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Les Amours vol. 1 Les Amours de Cassandre text of Charles Marty-Laveaux, 1887

Les Amours vol. 1 Les Amours de Cassandre · Me vienne lire: il verra ma douleur Dont ma déesse et mon dieu ne font compte. Il connaîtra qu’amour est sans raison, ... De clous

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Les Amours vol. 1 Les Amours de Cassandre

text of Charles Marty-Laveaux, 1887

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A SON

LIVRE

Va Livre, va, desboucle la barriere,

Lasche la bride, et asseure ta peur,

Ne doute point par un chemin si seur

D’un pied venteux em-poudrer la carriere :

Vole bien tost, j’entens desja derriere

De mes suivans l’envieuse roideur

Opiniastre à devancer l’ardeur

Qui me poussoit en ma course premiere.

Mais non, arreste, et demeure en ton rang,

Bien que mon cœur bouillonne d’un beau sang,

Fort de genoux, d’haleine encore bonne :

Livre cesson d’acquerir plus de bien,

Sans nous fascher si la belle couronne

Du Laurier serre autre front que le mien.

Go, my book, unlock the gate,

Loose the reins, calm your fears,

Don’t be concerned, on so safe a road,

To make your journey dusty with wind-like feet ;

Fly quickly, I hear already behind us

The envious persistence of my pursuers,

Eager to outstrip the ardour

Which urged me first on this course.

But no – stop, stay in your place,

Though my heart seethes and my blood is up,

My knees are strong, my wind still good ;

My book, let’s not gather any more honours,

And stop worrying whether the fair crown

Of laurel will press upon brows other than mine.

VOEU

Divines Sœurs, qui sur les rives molles

De Castalie, et sur le mont Natal,

Et sur le bord du chevalin crystal

M’avez d’enfance instruit en vos escoles :

Si tout ravy des saults de vos caroles,

D’un pied nombreux j’ay guidé vostre bal :

Plus dur qu’en fer, qu’en cuivre et qu’en metal,

Dans vostre Temple engravez ces paroles :

RONSARD, AFIN QUE LE SIECLE AVENIR

DE TEMPS EN TEMPS SE PUISSE SOUVENIR

QUE SA JEUNESSE A L’AMOUR FIST HOMAGE :

DE LA MAIN DEXTRE APAND A VOSTRE AUTEL

L’HUMBLE PRESENT DE SON LIVRE IMMORTEL,

SON CŒUR DE L’AUTRE AUX PIEDS DE CESTE IMAGE.

Divine sisters, who on the soft streams

Of Castalia, and on your native mount

And on the banks of the equine waters

Have taught me since childhood in your school ;

If, swept away by leaping in your round-dances

I have led your dances with many a step ;

[Then], stronger than in iron, in bronze or in metal

Engrave these words within your temple :

Ronsard, so that future ages

May from time to time recall

That his youth paid homage to Love,

With his right hand places on your altar

The humble gift of his immortal book,

With the other his heart at the feet of this image.

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Qui voudra voir comme un dieu me surmonte,

Comme il m’assaut, comme il se fait vainqueur,

Comme il renflamme et renglace mon coeur,

Comme il se fait un honneur de ma honte,

Qui voudra voir une jeunesse prompte

A suivre en vain l’objet de son malheur,

Me vienne lire: il verra ma douleur

Dont ma déesse et mon dieu ne font compte.

Il connaîtra qu’amour est sans raison,

Un doux abus, une belle prison,

Un vain espoir qui de vent nous vient paître.

Et connaîtra que l’homme se décoit

Quand plein d’erreur un aveugle il reçoit

Pour sa conduite, un enfant pour son maître.

Whoever wants to see how a god is overcoming me,

how he is assaulting me, how he is making himself conqueror,

how he is burning then freezing my heart,

how he is gaining glory for himself from my shame;

Whoever wants to see youth quick

to pursue in vain the object of his misfortune,

let him come and read me: he will see my misfortune,

of which my goddess [Cassandre] and my God take no account.

He will understand that love is without reason,

a sweet illusion, a good-looking prison,

an empty hope which tries to feed us with a breeze.

And he will understand that man deceives himself

when utterly mistakenly he takes blind Love

as his guide, the child Cupid as his master.

2

Nature ornant la dame qui devoyt

De sa douceur forcer les plus rebelles,

Luy fit present des beautez les plus belles,

Que des mille ans en espargne elle avoyt

Tout ce qu’Amour avarement couvoyt,

De beau, de chaste, et d’honneur soubz ses ailles,

Emmiella les graces immortelles

De son bel oeil qui les dieux emouvoyt.

Du ciel à peine elle estoyt descendue,

Quand je la vi, quand mon ame ésperdue

En devint folle: et d’un si poignant trait,

Le fier destin l’engrava dans mon ame,

Que vif ne mort, jamais d’une aultre dame

Empraint au cuoeur je n’auray le portraict.

Nature, adorning the lady who ought

By her sweetness to compel the most mutinous,

Made her a gift of the most lovely of beautiful features

Which she had been keeping in her closet for a thousand years.

Everything which Cupid avariciously brewed

Of beauty, chastity and honour beneath his wings

Sweetened the immortal grace

Of her beautiful eyes, which moved the gods themselves.

Scarcely had she come down from heaven

When I saw her, when my soul was lost

And became crazy for her: and with such a sharp wound

Did proud Fate engrave her on my soul

That living or dead, I shall never have the portrait

Of any other lady imprinted on my heart.

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3

Entre les rais de sa jumelle flamme

Je vis Amour, qui son arc desbandoit,

Et sus mon cueur le brandon éspandoit,

Qui des plus froids les moëlles enflamme.

Puis çà puis là pres les yeulx de ma dame

Entre cent fleurs un retz d’or me tendoit,

Qui tout crespu blondement descendoit

A flotz ondez pour enlasser mon ame.

Qu’eussay-je faict l’Archer estoit si doulx,

Si doulx son feu, si doulx l’or de ses noudz,

Qu’en leurs filetz encore je m’oublie:

Mais cest oubli ne me tourmente point,

Tant doulcement le doulx Archer me poingt,

Le feu me brusle, et l’or crespe me lie.

Among the rays of her twin flashing eyes

I see Love, who has set aside his bow

And over my heart waved a fire brand

Which would warm the marrow of the coldest.

On one side then the other, near my lady’s eyes,

Among many flowers he spreads for me a net of gold

Which descends blond and curling

In flowing waves to bind my soul.

What could I have done, the Archer was so gentle

So gentle his fire, so gentle the gold of his knots,

That, though still in their net, I forget myself.

But this forgetfulness doesn’t trouble me at all,

So gently does the gentle Archer strike me,

The fire burn me and the curling gold bind me.

4

Je ne suis point, ma guerriere Cassandre,

ny Myrmidon, ny Dolope soudart,

ny cet Archer, dont l’homicide dard

tua ton frere et mist ta ville en cendre.

Un camp armé pour esclave te rendre

du port d’Aulide en ma faveur ne part,

et tu ne vois au pied de ton rempart

pour t’enlever mille barques descendre.

Helas! je suis ce Corébe insensé,

dont le cueur vit mortellement blessé,

non de la main du Gregeois Penelée:

Mais de cent trais qu’un Archerot vainqueur

par une voye en mes yeux recelée,

sans y penser me tira dans le cueur.

I am not at all, my warlike Cassandra,

a Myrmidon or a sweaty Aetolian,

nor that Archer [Philoctetes] whose murderous dart

killed your brother [Paris] and burned your town [Troy] to ashes.

An armed force to deliver you as a slave

is not leaving Aulis to suit me

and you won’t see at the foot of your walls

a thousand ships descending to steal you away.

Alas! I am that maddened Coroebus [Cassandra's lover]

whose heart lives with a mortal wound,

not from the hand of Peneleos

but from a hundred wounds which the little Archer [Cupid],

overcoming me through a glance received by my eyes,

without a thought has shot into my heart.

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Je parangonne au soleil que j’adore

L’autre soleil. Cestuy là de ses yeulx

Enlustre, enflamme, enlumine les cieulx

Et cestuy ci nostre France honore.

Tous les presens du coffre de Pandore

Les Elements, les Astres et les Dieux

Et tout cela que Nature a de mieux,

Ont embelli le sujet que j’honore.

Ha, trop heureux si le cruel Destin

N’eust emmuré d’un fort diamantin

Si chaste coeur dessous si belle face:

Et si mon coeur de mon sein arraché

Ne m’eust trahy, pour se voir attaché

De clous de feu sur le froid de sa glace.

I compare to the sun which I adore

That other sun. Mine with her eyes

Makes the heavens shine, blaze, bright,

The other one honours our France.

All the presents in Pandora’s box,

The elements, the stars and the gods

And all that which is best in Nature

Have beautified the lady I adore.

Only too happy if cruel fate

Had not built a wall, hard as diamond,

Around that heart so chaste beneath face so fair:

And if my heart from my breast torn out

Had not betrayed me, to see itself fixed

With iron bolts to her icy coldness.

6

Ces liens d’or, ceste bouche vermeille,

Pleine de lis, de roses et d’oeillets,

Et ces sourcis deux croissans nouvelets,

Et ceste joue a l’Aurore pareille :

Ces mains, ce col, ce front, et ceste oreille,

Et de ce sein les boutons verdelets

Et de ces yeux les astres jumelets,

Qui font trembler les ames de merveille,

Firent nicher Amour dedans mon sein,

Qui gros de germe avoit le ventre plein

D’oeufs non formez qu’en nostre sang il couve.

Comment vivroy-je autrement qu’en langueur,

Quand une engence immortelle je trouve,

D’Amours esclos et couvez en mon cueur ?

These bonds of gold, these crimson lips,

Filled with lilies, roses and pinks,

And these eyebrows, like two new moons,

And this cheek, equal to the rosy Dawn:

These hands, this neck, this brow, this ear,

And the blooming buds on this breast,

And the twin stars of these eyes

Which make men’s souls tremble with wonder -

These have brought Love to nest in my breast

Who, large with seed, has a belly full

Of eggs, unformed, which he is brooding in my blood.

How can I live other than listlessly,

When I find an immortal scion

Hatched by Love and nesting in my heart?

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Bien qu’il te plaise en mon coeur d’allumer,

Coeur ton sujet, lieu de ta seigneurie,

Non d’une amour, ainçois d’une Furie

Le feu cruel pour mes os consumer:

Le mal qui semble aux autres trop amer,

Me semble doux, aussi je n’ay envie

De me douloir : car je n’aime ma vie,

Sinon d’autant qu’il te plaist de l’aimer.

Mais si le Ciel m’a faict naistre, Madame,

Pour ta victime, en lieu de ma pauvre ame,

Sur ton autel j’offre ma loyauté.

Tu dois plustost en tirer de service,

Que par le feu d’un sanglant sacrifice

L’immoler vive aux pieds de ta beauté.

Although it pleases you to light in my heart -

The heart which is your subject, the place you rule -

Not the fire of love, so much as the cruel fire

Of a Fury, to consume my bones:

This evil which seems too bitter to other men

Seems sweet to me, I even wish

To be unhappy; for I do not love my life

Except so far as you please to love it.

But if Heaven had me born, my Lady,

To be your victim, in place of my poor soul

I offer on your altar my loyalty.

You should rather take its service

Than offer it up to the fire of bloody sacrifice,

Alive, at the feet of your beauty.

8

Lors que mon oeil pour t’oeillader s’amuse,

Le tien habile à ses traits descocher,

Par sa vertu m’em-pierre en un rocher

Comme au regard d’une horrible Meduse:

Si d’art subtil en te servant je n’use

L’outil des Soeurs pour ta gloire esbaucher,

Qu’un seul Tuscan est digne de toucher,

Ta cruauté soymesme s’en accuse.

Las, qu’ay-je dit ? dans un roc emmuré,

En te blasmant je ne suis assuré,

Tant j’ay grand peur des flammes de ton ire,

Et que mon chef par le feu de tes yeux

Soit diffamé, comme les monts d’Epire

Sont diffamez par la foudre des Cieux.

When my eye amuses itself with eyeing you,

Yours, skilful at shooting its darts

By its power turns me to stone

Like the glance of a terrible Medusa.

If in serving you with my subtle art I do not use

To sketch your glory that tool of the Sisters

Which one Tuscan alone is worthy to touch,

Your cruelty itself must take the blame for it.

Ah, what have I said? walled up in rock,

In reprimanding you I have not covered myself,

Such great fear do I have of the flames of your ire,

Fear too that I shall be vilified by the fire

Of your eyes, as the mounts of Epirus

Are vilified by the lightning of Heaven.

