes qui survivent encore aujourd'hui dans la petitecommune de Tvardita (environ 6 000 habitants). Depuis, lesliens de la communauté bulgare de Moldavie avec la mèrepatrie n'ont pas fait que se maintenir: ils se sont amplifiés aupoint qu'en 1995, le Président bulgare Zelyu Zelev s'étaitdéplacé à Tvardita et l'avait qualifiée de "petite Bulgarie".

Une usine de jersey dans l'ancien kolkhoze Lénine

Masha et Victoria se rendent compte que leur vie ne serapas de tout repos : elles savent, par exemple, qu'une fois leursétudes terminées, il leur faudra émigrer, comme nombre deleurs compatriotes avant elles. Mais elles savent égalementqu'elles vivent une expérience unique: leur école est une anten-ne du Conservatoire Stefan Neaga de Chisinau, ouverte en1996, grâce à la collaboration des gouvernements bulgare etmoldave. Un corps professoral, composé de locaux et de péda-gogues recrutés à l'étranger, y enseigne non seulement la cul-ture musicale mais également les matières classiques de l'en-

seignement public (mathématiques, physique, lettres…).Son statut un peu particulier fait que l'école attire bien au-

delà de Tvardita; et la qualité de la formation lui permet deprésenter ses spectacles à l'étranger. La fierté des deux écoliè-res pour leurs racines est commune dans le village. Elles-mêmes encouragées par un musée de l'histoire locale, et parune bibliothèque municipale comptant dans ses rayons nomb-re de textes de littérature bulgare. Dans une Moldavie où ladiversité linguistique et culturelle est souvent source de divi-sion, elle est ici source de richesse - aussi bien d'un point devue relationnel que d'un point de vue économique, vu le nom-

bre élevé de touristes bul-gare venant de la terre deleurs cousins de Bes -sarabie.

Mais Tvardita ne vitpas que de musique etd'âme slave. Une fois lescours terminés, Masha etVictoria quittent la DomKultury, et se retrouventdans la rue, à l'ombre del'usine Euro-jersey, repré-sentatif d'un autre type despécialité locale.

Nicolaï Lutzik saitque sa réputation s'étendbien au-delà de la commu-ne, au moins jusqu'à lacampagne environnante

accueillant les imposants bâtiments des quatre usines dont ilest propriétaire. Cette même vallée hébergeait à l'époquesoviétique le kolkhoze Lénine, dont le terrain a été privatisé àla chute du régime pour y accueillir des usines privées. NicolaïLutzik s'y est patiemment bâti un empire, rachetant les établis-sements un à un jusqu'à devenir le principal employeur deshabitants du village.

Et celui-ci semble bien tenu: les routes sont fraichementasphaltées et chaque maison est reliée à un réseau de canalisa-tion aboutissant à une station d'épuration de qualité. À l'égliseet à la bibliothèque s'ajoutent un hôpital, deux crèches, deuxécoles - dont une bénéficie d'un complexe sportif.

Et pourtant peu nombreux sont à Tvardita ceux qui croienten un avenir radieux. Si les usines emploient une part impor-tante de la population, peu de nouveaux postes sont créés. Etmalgré le bon fonctionnement du système éducatif local, nom-breux sont les jeunes qui, une fois leur instruction achevée,tentent leur chance ailleurs.

Francesco Brusa (Osservatorio Balcani e Caucaso) Traduit par Béranger Dominici

Après la guerre russo-turque de 1828-1829, des combattants bulgares vinrent s'installer dans le petit village deTvardita, dans le sud-est de la Moldavie. 200 ans plus tard, leurs descendants conservent les traditions de leurs ancêtrespar la culture et la danse.

La danse folklorique, moyen le plus sûr pour conserver les traditions.

La proximité géographique et lafaiblesse des contrôles doua-niers ont permis à certains

pays des Balkans de se positionner en têtedu commerce d'armes avec le MoyenOrient, bénéficiant en outre de l'aidesecrète des États-Unis", dénonceAmnesty International. "L'Europe del'Est est en train de remettre sur pied sonindustrie militaire de la Guerre Froide.Elle est en plein croissance et redevientprofitable". Le Premier ministre serbeAleksandar Vucic se vantait récemmentque son pays pourrait produire cinq foisplus d'armes qu'aujourd'hui et que cela nesuffirait même pas à satisfaire la deman-de. Les usines des fabricants d'armes enSyrie et en Bosnie-Herzégo-vine tournent

actuellement à plein régime et doiventmême refuser certaines commandes.

Les Saoudiens, qui ont plus l'habitu-de de négocier avec les géants occiden-taux du commerce d'armes ont dû sereplier sur les plus petits marchésd'Europe de l'Est pour y acheter desarmes légères, lance-roquettes ou fusild'assaut de type AK-47. Des intermédiai-res comme les sociétés CPR Impex enSerbie ou Eldon en Slovaquie ont joué unrôle crucial dans la fourniture d'armes auMoyen Orient. BIRN et l'OCCRP ontréussi à se procurer trois documentsconfidentiels de ces sociétés qui permet-tent d'avoir une idée de l'ampleur de cemarché pour la Syrie. On y apprend quel'Arabie Saoudite a demandé à CPR

Impex la livraison de centaines de roquet-tes anti-chars, de plusieurs millions decartouches, des systèmes de défense anti-missiles et des lance-roquettes.

Les armes livrées ont été produitesdans l'ancienne Yougoslavie, enBiélorussie, en Ukraine et en RépubliqueTchèque."La prolifération des armes auMoyen Orient a provoqué de terriblescatastrophes humanitaires", soulignePatrick Wilcken. Les Pays-Bas ont été lepremier pays de l'UE à stopper ses expor-tations d'armes vers l'Arabie saoudite etle Parlement européen a appelé à unembargo à l'échelle de l'UE.

Lawrence Marzouk,

Ivan Angelovski et Miranda

Patrucic, Traduit par Simon Rico

L'Europe de l'Est remet sur pied son industrie militaire(suite de la page 5)

Moldavie Moldavie

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Actualité

Le Président a ainsi montré du doigt le groupe Sheriff,soupçonné d'instaurer un régime oligarchique et de transférerd'importantes sommes d'argents à l'étranger, sapant ainsi lebudget de l'État. Pour ses adversaires, au contraire, tous lesproblèmes économiques de la Transnistrie résultent de l'in-compétence du Président. Un discours qui a semble-t-ilconvaincu les électeurs : aux élections législatives de novem-bre 2015, 33 des 43 sièges du Parlement ont été arrachés parle parti Renouveau et ses alliés.

"Un traitre à la solde des Moldaves"

Renouveau a aussitôt a pris des mesures pour limiter lespouvoirs du Président et ren-forcer ceux du Parlement. Enavril, Evgueni Chevtchouk aété accusé d'avoir créé desentreprises grâce auxquels ilaurait détourné plus de 100millions de dollars. Une cam-pagne bien sûr largementrelayée par les médias dugroupe Sheriff, qui ont accu-sé le Président d'être un trait-re à la solde des Moldaves.

Le parti Renouveau n'apour le moment désignéaucun candidat officiel pourla prochaine élection prési-dentielle, mais l'homme pres-senti pour partir en campagneserait Vadim Krasnosielski,l'actuel président du Soviet suprême. Plusieurs poids lourds duparti se sont dits favorables à cette candidature, dont IgorSmirnov en personne.

Pour Evgueni Chevtchouk, les options sont désormaislimitées, car ce dernier passe le plus clair de son temps àrépondre aux accusations dont il fait l'objet, plutôt qu'à contre-attaquer. Ses récentes tentatives de nier toute coopération avecChisinau se sont avérées peu crédibles. Evgueni Chevtchouk aainsi reproché à la capitale moldave de "dialoguer avec desmenaces", puis il a placé des unités anti-aériennes en positionde combat pour répondre à des vols cartographiques menés àla demande de Chisinau.

De son côté, la Russie semble pour le moment rester à l'é-cart du combat. Le Président Chevtchouk et son rival VadimKrasnosielski ont tous deux été reçus à Moscou avec deségards comparables. Les médias proches du Kremlin s'abstien-nent de critiquer le Président, alors qu'en 2011, ils avaientaccusé Igor Smirnov d'avoir détourné une partie de l'aiderusse. Moscou semble vouloir éviter toute escalade et préser-ver la stabilité de la petite république sécessionniste. Au vuede la conjoncture internationale, il semblerait même que leKremlin souhaite une reprise des discussions entre Chisinau et

Tiraspol, ce qui permettrait de relancer l'économie de la régionet de réduire le fardeau financier que constitue la Transnistriepour le budget russe.

Evgueni Chevtchouk résigné à rendre les armes

Le 20 mai 2016, comme tous les ans, le PrésidentChevtchouk s'est adressé à la nation. On s'attendait à une char-ge pugnace contre le groupe Sheriff mais, dans un discoursassez bref et très modéré, qui avait toutes apparences d'unbilan de sa carrière et qui sonnait comme un adieu, le Présidenta mis en garde les électeurs contre l'influence néfaste dumonde des affaires sur la politique. Il a conclu en exprimant sa

gratitude envers les servicessecrets et les institutions del'État. Evgueni Chevtchouk adonné l'impression d'accepterde ne pas s'attendre lui-mêmeà être reconduit. Malgré l'ab-sence de sondage, ses appuissemblent minces, commel'ont montré les dernièreslégislatives. Son seul espoiraurait été un soutien actif deMoscou, mais celui-ci neviendra pas.

Le Président Chevtchoukest donc sur le recul. En maidernier, il a accepté un prêtde 30 millions de dollarsd'une banque contrôlée par legroupe Sheriff pour renflouer

les caisses de l'État. Une occasion en or pour Sheriff de seposer en sauveur de la nation de faire taire les critiques.

Moscou veille au grain

Dans ce contexte, le Président semble avoir compris quetoute tentative pour museler l'opposition serait mal reçu àMoscou. Au sein même de l'administration, le vent tourne etnombreux sont les fonctionnaires à se rapprocher du partiRenouveau. À vrai dire, Evgueni Chevtchouk pourrait mêmene pas se représenter.

La victoire du candidat du parti Renouveau semble doncacquise. La concentration du pouvoir entre les mains des pro-ches du Sheriff permettra peut-être de stabiliser la région et deredresser les comptes de l'État. Vadim Krasnosielski voudrasans doute aussi apaiser les relations avec le voisin moldave,même si Sheriff n'a aucun intérêt à une réunification avec laMoldavie. Au contraire des habitants de l'entité sécessionniste,qui pourraient profiter de la facilitation des échanges avecl'Union Européenne, entrés en vigueur en juillet.

Kamil Catus (New Eastern Europe)Traduit par Stéphane Surprenant

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Evgueni Chevtchouk comme la corde le pendu

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Actualité

Dans les rues de Tiraspol, un arrière-goût de l’ère soviétique.

Soviet suprême de Transnistrie

Moscou soutient le Président

Guerre de palais au

En Transnistrie, chacun affûte ses armes, quelques mois avant la présiden-tielle du 10 décembre prochain. La majorité des députés du Soviet suprê-me accusent le Président Evgueni Chevtchouk, 48 ans, de détournement de

fonds et de haute trahison. Pour ce dernier, le principal mouvement politique du pays,le parti Renouveau, est le jouet des oligarques. Grâce à la protection d'Igor Smirnov,le fondateur de la république de Transnistrie, le groupe Sheriff contrôle depuis vingtans la plupart des secteurs rentables de l'économie. Le parti Renouveau, bras politiquede Sheriff, occupe la majorité des sièges au Soviet suprême depuis 2005. Durant unedécennie, Evgueni Chevtchouk fut lui-même une figure de premier plan du partiRenouveau et du groupeSheriff. Mais, depuis 2009, ilest en entré conflit avec IgorSmirnov, après la tentative dece dernier de réduire les pré-rogatives du Parlement.

À l'époque, EvgueniChevtchouk avait démission-né de son poste de présidentdu Soviet suprême et avait étéévincé de la direction duSheriff, avant de créer la sur-prise en remportant l'électionprésidentielle de 2011. Sitôtau pouvoir, ce dernier prit desmesures pour affaiblir l'empi-re du groupe Sheriff.L'homme avait besoin d'affir-mer son pouvoir, mais ausside s'approprier certains secteurs rentables de l'économie.

Chute de la monnaie, retraites et salaires sacrifiés

Cependant, après quelques succès initiaux, la position d'Evgueni Chevtchouks'est faite de plus en plus fragile ces dernières années, en raison de la détérioration del'économie de la Transnistrie, consécutive à la guerre en Ukraine, à la crise bancaireen Moldavie, à la chute du rouble russe, du leu roumain et de la hryvnia ukrainienne,qui ont ruiné les exportations. Dans le même temps, Moscou a diminué son aidefinancière et la consommation de la population est en berne. De plus, le maintien d'unrouble transnistrien à un niveau artificiellement élevé a miné la compétitivité desexportations et étouffé le commerce local en incitant la population à acheter des biensmoins chers en Ukraine ou en Moldavie. En 2015, pour faire face à l'érosion desfinances publiques, les autorités de Transnistrie ont donc décidé des coupes drastiquesdans les retraites et les salaires de la fonction publique.

Le conflit s'est encore durci à la fin de l'année 2015, à l'approche des législatives.Le président Evgueni Chevtchouk a justifié les déboires économiques de laTransnistrie par des facteurs géopolitiques. Il a aussi accusé certaines personnes deminer le pays de l'intérieur.

A quelques semaines de l'élection présidentielle du 10 décembre, une lutteféroce pour le pouvoir est engagée dans les couloirs du Soviet suprême deTiraspol, la capitale de la république autoproclamée et sécessionniste moldave deTransnistrie. Le groupe Sheriff, qui contrôle les principaux leviers économiquesde l'entité et la majorité des députés au Parlement, affûte ses armes pour fairetomber l'actuel Président Evgueni Chevtchouk.

Le Président Evgueni Chevtchouk ne semble plus avoir la confiance de Moscou.

Plus de 35 % des écoles moldavesont des toilettes extérieures dont beau-coup ne respectent pas les normesd'hygiène minimum (eau pour se laverles mains, savon, papier hygiénique).Par contre, celles destinées aux ensei-gnants sont dotées de ces éléments.Sur 1434 maternelles, 1171 ont desWC fonctionnant à l'intérieur, mais cenombre tombe à 831 pour 1288 écoles(dont seulement 653 sont utilisables).Un élève sur deux est donc obligé d'al-ler à l'extérieur des bâtiments en pleinhiver, quand le thermomètre descend à-20. Les normes imposent que les toi-lettes soient séparées et non collecti-ves, désinfectées régulièrement,pour-vues des équipements nécessaires.

Des toilettes

qui laissent à désirer

Le chef du personnel du pénitencierde Rezina et celui de la police localeont été arrêtés par la CNA (DNA molda-ve) pour avoir extorqué 1000 euros auxcandidats à des postes de gardiens deprison. Ils risquent 5 à 10 ans de déten-tion. Les postulants devaient ensuite sedébrouiller pour récupérer leur mise pardes combines équivalentes au sein del'établissement, fermant les yeux surtous les trafics internes.

Prison: à bonne école

La Roumanie s'apprête à doter laRépublique moldave de 100 nouveauxmicro-bus pour le transport scolairerural, après un premier don équivalentde 3 millions d'euros en 2014. Le judetd'Orhei, aux besoins les plus criants,sera le mieux pourvu. Par ailleurs,Bucarest affectera la même somme àla rénovation des écoles maternelles.

Micro-bus scolaires

Moldavie

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Cette période est celle d'un renouveau du "folklore patrio-tique", notamment avec la création, en 1977, du festival natio-nal Cîntarea României ("Le Chant de la Roumanie", expres-sion reprise à un poète du XIXe siècle, Alecu Russo). C'estcette constante du discours idéologico-politique à mobiliser lapaysannerie et sa culture(ou pseudo-culture), pré-sentées comme unitaires etmillénaires depuis la cons-titution de l'Etat-nation rou-main, qui a fait écrire cettephrase célèbre au philoso-phe roumain ConstantinNoica: "Nous ne voulonspas être les éternels pay-sans de l'Histoire".

CdB : Quand et comment apparaît le mythe de Dracula?

M.M. : Le mythe de Dracula est une création littéraireoccidentale qui a été tardivement récupérée par les Roumains,pour des raisons touristiques (surtout après la chute, en 1989,du régime de Ceausescu). Mais les choses sont un peu pluscompliquées. Historiquement, un prince (voïvode) roumain dunom de Vlad Tepes Draculea ("Vlad l'Empaleur, fils duDragon") a vécu au XVe siècle, dont la mauvaise réputation aété colportée en Occident à travers une littérature populaired'origine saxonne. Le prince sanguinaire avait, en effet, décidéde condamner à mort les colons saxons des villes deTransylvanie qui tenteraient de se dérober à l'impôt dont ilvoulait frapper leurs activités commerciales. C'est à partir decette source, croisée avec des croyances et pratiques roumai-nes concernant les revenants qu'en 1897 l'Irlandais BramStoker crée le personnage destiné à devenir un véritable mythepour l'Occident, grâce au relais du cinéma.

Offrandes aux morts et café à la turque

CdB : Dans ces études, vous dialoguez avec une collègue

bulgare, Assia Popova... Comment définiriez-vous l'espace

"danubo-balkanique" qui constitue votre terrain de recher-

che? Jusqu'à où s'étend-il ?

M.M. : Pour répondre à la question des limites d'un espa-ce "balkano-danubien", j'ai revisité la vieille notion anthropo-logique d'aire culturelle. Cette notion a l'avantage de ne pastracer de véritables frontières pour définir un espace culturelcommun à des populations qui, par ailleurs, se distinguentselon des critères tels que la langue ou la religion, par exem-ple. L'aire culturelle a des limites floues qui varient en fonc-tion des traits culturels pris en considération.

La cartographie de ces traits pourrait être figurée commeun jeu de calques qui, superposés, dessineraient des contoursqui peuvent se chevaucher. Par ailleurs, il m'a paru importantde considérer ces "traits communs" comme des élaborationsrattachées à des périodes historiques durant lesquelles despopulations diverses ont partagé des expériences de vie com-

mune. Ainsi, par exemple, pour l'espace "balkano-danubien",ce sont les grands empires qui, pour l'essentiel, ont fondé detelles expériences communes. Que l'on pense, en particulier, àl'Empire byzantin et à son "christianisme oriental", à l'Empireromain ou encore à l'Empire ottoman. J'ai tenté d'illustrer à

maintes reprises le syncré-tisme qui a résulté de tellesexpériences historiquespartagées. Ces exemplessont puisés, tant dans la viequotidienne (la cuisine et lecafé "à la turque") que dansdes expressions de la reli-gion populaire (les contesde la tradition orale paysan-ne issus des apocryphes

slavo-romano-byzantins) ou des rites liés à la mort, comme lesoffrandes aux morts en Grèce, Bulgarie et Roumanie.

CdB : Comment avez-vous choisi la Roumanie comme

terrain de recherche? Qu'est-ce qui vous a mené vers les

Balkans? Comment avez-vous pu travailler dans la

Roumanie de Ceausescu?

M.M. : Etudiante en anthropologie à l' l'Université Librede Bruxelles dans les années 1965, je devais m'orienter vers unsujet de mémoire de fin d'études dont l'orientation principaleétait "post-coloniale", c'est-à-dire congolaise. Pour ma part, jesouhaitais échapper à une telle orientation, tout en cherchant àeffectuer un travail de terrain et pas uniquement de compila-tion en bibliothèque. Le hasard a voulu qu'en 1965, après lamort du stalinien Gheorghiu-Dej et l'accession de Ceausescuau pouvoir, des accords culturels bilatéraux entre la Roumanieet la Belgique ont été signés à partir de 1966/67.

Ces accords culturels prévoyaient des bourses d'échangeuniversitaire, modestes certes, mais indispensables pour avoirun permis de séjour de quatre ou cinq mois et un encadrement(obligatoire) dans une institution de recherche. C'était exacte-ment ce dont j'avais besoin pour effectuer ce travail de fin d'é-tudes... J'ai donc effectué mes premiers séjours sur le terrain en1967, encadrée par une équipe d'ethnographes et de folkloris-tes de l'Institut d'ethnographie et folklore de Bucarest. Ce futle point de départ d'une vie de recherches où, durant toute lapériode du régime Ceausescu, j'ai renouvelé et obtenu, d'annéeen année, ces bourses qui n'étaient demandées par personne !Toutefois, au fur et à mesure que le régime se durcissait, lesconditions de travail devenaient, elles aussi, de plus en pluscompliquées. J'ai néanmoins réussi à persévérer dans mesrecherches, en bénéficiant de ce statut officiel qui obligeaitmes hôtes à m'accueillir et à me permettre de travailler.

Propos recueillis par Jean-Arnault Dérens (Le Courrier des Balkans)

Marianne Mesnil est professeur honoraire à l'Université libre deBruxelles, où elle a enseigné l'anthropologie de l'Europe. Elle vientde publier, avec Assia Popova, Les eaux-delà du Danube. Etudesd'ethnologie balkanique, Paris, Petra, 2016.

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Les Balkans, rêve d'Orient" et "poudrière de l'Europe", sauvages et indiscipli-nés mais pleins "d'authenticité humaine", fascinent et inquiètent lesOccidentaux, mais comment ces clichés et ces stéréotypes se sont-ils cons-

truits? Avec son regard d'anthropologue, Marianne Mesnil revisite l'histoire d'une relationcompliquée. Extrait de son entretien avec Jean-Arnault Dérens pour Le Courrier des

Balkans, concernant en particulier la Roumanie.Le Courrier des Balkans (CdB) : Dans votre livre, vous consacrez plusieurs étu-

des à la construction du regard occidental sur les Balkans...

Marianne Mesnil (M.M.) : La formation de stéréotypes qui tentent d'imposer un cli-vage radical et dépréciatif entre "nous" (les Occidentaux) et "les autres" (Européensd'Orient en l'occurrence) est très ancienne, puisqu'on en relève des témoignages dès le Xesiècle et que le phénomène s'accentue sans doute avec le Grand Schisme de 1054 entreRome et Byzance. Certaines périodes historiques ont favorisé de tels processus de disqua-lification. Ainsi, lors des Guerres balkaniques (1912-1913), apparait l'expression de "pou-drière des Balkans". Le syntagme va resurgir avec le déclenchement de la PremièreGuerre mondiale, suite à l'attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914. Et il retrouvera, bienentendu, une nouvelle actualité avec la décennie de guerres dans l'ancienne Yougoslavie(1991-2001), notamment lors de celle du Kosovo (1999). Cependant, à aucun moment, onne verra formuler un questionnement sur les raisons de cette récurrence des conflits, der-rière lesquels il n'est pourtant pas difficile d'apercevoir les méfaits d'une cartographie bal-kanique imposée par l'Occident après la chute des grands empires et dont les effets n'ontcessé de se prolonger.

CdB : Vous critiquez la notion de "balkanisme", forgée par distinction avec celle

d'orientalisme.

M.M. : Cette prise de position de l'auteur, d'origine bulgare, sur le balakanisme, sem-ble rejoindre une attitude d'auto-dénigrement, telle qu'elle se manifeste dans l'intelligent-sia des pays balkaniques - je pense à Cioran, en particulier. Cette opposition vient enporte-à-faux avec l'analyse que j'ai tenté de faire à propos d'un exemple roumain où appa-raît clairement la fascination d'un voyageur français pour Bucarest. Pas plus qu'une villebulgare, Bucarest ne peut prétendre séduire par ses fastes orientaux. Mais il ne s'agit pasici de richesse ou de beauté. Ce dont il est question, ce n'est pas seulement d'un imaginai-re mais d'une expérience de confrontation avec le réel d'une société qui n'a pas subi,comme l'Occident, les refoulements produits au cours de plusieurs siècles par lescontraintes de la "civilité".

Une paysannerie instrumentalisée à des fins politiques

CdB : Les régimes communistes eux-mêmes, dans leur dérive nationaliste, ont

beaucoup contribué à renforcer les stéréotypes et les clichés. Comment s'est construit

cet imaginaire roumain de "l'authenticité" paysanne ?

M.M. : L'image idyllique du "paysan roumain" s'est forgée dès le milieu de XIXe siè-cle lorsque, dans un climat de luttes pour la reconnaissance d'Etats-nations (le Printempsdes Peuples de 1848), les intellectuels roumains ont cherché à convaincre les grandespuissances occidentales du bien-fondé de telles revendications en insistant sur l'existencemillénaire d'une "culture paysanne" unitaire, forgée, en particulier, grâce à une languecommune.

Le discours "national communiste" de Ceausescu

Enfin, la Grande Roumanie va faire long feu puisque, dès 1940, elle est amputéed'une partie des territoires acquis en 1918 et, en 1945, avec les accords de Yalta, laRoumanie se trouve rattachée au Bloc soviétique. Après une première période communis-te, sous Gheorghe Gheorghiu-Dej, l'arrivée de Nicolae Ceausescu au pouvoir, en 1965, vitrefleurir un discours "national-communiste".

imaginé par l'Occident ? Les Balkans, un espaceVoisins

"Nous ne voulons pas être les éternels paysans de l'Histoire"

Selon un sondage, 30 % desUkrainiens (hors zone contrôléepar les séparatistes russophones)ont une bonne idée des Moldaves,57 % n'ont pas d'avis et 8 % leursont hostiles. Le pays le plusapprécié est la Pologne (66 % d'a-vis positifs), à laquelle une grandepartie de l'Ukraine était rattachéeautrefois. La Russie se classe audernier rang avec 17 % de cote depopularité, 29 % de sans avis et58 % d'avis négatifs.

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BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

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lIASI

BRASOV

CONSTANTA

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BOTOSANI

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TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

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GIURGIU l

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Ukraine: les

Moldaves ont la cote

Une fillette de 8 ans a été retro-uvée pendue dans une grangeprès de sa maison, dans une petitelocalité proche de Drochia, dans lenord de la République moldave, àune trentaine de kilomètres de lafrontière roumaine. Elle vivait avecsa sœur chez sa grand-mère. Lepère avait abandonné ses enfantset la mère était partie travailler àl'étranger. La police estime qu'il s'a-git d'un suicide.

80 % des émissions téléviséesen Moldavie sont produites par laRussie et diffusées en russe, bienque les Russophones ne représen-tent que 20 % du total. La régle-mentation impose que 80 % desémissions soient diffusées en rou-main. Mais le pays est submergépar les chaines russes, seules troischaines nationales utilisant la lan-gue nationale : Moldova1, Publikaet Jurnal TV. Les télés russes diffu-sent leurs programmes, empochantles produits de la publicité mais necréent aucune émission.

Suicide à 8 ans

Télés russes

omniprésentes

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

En Bulgarie, malgré un taux de chômage élevé, denombreux emplois restent vacants. Pour lesemployeurs, c'est la preuve que de nombreux

Bulgares "ne veulent pas travailler". Selon les représentantsdes entreprises privées et des ONG "libérales", les responsa-bles sont tout trouvés: les services sociaux, l'État trop géné-reux et ceux qui préfèrent être sans emploi pour toucher lesaides de l'État plutôt que de gagner un salaire misérable. Seloncertains, même la croissance de la dette extérieure pourrait êtreinterprétée comme une conséquence d'un trop-plein d'aidessociales. C'est pour cela que les coupes dans les aides socialessont présentées comme l'une des mesures les plus efficacespour encourager la classe ouvrière (y compris les chômeurs) àtravailler: cela empêcherait le parasitisme social et réduiraitainsi le déficit budgétaire. Une rhétorique qui n'a pas étéinventée par le gouvernement actuel, composé des libéraux decentre-droit et de l'extrême droite. Elle était déjà utilisée parl'ancienne ministre des Affaires sociales, pourtant issue desrangs socialistes.

36 % de la population concernée par la "pauvreté grise"

Le ministère des Affaires sociales actuel a récemment misen place des contrats journaliers pour les travailleurs agricolessaisonniers. Des contrats à destination des précaires et chô-meurs, officiellement pour endiguer l'"influence corruptrice"de ce fameux trop plein d'aides sociales, qui rendraient les tra-vailleurs paresseux. Mais la mesure, qui détruit tout même lesderniers vestiges de la protection sociale, cache surtout le refusdes patrons d'embaucher autrement. Dans leur campagne pourréduire les aides sociales, le gouvernement et les think-tanksnéolibéraux n'hésitent pas à utiliser des stéréotypes racistescontre les Rroms, comme le mythe de la "Rrom mineure ayanttrois enfants et plus de 550 euros d'allocations familiales", soitdeux fois le salaire minimum (environ 210 euros). Autre ciblede choix ces derniers temps: les réfugiés.

Pour se battre contre ces stéréotypes, la conseillère écono-mique du syndicat Potpora (Soutien), Vanya Grigorova, a pré-senté un rapport sur les conditions réelles de distribution desaides sociales. En somme, une carte détaillée de la pauvreté enBulgarie, qui donne des indications sur la répartition géogra-phique de l'inégalité.

La singularité de ce rapport réside dans l'introduction duconcept de "pauvreté grise", en réponse à la notion libéraled'"économie grise", qui sert souvent de prétexte pour lancerdes mesures "anticorruption". Cependant, cette "pauvretégrise" est difficilement mesurable, car l'État ne recueille pas dedonnées précises sur la situation de sa population, en particu-lier celle pouvant prétendre à une aide sociale. Le rapport se

base donc sur les estimations d'Eurostat, et en conclut que 36%de la population bulgare entre dans cette catégorie.

Selon les données de Grigorova, 2,5 millions de Bulgaresvivent dans une situation de privation matérielle. Parmi eux,600 000 entrent dans la catégorie des travailleurs pauvres,460 000 n'ont pas d'assurance santé, plus de 300 000 sont chô-meurs. Il faut par ailleurs ne pas oublier que quasiment tous lesretraités entrent également dans la catégorie des "pauvres",soit 1,3 million de personnes.

Espérance de vie qui recule et population en baisse

Selon l'État, sont officiellement considérées comme vivantsous le seuil de pauvreté tous ceux qui se débrouillent avecmoins de 150 euros par mois. Par contre, ceux qui vivent avecjuste un petit peu plus, ne sont pas "pauvres", et sont eux sou-mis à l'imposition. Le mode de calcul et de recensement despauvres est, avant tout, une question politique. C'est en celaque le rapport de Vanya Grigorova fait polémique, car il meten évidence les insuffisances des chiffres officiels, et leur inca-pacité à donner une représentation claire de la famille bulgaremoyenne. L'estimation du rapport - 36% de pauvres - a de quoialarmer, d'autant plus que l'État ne consacre qu'à peine 3,5%de son budget aux aides sociales. Un chiffre contesté par lesnéolibéraux qui affirment que l'État octroie plus de la moitiéde son budget aux aides - mais oublient de préciser que cequ'ils appellent "aides" comprend aussi les retraites.Qu'importe, le discours rencontre un réel succès, et est prétex-te à des coupes drastiques.

Toujours selon les calculs de Vanya Grigorova, le nombrede personnes percevant des aides a chuté de près de 80% entre2007 et 2015, alors que la Bulgarie est toujours officiellementl'un des pays les plus pauvres de l'UE. Autre donnée intéres-sante: selon les derniers chiffres de l'Institut national des sta-tistiques, l'espérance de vie en Bulgarie est en baisse, et lapopulation a même chuté de 50 000 personnes en 2015.

Le lien entre les mesures d'austérité et le racisme reste trèspeu étudié, et la question des minorités est souvent éludée. Lerapport Grigorova montre pourtant l'utilisation politique de larhétorique des "Rroms paresseux", des migrants, des mèrescélibataires ou des "parasites", pour demander, ou annoncerdes réductions de dépenses sociales. Parmi les exemples fla-grants de manipulation mis en évidence par Vanya Grigorova,on trouve celui de la jeune mère Rrom qui "pompe les aidessociales". La réalité montre le rapport, c'est que les Rromsreprésentent moins de la moitié des mères célibataires mineu-res, et que moins de 300 jeunes femmes sont concernées.

Jaklina Naumovski, Traduit par Jana Tskoneva pour Le Courrier des Balkans

En Hongrie, le mélange entre foot, business et politique Travailleurs paresseux, aides sociales abusives…Voisins

Viktor Orban, le controversé Premier ministre hon-grois, a deux passions: la politique et le foot.L'étudiant progressiste qui militait pour la chute

du communisme a longtemps joué pour des clubs amateurs. En1998, cet homme de petite taille au verbe charismatiquedevient, à 35 ans, Premier ministre, chefd'une droite nationaliste. Cela ne l'empê-che pas de rejoindre, un an plus tard, leclub de 2e division de Felcsut, son villa-ge natal. Il y jouera jusqu'en 2006. Etc'est là, dans ce bourg de 1700 âmes à 40km de Budapest, qui s'étale le long d'unegrande rue, qu'il inaugure l'AcadémiePuskas en 2007.