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Le plus touffu d’un solitaire bois,

Le plus aigu d’une roche sauvage,

Le plus desert d’un separé rivage,

Et la frayeur des antres les plus cois,

Soulagent tant mes soupirs et ma vois

Qu’au seul escart d’un plus secret ombrage

Je sens guarir ceste amoureuse rage,

Qui me r’afole au plus verd de mes mois.

Là renversé dessus la terre dure,

Hors de mon sein je tire une peinture,

De tous mes maux le seul allegement :

Dont les beautez par Denisot encloses,

Me font sentir mille metamorfoses

Tout en un coup d’un regard seulement.

The thickest foliage of a solitary tree,

The sharpest point of a savage rock,

The most deserted part of a far-off riverbank,

And the terror of the most silent caves,

These soothe my sighing and my cries so far

That only far off in the most hidden shadows

Do I feel this lover’s madness healed

Which throws me into the panic of my greenest youth.

There, lying upon the hard earth,

I draw from my breast a painting

the sole relief from all my ills :

The beauty of which, captured by Denisot,

Makes me feel a hundred changing emotions

All at once, from a single look.

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Amour me paist d’une telle Ambrosie,

Que je ne suis en ce monde envieux

De la liqueur, dont le Pere des Dieux

Chez l’Ocean sa bouche rassasie.

Celle qui tient ma liberté saisie,

Voire mon coeur ès prisons de ses yeux,

Soule ma faim d’un fruit si precieux,

Que d’autre bien ne vit ma fantaisie.

De l’avaller je ne me puis lasser,

Tant le plaisir d’un variant penser

Mon appetit nuict et jour fait renaistre.

Et si le fiel n’amoderoit un peu

Le doux du miel dont mon coeur est repeu,

Entre les Dieux, Dieu je ne voudrois estre.

Love feeds me with such ambrosia

That I am not envious, though in this world,

Of the liquor with which the Father of the gods

In the Ocean satisfies his mouth.

She who holds my liberty captive

And my heart besides in the prisons of her eyes

Overcomes my hunger with a fruit so precious

That my imagination lives on no other good.

I cannot weary of swallowing it

So much does the pleasure of my wandering thought

Bring my appetite back to life, night and day.

And if bile didn’t slightly embitter

The sweet honey on which my heart is fed,

I would not even want to be a god among the gods.

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Ah traistre Amour, donne moy paix ou treve,

Ou choisissant un autre trait plus fort

Tranche ma vie, et m’avance la mort :

Douce est la mort d’autant plus qu’elle est brève.

Un soing fecond en mon penser s’eleve

Qui mon sang hume, et l’esprit me remord,

Et d’Ixion me fait egal au sort,

De qui jamais la peine ne s’acheve.

Que doy-je faire? Amour me fait errer

Si hautement, que je n’ose esperer

De mon salut qu’une langueur extrème.

Puis que mon Dieu ne me veut secourir,

Pour me sauver il me plaist de mourir,

Et de tuer la mort par la mort mesme.

Ah treacherous Love, give me peace or a truce,

Or, choosing another, stronger weapon,

Cut off my life, and bring on my death :

Sweet is death, much more so when it is short.

A fertile worry grows in my thoughts

Which dries up my blood, and my spirit gnaws at me

And makes me equal in my fate to Ixion

Whose pain never ceases.

What must I do? Love makes me stray

So far, that I dare hope

For no safety but from wasting away entirely.

Since God has no wish to come to my aid,

To save myself, I’m pleased to die

And to overcome death through death itself.

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J’espère et crain, je me tais et supplie,

Or’ je suis glace et ores un feu chaud,

J’admire tout et de rien ne me chaut,

Je me delace et mon col je relie.

Rien ne me plaist sinon ce qui m’ennuie :

Je suis vaillant et le coeur me défaut,

J’ay l’espoir bas j’ay le courage haut,

Je doute Amour et si je le desfie.

Plus je me picque, et plus je suis retif,

J’aime estre libre, et veux estre captif,

Tout je desire, et si n’ay qu’une envie.

Un Promethée en passions je suis.

J’ose, je veux, je m’efforce, et ne puis

Tant d’un fil noir la Parque ourdit ma vie.

I hope and fear, I’m silent, I beg;

Now I’m like ice, now like hot fire;

I’m amazed at everything, and care for nothing;

I relax, and then tense my neck again.

Nothing pleases me, except what bores me;

I’m courageous and my heart fails me;

I have no hope, I have high hopes;

I doubt Love, and even so I defy him.

The more I’m goaded, the more stubborn I get;

I love to be free, and want to be imprisoned;

I want everything, and yet have only one wish.

I’m like a Prometheus in my suffering,

I dare, I wish, I make great efforts but achieve nothing,

In such a way does Fate with her black thread order my life.

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Pour aller trop tes beaux soleils aimant,

Non pour ravir leur divine etincelle,

Contre le roc de ta rigueur cruelle

Amour m’attache à mille clous d’aimant.

En lieu d‘un Aigle, un Soin cruellement

Souillant sa griffe en ma playe eternelle,

Ronge mon coeur, et si ce Dieu n’appelle

Madame, à fin d’adoucir mon tourment.

Mais de cent maux, et de cent que j’endure,

Fiché cloué dessus ta rigueur dure,

Le plus cruel me seroit le plus dous,

Si j’esperois apres un long espace

Venir à moy l’Hercule de ta grace,

Pour delacer le moindre de mes nouds.

For daring to love your lovely suns [eyes] too much,

Though not to steal their divine sparkle,

Love has pinned me with the thousand nails of a lover

Against the rock of your cruel harshness.

In place of an Eagle, Care cruelly

Soiling his talons in my eternal wound

Gnaws at my heart, and yet this God does not summon

My lady so as to soften my torment.

But of a hundred ills and a hundred more which I endure,

Stuck, nailed to your severe harshness,

The cruellest will be for me the sweetest,

If I can hope that, after a long interval,

The Hercules of your grace will come to me

To untie the least of my bonds.

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Je vey tes yeux dessous telle planete,

Qu’autre plaisir ne me peut contenter,

Sinon tout seul en souspirant chanter,

Allege moy ma plaisante brunette.

O liberté combien je te regrette !

Combien le jour que je vey t’absenter,

pour me laisser sans espoir tourmenter

En l’esperance où si mal on me traite !

L’an est passé le vintuniesme jour

Du mois d’Avril, que je vins au sejour

De la prison où les Amours me pleurent :

Et si ne voy (tant les liens sont forts)

Un seul moyen pour me tirer dehors,

Si par la mort toutes mes morts ne meurent.

I see your eyes beneath such a star

That no other pleasure can content me,

Unless to sing all alone while sighing

“Relieve me, my charming brunette.”

O freedom, how much I regret losing you !

How much [I regret] the day when I saw you absent yourself,

Thus leaving me tortured hopelessly

In that hope in which I’m wounded so badly !

The year had passed the twenty-first day

Of April when I came to stay

In that prison where Love grieves for me :

And I do not see – so strong are its bonds -

A single means of dragging myself outside it

Unless by death all my deaths shall die.

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Ha, qu’à bon droit les Charites d’Homere

Un faict soudain comparent au penser,

Qui parmi l’air peut de loin devancer

Le Chevalier qui tua la Chimere :

Si tost que luy une nef passagere

De mer en mer ne pourroit s’élancer,

Ny par les champs ne le sçauroit lasser,

Du faux et vray la prompte messagere.

Le vent Borée ignorant le repos,

Conceut le mien de nature dispos,

Qui dans le Ciel et par la mer encore

Et sur les champs animé de vigueur,

Comme un Zethés, s’envole apres mon cueur,

Qu’un Harpye en se jouant devore.

Ah, how rightly the Graces of Homer

Would compare a sudden deed to thought

Which can far outrun through the air

That Knight who killed the Chimaera :

So quick, that a ship in its passage

From sea to sea could not forge ahead of it

Nor over land could the swift messenger

Of truth and falsehood outrun it.

The North Wind which never rests

Conceived my [thoughts], by nature alert,

Which in the heavens and by sea too

And over land, vigorous and active

Like Zetes, fly off after my heart

Which a Harpy is playfully devouring.

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Je veux pousser par la France ma peine,

Plustost qu’un trait ne vole au decocher :

Je veux de miel mes oreilles boucher,

Pour n’ouir plus la voix de ma Sereine.

Je veux muer mes deux yeux en fonteine,

Mon coeur en feu, ma teste en un rocher,

Mes piés en tronc, pour jamais n’approcher

De sa beauté si fierement humaine.

Je veux changer mes pensers en oiseaux,

Mes doux soupirs en Zephyres nouveaux,

Qui par le monde eventeront ma pleinte.

Je veux du teint de ma palle couleur,

Aux bords du Loir enfanter une fleur,

Qui de mon nom et de mon mal soit peinte.

I want to publish throughout France my trouble,

Quicker than an arrow flies from the bow :

I want to plug my ears with honey

So as no longer to hear the voice of my Siren.

I want to change my two eyes into a fountain,

My heart into fire, my head into a rock,

My feet into a tree-stump, so as never to approach

Her beauty, so proudly human.

I want to change my thoughts into birds,

My soft sighs into new Zephyrs [breezes],

Which will expose my woes throughout the world.

I want to birth a flower, with the hue

Of my pale colour, on the banks of the Loire

Which would be painted with my name and my ills.

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Le Destin veut qu’en mon ame demeure

L’oeil, et la main, et le poil delié,

Qui m’ont si fort brulé, ferré, lié,

Qu’ars, prins, lassé, par eux faut que je meure.

Le feu, la prise, et le ret à toute heure,

Ardant, pressant, nouant mon amitié,

En m’immolant aux pieds de ma moitié,

Font par la mort, ma vie estre meilleure.

Oeil, main, et poil, qui bruslez et gennez,

Et enlacez mon coeur que vous tenez

Au labyrint de vostre crespe voye,

Que ne puis-je estre Ovide bien disant?

Oeil tu serois un bel Astre luisant,

Main un beau lis, poil un beau ret de soye.

Fate wills that in my heart should live

The eye and hand and unloosed hair

Which have so fiercely burned, seized, bound,

That – burned, caught, wearied by them – I must die.

The fire, the capture, the net – all the time

Scorching, crushing, tying up my love -

Destroying me utterly by my other half

Make my life, through death, be better ;

Eye, hand and hair which burn and discomfort

And entwine round my heart, which you hold

In the labyrinth of your harsh glance.

Oh, why can’t I be Ovid who wrote so well?

Eye, you would be a fair star shining;

Hand, a fair lily; hair, a net of fine silk.

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Une beauté de quinze ans enfantine,

Un or frisé de meint crespe anelet,

Un front de rose, un teint damoiselet,

Un ris qui l’ame aux Astres achemine :

Une vertu de telle beauté digne,

Un col de neige, une gorge de lait,

Un coeur ja meur en un sein verdelet,

En Dame humaine une beauté divine :

Un oeil puissant de faire jours les nuis,

Une main douce à forcer les ennuis,

Qui tient ma vie en ses dois enfermée :

Avec un chant decoupé doucement,

Or’ d’un souris, or’ d’un gemissement :

De tels sorciers ma raison fut charmée,

A childlike beauty just fifteen years old,

The curled gold of so many ringlets

A rosy brow, a maiden’s hue,

A smile which carries my soul to the stars :

A virtue worthy of such beauty

A snowy neck, a milk-white throat,

A heart already ripe in a youthful breast

In a human Lady, a divine beauty :

An eye with the power to make nights into days,

A soft hand to drive off cares,

Which holds my life enclosed in its fingers :

With a song softly ending

Now in a smile, now in a sigh :

With such sorcery my reason has been charmed.

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Avant le temps tes temples fleuriront,

De peu de jours ta fin sera bornée,

Avant le soir se clorra ta journée,

Trahis d’espoir tes pensers periront :

Sans me flechir tes escrits fletriront,

En ton desastre ira ma destinée,

Pour abuser les poetes je suis née,

De tes soupirs nos neveux se riront.

Tu seras fait du vulgaire la fable,

Tu bastiras sus l’incertain du sable,

Et vainement tu peindras dans les Cieux :

Ainsi disoit la Nymphe qui m’affolle,

Lors que le Ciel tesmoin de sa parolle,

D’un dextre éclair fut presage à mes yeux.

Before the time when your head will be crowned [with the poet's garland],

Your life will be marked by its lack of days ;

Before evening, your daytime will end ;

Betrayed by hope, your thoughts will die.

Without moving me, your writings will wither away ;

In your misfortune my own destiny will advance ;

I was born to misuse poets,

Our relations will laugh at your sighs.

You will be made the talk of the common people,

You will build on sand’s uncertain foundations,

And in vain you will portray me in the heavens.

So spoke the Nymph who drives me mad,

As Heaven, witness of her words,

With a well-timed flash of lightning provided an omen to my eyes.

20

Je voudroy bien richement jaunissant

En pluye d’or goute à goute descendre

Dans le giron de ma belle Cassandre,

Lors qu’en ses yeux le somne va glissant.

Puis je voudroy en toreau blanchissant

Me transformer pour sur mon dos la prendre,

Quand en Avril par l’herbe la plus tendre

Elle va fleur mille fleurs ravissant.

Je voudroy bien pour alleger ma peine,

Estre un Narcisse et elle une fontaine,

Pour m’y plonger une nuict à sejour :

Et si voudroy que ceste nuict encore

Fust eternelle, et que jamais l’Aurore

Pour m’esveiller ne rallumast le jour.

I wish that, in the rich yellow

Of a rain of gold, I could fall drop by drop

Into the lap of my fair Cassandre,

As sleep slips over her eyes.

And then I wish that I could transform myself

Into a white bull, to take her on my back

When in April she walks in the softest, newest grass

A flower herself, stealing a thousand flowers.

I wish that, to lessen my pain,

I could be a Narcissus and she a fountain,

So that I could dive in one night to stay :

And so I wish that night were indeed

Eternal, and that Dawn would never

Bring back the daylight to wake me.

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21

Qu’Amour mon coeur, qu’Amour mon ame sonde,

Luy qui cognoist ma seule intention,

Il trouvera que toute passion

Veufue d’espoir par mes veines abonde.

Mon Dieu que j’aime ! Est-il possible au monde,

De voir un coeur si plein d’affection,

Pour la beauté d’une perfection,

Qui m’est dans l’ame en playe si profonde ?

Le cheval noir qui ma Royne conduit,

Suivant le traq où ma chair l’a seduit,

A tant erré d’une vaine traverse,

Que j’ay grand’ peur (si le blanc ne contraint

Sa course folle, et ses pas ne refraint

Dessous le joug) que ma raison ne verse.

Ah, that Love would sound my heart, my soul,

He who understands my sole intent ;

He will find that every passion

Issuing from hope, bounds through my veins.

God, how I love ! Is it possible in this world

To see a heart so full of the affection

For the beauty of her perfection

Which I have so deeply scored into my soul?

The black horse which draws my queen,

Following the track on which my flesh has drawn her,

Has wandered so far in his vain passage

That I am very afraid (if the white horse does not restrain

His mad rush, and subdue his steps

Beneath the yoke) that my reason may be overturned.

22

Cent et cent fois penser un penser mesme,

A deux beaux yeux montrer à nud son coeur,

Boire tousjours d’une amere liqueur,

Manger tousjours d’une amertume extrème,

Avoir et l’ame et le visage blème,

Plus soupirer moins flchir la rigueur,

Mourir d’ennuy receler sa langueur,

Du vueil d’autruy des loix faire à soymème ;

Un court despit une aimantine foy

Aimer trop mieux son ennemy que soy,

Se peindre au front mille vaines figures :

Vouloir crier et n’oser respirer,

Esperer tout et se desesperer,

Sont de ma mort les plus certains augures.

Thinking the same thought a hundred times and more,

Showing your heart, naked, to two lovely eyes,

Having always to drink a bitter drink,

And always having to eat extreme bitterness,

Being pale in both soul and face,

Sighing more and turning aside her harshness less,

Dying of waiting and accepting pining,

Making of another’s wishes laws for yourself ;

A brief jealousy and a lasting love,

Preferring your enemy to yourself,

Wearing on your face a thousand wasted expressions ;

Wanting to shout, but not daring to breathe,

Hoping for everything but losing hope for yourself,

These are the most certain omens of my death.

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23

Ce beau coral, ce marbre qui soupire

Et cet eben ornement du sourci,

Et cet albâtre en voûte racourci,

Et ces saphirs, ce iaspe et ce porphyre :

Ces diamans, ces rubis, qu’un Zephyre

Tient animez d’un soupir adouci,

Et ces oeillets et ces roses aussi,

Et ce fin or, où l’or mesme se mire :

Me sont dans l’ame en si profond esmoy,

Qu’un autre objet ne se presente à moy,

Sinon, Belleau, leur beauté que j’honore,

Et le plaisir qui ne se peut passer

De les songer, penser et repenser,

Songer, penser et repenser encore.

That fair coral, that breathing marble,

And the ebony ornament of her brow,

And that alabaster in its brief arch,

And those sapphires, that jasper and that porphyry;

Those diamonds, those rubies, which a Zephyr [breeze]

Keeps in motion with its gentle breath;

And those pinks and roses too,

And that fine gold, at which gold itself wonders;

These are in my soul in such excitement

That no other object presents itself to me,

Except, Belleau, their beauty which I honour

And the pleasure which cannot pass

Of dreaming of them, considering and reconsidering them

Dreaming, considering and reconsidering them again.

24

Tes yeux courtois me promettent le don

Qu’à demander je n’eusse pris l’audace :

Mais j’ay grand peur qu’ils tiennent de la race

De ton ayeul le roy Laomedon.

Au flamboyer de leur double brandon

Par le penser l’esperance m’embrasse,

Ja prevoyant abusé de leur grace,

Que mon service aura quelque guerdon.

Ta bouche seule en parlant m’espouvante,

Bouche prophete, et qui vraye me chante

Tout le rebours de tes yeux amoureux.

Ainsi je vis, ainsi je meurs en doute,

L’un me rappelle et l’autre me reboute,

D’un seul objet heureux et malheureux.

Your courteous eyes promise me the gift

For which I have not found the daring to ask:

But I am so afraid that they retain [the broken promises of] the race

Of your ancestor, King Laomedon.

At the flaming of their double torch,

Through my thoughts hope embraces me,

Already anticipating, misled by their graciousness,

That my service shall have some reward.

Your mouth alone astonishes me as you speak,

Prophetic mouth which truly sings to me

The very opposite of the love in your eyes.

So I live, so I die: in doubt,

While one calls me back and the other rejects me,

Made both fortunate and unfortunate by one and the same object.

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25

Ces deux yeux bruns, deux flambeaux de ma vie

Dessus les miens respandans leur clairté,

Ont esclavé ma jeune liberté,

Pour la damner en prison asservie.

Par ces yeux bruns ma raison fut ravie,

Et quelque part qu’Amour m’ait arresté,

Je ne sceu voir ailleurs autre beauté,

Tant ils sont seuls mon bien et mon envie.

D’un autre espron mon maistre ne me poind,

Autres pensers en moy ne logent point,

D’un autre feu ma Muse ne s’enflame :

Ma main ne sçait cultiver autre nom,

Et mon papier ne s’esmaille, sinon

De leurs beautez que je sens dedans l’ame.

Two lovely brown eyes, twin torches of my life,

Spreading a light brighter far than mine,

Have enslaved my youth’s liberty

To condemn it to service in prison.

By these brown eyes my reason was stolen,

And whatever part of me Love had seized;

I cannot see other beauty anywhere,

So much are these only my good and desire.

My master allows me no other hope,

Other hopes never arise in me,

My Muse is fired by no other flame:

My hand cannot write any other name,

And my page is not embellished unless

By their beauty which I sense within my soul.

26

Plus tost le bal de tant d’astres divers

Sera lassé, plus tost la Mer sans onde,

Et du Soleil la fuitte vagabonde

Ne courra plus en tournant de travers :

Plus tost des Cieux les murs seront ouvers,

Plus tost sans forme ira confus le monde,

Que je sois serf d’une maistresse blonde,

Ou que j’adore une femme aux yeux vers.

O bel œil brun, que je sens dedans l’ame,

Tu m’as si bien allumé de ta flame,

Qu’un autre œil verd n’en peut estre vainqueur !

Voire si fort qu’en peau jaune et ridée,

Esprit dissoult, je veux aimer l’idée

Des beaux yeux bruns les soleils de mon cueur.

Sooner will the earth by the many varied stars

Be abandoned, sooner the sea left without waves,

And the wandering flight of the Sun

Will no more run turning across the sky;

Sooner will the walls of Heaven be opened,

Sooner the world become formless and jumbled,

Than I be the slave of a blond mistress

Or than I love a lady with green eyes.

O fair brown eye, which I recognise within my soul,

You have fired me so with your flame

That some other green eye could not win me!

So strongly, even, that when my skin is yellow and wrinkled,

My spirit dissolved, I still want to be in love with the ideal

Of beautiful brown eyes, the suns of my heart.

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27

Bien mille fois et mille j’ay tenté

De fredonner sur les nerfs de ma Lyre,

Et mille fois en cent papiers escrire

Le nom qu’Amour dans le cœur m’a planté.

Mais tout soudain je suis espouvanté :

Car son beau nom qui l’esprit me martyre

Hors de moymesme estonné me retire,

De cent fureurs brusquement tourmenté.

Je suis semblable à la Prestresse folle,

Qui bègue perd la voix et la parolle,

Dessous le Dieu qui luy brouille le sain.

Ainsi troublé de l’amour qui me touche,

Fol et béant je n’ouvre que la bouche,

Et sans parler ma voix se perd en vain.

Oh, a thousand and a thousand times I’ve tried

To play on the strings of my lyre,

And a thousand times on a hundred sheets write

The name which Love has planted in my heart.

But suddenly I’m stunned:

For her fair name which tortures my soul

Draws me out of myself, astounded,

Roughly tormented by a hundred frenzies.

I am like that maddened priestess

Who, stammering, lost her voice and speech

Under the power of that god who messed up her health.

So, troubled by the love which grips me,

Mad and gaping, I can only open my mouth

And without speaking my voice disappears in emptiness.

28

Injuste Amour fusil de toute rage,

Que peut un coeur soumis à ton pouvoir,

Quand il te plaist par les sens esmouvoir

Nostre raison qui preside au courage ?

Je ne voy pré fleur antre ny ravage,

Champ roc ny bois ny flots dedans le Loir,

Que peinte en eux, il ne me semble voir

Cette beauté qui me tient en servage.

Ores en forme ou d’un foudre allumé,

Ou d’un torrent, ou d’un Tigre affamé,

Par fantaisie Amour de nuict les guide.

Mais quand ma main en songe les poursuit,

Le feu, la nef, et le torrent me fuit,

Et pour le vray je ne pren que le vuide.

Unjust Love, the spark of all passion,

What can a heart subdued by your power do

When you are pleased to overturn through the senses

Our reason, which directs our courage?

I cannot see a meadow, a flower, cave or riverbank,

A field, rock, wood or waves upon the Loire,

But painted on them I seem to see

That beauty which holds me in servitude.

Sometimes in the form of a lightning flash,

Or a torrent, or a starving tiger

In dreams Love leads them by night ;

But when my hand in dream reaches for them,

The fire, the ship, the river flee from me,

And instead of the real thing, I grasp nothing but emptiness.

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Si mille oeillets, si mille liz j’embrasse,

Entortillant mes bras tout à l’entour,

Plus fort qu’un cep, qui d’un amoureux tour

La branche aimée, en mille plis enlasse :

Si le soucy ne jaunist plus ma face,

Si le plaisir fait en moy son sejour,

Si j’aime mieux les ombres que le jour,

Songe divin, ce bien vient de ta grace.

En te suivant je volerois aux cieux :

Mais ce portrait qui nage dans mes yeux,

Fraude tousjours ma joye entre-rompue.

Puis tu me fuis au milieu de mon bien,

Comme un éclair qui se finist en rien,

Ou comme au vent s’évanouit la nuë.

If I embrace a thousand carnations, a thousand lilies,

Twisting them all around my arms

Tighter than a vine which in amorous style

Entwines its beloved branch in a thousand curves;

If care no longer jaundices my face,

If pleasure chooses to stay with me,

If I prefer the shadows to the day,

My divine dream, this good comes from your favour.

Following you I could fly to the heavens;

But this image which swims in my eyes

Always deceives my exhausted joy;

And then you flee from me in the midst of my happiness,

Like a flash of lightning which ends in nothing,

Or like a cloud which disappears in the breeze.

30

Ange divin, qui mes playes embâme,

Le truchement et le heraut des dieux,

De quelle porte es-tu coulé des cieux,

Pour soulager les peines de mon ame ?

Toy quand la nuit par le penser m’enflame,

Ayant pitié de mon mal soucieux,

Ore en mes bras, ore devant mes yeux,

Tu fais nager l’idole de ma Dame.

Demeure Songe, arreste encore un peu :

Trompeur atten que je me sois repeu

Du vain portrait dont l’appetit me ronge.

Ren moy ce corps qui me fait trespasser,

Sinon d’effet, souffre au moins que par songe

Toute une nuit je le puisse embrasser.