Baptisée d'après le joueur légendai-re Ferenc Puskas, étoile des années 50 etsymbole d'un mythique âge d'or,l'Académie est un club-lycée destiné àformer de jeunes talents, dès l'âge de 12ans. "Le football hongrois ne renaîtraque si nous investissons tous nos efforts,au niveau local, pour former une nouvel-le génération de joueurs de hautniveau", déclare Orban (repassé dansl'opposition) le jour de l'inauguration.Depuis, un stade a été construit à côté del'Académie, coiffé d'un toit ondulantponctué de pignons façon Disneyland.Inauguré en 2014, l'équipe del'Académie Puskas y évolue à domiciledevant 3500 spectateurs maximum. C'est beaucoup pour unvillage de 1 700 habitants. Mais ça fait plaisir à Viktor Orbandont la jolie maison paysanne - l'une de ses résidences secon-daires -, a vue sur cette Pancho Arena (exilé en Espagne aprèsla révolution magyare de 1956, Puskas avait été surnomméPancho).

"On ne sait pas qui donne combien à qui"

Revenu de son exil en opposition en 2010, Orban se lanceà corps perdu dans la construction de sept stades (une demi-douzaine d'autres sont prévus d'ici à 2020). Coût : 150 millionsd'euros payés par l'Etat. La Pancho Arena a été financée autre-ment, de manière originale. Une loi de 2011 offre en effet desabattements fiscaux aux entreprises qui financent le sport. Pasmoins de 300 milliards de forints, près d'un milliard d'eurosont ainsi été versés par les entreprises entre 2011 et 2016, et untiers de cette somme est allée au football.

"Ces données ne sont pas considérées comme publiquespar le gouvernement. On ne sait pas qui donne combien àqui", déplore Gyula Mucsi, un expert de Transparency

International Hongrie. Le club de Felcsut a reçu à lui seul 8%des dons alloués au football. Le club de Kisvarda, ville de16 000 habitants à la frontière ukrainienne, a reçu plus de 106000 euros en 2013. En 2015, après que le député local, MiklosSesztak, est devenu ministre du Développement national, l'ai-

de a bondi à… 4,2 millions d'euros."Pourquoi donc une entreprise vou-drait-elle financer un club insignifianttout juste parvenu en 2e division ? Cesystème délibérément opaque ouvre lavoie au lobbying et à la corruption.Grâce à un don, une entreprise peutespérer gagner un contrat public", ajou-te Gyula Mucsi. En Hongrie, politique,sport et business font bon ménage. Leprésident de la fédération de foot,Sandor Csanyi, est aussi président d'unegrande banque et l'un des hommes lesplus riches du pays. D'autres fédérations(handball, basket-ball…) sont dirigéespar des hommes politiques du Fidesz, leparti d'Orban. "Le foot n'est pas un busi-ness rentable. Mais si l'on veut être dansles bonnes grâces d'Orban, il faut finan-cer ce sport", commente un journaliste.Même Tamas Leistinger, oligarqueréputé proche des socialistes, a achetéun club de foot à Miskolc, au nord deBudapest. Il faut bien survivre, dans unrégime qui a une fâcheuse tendance à

intimider les propriétaires d'entreprises alléchantes pour lespousser à vendre.

Un taux moyen d'occupation des stades de seulement 17%

En France, les recettes des clubs viennent principalementdes droits télé payés par des chaînes privées et du sponsoring.En Hongrie, on compte certes quelques mécènes privés maisles sponsors les plus généreux sont les entreprises publiques,propriété à 100% de l'Etat comme l'électricien MVM, le distri-buteur de gaz Fogaz… Et la télévision d'Etat verse chaqueannée plus de 11 millions d'euros à la Fédération hongroise defootball pour les droits de diffusion, "une somme supérieureau prix du marché", note Gabor Szabados, économiste dusport. Quant à la Société des jeux magyare, qui empoche desparis sur les matches, elle reverse 5% de son chiffre d'affairesà la Fédération; en France, les opérateurs de jeux ne paientque… 0,1% de leur revenu. "Ces contributions énormes sonten réalité des subventions de l'Etat", analyse Gabor Szabados.

(suite page 14)

Ménage à trois autour du Premier ministreBulgarie: le mythe des "profiteurs" du systèmeSous l'impulsion du Premier ministre populiste hongrois, Viktor Orban, ancien joueur, les entreprises sont très forte-

ment incitées à investir dans le ballon rond.

Voisins

Pour justifier les coupes à répétition dans le budget social, les médias "libéraux" et les responsables politiques bulga-res usent et abusent des stéréotypes pour "prouver" l'impact défavorable de l'État-providence sur l'emploi et l'économienationale. Des chercheurs ont vérifié ce qu'il en était vraiment.

Viktor Orban occupe tous les terrains.

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Actualité

Avec la Bulgarie, la Roumanie est, comme vous le disiez,

le pays qui compte le plus grand nombre de propriétaires de

l'Union Européenne. Cela veut dire qu'il y a moins d'ache-

teurs sur le marché ?

Il y a toujours des acheteurs, car les jeunes générationsveulent toujours acheter. Mais les Roumains sont très familleset beaucoup d'appartements restent dans le cercle familiale. En1989, un appartement valait 5000 dollars. Du coup, tous lesRoumains sont devenus propriétaires. Puis, beaucoup d'entreeux ont acheté une résidence secondaire. En France, la tendan-ce est plutôt 50% de propriétaires, 50% de locataires.

Le pouvoir est donc aux propriétaires...

Oui. D'ailleurs, on a eu un gros problème sur la période2008-2011 car la demande a chuté, mais les propriétaires ontgardé en tête les niveaux de 2008. J'ai entendu des propriétai-res dire qu'ils étaient prêts à attendre, même si le prix qu'ilsproposaient était surévalué, car ils n'avaient pas forcémentbesoin d'argent. Certains ont fini par céder et le marché s'est unpeu régulé. Mais il y a toujours une couche de vendeurs qui n'apas besoin d'argent et donc campe sur des prix très élevés.

La zone sismique sur laquelle se trouveBucarest effraie beaucoup les acheteurs

Le marché des villas et petits immeubles construits avant

la période communiste, répond-il aux mêmes mécanismes ?

C'est un marché assez particuliers, car la zone sismiquesur laquelle se trouve Bucarest effraie beaucoup les acheteurs.

Nous faisons des estimations des biens et les immeubles cons-truits durant cette période ne sont pas forcément à risque, maistous n'ont pas été expertisés. A cela s'ajoute le fait que lesbanques sont très réticentes quand il est question de prêts pourcette catégorie de biens immobiliers. Du coup, c'est un marchéqui perd de la valeur.

Pour résumer, le marché de l'immobilier de la capitale

roumaine est-il difficile pour un agent immobilier ?

Il a été très facile entre 2000 à 2008. Il y avait beaucoupd'acheteurs et beaucoup d'argent sur le marché. Les prix aug-mentaient du jour au lendemain. Aujourd'hui, nous allons versun marché plus mature. Seules les agences immobilières soli-des vont rester en place et elles réussiront à se différencier surles services, comme en France.

Propos recueillis par Jonas Mercier(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Entre fantasmes, rumeurs et réalités, le marché de l'immobilier bucarestois afait autant de fortunes que de faillites. Depuis quelques années, les prix semblentse stabiliser, mais comment appréhender ce secteur si imprévisible? Fondateur del'agence immobilière Vantage properties (www.vantageproperties.ro), ArnaudPichard a fait part de son analyse à Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest).

Le Petitjournal.com/Bucarest - Ces 15 dernières années, les aléas de l'éco-

nomie roumaine se sont toujours reflétées sur le marché de l'immobilier,

les prix au m2 connaissant des variations du simple au double. Quel état

de lieux faire de la situation actuelle ?

Arnaud Pichard - Il y a deux types de marché: la vente et la location. Le marché dela vente est, à l'heure actuelle, en stagnation et contrairement à ce qui a été dit l'annéedernière, je pense que la situation n'est pas prête de changer. Avec le vote de la fameu-se loi de la ''dation en paiement'' (elle permet aux personnes ayant contracté un crédit

hypothécaire et se voyantdans l'impossibilité de lerembourser, de s'acquitter deleur obligation en cédant à labanque le ou les biens immo-biliers pour le(s)quel(s) l'ar-gent a été emprunté, ndlr) etl'augmentation jusqu'à 40%des avances demandées parles banques pour les créditshypothécaires, je vois mêmeune baisse cette année,contrairement à l'avis desspécialistes.

Du coup, peut-on dire

qu'aujourd'hui, les prix

sont plus proches de la nor-

malité?

Il est difficile de parlerde normalité. J'habite depuis

vingt ans en Roumanie et en 1999-2000, les appartements dans des immeubles commu-nistes se vendaient à 500 euros du m2. Aujourd'hui, nous sommes à des prix moyens encentre-ville de 1000 à 1100 euros du m2. Durant la bulle immobilière, on était monté à2000, voire 2500 euros du m2. Et je parle du marché de l'ancien. Dans le neuf, il y aencore aujourd'hui toute sorte de prix. Donc, quel est le prix normal...

Les Roumains sont restés très “famille”

Mais les prix d'aujourd'hui reflètent-ils l'offre et la demande ou le marché de

l'immobilier reste-t-il irrationnel ?

Il reste irrationnel. La Roumanie compte 90% de propriétaires, son marché de l'im-mobilier est donc forcément déséquilibré. Pendant plusieurs années, l'accès aux créditsa été difficile. La bulle immobilière a débuté en 2003 parce que la possibilité d'emprun-ter de l'argent a été largement facilitée. L'entrée dans l'UE, en 2007, a fini de faire per-dre les pédales au marché. Le paroxysme de cette période a été atteint en 2008. A cetteépoque, j'ai connu à Primaverii, le quartier le plus côté de Bucarest, des prix à 6000,voire 7000 euros au m2. Il s'agit du prix moyen à Paris. Et il y avait des acheteurs ! Entre2008 et 2011, ça a été le plongeon : - 50% sur les locations, sur les ventes et sur le prixdes terrains.

La Roumanie est le pays qui compte le

Tout ça pour quoi ? Pour des sta-des boudés par le public, avec untaux moyen d'occupation de seule-ment 17%. Il y a tout de même desgens qui s'enrichissent dans tout ça: seuls les oligarques proches dupouvoir raflent lescontrats de cons-truction.L'opposition lessoupçonne dereverser des pots-de-vin au partid'Orban.

Si le Premierministre a écartéles hooligans, enimposant auxclubs d'enregistrerleurs supporteurs,il n'a pas encoreréussi à attirer unpublic familial."Pour cela, il faut

deux choses:

des stades, et du

bon foot! La première est plus rapi-

de que l'autre; former des bons

joueurs, ça peut prendre dix ans",

observe Gabor Szabados. Lemoment est-il là ? La performancede l'équipe hongroise à l'Euro asans doute plus à voir avec l'arrivéede l'entraîneur allemand BerndStorck qu'avec la construction destades. Mais trois jeunes joueursremarqués en France - LaszloKleinheisler, Adam Pintér etKrisztian Németh - sont issus desacadémies Puskas et MTK. Derêve, la renaissance du foot hon-grois est peut-être en train de deve-nir réalité. Au plus grand bonheur deViktor Orban.

Florence La Bruyère

(suite de la page 13)

Economie plus grand nombre de propriétaires de l'UE

Le marché de l'immobilier reste irrationnel à Bucarest

Justice 30 ans après

Correspondant du poste de radioEurope libre, le dissident Gheorghe Ursuavait été arrêtépar les militairesen 1985 et tortu-ré à mort. Ledossier avait étéenterré depuis,mais son filsavait fait unegrève de la faimde 17 jours pourqu'il soit rouvert.30 ans après les faits, il vient d'obtenirsatisfation. Les quatre officiers tortion-naires viennent d'être inculpés par le pro-cureur militaire ainsi qu'un ancien minis-tre de l'Intérieur, George Homostean, etun chef de la Securitate de l'époque,Tudor Postelnicu. S'ils sont déclarés cou-pables, ils risquent la prison à vie.

Dacian Ciolos

intransigeant avec Londres

Le Premier ministre Dacian Ciolosplaide pour des négociations sansconcession avec Londres en vue desa sortie de l'UE, afin que la tenta-tion d'un "Brexit" ne fasse pas tâched'huile, se méfiant par ailleurs desvetos que la Grande Bretagne pour-rait prendre afin de bloquer lesinitiatives de relance européenne.

L'ancien commissaire européenà l'agriculture fait par ailleurs uneanalyse sans aménité des leaders du

Vieux continent qu'il a côtoyés àBruxelles, soulignant leur manque devision et leur médiocrité. Il invite le gou-vernement roumain à prendre positionrapidement et fermement afin que le pro-cessus de transformation de l'UE ne soitpas confisqué par les seuls membres de lazone euro.

Le pape François

en Dacia Logan à Erevan

En visite dans la capitale Arménien-ne, le Pape François a choisi une Loganblanche pour se déplacer à Erevan etsaluer les fidèles venus en masse pour levoir. La nouvelle a vite fait le tour de lapresse roumaine, qui n'a pas manqué decomparer la modestie du représentant descatholiques à l'opulence bien souventaffichée des dirigeants de l'Eglise ortho-doxe roumaine, notamment en termes devéhicules. Et la publication en ligneHotnews de rappeler que fin avril, lemétropolitain d'Ardeal, Laurentiu Streza,a maudit un journaliste du quotidien OraSibiului, qui avait osé publier la photo deson bolide, une Mercedes E350 4matic(60 000 euros en Roumanie dans sa ver-sion de base). Dûment semoncé, le jour-nal avait présenté quelques jours plus tardses excuses à l'encontre du clerc.

A savoir

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Après la bulle immobllière, les prix ont baissé de moitié dans l’ancien, mais restent à géométrie variable dans le neuf. Difficile donc de savoir quel est le prix normal...

Dans le centre de Bucarest, des pannonceaux indiquent le niveau de risque, en cas de tremblement de terre.

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

"Je pique des recettes sur Internet pour faire mes insecticides naturels"

Carrefour a obtenu des autoritésroumaines le feu vert au rachat duréseau de 86 supermarchés del’Allemand Billa.

Une transaction qui permet audistributeur français de devenirnuméro un roumain des supermar-chés. Carrefour a prévu de passerles magasins, qui représentent plusde 83 000 m2 de surfaces de vente,sous enseigne Market.

En Roumanie, Carrefour détenaitjusque-là 29 hypermarchés, 110supermarchés et 53 magasins deproximité.

Ecrasés par un soleil de plomb, des ouvriers agrico-les s'affairent sur une étendue de quatre hectares,équipés de huit serres de 4000 m2. Cette petite

ferme maraîchère ressemble aux nombreuses autres que l'ontrouve dans le sud du pays. Mais les apparences sont trompeu-ses, car la ferme Bio&co de Ateliere fara frontiere (AFF) estsans doute unique dans son genre en Roumanie. L'engrais uti-lisé est celui d'un compost géant, alimenté par les déchets defruits et légumes de plusieurs hypermarchés de Bucarest. Lesouvriers sont des personnes en difficultés et en cours de réin-sertion. Enfin, la production est 100% naturelle (la ferme setrouve en période de conversion et devrait obtenir son label bioprochainement).

"C'était çà ou partir en Espagne"

Sebastian Georgescu, l'ingénieur agronome en charge del'exploitation n'a jamais fait de bio, mais il apprend sur le tas.''Je pique des recettes sur Internet pour faire mes insecticidesnaturels, raconte-t-il. Parexemple, je fais une mixturede lait et de farine aveclaquelle j'asperge les toma-tes pour éloigner les arai-gnées, ou alors je faismacérer des orties. Et çamarche''. Petrisor, lui, tra-vaille torse nu sans se sou-cier du soleil.

C'est l'un des ouvriersen réinsertion. ''Je commen-ce à me faire au travail deschamps, j'apprends la disci-pline'', confie-t-il en sou-riant. La vingtaine, un peugauche, il pioche et désher-be autour des serres. Il y aquelques semaines, il estsorti de l'orphelinat duvillage voisin, dans lequel ilavait grandi. Il n'avait nicarte d'identité, ni argent et pour tout bagage un sac en plas-tique et une paire de jeans de rechange. S'il n'était pas tombésur AFF, il aurait quand même travaillé dans les champs, maisen Espagne, affirme-t-il. Il serait certainement parti par le biaisd'un des nombreux réseaux plus ou moins légaux qui existentdans la région.

''Nous nous sommes inspirés du réseau Cocagne enFrance, qui rassemble une centaine de jardins sociaux et bio,

explique Raluca Ouriaghli, la directrice de l'AFF. Ce modèlenous a plu parce qu'il y a un rapport à la vie et à la nature quiest extrêmement utile pour des personnes en difficulté''.

AFF est l'une des rares associations à se préoccuper de cespersonnes en difficulté, qui peuvent avoir des histoires très dif-férentes : expérience carcérale, handicap physique ou mental,détresse économique, orphelins. ''Nous ne voulons pas avoirde population cible, car cela entraîne une sorte d'exclusionindirecte, détaille Raluca Ouriaghli. Nous estimons, par exem-ple, que les Roms qui sont en difficulté ne le sont pas parcequ'ils sont Roms, mais parce qu'ils cumulent des problèmessociaux-économiques''.

Vente par système d'abonnement

Très répandues en France, les entreprises sociales n'exis-tent quasiment pas en Roumanie. Un réseau national en ras-semble à peine plus d'une dizaine. Bien trop peu pour un tra-vail gigantesque à l'échelle du pays, où les institutions en char-

ge de l'aide sociale sontsouvent dépassées et pasforcément très adaptées.

''Les personnes en dif-ficultés sont soit dépen-dantes des servicessociaux, soit en dehors detout mécanisme d'aide'',ajoute Raluca Ouriaghli.Le problème des poli-tiques sociales roumainesest toutefois plus com-plexe, estime la sociolo-gue Raluca Popescu.

''Depuis 1989, nousavons une approche réac-tive et faisons face auxproblèmes lorsqu'ils appa-raissent sans essayer deles anticiper, dit-elle. Maisle plus dommageable,c'est que l'Etat manque

cruellement de ressources et les problèmes sociaux sont trèsnombreux.''

La ferme Bio&co commence à voire sortir ses premierslégumes de terre. Elle a l'ambition d'en faire pousser 80 varié-tés différentes dans les mois à venir et de les vendre par le biaisd'un système d'abonnements hebdomadaires à des paniers desaison. Les inscriptions sont déjà ouvertes.

Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest)

L'éleveur de Câmpulung

s'est lancé dans un pari audacieux

Bucarestois d'origine, Mihai Pana aime le grand air et la France… plus exac-tement les produits français dont il apprécie la qualité. Après plusieursséjours dans l'Hexagone, voici quinze ans, il a décidé d'acheter une ferme sur

8 hectares près de Câmpulung, dans le judet d'Arges, une très jolie région verdoyante. Ily a entrepris l'élevage de chèvres de race alpine française, avec l'idée de fabriquer du fro-mage affiné qu'il écoulait notamment à Bucarest. L'affaire marchait bien, mais a péricli-té à cause des vols massifs dont il était victime.

L'an dernier, il a donc décidé de se débarrasser de son cheptel restant et, restant dansla filière de produits français, de se lancer dans l'élevage de chapons (coqs castrés). Maisle pari était risqué. La castration se traduisait au début par une perte de la moitié desvolatiles, l'acquisition d'un savoir-faire la ramenant à 20 %. De plus, au vu des efforts etdes dépenses consenties, les gains n'étaient pas considérables par rapport à un élevagenormal, le chapon se vendant 65 lei le kilo (15 euros), surtout qu'une partie du fourrageétait détourné par employés, particulièrement à l'époque où il fallait justement lesengraisser.

Le Bucarestois se lançadonc dans la production depoulets de Bresse, dont ilconnaissait la réputation et quin'étaient pas commercialisésen Roumanie. Il investit dansl'achat de 18 poules et 3 coqsde race pure auprès d'un distri-buteur franco-allemand qui luivendit aussi 200 œufs, à 10 leipièce (2,25 euros), lui donnant55 poussins mais dont seule-ment 17 étaient de race pure. L'élevage a proliféré depuis, son effectif passant rapide-ment à un millier de volatiles que Mihai Pana vend à 35 lei le kilo (8 euros), à l'âge de4 mois, ce qui évite d'avoir toujours un œil sur leur croissance et le gardiennage.

Il lui a fallu construire un poulailler confortable, lui permettant de mettre à l'abri sabasse-cour, le thermomètre descendant facilement à -15°. En quatre mois, les poulets,bien nourris, atteignent un poids de 2,5-3,5 kg. Leur alimentation, 100 % naturelle, a étémise au point par les chercheurs de la ferme expérimentale de Balotesti.

"Les pertes ne sont que de 2 %"

L'éleveur ne tarit pas d'éloges sur ses poulets de Bresse : "C'est une race résistante,qui n'a pas subi de modification génétique depuis 400 ans, ayant un système immunitai-re puissant. Elle n'a besoin d'aucun traitement, ni de vaccination. Sa viande est ainsiindemne de tout antibiotique. Et malgré tout, les pertes ne sont que de 2 %! Leur chairest délicieuse, elle s'apparente à celle du faisan".

Il reste cependant un problème majeur : Mihai Pana a encore du mal à commercia-liser son produit. "Je sens encore une réticence de la clientèle et les restaurants de luxepréfèrent privilégier les poulets d'exportation, se méfiant de la production roumaine". Sile prix de vente - 8 euros au kilo - peut se révéler dissuasif, l'éleveur rappelle qu'il estquatre fois plus élevé en France (et donc pour les produits d'importation en Roumanie),de l'ordre de 20-25 euros le kilo… une portion de chapon de Bresse étant facturée 80euros dans les restaurants de luxe français.

Pour l'instant, le Bucarestois investit tout ce qu'il gagne dans le développement deson affaire. Il voudrait arriver à un effectif de 40-50 poules, lui assurant la productionpar cycle de reproduction de 2-3000 poulets. "Alors, je pourrai envisager un profit de5000 euros par an" espère-t-il.

Economie

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Carrefour: feu vert au

rachat de 86 magasins

Social

Un salarié français payé auniveau du Smic coûte moins cher àson entreprise que son équivalentpolonais ou portugais détaché enFrance. En prenant en compte leseffets du CICE et du pacte duresponsabilité, les cotisations patro-nales ne sont désormais plus que de10% du montant du salaire brut pourun salaire au Smic contre 20% en2007 et 2012.

Désormais un salarié françaisrémunéré au Smic revient à sonemployeur à 1609 euros par mois.S'il était Polonais et payé en Franceau Smic avec des cotisations socialepayées en Pologne, le coût seraitpour son employeur de 1756 euros.En Roumanie il serait de 1619euros, en Espagne de 1788 euros etau Portugal de 1697 euros. LaPologne est le principal pays d'origi-ne des salariés détachés en France,avec 46 816 travailleurs. Suivent lePortugal (44 456), l'Espagne (35231) et la Roumanie (30 594).

Smicard français

moins cher

Une ferme sociale entièrement bio à 30 km de BucarestC'est sans doute une initiative unique en Roumanie, mais qui semble avoir un bel avenir devant elle. L'association de

réinsertion sociale Ateliere fara frontiere a mis en place une ferme bio dans la commune de Ciocanari (nord de Bucarest).Une vingtaine de personnes en difficulté vont y travailler. Le concept a fait ses preuves en France. Les premières récoltessont en cours.

Poulets de Bresse… made in Romania

Atelier sans frontières s’est inspiré du réseau Cocagne en France qui rassemble une centaine de jardins sociaux et bio.

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Actualité

Le vice-gouverneur

de la BNR en prison

L’actualité en juillet-août

Vice-gouverneur de la Banque Nationalede Roumanie et ancien président de laChambre des députés, Bogdan Olteanu aété placé aux arrêts à domicile pour 30jours à la demande de la DNA, mesuretransformée en incarcération pour 16 joursà la suite du trafic d'influence dans lequel ilest impliqué, en compagnie de l'ancienPremier ministre Tariceanu, actuel présidentdu Sénat. Les deux hommes ont été dénon-cés par le mafieux Sorin Ovidiu Vântu quiaffirme avoir remis en 2008 un million d'eu-ros au premier et promis autant au second,tout en les assurant de leur soutien dansles campagnes électorales à venir. Enéchange, le sulfureux homme d'affaires leuravait demandé de "pistonner" son protégé,le journaliste Liviu Mihai pour qu'il soitnommé gouverneur du delta du Danube, oùil avait d'importantes propriétés et sur lequelil entendait bien régner. Vântu, qui purgeactuellement une peine de quatre ans à laprison de Rahova pour son escroquerie àl'égard de Petrom, n'est pas inquiété pourl'instant dans cette affaire, ayant dénoncéses complices. Tariceanu essaie une nou-velle fois d'échapper au couperet de laJustice, en arguant de l'immunité parlemen-taire à laquelle il s'accroche.

Au cours de ces deux derniers siècles, depuis que la Roumanie estdevenue un Etat indépendant, les Roumains ont très souvent croisé laroute des Allemands et d'autres germanophones. Les intérêts de la

Prusse et de l'Autriche ont, en effet, toujours été important dans cette partie del'Europe. De cette interaction sont restées les expressions : ''travailler comme unAllemand'' et ''faire à l'allemande''.

Travailler comme un Allemand signifie plus précisément pour les Roumains''être précis dans ce qui est fait''. En d'autres termes, passer du temps au travail.La plupart des Roumains pensent que la réussite de l'Allemagne est due à l'ardeuret aux longues journées de travail de ses citoyens. Mais de récentes statistiquesfont tomber ce mythe. Selon les résultats d'une étude Eurostat, commandée parl'institut français Coe-Rexecode, les Roumains ont travaillé en moyenne 226 heu-res de plus que les Allemands en 2015. Soit 28 jours de huit heures. Cet écart estencore plus grand avec les Français. Les Roumains ont travaillé 434 heures, ou54 jours, de plus que ces derniers, l'année dernière. En fait, les Roumains seraientles citoyens européens qui travailleraient le plus. En parallèle, le revenu par habi-tant en parité de pouvoir d'achat (PPA) a atteint en Roumanie 57% de la moyen-ne de l'Union Européenne 2015. En Allemagne, ce même indice se situe à 125%et en France à 106%.

Plus un pays est pauvre, plus on y travaille beaucoup

L'année dernière, un salarié roumain a travaillé en moyenne 2080 heures. Encomparaison, un Français a passé 1648 au travail (c'est le moins de l'UE… maisavec la plus forte productivité), un Italien 1776 heures, un Allemand 1845 heureset un Britannique 1874 heures. Même si l'étude citée se concentre sur l'analyse dumarché du travail français, elle offre des informations intéressantes pour l'ensem-ble de l'Europe. Ainsi, plus un pays est pauvre, plus on y travaille beaucoup. Lescitoyens des pays les derniers entrés dans l'UE travaillent tous plus, en moyenne,que leurs concitoyens d'Europe de l'Ouest. Et pourtant, à chaque fois, leurs reve-nus sont sous la moyenne de l'Union Européenne. Cette situation s'explique toutà fait rationnellement. La compétitivité des pays où l'on travaille beaucoup esttrès réduite (la Roumanie est cinq fois moins compétitive que l'Allemagne). Etcelle-ci est faible non pas parce que l'on travaille peu, mais parce que l'on produitdes objets à faible valeur ajoutée. Une compétitivité réduite génère des bas salai-res, qui entrainent à leur tour une faible consommation. Du coup, la productionn'est pas stimulée. Bref, il s'agit d'un modèle de business qui ne marche pas.

Un cercle vicieux

La Roumanie a les moyens d'inverser cette spirale d'une seule façon: l'édu-cation. Il faut que Bucarest encourage les investissements tout en formant desgénérations capables d'augmenter la valeur ajoutée sur le marché du travail.Actuellement, la loi impose que le gouvernement alloue 6% du PIB à l'éducationnationale. Dans la réalité, ce portefeuille n'a jamais reçu plus de 3%. Il faudraitallouer aujourd'hui 10% du PIB à ce secteur pour sortir du cercle vicieux danslequel le pays tourne depuis 25 ans. Un cercle vicieux qui part du travail à faiblevaleur ajoutée, continue vers les bas salaires et une faible consommation pourarriver à des revenus budgétaires réduits et donc des petits investissements.

En 25 ans, le PIB réel de la Roumanie a augmenté de seulement 25%. Dansces conditions, la ''convergence réelle'' avec l'Occident reste une illusion.

Iulian Anghel, journaliste au Ziarul Financiar

(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

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Les Roumains ont travaillé 54 jours

de plus que les Français l'année dernièreSocial

Travailler plus… et gagner moins !

Une enquête de la Chambre de commer-ce allemande pour l'Europe centrale et del'Est montre que la Roumanie est toujoursattractive pour ses membres, notammentgrâce à la lutte anti-corruption menée parses autorités et des progrès économiquesaccomplis ces deux dernières années.Toutefois, elle relève que les investisseurssont mécontents de l'absence de sécuritéjuridique, des tracasseries des administra-tions fiscales et publiques, et du mauvaisétat des infrastructures. Autre sujet de pré-occupation: le manque de personnel qualifié.

Mi-figue, mi-raisin

Veillée funéraire à Peles, puis à Bucarest pour la Reine Anne,inhumée dans le caveau royal de Curtea de Arges.

L’historien franco-roumain Neagu Djuvara, qui partage sa vie entre les deux pays,

a soufflé ses cent bougies, honoré par le Président Iohannis.

Les pélerinages du 15 août ont attiré des foules immensescomme ici au Monastère Nicula, dans le nord de la Transylvanie.

Le festival de musique branchée Untold de Cluj a fait venir des jeunes de toute l’Europe

La loi oblige désormais les Roumains à prendre une assurancecontre les catastrophes naturelles. Mais ils sont

encore moins de deux millions à en avoir souscrit une, soit moins de 10 % de la population totale et 20 % des foyers.

La fièvre du Pokemon s’est emparée également dela Roumanie. Un coup réussi pour les promoteurs

de l’opération commerciale à travers le monde.

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Les grands brûlés traitésdans les pires conditions

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L'Institut national des statistiques rou-main, l'INS, vient de présenter une étudesur le système de santé du pays danslaquelle on y apprend que sur un total de56 300 unités médicales, 75% seraient pri-vées. Cela inclut les hôpitaux, les cliniques,les pharmacies et les laboratoires médicaux.

Ce chiffre grimpe jusqu'à 90% pour cequi est des polycliniques, des centres médi-caux spécialisés et des cabinets dentaires.L'INS rapporte en outre que depuis 1997 lesystème roumain de soins privés a augmen-té de soixante fois en terme de volume d'é-tablissements médicaux et de personnel.

Le nombre de lits du privé est entre aut-res passé de 63 en 1997 à 5800 en 2014.Dans le même temps, la trajectoire s'inversepour ce qui est du système public avec unechute du nombre de lits de 166 411 à 125192, soit une baisse de près de 25%.Bucarest compte 1312 lits dans le privé, Iasi709, Brasov 466. Quinze autres départe-ments bénéficient également de structuresprivées, preuve que le système de santéprivé s'est plus qu'étendu ces dernièresannées même si cela est loin d'être égal àl'échelle du pays. Il n'y avait ainsi que deuxhôpitaux privés en Roumanie en 1997, cont-re 161 en 2014. Sur la même période, l'étata fermé 50 structures. Pour ce qui est dupersonnel médical, en 1997 seuls 2,2% desdocteurs travaillant en Roumanie officiaientdans le privé -médecins de famille et dentis-tes compris. Ils sont 26% en 2014.

Par ailleurs, et il y a peu, le ministre de laSanté, Vlad Voiculescu, avait qualifié le sys-tème de santé public de ''féodal'', affirmantne pas connaître le nombre exact de méde-cins travaillant dans le système ainsi queleur salaire. Enfin, et toujours d'après derécentes données, 82% des jeunes méde-cins roumains souhaiteraient émigrer, princi-palement à cause des bas salaires et desconditions de travail.