Holy Angel, who heals my wounds,

The intermediary and herald of the gods,

From which of heaven’s gates did you slip

To lighten the pains of my soul?

When night-thoughts inflame me, you

Have pity on my anxious woes :

Now in my arms, now before my eyes

Making the image of my Lady swim.

Stay, Dream, wait a little longer :

Deceiver, wait till I am sated

With the meaningless picture, the hunger for which gnaws me.

Give me that body which makes me die –

If not truly, then at least allow that in dreams

I may embrace her the whole night long.

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Legers Démons qui tenez de la terre

Et du haut ciel justement le milieu :

Postes de l’air, divins postes de Dieu,

Qui ses segrets nous apportez grand erre :

Dites Courriers (ainsi ne vous enserre

Quelque sorcier dans un cerne de feu)

Razant nos champs, dites, a’ vous point veu

Cette beauté qui tant me fait la guerre ?

Si de fortune elle vous voit çà bas,

Libre par l’air vous ne refuirez pas,

Tant doucement sa douce force abuse :

Ou comme moy esclave vous fera

De sa beauté, qui vous transformera

D’un seul regard, ainsi qu’une Meduse.

Flighty spirits who keep carefully the middle

Path between earth and high heaven :

Messengers of the air, holy messengers of God,

Who make great headway to bring us his secrets :

Speak, couriers (may no sorcerer

Use that name to shut you in a fiery ring)

Sweeping over our fields, say, have you seen at all

That beauty who wages such war on me ?

If by chance she should see you down here,

You won’t escape freely into the air,

So softly does her soft strength take advantage of you :

No, like me she will make you the slave

Of her beauty, which will transform you

At a glance, just like Medusa.

32

Quand en naissant la Dame que j’adore,

De ses beautez vint embellir les cieux,

Le fils de Rhée appella tous les Dieux,

Poure faire d’elle encore une Pandore.

Lors Apollon de quatre dons l’honore,

Or’ de ses rais luy façonnant les yeux,

Or’ luy donnant son chant melodieux,

Or’ son oracle et ses beaux vers encore.

Mars luy donna sa fiere cruauté,

Venus son ris, Dione sa beauté,

Pithon sa voix, Cerés son abondance,

L’Aube ses doits et ses crins deliés,

Amour son arc, Thetis donna ses piés,

Clion sa gloire, et Pallas sa prudence.

When the lady I love, at her birth,

Had just embellished the heavens with her beauty,

The son of Rhea called all the gods

To make of her a second Pandora.

So Apollo honoured her with four gifts:

Forming her eyes from his rays,

Giving her his tuneful song,

His prophetic gift, and his beautiful poetry too.

Mars gave her his proud cruelty,

Venus her smile, Dione her beauty,

Python his voice, Ceres her fruitfulness,

Dawn her rosy fingers and unloosed hair,

Love his bow; Thetis gave her feet,

Clio her glory and Pallas her good sense.

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Je ne serois d’un abusé la fable,

Fable future au peuple survivant,

Si ma raison alloit bien ensuivant

L’arrest fatal de ta voix veritable,

Chaste prophete, et vrayment pitoyable,

Pour m’advertir tu me predis souvent,

Que je mourray, Cassandre, en te servant :

Mais le malheur ne te rend point croyable.

Le fier destin qui trompe mon trespas,

Et qui me force à ne te croire pas,

Pour me piper tes oracles n’accorde.

Puis je voy bien, veu l’estat où je suis,

Que tu dis vray : toutesfois je ne puis

D’autour du col me detacher la corde.

I would not be the tale of a misused man,

A future tale for the people living after us,

If my mind were well, following

Its fateful capture by your truthful voice,

Chaste prophetess, and truly to be pitied.

To warn me you often give me the prediction

That I will die, Cassandre, serving you;

But my misfortune does not make you at all believable.

The proud destiny which denies me my death,

And which forces me not to believe you,

Does not grant that your oracles should snare me.

But then I see clearly, given the position I’m in,

That you speak the truth: anyway, I cannot

Remove the rope from round my neck.

34

Las ! je me plains de mile et mile et mile

Soupirs, qu’en vain des flancs je vais tirant,

En ma chaleur doucement respirant

Trempée en l’eau qui de mes pleurs distile.

Puis je me plain d’un portrait inutile,

Ombre du vray que je suis adorant,

Et de ces yeulx qui me vont devorant,

Le coeur bruslé d’une flamme fertile.

Mais par sus tout je me plain d’un penser,

Qui trop souvent dans mon coeur fait passer

Le souvenir d’une beaulté cruelle,

Et d’un regret qui me pallist si blanc,

Que je n’ay plus en mes veines de sang,

Aux nerfz de force, en mes os de mouëlle.

Alas, I weep with thousand upon thousand upon thousand

Sighs, drawing them from my breast in vain,

Breathing lightly, hot and

Soaked in water, the distillation of my tears.

Then I weep over this useless portrait,

A mere shadow of the true lady I’m in love with

And of those eyes which devour me,

While my heart burns with a fertile flame.

But above all I weep for a thought

Which too often makes pass through my heart

The memory of her cruel beauty

And of the regret which leaves me white as a sheet

As if I had no blood left in my veins,

No strength in my nerves, no marrow in by bones.

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Puisse advenir qu’une fois je me vange

De ce penser qui devore mon cueur,

Et qui tousjours comme un lion veinqueur

Le tient l’estrangle et sans pitié le mange!

Avec le temps le temps mesme se change :

Mais ce cruel qui suçe ma vigueur,

Opiniastre à garder sa rigueur,

En autre lieu qu’en mon coeur ne se range.

Il est bien vray qu’il contraint un petit

Durant le jour son secret appetit,

Et sur mon coeur ses griffes il n’allonge ;

Mais quand le soir tient le jour enfermé,

Il sort en queste et lion affamé,

De mille dents toute nuict il me ronge.

Oh, if only just once I could chance to take revenge

On this thought which eats away at my heart,

And which always, like a conquering lion,

Keeps it in a stranglehold and devours it pitilessly!

With time, time itself changes:

But this cruel (thought) which sucks dry my vigour,

Stubborn in preserving its harsh grip,

Will settle nowhere else than in my heart.

True it is that, during the day, it holds back

Its hidden appetite a little,

And does not extend its claws onto my heart;

But when evening brings the day to a close,

Out it comes on the hunt, and like a hungry lion

With a thousand teeth gnaws at me all night.

36

Pour la douleur qu’Amour veut que je sente,

Ainsi que moy Phebus tu lamentois,

Quand amoureux et banny tu chantois

Pres d’Ilion sur les rives de Xante.

Pinçant en vain ta lyre blandissante,

Fleuves et fleurs et bois tu enchantois,

Non la beauté qu’en l’ame tu sentois,

Qui te navroit d’une playe aigrissante.

Là de ton teint tu pallissois les fleurs,

Là les ruisseaux s’augmentoyent de tes pleurs,

Là tu vivois d’une esperance vaine.

Pour mesme nom Amour me fait douloir

Pres de Vandôme au rivage du Loir,

Comme un Phenis renaissant de ma peine.

With the sadness which Love wants me to feel

You too, Phoebus, just like me lamented

When, a banished lover, you sang

By Ilium on the banks of the Xanthe.

Vainly gripping your beguiling lyre

You enchanted rivers, flowers, woods,

But not the beauty whom your soul desired

Who hurt you with a bitter wound.

There, you made the flowers pale with your hue;

There, the rivers grew deeper with your tears;

There, you lived in empty hope.

Now, Love makes me weep for the same name

Near Vendôme on the banks of the Loir,

Like a phoenix reborn from my pain.

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Ces petits corps qui tombent de travers

Par leur descente en biais vagabonde,

Heurtez ensemble ont composé le monde

S’entr’acrochans de liens tous divers.

L’ennuy, le soing et les pensers couvers

Tombez espais en mon amour profonde,

Ont acroché d’une agrafe feconde

Dedans mon coeur l’amoureux univers.

Mais s’il advient que ces tresses orines,

Ces dois rosins et ces mains ivoirines

Rompent ma trame en servant leur beauté,

Retourneray-je en eau, ou terre, ou flame ?

Non : mais en voix qui là bas de ma Dame

Accusera l’ingrate cruauté.

Those little bodies which fall sideways

In their descent by slant-wise wanderings

By crashing together have made up the world

Grasping one another by all kinds of ties.

Pain, care and hidden thoughts

By falling thickly on my profound love

Have grasped with their plentiful hooks

The whole universe of love within my heart.

But if it happens that those golden locks,

Those rosy fingers and those ivory hands

Should snap my thread as I serve their beauty,

Shall I return to water, earth or fire?

No: rather, to a voice which down below will accuse

The ungrateful cruelty of my Lady.

38

Doux fut le trait qu’Amour hors de sa trousse

Tira sur moi; doux fut l’acroissement

Que je receu dès le commencement,

Pris d’une fiebvre autant aigre que douce.

Doux est son ris et sa voix qui me pousse

L’esprit du corps plein de ravissement,

Quand il lui plaist sur son Lut doucement

Chanter mes vers animez de son pouce.

Telle douceur sa voix fait distiler,

Qu’on ne sçauroit, qui ne l’entend parler,

Sentir en l’ame une joye nouvelle.

Sans l’ouir, dis-je, Amour mesme enchanter,

Doucement rire, et doucement chanter,

Et moy mourir doucement auprès d’elle.

Sweet was the arrow which Love drew from his bag

Against me; sweet was the increase

I’ve received since love’s beginning

Gripped by a fever as bitter as it is sweet.

Sweet is that smile and that voice which draws

My soul from my body, full of delight

When, self-accompanied softly on the lute, pleasure rewards

The singing of my verses as the thumb strikes the strings.

Such sweetness that voice distils

That no-one who doesn’t hear its singing would be able

To feel that new joy in their soul.

Without hearing, I say, Love himself enchanting us,

Sweetly smiling and sweetly singing,

And me sweetly dying beside her.

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Contre mon gré l’attrait de tes beaux yeux

Force mon ame, et quand je te veuxs dire

Quell’est ma mort, tu ne t’en fais que rire,

Et de mon mal tu as le cœur joyeux.

Puis qu’en t’aimant je ne puis avoir mieux,

Permets au moins, qu’en mourant je souspire :

De trop d’orgueil ton bel oeil me martyre,

Sans te mocquer de mon mal soucieux.

Mocquer mon mal, rire de ma douleur,

Par un desdain redoubler mon malheur,

Haïr qui t’aime et vivre de ses pleintes,

Rompre ta foy, manquer de ton devoir,

Cela, cruelle, hé n’est-ce pas avoir

Les mains de sang et d’homicide teintes ?

Against my wish, the attraction of your lovely eyes

Forces my soul, and when I want to say to you

That it is my death too, you do nothing but laugh

And in my pain your heart rejoices.

As in loving you I can have no better

At least let me yearn for you as I die

From too much pride your lovely eye torments me

Without you laughing at the pain of my yearning.

Mocking my pain, laughing at my sadness,

Doubling my misfortune by your disdain,

Hating whoever I like, and living for my groans

Breaking your word, failing to do what you should –

All this, cruel one, isn’t it like having

Blood on your hands, stained by murder?

40

Que de Beautez, que de Graces écloses

Voy-je au jardin de ce sein verdelet,

Enfler son rond de deus gazons de lait,

Où des Amours les fleches sont encloses !

Je me transforme en cent metamorfoses,

Quand je te voy, petit mont jumelet,

Ains du printemps un rosier nouvelet,

Qui le matin caresse de ses roses.

S’Europe avoit l’estomac aussi beau,

Sage tu pris le masque d’un toreau,

Bon Jupiter pour traverser les ondes.

Le Ciel n’est dit parfait pour sa grandeur.

Luy et ce sein le sont pour leur rondeur:

Car le parfait consiste en choses rondes.

What beauty, what grace do I see

Blossom in the garden of this ripe breast

Swelling its roundness with two milky lawns

Where the arrows of Love are enclosed!

I change myself into a hundred different forms

When I see you, small twin mounds,

Like a young rose-bush in spring

Which the morning caresses with its own rose-pink.

If Europa had so fine a breast

It was wise of you to put on the mask of a bull

Great Jupiter, to cross the waves.

Heaven is not called perfect for its size.

It and this breast are perfect because they’re curved;

for perfection consists in curves.

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Quand au matin ma Deesse s’habille,

D’un riche or crespe ombrageant ses talons,

Et les filets de ses beaux cheveux blons

En cent façons en-onde et entortille :

Je l’accompare à l’escumiere fille

Qui or’pignant les siens brunement lons,

Or’ les frizant en mille crespillons,

Passoit la mer portée en sa coquille.

De femme humaine encore ne sont pas

Son ris, son front, ses gestes, ne ses pas,

Ne de ses yeux l’une et l’autre estincelle.

Rocs, eaux, ne bois, ne logent point en eux

Nymphe qui ait si follastres cheveux,

Ny l’oeil si beau, ny la bouche si belle.

When my goddess dresses in the morning

In the rich curling gold which shades her heels,

And when she waves and twists a hundred ways

The strands of her beautiful blonde hair;

Then I compare her to the daughter of the foam

Who, now combing her own long brown hair,

Now fluffing it into a thousand little curls,

Crossed the sea carried in her shell.

No longer are they those of a human woman,

Her smile, her brow, her gestures, her walk,

Nor the sparkle in her two eyes.

Rocks, waters and woods provide a home for no

Nymph who has such maddening hair,

Nor eye, nor lips so fair.

42

Avec les lis les oeillets mesliez

N’égalent point le pourpre de sa face :

Ny l’or filé ses cheveux ne surpasse,

Ores tressez et ores desliez.

De ses couraux en voute replies

Naist le doux ris qui mes soucis efface :

Et à l’envy la terre où elle passe,

Un pré de fleurs émaille sous ses piez.

D’ambre et de musq sa bouche est toute pleine,

Que diray plus ? J’ay veu dedans la plaine,

Quand l’air tonnant se crevoit en cent lieux,

Son front serein, qui des Dieux s’est fait maistre,

De Jupiter rasserener la destre,

Et tout le ciel obeir à ses yeux.

Carnations mixed with lilies

In no way equal the pink of her face,

Nor does golden thread surpass her hair,

When it’s dressed or when it’s loose.

Arching from her coral lips

Is born that sweet smile which wipes away my cares;

And with envy, the earth where she passes

Bejewels the meadow with flowers beneath her feet.

Her lips overflow with amber and musk;

What more to say? I’ve seen upon the plain

When the thunderous air bursts in a hundred places

Her calm brow, which has made itself master of the gods,

Calming the right hand of Jupiter,

And the whole of heaven obeying her eyes.

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43

Ores la crainte et ores l’esperance

De tous costez se campent en mon coeur:

Ny l’un ny l’autre au combat n’est veinqueur,

Pareils en force et en perseverance.

Ores douteux, ores plein d’asseurance,

Entre l’espoir le soupçon et la peur,

Pour ester en vain de moy-mesme trompeur,

Au coeur captif je promets delivrance.

Verray-je point avant mourir le temps,

Que je tondray la fleur de son printemps,

Sous qui ma vie à l’ombrage demeure ?

Verray-je point qu’en ses bras enlassé,

Recreu d’amour tout penthois et lassé,

D’un beau trespas entre ses bras je meure ?

Now fear, and now hope,

Plant themselves all around my heart;

Not one nor the other is the winner in their battle,

Equal in strength and perseverance.

Now doubtful, now full of certainty,

Between hope, suspicion and fear,

To be my own deceiver in vain

I promise deliverance to my captive heart.

Shall I never see the time, before I die,

When I shall pluck the flower of her springtime,

Beneath which my life is lived in shadow?

Shall I never see the time when, twined in her arms,

Worn out with love, all breathless and weary,

I die a beautiful death within her arms?

44

Je voudrois estre Ixion et Tantale,

Dessus la roue et dans les eaux là bas,

Et nu à nu presser entre mes bras

Ceste beauté qui les anges égale.

S’ainsin estoit, toute peine fatale

Me seroit douce et ne me chaudroit pas,

Non, d’un vautour fussé-je le repas,

Non, qui le roc remonte et redevale.

Voir ou toucher le rond de son tetin

Pourroit changer mon amoureux destin

Aux maiestez des Princes de l’Asie :

Un demy-dieu me feroit son baiser,

Et sein sur sein mon feu desembraser,

Un de ces Dieux qui mangent l’Ambrosie.

I’d be Ixion and Tantalus

On the wheel or in the waters of the Beyond

To hold naked in my arms

This beauty who equals the angels.

If it were so, every deadly pain

Would be sweet to me and wouldn’t bother me

No, I’d even be a vulture’s meal

Even if he climbed the rock again and re-ate me.

To see or touch the curve of her breast

Could change my destiny as a lover

To the majestic fate of the princes of Asia:

Her kiss would make me a demi-god

And to cool my fire, breast to breast,

Would make me one of the gods who feed on ambrosia.

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45

Amour me tue, et si je ne veux dire

Le plaisant mal que ce m'est de mourir,

Tant j'ay grand peur qu'on vueille secourir

Le doux tourment pour lequel je souspire.

Il est bien vray que ma langueur desire

Qu'avec le temps je me puisse guerir :

Mais je ne veux ma Dame requerir

Pour ma santé, tant me plaist mon martyre.

Tais-toy langueur, je sen venir le jour,

Que ma maistresse apres si long sejour,

Voyant le mal que son orgueil me donne,

Qu'à la douceur la rigueur fera lieu,

En imitant la nature de Dieu,

Qui nous tourmente, et puis il nous pardonne.

Love is killing me, but even so I don’t want to say

How pleasant an evil it is for me to die,

I am so afraid that someone might try to save me

From the sweet torture under which I sigh.

It is indeed true that my pining still hopes

That with time I might be cured:

But I don’t want my Lady to ask after

My health; so much do I enjoy my suffering.

Be quiet, my pining! I feel the day is coming

When my mistress, after so long a time,

Will see the pain her pride gives me,

And to softness harshness will give way,

Imitating the nature of God

Who tests us, and then pardons us.

46

Je veux mourir pour tes beautez, Maistresse,

Pour ce bel oeil, qui me prit à son hain,

Pour ce doux ris, pour ce baiser tout plein

D’ambre et de musq, baiser d’une Déesse.

Je veux mourir pour ceste blonde tresse,

Pour l’embompoinct de ce trop chaste sein,

Pour la rigueur de ceste douce main,

Qui tout d’un coup me guerit et me blesse.

Je veux mourir pour le brun de ce teint,

Pour ceste voix, dont le beau chant m’estreint

Si fort le cœur, que seul il en dispose.

Je veux mourir ès amoureux combas,

Soulant l’amour, qu’au sang je porte enclose,

Toute une nuit au milieu de tes bras.

I wish I could die for your beauty, Mistress,

For this lovely eye which has chosen to hate me

For this sweet smile, for your kiss full

Of ambrosia and musk, the kiss of a goddess.

I wish I could die for this blonde hair,

For the swell of your most chaste breast

For the strictness of this sweet hand

Which in one stroke cures me and harms me.

I wish I could die for your tanned skin

For this voice whose lovely song embraces

My heart so strongly that it alone has power over it.

I wish I could die in the battle of love

Drunk on love, which I carry in my very blood

For a whole night in the embrace of your arms.

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47

Dame, depuis que la premiere fleche

De ton bel oeil m'avança la douleur,

Et que sa blanche et sa noire couleur

Forçant ma force, au cœur me firent breche :

Je sens en l'ame une eternelle meche

Tousjours flambante au milieu de mon cueur,

Phare amoureux, qui guide ma langueur

Par un beau feu qui tout le corps me seche.

Ny nuit ne jour je ne fayque songer,

Limer mon coeur, le mordre et le ronger,

Priant Amour qu'il me trenche la vie.

Mais luy qui rit du torment qui me poind,

Plus je l'appelle, et plus je le convie,

Plus fait le sourd et ne me respond point.

My lady, since the first arrow

Of your lovely eye brought on my sorrows

And since its whiteness and darkness

Overcoming my power made a breach in my heart

I feel in my soul an everlasting lash

Continually flaming in the midst of my heart

A lover's lighthouse, which guides my pining

With a sweet fire which withers my whole body.

Night and day I do nothing but dream

Rubbing away at my heart, tearing at it and eating it away,

Praying Love to cut off my life.

But he, laughing at the torment I’m in,

The more I call on him, the more I urge him,

The more he plays deaf and gives me no reply.

48

Ny de son chef le tresor crespelu,

Ny de son ris l'une et l'autre fossette,

Ny le reply de sa gorge grassette,

Ny son menton rondement fosselu,

Ny son bel oeil que les miens ont voulu

Choisir pour prince à mon ame sugette,

Ny son beau sein dont l'Archerot me gette

Le plus agu de son trait esmoulu,

Ny son beau corps le logis des Charites,

Ny ses beautez en mille coeurs escrites,

N'ont asservi ma jeune affection.

Seul son esprit miracle de nostre age,

Qui eut du Ciel tous les dons en partage,

Me fait mourir pour sa perfection.

Not the curly treasure of her head,

Not the one or other dimple in her smile,

Not the little fold in her plump throat,

Not her chin, round and dimpled,

Not her lovely eye which my own wanted

To select as ruler of my subjected soul,

Not her lovely breast, for which the Little Archer shot me

With the sharpest point of his sharpened weapons,

Not her lovely form, the home of the Graces,

Not her beauty inscribed in a thousand hearts –

All these have not enslaved my youth's affections.

Only her spirit, miracle of our age,

Which has a share in all the gifts of heaven,

Makes me die to make it perfect.

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49

Amour, Amour, que ma maistresse est belle !

Soit que j'admire ou ses yeux mes seigneurs,

Ou de son front la grace et les honneurs,

Ou le vermeil de sa lèvre jumelle.

Amour, Amour, que ma Dame est cruelle !

Soit qu'un desdain rengrege mes douleurs,

Soit qu'un despit face naistre mes pleurs,

Soit qu'un refus mes playes renouvelle.

Ainsi le miel de sa douce beauté

Nourrit mon cœur : ainsi sa cruauté

D'un fiel amer aigrist toute ma vie :

Ainsi repeu d'un si divers repas,

Ores je vis, ores je ne vy pas,

Egal au sort des freres d'Oebalie.

Love, o Love, my mistress is so beautiful!

Whether I look on her eyes, which rule me,

Or the grace and beauty of her forehead,

Or the crimson of her twin lips.

Love, o Love, my mistress is so cruel!

Whether her disdain enmeshes me in sadness,

Or her spite makes my tears well up,

Or her refusal renews my pleas.

Thus the honey of her soft beauty

Feeds my heart: and thus her cruelty

Embitters my whole life with acrid gall;

Thus, fed on such varied food

Sometimes I live, sometimes not,

Just like the fate of the brothers from Oebale.

50

Cent fois le jour esbahi je repense,

Que c'est qu'Amour, quelle humeur l'entretient,

Quel est son arc, et quelle place il tient

Dedans nos coeurs, et quelle est son essence.

Je cognoy bien des astres l'influence,

Comme la mer tousjours fuit et revient,

Comme en son tout le monde se contient :

Seule me fuit d'Amour la cognoissance.

Je suis certain qu'il est un puissant Dieu,

Et que, mobile, ores il prend son lieu

Dedans mon cœur, et ores dans mes veines :

Que de nature il ne fait jamais bien,

Qu'il porte un fruit dont le goust ne vault rien,

Et duquel l'arbre est tout chargé de peines.

A hundred times a day, dumbfounded I consider

What Love is, what mood occupies him,

What bow he uses, and what place he holds

Within our hearts, and what is his essence.

I understand well the influence of the stars,

How the sea continually recedes and returns,

How within its all the world contains itself:

Only the understanding of Love escapes me.

I'm certain that he is a powerful god,

And that, always on the move, sometimes his place is

Within my heart, sometimes in my veins:

That by his nature he never does good,

That he bears a fruit whose taste is worthless,

And whose tree burgeons with troubles.

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Mille vrayment, et mille voudroyent bien,

Et mille encor ma guerriere Cassandre,

Qu’en te laissant je me voulusse rendre

Franc de ton reth, pour vivre en leur lien.

Las ! mais mon cœur, ainçois qui n’est plus mien,

En autre part ne sçauroit plus entendre.

Tu es la Dame, et mieux voudroit attendre

Dix mille morts, qu’il fust autre que tien.

Tant que la rose en l’espine naistra,

Tant que d’humeur le Printemps se paistra,

Tant que les Cerfs aimeront les ramées,

Et tant qu’Amour se nourrira de pleurs,

Tousjours au cœur ton nom et tes valeurs,

Et tes beautez me seront imprimées.

Truly a thousand [ladies], and another thousand,

And a thousand more, my warlike Cassandre,

Would like me to wish to be free of your net

And, leaving you, to live in their bonds.

Alas, my heart, which is no longer mine,

Cannot now pay attention elsewhere.

You are its Lady, and it would rather await

Ten thousand deaths than be anyone’s but yours.

As the rose is born from the thorn,

As Spring feeds on moisture,

As stags love branches,

As Love is nourished by tears,

So will your name and your worth

And your beauties be always imprinted on my heart.