3 établissements de

santé sur 4 sont privés

Après la publication d'une vidéo montrant la blessure d'un patientinfectée par des larves de mouche, le ministre de la Santé, VladVoiculescu, a déclaré mercredi 13 juillet qu'il avait voulu fermer à

plusieurs reprises le seul hôpital pour les brûlés de Roumanie. Etant donné l'ab-sence d'une capacité d'accueil suffisante dans d'autres établissements, il avait tou-tefois dû renoncer à cette idée.

En l'espace d'un mois, deux événements aussi déplorables que tragiques onttouché l'hôpital pour les brûlés de Bucarest. Le premier s'est produit à la mi-juin,lorsqu'une femme a été transfusée par erreur avec du sang ne correspondant pasà son groupe sanguin. Elle est décédée une semaine plus tard après son interne-ment, sans que l'on sache si c'est cette erreur qui lui a été fatale.

Début juillet, c'est la vidéo d'un médecin travaillant dans cette section qui aremis de l'huile sur le feu. Diffusée sur internet et reprise dans la presse, on y voitune plaie ouverte dans laquelle gigotent des petits vers blancs. "Pourquoi cacherla réalité? Qu'est-ce qui est plus grave: montrer ou se taire'', a indiqué l'auteurde ce document. Le patient en cause est également décédé.

Deux enquêtes ontété ouvertes. ''J'ai ren-contré des directeursd'hôpitaux pour parlerdu transfert despatients, mais noussommes arrivés à laconclusion que nous nepouvions pas fermercet hôpital'', a expliquéle ministre de la Santé. Interrogé par la presse sur la façon dont les autoritésferaient face à un afflux de victimes à la suite d'une éventuelle explosion, leministre a répondu sans équivoque: ''Nous les enverrions à l'étranger''. Et d'ajou-ter: ''La section de traitement des grands brûlés (ultra-moderne celle-ci, ndlr),dispose de six lits. Nous n'avons même pas la capacité d'accueillir cinq patientsen plus. C'est un problème grave et c'est inacceptable''.

Ces étudiants qui font leur cursus de médecine à l'étranger

Après la Roumanie, destination la Hongrie et la Croatie

Une première en France pour une médecine inter-nationale": la brochure de la prépa Moz annonçaitla couleur. Moz, pour "Médecine Orléans

Zagreb", devait permettre à 50 étudiants de suivre une prépa-ration à la première année de médecine pour un coût de5 000 €. Les quinze premiers pouvaient obtenir automatique-ment une place à la faculté de médecine de Zagreb, capitale dela Croatie, pour l'année 2017-2018. Faute de recevoir l'agré-ment du rectorat, l'ouverture dela "prépa" a finalement étéreportée à l'année prochaine.

C'est la première fois qu'uneformation française invite direc-tement des étudiants à faire leurcursus de médecine à l'étranger.De quoi relancer le débat sur uneémigration qui croit d'année enannée. Une façon, pour ceux quiaspirent à des études de médeci-ne, de contourner la sélectiondraconienne du système national.

En effet, à l'issue de leur pre-mière année, les candidats fran-çais sont soumis à un concours qui ne peut être passé que deuxfois et n'admet que 10 % d'entre eux. Seuls ceux qui parvien-nent à franchir ce cap fatidique pourront, cinq ans plus tard, seprésenter aux épreuves classantes nationales (ECN) qui leurpermettront ainsi d'effectuer leur troisième cycle d'études eninternat.

Un contournement du numerus clausus

Certains étudiants choisissent donc d'emprunter un che-min de traverse en optant pour une formation à l'étranger, leplus souvent en Europe, en Roumanie, Hongrie ou encoreCroatie. Cette dernière n'a commencé que récemment à deve-nir une possibilité pour les jeunes Français, après l'adhésion dupays à l'Union européenne en 2013.

La sélection s'y fait sur dossier et entretien de motivation,avec un niveau correct d'anglais exigé. À l'issue des six ans deformation, les étudiants peuvent revenir en France pour passerles ECN et accéder au troisième cycle.

Il ne s'agit pas d'un concours: comme leur nom le laissedeviner, les épreuves classantes nationales consistent simple-ment à établir un classement de tous les étudiants pour lesrépartir dans les différents établissements de santé français, oùils effectueront leurs stages en internat.

Il n'y a donc aucune élimination: un candidat qui se retro-uve dernier du classement pourra tout de même obtenir une

place en internat, où il se formera à une spécialité.

Des internes formés à l'étrangerjugés "incompétents" en France

Ce contournement du numerus clausus, qui aboutit à réad-mettre des étudiants sans contrôle de niveau, ne laisse pas d'in-

quiéter. D'autant qu'il ne cessed'augmenter?: selon le docteurJean-Paul Ortiz, président de laConfédération des syndicatsmédicaux français, 458 étudiantsfrançais sont revenus en Franceen 2016 pour leur troisièmecycle, alors qu'ils n'étaient que178 il y a quatre ans. "On pour-rait envisager d'établir uncontrôle au moment de la pré-rentrée dans le système français,suggère ce professionnel, ou unenote minimale de 10 aux ECN ".

De quoi éviter des problèmesultérieurs: en 2014, huit internesen médecine générale formés à

l'étranger ont été exclus de leur service hospitalier d'Île-de-France pour incompétence. Parmi eux, trois Roumains et troisFrançais ayant fait leurs études en Roumanie. "Ils ont servid'exemple. Par ailleurs, il y a eu 59 étudiants à qui on a refu-sé de valider leur semestre, précise le professeur PhilippeJaury, coordinateur du diplôme d'études spécialisées de méde-cine générale en Île-de-France. Ceux-là sont incapables d'êt-re en autonomie et mettent en danger la population française".

Faut-il restreindre l'accès au troisième cycle?

En 2011, le ministère de la santé s'était emparé du problè-me et avait opté pour une solution radicale: un décret stipulantque nul étudiant n'est autorisé à se présenter aux épreuvesdonnant accès au troisième cycle des études médicales s'il aépuisé les possibilités d'être admis à suivre des études médica-les en France.

Mais cette interdiction a été levée au bout de deux ans,après un recours déposé devant le Conseil d'État par l'associa-tion des étudiants francophones de l'université de médecine deCluj-Napoca, en Roumanie. Le problème reste donc, pourl'heure, entier. "Restreindre à nouveau l'accès au troisièmecycle est toujours en projet, mais cela reste compliqué", déplo-re le professeur Jaury. Un vrai paradoxe, alors qu'en Roumaniel'accès à l'internat est lui aussi soumis à un concours difficile.

Quentin Fruchard

Depuis six ans, la saline deGalati fait partie des éta-blissements les plus répu-

tés de Roumanie pour son air ionisé,purifié et ozonisé que ses utilisateurspeuvent respirer au cours de visites quidurent 45 minutes, avec séances derelaxation dans une ambiance détendueet fond musical. Ce traitement d'halo-thérapie est particulièrement indiquépour les personnes souffrant d'affec-tions respiratoires, de toux permanen-

tes et d'asthme bronchique, y comprisles enfants en bas âge. Il permet ladilatation des bronches et l'oxygéna-tion des poumons, et est particulière-ment indiqué pour les personnes souf-frant d'insomnie et de stress. Seseffets se mesurent dès les premièresséances.

La saline de Galati diffuse en per-manence 9 tonnes de sel et se révèleprès de dix fois plus stérile qu'une salled'opération. La température intérieureest en permanence de 20-24 ° et le tauxd'humidité de 40-45 %. L'halothérapieest une technique qui existe depuis1843, année où elle a été mise au pointpar un savant polonais. Elle s'est beau-coup développée à partir des années1980, de nombreuses salines artificiel-les étant construites à travers l'Europe.

Halothérapie à Galati

Etudier en Europe de l’Est est une manière de contourner les clausus numerus imposés en France.

Santé

L'expatriation des étudiants en médecine croît d'année en année. Une façon de contourner le numerus clausus des cur-sus médicaux qui inquiète les professionnels de santé. Plus d'un millier d'étudiants français ont suivi les cours de l'univer-sité de médecine de Cluj, l'an passé.

Santé

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Un habitant du quartier deRacadau, à Brasov, a été attaquépar un ours en pleinaprès-midi, mi-juillet,alors qu'il empruntait larue Calcarului. Agé de 60ans, il a été blessé griè-vement à la gorge et à latête, et souffre de nom-breuses plaies au thoraxet sur les bras. Le Smurd(Samu) l'a transportéimmédiatement à l'hôpitald'urgence. Il s'agissait dela troisième personnevictime d'un ours àBrasov, en deux mois, les précé-dentes ayant été agressées dansle quartier de Bunloc, près deSacele. L'ours de 4 ans, qui étaitrevenu sur les lieux à proximité dela citadelle de la ville, a été abattule lendemain soir. C'est là qu'il aété capturé après cinq heures derecherches, puis emmené à larégie en charge des forêts où il aété tué. Apparemment, il avait uncomportement agressif puisqu'ils'en serait pris à nouveau, le jourmême de sa capture, à une per-sonne accompagnée de son chien.

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Un passant attaqué

par un ours à Brasov

Teodosie Petrescu, l'Archevêque de Tomis (photo), a été entendu par la DNAdans le dossier des livres écrits pas Gigi Becali en prison. Haut membre du cler-gé, membre du Saint-Synode de l'Église orthodoxe roumaine depuis plus de

vingt ans et par ailleurs Archevêque de Constanta et de Tomis, Teodosie Petrescu avait déjàété accusé par la DNA de prise de pots-de-vin et de faux et usage de faux en 2009. C'étaitsuite à une enquête du journal România Libera au sujet des inscriptions à la Faculté dethéologie et dans laquelle il avait été pris la main dans le sac. Un an plus tard, c'est unmillion d'euros que le fisc roumain lui réclamait, celui-ci n'en remboursant qu'une partie -une centaine de milliers d'euros. Proche de l'ancien ministre PSD condamné à plusieursreprises, Adrian Nastase, l'Archevêque de Tomis est aujourd'hui convoqué en qualité detémoin par la DNA au sujet du livre Le mont Atos. La patrie de l'orthodoxie, soit-disantécrit par George Becali lors de son séjour en prison et coordonné par l'Archevêque. En

Roumanie, toute publication rédigée derrière les barreaux permeten effet d'obtenir depuis plusieurs années une réduction de peinede un mois.

Le Métropolite de l'Ardeal, Laurentiu Streza, a lui aussid'ailleurs été entendu comme témoin au sujet d'un autre ouvragereligieux écrit par Becali. Les procureurs de la DNA se penchentdepuis début janvier sur ces - très- nombreux ouvrages rédigés pardes détenus célèbres en prison, certains faisant preuve d'un zèletout particulier dans cet exercice. De fortes suspicions de corrup-tion à plusieurs niveaux pèsent autour de la rédaction de ces livres.

Un métropolite reconnaissant

Après avoir été épinglé par la presse pour rouler avec son chauffeur dans une Mercedesgrand luxe, d'une valeur de 100 000 euros, et avoir menacé d'excommunication le journa-liste qui avait révélé l'affaire, exigeant que son journal lui présente ses excuses, le métro-polite d'Ardeal (Transylvanie) est impliqué dans une autre affaire, beaucoup plus embêtan-te (voir aussi par ailleurs). Mgr Laurentiu Streza a été entendu comme témoin (pour l'ins-tant) par la Direction Nationale Anti-Corruption, soupçonné d'avoir fournit les élémentsqui ont permis à Gigi Becali d'écrire ses livres sur la religion qui lui ont permis de bénéfi-cier d'une réduction de peine de prison de près de six mois. Le berger milliardaire avaitversé des centaines de milliers d'euros à des œuvres religieuses gérées par le dignitaire.L'avocat de ce dernier a précisé qu'il s'était seulement contenté de "bénir ses livres".

L'Archevêque de Tomis n'en a pas fini avec la justice

Evénements

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En 2010, Baneasa, le deuxième et le plus ancienaéroport de la capitale, proche du centre ville (unedemi-heure de trajet) avait accueilli 2 118 150 pas-

sagers. Ce chiffre n'a pas dépassé 2300 voyageurs pour les sixpremiers mois de l'année, ce qui représente 12-13 passagerspar jour… soit 423 fois moins!

La raison: le trafic low cost a été transféré intégralementen 2011 à Otopeni… ce qui arrangebien certains dignitaires du régime etVIP, dont l'ancien Premier ministre deTraian Basescu, Mihai RazvanUngureanu, qui possèdent leurs villasen bout de piste de ce quartier haute-ment résidentiel dont les terrains sonttrès recherchés, mais qui étaient gênéspar le bruit. Pour ces riverains,Baneasa doit rester un aéroport réser-vé au trafic d'affaire, servant à Tiriacet autres grosses fortunes ou à l'avion présidentiel, ce qui leurpermet de s'engouffrer dans les 4x4 de luxe qui les attendentau pied de la passerelle. Un projet de réhabilitation de l'aéro-port existe cependant. D'un coût estimé de 35 millions d'euros,il ne sera pas opérationnel avant 2027 !

En 2015, les deux aéroports de la capitale Henri Coanda -Otopeni et Aurel Vlaicu - Baneasa, ont enregistré un trafic de4 913 979 passagers et 56 584 mouvements d'avions (décolla-ges et atterrissages), en croissance de 16,5 %... dont un milliè-me à Baneasa.

Fini le tortillard entre Brasov et Sighisoara

La Commission européennevient de valider la demande de laCompagnie nationale des chemins defer roumaine, la CFR, en vue de l'oc-troi d'un financement de 440 millionsd'euros visant à moderniser le tron-çon Apata - Cata se trouvant sur laligne Brasov - Sighisoara dans le cen-tre du pays. La somme accordée parl'Europe représente ainsi plus de 80%

du coût total des travaux. C'est l'état roumain qui va débourserle reste de la somme, et ce en deux tranches jusqu'en 2023. Laligne Brasov - Sighisoara fait partie du corridor Rhin -Danube, celui-ci imposant une vitesse moyenne de 160 km/hqui a de quoi faire pâlir d'envie tous les trains roumains.

Baneasa ne reçoit plus qu'une douzaine de passagers par jour

La couronne royale a retrouvé sa place sur la têtede l'aigle d'or symbolisant les armoires de laRoumanie, selon une modification de loi pro-

mulguée hier par le président roumain. Les autoritéspubliques ont jusqu'au 31 décembre 2018 pour changer lesdrapeaux et les tampons. Présent sur le blason des paysroumains depuis 14e siècle, l'aigle d'or avait été coifféd'une couronne au début du 20e siècle pour symboliser laroyauté. Le régime communiste avait banni ces armoirespour les remplacer par un blason mélangeant l'étoile rouge,des épis de blé entourant un paysage montagneux et boiséau milieu duquel se dressait un puits de pétrole. En 1992,le retour aux anciennes armoiries avait été décidé par leParlement, sans toutefois que l'on retrouve la couronne sur

la tête de l'aigle. Ce retour au blason de la royauté a été décidé à l'occasion de l'anniversai-re des 100 ans de la Grande Union. C'était en 1918 et la Transylvanie était officiellementrattachée aux deux autres principautés roumaines, la Valachie et la Moldavie.

L'aigle roumain retrouve sa couronne

Evénements

Une quarantaine de jeunes,dont des mineurs, ont étédécouverts mi-juillet par les

enquêteurs du DIICOT de Pitesti - laDirection d'Investigation des Infractionsliées au Crime Organisé et au Terrorisme- qui ont mis à jour un véritable réseau detrafic d'êtres humains et de mineurs, àBerevoiesti, à 170 km au nord deBucarest. Quatre-vingt-dix personnessont soupçonnées d'y avoir participé.

D'après les premiers éléments, lesvictimes étaient même attachées avec deschaînes. La police a libéré cinq d'entreelles. Une quarantaine de perquisitionsont eu lieu dans la foulée chez les leaders

présumés de ce groupe organisé. Lesenquêteurs soupçonnent que l'organisa-tion en question agissait depuis 2008. Lesmembres de celle-ci, qui appartenaient àun même cercle familial, auraient, duranttoutes ces années, séquestré des person-nes de leur entourage, voire de leurfamille, sous la contrainte, par enlève-ment et en profitant de leur vulnérabilité.

Il s'agirait, d'après l'enquête, de per-sonnes mineures avec des handicaps phy-siques et/ou psychologiques, ou se trou-vant dans des situations matérielles pré-caires. Certaines étaient même enlevéesdans des lieux publics, près de gares oud'églises. Elles étaient ensuite forcées,

sous la menace, de travailler ou de men-dier. Certaines d'entre elles vivaient outravaillaient au domicile même de leursbourreaux. Outre la mendicité, et parmiles tâches que les victimes devaient effec-tuer, certaines étaient d'ordre domestique,d'autres consistaient à couper illégale-ment des arbres et d'aller vendre illégale-ment le bois dans le sud de la Roumanie.

Les victimes découvertes présen-taient des traces de coups et ont déclaréavoir été menacées et frappées en perma-nence, ainsi que nourries au compte gout-tes. De fortes suspicions de viols à l'en-contre de certaines victimes existent éga-lement.

Esclavage en Arges

Mi-juillet, des centaines de détenus dans dix prisons roumaines ont refusé de s'alimenter pour réclamer de meilleuresconditions d'incarcération. Ils protestaient contre la surpopulation carcérale, le manque de services médicaux etréclamaient davantage de formations et de travail rémunéré. Poarta Alba à Constanta a été la troisième prison du pays

sous le coup de violentes protestations après celles de Iasi et de Botosani (deux prisons de haute sécurité). 1000 détenus ont notamment perturbé à plusieurs reprises la promenade dans la cour de la prison de Botosani tandis qu'une

cellule a été incendiée à Iasi. Il a fallu à chaque fois l'intervention des forces de l'ordre pour obliger les détenus à rentrer dans leurscellules. Dans les trois prisons, ceux-ci sont sortis à leur fenêtre en criant et en lançant des bouteilles en verre dans la cour. Laministre de la Justice, Raluca Pruna, a annoncé que deux nouvelles prisons de 1000 places allaient être construites pour faire faceà la surpopulation. Elle a également déclaré que la Roumanie devait aussi et surtout consolider ses alternatives à la détention.

Révoltes dans les prisonsQuatre chauffeurs de taxi Uberde Bucarest ont été sanctionnésd'une amende de près de 6000euros chacun pour avoir contreve-nu à l'interdiction d'exercer cemétier, le jour même où ilsentraient en service pour chargerdes clients à Cluj. La police a enoutre saisi leur certificat d'immatri-culation et leurs plaques minéralo-giques.

Taxis Uber proscrits

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Depuis le 1er juin, les Français nés àl'étranger n'ont plus besoin de présen-ter leur acte de naissance enregistrésur les registres du Service central d'é-tat civil (SCEC) de Nantes. En effet, lavérification des données d'état civil desdemandeurs de passeports nés à l'é-tranger et enregistrés au SCEC s'effec-tue désormais de façon dématérialiséeentre les services de l'État.

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Plus besoin d'acte

de naissance

pour les Français

nés à l'étranger

L'Autorité nationale roumaine pour la citoyenneté, l'ANC, a expliqué quele nombre de demandes en vue de devenir citoyen roumain en 2015 avaitété quatre fois supérieur à celles de 2014. Le chiffre est ainsi passé de

21 000 personnes à 81500 sur une année. A titre de comparaison, en France, un peuplus de 105 000 personnes ont demandé et obtenu la nationalité française en 2014,selon l'INSEE.

Apparemment, et pour revenir à la Roumanie, les chiffres continueraient d'aug-menter puisque sur les six premiers mois de cette année 2016, 52 000 demandesauraient déjà été effectuées. Il faut savoir que le taux de refus des dossiers s'élèveraiten Roumanie à moins de 10%, toujours selon l'ANC, tandis que les procédures dure-raient en moyenne un an.

Les Moldaves sont toujours en première position grâce au mécanisme de la Loisur la citoyenneté de 1991 permettant l'obtention (ou la ré-obtention) de la citoyen-neté roumaine par toute personne l'ayant eue avant 1940, ainsi que par ses descen-dants des 1er et 2e degrés.

De nombreux Israéliens l'obtiennent également sur cette même base, même sicette ré-obtention de la citoyenneté roumaine concerne à 90% les Moldaves. Pour cequi est des naturalisations, ce sont les citoyens des pays arabes qui arrivent en pre-mière position, suivis de personnes de pays relativement proches comme l'Albanie,la Serbie et la Macédoine.

L'Allemagne et la France arrivent derrière dans ce classement. Enfin, en 2014,24 300 Roumains auraient obtenu la citoyenneté d'un autre pays de l'UE, d'après lesrécentes statistiques dévoilées par Eurostat. La plupart en Italie (26,5%), suivi de laHongrie (25,5%) et de l'Allemagne (10,7%).

Citoyenneté roumaine:Naturalisation

quatre fois plus de demandes en 2015

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BUZAU Les autorités roumaines viennent d'entamer despoursuites pénales suite à la découverte à leur fron-tière de plusieurs transports de déchets illégaux

destinés au sud du pays. La Roumanie va peut-être enfin ten-ter de rectifier le tir en matière de traitement des déchets. C'estencore tôt pour l'affirmer mais le pays, par l'intermédiaire desa ministre de l'Environnement, Cristiana Pasca Palmer, vientd'annoncer la prise d'environ 300 tonnes de déchets répartis enseize camions et interceptés il y a moins de deux mois à lafrontière ouest du pays. Contrairement à ce que réclament leslégislations européenne et roumaine, ceux-ci n'allaient en effetpas être recyclés mais simplement mis à la décharge.

De plus, et alors que les papiers faisaient état de déchetsverts, il s'agissait en réalité de déchets résiduels mixtes. Ilsétaient en provenance d'Allemagne, d'Autriche et de Hongrie,d'après la ministre. La marchandise devait être prise en chargepar des opérateurs roumains, notamment dans le sud du pays,l'un d'entre eux devant s'occuper de 40% des déchets illégaux.

C'est la première fois qu'un tel transport est intercepté auxfrontières roumaines. Celui-ci a été renvoyé à son expéditeur.Rappelons que l'UE n'a de cesse de rappeler la Roumanie àl'ordre en matière de traitement de ses déchets. Pour laMinistre, cette prise est donc un beau coup: "la Roumanie n'estpas la poubelle de l'Europe", a conclu cette dernière.

La Roumanie ne veut plus être la poubelle de l'Europe

Le retour des émigrés roumainsdans leur pays à la suite de lacrise économique en

Occident et de l'arrivée massive des réfu-giés de guerre du Proche Orient a entraî-né un afflux d'enfants dans les écolesroumaines, évalué à 30 000 élèves ces 5-6 dernières années pour le seul judet deBotosani, au nord du pays.

Un problème majeur se pose dans lamesure où ils ont été scolarisés aupara-vant en Italie (120 000 actuellement,devant les Albanais, 90 000, et lesMarocains, 83 000), Espagne, Grèce ouRoyaume uni, dans des systèmes très dif-

férents et qu'ils n'ont qu'une maitriselimitée de leur langue maternelle.Beaucoup se sentent étrangers dans leurpropre pays et un tiers d'entre eux pré-sentent de réelles difficultés d'adapta-tion, psychologiques ou émotionnelles.

D'après une étude récente, un quartd'entre eux montreraient des signes desouffrance psychique, et un tiers de réel-les difficultés d'adaptation. Les cas deredoublement de classe sont nombreux etil n'existe aucun programme spécifiqueles concernant. Ces enfants risquent ainside s'enfermer dans une spirale de l'échec,les conduisant vers la délinquence.

Un expulsé de France sur 4 viendrait de Roumanie

Pour la première fois, un rapportétudie le déplacement despoussières de charbon émanant

des centrales européennes (257 centralessur 280 - Royaume-Uni inclus) et l'im-pact sur la santé de la pollutionatmosphérique qu'elles entrainent. En2013, leurs émissions étaient responsa-bles de plus de 22 900 décès prématurés

et de dizaines de milliers de problèmes desanté allant des maladies cardiaques auxbronchites. Au total, pour la même année,les coûts sanitaires se sont élevés à plusde 62,3 milliards d'euros.

Les pays de l'Union européenne dontles centrales à charbon ont le plus derépercussions néfastes à l'étranger sont laPologne (4690 décès prématurés au-delà

de ses frontières), l'Allemagne (2490), laRoumanie (1660), la Bulgarie (1 390) etle Royaume-Uni (1 350). Les pays lesplus impactés par la pollution issue descentrales présentes sur leur sol ou descentrales de leurs voisins européens sontl'Allemagne (3630 décès prématurés),l'Italie (1610), la France (1380), la Grèce(1050) et la Hongrie (700).

1660 victimes annuelles des centrales au charbon

Le ministère de l'Intérieur roumain,le MAI, planche actuellement sur unprojet de loi portant sur la circulationroutière afin d'adapter l'Ordonnance195 de 2002 à la réalité actuelle. Enpremière ligne: le stationnement sur lestrottoirs. Particulièrement médiatisé,l'un des chevaux de bataille de ce pro-jet sur la circulation routière a ainsi traitau stationnement en ville et sur les trot-toirs que le ministère souhaite interdire.Un conducteur mal garé, d'après lenouveau projet de loi, pourrait mêmese voir retirer l'immatriculation de sonvéhicule.

Une exception est cependant d'ores-et-déjà envisagée: celle où les dimen-sions du trottoir pourraient permettre lepassage des piétons ainsi que le sta-tionnement d'un véhicule. Le plusétrange est qu'il est déjà possible, àl'heure actuelle et légalement, de segarer sur un trottoir si on laisse aumoins un mètre aux piétons pour circu-ler. Le nouveau projet de loi évoqueque la police routière va devoir signalerau préalable la possibilité offerte auxautomobilistes de garer leur véhicule.

Environnement

30 000 enfants d'émigrés devenus

étrangers dans leur propre pays

Avec 2422 personnes expulsées de France en 2015, la Roumanie est lepays comptant le plus de ressortissants ayant été contraints de quitterl'Hexagone l'an passé. Sur un nombre total de 10 471 étrangers expulsés

de France l'an passé. La Roumanie est suivie dans ce classement par l'Albanie et ses1934 ressortissants expulsés, puis par l'Algérie - 831 personnes - la Tunisie -772citoyens - et le Maroc -731 personnes. Ces cinq pays concentrent d'ailleurs 63% desexpulsions enregistrées en France en 2015.

Stationnement

sur les trottoirs Un statut

pour les élèves… rois

Proposé par le ministère del'Education, un statut de l'élève a vu lejour pendant les vacances. Il prévoit queles élèves pourront contester leurs notesdans un délai de cinq jours, donner leuravis sous anonymat à l'égard de leurs pro-fesseurs. Si l'élève ou ses parents ne sontpas d'accord quant à la notation, ils pour-ront demander par écrit que deux autresprofesseurs, étrangers à l'établissementdonnent leur avis, lequel sera pris enconsidération si la différence est supé-rieure à un point. Les élèves pourrontégalement utiliser leur téléphone portableen cours, s'il s'agit d'une communicationayant trait à celui-ci, après accord de l'en-seignant. Enfin, ils pourront être exclusde l'établissement s'ils cumulent plus de40 absences dans l'année.

Deux tiers

de bacheliers en juin

Le taux de réussite du bac 2016 pourla session de juin-juillet est de 68,1% (+1,7% par rapport à l'année précédente).

88 167 candidats sur 129 395 ont étéadmis. Les judets de Cluj (84,27%),Bacau (80,38%), Brasov (79,16%) Sibiu(78,83%) et Galati (79,73%) ont enregis-tré les meilleurs taux de réussite, alorsque ceux d'Ilfov (35,58%) et Giurgiu(41,42%) se trouvent en queue de classe-ment. Bucarest figure dans la moyenne(68,5 %), même si elle compte le plusgrand nombre (12) des 78 candidats quiont obtenuune moyen-ne de 10 sur10, lesquelsr e c e v r o n tchacun unprix de 3000lei (670euros) Pourêtre admis, ilfallait obtenir au moins 5 dans chaquediscipline et une moyenne globale de 6.

Un collégien sur quatre

abandonne ses études

Un quart des élèves qui terminent lecollège arrêtent leurs études, soit parcequ'ils sont issus de familles rurales, soit

parce qu'ils sont laissés sans suivi parleurs parents partis à l'étranger. Ainsi surles 187 000 adolescents inscrits en classeVIII (3ème) en 2015, 118 000 seulementont poursuivi leur scolarité. Le phénomè-ne d'abandon se manifeste particulière-ment à la campagne, les parents n'ayantpas les moyens d'envoyer leurs enfants aulycée à la ville, malgré les allocations quisont versées et qu'ils risquent de perdre.

Il s'explique aussi toutbêtement… les parentsabsents ne pouvant pro-céder aux inscriptionset effectuer les démar-ches administrativespour obtenir des aides,un mineur n'ayant pasle droit de s'inscriretout seul. Les plus tou-

chés sont bien sûr les enfants tsiganes, eten particulier les filles de cette commu-nauté. Parmi les 70 000 jeunes qui n'ontpas poursuivi leur cursus scolaire vers lelycée en 2015-2016, 20 000 sont entrésdans des établissements d'enseignementprofessionnels. Les autres se retrouventle plus souvent sans occupation, n'ayantaucune formation.

A savoir

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Société

Lors des Jeux de Berlin, en 1936, Corneliu Coposu, véritable conscience poli-tique de la Roumanie de l'Entre Deux Guerre, emprisonné plus tard par lescommunistes, s'indignait des maigres performances des athlètes roumains qui

n'avaient remporté qu'une médaille, d'argent, encore était-elle due à un cavalier, le lieu-tenant-colonel Henri Rang, dans les épreuves d'hippisme. La presse roumaine, 80 ansplus tard, reprend ses propos pour commenter la piètreprestation de la délégation envoyée par Bucarest à Rio.

Coposu, 32 ans à l'époque, était lui-même un anciensportif qui s'était illustré en boxe et aux haltères. Pour lui,le bilan des Roumains étaient indigne des atouts que lepays possédait : son climat, sa géographie, son histoire, sonpeuple. "Nos représentants nous ont ridiculisé par leurcomportement lamentable" tonna-t-il, s'en prenant verte-ment aux sélectionnés. "Les athlètes des autres pays ontfait preuve de volonté, de fierté, des vertus de leur race…les nôtres de médiocrité, d'indolence, de "j'men foutisme".

Pour Coposu, la délégation roumaine - dirigeants etathlètes confondus - était venue faire du tourisme à Berlin,en profitant des grasses subventions que l'Etat lui avaitaccordées. Il dénonçait cette "Potemkiade", en référenceaux villages Potemkine que le ministre du même nom présentait à la tsarine CatherineII de Russie pour lui faire croire que tout allait bien. "Le sport roumain est devenu uneparodie et le plus triste, c'est que personne ne lui demande de comptes" constatait celuiqui était un proche du président du conseil Iuliu Maniu. Il préconisait une refonte totaledu système sportif à commencer par l'éducation sportive dès l'école. Des fonds avaientbien été prévus dans ce sens, mais ils avaient été détournés de leur finalité.

JO de Berlin: le "coup de gueule" de Coposu

Rio : le sport roumain au creux de la vague

Pas brillant, le crû olympique 2016. La Roumaniefigure en 47ème position au classement général etn'a décroché que 5 médailles, dont une seule en or.

Cette bien médiocre performance illustre la place qu'occupedésormais le sportde haut niveau enRoumanie, lequelne brille plus quegrâce à de raresi n d i v i d u a l i t é s ,comme la joueusede tennis SimonaHalep. Il est vraique le systèmesportif du payss'est effondré etque la pratique dusport à l'école n'est plus qu'un souvenir. Des disciplines entiè-res, où la Roumanie était reine comme la gymnastique, l'avi-ron, l'escrime, ne lui apportent plus ces médailles qui fai-saient sa fierté. Plus aucun grand nom de sportif roumainne fait la une des médias comme autefois la sauteuse enhauteur Iolanda Balas et, plus proche de nous, GabrielaSzabo, championne olympique du 5000 mètres.

L'équipe olympique roumaine ne réserve même plusde divine surprise comme l'épreuve du marathon fémininde Pékin, remportée à 39 ans par Constantina DitaTomescu, mère d'un garçon de 13 ans. Lorsqu'elle gardaitles vaches, la petite paysanne oltène revait d'autres hori-zons en écoutant la retransmission des compétitionssportives sur son transistor… et s'entraînait en essayantde rattraper le train qui devait l'emmener au lycée.

Le rêve et l'ambition font défaut aujourd'hui à lagénération de sportifs qui a pris le relais. Quarante ans aprèsMontréal, les Roumains se consolent en se racontant l'épopéede Nadia Comaneci. Les sociologues peuvent fournir de nom-

breuses explications à ce dépérissement du sport roumain et àla médiocrité de ses performances. Les jeunes Roumains onttout bonnement d'autres chats à fouetter et d'autres ambitions,plus terre à terre, à nourrir. Les équipements et la formation

manquent. Le sport n'est plus une priorité.La performance des épéistes féminines qui

ont ravi le titre olympique à la Chine est d'autantplus à saluer. Les tennismen Horia Tecau etFlorin Mergea ont également rapporté unemédaille d'argent, en double, à leur pays. Dansl'apreuve reine de l'aviron (8 + 1), les Roumainsont tité leur épingle du jeu, en empochant lebronze, couleur de la médaille remportée égale-ment par l'haltérophile Gabriel Sîncraian et lelutteur Albert Saritov.

Le sport roumain a perdu ses champions etla rélève se fait attendre. A Rio, Marian

Dragulescu était un des athlètes de la délégation roumaine lesplus entourés et appremment les plus appréciés par ses concur-

rents venus lesaluer.

A 35 ans,le gymnasteroumain enétait à sa troi-sième partici-pation auxJeux olympi -q u e s , a p r è sA t h è n e s ,Pékin, et sonforfait à ceuxde Londres. Il

a encore raté le coche, terminant au pied du podium, 3ème ex-aequo mais sans médaille, dépassé par son adversaire au nom-bre de sauts réussis.

SportsSports

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La Roumanie a décroché 5médailles à Rio, occupant le 47èmerang, très loin de sa performance de1984 à Los Angeles (53 médaillesdont 20 en or) qui lui avait valu la2ème place, le meilleur classementjamais obtenu. Cette année là, lebloc communiste avait boycotté lesJO, exception faite de la Roumanieet de la Chine, en représaille aumême boycott exercé 4 ans plus tôtpar les pays occidentaux, lors des JOde Moscou, pour dénoncer l'invasionsoviétique en Afghanistan.

A Moscou, la Roumanie, forted'une délégation de 239 athlètes (ilsétaient seulement 104 à Londres)avait également brillé avec 25médailles dont 6 en or et une 7èmeplace, tout comme en 1976 aux JOprécédents de Montréal (27 mé-dailles, 4 en or, 9ème place) quiallaient révéler Nadia Comaneci.Mais jusqu'à ses dernières contre-performances, la Roumanie avaitconservé un rang enviable dans desJO: à Séoul, en 1988, elle termina8ème (24 médailles dont 7 en or),14ème à Barcelone en 1992(18 médailles, 4 en or), encore14ème à Atlanta en 1996(20 médailles dont 4 en or), 11ème àSydney en 2000 (26 médailles dont11 en or, meilleure performancedepuis la "Révolution"), 14ème àAthènes (19 médailles, 8 en or). Ilfaut remonter à Helsinki en 1952, àl'occasion de la première participa-tion d'après-guerre aux JO de laRoumanie pour trouver un classe-ment aussi mauvais qu'à Londres,23ème avec seulement 4 médaillesdont une en or (Iosif Sârbu au tir) età Rio. Depuis, Pékin, la Roumanie apris l'habitude de descendre en des-sous des dix médailles.

Triste 47ème place

La Roumanie a ravi le titre olympique à la Chine à l'épée par équipe féminineaux Jeux de Rio. Menée par la vedette de leur formation, Simona Pop, l'équi-pe roumaine a défait son adversaire par 44 touches contre 38. Outre son capi-

taine, l'équipe comprenait Simona Gherman, Ana Maria Popescu et Loredana Dinu.Les Roumaines ont ainsi

remporté un match qui prenaitdes allures de revanche, puisqueles Chinoises les avaient battuesen finale des Championnats dumonde l'an dernier. Elles obtien-nent également un premier titreolympique à l'épée, épreuve qui afait son entrée aux Jeux pour lesfemmes en 1996 à Atlanta. Lamédaille de bronze est revenue à

la Russie, victorieuse de la petite finale contre l'Estonie 37 touches à 31.En 2012 à Londres, les Roumaines étaient tombées dès les quarts de finale contre la

Corée du Sud, alors qu'elles étaient présentées comme les grandes favorites de la com-pétition. Ana Maria Popescu, anciennement Branza, est la seule Roumaine à avoir connudéjà les joies du podium olympique, en 2008 à Pékin, à la deuxième place derrièrel'Allemande Britta Heidemann. C'est d'ailleurs à elle, avec son expérience (31 ans),qu'incombait la tâche de tirer le dernier des neuf relais face à la numéro un mondiale,Xu Anqi. Elle a pu gérer une avance de cinq touches construite tout au long d'une ren-contre maîtrisée du début à la fin.

Epée: les Roumaines prennent

leur revanche sur les Chinoises

Corneliu Coposu photographié en 1942.

Helsinki 1952: 4 médailles (1 or, 1 argent, 2 bronze)Melbourne 1956 : 13 (5 or, 3 argent, 5 bronze)Rome 1960 : 10 (3 or, 1 argent, 6 bronze)Tokyo 1964 : 12 (2 or, 4 argent, 6 bronze)Mexico 1968 : 15 (4 or, 6 argent, 5 bronze)Munich 1972 : 16 (3 or, 6 argent, 7 bronze)Montréal 1976 : 27 (4 or, 9 argent, 14 bronze)Moscou 1980 : 25 (6 or, 6 argent, 13 bronze)Los Angeles 1984 : 53 (20 or, 16 argent, 17 bronze)Séoul 1988 : 24 (7 or, 11 argent, 6 bronze)Barcelone 1992 : 18 (4 or, 6 argent, 8 bronze)Atlanta 1996 : 20 (4 or, 7 argent, 9 bronze)Sydney 2000 : 26 (11 or, 6 argent, 9 bronze)Athènes 2004 : 19 (8 or, 5 argent, 6 bronze)Pékin 2008 : 8 (4 or, 1 argent, 3 bronze)Londres 2012 : 9 (2 or, 5 argent, 2 bronze)Rio 2016 : 5 (1 or, 1argent, 3 bronze)

Les Olympiades d'après guerreOr: équipe féminine d'épée (Ana Maria Popescu, Simona Gherman,Loredana Dinu, Simona Pop)Argent : double masculin de tennis (Horia Tecau, Florin Mergea)Bronze: aviron 8+1 (Roxana Cogianu, Ioana Strungaru, Mihaela Petrila,Iuliana Popa, Madalina Beres, Laura Oprea, Adelina Bogus, AndreeaBoghian, Daniela Druncea); Gabriel Haltères: Gabriel Sîncraian (85 kg)Lutte libre : Albert Saritov (97 kg).

Le palmarès 2016

Le Comité Olympique roumain n'aura pas eu beaucoup à dépen-ser à l'occasion de l'olympiade brésilienne. Une médaille d'ordevait rapporter 70 000 e à son gagnant ainsi qu'une voiture Re-

nault. Les seules concernées étant l'équipe féminine d'épée, on ne sait com-ment le prix a été réparti entre ses quatre membres. Une médaille d'argentpermettait d'empocher 50 000 e (double tennis) et une médaille de bronze30 000 e (aviron 8 + 1, haltérophilie, lutte libre). Lors des précédents JOde Londres, la gymnaste Sandra Isbaza, deux fois médaillées d'or (indivi-duelle et par équipe) avait gagné 122 000 e et deux voitures.

Des économies pour le Comité olympique

Médaille d’argent en tennis pour la paire Horia Tecau et Florin Mergea, en double.

Les épéistes roumaines ont été les seules athlètes à ramener une médaille d’or.

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Il est tout jeune mais promet beaucoup.Après des débuts réussis dans le champ-ionnat roumain, Ianis Hagi a signé à la

Fiorentina et évoluera cette saison dans leScudetto italien. Fils de la légende du footballroumain, Gheorghe Hagi, Ianis joue milieu deterrain, comme son père. Il sera notamment lecoéquipier du gardien de l'équipe nationale rou-maine Ciprian Tatarusanu, dans une formationoù avait déjà évolué avec succès Adrian Mutupendant de longues années. Son père, GheorgheHagi avait lui aussi joué en Italie, à Brescia,pendant deux saisons.

Le fils de Hagi transféré à la Fiorentina à 17 ans

Ce n'est pas pour ses performances au lit avec lesfemmes que le Président Iohannis a décoré IlieNastase de l'Ordre de l'Etoile de Roumanie à l'oc-

casion de ses 70 ans mais pour ses exploits sur les courts detennis. L'ancien champion, qui a la réputation de "tirer sur toutce quui bouge" et de transformer en conquêtes toutes ses admi-ratrices, a été crédité voici quelques années d'en avoir séduitun peu plus de 3000, ce que "le dragueur numéro un de la pla-nète", modeste, avait démenti… "N'exagérons pas…peut-être2500" avait-il concédé. Le vainqueur de Roland Garros 1973vient de revoir ses statistiques à la baisse, sa dernière femme,avec laquelle le trochon brûle, lui ayant fait une scène aprèsla publication dans les médias de ses confidences. "C'est sansdoute 300-400, a-t-il déclaré, alors que la presse continue àlui en attribuer plus d'un millier"… ajoutant "mais je ne récla-me pas de médaille pour çà".

L'appétit du tennisman, 58 titres dans sa carrière, 17 tour-nois à son actif, numéro un mondial en 1973, quatre foismarié, serait-il en berne? "J'aime regarder les femmes jeuneset je n'ai jamais eu besoin de viagra " at-il confié.

Mannequins, starlettes à son tableau de chasse

La première femme du champion était un mannequin fran-co-belge, Dominique Grazia, qu'il a épousée en 1972, divor-çant dix ans plus tard. Le couple aeu une fille, Nathalie, 39 ansaujourd'hui. Un autre mannequin,américaine celle-ci et actrice, lui asuccédé, Adelaïde Alexandra King,en 1984, pour un bail de 12 ans,scellé dans une église protestante deNew-York, marqué par l'adoptionde deux enfants, Nicholas, 27 ans,et Charlotte, 23 ans, actuellement.

Ilie Nastase a renoué avec lesRoumaines à l'occasion du concertde Sting à Bucarest, en 1996, où il arencontré Amalia Teodosescu, 20ans, alors qu'il fêtait son demi-siè-cle. Le mariage ne sera célébré qu'àl'occasion du tournoi de RolandGarros de 2003, où une immense fête sera donnée… après lepassage devant le pope de l'église Saint Stéphane de Paris.Après 12 ans de vie commune, le couple se séparera en 2010.Il partage la garde de ses deux filles, Alessia (13 ans) et Emma(10 ans)… mais aussi la fortune accumulée par le champion,qui a acheté la licence des restos Mc Donald's de Moldavie.

Le Roumain s'est très vite consolé dans les bras d'une star-lette de Timisoara, de 30 ans plus jeune, Brigitte Sfat, miss topmodèle Roumanie, veuve à 25 ans, qui avait défrayé la chro-nique des faits divers, son nom étant associé à des affaires dechantage, lesquelles lui ont valu de passer deux ans en prison.Aux dernières nouvelles, le couple aurait du plomb dans l'aile,

Ilie Nastase ayant été surpris à Paris par des photographes,bras-dessus, bras dessous, avec son ex 3ème femme, Amalia.

Pour autant, le champion n'aura jamais convolé avec cellequi aura été son plus grand amour, la chanteuse américaineDiana Ross, rencontrée en 1977 et qu'il a emmenée enRoumanie, la liaison ne durant que quelques mois.

Une fortune estimée à 185 millions d'euros

En dehors des femmes, Ilie Nastase a d'autres cordes à saraquette. D'après les calculs, le champion de tennis-entrepre-neur pèserait près de 185 millions d'euros. Outre ses gains pro-fessionnels, il devrait son immense fortune à de judicieux pla-cements boursiers, un patrimoine immobilier conséquent et letrès lucratif contrat publicitaire avec les cosmétiquesCoverGirl. Outre sa licence Mc Do pour la Moldavie, il pos-sèderait également plusieurs restaurants à Bucarest (dont lachaîne "Chez l'gros Ilie"), un club de football dans la capitaleroumaine, et serait également impliqué dans la mode adoles-cente avec une ligne de vêtements "Nastase Séduction" ainsiqu'un parfum "L'eau d'Ilie", autant de succès financiers.

En politique… des balles de match perdues

Dans une autre vie, politique celle-là, où il s'est engagédans la décennie suivant la"Révolution" auprès du PSD d'Ioniliescu et de son homonyme AdrianNastase, son discernement paraîtplus approximatif, confondantreprises de volée et revers. En1996, il a caressé en vain l'espoirde devenir maire de Bucarest,battu sèchement avec 30 % desvoix. Il s'est rattrapé en 2014,devenant sénateur du Parti conser-vateur, héritant du siège laissévacant par son mentor, DanVoiculescu, purgeant actuellementdix ans de prison pour quelquesunes de ses malversations. Il s'estinscrit ensuite à l'UNPR, dirigé par

le ministre de l'Intérieur, Gabriel Oprea, lequel a été obligé dedémissionner à la suite d'un d'un énorme scandale, utilisant sespasse-droits et sa colonne de voitures officielles pour se rend-re au restaurant ou chez son coiffeur, provoquant la mort d'unpolicier.

Son choix ne sera pas plus heureux en novembre 2014,quand il s'engagera auprès du Premier ministre "copié-collé",Victor Ponta, suspecté d'avoir plagié sa thèse de doctorat,assuré que celui-ci va devenir Président de la République.Manque de chance… il devra laisser la balle de match à sonadversaire, Klaus Iohannis. Un joueur fair-play, puisqu'il vientde le décorer.

Sports

Au terme des JO de Rio et depuissa première participation aux olympia-des, à Paris en 1924 (une médaille debronze), la Roumanie a remporté 306médailles, dont 89 d'or - décrochant lapremière à Helsinki - 95 d'argent et122 de bronze. Hommes (148médailles) et femmes (153) se parta-gent les lauriers à égalité, mais undéséquilibre très net et de plus en plusprononcé s'est installé depuis LosAngeles, en 1984, les filles ayantdécroché 113 médailles au cours deshuit dernières olympiades, contre 64pour les garçons.

Dans ce tableau global, la gymnas-tique se taille la part du lion avec 72médailles, enregistrant toujours unenette prédominance féminine.

Au total, la Roumanie a participé à21 JO sur 28. Elle était absente auxJO d'Athènes (1896), Paris (1900),Saint Louis (1904), Londres (1908),Stockholm (1912), Anvers (1920) etLondres (1948). Elle a participé aux JOpour la première fois à Paris, en 1924.

306 médailles

depuis Paris 1924

"Je ne réclame pas de médailles pour mes conquêtes"

L'appétit d'Ilie Nastase serait-il en berne ?

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A savoir

La Roumanie 24èmeAprès son médiocre championnat

d'Europe, où elle s'est classée dernière deson groupe, après avoir été battue par laFrance (2-1), l'Albanie (1-0), et avoirconcédé le nul face à la Suisse (1-1), laRoumanie a reculé de 2 places au classe-ment mondial de la FIFA, figurant désor-mais en 24ème position. La France en agagné 10 et se classe désormais 7ème.

La Moldavie, qui n'était pas qualifiéepour l'Euro 2016, entraînée par IgorDobrovolski, pointe à la 166ème place, leplus mauvais classement de son histoire.Pour les éliminatoires du mondial 2018,prévu en Russie, elle affrontera le Paysde Galles (demi finaliste de l'Euro,11ème, battu par le Portugal, 6ème),l'Autriche (21ème), l'Irlande (31ème), laSerbie (47ème), la Géorgie (118ème).Les trois premiers du classement FIFAsont, dans l'ordre, l'Argentine, laBelgique et la Colombie.

Le Rapid hors course

La Ligue professionnelle rou-maine de football (LPF) a annoncé mi-juillet avoir exclu de la 1ère divisionnationale le Rapid Bucarest. Club histo-rique du pays, le Rapid, englué dans desdifficultés financières depuis des années,avait été officiellement mis en faillite unmois auparavant par le tribunal deBucarest.

Le Rapid Bucarest était en redresse-ment judiciaire depuis 2012, avec desdettes évaluées à environ 4 millions d'eu-ros. Fondé par des ouvriers des chemins

de fer de la capitale en 1923, le FC RapidBucarest a notamment remporté troisfois le championnat de première division-la dernière fois en 2003- et 13 fois laCoupe de Roumanie. Au plan internatio-nal, l'équipe a atteint les quarts de finalede l'Europa League en 2006.

Un Allemand entraîneur

L etechnicienallemandChristophDaum aofficielle-ment étén o m m ésélection-neur de laRoumaniejeudi. A

62 ans, l'entraîneur passé parLeverkusen, Stuttgart et Fenerbache étaitlibre depuis son départ de Bursaspor en2014. Il était le favori pour succéder àAnghel Iordanescu, limogé après l'élimi-nation de la Roumanie au premier tour del'Euro.

Contrat en or

En signant un contrat de 3 ans avecle club italien de Cagliari pour le sommede 4,5 millions d'euros, Artur Ionitadevient le joueur moldave le plus cher del'histoire de son pays. Il était égalementconvoité par la Juventus de Turin etNaples.

Sports

Brigitte Sfat, quatrième femme de l’ex-champion

Le canoéiste Serghei Tarnovschi aété le seul athlète moldave à rempor-ter une médaille au JO de Rio, lebronze grâce à sa troisième placedans l'épreuve du mille mètres indivi-duel, acquise de justesse à la photo-finish… jusqu'à ce qu'elle lui soit reti-rée au profit du Russe Ilia Stokalovpour dopage. Mais à la suite de saréclamation, le jury a reconsidéré saposition, le rétablissant à sa place…sans rétrograder cependant le Russequi avait été officiellement récompen-sé. Tous les deux se partagent doncle bronze.

Imbroglio autour de la

seule médaille moldave

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Sans-doute pressés de regagner leur appartement,quatre habitants d'un immeuble d'Arad se sont pré-cipités pour prendre un ascenseur dont la capacité

était limitée à 320 kg : un homme pesant 200 kg, un autre 100kg, deux femmes dont l'une de 100 kg et l'autre de 60 kg,tenant un enfant dans les bras. Au total, un chargement de 480kg. Ce qui devait arriver… arriva, bien que l'alarme ait signa-lé que la cabine était en surpoids ! L'ascenceur se bloqua entredeux étages. Ses occupants, coincés dans un réduit de 2 m2 parune chaleur étouffante de près de 40°, appelèrent en vain au

secours puis, désespérément, le 112, une femme souffrantd'une attaque de panique.

Ils ne furent libérés qu'au bout d'une heure d'attente, dansune ambiance "surchauffée", chacun reprochant vertement àl'autre d'avoir provoqué l'incident, dégoulinant de sueur, trèsénervés, mais finalement sains et saufs. L'installateur venu encatastrophe les délivrer - l'ascenseur était relativement neuf,datant de six ans - leur reprochant leur inconscience, s'est vurépondre qu'il n'avait qu'à installer des pèse-personnes devantles cages !

Insolite On ne joue pas avec son poids C’est la Roumanie !

Le journal Gândul s'est offert un nouveau coup de pub grâce à l'Angleterre après la fameuse campagne intitulée ''Whydon't you come over'' et dans laquelle le quotidien expliquait aux Britanniques pourquoi ceux-ci avaient tort de mépri-ser la Roumanie. C'était à l'époque de l'ouverture du marché du travail anglais aux travailleurs roumains et en réponse

à la peur anglo saxonne de se faire envahir. Trois ans et demi plus tard et dans la foulée du Brexit, Gândul persiste dans le regis-tre cabotin en lançant la campagne ''Romanians adopt Remainians'', textuellement ''les Roumains adoptent ceux qui restent'', end'autres termes ceux qui ont voté outre-Manche pour demeurer dans l'UE, soit 16,1 millions de personnes.

Cette campagne s'adressant donc aux déçus du Brexit est bien entendu symbolique. Un site a tout de même été créé et lesRoumains peuvent donc adopter un Anglais, celui-ci se voyant délivrer un passeport roumain -et européen- symbolique. De lamême façon, les Anglais peuvent eux-aussi opter pour l'adoption par un Roumain. ''Chers Britanniques qui croyez en une Europeunie, quittez les Brexiters et laisser le mauvais temps derrière vous. Démarrez une nouvelle vie dans une famille roumaine aiman-te'', tel est le message pour les Anglais. Pas sûr que cela les console...

Un rapport du ministère de la Justice a montré quele directeur du pénitencier de Poarta Alba où sontenfermés les corrompus les plus célèbres du pays

se montrait très prévenant vis-à-vis de ses pensionnaires. Il aainsi avalisé la rédaction de cinq livres par le milliardaire etancien berger Gigi Becali, mettant tous les moyens à sadisposition. Certains de ses ouvrages "scientifiques" ont étéécrits en seulement 7 heures, au rythme d'une heure et demiepar jour… le rapport notant que leur auteur avait toutefois"quelques difficultés" avec la maîtrise de la langue. Cette per-formance lui a valu d'être libéré six mois à l'avance pourcontribution à la connaissance scientifique. Parmi ces titres:"Becali et le Steaua", "Becali et la politique". Son frère et soncousin, Victor et Geovani, enfermés dans la même prison, onteu un peu plus de mal, "Le rôle de l'arbitre dans le football"ayant demandé près de 50 heures de travail au dernier… maisavec le même réultat positif: tous ont retrouvé la liberté avantl'échéance, comme le prévoyait la loi, réformée depuis.

Pauvre… devenu millionnaire à 20 ans

Un jeune de 20 ans du village de Motru (Gorj, Târgu Jiu), simplemanœuvre dans une mine, a gagné le gros lot du loto de la Loterieroumaine, fin juillet, soit quatre millions d'euros. Il n'avait pas l'ha-

bitude de jouer et avait acheté un simple billet. Son identité est tenue secrète,mais ne devrait pas tarder à transpercer dans cette petite commune où tout lemonde se connaît…. et dans laquelle chaque habitant fait des projets pour lui:faire des dons, venir en aide aux personnées âgées sans ressources, investir pourmodernier la commune, rénover le dispensaire…

Médecin urologue à l'hôpital deGalati, Dumitru Tuta a télépho-né au 112 pour signaler le cas

d'une de ses patientes qui lui avait offert unbakchich de 12 euros (50 lei), afin de leremercier pour l'ordonnance qu'il lui avaitdélivrée.

Un sursaut de civisme… qui s'expliquesurtout par le fait qu'il avait été condamnéprécédemment à 3 ans de prison ferme, prisen flagrant délit alors qu'il recevait un dessousde table de 200 euros, commué finalement enpeine avec sursis, deux jours avant d'êtreconfronté à cette nouvelle tentation.

Talents d'écrivain

Tentation

Les Roumains se proposent d'adopter les Anglais anti-Brexit

Excédé par les troussur la route menant

à son travail, un aumobiliste de Constantsa

a entrepris de lesréparer. Mais c’est unboulot à plein temps.

Vends 3 caméras desurveillance...

vieilles mais toujours en bon état

de fonctionnement

Examen du permisde conduire

pour charette

“On n’a pas la wi-fi... parlez entre vous”Les usagers doivent bien calculer:

l’affaire ne devient rentable qu’au dessus d’une fois par jour.

D’une chaîne... deux coups

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Cinéma

Au début des années 50, le Centre de Productioncinématographique de Buftea ne passait pasinaperçu dans le monde cinématographique euro-

péen. Jusqu'en 1990, malgré les barrières idéologiques, ilcoproduisit des films avec neuf autres pays, dont la France quifut peut-être même son partenaire le plus important. Tout com-mença en 1956 lorsque le metteur en scène Marc Maurette futretenu, avec son équipe, pour tourner ,,Citadela sfarâmata"(La citadelle écroulée) avec le metteur en scène roumainHaralambie Boros.

Marc Maurette était membre du Parti communiste fran-çais, surtout connu pour ses activitéssyndicales et politiques, ce quiexplique beaucoup de choses. Un anplus tard, Louis Daquin réalisa àBuftea la première co-productionfranco roumaine "Les chardons duBaragan" (Ciulinii Baraganului)*avec le jeune Florin Piersic dans l'undes rôles principaux, film qui repré-senta en 1958 la République Populairede Roumanie au Festival de Cannes.Suivi "Codin", inspiré de l'opéra dePanait Istrati, mis en scène par HenriColpi, avec Françoise Brion, NellyBorgeaud, Maurice Sarfati, GermaineKerjean et un très inspiré AlexandruVirgil Platon dans le rôle principal, unacteur non professionnel, professeurde roumain dans la vie. Le film rem-porta la Palme du meilleur scénario àCannes en 1963.

Trois ans après, le même Colpirevint en Roumanie pour réaliser"Mona, l'étoile sans nom" d'après lapièce de Mihail Sebastian, avecClaude Rich et Marina Vlady, dans les rôles principaux. Ladistribution comptait aussi de grands acteurs roumains commeMarcel Anghelescu, Eugenia Popovici et Grigore Vasiliu-Birlic. Entretemps, René Clair réalisa "Les Fêtes Galantes",une production Gaumont, avec Jean-Pierre Cassel, GenevièveCasile, Jean Richard, Philippe Avron, Marie Dubois, aux côtésde Gyorgy Kovacs, Adela Marculescu, Dem Radulescu et PuiuCalinescu.

En 1966, Bernard Borderie tourna un film d'époque "Septhommes et une garce" avec Jean Marais, Marilu Tolo, FlorinPiersic, Ettore Manni et Philippe Lemaire. Le film a été vu parplus de 7 millions et demi de spectateurs en Roumanie. Toutallait à merveille entre les deux parties et ce fut un beaumoment d'équilibre dans les relations franco-roumaines.

Lino Ventura est venu aussi tourner en Roumanie. Lechauffeur de taxi chargé de le conduire sur les lieux du tourna-ge se souvient d'un homme d'une grande classe, discret, atten-tif, impressionnant… "Un Monsieur", confia-t-il plus de 20ans après à Henri Gillet… Rien à voir avec Nicole Kidmanqu'il avait transportée jusqu'à Brasov où se déroulaient des pri-ses de vue de "Cold mountain" et qui l'avait superbement igno-ré.

"Quand même six mois en Roumanie…

c'était dur!"

En 1969, Jean-Paul Rappeneautenait absolument à réaliser "LesMariés de l'An II", un western à lafrançaise, un film d'aventures etd'action sur fond historique, pleind'humour, dont l'action se passaitpendant et après la Révolution fran-çaise. Initialement, le film devaitêtre produit par Julie Christie etWarren Beatty qui auraient dû tenirles rôles principaux. La collabora-tion tomba à l'eau et Alain Poiré, dela Gaumont, proposa de faire le filmen Roumanie car en France, le coûtdu tournage aurait été bien supérieuraux possibilités du producteur. Ladistribution comportait des acteursde premier plan comme Jean-PaulBelmondo, Marlène Jobert, SamiFrey, Laura Antonelli, MichelAuclair et Pierre Brasseur. Les pri-ses de vues extérieures ont été faitesen 1970 à Brasov, Feldioara et sesalentours et à Bucarest. Certaines

scènes furent réalisées dans les studios Buftea sur le plateauextérieur construit pour le film de René Clair "Les Fêtesgalantes"; ce même plateau fut aussi utilisé aussi par SergiuNicolasecu pour "Les Daces" et "Mihai Vitaeazul".

Mais les partenaires français et roumain n'avaient pasaccordé leurs violons : le tournage prit neuf semaines de retardau grand désespoir du producteur. Dans le documentaire"Itinéraire d'un acteur gâté", Belmondo parle de son expé-rience roumaine. " J'ai toujours aimé les films d'époque. Jeregrette même de ne pas en avoir fait plus. Au sujet des Mariésde l'An II, je me souviens bien de ces six mois passés enRoumanie ! Terrible (rires)! Beaucoup de scènes que j'avais euà faire étaient amusantes: glisser sur un toit, sauter d'unecharrette. Mais quand même, 6 mois en Roumanie…"

des stars françaises ont tourné en Roumanie

"Fais-moi mal Chéri !"

Le documentaire, "Un capitaine dans la tempête" réali-sé par Gaumont - en bonus du DVD des Mariés de L'an II -retrace par des témoignages l'épopée du tournage. Jean-PaulRappeneau et son assistant, Bernard Stora, évoquent les diffi-cultés qu'ils ont rencontrées en Roumanie. "Au vu des condi-tions difficiles dans lesquelles ce film a été réalisé, je voulaisque rien de tout cela ne transparaisse à l'écran. ClaudeRenoir, l'opérateur-chef, est celui qui a souffert le plus. Il dûtravailler avec des matériels d'éclairage roumains, avec desélectriciens roumains… Il était désespéré" raconte Jean-PaulRappeneau.

"Réaliser ce film n'a pas été de tout repos. Si nous vou-lions faire une réunion à 9 heures, dans le meilleur des cas, ilfallait une heure pour réunir tout le monde. Pour pouvoirdisposer du nécessaire pour une scène, installer un décor pourune certaine heure, amener des chevaux, mettre en place unefiguration, il fallait parfois deux ou trois heu-res. C'était vraiment étrange. Ce n'était pasde la mauvaise volonté, mais ces personnes-là avaient une toute autre mentalité". témoi-gne Stora.

Quelques interprètes roumains apparais-sent aux côtés de cette pléiade d'acteurs fran-çais, dans certaines scènes des "Mariés del'An II" comme Matei Alexandru, SerbanCantacuzino, Constantin Baltaretu, MariusPepino, Simion Negrila, Sabin Fagarasanu,Alexandru Lungu, George Mihaita, GeoCostiniu et Julieta Szony. C'est dans ce filmque Julieta Szony a débuté sur le grand écran,elle y joue le rôle de la femme de NicolasPhilibert, le personnage interprété parBelmondo au début du film. Les Roumainsla connaissent surtout pour son rôle d'Adnana dans un feuille-ton célèbre en Roumanie "Toate panzele sus" (Toutes voilesdehors). "Belmondo était une personne très agréable, alors quela rumeur disait qu'il était épouvantable. Pendant le tournage,j'étais tellement timide qu'il m'a demandé de surmonter monappréhension en lui donnant des coups de poing et des coupsde pied" a raconté l'actrice au cours d'une émission télévisée.Bref, c'était "Fais-moi mal Chéri !" ou la version roumainede "Moi j'aime l'amour qui fait boum".

Pas de noms roumains au générique

Des cascadeurs roumains ont travaillé sous la directionClaude Carliez, célèbre cascadeur français. Parmi eux, SzobyCseh, Jean Polizache, Vasile Popa, Dan Vieru, DoruDumitrescu, Stefan Gudju ou Paul Fister. Ce dernier fut choi-si pour doubler Samy Frey, l'interprète du Marquis deGuérandes. "Je venais directement du plateau de "Mihai

Viteazul" et comme je n'avais rien à faire sur la postsynchro-

nisation de ce film, Sergiu Nicolaescu m'a laissé travailleravec les Français. Les cascadeurs roumains ont été trèsappréciés. Claude Carliez a même affirmé à un moment donnéque si les cascadeurs français sont extraordinaires, les rou-mains sont formidables. De même, tous ceux qui ont réussi àfuir en France ont justement pu travailler grâce à lui. Nousnous sommes bien entendus avec les acteurs. Quand nous enavions l'occasion, nous restions en compagnie de PierreBrasseur ou même de Jean-Paul Belmondo. Belmondo, à cetteépoque, était avec Ursula Andress. Quand elle venait enRoumanie, il ne voulait plus voir personne. Quand elle partait,il ne se séparait plus de nous. C'est un homme qui aime la vie.Il ne se gênait pas pour mettre les pieds sur la table ! Il avaitde réelles aptitudes sportives. Il effectuait seul toutes les cas-cades. Un grand bonhomme ! raconte Paul Fister. La relationentre Belmondo et Ursula Andress s'est détériorée à partir de1972. Plus tard, l'acteur s'est mis en couple avec LauraAntonelli, qu'il avait justement connu à Buftea, sur le plateau

des Mariés de l'An 2".Finalement, après un rapide travail de

post production le film sortit à la date prévue,le 7 avril 1971. Il était au programme de lacompétition officielle du festival de Cannes.Le générique du film, les affiches et les aut-res supports promotionnels ne mentionnaientque les noms français. Aucun nom roumainn'apparaissait: ni ceux des acteurs des rôlessecondaires roumains pas plus que ceux del'équipe technique du film. Aucun metteur enscène français n'est revenu à Buftea jusqu'à laRévolution, à l'exception de Gilles Grangierqui a filmé avec Sergiu Nicolaescu la série detélévision "Deux ans de vacances" et"Guillaume le Conquérant" en 1973 et1981.