52

Avant qu’Amour du Chaos ocieux

Ouvrist le sein qui couvoit la lumiere,

Avec la terre, avec l’onde premiere,

Sans art sans forme estoyent broüillez les Cieux.

Tel mon esprit à rien industrieux,

Dedans mon corps, lourde et grosse matiere,

Erroit sans forme et sans figure entiere,

Quand l’arc d’Amour le perça par tes yeux.

Amour rendit ma nature parfaite,

Pure par luy mon essence s’est faite,

Il me donna la vie et le pouvoir,

Il eschaufa tout mon sang de la flame,

Et m’agitant de son vol feit mouvoir

Avecques luy mes pensers et mon âme.

Before Love opened unproductive Chaos’s

Breast which coveted the light,

Together with the earth and the first waves

The heavens were confused, without art or form.

Just so my spirit, working at nothing,

Was wandering within my body, that heavy and gross matter,

Shapeless and entirely without form,

When Love’s arrow wounded it through your eyes.

Love made my nature perfected,

My essence was made pure by him,

He gave me life and power.

He warmed my blood with his fire,

And stirring me by his flight made

My thoughts and soul move with him.

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J’ai veu tomber (ô prompte inimitié)

En sa verdeur mon esperance à terre,

Non de rocher, mais tendre comme verre

Et mes desirs rompre par la moitié.

Dame, où le Ciel logea mon amitié,

Et dont la main toute ma vie enserre,

Pour un flateur tu me fais trop de guerre,

Privant mon cœur de ta douce pitié.

Or s’il te plaist, fay moy languir en peine :

Tant que la mort me de-nerve et de-veine

Je seray tien. Et plus-tost le Chaos

Se troublera de sa noise ancienne,

Qu’autre beauté qu’autre amour que la tienne,

Sous autre joug me captive le dos.

I saw my hope (o ever-ready enmity)

Fall to earth in its green youth,

Not like a rock but fragile like glass,

And half-shatter my desires.

My Lady, in whom heaven placed my love

And whose hand holds all my life,

As if I were a flatterer you make war on me

Depriving my heart of your sweet pity.

Well, if you wish, make me languish in pain;

Until death un-nerves and un-veins me

I shall be yours. Or perhaps Chaos

Will take up again his ancient quarrel

So that another beauty, another love than yours

Will keep my back beneath its yoke.

54

O doux parler dont les mots doucereux

Sont engravez au fond de ma memoire :

O front, d’Amour le Trofée et la gloire,

O doux souris, ô baisers savoureux :

O cheveux d’or, ô coutaux plantureux,

De lis, d’œillets, de porfyre, et d’yvoire :

O feux jumeaux d’où le Ciel me fit boire

A si longs traits le venin amoureux :

O dents, plustost blanches perles encloses,

Lévres, rubis, entre-rangez de roses,

O voix qui peux adoucir un Lion,

Dont le doux chant l’oreille me vient poindre :

O corps parfait, de tes beautez la moindre

Merite seule un siege d’Ilion.

O sweet speech whose soft words

Are engraved deep in my memory;

O brow, the trophy and glory of Love;

O sweet smile, and sweet-tassting kisses;

O golden hair, o bounteous hills

Of lilies and pinks, of porphyry and ivory;

O twin fires from which Heaven made me drink

Such long draughts of love’s poison;

O teeth, or rather a row of white pearls.

Rubies for lips, interspersed with roses,

O voice which could tame a lion,

Whose sweet song has just come to my ear;

O perfect form, the least of your beauties

Alone would justify the siege of Troy.

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Verray-je point le saison qui m’apporte

Ou trève ou paix, ou la vie ou la mort,

Pour edenter le souci qui me mord

Le cœur rongé d’une lime si forte ?

Verray-je point que ma Naiade sorte

D’entre les flots pour m’enseigner le port ?

Viendray-je point ainsi qu’Ulysse à bort,

Ayant au flanc son linge pour escorte ?

Verray-je point ces clairs astres jumeaux,

En ma faveur ainsi que deux flambeaux

Monstrer leur flame à ma carene lasse ?

Verray-je point tant de vents s’accorder,

Et doucement mon navire aborder,

Comme il souloit au havre de sa grace ?

Shall I never see the moment which will bring me

A truce or peace, life or death,

To make toothless the pain which eats away

At my heart, worn down by so strong a file?

Shall I never see my Naiad leave

The waves to show me the way to harbour?

Shall I never come like Ulysses to shore,

Escorted by her scarf at his side?

Shall I never see those bright twin stars

Help me like twin torches,

By showing their flames to my weary ship?

Shall I never see such winds blowing favourably,

And softly bringing my ship

By their favour to its accustomed harbour?

56

Quel sort malin, quel astre me fit estre

Jeune et si fol, et de malheur si plein ?

Quel destin fit que tousjours je me plain

De la rigueur d’un trop rigoureux maistre ?

Quelle des Sœurs à l’heure de mon estre

Pour mon malheur noircit mon fil humain ?

Quel des Démons m’eschauffant en son sein,

En lieu de laict, de soin me fit repaistre ?

Heureux les corps dont la terre a les os !

Bien-heureux ceux que la nuit du Chaos

Presse au giron de sa masse brutale !

Sans sentiment, leur repos est heureux :

Que suis-je, las ! moy chetif amoureux,

Pour trop sentir, qu’un Sisyphe ou Tantale ?

What malign fate, what star made me

Young and so foolish, and so full of misfortune?

What destiny made me always complain

Of the harshness of a too-strict master?

Which of the Sisters at the time of my creation

Blackened the thread of my life to my misfortune?

Which of the Demons, warming me at his breast,

Fed me with hard care in place of milk?

Fortunate those corpses whose bones are in the earth!

So fortunate those whom the night of Chaos

Presses to the bosom of his rough form!

This is not sentiment: their rest is happy;

But I, alas, the wretched lover – what am I

From having too much feeling, but Sisyphus or Tantalus?

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Divin Bellay, dont les nombreuses lois

Par un ardeur du peuple separée,

Ont revestu l’enfant de Cytherée

D’arcs, de flambeaux, de traits, et de carquois :

Si le doux feu dont jeune tu ardois,

Enflambe encor ta poitrine sacrée,

Si ton oreille encore se recrée,

D’ouir les plaints des amoureuses vois :

Oy ton Ronsard qui sanglote et lamente,

Pâle de peur, pendu sur la tourmente,

Croizant en vain ses mains devers les Cieux,

En fraile nef, sans mast, voile ne rame,

Et loin du havre où pour astre Madame

Me conduisoit du Fare de ses yeux.

Divine Bellay, whom numerous statutes

For your ardour distinct from the norm

Have invested as the son of Venus

With bows, torches, arrows and quiver;

If the soft fire with which you burned when young

Still flames within your holy breast,

If your ear still enjoys

Hearing the woes of lovers’ tongues;

Then hear your Ronsard, who sobs and weeps,

Pale with fear, suspended in torment,

Holding his hands up in vain to Heaven,

In a frail ship without mast, sail or oar,

Far from the harbour where, like a star, my Lady

Leads me with the beacon of her eyes.

58

Quand le Soleil à chef renversé plonge

Son char doré dans le sein du vieillard,

Et que la nuit un bandeau sommeillard

Mouillé d’oubly dessus nos yeux alonge :

Amour adonc qui sape mine et ronge

De ma raison le chancellant rempart,

Comme un guerrier en diligence part,

Armant son camp des ombres et du songe.

Lors ma raison, et lors ce Dieu cruel,

Seuls per à per d’un choc continuel

Vont redoublant mille escarmouches fortes :

Si bien qu’Amour n’en seroit le veinqueur

Sans mes pensers qui luy ouvrent les portes,

Tant mes soudars sont traistres à mon cueur.

When the Sun head-first plunges

His golden chariot into the lap of the Old Man [of the Sea],

And night puts its sleep-bringing bandage,

Soaked in forgetfulness, over our eyes;

Then, Love which saps and mines and corrodes

The tottering rampart of my reason

Like a warrior sets out in haste,

Arming his troops with shadows and dreams.

Then my reason and that cruel god,

In single combat, equally-matched, with continuous charges

Double and redouble thousands of tough skirmishes;

So well, that Love will not be the victor

Unless my thoughts open the gates to him,

For thus my own troops are traitors to my heart.

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Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit

Du froid hyver la poignante gelée,

Pour mieux brouter la fueille emmiëlée,

Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit :

Et seul, et seur, loin des chiens et de bruit,

Or’ sur un mont, or’ dans une valée,

Or’ pres d’une onde à l’escart recelée,

Libre, folastre où son pié le conduit :

De rets ne d’arc sa liberté n’a crainte

Sinon alors que sa vie est attainte

D’un trait meurtrier empourpré de son sang.

Ainsi j’alloy sans espoir de dommage,

Le jour qu’un œil sur l’Avril de mon âge

Tira d’un coup mille traits en mon flanc.

As a buck, when spring destroys

The sharp frosts of cold winter,

To graze better on the honeyed foliage

Will escape from the woods at Dawn:

And alone and safe, far from dogs and noise,

On a hill, or in a valley,

Or near some water hidden some way off,

Free, frolicking where his feet take him;

His freedom fears no nets or bows

Until that moment when his life is taken

By a fatal wound purpled with his blood;

Just so, I had no expectation of harm

On that day in the April of my years when her eye

Shot with one dart a thousand wounds into my flank.

60

Ny voir flamber au poinct du jour les roses,

Ny liz plantez sur le bord d’un ruisseau,

Ny son de luth, ny ramage d’oyseau,

Ny dedans l’or les gemmes bien encloses,

Ny des Zephyrs les gorgettes décloses,

Ny sur la mer le ronfler d’un vaisseau,

Ny bal de Nymphe au gazouillis de l’eau,

Ny voir fleurir au printems toutes choses,

Ny camp armé de lances hérissé,

Ny antre verd de mousse tapissé,

Ny des forests les cymes qui se pressent,

Ny des rochers le silence sacré,

Tant de plaisir ne me donnent qu’un Pré,

Où sans espoir mes esperances paissent.

Not seeing roses on fire at the break of day,

Nor lilies planted on the bank of a stream,

Nor the sound of the lute, the warbling of birds,

Nor jewels well-set in gold,

Nor the open throat of the Zephyr [west wind],

Nor the creaking of a ship on the sea,

Nor the dance of Nymphs to the babbling of the water,

Nor seeing everything blossom in spring,

Nor an armed camp bristling with spears,

Nor a cave carpeted with green moss,

Nor the close-packed treetops in the forest,

Nor the sacred silence of the rocks –

None give me as much pleasure as that Meadow

Where my hopes feed without expectation.

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Dedans un pré je veis une Naïade,

Qui comme fleur marchoit dessus les fleurs,

Et mignotoit un bouquet de couleurs,

Echevelee en simple verdugade.

De son regard ma raison fut malade,

Mon front pensif, mes yeux chargez de pleurs,

Mon cœur transi : tel amas de douleurs

En ma franchise imprima son œillade.

Là je senty dedans mes yeux couler

Un doux venin, subtil à se mesler

Où l’ame sent une douleur extrème.

Pour ma santé je n’ay point immolé

Bœufs ny brebis, mais je me suis brulé

Au feu d’Amour, victime de moy-mesme.

Within a meadow I saw a Naiad

Who like a flower walked upon the flowers

And cosseted a bouquet of colours,

Half-dressed in just her petticoat.

At her look my reason became sick,

My brow thoughtful, my eyes full of tears,

My heart pierced; such a mass of ills

Her glance imprinted on my freedom.

There I felt running into my eyes

A sweet poison, subtly in-mixing itself

Where my soul felt extreme pain.

I have sacrificed no burnt-offerings of oxen or sheep

For my health, but rather have burned myself

On the altar of Love, my own victim.

62

Quand ces beaux yeux jugeront que je meure,

Avant mes jours me bannissant là bas,

Et que la Parque aura porté mes pas

A l’autre bord de la rive meilleure :

Antres et prez, et vous forests, à l’heure,

Pleurant mon mal, ne me dédaignez pas :

Ains donnez moy sous l’ombre de vos bras,

Une eternelle et paisible demeure.

Puisse avenir qu’un poëte amoureux,

Ayant pitié de mon sort malheureux,

Dans un cyprès note cet epigramme :

CI DESSOUS GIST UN AMANT VANDOMOIS

QUE LA DOULEUR TUA DEDANS CE BOIS

POUR AIMER TROP LES BEAUX YEUX DE SA DAME.