Anthony Delon à la place de son père

Le grand rival de Belmondo sur les écrans français, AlainDelon, aurait pu lui-aussi venir tourner en Roumanie, SergiuNicolaescu avait l'intention de lui offrir le rôle de SetimiusSecerus dans le film "Les Daces" réalisé en 1966. "Par l'in-termédiaire de la Franco-London Films, j'ai eu le choix entredeux acteurs pour interpréter Severus Septimus: Alain Delonou Pierre Brice. Finalement ce fut Brice. Je me suis très bienentendu avec lui. Tout s'est très bien passé, sans incartades.C'était un homme très sérieux, très consciencieux et dévoué.Malheureusement, il n'a pas eu la carrière qu'il méritait. EnFrance, il est resté pratiquement inconnu, mais en revanche, ilétait très apprécié en Allemagne. De mon point de vue, c'étaitl'acteur idéal, et ce, grâce à son total engagement pour le film.Je pouvais lui demander n'importe quoi. Et sa vie privée n'in-terférait pas dans la production". raconte Sergiu Nicolaescudans une interview accordée en 2006. (suite page 34)

Belmondo, Jean Marais, Marina Vlady, Lino Ventura, Marlène Jobert…

sur les plateaux des studios de BufteaLes tribulations des "Mariés de l'An II"en Roumanie Qui se souvient que Jean-Paul Belmondo a tourné en Roumanie "Les mariés de l'An II" , dans les studios de Buftea,

près de Bucarest ? Ce film, une coproduction franco-roumaine, a connu au cours du tournage tellement d'incidents et depéripéties que les Français, très en colère, supprimèrent tous les noms roumains du générique.

Le film a été tourné en extérieur à Brasov et dans les studios de Buftea, près de Bucarest.

Anthony Delon remplacera son pèredans un remake de “L’homme pressé”.

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Connaissance et découverte

Un couple en voi-ture qui s'en-gueule sur la

différence entre la robe deBlanche-neige et celle de laBelle au bois dormant, unmédecin sûr de ses valeurs,

un pope qui exécute des rites qui semblent d'un autre âge, unevieille à toque qui fait l'éloge du communisme à la roumaine,un adepte des explications conspirationnistes du 11-Septembre, un automobiliste prêt à devenir meurtrier pour uneplace de stationnement… Sieranevada regorge de scènes bur-lesques, étranges, subitement inquiétantes.

Mais “Sieranevada” n'est pas une succession de scènes.Onze ans après La Mort de Dante Lazarescu, qui imposait sonréalisateur parmi les figures de proue du jeune cinéma rou-main en pleine efflorescence, le nouveau film de Puiu, œuvremajeure de la compétition du dernier Festival de Cannes (etgrand oublié du palmarès) est une formidable proposition decinéma: une totalité, un ensemble justement consacré à cequ'on appelle le vivre-ensemble et à son extrême difficulté.

Discussions, confidences, disputes

Entièrement tourné en longs plans-séquences, presquetoujours en intérieur (mais les rares scènes dans les rues nesont pas moins oppressantes), lefilm accompagne les démêlésd'une famille nombreuse au coursde la cérémonie du quarantièmejour de deuil qui, traditionnelle-ment dans cette société soumise aurite orthodoxe, succède à un décès.En l'occurrence celui du paterfamilias, dont l'image sortira large-ment transformée d'un processusqui aura vu se multiplier les crises,les révélations, le repositionne-ment des uns par rapports aux aut-res des multiples protagonistes.

Discussions, confidences,disputes mobilisent du même élan les secrets et surtout lesnon-dits des uns et des autres, et des considérations sur l'étatdu monde, l'actualité politique internationale au lendemain del'attentat contre Charlie Hebdo, les séquelles de la chute ducommunisme, un environnement à la fois marqué par la pauv-reté, l'ultralibéralisme et l'autoritarisme politique, la présencedu racisme antisémite et antirom chez un grand nombre deRoumains, par ailleurs en désaccord sur à peu près tout.

Avec un sens du mouvement et du cadre impressionnants,et grâce à des interprètes exceptionnels, Cristi Puiu composepeu à peu le portrait d'une société au bord de la crise de nerfs,hantée par le mensonge et incapable de se forger de nouvellesvaleurs. Associant l'intime et le social, les grandes questions etla trivialité des actes et des mots, Sieranevada compose unesarabande grotesque et terrifiante, banale et folle, mais aussihumaine et émouvante, où le spectateur est constammentappelé à réinterroger ses repères, vis-à-vis des personnages dela fiction mais aussi de lui-même.

La table est mise, personne ne mange

En effet, si le film est à la fois un récit familial et un récitnational, il met en branle des troubles qui sont loin de neconcerner que ses personnages, que leur pays, voire que l'an-cienne Europe de l'Est.

Cristi Puiu compose peu à peu le portrait d'une société aubord de la crise de nerfs, hantée par le mensonge et incapablede se forger de nouvelles valeurs. Là se joue le grand art de lamise en scène de Puiu: la fluidité de sa caméra au cours deslongs déplacements dans l'appartement exigu et surpeuplén'est pas seulement un exercice de virtuosité assez bluffant.C'est le geste de composition qui instaure une circulation entredes niveaux de sens, qui inscrit les démêlés des protagonistes,ou l'histoire de la Roumanie, dans un questionnement bien

plus ample.Sieranevada (ne cherchez pas

l'explication du titre, il n'y en apas) agence des histoires de jalou-sie entre frères, de séductions malà propos, de souvenirs imprécis etdisputés, de trahisons conjugales,d'espoirs déçus, de petits arrange-ments financiers pas clairs, demachisme, de soumission, d'or-gueil. Il ne s'agit ni de chronique,ni de psychologie, ni boulevard.

Avec humour, avec tristesse,avec violence parfois, il s'agit de cequi construit le rapport de chacun

au monde où il vit, et de la fragilité de cette construction. Est-ce la disparition du patriarche qui remet tout en jeu?

Ou bien plutôt le fait de devoir à cette occasion se retrouvertous ensemble, s'asseoir à la même table, se parler et ne pas separler, s'écouter et ne pas s'écouter. Et finalement, malgré lesplats qui défilent et les rituels de convivialité, ne jamais arri-ver à manger.

Jean-Michel Frodon (Slate)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

A Locarno, la Bulgariemoquée dans "Slava"

"Sieranevada", sarabande burlesque et terrible du vivre-ensembleCinéma

Le cinéma d'Europe orientale n'a pas son pareil pour dénoncer les distancessociales que les façades démocratiques ne cachent pas. “Slava” est un un film magis-tral, présenté dans le cadre du 69ème Festival du film de Locarno (Suisse).

Un sujet pour les géographes: comment représenter les distances sociales, lességrégations ? Des données sur le niveau de vie, l'éducation, la santé suffi-raient ? Mais pour l'arogance, la bêtise, le manque de justice, comment font-

ils ? Les formes de relégation sont si nombreuses et subtiles… Lorsqu'un pouvoir politiqueveut faire l'ange, il ne fait souvent que la bête, lespouvoirs étant des instruments de coercition et dedomination.

La politique, le jeu de la galerie

Deux cinéastes bulgares (Kristina Grozeva etPetar Valchanov) ont trouvé à Locarno avec“Slava” (Glory) un public conquis par le brio deleur parabole. Une histoire qu'on garde sur le toncomique car elle en a, même si le tragique l'em-porte dans ce jeu du hasard et de l'idiotie. TsankoPetrov (Stefan Denolyubov), un cheminot qui vitavec ses lapins, découvre sur une voie ferrée dontil a la charge de l'entretien, un sac éventré debillets de banque. Pour ses collègues, il joue à"l'idiot de la nation" en les signalant à la police.Les communicants du ministre des Transports offrent au pauvre homme une remise demédaille télévisée et veulent amuser le peuple sans savoir que Tsanko bégaie. On passe surles gags désopilants et grinçants mais Julia Staikova (Margita Gosheva), la tête des rela-tions presse du ministère, révèle tout son cynisme en feignant de ne rien comprendre à l'at-tachement qu'a Tsanko pour sa montre. Hilarante, ébouriffante et brutale sera l'attitude duministère envers Tsanko qui n'avait rien demandé. Le cynisme lui est appliqué avec uneviolence confinant à la brutalité de classe incarnée par Julia Staikova dans un enchaîne-ment diabolique dicté par la corruption et l'irresponsabilité des politiques.

Un film drôle, enlevé, souvent joyeux, jamais misérabiliste

Les géographes peuvent s'en donner à cœur joie: tout le film marque comment seconstruit la distance entre un pouvoir et un peuple. Ici, le téléphone mobile en est l'instru-ment redoutable. Comme un effet de loupe depuis le macrocosme politique sur un micro-cosme qui devient sa victime. Il y a bien une tentative de réparation par un journaliste d'in-vestigation qui tente de rétablir la vérité. Mais la corruption gangrène le système. Aumoment où Julia Staikova est promise à la maternité après de longues séances de procréa-tion assistée, le cheminot meurt à petit feu, sa dignité bafouée comme l'ultime preuve del'absurdité politique que les réalisateurs dénoncent dans leur pays. Et cela même si le petitpeuple triche aussi, parce que tout le monde triche.

Buster Keaton et Tati auraient pu tourner des scènes de ce film drôle, enlevé, souventjoyeux, jamais misérabiliste. On emprunterait à la médecine et ses scalpels les métaphorespour dire combien le film défait à coup de petites frappes chirurgicales cette démocratiediabolique. Y compris lorsque la montre de Tsanko, de marque Slava, aurait donné le chan-ge au cadeau empoisonné qu'il reçoit des mains du ministre. En effet, qu'est-ce qu'un che-minot sans mesure du temps ? Décidément, la démocratie en Europe de l'Est est en pannecomme une montre qui retarde. A Locarno, en Suisse, pays des horloges, la parabole son-nait juste.

Gilles Fumey

L’équipe du tournage du film.

Cinéma

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BUCAREST

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SATU MAREl

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Toutefois, Nicolaescu eut l'occa-sion de croiser sur un plateau detournage le fils d'Alain Delon,Anthony. En 2004, on tourna enRoumanie un remake du film"L'Homme pressé" réalisé en1977 par Edouard Molinaro, avecAlain Delon dans le rôle principal.Dans ce remake réalisé parSébastien Grall, autour d'AnthonyDelon qui reprenait le rôle de sonpère, apparaissaient quelquesacteurs roumains: GheorgheDinica, Maia Morgenstern, SergiuNicolaescu et Daniel Nane.

Yves Lelong

* A la suite du visionnage de cefilm, dans un débat télévisé en1972 (époque où le régime deNicolae Ceausescu se montraitrelativement compréhensif pour le"Printemps de Prague", et repré-sentait dans les médias français lafigure d'un communisme indépen-dant du bloc de l'Est, plutôt sympa-thique), François Mitterrand, alorsen plein processus de constitutiondu Programme commun avec lescommunistes français, déclara quedans la Roumanie d'avant le com-munisme, "les boyards s'amusaient

à tirer sur les paysans comme sur

du gibier", ce qui déclencha lesprotestations, passées largementinaperçues, de l'historien EmilTurdeanu (exilé en France, profes-seur à la Sorbonne) et du dissidentVirgil Ierunca (autre exilé travaillantà l'ORTF), car au moment du tour-nage du film, le Baragan était leprincipal lieu de déportation de pri-sonniers politiques de la dictatureroumaine, avec une mortalité éle-vée en raison des conditions dedétention et du climat.

(suite de la page 33)

Le portrait d'une société roumaine au bord de la crise de nerfs

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La mise en scène virtuose de Cristi Puiu, figure de proue du jeune cinéma roumain,transforme une réunion de famille en comédie noire aux échos universels.

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Littérature

Ici et là, onpeut lirequ'en quit-

tant les lieux,Enescu a laissé lepiano sur lequel ilavait composé sadeuxième et sa troi-sième symphonieet que l'instrumentest toujours là,hélas… ce n'estqu'un bobard. En

1950, Sadoveanu a fait don de la maison et des six hectares quil'entourent à l'État roumain, qui y a inauguré le musée à l'oc-casion du centenaire de la naissance de Sadoveanu.

A Iasi coexistent pas moins de douze musées littéraires

Cette fois, la fête est due au vernissage de l'expositionautour de "La famille d'écrivains Sadoveanu ", encadrée parun moment musical par les élèves du gymnase Tutora et unmoment lyrique par les élèves du lycée Alexandru Ioan Cuza.J'avais déjà assisté à une telle commémoration festive à laCasa Mihai Codreanu (dont j'ai parlé dans le numéro 94 demars-avril 2016) à l'occasion de l'anniversaire de sa mort, le 23octobre, également avec des écoliers, des élèves et des étu-diants, des premières classes jus-qu'aux académies de théâtre et demusique de Iasi. On y bredouille despoèmes, on écorche des sketchs eton joue des fausses notes sur uneflûte à bec ou un violoncelle.

L'importance de ces événementsn'est pas tant le niveau de la repré-sentation que la mise en contact acti-ve de la jeunesse d'âge scolaire avecl'œuvre d'une poignée de personnali-tés " localement de renommée mon-diale ". Deux jours plus tard, un évé-nement similaire a lieu à la Casa George Topârceanu, et on medit que je viens d'en manquer un à la Casa Otilia Cazimir. Onne peut pas dire que la littérature, y compris la poésie, soitignorée dans l'enseignement roumain. Cela me rappelle lespropos de Charles Ducal, ancien “Poète de la Patrie” enBelgique : " Si la lecture et, par conséquent, la compétence àlire et interpréter des poèmes ont désormais beaucoup dimi-nué dans l'enseignement, ce n'est certainement pas la faute des

élèves qui ne s'y intéresseraient plus". À Iasi, on répond bel etbien à l'intérêt des élèves - et avec pas moins de douze muséeslittéraires, les enseignants ne manquent pas de matière pourdes excursions.

Le prolifique Sadoveanu a eu onze enfants dont quatre écrivains

Après le moment musical et lyrique, la muséographeLacramioara Balint nous guide vers l'exposition temporairesur la famille Sadoveanu. Les époux Sadoveanu furent bénisde onze enfants, dont deux n'ont pas atteint l'âge de la puber-té. Sur les neuf qui ont survécu, il n'y a pas moins de trois filleset un fils qui ont également tenu la plume, tandis qu'un autrefils a préféré manier le pinceau.

La fille aînée, Despina Sadoveanu-Manoliu (1902-1985),a signé toute une série de livres pour la jeunesse, exploitant unfilon déjà exploré par son père, dont le conte Dumbrava minu-nata (Le bosquet magique, 1926) appartient toujours à labibliothèque des enfants roumains; pour les volumes deDespina, en revanche, il faut fouiner chez les bouquinistes.

Profira Sadoveanu (1906-2003) a fait ses débuts en 1933avec Mormolocul (Le tétard), dans lesquels elle évoque sonenfance. Dans les années cinquante, elle y revient avec O zi cuSadoveanu (Une journée avec Sadoveanu, 1955) et Viata luiMihail Sadoveanu. Copilaria si adolescenta (La vie de MihailSadoveanu. Enfance et jeunesse, 1957), deux livres avec deprécieux témoignages de première main, publiés à un moment

où l'œil paternel pouvait encore cor-riger, si nécessaire.

Teodora Sadoveanu (1909-1992)s'est rendue utile avec des traductionsdu français et de l'anglais. En tandemavec sa sœur Profira, elle a traduitOliver Twist de Charles Dickens, unetraduction de 1944 rééditée jusqu'àprésent

Son fils le plus jeune, Paul-MihuSadoveanu (1922-1944), est présentavec Ca floarea campului…(Comme la fleur des champs…). Ce

premier roman parut quelques mois après sa mort sur le fronttransylvain, mais il avait déjà signé un contrat avec la FundatiaRegala pentru Literatura si Arta (Fondation royale pour laLittérature et l'Art), également exposé. Le contrat nous app-rend que le livre sortira dans un premier tirage de deux milleexemplaires, sur lequel l'auteur reçoit 20% de royalties - unpourcentage princier que les écrivains d'aujourd'hui ne peu-vent pas espérer de leur éditeur, ne parlons pas d'un débutant.

A Casa Mihail Sadoveanu sur les traces

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Partageant son temps entre randonnée, pêche, chasse et lecture

De l'exposition temporaire, la muséographe nous dirigevers l'aïeul de cette progéniture créatrice: Mihail Sadoveanu,né le 5 novembre 1880 à Pascani, une petite ville de laMoldavie roumaine. Enfant, il partageait son temps entre ran-donnée, pêche, chasse et lecture. À propos de cette dernièreactivité, il témoigne: "Dès l'enfance, je me suis épris de l'œu-vre de Creanga. Dans ses histoires et contes, j'ai retrouvé lepatois coloré de ma mère, toute une poésie avec des expres-sions spécifiquement moldaves…". Le passage est clairementaussi un hommage à sa mère morte jeune, dont l'arbre généa-logique ne se compose que de ber-gers illettrés, mais qui pouvaientraconter pour dix. À seize ans, il afait ses débuts avec un sketch dansle magazine satirique Dracu

(Diable) ; à peine dix ans plus tard,le critique-phare Titu Maiorescu lecomptait parmi les écrivains rou-mains les plus importants de l'é-poque. Il reconnaissait dans lejeune auteur la personnification duréalisme populaire qu'il avait pré-conisé, des décennies plus tôt, entant que co-fondateur de la sociétéJunimea (La Jeunesse).

Dans sa première période, Sadoveanu était connu pour seshistoires de chasse. Il n'est par conséquent pas étonnant que lemusée nous montre son équipement de pêcheur et de chasseur,des photos où il pose à côté d'un poisson géant ou d'un cerfabattu par lui, ainsi que le bois de l'animal défunt. Nous décou-vrons également sa table d'échecs, avec sur l'échiquier une édi-tion pour la jeunesse des Aventurile sahului (Aventures dujeu d'échecs), mieux connu sous le titre Soarele în balta (Lesoleil dans la mare, 1934). Mon œil s'attache à la hachette quipend au mur, pour la bonne raison que j'ai lu avec plaisir, il ya des années déjà, le roman Baltagul (1930), ce qui signifiejustement "la hachette"; seulement, jusqu'à ce jour, je n'avaisjamais vu un exemplaire roumain en vrai.

Quand mon guide apprend que j'écris aussi en néerlandais,elle sort un exemplaire d'Olanda (1928) de la bibliothèque deSadoveanu. Hélas, le récit de son voyage à travers les Pays-Bas n'a pas été réédité depuis; peut-être que son arrière-petit-fils, seul héritier de l'auteur et domicilié depuis trente ans auxPays-Bas, pourra y remédier. Toutefois, on m'accorde le tempspour feuilleter longuement le livre et en copier une page. Lemusée contient en plus un souvenir bien typique des Pays-Bas:une clochette en bronze dans la forme d'une femme de pêcheurde Volendam.

Dans la dernière salle du musée, les babioles ne manquentpas. Il y a une vitrine avec ses boutons de manchettes, mono-cle, montre-bracelet, médaillon en ivoire, calepin avec les sco-res du jeu de bridge, un jeu de tarots dessinés par son filsDimitrie Sadoveanu (1905-1955), une mèche de cheveux cou-

pée le jour de sa disparition… Sous une autre vitrine sontexposés ses attributs de franc-maçon, y compris un exemplai-re de Creanga de aur (Le rameau d'or, 1933), une histoireésotérique dont l'auteur a indiqué lui-même qu'elle reflète enpartie la symbolique de la franc-maçonnerie.

Royaliste encensant la monarchie puis stalinien glorifiant les kolkhozes

Mihail Sadoveanu a occupé de nombreuses fonctions depremier plan: directeur du Théâtre National de Iasi, présidentde la Fédération roumaine des Échecs, Grand Maître del'Union roumaine des Loges, et autres. Toutes ces fonctions

sont bien mises en valeur dans lemusée, mais un aspect est soigneu-sement occulté : l'homme politique.Aussi bien dans la période entre lesdeux guerres que dans celle d'a-près, Sadoveanu a occupé d'impor-tants postes politiques, en tant queparlementaire tantôt pour la droitenationaliste tantôt pour la gauchelibérale, voire en tant que présidentdu Sénat sous le communisme.

Sadoveanu changeait de campcomme il changeait de chemise, enfonction de la tendance qui arrivaitau pouvoir. Pendant la Seconde

Guerre mondiale, il se rapprocha du roi Carol II - qui le récom-pensa promptement avec un siège au Sénat -, mais dès que leParti communiste renversa la monarchie en 1948, il fut aussiprompt à écrire un hommage à Staline, tout en glorifiant leskolkhozes et en assurant le peuple que tout le salut venait deMoscou. Sans sourciller, il permit que ses précédents romansfussent "révisés". Les passages dans lesquels il entonnait leslouanges de la Bessarabie en tant que partie de la Roumaniefurent supprimés, car elle était devenue une république sovié-tique. Dans La hachette, l'un des personnages caractérise lesRusses comme des ivrognes, des mendiants et des chanteursde foire; ce jugement n'apparaît plus dans les rééditions sousle communisme. Ceux qui croyaient que le talent du raconteurSadoveanu pouvait sauver le réalisme socialiste ont été déçus;tous les critiques conviennent que, d'un point de vue qualitatif,il ne reste rien de la période de 1948 jusqu'à sa mort, le 19octobre 1961, à Bucarest.

Dans le musée, l'homme politique est balayé sous le tapis,car personne ne peut sympathiser avec l'opportuniste sans ver-gogne qu'était Sadoveanu - mais on ne peut pas l'effacer del'histoire de la littérature roumaine pour cette raison. Lorsquel'hebdomadaire culturel Observator Cultural organisa en 2001une enquête parmi les écrivains, Sadoveanu figura avec six tit-res dans la liste des cent cinquante meilleurs romans de laRoumanie. J'approuve en ce qui concerne La hachette etHanu-Ancutei (L'auberge d'Ancuta, 1928), même si j'ai pro-bablement dû les lire dans la version expurgée.

Jan H. Mysjkin

d'un écrivain qui changeait de camp comme de chemiseIasi, le 5 mai 2016 : c'est la fête à la Casa Mihail Sadoveanu, à Iasi. Le musée

est également connu sous le nom bien choisi de "Casa cu turn" (La maison avectour), un charmant bâtiment qui a été construit en 1842 par Mihail Kogalniceanu,un homme politique roumain qui a été premier ministre. Dans les années 1916-1919, le compositeur George Enescu y avait trouvé un gîte, jusqu'à ce que les frè-res Mihail et Vasile Sadoveanu le lui achètent.

De tous temps, Sadoveanu (au centre), a fréquenté lesarcanes du pouvoir. Ici, avec le dictateur Dej (à gauche).

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Littérature

"S'il n'a rien de bien à dire, le Hollandais se tait"

L'homme du Nord, dans les veines duquel coulel'eau des canaux, est avant tout sérieux et réfléchi.Pour un étranger, il paraît au début même farouche

et inhospitalier. Il n'a aucun sens de l'humour et les motsd'esprit retombent avec de lourdesailes humides autour de lui.

C'est un homme appliqué,voire loyal. Sur sa parole, on peutbâtir une église. Cela n'a proba-blement pas été facile pour lui d'yarriver. Les lois répressives duNord ont été impitoyables. Lerésultat est parmi les plus réussis;avant tout, cela a rendu possibledes libertés qu'on ne retrouvenulle part ailleurs.

Les Hollandais d'antanétaient des marins intrépides quiont conquis le monde. Ils étaientégalement des commerçants zélésqui ont eu à faire avec tous les peuples de la terre et qui ont étéen contact avec leurs civilisations. Très vite, eux aussi se sontélevés à la prospérité et à une culture florissante, dont l'apogée

remonte à deux siècles, mais qui s'est perpétuée dans uneforme de vie définitive.

Même aujourd'hui, ils prouvent être des commerçants etdes hommes d'affaires inégalés. Leur pondération et gravité,

leur tergiversation volontaire,visage impénétrable et foyerfermé sont des armes. Quelenthousiasme et quelle passion nedécouvre-t-on pas dans la lutte dela finesse et de l'habilité! LeHollandais a soumis l'imaginationet le cœur à l'intelligence, d'où sasupériorité en monnaie forte.

Toutefois, c'est un hommepoli et attentionné. Il ne racontepas des balivernes agréables pourvous plaire. S'il n'a rien de bien àdire, il se tait. S'il vous témoignede l'amitié, vous pouvez le croiresans hésitation. S'il vous accueille

dans sa maison, cela veut dire qu'il vous estime".Mihail Sadoveanu, Olanda, Editura Cartea româneasca,

Bucuresti, 1928. Traduit du roumain par Jan H. Mysjkin.

Un siècle avant l'affaire Crédit Lyonnais-Tapie-Lagarde

la France "montrait" déjà l'exemple

Après la guerre d'indépendance de 1878, laRoumanie récupérait la Dobrodja et Constantsadevenait le principal port du pays. Relié un peu

plus tard à la capitale par le chemin de fer, il était la porte d'en-trée maritime de la Roumanie. La nécessité de le moderniserapparut criante au gouvernement conservateur de LascarCatargiu qui lança un appel d'offres international à l'été 1895pour un montant des travaux estimés à 25 millions de lei-or,auquel répondirent sept fir-mes d'Italie, des Pays Baset de France.

Un entrepreneur fran-çais, Adrien Hallier, admisà concourir par piston,emporta la mise par uneoffre alléchante: il affir-mait mener à bien le chan-tier pour seulement 20millions de lei, soit unrabais de 21 %. Sa proposi-tion était soutenue par deslettres de recommandationde ministres français et demembres de la familleroyale belge. Sur place, personne ne se soucia du fait que laFrance de l'époque et sa classe politique nageaient en pleinscandale de l'affaire du canal de Panama et que la Belgique deLeopold II pillait les richesses du Congo. Cerise sur le gâteaupour Hallier : il n'avait eu à débourser que 762 000 lei, soit 4% du financement, prévu comme caution de garantie.

Une loi spéciale, taillée sur mesure, votée en urgence

Le 16 octobre 1895, le roi Carol 1er assistait au lancementdes travaux lors d'une grande cérémonie festive, en présencede nombre de ses ministres et officiels. Peu de temps après, legouvernement Catargiu tombait, remplacé par celui du libéralSturdza. Pendant quatre ans, les travaux n'avancèrent pratique-ment pas, bien qu'Hallier ait empoché 18 millions de lei. A l'al-ternance suivante et avec le retour des conservateurs aux com-mandes, le Français engagea un de leurs partisans, ConstantinManu, dont le frère, Gheorghe, avait l'avantage d'être ministredes finances. Et pour conforter sa position, il s'entoura de l'am-bassadeur de France, Arsène Henry.

Le scandale commençant à prendre de l'ampleur, le gou-vernement fut bien obligé de porter l'affaire en justice. Un tri-bunal d'arbitres, formé de trois juges - Mihai Sutu, gouverneurde la Banque nationale, Maffré, désigné par Hallier, et un

super-arbitre, le Hollandais Leemans - fut chargé de trancherle différent. Sa décision devait être définitive et sans droit d'ap-pel. Comme cette instance n'existait pas en Roumanie, leParlement dut voter une loi spéciale.

La Roumanie réclama 16,6 millions de dommages et inté-rêts pour non respect du contrat. Débuté en février 1900, leprocès fut une véritable mascarade. Parmi les propositionsavancées devant les arbitres, l'idée d'un emprunt de 175

millions de lei-or auprèsde banques françaises etallemandes, à conditiond'accorder des dédomma-gements à Hallier pourrupture de contrat, fit bon-dir l'opinion. Des milliersde personnes indignées sepressèrent devant le tribu-nal, gardé par la police.Pendant toute la durée duprocès, les manifestants seretrouvaient devant la sta-tue de Michel Le Brave,près de l'Université.

"Que voulez-vous, on est ici aux portes

de l'Orient, où tout est possible"…

La décision du tribunal arbitral fut rendue le 24 mars1900: la Roumanie était condamnée à payer 6 millions de lei-or à Adrien Hallier. Les juges-arbitres furent traité de "ven-dus". Le Premier ministre conservateur Gheorghe GrigoreCantacuzino justifia sa non-intervention en déclarant que l'af-faire était délicate et "qu'elle était dictée par la politique secrè-te du gouvernement".

Plus tard, on apprit qu'Hallier finançait massivement leParti conservateur. Mais il y eut tout de même une morale danscette affaire qui n'est pas sans rappeler celle opposant, un siè-cle plus tard, le Crédit Lyonnais à Tapie et la farce du tribunalarbitral désigné par Christine Lagarde "pour sauvegarder aumieux les intérêts des citoyens": Hallier avait promis àConstantin Manu 12 % de commissions sur la somme qu'ilobtiendrait mais le frère du ministre roumain des Finances nevit jamais la couleur des 750 000 lei-or qu'il devait encaisseret dut engager un procès contre son commanditaire.

Finalement, le gouvernement roumain fut obligé de lan-cer un nouvel emprunt pour mener à bien l'achèvement des tra-vaux du port de Constantsa et de sa voie ferrée. Commentantce scandale, Raymond Poincaré laissa tomber: "Que voulez-vous, on est ici aux portes de l'Orient, où tout est possible"…

Le scandale de la modernisation du port de Constantsa

Sadoveanu en compagnie de la chanteuse Maria Tanase

De Panama au port de Constantsa, une série de scandales.

Le 24 juin 2013, 7est titrait engrosses lettres : "SADOVEA-NU, INTERZIS ! DE CE A

DISPARUT ILUSTRUL SCRIITOR DINLIBRARII" (Sadoveanu, interdit!Pourquoi l'illustre écrivain a disparu deslibrairies). La nouvelle a provoqué unscandale dans les médias. Certains jour-nalistes ont même fait la tournée deslibrairies à Bucarest et à Iasi pourvérifier l'assertion et oui, c'était unfait, on ne trouvait plus les œuvresde Sadoveanu dans le circuit régu-lier.

Le Libraria Mihai Eminescu àBucarest donna l'explication sui-vante: "Nous n'avons plus rien decet auteur dans nos rayons. Celafait maintenant trois ans qu'aucunéditeur n'a publié quoi que ce soitde Sadoveanu. Il y a un différendavec un descendant qui reven-dique les droits d'auteur et person-ne ne veut s'y brûler les doigts. Sivous voulez absolument lire ses romans,allez voir chez un bouquiniste ou télé-chargez le texte à partir de l'Internet.Nous ne pouvons pas vous aider". Le

point, c'est que nombre d'œuvres deSadoveanu sont lecture obligatoire dansl'éducation et que des classiques tels queLe bosquet magique, L'auberged'Ancuta, La hachette et l'épopée queje n'ai pas encore mentionnée, FratiiJderi (Les frères Jderi, 1935-1942), n'é-taient tout simplement plus disponibles.Bonjour, si vous voulez vous préparer au

baccalauréat!Le coupable montré du doigt était un

certain Dan Herdford, arrière-petit-fils del'auteur, qui habite et travaille aux Pays-

Bas comme professeur de musique. Samère, petite-fille et unique héritière deSadoveanu, avait à son tour passé lesdroits d'auteur à son fils qui en avait assezque COPYRO, la "Société roumaine pourla Gestion collective des Droits d'au-teur", encaisse depuis des années l'argent,dont la famille ne voyait pas un sou.

Là-dessus, Herdford (photo) mena-çait de poursuivre tout un chacunqui se hasarderait à publier un livrede son arrière-grand-père, sans sonaval. Un procès fut engagé, durantlequel COPYRO contestait lesrevendications de Herdford, mais letribunal donna raison à ce dernier.Comme les éditeurs existants n'é-taient pas prêts à payer les sommesfixées par lui, l'arrière-petit-fils afait ce qu'il avait à faire: il a fondéles éditions Mihail Sadoveanu dansle but de remettre en circulationtoutes les œuvres de son célèbreancêtre. Étant donné que sa biblio-

graphie dépasse largement les cent titres,il en a certainement encore pour quelquesannées. Je lui souhaite bonne chance.

H.M.

Une histoire de gros sous a fait disparaître l'œuvre de l'écrivain des librairies

Mémoire

A la fin du XIXème siècle, époque de grands travaux dans le monde, un scandale défraya la chronique, non seulementen Roumanie, directement concernée car il s'agissait de la modernisation du port de Constantsa, mais dans toute l'Europe,au premier rang de laquelle la France, son auteur étant Français.