When those fair eyes determine I shall die,

Banishing me down below before my time,

And when Fate has borne my steps

To the far bank of that better river;

Then, caves and meadows and forests, then

Weeping over my misfortune, do not scorn me,

But give me in the shade of your arms

Eternal and peaceful rest.

And may a poet in love,

Pitying my unhappy fate,

Place this epigram on a cypress:

BENEATH HERE LIES A LOVER FROM VENDOME

KILLED BY GRIEF WITHIN THESE WOODS

FOR LOVING TOO MUCH HIS LADY’S FAIR EYES.

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63

Qui voudra voir dedans une jeunesse

La beauté jointe avec la chasteté,

L’humble douceur, la grave majesté,

Toutes vertus et toute gentilesse;

Qui voudra voir les yeux d’une Deesse

Et de nos ans la seule nouveauté,

De ceste Dame oeillade la beauté,

Que le vulgaire appelle ma maistresse :

Il apprendra comme Amour rit et mord,

Comme il guarit, comme il donne la mort,

Puis il dira, Quelle estrange nouvelle !

Du ciel la terre empruntoit sa beauté,

La terre au ciel a maintenant osté

La beauté mesme, ayant chose si belle.

Whoever would like to see within one young lady

Beauty joined with chastity,

Soft humility, grave majesty,

All virtues and all nobility;

Whoever would like to see the eyes of a goddess

And the only novelty of our times;

Let him cast his eye on the beauty of this lady

Whom the common folk call my mistress.

He will learn how love smiles and bites,

How it heals and how it gives death;

Then he will say: “What a strange thing!

From heaven, earth borrowed its beauty;

But the earth now has taken away from heaven

Beauty itself, having such a beautiful thing [upon it].”

64

Tant de couleurs l’Arc-en-ciel ne varie

Contre le front du Soleil radieux,

Lors que Junon par un temps pluvieux

Renverse l’eau dont la terre est nourrie :

Ne Jupiter armant sa main marrie

En tant d’éclairs ne fait rougir les cieux,

Lors qu’il punit d’un foudre audacieux

Les monts d’Epire, ou l’orgueil de Carie :

Ny le Soleil ne rayonne si beau

Quand au matin il nous monstre un flambeau

Tout crespu d’or, comme je vy ma Dame

Diversement les beautez accoustrer,

Flamber ses yeux, et claire se monstrer,

Le premier jour qu’elle ravit mon ame.

The rainbow does not range so many colours

On the brow of the radiant sun

When Juno in rainy weather

Pours out the water which nourishes the earth;

Jupiter arming his marring hand

Does not so light up the heavens with his lightning

When he punishes with daring thunder

The mountains of Epirus or the pride of Caria;

The Sun does not shine so beautifully

When in the morning he shows us his fire

Fringed with gold, as I saw my Lady

Variously dress her beauties,

And make her eyes shine and appear so bright,

On the first day that she stole my soul.

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65

Quand j’apperçoy ton beau poil brunissant,

Qui les cheveux des Charites efface,

Et ton bel œil qui le Soleil surpasse,

Et ton beau teint sans fraude rougissant,

A front baissé je pleure gemissant

Dequoy je suis (faulte digne de grace)

Sous les accords de ma ryme si basse,

De tes beautez les honneurs trahissant.

Je connoy bien que je devroy me taire

En t’adorant : mais l’amoureux ulcere

Qui m’ard le cœur, vient ma langue enchanter.

Doncque (mon Tout) si dignement je n’use

L’ancre et la voix à tes graces chanter,

C’est le destin, et non l’art qui m’abuse.

When I see your fair brown locks

Which eclipse the hair of the Graces,

And your fair eye which surpasses the Sun,

And your fair complexion reddened by no artificial means,

With lowered brow I weep, groaning

That I am (though it’s a failing worthy of forgiveness)

Betraying in the rhymes of my poor poetry

The honour due to your beauties.

I fully understand that I should be quiet

As I adore you; but the ulcer of love

Which burns my heart has enchanted my tongue.

So, my All, if I do not worthily use

My ink and my voice to sing your graces,

It is fate not art which leads me astray.

66

Ciel, air et vents, plains et monts découvers,

Tertres vineux et forests verdoyantes,

Rivages torts et sources ondoyantes,

Taillis rasez et vous bocages vers :

Antres moussus à demy-front ouvers,

Prez, boutons, fleurs et herbes rousoyantes,

Vallons bossus et plages blondoyantes,

Et vous rochers, les hostes de mes vers :

Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire,

A ce bel œil Adieu je n’ay sceu dire,

Qui pres et loin me detient en esmoy,

Je vous supply, Ciel, air, vents, monts et plaines,

Taillis, forests, rivages et fontaines,

Antres, prez, fleurs, dites-le luy pour moy.

Heaven, air and winds, plains and exposed mountains,

Vine-covered hills and verdant forests,

Winding rivers and flowing springs,

Well-tended groves, and you green woods;

Mossy caves with half-open mouths,

Meadows, buds, flowers and bedewed grass,

Hills and valleys, white-sanded beaches,

And you rocks, hosts to my singing:

Since on parting, gnawed by care and anger,

I could not say Farewell to that fair eye

Which keeps me near or far in anguish,

I beg you – Heaven, air, winds, mountains, plains,

Hills, forests, rivers, founts,

Caves, meadows, flowers – say it to her for me!

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Voyant les yeux de ma maistresse eslüe,

A qui j’ay dit, Seule à mon cœur tu plais,

D’un si doux fruict, Amour, tu me repais,

Que d’autre bien mon ame n’est goulüe.

L’Archer, qui seul les bons esprits englüe,

Et qui ne daigne ailleurs perdre ses traits,

Me fait de peur glacer le sang espais,

Quand je l’advise, ou quand je la salüe.

Non, ce n’est point une peine qu’aimer :

C’est un beau mal, et son feu doux-amer

Plus doucement qu’amerement nous brule.

O moy deux fois, voire trois bien-heureux,

S’ Amour me tue, et si avec Tibulle

J’erre là bas sous le bois amoureux.

When I see the eyes of my chosen mistress,

To whom I said “You alone please my heart”,

You, Love, feed me with so sweet a fruit

That my soul is greedy for no other.

The Archer, who alone snares good spirits

And who does not choose to waste his darts elsewhere,

Makes my dull blood freeze with fear

When I see her, or when I greet her.

No, loving is no kind of trouble;

It is a beautiful illness, and its bittersweet fire

Burns us more gently than bitterly.

Oh I’d be twice, no thrice happy

If love kills me and with Tibullus

I wander down below within the wood of lovers.

68

L’œil qui rendroit le plus barbare appris,

Qui tout orgueil en humblesse détrempe,

Et qui subtil affine de sa trempe

Le plus terrestre et lourd de nos espris,

M’a tellement de ses beautez épris,

Qu’autre beauté dessus mon cœur ne rampe,

Et m’est avis, sans voir un jour la lampe

De ces beaux yeux, que la mort me tient pris.

Cela que l’air est de propre aux oiseaux,

Les bois aux cerfs, et aux poissons les eaux,

Son bel œil m’est. O lumiere enrichie

D’un feu divin qui m’ard si vivement,

Pour me donner l’estre et le mouvement,

Estes-vous pas ma seule Entelechie ?

That eye which teaches the most barbarous,

Which dilutes all pride with humility,

And which subtly purifies with its tempering

The most earthy and heavy of our spirits,

Has so captured me by its beauties

That no other beauty can creep within my heart,

And it is my belief that, if I miss seeing for one day

The light of those fair eyes, Death will take me.

As the air is the right place for birds,

As the woods are for deer, the waters for fish,

So her fair eye is for me. O light enriched

By divine fire, which burns me so fiercely,

Are you not that which gives me being

And movement, my sole Entelechy?

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Quand ma maistresse au monde print naissance,

Honneur, Vertu, Grace, Sçavoir, Beauté,

Eurent debat avec la Chasteté

Qui plus auroit sur elle de puissance.

L’une vouloit en avoir jouïssance,

L’autre vouloit l’avoir de son costé ;

Et le debat immortel eust esté

Sans Jupiter qui fit faire silence.

Filles, dit-il, ce ne seroit raison

Qu’une vertu fust seule en sa maison :

Pource je veux qu’appointement on face:

L’accord fut fait : et plus soudainement

Qu’il ne l’eut dit, toutes également

En son beau cors pour jamais eurent place.

When my mistress was born into the world,

Honour, Virtue, Grace, Knowledge and Beauty

Debated with Chastity

Who should have the greatest power over her.

One wanted to enjoy her,

Another to have her by her side,

And the debate would have lasted for ever

Without Jupiter who made them keep silence.

My daughters, he said, it would not be right

That one virtue alone should be in this dwelling;

For this reason I want us to make the sum;

The agreement was made, and even more suddenly

Than he had said it, they all equally

Had their place in her fair body for ever.

70

De quelle plante, ou de quelle racine,

De quel unguent, ou de quelle liqueur

Oindroy-je bien la playe de mon cœur

Qui d’os en os incurable chemine ?

Ny vers charmez, pierre, ny medecine,

Drogue ny jus ne romproient ma langueur,

Tant je sen moindre et moindre ma vigueur

Ja me trainer en la barque voisine.

Amour, qui sçais des herbes le pouvoir,

Et qui la playe au cœur m’as fait avoir,

Guary mon mal, ton art fay moy cognoistre.

Pres d’Ilion tu blessas Apollon :

J’ay dans le cœur senty mesme aiguillon :

Ne blesse plus l’écholier et le maistre.

With what plant, what root,

What unguent, what potion

Shall I anoint the wound in my heart

Which runs through my bones incurably?

Not magic rhymes, stone nor medicine,

Drug nor juice will defeat my languor,

So much can I feel my strength lessen and lessen,

Already dragging me off into the bark which is nearby.

Love, you know the power of herbs

And you have made this wound in my heart:

Heal my ills, help me understand your arts.

Beside Troy you wounded Apollo;

I have felt the same sting in my heart;

Do not wound again the scholar and the teacher.

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Ja desja Mars ma trompe avoit choisie,

Et dans mes vers ja Francus devisoit :

Sur ma fureur ja sa lance aiguisoit,

Epoinçonnant ma brave poësie :

Ja d’une horreur la Gaule estoit saisie,

Et sous le fer ja Sene tre-luisoit,

Et ja Francus à Paris conduisoit

Le nom Troyen et l’honneur de l’Asie :

Quand l’Archerot emplumé par le dos,

D’un trait certain me playant jusqu’à l’os,

De ses secrets le ministre m’ordonne.

Armes adieu, le Myrte Pafien

Ne cede point au Laurier Delfien,

Quand de sa main Amour mesme le donne.

Now already Mars had outwitted me

And now in my verse Francus was chattering away ;

Now he was sharpening his lance on my passion,

Skewering my bold poetry;

Now Gaul was seized with horror,

The Seine now glinting beneath the blades,

Francus now bringing to Paris

The name of Troy and Asia’s honour;

When the little Archer, feathers on his back,

Wounding me to the bone with a sure dart

Ordained me as minister of his secrets.

Farewell arms! The myrtle of Paphos

Yields nothing to the laurel of Delphi

When Love himself gives it with his own hand.

72

Amour, que n’ay-je en escrivant, la grace

Divine autant que j’ay la volonté ?

Par mes escrits tu serois surmonté,

Vieil enchanteur des vieux rochers de Thrace.

Plus haut encor que Pindare et qu’Horace,

J’appenderois à ta divinité

Un livre faict de telle gravité,

Que du Bellay luy quitteroit la place.

Si vive encor Laure par l’Univers

Ne fuit volant dessus les Thusques vers,

Que nostre siecle heureusement estime,

Comme ton nom, honneur des vers François,

Victorieux des peuples et des Roys,

S’en-voleroit sus l’aisle de ma ryme.

Love, why have I not, as I write, divine

Favour that matches my eagerness?

You would be overcome by my writing,

Ancient enchanter of the ancient rocks of Thrace!

Higher still than Pindar and Horace,

I would add to your divinity in

A book written with such gravity

That du Bellay would make way for it!

Laura does not fly so fleetly through

The world within those Tuscan verses

Which our age happily esteems,

As your name, the honour of French verse,

Victorious over peoples and kings,

Would fly on the the wings of my poetry.

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Pipé d’Amour, ma Circe enchanteresse

Dedans ses fers m’arreste emprisonné,

Non par le goust d’un vin empoisonné,

Non par le jus d’une herbe pecheresse.

Du fin Gregeois l’espée vangeresse,

Et le Moly par Mercure ordonné,

En peu de temps du breuvage donné

Peurent forcer la force charmeresse :

Si qu’à la fin le Dulyche troupeau

Reprint l’honneur de sa premiere peau,

Et sa prudence au-paravant peu caute.