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Le 26 juillet 1964, pour la première fois, le chef dugouvernement d'une démocratie populaire a étéofficiellement reçu à Paris. Le voyage du premier

ministre roumain, M. Maurer, faisait suite à toute une série dedéplacements de ses principaux adjoints en Autriche, en Italieou aux Etats-Unis. Quelques jours plus tôt, le même M.Maurer avait conduit à Moscou une délégation de son parti. Leconflit entre la puissance-guide du camp socialiste et le seulpays communiste latin a-t-il évolué? Le communiqué quiannonçait la fin du voyage de M. Maurer en U.R.S.S. signalaitsimplement que les entretiens avaient été utiles et qu'ils contri-bueraient à une meilleure compréhension mutuelle.

Khrouchtchev aurait essayé d'obtenirle limogeage de Gheorghiu-Dej

Ces derniers temps la tension soviéto-roumaine, sensibledepuis deux ans, était devenue très vive. Un homme politiquebritannique, M. Gordon Walker, faisant état de confidencesreçues à Bucarest, a mêmeaffirmé qu'au début de l'annéeM. Khrouchtchev avait essayéd'obtenir le limogeage de M.Gheorghiu-Dej (photo). Cetteaffirmation n'a pas été démen-tie par les intéressés. Quelquesallusions de la presse roumai-ne sont même tenues, parquelques observateurs, commeune confirmation indirecte del'existence d'une tendance pro-soviétique qui aurait pu récem-ment se manifester. Ainsi larevue Viata Economica aadressé un avertissement aux gens qui par "hypothèse absur-de" "seraient détachés du peuple, dépourvus de tout sentimentpatriotique, de fidélité envers le marxisme-léninisme et enversles véritables intérêts du camp socialiste et qui pourraientaccepter certains projets d'intégration du Comecon".

Nous avons déjà indiqué, ici même, les objections doctri-nales que les autorités roumaines opposent à la politique d'in-tégration économique. Jusqu'à présent cette querelle pouvaitparaître scolastique à celui qui se contentait de lire les textespubliés de part et d'autre sans connaître les âpres disputes entrela Roumanie et certains de ses alliés. Mais la revue ViataEccnomica, précisément, a donné le 12 juin un sens très conc-ret à cette discussion théorique. Dans un article d'une grandeviolence la revue s'en prenait à un universitaire soviétique qui

avait osé présenter un projet de complexe interétatique dans lebassin du Danube.

Déjà au mois d'avril le comité central condamnait en ter-mes généraux certaines mesures proposées par le Comecon:"Le plan unique et l'organisme unique de planification, com-mun à tous les pays membres, des unions inter-Etats technico-professionnelles par branches, des entreprises appartenant encommun à plusieurs pays, des complexes économiques inter-étatiques". L'article de Viata Economica montre que cetteprise de position générale était motivée par des projets précis.

La moitié du pays menacée de soviétisation

En effet, dans la revue Vestnik Moskovskovo Universitela(Courrier de l'université de Moscou) M. Valev a préconisé laformation d'un complexe de production interétatique du Bas-Danube. La revue roumaine remarque avec indignation que cecomplexe défalquerait de la Roumanie six régions (Olténie,Arges, Bucarest, Ploesti, Galati et Dobroudja) qui représentent

42 % de la superficie du payset 48 % de sa population. Cesrégions retranchées de l'éco-nomie nationale, ajoute larevue, occupent actuellement48 % des salariés, assurent48 % de la production indus-trielle globale, dont 54 % de laproduction de machines, 51 %de la chimie, 86 % de la pro-duction de pétrole et gaz.L'U.R.S.S. et la Bulgarie four-niraient elles aussi leur apportau complexe, mais sur12 millions d'habitants il y

aurait environ 9 millions de Roumains, 2 millions de Bulgareset 600 000 à 700 000 Soviétiques. La superficie du districtserait de 150 000 kilomètres carrés, dont 100 000 fournis parla Roumanie, 38 000 par la Bulgarie et 12 000 par l'URSS.

Ce n'est pas toutefois parce que l'auteur du projet fait tropappel à la générosité des Roumains et pas assez à celle desBulgares et des Soviétiques qu'il mérite l'opprobre. ViataEconomica lui adresse une critique fondamentale. "M. Valev,dit la revue, est bien incapable de préciser comment le com-plexe pourrait être organisé et comment serait conciliée l'au-torité de sa direction avec celle des gouvernements intéres-sés." En fait le projet Valev a été condamné par les Roumainscomme l'aurait été n'importe quel autre projet du même genre,même s'il avait réparti équitablement les sacrifices.

L'universitaire soviétique s'est rendu coupable d'une fauteque les Roumains ne veulent pas excuser: il établit son plan entenant compte "des intérêts de l'économie mondiale du socia-lisme". Pour eux au contraire toutes les régions de laRoumanie doivent être développées selon les intérêts de l'éco-nomie nationale de la Roumanie. "C'est là, écrit ViataEconomica, l'unique voie par laquelle leurs ressources pour-ront servir les intérêts de la consolidation du socialisme entant que système mondial. Au complexe interétatique on oppo-se donc, comme seule solution acceptable, le complexe écono-mique national parfaitement unitaire".

Une tentative pour liquider la Roumanie !

S'agit-il là d'une polémique entre revues dont il convien-drait de ne pas exagérer l'im-portance politique? Ce n'estpas l'impression que veulentdonner les autorités roumai-nes. Tout l'article est conçu defaçon à montrer que des per-sonnages bien plus haut placésque M. Valev sont visés par leréquisitoire. L'auteur sovié-tique est accusé à deux repri-ses de vouloir supprimer laRoumanie. "Il s'agit là, lit-on,d'un projet de violation de l'in-tégrité nationale de laRoumanie, de démembrementde son unité nationale et del'Etat." Et ailleurs: "LaRoumanie serait liquidée en tant qu'Etat et le peuple roumainen tant que nation par de simples moyens administratifs, jus-tifiés par des arguments économiques, au nom de considéra-tions pseudo-marxistes-léninistes."

Pour qu'on ne se méprenne pas sur la portée de son aver-tissement, la revue met les points sur les i. "Valev, écrit-elle,n'est pas un isolé; sa proposition fait partie d'une vaste offen-sive dans laquelle sont engagés de nombreux intellectuelssoviétiques". Or ces auteurs n'ont pas le droit d'établir un pro-jet intéressant le territoire roumain sans y être autorisés par legouvernement de Bucarest. En présentant un projet qui estcontraire à la politique officielle de la République populaireroumaine, ils usent d'un procédé inqualifiable.

Sous la violence de l'attaque, les Soviétiques ont estiménécessaire de se replier. Pour éviter une crise, d'autant plusgênante que M. Maurer était attendu à Moscou, le quotidiengouvernemental Izvestia a décerné à M. Valev un brevet dethéoricien sans mandat. Le journal a même affirmé que l'uni-versitaire avait répandu des idées dangereuses (bien que cesidées-là correspondent à celles de M. Khrouchtchev). Ce dés-aveu était dicté par l'opportunité. Mais en condamnant M.Valev, le journal était amené à justifier les thèses roumaines: le

degré de coopération entre pays socialistes dépend du déve-loppement économique de ces pays et doit tenir compte desintérêts de chacun; la division internationale du travail estnécessaire, mais elle doit respecter la souveraineté nationale.

Les conseils de prudence de Tito

Cet article pouvait laisser prévoir une atténuation très sen-sible ou même le règlement du conflit sur l'intégration.L'U.R.S.S. paraissait prête à abandonner sa politique suprana-tionale. Peut-être était-elle disposée à fournir une aide écono-mique comparable à celle qu'elle accorde à la Bulgarie (audébut de l'année Moscou a prêté 300 millions de roubles àSofia et vient de donner un autre crédit de 165 millions de rou-bles). En échange elle exigeait probablement que le parti rou-

main mit un terme à sa campa-gne antirusse. (A Bucarest, lesactivistes ont expliqué les dif-ficultés de ravitaillement parles prélèvements soviétiques.)D'ailleurs le 22 juin le maré-chal Tito, après avoir rencon-tré M. Khrouchtchev, aconseillé à M. Gheorghiu-Dejde manier le nationalisme avecune certaine prudence et de nepas provoquer une réactionsoviétique. Il est probable éga-lement que les amis de M.Khrouchtchev ont demandéaux Roumains de prendreenfin une position nette et

ferme dans le conflit sino-soviétique. Le nouvel accord decoopération technique conclu entre Bucarest et Pékin n'a pumanquer de l'impressionner fâcheusement.

Si un accord avait été réalisé, le communiqué de Moscoul'aurait très certainement signalé. Mais les concessions que lesSoviétiques pouvaient faire étaient-elles suffisantes pour flé-chir les Roumains ? Le conflit entre les deux pays a été provo-qué par le programme du Comecon, mais il paraît maintenantbeaucoup plus vaste. Il semble bien que les dirigeants deBucarest aient pris goût à l'indépendance non seulement éco-nomique mais politique et diplomatique.

Alors que le nouvel ambassadeur de France lui présentaitrécemment ses lettres de créance, M. Gheorghiu-Dej prenaitpour thème de son allocution le droit des peuples à l'autodéter-mination. Ce discours s'adressait moins à la France qu'à cer-tains pays alliés de la Roumanie. Il y a quelques mois encorel'U.R.S.S. aurait sans doute pu apaiser la querelle en offrant àla Roumanie des satisfactions d'ordre économique. On peut sedemander s'il n'est pas déjà trop tard.

Bernard Féron (Le monde diplomatique, août 1964)Journaliste au Monde, en charge de la Russie et de l'Europe centrale et orientale.

Sous prétexte d'intégrationHistoire

1964 : La Roumanie défend son

économique, Moscou avance ses pions

indépendance et son intégrité territorialeJusqu'à la chute du communisme, "Le Monde diplomatique" constituait la seule référence crédible et régulière évo-

quant la situation en Roumanie et dans les pays de l'Est, même si ses articles de complaisance - comme les interviews desambassadeurs roumains en France ou des personnalités de la nomenklatura communiste de passage à Paris - se révélaientsans intérêt et parfaitement langue de bois. Les Nouvelles de Roumanie plongent dans ses archives pour rappeler uneépoque où les lecteurs français ne disposaient que de cette seule source d'information.

La rencontre entre Tito et Dej: l’amorce d’un front commun face aux appétits de Moscou.

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Radu Beligan, 97 ans, le plus vieux comédien dumonde encore en activité,ce qui lui a valu d'entrer

dans le livre des records dès 2013, s'estéteint le 20 juillet à l'hôpital Elias deBucarest. Il a été enterré au cimetièremilitaire Bellu de la capitale, avec leshonneurs militaires.

Né en 1918, dans la commune deGalbeni (Jud Bacau), Radu Beliganétait Grec par sa mère et appartenait àla parenté de l'écrivain Ion Creanga.Pendant ses sept décennies de carrière,le comédien avait épuisé l'ensemble durépertoire mondial du théâtre, aussibien classique que moderne, interpré-tant les œuvres de WilliamShakespeare, Molière, Carlo Goldoni,Nicolai Vasilevitchi Gogol, Anton Tchékhov, George BernardShaw, Maxime Gorki, Albert Camus, Jules Romain, Eugen

Ionesco, Jean Anouilh, Friedrich Durrenmatt, Edward Albee,Peter Schaeffer, Patrick Süskind, NeilSimon, Umberto Eco… Il avait été undes disciples de la célèbre actriceLucia Sturdza Bulandra, qui a donnéson nom au théâtre le plus renommé deBucarest, et aussi de Ionesco.

Radu Beligan avait plusieurs cor-des à son arc. Tournant dans des films,des feuilletons à la télévision, se pro-duisant dans des séries radiopho-niques, enseignant à l'institut duThéâtre et du film de 1950 et 1965, ilétait aussi metteur en scène. Il avaitdirigé le Théâtre de la Comédie deBucarest de 1961 à 1969, puis leThéâtre national de 1969 à 1990.Immensément populaire, le comédien

était membre de l'Académie roumaine depuis 2004 et avait étéfait officier de la Légion d'honneur française.

Disparition à 97 ans de Radu Beligan, le plus vieux comédien du monde en activité

Culture

La Casa de Cultura Robert Schiller du numéro 15 de la rue Bati?tei aprésenté cet été une exposition organisée à l'occasion des 130 ans dela naissance de la princesse Bibesco, grande personnalité roumaine

du début du siècle. 180 photos de famille et de jeunesse de la célèbre princes-se, la plupart issues des Archives nationales roumaines, étaient exposées.

Née à Bucarest en 1886, Marthe Bibesco a composé la plupart de sonœuvre en français dont Le perroquet vert en 1924, ainsi que pléthore de romans,récits et contes. Fille du diplomate Jean Lahovary, elle a épousé le princeGeorge-Valentin Bibesco, issu de l'une des plus grandes familles de Roumanie,avant de divorcer et de s'installer dans le Paris de l'entre deux-guerres où ellefréquenta l'élite littéraire.

Elle a été dépossédée de ses biens et de sa fortune roumaine par les com-munistes après 1945. Grande dame de la littérature française, fort appréciée parDe Gaulle, elle est décédée en 1973. Oubliée sous le régime, elle fait l'objetdepuis 1989 d'un regain de popularité en Roumanie.

Le boum de la salle de spectacle Elvire Popesco

Un peu plus de 4,4 millions d'étrangers ont visité laRoumanie au cours du premier semestre de cetteannée, soit une progression de 13 % par rapport à

l'année précédente. En tête, les Moldaves (780 000) suivis desHongrois (730 000), des Bulgares (690 000), des Ukrainiens(415 000), des Allemands (200 000), des Serbes (195 000), desItaliens (193 000), des Turcs (157 000), des Polonais(123 000), des Américains du Nord (100 000 dont 77 000 des

USA) des Français (91 000), des Israéliens (90 000), desAnglais (78 000), des Autrichiens (63 000), des Espagnols(42 000). Les Belges (24 000) et les Suisses (17 000) viennentderrière, suivis des Hollandais.

Les stations de montagne et thermales, aux tarifs concur-rentiels, ont particulièrement tiré leur épingle du jeu (+ 25 %de fréquentation). A l'inverse, 7,4 millions de Roumains sontpartis visiter l'étranger (+ 20 %).

A la vôtre… en chansons !

Le 6ème festival de la chanson fran-çaise en Moldavie s'est déroulé le 9 juilletdernier à Horodiste près de Rezina, pro-che du Nistru et de la Transnistrie. Nonseulement des Moldaves y ont participé,mais aussi des Roumains, Français,Belges et Suisses. Spectateurs et chan-teurs ont été conviés à une dégustation defromages français, de crêpes bretonnes,de quiches lorraines, arrosés de vin et debière.

Le français langue d'affaires

94% des personnes qui travaillentdans des multinationales en Roumaniepossèderaient une bonne voire très bonne

connaissance des langues étrangères.C'est ce qui ressort d'une étude réalisée en2015 sur un panel de 4500 jeunes profes-sionnels par la société Eucom, active surle marché des cours de langues aux entre-prises. Un quart des personnes évaluéesutilisent les langues étrangères très régu-lièrement pour leur travail, que ce soitdans des réunions ou des rendez-vousd'affaires.

Sans surprise, l'anglais est la languela plus utilisée pour 31% des sondés. Lefrançais arrive derrière pour 22% d'entreeux, suivi de l'allemand -18%, de l'espa-gnol -11% et de l'italien dont se servent6% des employés des grosses sociétésbasées en Roumanie. La plupart des élè-ves des écoles secondaires roumainesapprennent deux langues étrangères.

96,8 % de taux de réussite

du bac français à l'étranger

Avec 14 582 candidats reçus pourl'année 2016, le réseau des 494 établisse-ments d'enseignement français à l'étran-ger connait à nouveau d'excellents résul-tats au baccalauréat.

Le taux de réussite global s'élève à96,8 % (98,1 % en Europe dont 78,3 % dementions), un chiffre en constante aug-mentation dans le réseau. Près d'un éta-blissement sur deux obtient 100 % deréussite. 72,7 % des élèves ont obtenuune mention dont 22,4 % une mention"très bien". La moitié des candidats(50 %) ont la nationalité du pays d'ac-cueil, 40 % sont français et 10 % ont unenationalité tierce.

A savoir

4,4 millions de visiteurs étrangersTourisme

Spécialisation dans le cinéma, augmentation des spectateurs, diversification de laprogrammation, création d'une équipe de professionnels : Christophe Pomez a étél'artisan de la transformation de la salle de spectacle Elvire Popesco de l'Institut

français de Bucarest (IFB). Après cinq ans passés en Roumanie, dont deux en tant que direc-teur de l'Institut français de Cluj, il part continuer sa carrière d'attaché culturel au Maroc.

La première place du cinéma en Roumanie est occupée par la cinématographie américai-ne, avec 9,5 millions d'entrées par an. En deuxième vient la française, avec presque 500 000billets vendus. Et enfin la cinématographie roumaine avec moins de 300 000 entrées par an.

En 2016, la salle Elvire Popesco a réalisé presque 30 000 entrées pour le premier semes-tre, soit plus que toute l'année 2014. En 3 ans, elle a presque triplé le nombre de billets ven-dus. De 15 000 en 2013, à 30 000 en 2014 et presque 50 000 l'année dernière. Pour 2016, elleest déjà à plus de 40% d'augmentation. Devenue référence du cinéma d'art et d'essai mais aussigrand public, elle propose des séances jeune public le samedi matin, et des nocturnes le vend-redi et samedi soir à 22h.

Exposition de photos consacrée à la princesse Bibesco

Le maire de Washington, Muriel Bowser, aproclamé dans un communiqué que le 24juin serait désormais Journée universelle de

la blouse roumaine dans la capitale américaine. Elle anotamment expliqué que la fameuse blouse roumaine,la ie, avait été un symbole international de la cultureroumaine ainsi qu'une source d'inspiration pour lesplus grands designers du monde entier. Tout est partid'une campagne en ligne intitulée la Blouse Roumaineconsacrée au costume traditionnel dont des créateurscomme Tom Ford et Jean Paul Gaultier se sont inspi-rés ces dernières années. La Roumanie et laRépublique de Moldavie ont en outre déposé ensembleun dossier à l'Unesco en vue de l'introduction de l'iesur la liste du patrimoine culturel immatériel mondial.Un film documentaire est en préparation.

Le 24 juin Journée universelle de la blouse roumaine à Washington

La Roumanie est devenue le 22e pays à adhérer à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). Cetteadhésion est l'aboutissement d'un processus de candidature formellement démarré en 2008. Les débuts de la relationbilatérale entre le CERN et la Roumanie remontent à 1991, lorsqu'un accord concernant la coopération scientifique et

technique a été signé, fournissant ainsi le cadre juridique d'un développement ultérieur. La communauté scientifique roumaine auCERN a augmenté régulièrement au fil des années et elle compte aujourd'hui une centaine de personnes.

La Roumanie membre du CERN

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

Carol II estun roi trèscontrover-

sé, beaucoup plusimpopulaire en Rou-manie qu'à l'étranger.Les Roumains retien-nent surtout sesfrasques, leur mémoi-re sélective ayant étéaidée par la propagan-de du régime sovié-tique. Les historiensont un jugement nette-ment plus nuancé, pre-nant notamment en

compte la situation géopolitique du pays à l'époque, enserréentre deux mastodontes sanguinaires dont il avait tout à crain-dre, l'Allemagne nazie et l'URSS, et abandonné par ses alliés,au premier rang duquel, la France. Dans son passionnantouvrage, Le roi trahi*, qui fait revivre avec intensité laRoumanie de l'Entre Deux guerres, Lily Marcou rend justice àun homme à bien des égards déroutant, et particulièrementmoderne. Le souverain avait ainsi reconstitué une Roumanieen miniature pour l'éducation de son fils, qui allait devenir lefutur roi Michel. Un des quat-re survivants de l'époque, âgéaujourd'hui de 87 ans, a rappe-lé aux journalistes cette initia-tive inédite.

Carol II ne voulait pas queson fils soit élevé comme l'é-taient les autres princes héri-tiers d'Europe, coupés dumonde, enfermés dans unpalais, loin du peuple, confiésà des gouvernantes et profes-seurs particuliers leur ensei-gnant les langues étrangères,les préparant aux principes dela gouvernance, à la découver-te des milieux qu'ils seraientappelés à diriger, comme l'ar-mée, la diplomatie, etc.

Avec des fils de paysan, facteur, avocat, officier…

Au contraire, Carol II jugeait indispensable que le futursouverain ait une connaissance charnelle du pays, dans sesprofondeurs. Des pauvres, des riches, des paysans, des cita-dins, des ouvriers, des ingénieurs, des intellectuels, des mino-rités, de la population des différentes provinces, de la capitale,des étrangers vivant dans le pays.

En 1932, alors que Michel avait onze ans et terminait sesquatre années de classe primaire, où il avait étudié à la maniè-re classique des princes, confié au professeur Nicolae Saxu,son père chargea une commission d'arpenter en long et en largele pays pour dénicher des élèves du même âge qui devien-draient ses camarades de classe pendant les huit années delycée qui l'attendaient.

C'est ainsi que ce qu'on a appelé "la classe palatine" aouvert ses portes le 30 janvier 1933, avec neuf élèves. Pendanthuit ans, jusqu'en 1940, le futur roi y côtoiera des enfants deBucarest, du Banat, de Bucovine, de Transylvanie, deMoldavie, des Allemands de Brasov, des Hongrois de TârguMures. Les uns étaient fils d'industriel, de diplomate, d'écri-vain, d'officier, d'avocat, de libraire, d'instituteur, de prêtre,d'autres de facteur, d'agriculteurs, de mécanicien de locomoti-ve. Certains furent remplacés car ils ne faisaient pas l'affaire.La classe comporta jusqu'à treize élèves.

Carol II avait demandé au grand écrivain Nicolae Iorga,considéré comme le "plus grand puits de connaissance de l'é-poque", de réfléchir au programme. L'enseignement étaitdispensé par des historiens, géographes, philologues, philoso-phes, scientifiques, particulièrement réputés.

Le premier trimestre se déroulait invariablement à Sinaiaau château de Peles, jusqu'à Boboteaza, l'Epiphanie orthodoxe,au tout début de janvier. Puis les élèves prenaient le chemin

d'un pavillon du palais royal deBucarest, l'enseignement étantintégré à celui du collègenational Sfântu Sava. Le rois'était fait aménager un bureauavec pupitre dans la classepour pouvoir assister aux courset avait passé comme consigneque son fils soit traité commeles autres élèves.

A la fin de l'année, pendantl'été, les élèves partaient avecleurs professeurs pour une"tournée de synthèse" et derévision de ce qu'ils avaientappris. Ce voyage les emme-nait à travers tout le pays à ladécouverte des endroits où s'é-taient déroulées les grandesbatailles, des châteaux, des

monastères, des musées, des places fortes, des sites archéolo-giques, industriels, miniers, des lieux de naissance des écri-vains, personnalités historiques. Cette éducation ouverte, ori-ginale et très moderne pour l'époque, aurait été complète s'il nelui avait pas manqué l'élément féminin… c'est-à-dire la moitiéde la population.

* Lily Marcou, Le roi trahi, Carol II de Roumanie,Editions Pygmalion, 2002, 22,50 �

Carol II avait reconstitué une Roumanie

miniature pour l'éducation de son héritier, Michel

Les amours malheureuses d'un roi et d'une star italienne

Séduite et abandonnée… Sur les bancs de l'école avec le Roi

Monarchie

Après de 65 ans de distance, la presse roumainerevient sur la liaison passionnée qu'avait entrete-nue le jeune Roi Michel et Mariella Lotti (photo),

une célèbre actrice italienne de l'époque, révélée au public à laUne du journal France Dimanche, le 18 avril 1948… sixsemaines avant le mariage de l'ex-souverainavec Anne de Bourbon-Parme. La moraleétait cependant sauve, car l'idylle était ter-minée depuis plusieurs années.

Mariella Lotti, de son vrai nom AnaMaria Pianotti, connue pour sa grandebeauté, a été une des actrices les plus en vuedu cinéma italien entre 1938 et 1945.Vedette d'une troupe de comédiens italiensen tournée en Roumanie, la jeune artiste de18 ans s'est produite au théâtre royal deBucarest, le 19 octobre 1939 pour unereprésentation de gala. Michel, qui n'étaitpas encore redevenu roi, ne la quitta pas desyeux depuis sa loge. Quelques jours plustard, il obtint du Palais royal l'autorisationde l'inviter à la cour, à l'occasion de sonanniversaire, le 25 octobre, pour fêter luiaussi ses 18 ans et dansa toute la soirée avec elle. Leur histoi-re d'amour commençait. A la fin de la tournée, la jeune actrices'installa pendant plusieurs mois dans un grand hôtel de lacapitale et chaque matin le futur souverain venait la chercheren limousine pour de longues ballades en tête à tête.

La guerre interrompit leurs ébats et Mariella regagnaRome pour respecter plusieurs engagements, écrivant tous lesjours des lettres enflammées à son amant… mais celui-ci semontrait beaucoup plus réservé dans ses réponses, qui se fai-saient très rares. La jeune femme se désespérait, restant cloi-trée des semaines entières, refusant les contrats proposés par

ses producteurs, dont le rôle vedette dans La Tosca, aux côtésde Michel Simon. Finalement, en 1944, elle réussit à obtenirun passeport pour la Roumanie. Ce ne fut qu'une brève rencon-tre, compliquée par la guerre, les difficultés diplomatiques.Michel, devenu roi, ne reçut son amante que lors d'une très

courte audience et la jeune femme revint àRome encore plus malheureuse.

Délaissée par le jeune Roi Michel, Mariella voulut se faire nonne

Comprenant qu'elle n'avait plus d'espoirà nourrir, Mariella se replia encore plus,annonçant à ses sœurs et amis qu'elle vou-lait se retirer dans un couvent. Averti immé-diatement, Michel lui écrivit pour luiconseiller de n'en rien faire et de se montrerpatiente. La jeune Italienne attendit desmois, sans recevoir d'autres nouvelles, tour-nant encore un ou deux films. Puis, ce fut lecoup de grâce, un matin de 1947, en ouvrantle journal pour découvrir que son ancienamour se fiançait avec une femme de son

rang, la princesse Anne de Bourbon-Parme. Cette fois-ci, elleentreprit des démarches sérieuses pour se faire nonne, futmême acceptée par la mère supérieure d'une abbaye."Abandonnée par Michel de Roumanie, l'actrice MariellaLotti se retire dans un monastère" titra France-Dimanche à saune. Finalement, elle renonça à cette idée et continua tant bienque mal sa carrière cinématographique, tournant un de ses der-niers films en 1951, à 30 ans, aux côtés de Jean Marais, Nezde cuir, une co-production franco-italienne. Mariella Lotti estdécédée en 2006, à 85 ans. Michel, aujourd'hui âgé de 91 ans,a fêté en 2008 ses noces de diamant avec Anne.

Dans un éditorial, le journal"Romania Libera", auxsympathies monarchistes,

met violemment en cause l'influence dontuse Radu Duda (photo) sur son beau-père, le Roi Michel: "Le roi est devenu,

progressivement, prisonnier de RaduDuda, le principal porte-parole de laMaison Royale, qui n'est pas un pro-pagandiste dans le vrai sens du terme,parce qu'il promeut plus sa proprepersonne que l'idée monarchique.Avec l'entrée de Duda dans la famille(par mariage avec la princesseMargareta, en 1996), la principalemission de la Maison Royale estdevenue la récupération des biensconfisqués par les communistes et le

message symbolique s'est transformé enun message mercantile. La discrétion duroi s'est dissoute dans le grand désir decelui qui se croit prince, mais qui nourritde mesquines ambitions politiques et quia par ailleurs interrompu la tradition de

monarque indépendant de Michel en seprésentant aux élections, il y a deux ans.Radu Duda n'a pas d'inhibitions, il joueun rôle honteux en traînant sans remordsson souverain dans le monde fétide de lapolitique roumaine. Le roi Michel a étécontraint, au Parlement, d'éviter la maintendue par l'ex-président Iliescu et d'ac-cepter les flagorneries des autres.

Après avoir été prisonnier du maré-chal Ion Antonescu (qui, en 1940, a ralliéle pays à la cause de l'Allemagne nazie)et du Premier ministre communiste PetruGroza (qui a forcé le roi à abdiquer en1947), le roi est devenu un canari dans lacage dorée portée par Radu Duda, et lamonnaie d'échange de son gendre versune nouvelle carrière politique".

Un canari dans une cage dorée ?

Monarchie

Roi controversé, Carol II avait eu cependant la bonne idée d’envoyer son fils Michel étudier avec les jeunes gens de son âge.

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

23 août 1944: le jeune souverain piège le maréchal-dictateur Antonescu

Al'occasion du troisième anniversaire de l'armisticesoviéto-roumain du 23 août 1944, le correspon-dant du Time à Bucarest rappelait le rôle joué dans

cet événement par le jeune roi Michel. A celle date, Hitler avaitencore 100 000 hommes en Roumanie, et le pays était en outresous la poigne d'un ami fidèle des nazis, le maréchal IonAntonescu. Sur la frontière moldave, à 250 kilomètres au nordde Bucarest, les troupesroumaines échan-geaient encore descoups de fusil avec lesS o v i é t i q u e s .Subitement elles tour-nèrent leurs armescontre les Allemands.

Derrière ce revire-ment historique il y eutaussi ce jour là uneconversation historiquequi fut, dît le cor-respondant du Time,enregistrée par un dic-taphone. Sans mettre endoute la bonne foi deRobert Low, correspondant du journal anglais, on s'étonnequ'un dictaphone de l'époque ait pu réaliser un si parfait enre-gistrement. En tout cas, voici comment se présentait ce docu-ment, où l'on entend un jeune souverain de 23 ans s'opposeravec force au véritable maître du pays :

"Veuillez vous adresser à moi

d'une façon plus correcte"

"Le jeune homme (Le Roi Michel) appuya sur le boutonde son dictaphone et se tourna vers le visiteur.

Antonescu: Je souhaite longue vie à Votre Majesté.Le roi: Il n'y a guère de temps à perdre. Malgré tout ce que

j'ai pu vous dire vous avez amené le pays à une situation d'oùil ne peut être sorti que par la cessation immédiate des hostili-tés et l'expulsion des Allemands.

Antonescu: Vous faites erreur !Le roi: Veuillez vous adresser à moi d'une façon plus cor-

recte. Qu'est-ce que ce "vous" ?Antonescu, un peu désarçonné: Vous... Votre Majesté...

Votre Majesté est bien nerveuse aujourd'hui.Le roi: Oui, je le suis. Et c'est parce que vous ayant appe-

lé ce matin, au bout du fil vous m'avez traité en quantité négli-geable. (Ici se place un coup de poing sur la table.) Je ne vouspermets pas de prendre ces sortes de libertés avec moi. Pensez-vous que je puisse vous permettre d'usurper plus longtempsmes prérogatives en me laissant regarder comme un imbécilele spectacle de mon pays tombant en ruine ?

Antonescu: Et qui donc le détruit ? Le roi: Vous tous ! Et lorsque je vous fais appeler vous n'a-

vez soi-disant pas de temps pour le roi de ce pays.Antonescu : Je voudrais vous dire que vous faites erreur si

vous pensez pouvoir sauver le pays par un armistice.Le roi: Je ne vous ai pas appelé pour vous demander votre

opinion. Je vous ai appelé pour que vous transmettiez ce télé-gramme annonçant la cessation des hostilités aux NationsUnies.

Antonescu: Qui a composé ce télégramme ?Le roi: Qu'est-ce que cela peut vous faire ? Si vous refu-

sez de le transmettre, jel'enverrai moi-même.

Antonescu :Comment pouvez-vouspenser qu'un maréchalpuisse trahir ses alliésallemands et les jeterdans les bras desRusses ?

Le roi, élevant for-tement la voix: Qui est-ce qui trahit, vous oules Allemands ? Est-cevous qui avez garantiles frontières du Reich,ou bien l'Allemagnecelles de la Roumanie ?

Antonescu: Je ne suis pas sourd. Pourquoi criez-vous ?Le roi: Si, vous l'êtes ! Autrement vous auriez entendu le

murmure du pays. Mais, bref, voulez-vous ou non transmettrece télégramme, Maréchal ?

Antonescu: Non. Pas sous cette forme de toute façon.Le roi: Et comment alors ?Antonescu: Je dois me mettre en communication avec

l'Allemagne d'abord."Je sais que vous m'avez considéré comme une espèce d'enfant bête et balbutiant"Le roi: Quoi? Sommes-nous là pour marchander Monsieur

Antonescu ?Antonescu: Maréchal Antonescu, s'il vous plaît!Le roi: Monsieur Antonescu, pendant les quatre années

que vous usurpiez mes droits vous n'avez jamais eu maconfiance, ni ma sympathie. Pendant des mois, j'ai travailléavec l'opposition pour sauver mon pays. Vous, je sais, vousm'avez considéré comme une espèce d'enfant bête et balbu-tiant. Les Roumains jugeront qui de nous a raison. Mais sivous me croyez un traître vous serez complètement désillu-sionné. Je suis le roi de mon pays et votre roi aussi. Je veuxsauver ce pays, et personne (nouvelle élévation de voix et coupde poing sur la table), personne ne m'en empêchera !

"Je vous mets aux arrêts… Gardes, emmenez le !"

Antonescu: Votre Majesté est jeune et inexpérimentée.Le roi: Vous vous trompez; la souffrance est une grande

expérience.Antonescu: Vous ne pouvez pas disposer du pays si...Le roi (l'interrompant): Je suis le chef suprême de l'armée

et mes ordres ont déjà été donnés.

Monarchie

Antonescu (avec violence): Donnés? Et quels ordres, s'ilvous plaît? Votre Majesté se rend-elle compte que cela pourraitcoûter le trône à Votre Majesté?

Le roi: Seriez-vous en train de me menacer? Croyez-vousque je n'ai plus le pouvoir de donner des ordres? Eh bien, àpartir de ce moment, c'est moi qui prendrai toutes les déci-sions. Je vous mets aux arrêts.

On entend le bruit d'une porte violemment ouverte (c'é-taient les gardes personnels du roi qui arrivaient à son appel).

Antonescu (hors de lui): Comment? Moi, le maréchal dupays? Jamais !

Le roi: Bêtise que tout cela!… Emmenez-le!Ce que les gardes firent en effet pour enfermer Antonescu

dans un petit réduit voûté où le roi Carol II, père de Michel,gardait jadis sa collection de timbres-poste.

Le Roi de Prusse avait pris la forme d'un tsar rouge

Ainsi eut lieu le "coup d'Etat"qui avait été soigneusement pré-paré par le roi et les trois leadersde l'opposition: Iuliu Maniu,Constantin Bratianu et TitelPetrescu... Hélas, ils sont actuelle-ment tous bien mal récompensésde leur courage d'il y a trois ans(Maniu et Bratianu sont sous lesverrous - ils mourront de mauvaistraitements dans leur cellules -,Petrescu est constamment menacédu même sort par la presse com-muniste - il sera assassiné -). Si leroi Michel a pu encore assistercette année à la célébration dutroisième anniversaire de l'armis-tice, les regards que lui jetait laterrible Anna Pauker, lorsque leprésident du conseil Groza pro-

clama dans son discours officiel: "Nous allons maintenant versl'élimination des derniers restes du fascisme", en disaient longà tous ceux qui savent ce que parler veut dire...".

Les conjurés qui avaient mis à terre le dictateur et permisà la Roumanie de renverser ses alliances, avaient finalement

"travaillé pour le roi de Prusse ,qui avait pris ici la forme d'un"tsar rouge".

Le Maréchal Antonescusera fusillé en 1946

Le Roi sera contraint d'abdi-quer trois mois plus tard. Quantau maréchal Antonescu, il avaitété fusillé, le 1er juin 1946, le roiMichel ayant refusé, sous lacontrainte des communistes, dele gracier, ce qu'il confiera avoirregretté plus tard.

Par la suite, les communistesferont du 23 août 1944 le jour dela fête nationale roumaine, alorsqu'ils n'ont joué qu'un rôlesecondaire dans cet événement,et élimineront toute trace decelui, essentiel, du Roi.

Le jeune roi sur le front, avec son tuteur imposé, le maréchal Antonescu, dont il supportait de moins en moins la présence.

Après la tutelle d’Antonescu, celle des communistes et de Groza.

Les adieux à sa mère à Jimbolia Toujours sous la férule d’AntonescuLe jeune roi lit sa déclaration d’abdication.

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Roi Michel

Identifié, il fut expul -sé du pays, la vie reprenant soncours normal. L'ar- chiduchesse Ileana fut gardée à distanceet n'eut jamais connaissance de cet épisode".

Banat yougoslave donné en échange de la perte de la Transylvanie

Trian Borcescu apporte d'autresdétails intéressants sur les négocia-tions entre diplomates roumains etreprésentants de l'opposition poursortir la Roumanie de la guerre. "Ungroupe de généraux, chefs de divi-sion, se rencontrèrent à Bucarest etdécidèrent de prendre des mesures,en accord avec le Palais, pour retirerla Roumanie du conflit. L'un d'entreeux était en contact avec NicolaeCambrea, chef de la division TudorVladimirescu (formée en URSS avecdes prisonniers roumains, ndlr). Legroupe était sous la surveillance duSSI".

Voilà qui met en lumière le rôledu Palais royal pour essayer de sortirde la guerre par n'importe quelmoyen. Borcescu rapporte qu'une rencontre entre le roi Michelet le communiste Emil Bodnaras avait été organisée par l'en-tremise du général d'armée Constantin Sanatescu (qui fut pre-mier ministre après la sortie de la Roumanie de l'Axe). Desproches d'Ion Antonescu, notamment Piki Vasiliu et EugenCristescu, tentèrentde le rapprocher d'unautre leader commu-niste en vue, Lucre -tiu Patrascanu.

Piki Vasiliu etEugen Cristescuétaient encore à lamanœuvre lorsqu'ilsordonnèrent au colo-nel Leoveanu, l'ad-ministrateur ducamp de Târgu Jiu,de permettre à cer-tains dirigeants com-munistes commeGheorghe Gheorgiu-Dej, Andrei ou autres, de s'évader et de participer eux aussi àce projet. Dès lors, les services allemands tentèrent par diversstratagèmes de maintenir la Roumanie dans l'Alliance. Ils pro-posèrent, en septembre 1943, de céder le Banat yougoslave àla Roumanie en compensation de la perte de la Transylvanie.Ion Antonescu et le roi Michel auraient accepté et donné l'or-

dre au grand chef d'Etat-Major de préparer les troupes pourl'occupation du territoire.

Borcescu affirme être intervenu auprès de celui-ci pour leconvaincre de ne pas accepter ce plan. Les militaires démon-trèrent alors qu'ils ne disposaient pas des troupes suffisantespour occuper le Banat yougoslave et Ion Antonescu renonça auprojet.

T o u j o u r sselon Borcescu,les Allemandsauraient insisté,en octobre 1942,pour que la villede Galati soitvidée de ses habi-tants juifs. Cesderniers, affir-maient-ils, se pré-paraient à atta-quer les colonnesallemandes qui seretiraient alors dufront. Borcescuse serait déplacéen personne àGalati pour véri-

fier les faits et aurait fait stopper l'évacuation.

L'auteur des révélations livré au KGB

En septembre 1944, Emil Bodnaras amena TraianBorcescu dans une villa du quartierVatra Luminoasa à Bucarest, oùétaient séquestrés Ion Antonescu et sescollaborateurs arrêtés le 23 août 1944."Tous étaient satisfaits de la façondont ils étaient traités. Ion Antonescuétait content que le coup d'Etat du 23août ait eu lieu sans effusion de sang.Il regrettait même qu'il n'ait pas étéavancé à l'automne 1943".

Après l'arrestation du maréchalAntonescu en 1944 (fusillé en 1946) etla fuite du chef du SSI, EugèneCristescu, de la capitale, Borcescu prittrès temporairement la tête du SSI, du23 au 26 août 1944. Arrêté par lescommunistes, il est transféré en 1945 à

Moscou et livré au KGB. En 1949, il est condamné à la prisonà vie. Gracié par décret et remis en liberté le 13 avril 1964, iltrouva un emploi comme magasiner dans une entreprise depanification. Il y resta jusqu'à sa retraite. Après les événementsde 1989, il retrouva son grade de colonel à la retraite.

Yves Lelong

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

ru Le Conseil national pour l'étude des archives de laSécurité (CNSAS) a rendu public de nouveaux élé-ments concernant "la question du 23 août 1944". Il s'a-

git d'une somme de documents rassemblés en 17 volumesreprésentant 6000 pages, portant sur l'histoire - compliquée -de la Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale et dudébut du communisme. Ils apportent un nouvel éclairage surles personnalités ayant participé aux événements d'alors etleurs enjeux qui décideront de l'his-toire de la Roumanie.

Traian Borcescu, ex-officier desservices spéciaux d'information(SSI), lieutenant-colonel, chef desection du 3ème bureau du contre-espionnage entre avril 1941 et le 23août 1944 est à l'origine d'un docu-ment particulièrement intéressant.L'ex-officier est un fin connaisseurdes réalités politiques de laRoumanie de l'entre-deux guerres etde celles de la période 39-45.

Il raconte notamment que le SSIavait dépisté onze services d'information actifs sur le territoireroumain, dont la Hitlerjugend (Jeunesses hitlériennes): "LesAllemands étaient infiltrés dans tous les services de l'Etat. Onpouvait trouver les noms des services d'information - avecleurs organigrammes - à la SSI. Je me souviens qu'y figuraientle colonel Rodler, membre de l'Abwehr, etle major Wettstein de la Gestapo. Il yavait même un agent double au servicedes Anglais - pour espionner VonClaudius et bien d'autres dont j'ai oubliéles noms".

En 1941, Eugène Cristescu adressa àAntonescu une demande pour remplacerFlorin Becescu qui avait été suspendu deses fonctions par les Allemands, au postede chef du contre-espionnage. La deman-de fut approuvée. C'est ainsi queCristescu devint chef du SSI.

Les Anglais décidèrent, à ce moment,de quitter la Roumanie, laissant sur placequelques agents. Ils se replièrent surIstanbul, devenu le plus important centrede renseignements britannique pour lesBalkans.

L'archiduchesse Ileana mijote de remplacer le Roi Michel par son fils

Plus les défaites allemandes sur le front de l'Est deve-naient évidentes, plus les rapports d'Etat à Etat s'exerçaient defaçon tatillonne. On exigea des Allemands qu'ils paient leursdettes en or. D'ailleurs, tout n'avait pas été remboursé à la fin

de la guerre. "Nous avions informé Ion Antonescu que les Allemands

faisaient sortir du pays d'énormes quantité de produits alimen-taires. Il donna l'ordre de limiter le poids des colis alimentai-res à 5 kg et leur envoi à un seul par an. Ion An tonescu n'apas été secondé comme il le fallait: certains traitaient leursaffaires sans lui en référer", rapporte-t-il.

C'est ainsi que Mihai Antonescu (l'autre Antonescu, vice-président du Conseil des Ministres,qui n'avait aucun lien de parentéavec le maréchal) signa un accordavec l'Allemagne complètement dé-favorable à la Roumanie pour avoirnégligé les règles initiales poséespar Ion Antonescu à l'égard desAllemands.

Traian Borcescu souligne: "LePalais royal n'était pas d'accordavec la politique de Ion Antonescu.Le jeune roi Michel était entouréd'éléments peu sûrs mais cependantil avait une très bonne compréhen-

sion des choses et prenait les justes décisions. Seule sa mèreavait une forte influence sur lui. Parmi les hommes politiques,il avait de la considération pour certains mais il craignaitManiu en raison de ses sentiments hostiles envers la couron-ne. Au Palais, il y avait beaucoup de personnalités - officiers

supérieurs et personnalités de la sociétécivile - mais peu d'entre elles étaient sus-ceptibles de pouvoir l'influencer".

Eugen Cristescu, le chef du SSI,disposait de trois ou quatre informateursau Palais royal. Le général Piki Vasiliu,commandant de gendarmerie, avait intro-duit le major Vergotti dans l'entourage dela reine-mère Elena. "L'archiduchesseIleana (1909-1991), la tante de Michel,était suspectée d'œuvrer contre le roi.Bien que partie à Vienne pour y soignerles blessés - les mauvaises langues dis-aient qu'elle y avait un amant - elle espé-rait toutefois que l'éloignement deMichel laisserait la succession du trône àl'un de ses fils, si je ne trompe pas, à uncertain Stefan".

Au cours de l'été 1943, le SSI app-rend que les Allemands préparent l'em-

poisonnement du Michel et d'Ion Antonescu. "Je me suisdéplacé en personne à la villa d'Anto- nescu pour y placerquelques officiers de sécurité. Au Palais royal, j'ai veillé à ceque tous les plats servis au roi soient goûtés. Au bout de 5 à 6jours, j'ai découvert qu'un membre de la Gestapo avait desrelations avec la gouvernante d'Antonescu et qu'il avait parléde l'empoisonnement du roi.

Tous les services de l'Etat Monarchie

La Gestapo projetait

roumain étaient infiltrés par les Allemands

d'empoisonner le jeune roi Michel

Le jeune roi était vite apparu comme un gêneur potentiel aux yeux d’Antonescu et d’Hitler.

Ileana... Une tante qui ne lui voulait pas que dubien et qui terminera nonne dans un monastère

Convoqué par Hitler dans sa résidence d’Obersalzberg, en 1938, Carol II severra contraint de traiter avec les Allemands, sous le regard de son fils.

Dernière “promenade” pour le maréchal Antonescu et son homonyme Ion Antonescu que l’on conduit vers le peloton d’exécution, à Jilava.

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

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renvoya fort impoliment, avec quelques mots bien choisis ànotre adresse, les malheureux que la culture française intéres-sait. Nous apprîmes plus tard que le cordonnier avait jugé into-lérable qu'un Français eut le front de parler à Brasov pendantla semaine roumano-russe; qu'au surplus "il ne laisseraitjamais parler un envoyé de Bidault**** ".

J'étais furieux: passe pour l'affront personnel; mais lecamouflet était dirigé contre notre pays,et le zèle intempestif de ce cordonniermontrait à quel point les valets sont prêtsà surpasser leurs maîtres quand ils croientaller au devant des désirs de ceux-ci.

Mensonges en série

Le lendemain, j'en dis quelques motsà Dominique Desanti*****, qui assistaitau procès Maniu; elle en parla au direc-teur des affaires culturelles roumain, quis'était battu dans le maquis français. Cethomme, sévère mais courtois, tenta des'excuser en rejetant la faute surRebeyrol, qui ne l'avait pas prévenu demon séjour: ce qui était doublement fauxcar Rebeyrol l'avait invité et j'avais moi-même averti l'attaché culturel roumain enFrance. J'eux quelques mots assez dur: je luis dis, par exemple,que si son pays jugeait utile de se ranger du côté de la force etde tenir pour rien cette culture française que la force n'appuieplus, libre à lui… mais que cela n'empêchait point d'être civil.

J'y ajoutai cet argument d'où me semble découler la mora-le de la mésaventure, "que c'était un exemple assez clair de l'a-narchie qui régnait dans son pays, de voir ainsi un simpledélégué syndical faire la loi par-dessus les autorités régiona-les et nationales." Nous nous en tînmes là sur le chapitre desexplications. Pour me consoler il me tendit une invitation à lagrande soirée de l'ambassade soviétique, en l'honneur du tren-tième anniversaire d'Octobre: invitation sur laquelle un autrenom avait été effacé pour laisser place au mien.

Tenue de soirée obligatoire à l'ambassade soviétique

Bucarest est un ramassis de styles hybrides; l'ambassadesoviétique, malgré sa façade pompeuse, n'échappa point à lacommune laideur. Des gendarmes roumains en casque à poin-te la gardaient, rangés au garde à vous; ils étaient doublés desoldats soviétiques; des agents en civil complétaient cet appa-reil policier. Avec quelque appréhension, j'entrai. Le cartonportait: tenue de soirée obligatoire, et j'étais en veston. Ledîner royal se poursuivait au premier étage, en petit comité.Dans l'immense antichambre rectangulaire qui précédait lasalle de bal un buffet plantureux (d'autant plus visible que lamisère au dehors était plus grande) occupait la pièce en toute

sa longueur. Les "minores" étaient en nombre, directeurs, rec-teurs d'université, généraux, diplomates, sous-secrétairesd'Etat, sans oublier les archimandrites barbus, les journalistesétrangers, ni sans doute les espions de l'Intelligence Service.

Ce qui me parut remarquable, c'est que deux courants sedistinguaient dans cette foule: les anciens messieurs, en frac,avec rubans de toute couleurs, médailles en sautoir, crachats

sur la poitrine; ils avaient traversé dixrégimes, mais commençaient à douterqu'ils pussent traverser celui-ci; et lesnouveaux messieurs, en veston commemoi, l'air soucieux, inquisiteur et triom-phant, au contraire des premiers quiarboraient une joie de commande.

Ces deux courants ne se mêlaientjamais, Nous vivions une semaine de cli-vage politique, un temps de partage défi-nitif des brebis et des boucs. On me pré-sentait à monsieur le directeur de tel offi-ce essentiel de la nation: "Directeur jus-qu'à hier", répondait-il avec un sourire;et sa femme d'ajouter: "C'est notre der-nière réception officielle. Comme noussommes à l'ambassade des Soviets, j'aimis le bracelet dont la reine Victoria fitprésent à ma grand'mère."

"Le chef de la police valsait avec

les épouses de ceux qu'il allait faire arrêter "

Je fus accroché pendant une demi-heure par un journalis-te anglais fin saoul, qui me confessa toutes ses turpitudes, sespénibles échecs amoureux, le tout sans cesser de boire, se pen-dant aux appliques du mur, renversant les bouteilles sur lestables, s'asseyant sur les genoux des femmes, prétendant mêmese carrer dans le fauteuil royal. Les nouveaux messieurs, pleinsde sévérité méprisante, devaient se délecter au spectacle de cetimpérialiste anglo-saxon en état d'infériorité. Quant à moi j'enétais fort embarrassé. L'hymne royal m'en délivra comme leroi faisait son entrée au bras de l'ambassadrice. Suivaient l'am-bassadeur et Mme Ana Pauker.

Sitôt le roi présent (un géant aux épaules carrées, l'airabsent et plein d'ennui), le bal commença, surveillé par MmeAna Pauker, femme aux traits masculins et puissants, dont levisage inspire la terreur et l'admiration tout ensemble. La filled'Ana Pauker, bien qu'elle ne brillât point par la grâce, était laplus courtisée de toutes les femmes du bal. Un petit monsieurreplet, en frac, l'air bonhomme et content de vivre, dont tousles traits semblaient dire: "Voyez comme la vie est belle!Amusez-vous mes amis!", dansait avec les belles aristocratesroumaines, des femmes splendides, montrant généreusementleurs épaules et tout entières a la danse, semblait-il: c'était lechef de la police roumaine, valsant avec les épouses de ceuxqu'il ferait arrêter dans huit jours.

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

Fin 1947, le grand écrivain Pierre Emmanuel*, futurmembre de l'Académie française, se rend enRoumanie, envoyé par l'hebdomadaire "Une semai-

ne dans le monde", qui paraîtra de 1946 à 1948, et édité parle journal "Le Monde". Il en ramène un reportage, publié le10 janvier 1948 dont Noël Tamini, écrivain suisse a retrouvé latrace dernièrement, où il décrit l'atmosphère étrange et terri-fiante de fin de monde qui envahit le pays. Le roi Michel, der-nier rempart de la liberté et de la démocratie, sera exiléquelques semaines plus tard. Les communistes ont pratique-ment éliminé tous leurs adversaires et s'apprêtent à s'arroger latotalité du pouvoir. Le pays va sombrer dans une longue nuitde quatre décennies ; la culture bourgeoise, au premier rang delaquelle la langue française, vont être considérées comme desinstruments des ennemis de classe et traitées en conséquence.Un constat amer pour l'académicien qui se faisait une grandejoie de découvrir un pays qu'il chérissait.

"J'avais un amour d'enfant pour la Roumanie "

"Quand j'étais à l'école pri-maire j'avais un amour d'enfantpour la Roumanie: elle et laFrance figuraient sur l'une desimages ornant les murs - deuxsœurs jumelles drapées d'azur,chacune tenant dans ses bras,telle une corne d'abondance, unegerbe d'épis dorés. On a telle-ment célébré leur amitié tradi-tionnelle, leur commune latinité,que je croyais, dans la simplicitéde mon cœur, être reçu commeun frère. Avant de quitter Parisj'avais fait une visite de politesseà l'attaché culturel roumain, une femme charmante, qui m'avaitassuré de l'accueil que je trouverais à Bucarest, avait pris lesdates de mon séjour, parlé de rencontres officielles. Je n'endemandais pas tant. Quelques contacts avec des écrivains etdes jeunes, quelques nouvelles amitiés m'auraient suffi.

Hélas, je tombais mal. Le procès Maniu ** battait sonplein, un grand spectacle auquel assistait tout ce qui compte: ledirecteur des affaires culturelles, le président des écrivains…Tatarescu, ministre des affaires étrangères, venait d'être vio-lemment pris à partie à la Chambre: il n'avait trouvé personnepour le soutenir, même dans son parti ; sa démission en avaitentraîné d'autres, en cascade; ministres et directeurs étaientcongédiés, Mme Ana Pauker***, à peine avait-elle prononcéune diatribe contre la France, qu'elle prenait la place chaudeencore de Tataresco. Une grande liquidation commençait et lepays vivait sur ses nerfs. Le moment était mal choisi pour par-

ler littérature: chacun se retirait dans sa coque, attentif à ne pasdonner prise à des soupçons. Et comme Mme Ana Pauker,maintenant ministre, avait laissé entendre que la France était lefourrier de l'impérialisme occidental, la fréquentation desFrançais risquait de devenir malsaine.

Conférence annulée sur ordre d'un cordonnier

Je fis pourtant une conférence à Bucarest: la force d'atten-tion de l'assistance, la jeunesse de celle-ci m'émurent profon-dément; la France existe pour eux, ils sont de notre sang, medisais-je. Je devais répéter cette conférence à Brasov, enTransylvanie. Trois cents kilomètres de route en Compagniedu directeur de nos instituts en Roumanie, Philippe Rebeyrol:trente ans, l'âme la plus sensible et l'esprit le plus ferme, mer-veilleux à son poste, où les obstacles aggravent les difficultés.A l'Institut français de Brasov nous trouvâmes une jeune direc-trice angoissée: la salle de la cour d'appel, louée depuis huitjours, pour ma conférence, venait de lui être retirée par le pré-

sident, sur ordre du délégué cul-turel des syndicats, un cordon-nier de la ville.

La jeune femme avait subiauparavant un interrogatoireserré sur ses opinions poli-tiques, les miennes, et ce que jepensais de Léon Blum. Le cor-donnier, insatisfait, sans doute,nous punissait au derniermoment d'une assez grossièrefaçon. Rebeyrol alla parlemen-ter chez le préfet, argua de mestitres divers, de la réceptionofficielle que m'avaient donnéed'autres démocraties populaires,

demanda qu'on téléphona au ministère à Bucarest pour vérifierque je n'était point un imposteur. C'est un malentendu assurale préfet, qui promit d'arranger l'affaire et de nous avertir aus-sitôt.

Intolérable qu'un Français parle

pendant la semaine roumano-russe

A 3 heures et demie (la conférence était prévue pour 6heures), nous n'avions toujours rien du préfet. Un professeurroumain de l'institut offrit de s'entremettre et revint, une heureplus tard, fort agité, disant qu'il ne pouvait rien expliquer, maisque la conférence était interdite. Il avait l'air de quelqu'un quis'est fourré dans un guêpier. Nous fîmes coller des papillonssur la porte de la salle; nous aurions pu nous épargner cettepeine: le portier, ayant reçu ses instructions d'autres que nous,

Pierre Emmanuel assiste à la prise de pouvoir des communistes.

le pouvoir dans une atmosphère de fin de monde Monarchie Bucarest, fin 1947 : les communistes prennent

Le dernier bal du roiEnvoyé en reportage en Roumanie, Pierre Emmanuel, futur académicien français, se faisait une joie de découvrir la

petite sœur latine de la France… il assiste à son naufrage

Michel avec sa mère à Sinaia, pendant les premières années de son règne.

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Roi Michel

En 1866, Carol de Hohenzollern-Sigmaringen deve-nait le prince d'une Roumanie sur le chemin de l'in-dépendance. Il a d'ailleurs mené son pays à l'indé-

pendance en 1877, pour devenir le premier roi de la Roumanieen 1881. Son successeur au trône a été Ferdinand, son neveu,couronné roi de la Grande Roumanie en 1922.

Carol, fils aîné de Ferdinand et marié à Hélène de Grèce,est le père de Mihai (Michel), futur roi de la Roumanie, tou-jours de ce monde et âgé aujourd'hui de 91 ans. Son père Carola renoncé en 1925 à son titre de prince héritier ce qui faisait en1926 de Mihai, qui avait alors cinq ans, l'héritier du trône. À lamort de son grand-père en 1927, le petit roi Michel se trouve-ra appuyé par un Conseil de Régence composé de son oncleNicolae, du patriarche orthodoxe Miron Cristea, et deGheorghe Buzdugan, président de laCour de cassation.

L'enfant a été passionné depuis sonplus jeune âge par la mécanique et lesautomobiles. Son premier "règne" s'a-chèvera dans le contexte trouble de l'an-née 1930, quand son père Carol II revientsur le trône, face à une vie politique rou-maine marquée par la faible autorité dugouvernement et du Conseil de Régence.Pour la première fois dans l'histoiremoderne de l'Europe un père succédait àson fils au trône... Mihai a pu continuerses études avec des professeurs presti-gieux, dans une classe spécialementorganisée pour lui, et composée d'enfantsde toutes les catégories sociales, sélec-tionnés en fonction de leurs capacitésscolaires.

Le règne de Carol II a été marqué enRoumanie par le décollage économique qui a suivi la crisemondiale de 1929 mais il a signifié aussi la désintégration dusystème démocratique parlementaire, l'instauration de la dicta-ture royale (1938), l'adoption d'un parti unique, le Front de laReconnaissance Nationale. A l'impopularité croissante deCarol II, se sont ajoutés les événements de 1939; il a été ainsi,à tort, rendu responsable de la perte de la Bessarabie, du nordde la Bucovine et d'une partie de la Transylvanie. Sans appuisinternes ni internationaux, Carol II s'est vu obligé de céder unegrande partie de ses prérogatives au général Antonescu, deve-nu Premier ministre d'un gouvernement autoritaire. Ce dernier

a obligé Carol II a renoncé à ses prérogatives royales au profitde son fils Michel, âgé alors de 19 ans.

Souverain à 19 ans dans un pays devenu satellite de l'Allemagne

Le roi Michel* entamait son deuxième règne dans uneRoumanie amoindrie, dans une Europe en guerre. Le généralAntonescu transforma la Roumanie en "Etat" national-légion-naire, sur le plan extérieur, le pays est devenu un satellite del'Allemagne. Sur le fond de la violence et des assassinats com-mis par les légionnaires, Ion Antonescu les a écartés du pou-voir, constituant un gouvernement militaire en 1941.

Si l'entrée de la Roumanie en guerre**, en 1941, a été bienaccueillie, dans l'espoir de récupérer lesterritoires perdus, la continuation descombats à côté des forces allemandes,au-delà du Dniestr (Nistru), sur des ter-ritoires qui n'ont jamais appartenu à laRoumanie, a constitué une grande erreurdu maréchal Antonescu; le roi Michel s'yest fermement opposé, ainsi que toutesles forces politiques démocratiques.

L'opposition dans le pays s'estcoagulée dans les efforts diplomatiquesvisant une solution pour la sortie de laRoumanie de cette guerre contre lesAlliés. Le roi Michel a réussi, par uncoup d'Etat, le 23 août 1944 à arrêter lemaréchal Antonescu, mais le change-ment de camp a signifié la présence detroupes russes sur le territoire roumain,des dédommagements chiffrés à 300millions de dollars, la perte définitive de

la Bessarabie et de la Bucovine du nord, ainsi que la prise dupouvoir progressive par les communistes. Le 30 décembre1947, le roi Michel a été obligé d'abdiquer et de s'exiler. Ainsifinit l'histoire de la monarchie en Roumanie, longue de 70 ans.

*Le roi Michel a souvent confié à ses proches qu'il n'ajamais été heureux en tant que roi.

** Bien que chef des armées, le jeune souverain a apprisl'entrée en guerre de la Roumanie à la Radio. En faisant le vifreproche au maréchal Antonescu, il se vit répliquer: "De tou-tes façons, je ne me faisais pas de soucis; je me doutais bienque vous l'apprendriez par la radio".

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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"Le roi s'apprêtait à faire ses malles…

C'était 1815 et les Alliés à Paris"

Un inoubliable épisode de la petite histoire que l'ironie deStendhal eût aimé. Le spectateur objectif aurait pu se dire:"c'est 1815 et les Alliés à Paris". Hormis Tataresco, tous lesministres démissionnaires étaient là, jouant le jeu jusqu'aubout, et même un peu après. Ce roi qui allait partir huit joursplus tard pour l'Angleterre, on sentait qu'il ne reviendrait, pas,ou seulement pour faire ses malles. La civilisation du frac avaitvécu et les rubans des vieux ordres s'effilochaient. Les vestonsmontaient à l'assaut du pouvoir, déterminés, inflexibles, soute-nus par l'occupant. Mais, en attendant les lendemains, le mino-taure dansait avec ses futures victimes; tout le monde feignaitde croire éternelle cette équivoque dont l'image dernière scin-tillait devant les yeux des anciens maîtres et des nouveaux. Cejour-la, fête de l'amitié roumano-russe, avait été férié; le len-demain, fête du roi, férié d'ordinaire, était un jour de travailcomme les autres. On allait répétant que Mme Ana Paukeravait dit: "Moi ou le roi." Sans doute ne l'avait-elle pas dit:mais elle agirait tout comme. Et pour la logique impartiale c'é-tait une satisfaction.

"La France, vestige de l'ancien régime!"

Cette histoire n'est pas un hors d'œuvre. De Brasov à lasalle de bal j'appris plusieurs choses qu'autrement je n'auraispas vues. La Roumanie est un pays occupé (je dirais presquesubjugué) par les Russes; la volonté "populaire" y est pourl'instant celle d'une infime ettoute-puissante minorité. Maisles "ralliés" sont innombrables;tout le monde est communiste,en attendant de se faire épurer.Ces communistes d'occasion ontpeur des autres; un préfet, unprésident de cour tremblentdevant un cordonnier. Les "ral-liés" nous connaissent, parlentbien notre langue (il fut untemps où l'on lisait en Roumanieplus de livres français que delivres roumains, la preuve en estchez les bouquinistes). Maisnous sommes devenus suspects,notre culture est considérée comme l'un des déguisements del'impérialisme occidental - et le plus séduisant peut-être.

On préfère nous fuir, ou nous frôler dans une réception, enpassant. Je n'ai vu seul à seul aucun écrivain roumain;quelques-uns, après ma conférence, sont venus me serrermélancoliquement la main, comme si nous avions en communle même deuil. Parmi les nouvelles élites politiques il est dejeunes communistes qui se sont battus en France entre 1941 et1944; certains sont décorés à ce titre; individuellement ils sontcordiaux, mais s'en tiennent à leur parti pris sur nous. Quantaux responsables locaux, leur préjugé contre nous est des plussimplistes : la culture française est pour eux un vestige de l'an-cien régime; il faut donc l'éliminer. Comme la France est fai-

ble, et toute proche la Russie, cela peut se faire sans ménage-ment.

Or nous avons seize instituts en Roumanie; à Bucarestseul, une bibliothèque de 40.000 volumes, un personnel fran-çais d'une jeunesse et d'un courage qui nous font honneur(imagine-t-on l'existence de notre directrice à Brasov, jeunefille de vingt-sept ans, belle et pleine de vie, seule à se débat-tre contre des officiels hostiles, et qui vit dans une vraie cellu-le à côté de ses salles de classe?). Nous essayons par tous lesmoyens de démocratiser notre enseignement. de pénétrer dansles syndicats. Tout cela va-t-il périr? C'est aux Roumains plusqu'à nous de répondre à cette question".

Pierre Emmanuel*Pierre Emmanuel (1916-1984), poète, écrivain, journa-

liste à Témoignage Chrétien, Réforme, Esprit, enseignant auxUSA et au Canada, ancien résistant, considéré comme chrétiende gauche. Pierre Emmanuel fut élu à l'Académie française, le25 avril 1968, succédant au maréchal Juin. Prenant prétexte del'élection de Félicien Marceau, dont il dénonçait l'attitudeselon lui collaborationniste pendant la guerre, il se déclaradémissionnaire de l'Académie en 1975 et cessa de siéger.Toutefois, ses confrères ne prirent pas acte de cette décision etattendirent sa disparition pour procéder à son remplacement.

** Iuliu Maniu (1873-1953), Premier ministre à plusieursreprises, dirigeant du Parti National Paysan. Il fut l'une desplus grandes figures de la vie politique roumaine d'avant lecommunisme. Son procès constitua le point d'orgue des gran-des purges de type stalinien. Condamné à la prison à vie, alorsqu'il avait 75 ans, ce qui équivalait à une condamnation à mort,

il mourut des suites de mauvaistraitements dans la prison deSighetu-Marmatiei et son corpsfut jeté dans une fosse commune.

*** Ana Pauker (1893-1960), appelée la "Staline enjupon", cette femme autoritaire,issue d'une famille juive pauvre,comme beaucoup de communis-tes roumains de la premièregénération, emprisonnée sous leroi Carol II, exilée en URSS pen-dant la seconde GuerreMondiale, fut considérée commel'œil de Moscou quand ellerevint dans son pays en 1944,

dans les fourgons de l'Armée rouge, en uniforme soviétique.Ministre des Affaires Etrangères en 1947-1948. Terrorisantaussi bien les membres de son parti que les simples Roumains,elle ne réussit cependant pas à s'imposer à la tête du PC et futéliminée politiquement par un groupe rival au cours d'un pro-cès en 1952, où elle fut accusée de "cosmopolitisme".

**** Georges Bidault (1899-1983), plusieurs fois minis-tre des Affaires étrangères et Président du Conseil sous laIVème République.

***** Dominique Desanti (née en 1916), journaliste, his-torienne, romancière, fille d'un émigré russe, Résistante, mem-bre du Parti Communiste Français dont elle démissionna en1956, après l'intervention soviétique à Budapest.

Les NOUVELLES de ROUMANIE Connaissance et découverte

Un père autoritaire qui lui reprend son trône, un maréchal pro-nazi

qui lui impose ses volontés, un parti totalitaire qui le chasse du paysMonarchie

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Mihai, un jeune roi dans l'adversité

En 1950, la fine fleur du régime communiste en gare de Bucarest:Teohari Georgescu, Ana Pauker, Gheorghiu Dej, Iosif Chisinevschi

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

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L'ex-roi Michel de Roumanie, dernier survivant deschefs d'Etat de la Seconde Guerre mondiale, s'estadressé devant les deux chambres du Parlement

dans une allocution marquant son 90e anniversaire, le 25 octo-bre dernier. Il s'exprimait pour la première fois dans cetteenceinte depuis son abdication forcée en décembre 1947. Leprésident Traian Basescu qui ne cache pas son hostilité enversl'ex-roi, et le Premier ministre Emil Boc étaient absents, préfé-rant assister aux cérémonies marquant le "jour de l'Armée",alors que l'ancien président Ion Iliescu avait tenu à être pré-sent.

A 90 ans le RoiMichel fait encoretrembler la classepolitique roumaine. Al'invitation de plu-sieurs députés, pourla première fois, il aprononcé un discoursdevant le Parlement,le 25 octobre, jour deson anniversaire.Certains élus étaientinquiets car, selonune rumeur nondémentie par laMaison royale, le roipouvait en profiterpour demander larestauration de lamonarchie en Roumanie. "Les rois ont fait la Roumaniemoderne en cent quarante ans, avait-t-il déclaré avant cettecérémonie. Les communistes ont tout détruit en quarante ans".

Coup de griffe à Basescu

En fait, l'ancien souverain s'est borné a appelé la classepolitique à œuvrer pour que la Roumanie retrouve "dignité etrespect" sur la scène internationale, précisant que "les élitesroumaines avaient ici une grande responsabilité". Sil a vantéles progrès réalisés par la Roumanie depuis la chute du régimecommuniste en 1989, citant "la démocratie, les libertés et undébut de prospérité", il a aussi dénoncé le "mépris de l'éthiqueet du rôle primordial des institutions de l'Etat ainsi que la per-sonnalisation du pouvoir". Des critiques à peine voilées à l'en-contre du président Basescu, accusé d'"autoritarisme" par sesadversaires, lequel avait d'ailleurs souligné la fraîcheur de sesrelations avec l'ancien souverain, en ne se déplaçant pas.

Dans la soirée, plusieurs têtes couronnées et membresd'anciennes familles royales d'Europe ont assisté à un concertde gala et un dîner privé. Parmi ces personnalités figuraient lareine Sofia d'Espagne, le roi Carl XVI Gustaf de Suède, legrand-duc Henri de Luxembourg, la princesse Alexandre deBelgique, la princesse Mouna de Jordanie et l'ancien roi des

Bulgares Siméon.

"C'est moche, c'est très moche,

je ne reconnais plus mon Bucarest"

Cela fait dix ans que le roi Michel a effectué son retourdéfinitif à Bucarest. Un retour très remarqué à l'époque. Dèsson arrivée, ce passionné de voitures et d'aviation avait pris levolant d'une Mercedes et s'était retrouvé dans le dédale desgrands boulevards bucarestois, bordés de HLM délabrées,

héritage de la dictatu-re communiste."Comment ont-ils pufaire des choses aussihorribles?, avait-illâché en balayant duregard les immeublesgrisâtres de la capi-tale, naguère sur-nommée le "petitParis des Balkans".C'est moche, c'esttrès moche, je nereconnais plus cetteville, ce n'est pas monBucarest" avait-ilsoupiré.

Les passants n'enrevenaient pas et seretournaient pour

apercevoir son visage. Un visage qu'ils n'avaient vu que dansles livres d'histoire. Pour la plupart des Roumains, le roiMichel de Roumanie était devenu un fantôme de la secondeguerre mondiale. Il avait été chassé de son pays en 1948lorsque les communistes avaient pris le contrôle de laRoumanie avec le soutien de l'Armée rouge.

A son retour, plus d'un demi-siècle plus tard, le roi a étéreçu avec tous les honneurs. Mais il a réservé l'un de ses pre-miers déplacements au petit village de Nucsoara, à 200 km aunord de Bucarest. Une visite hautement symbolique. Lorsqu'ilétait scout, il avait été accueilli dans ce bourg par une jeunepaysanne, Elisabeta Rizea. Comme plus de 10 000 partisansanticommunistes, Elisabeta avait pris le maquis en 1948 etlutté pendant presque dix ans contre le nouveau régime avecl'espoir que le roi revienne. Mais le monarque est resté dansson exil suisse, à Versoix, près de Genève. Quant à Elisabeta,elle a été arrêtée par la Securitate, la police politique, empri-sonnée et torturée.

"Pourquoi êtes-vous parti, Majesté?"

Devenue le symbole de la résistance anticommuniste enRoumanie, Elisabeta Rizea, 76 ans, fut très émue, ce jour-là,de se retrouver face au roi.

"Regardez ce qu'on m'a fait, lui dit-elle en ôtant le foulardqui masque sa tête chauve. On m'a pendue par les cheveux jus-qu'à ce qu'on ait tout arraché. Mais je n'ai pas cédé, je n'aijamais trahi mon roi". Avant de lui poser la question qui lataraudait depuis tant d'années: "Pourquoi êtes-vous parti,Majesté? Ne partezplus, vous serez tou-jours notre roi!".

En 2001, à 80ans, le roi Michelréussit finalement à seréinstaller dans lepalais Elisabeth, àBucarest, anciennedemeure royale trans-formée en cantine autemps du régime com-muniste. Un bâtimentkitsch auquel le rois'est efforcé de redon-ner vie. Mais le siègehistorique de la mai-son royale se trouveau château Peles, àSinaia, coquette petite ville située dans les Carpates, qui rap-pelle la splendeur des monarques d'autrefois.

Le palais Elisabeth transformé en cantine sous le communisme

En 1866, la Roumanie avait fait un choix monarchique eninstallant à la tête du pays le roi Carol-Ludovic deHohenzollern-Sigmaringen. Lui avait succédé son filsFerdinand, lequel confia cette tâche à son neveu Carol II. Entreles deux guerres, la Roumanie avait connuun envol économique sans précédent et s'é-tait alignée sur le modèle démocratique del'Europe de l'Ouest.

Carol II ne se maintint pas à la hauteurde ses prédécesseurs. Après plusieurs aven-tures galantes, il abdiqua le 6 août 1940 enfaveur de son fils, le jeune Michel, qui seretrouva roi à 19 ans. Deux mois plus tôt,l'Union Soviétique avait annexé la partieorientale de la Roumanie, et le pays s'étaitengagé dans la seconde guerre mondiale aucôté de l'Allemagne nazie. A la fin de laguerre, sous la menace de l'Armée rouge,qui occupait le pays, le roi abdiqua et partiten exil, le 30 décembre 1947. "C'est ici,dans ce bureau, que je les ai reçus, racon-te-t-il, au palais Elisabeth. Ils m'ont dit que si je ne signais pasl'abdication, ils tueraient un millier d'étudiants. Que pouvais-je faire?".

La poignée de main à Iliescu… un pacte avec le Diable ?

L'exil du roi dura jusqu'à la chute du régime marxiste, endécembre 1989. Sitôt Ceausescu exécuté, le monarque

demanda au nouveauprésident, Ion Iliescu,un ancien communis-te, de réinstaurer lamonarchie, maiscelui-ci ne voulut pasen entendre parler. Endécembre 1990, le roitenta de forcer sachance et revint enRoumanie.

Mais quelquesheures seulement ap-rès son atterrissage àBucarest, il étaitrefoulé du pays surl'ordre d'Iliescu.

En 1992, il par-vint enfin à se rendre

en Roumanie à l'occasion de la fête de Pâques, et un million deRoumains descendirent dans la rue pour le supplier de rester.Terrorisé par cette perspective, Iliescu l'interdit de séjour. Cen'est qu'en 1997, un an après la défaite électorale d'Iliescu auprofit du démocrate Emil Constantinescu, que le roi reçut unpasseport roumain. Les nouvelles autorités ne se sont toutefoispas pressées de lui restituer les palais et propriétés qu'il reven-diquait. Puis Iliescu revint aux commandes de 2000 à 2004 etentendit redorer son image d'apparatchik. En 2001, le roiMichel serra la main de son ancien ennemi qui lui restitua les

propriétés de la Maison royale, geste quebeaucoup de monarchistes considérèrentcomme un pacte avec le diable.

Des filles et l'ambitieux Duda

Si les analystes s'accordent à dire quele mouvement monarchiste s'est essoufflé,le roi Michel Ier continue d'y croire et ver-rait bien sa fille aînée, Margareta (photo),

assuré sa succession, au côté de son ambi-tieux mari, l'ex-comédien Radu Duda, qui aréussi à se faire anoblir sous le titre dePrince Radu de Roumanie, après que ladynastie des Hohenzollern ait repoussé satentative de s'afficher comme un prince deleur lignée. Mais Michel 1er n'ayant aucun

descendant masculin - il a cinq filles - il devrait pour cela faireauparavant abolir par le Parlement la loi salique, qui interdit àune femme de régner. Mirel Bran (Le Monde)

présence de plusieurs têtes couronnées

Le roi Michel reçu par les deux assemblées réunies du Parlement. A sa gauche, sa fille aînée Margareta et son mari, Radu Duda.

MonarchieL'ex-roi Michel a fêté ses 90 ans en

L'ombre d'un souverain qui agite la classe politique

Retrouvailles entre la résistante anti-communiste Elisabeta Rizea et le roi Michel

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Roi MichelLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Le Roi Michel, né en 1921, fêtera ses 95 ans le 25octobre prochain. Au premier semestre de cetteannée, il a transmis ses pouvoirs à sa fille aînée, la

princesse Margareta. Mihai Ier de Roumanie appartient à lalignée de Hohenzollern-Sigmaringen issue de la quatrièmebranche, elle-même issue de la première branche de la Maisonde Hohenzollern. Cette lignée appartient à la branche souabede la dynastie de Hohenzollern. Il a pour ascendantBurchard Ier deZollern. Le sou-verain est trèsaffaibli et neparaît plus enpublic. Il n’ad’ailleurs pas étéautorisé par sesmédecin à assisteraux funérailles dese femme.

Mihai et sonépouse Anne deBourbon-Parme,mariés en 1948ont eu cinqenfants, tous desfilles. Sur la basede la législationde l'UE, laConvention euro-péenne des droitsde l'homme, et les valeurs de la société roumaine, le roi a signéun nouveau statut de la Maison royale, appelé "Lois fondamen-tales de la Maison royale de Roumanie", afin de remplacerl'ancien statut basé sur la loi salique (qui interdit aux femmesde succéder au souverain). Désormais la succession se faitselon le principe la primogéniture masculine (première nais-sance).

Selon ce nouveau statut, le premier dans la ligne de la suc-cession du roi Michel est sa fille aînée, intitulée "princessehéritière de Roumanie" et "gardienne de la Couronne deRoumanie", la princesse Margareta de Roumanie. Le 30décembre 2007, le roi a également accordé le titre "prince deRoumanie" avec prédicat d'altesse royale à Radu Duda, unancien comédien de Iasi et l'époux tardif de la princesseMargareta, ce qui a fait naître de nombreuses plaisanteries surles réseaux sociaux (d'autant que Duda signifie "mûre"), maiscorrespond néanmoins à une tradition historique en Roumanie,puisque les anciens voïvodes et hospodars ennoblissaient fré-quemment les conjoints roturiers de leurs héritiers.

L'ordre de succession, comme indiqué en annexe I du sta-tut de 2007, comporte six altesses royales, dont une seule mas-culine, se compose ainsi:

S. M. (Sa Majesté) le roi Mihai Ier1. S. A. R. (Son Altesse Royale) la princesse Margareta

de Roumanie (1949), princesse héritière et gardienne de laCouronne de Roumanie, fille aînée du roi Mihai Ier et de lareine Anne. Elle a épousé en 1996 Radu Duda (1960), titré d'a-bord "prince de Hohenzollern-Veringen" (1999), titre nonreconnu par la maison Hohenzollern, puis "prince deRoumanie" avec prédicat d'altesse royale (2007).

2. S. A. R. la princesse Elena de Roumanie (1950),deuxième fille du roi Mihai Ier et de la reine Anne. Elle a

épousé 1) en1983 RobinMedforth-Mills(1942) dont ellea divorcé en1991; 2) en 1998A l e x a n d e rPhilipps NixonMcAteer (1964).

3. S. A. R. leprince Nicolaede Roumanie(né Nicholas deR o u m a n i eMedforth-Mills,1985), fils de laprincesse Elenaet de RobinMedforth-Mills.Titré "prince deRoumanie" avecprédicat d'altesse

royale le 1er avril 2010, jour de son 25e anniversaire.4. Elisabeta Karina de Roumanie Medforth-Mills

(1989), fille de la princesse Elena et de Robin Medforth-Mills.5. S. A. R. la princesse Irina de Roumanie (1953), troi-

sième fille du roi Mihai Ier et de la reine Anne. Elle a épouséen 1984 John Kreuger (1945).

6. Michael Kreuger (1985), fils de la princesse Irina.7. Angelica Kreuger (1986), fille de la princesse Irina.8. S. A. R. la princesse Sofia de Roumanie (1957), qua-

trième fille du roi Mihai Ier et de la reine Anne. Elle a épouséen 1998 Alain Biarneix (1957) dont elle a divorcé en 2002.

9. Elisabeta Maria Biarneix (1999), fille de la princesseSofia

10. S. A. R. la princesse Maria de Roumanie (1964),cinquième fille du roi Mihai Ier et de la reine Anne. Elle aépousé en 1995 Kazimierz Mystkowski (1958) dont elle adivorcé en 2000.

Un roi populaire

Ces nouvelles dispositions successorales auraient étéapprouvées par le prince Frédéric Guillaume de Hohenzollernen sa qualité d'aîné des Hohenzollern. Cependant le grand-pèrede ce prince avait renoncé au trône de Roumanie en 1884 et, si

Roi Michel

A 95 ans, l'ancien souverain est

Les dix successeurs possibles Monarchie

l'on considère que cette renonciation engageait sa descendan-ce, le nouvel ordre de succession devrait donc également êtreentériné par l'arrière-petit-fils du frère cadet du roi FerdinandIer en la personne du prince Carlos de Hohenzollern, né en1978. Dans la mesure où ce prince n'a pas approuvé le nouvelordre de succession, il garde théoriquement la possibilité de seproclamer chef de la Maison Royale de Roumanie à la mort duroi Michel. Un sondage récent a désigné Michel comme le per-sonnage public le plus populaire en Roumanie, loin devant lesdirigeants politiques traditionnels, 42 % des Roumains ayantune bonne ou très bonne opinion de Mihai, 6,5 % exprimant unavis contraire.

En octobre 2012, pour célébrer son 91e anniversaire, uneplace de Bucarest a reçu son nom.

Une saga qui n'est pas finie

La saga dynastique ne s'arrête pas là. Paul de Roumanie(Paul von Hohenzollern), petit-fils du roi Carol II et de sonépouse morganatique Zizi Lambrino, demi-frère du roi Michels'est octroyé en 1995 le titre de prince de Roumanie (titre dontson père était dépourvu, par la décision de Carol II) à la faveurd'une décision de justice et est devenu le prétendant au trôneofficiel. Toutes les démarches qu'il a entreprises depuis lors

pour se voir attribuer à part égale les propriétés et la fortune dela famille royale ont connu un sort favorable devant les instan-ces judiciaires, notamment européennes, même si elles n'ontpas concrètement encore abouti.

En 2000, Paul reconnaissait le régime républicain et ten-tait sa chance, en vain (moins de 1% des suffrages...), aux pré-sidentielles. Depuis, il a reçu l'appui du président Basescu,dont l'inimitié avec le roi, Michel est proverbiale… ce dernierobtenant celui de son faroche opposant, le Premier ministreVictor Ponta. Paul, 65 ans, avait épousé le 15 septembre 1996l'Américaine Lia Georgia Triff, 65 ans, ex-épouse de l'avocatvedette Melvin Belli. Cette dernière lui a donné un garçon,Carol Ferdinand, en 2010, à l'âge de 63 ans, sans avoir eurecours, paraît-il à la procréation. Un nouveau nom sur la listede succession…

entouré de six altesses royales

du Roi Michel, dans l'ordre

La lignée d’héritiers et leurs conjoints entourent le roi Michel et la reine Anne: John Wesley Walker, Irina, Elena, Margareta, le Roi, la reine Ana, Duda, Maria, Sofia, Nicolae.

68 ans de vie commune pour le couple royal, dont 44 passées en exil, en Angleterre et en Suisse.

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Infos pratiquesLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Humour

Les Nouvelles de Roumanie changeront de formule à partir de juillet 2017

Les Nouvelles de Roumanie arrêteront leur publication sous leur forme actuelle à l'occasion de la sortie du numé-ro 102, en juillet prochain, après 17 ans d'existence. L'objectif était d'atteindre le numéro 100 (mars 2017), maisla rédaction tenait à terminer l'année 2016-2017, avec ses 6 parutions habituelles.

Les abonnés qui souhaitent renouveler leur abonnement à partir du prochain numéro, le n° 98, et des suivants, jusqu'auterme de la revue, se voient ou se verront proposer par courrier un tarif dégressif, en fonction du nombre de numéros enco-re à paraître (moins un sixième sur le tarif annuel par numéro manquant).

Deux raisons principales motivent cette décision d'arrêt de la publication en version imprimée:

-La baisse du nombre de lecteurs : l'intérêt pour la Roumanie a fortement diminué depuis la "Révolution" de décembre1989 et les difficiles années de transition qui ont suivi. Ceux qui se sont engagés alors ont souvent perdu les liens et contactsnoués sur place, renonçant parfois, désabusés par le manque de répondant de leurs interlocuteurs et les désillusions.

Avec l'entrée dans l'UE, la Roumanie s'est d'autre part banalisée, n'éveillant plus la même curiosité. Internet a permis dela rendre plus proche, même si analyse, synthèse et mise en perspective y font souvent défaut, n'en donnant qu'une visionfragmentaire.

Miser sur le renouvellement des abonnés était illusoire. D'une manière générale, les jeunes ne s'investissent plus dansdes actions à long terme, privilégiant rapidité et effeuillage de l'actualité, choisissant des thèmes à la mode et changeant vitede cause, rétifs à s'y enfermer.

Un financement qui n'est plus assuré et une course contre le temps épuisante

Tous ces éléments contribuaient à rendre la publication sous sa forme actuelle financièrement intenable: impression, dis-tribution, financement des reportages dépendaient des seuls abonnements, les ressources publicitaires étant totalement inexis-tantes - un choix assumé dès le début pour assurer l'indépendance de la revue et sa liberté de ton. Le déficit à venir reposaitdonc sur les seules ressources personnelles de l'éditeur: une modeste retraite qui ne suffit plus aujourd'hui à maintenir l'équi-libre.

L'autre raison, essentielle, tient à l'investissement de tous les instants exigé par la publication, dont la réalisation repo-se quasiment exclusivement sur les épaules de ses deux animateurs, Henri Gillet et Dolores Sirbu-Ghiran, et celà depuis prèsde 20 ans: de huit à quatorze heures de travail quotidien, Pâques et Noël inclus, sans week-end, sans vacances, sinon pourles consacrer intégralement aux reportages et enquêtes sur le terrain, avec toujours en tête cette course à mener contre letemps pour que la revue sorte à l'heure dite, afin de ne pas manquer ce rendez-vous attendu avec impatience par les lecteurs.Heureusement, la collaboration de quelques amis journalistes ou fidèles de la Roumanie, a permis jusqu'ici de tenir ce pari,par la fourniture de leurs articles, en offrant également une vision beaucoup plus large et ouverte. Qu'ils en soient chaude-ment remerciés !

Sous la forme d'une Newsletter

Mais il serait tout aussi illusoire pour Henri Gillet et Dolores Sirbu-Ghiran d'imaginer pouvoir couper les ponts avec cettepassion roumaine. Ce serait se retrouver brutalement devant un grand vide… avec, en outre, le sentiment d'abandonner leurslecteurs. Finalement, les Nouvelles de Roumanie ont décidé d'opter pour une nouvelle formule, à partir de juillet 2017. Ellescontinueront à paraître sous la forme d'une lettre d'information (Newsletter), uniquement sur Internet, en fonction de l'impor-tance de l'actualité. Si celle-ci est exigeante, ce pourra être tous les jours, sinon, d'une manière beaucoup plus espacée. Maistoujours avec le même regard distancié sur les évènements, privilégiés en fonction de leur importance et concernant commepar le passé tous les thèmes (actualité, société, connaissance et découverte).

Ainsi, libérés des contingences matérielles de fabrication et de délais, nous espérons disposer de davantage de tempspour approfondir nos enquêtes et reportages, les réaliser et les envoyer depuis les endroits mêmes où nous nous trouverons.

Autre avantage : n'ayant plus à supporter les coûts d'impression, de distribution et les frais annexes, le prix de l'abonne-ment s'en trouvera fortement diminué. Il devrait se situer à 35 euros annuellement afin de continuer à financer les reportages.

Seule contrainte pour les abonnés : disposer d'un ordinateur, d'une adresse e-mail et d'une imprimante pour ceux qui pré-fèreront toujours la lecture papier à la version électronique.

Henri Gillet et Dolores Sîrbu-Ghiran

Partage

Les Roumains envoient leur premiè-re navette spatiale dans l'espace. Pour nepas risquer la vie d'un homme, ils mettentà bord un singe et un Oltène. La base leurtransmet:

-Pour le singe: Tu peux actionner lelargage du dernier étage; puis: mets toisur orbite et actionne le pilote automa-tique.

L'Oltène se sent vexé, car il ne reçoitaucune consigne. Au bout d'un momentcependant, lui parvient ce message :

-Pour l'Oltène : n'oublie pas de don-ner à manger au singe.

Silence et âge d’or

Au bureau, des femmes se cha-maillent. Ce sera à celle qui criera le plusfort. Le chef tente en vain de rétablir lecalme. Au bout d'un moment, il s'écrie :

-La ferme! Que chacune parle l'uneaprès l'autre. A la plus vieille de commen-cer!

Le silence se fait immédiatement.

Remord

Un paroissien se confesse au pope :-Mon Père, j'ai beaucoup pêché…-Dis-moi, mon fils…Tu sais que le

Seigneur est miséricordieux et pardonnetout.

-Mon père, pendant la guerre, j'aicaché un juif dans ma cave.

-Mais mon fils, ce n'est pas unpéché… Tu lui as sauvé la vie. Retourneen paix chez toi.

-Oui, mais mon Père… Je lui aidemandé 20 dollars par jour.

-çà mon fils, ce n'est pas très bien d'a-voir profité de lui. Bon, tu lui as tout demême sauvé la vie. Retourne chez toi,jeune pendant deux semaines et fais tesprières.

Pas très convaincu, le paroissienrepart chez lui, puis reviens sur ses pas.

-Mon Père, est-ce que vous croyezque ce serait mieux que je lui dise que laguerre est terminée ?

***Deux blondes bavardent sur la plage

à Mamaia :-Hier mon mari est allé à la pêche

aux moules… Il est revenu moulu !-Ah bon ? Le mien est allé à la pêche

aux coques…

Les policiers

ne sont pas aussi bêtes

Un policier arrive au commissariatavec un pingouin :

-Chef, qu'est-ce que j'en fais ?-Emmène le au jardin zoologique.Le gradé croise son subalterne un

peu plus tard sur le trottoir, bras dessus-bras dessous avec le pingouin :

-Mais qu'est-ce que tu fiches ?-On revient du zoo… çà lui a bien

plus. Maintenant, on se rend au théâtre.***

Deux policiers effectuant leur rondetrouvent trois grenades :

-Qu'est-ce qu'on en fait ?-On les ramène.-Mais si une explose ?-On dira qu'on n'en a trouvé que

deux!***

Comment les Oltènes fabriquent uneclôture ?

Ils plantent la première planche et ilsécrivent dessus "etc.".

***Un piéton traverse au rouge et se fait

siffler par un policier:-T'as pas vu le feu ?-Excusez-moi, je suis daltonien…-Et alors…çà n'existe pas les feux

rouges en Daltonie !***

Deux policiers se retrouvent pourentamer leur tournée :

-Mais qu'est-ce que tu as… tu trem-bles de froid ?

-Je sors du frigidaire.-Comment çà ?-Hier le chef m'a dit, qu'un policier

devait toujours garder son sang froid !***

-Ecoute, Vasile... qu’est-ce que tudirais si j’étais Premier ministre avecCiolos ?

-Mais tu es fou... un pays ne peut pasavoir deux Premiers ministres !

-Et en France alors, comment ils ontfait?

-... ?-Ils ont bien eu Jacques si (et) Rac !

CHANGE*(en nouveaux lei, RON**)

Euro = 4,45 RON

(1 RON = 0,22 euro)

Franc suisse = 4,09 RON

Dollar = 3,93 RON

Forint hongrois = 0,01 RON

(1 euro = 311 forints)

*Au 23/08/2016 ** 1 RON = 10 000 anciens lei

Les NOUVELLES

de ROUMANIE

Lettre d'information bimestrielle surabonnement éditée par ADICA(Association pour le DéveloppementInternational, la Culture et l’Amitié)association loi 1901Siège social, rédaction : 8 Chemin de la Sécherie44 300 Nantes, FranceTel.: 02 40 49 79 94E-mail: [email protected] de la publicationHenri GilletRédactrice en chefDolores Sîrbu-Ghiran

Ont participé à ce numéro:Yves Lelong, Jan H. Mysjkin,Lawrence Marzouk, Simon Rico,Ivan Angelovski, Miranda Patrucic,Francesco Brusa, Jana Tskoneva,Béranger Dominici, Kamil Catus,Stéphane Surprenant, Iulian Anghel,Jean-Arnault Dérens, Gilles FumeyJaklina Naumovski, Bernard Féron,Florence La Bruyère, QuentinFruchard, Jean-Michel Frodon

Impression: Helio Graphic2 rue Gutenberg ZAC du Moulin des Landes44 981 Sainte-Luce sur Loire Cedex

Numéro de Commission paritaire:1117 G 80172; ISSN 1624-4699Dépôt légal: à parution

Site :

www//lesnouvellesderoumanie.eu

Prochain numéro: Nov. 2016

Blagues

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Don Quichotte contre Goliath

Florin Patrachioiu est devenu célèbre dans toute la Roumanie enjuillet 1999. Le chef de la petite gare de Pielesti, dans le judet deCraoiva, a stupéfié et remplit de fierté ses compatriotes en arrê-

tant à lui tout seul l'armée américaine… Plus exactement un convoi del'OTAN de 20 wagons transportant du matériel militaire à destination de laYougoslavie de Milosevic, alors en pleine guerre.

Les papiers de dédouanement présentés par le colonel US responsabledu convoyage, bouillant d'impatience, n'étaient pas en règle. Le train futainsi immobilisé pendant plusieurs heures, déclenchant la fureur du minis-tre des Transports de l'époque, un certain Traian Basescu qui promit au tru-blion de venir personnellement lui régler son compte et de le "foutre à la porte". L'incident tombait mal : prenant un virage déci-sif vers l'Occident, le gouvernement roumain avait entrepris de montrer sa bonne volonté en permettant le passage sur son territoi-re des renforts de l'OTAN destinés à mettre de l'ordre chez le voisin serbe, soutenu par les Russes. Et voilà qu'un petit employéoltène de la CFR se mettait en travers de ce renversement des alliances historique!

"Mes amis m'ont dit que j'étais fou"

Plus têtu qu'un Breton, Florin Patrachioiu (photo à gauche)

ne céda que lorsqu'il fut en possession des documents man-quants, envoyés en urgence par Bucarest et dûment paraphés.Une commission d'enquête diligentée par le ministère desTransports pour lui montrer de quel bois il se chauffait dût bienconvenir que le trublion n'avait fait que son devoir.

L'affaire aurait pu en rester là, mais le dictateur serbe ayantété contraint de mettre les pouces un mois plus tard, les forcesde l'OTAN prirent le chemin inverse pour être réembarquées àConstantsa. Manque de chance… à la halte de Pielesti, FlorinPatrachioiu était encore de service ce jour là. Et il manquaitencore des papiers ! Le colonel américain n'avait pas acquitté lataxe de transports de 20 000 euros et 37 100 lei due. L'officier

refusa tout net de les payer. Mal lui en prit, le chef de gare bloqua son convoi. Et la plaisanterie dura cette fois-ci deux semaines,le président Constantinescu, qui ramait comme un damné pour rétablir l'image de la Roumanie après deux mandats calamiteux deIon Iliescu, piquant la colère de sa vie. "Mes amis m'ont dit que j'étais fou. J'ai reçu des menaces de mort" se souvient FlorinPatrachioiu, "Si j'avais peur, c'était surtout pour ma famille". Basescu le menaça à nouveau de toutes les sanctions imaginables etannonça sa venue imminente. Le chef de gare l'attendit en vain sur le quai jusqu'à 21 heures, puis sans plus de résultats pendanttrois jours. C'est que le vent avait tourné: la résistance opiniâtre du petit Roumain cabochard face à la colossale armada américai-ne - l'ennemi de la veille - rapportée par la presse était en train defaire de lui un héros national !

"C'est des Roumains comme toi dont le pays a besoin"

En 2003, Florin Patrachioiu eut l'occasion de rencontrer TraianBasescu, devenu maire de la capitale et lui rappela cet épisode. Lefutur président éclata de rire: "Tu ne peux pas savoir quels maux detête tu m'a donnés", puis rajouta: "C'est des Roumains comme toidont le pays a besoin !".

En guise de punition, le chef de gare avait reçu une prime cor-respondant à trois mois de salaire… mais aussi la consécrationgrâce au film de Cristian Nemescu “California Dreamin”, qui areçu le prix "Un certain regard" au festival de Cannes en 2007. Leréalisateur, qui s'était malheureusement tué en compagnie de l'ingé-nieur du son dans un accident de voiture, un an avant la sortie de son long métrage, lui avait confié un petit rôle, son personnageet celui du colonel de l'OTAN étant magistralement interprétés par l'acteur Razvan Vasilescu et l'Américain Armand Assante."L'esprit du film est bien conforme à la réalité" commente aujourd'hui Florin Patrachioiu parti à la retraite pour cause de maladieet qui s'est présenté en vain aux élections municipales pour devenir maire de Pielesti. Nostalgique, le Don Quichotte oltène se pro-mène chaque jour devant son ancienne gare et rêve de partir à l'assaut de nouveaux moulins.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

Le metteur en scène Cristian Nemescu (ici avec Assante) se tueradans un accident de la route, avant le succès rencontré par le film.

Armand Assante incarne un officier de l’OTAN complètementdépassé par la situation rencontrée dans un village roumain.