Mais pour mon sens remettre en mon cerveau,

Il me faudroit un Astolphe nouveau,

Tant ma raison est aveugle en sa faute.

Snared by Love, my enchantress, my Circe

Holds me imprisoned within her chains;

She did not use the taste of poisoned wine,

Nor the juice of a sinful herb.

The avenging sword of the wily Greek

And the cure for the enchantment ordained by Mercury

In a short while were able to overpower

The power of the charm in the drink they were given;

So that, in the end, the Dulychean troop

Recovered the honour of its original shape

And its prudence, though formerly so incautious.

But to put my sense back in my brain

I would need a new Astolpho,

So blind is my reason to its failing.

74

Les Elemens et les Astres, à preuve

Ont façonné les rais de mon Soleil,

Vostre œil, Madame, en beauté nompareil,

Qui çà ne là son parangon ne treuve.

Dés l’onde Ibere où le Soleil s’abreuve,

Jusqu’à l’autre onde où il perd le sommeil,

Amour ne voit un miracle pareil,

Sur qui le Ciel tant de ses graces pleuve.

Cet œil premier m’apprit que c’est d’aimer :

Il vint premier tout le cœur m’entamer,

Servant de but à ses fleches dardées.

L’esprit par luy desira la vertu

Pour s’en-voler par un trac non batu

Jusqu’au giron des plus belles Idées.

The Elements and Stars fashioned

Their masterpiece, the rays of my Sun,

Your eyes, my Lady – unequalled in beauty,

Which nowhere find a comparator.

From the Iberian sea where the sun drinks deeply,

To the other sea where he wakes from sleep,

Love sees no like miracle

On which Heaven has rained so many of its graces.

Those eyes first taught me what it is to love;

They first came to break into all my heart,

Which provided the target for their barbed arrows.

Through those eyes, my spirit sought virtue

So that it might fly on some unbeaten track

To the bosom of the finest Ideals.

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Je parangonne à vos yeux ce crystal,

Qui va mirer le meurtrier de mon ame :

Vive par l’air il esclate une flame,

Vos yeux un feu qui m’est saint et fatal.

Heureux miroër, tout ainsi que mon mal

Vient de trop voir la beauté qui m’enflame :

Comme je fay, de trop mirer ma Dame,

Tu languiras d’un sentiment égal.

Et toutes-fois, envieux, je t’admire,

D’aller mirer les beaux yeux où se mire

Amour, dont l’arc dedans est recelé.

Va donq’ miroër, mais sage pren bien garde

Que par ses yeux Amour ne te regarde,

Brulant ta glace ainsi qu’il m’a brulé.

I propose as rival to your eyes this glass

Which [ the murderer of my soul so admires / continually mirrors the

murderer of my soul ]

Brightly through the air its flame flashes,

Your eyes the fire which is to me holy and deadly.

Happy mirror, just as my ills

Come from seeing too much that beauty which inflames me;

So, as I do, from [ mirroring/admiring ] my Lady too much

You will languish from the same feelings.

Yet continually I admire you, envious

That you still [mirror/admire] the fair eyes in which Love

[Regards himself/is mirrored], in which his bow is hidden.

Go then mirror, but wisely take good care

That Love does not look on you through her eyes,

Burning your [ ice/glass ] as he has burned me.

76

Ny les combats des amoureuses nuits,

Ny les plaisirs que les amours conçoivent ,

Ny les faveurs que les amans reçoivent,

Ne valent pas un seul de mes ennuis.

Heureux espoir, par ta faveur je puis

Trouver repos des maux qui me deçoivent,

Et par toy seul mes passions reçoivent

Le doux oubly des tourmens où je suis.

Bienheureux soit mon tourment qui r’empire,

Et le doux joug, sous qui je ne respire :

Bienheureux soit mon penser soucieux :

Bienheureux soit le doux souvenir d’elle,

Et plus heureux le foudre de ses yeux,

Qui cuist ma vie en un feu qui me gelle.

Not the combats of nights of love,

Not the pleasures that acts of love brings,

Not the favours that lovers receive –

None are worth a single one of my troubles.

Happy hope, through your favour I can

Find rest from the evils which deceive me,

And through you alone my passions gain

Sweet forgetfulness of the torments in which I am.

Happy be my torment which again worsens,

And the sweet yoke under which I cannot breathe;

Happy be my anxious thought;

Happy be the sweet memory of her,

And happier the lightning of her eyes,

Which burns my life in a fire which freezes me.

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Le sang fut bien maudit de la Gorgonne face,

Qui premier engendra les serpens venimeux !

Ha ! tu devois, Helene, en marchant dessus eux,

Non écrazer leurs reins mais en perdre la race.

Nous estions l’autre jour en une verte place

Cueillans m’amie et moy des bouquets odoreux :

Un pot de cresme estoit au milieu de nous deux,

Et du laict sur du jonc cailloté comme glace :

Quand un serpent tortu de venin tout couvert,

Par ne sçay quel malheur sortit d’un buisson vert

Contre le pied de celle à qui je fay service,

Tout le cœur me gela, voyant ce monstre infait :

Et lors je m’escriay, pensant qu’il nous eust fait

Moy, un second Orphée et elle une Eurydice.

That blood was truly cursed which, from the Gorgon’s head,

First formed venomous serpents!

Ah, Helen, you should as you walked over them

Not have crushed their guts but destroyed their race.

We were the other day in a green spot,

My love and I, picking sweet-smelling bouquets;

There was a pot of cream between us two

And milk on a reed mat, clotted like ice;

When a twisting serpent all covered in venom

By some ill-chance, leaving a green bush,

Struck the foot of her to whom I make my service;

My heart froze, seeing that wicked beast ;

And then I cried out, thinking that he would have made of us

Me a second Orpheus and her another Eurydice.

78

Petit barbet, que tu es bienheureux,

Si ton bon-heur tu sçavois bien entendre,

D’ainsi ton corps entre ses bras estendre,

Et de dormir en son sein amoureux !

Où moy je vy chetif et langoureux,

Pour sçavoir trop ma fortune comprendre.

Las! pour vouloir en ma jeunesse apprendre

Trop de raisons, je me fis malheureux.

Je voudrois estre un pitaut de village

Sot, sans raison et sans entendement

Ou fagoteur qui travaille au bocage :

Je n’aurois point en amour sentiment,

Le trop d’esprit me cause mon dommage,

Et mon mal vient de trop de iugement.

Little tyke, how fortunate you are,

If only you were able to understand your fortune,

To stretch out your body so between her arms

And to sleep in her lovely bosom!

Whereas I live weak and drooping

From being too well able to understand my fate.

Alas, from wanting in my youth to learn

Too many truths, I have mad myself unhappy.

I’d rather be a peasant in some village,

Drunk, stupid and without understanding,

Or a stick-collector working in the woods;

Then I’d have no sentiment about love.

Too much spirit is what causes me my harm,

And my ills come from too much thinking.

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Si je trespasse entre tes bras, Madame,

Je suis content : aussi ne veux-je avoir

Plus grand honneur au monde, que de me voir

En te baisant, dans ton sein rendre l’ame.

Celuy dont Mars la poictrine renflame

Aille à la guerre ; et d’ans et de pouvoir

Tour furieux, s’esbate à recevoir

En sa poitrine une Espagnole lame :

Moy plus couard, je ne requier sinon

Apres cent ans sans gloire et sans renom

Mourir oisif en ton giron, Cassandre.

Car je me trompe, ou c’est plus de bon-heur,

D’ainsi mourir, que d’avoir tout l’honneur,

Et vivre peu, d’un monarque Alexandre.

If I die in your arms, Madame,

I am happy; and I crave

No greater honour in the world than to see myself

Surrender my soul in your embrace, as I kiss you.

The man whose breast Mars inflames

Can go to war, and all passionate

With years and strength, gambol about till he receives

In his chest a Spanish blade;

I’m more faint-hearted, I don’t want to die, unless it’s

In a hundred years, without glory, without renown,

Dying idly in your lap, Cassandra.

For I fool myself that it’s more fortunate

To die thus, than to have all the honour

Of a king Alexander, but to live only a little.

80

Pour voir ensemble et les champs et le bort,

Où ma guerriere avec mon cœur demeure,

Alme soleil, demain avant ton heure

Monte en ton char et te haste bien fort.

Voicy les champs, où l’amoureux effort

De ses beaux yeux ordonne que je meure

Si doucement, qu’il n’est vie meilleure

Que les soupirs d’une si douce mort !

A costé droit, un peu loin du rivage

Reluist à part l’angelique visage,

Mon seul thresor qu’avarement je veux.

Là ne se voit fonteine ny verdure,

Qui ne remire en elle la figure

De ses beaux yeux et de ses beaux cheveux.

To see together both field and riverbank

Where my warrior-girl stays with my heart,

Dear sun, tomorrow earlier than usual

Jump in your chariot and make great haste.

Here are the fields, where the loving command

Of her fair eyes ordered me to die

So sweetly, that there is no life better

Than the sighs of so sweet a death!

On the right side, a little way from the bank

Her angelic face shines out,

My only treasure, which I greedily desire.

There is no spring or grassy lawn there

Which does not mirror in itself the appearance

Of her fair eyes and her fair hair.

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Pardonne moy, Platon, si je ne cuide

Que sous le rond de la voute des Dieux,

Soit hors du monde, ou au profond des lieux

Que Styx entourne, il n’y ait quelque vuide.

Si l’air est plein en sa voute liquide,

Qui reçoit donc tant de pleurs de mes yeux,

Tant de soupirs que je sanglote aux cieux,

Lors qu’à mon dueil Amour lasche la bride ?

Il est du vague, ou si point il n’en est,

D’un air pressé le comblement ne naist :

Plus-tost le ciel, qui piteux se dispose

A recevoir l’effet de mes douleurs,

De toutes parts se comble de mes pleurs,

Et de mes vers qu’en mourant je compose.

Pardon me, Plato, if i do not believe

That beneath the circle of the Heavens’ vault,

Whether beyond the world or in the depths of the parts

Which Styx surrounds, there is no void [vacuum].

If the air is full in its watery vault,

Where is there room for so many tears from my eyes,

So many sighs which I sob to the heavens,

Since Love gave rein to my grief ?

Is it from emptiness, or if not from there,

From air under pressure, that its full-ness is born?

No: rather heaven, which is pitiful and willing

To receive the effect of my depair,

Is filled in all parts with my tears,

And with my verse which, dying, I compose.

82

Je meurs, Paschal, quand je la voy si belle ,

Le front si beau, et la bouche et les yeux,

Yeux le logis d’Amour victorieux,

Qui m’a blessé d’une fleche nouvelle.

Je n’ay ny sang, ny veine, ny moüelle,

Qui ne se change : et me semble qu’aux cieux

Je suis ravy, assis entre les Dieux,

Quand le bon-heur me conduit aupres d’elle.

Ha ! que ne suis-je en ce monde un grand Roy ?

Elle seroit ma Royne aupres de moy :

Mais n’estant rien il faut que je m’absente

De sa beauté dont je n’ose approcher,

Que d’un regard transformer je ne sente

Mes yeux en fleuve, et mon cœur en rocher.

I die, Paschal, when I see her looking so lovely

Her brow so fine, her lips and eyes,

Her eyes the home of conquering love

Who has wounded me with a new arrow.

I have neither blood nor vein nor marrow

Which is not changed, and it seems that to heaven

I’ve been swept up, sat between the gods,

When good fortune brings me near to her.

O, how am I not a great king in this world?

She should be my queen beside me –

But being nothing I have to take myself away

From her beauty which I dare not approach,

Which with a glance I feel change

My eyes into rivers, my heart into stone.

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Si jamais homme en aimant fut heureux,

Je suis heureux, icy je le confesse,

Fait serviteur d’une belle maistresse

Dont les beaux yeux ne me font malheureux.

D’autre desir je ne suis desireux :

Honneur, beauté, vertus et gentillesse,

Ainsi que fleurs honorent sa jeunesse,

De qui je suis saintement amoureux.

Donc si quelcun veut dire que sa grace

Et sa beauté toutes beautez n’efface,

Et qu’en amour je ne vive contant,

Davant Amour au combat je l’appelle,

Pour luy prouver que mon cœur est constant,

Autant qu’elle est sur toutes la plus belle.

If ever a man was happy in love,

I am happy, here I confess it,

Made the servant of a fair mistress

Whose fair eyes never make me unhappy.

For other desires I am not desirous;

Honour, beauty, virtue and nobility

Like flowers grace her youth,

For which I have a pure and holy love.

So if someone tries to say that her grace

And beauty do not eclipse all other beauties,

And that I am not living content with love,

Before Love himself I shall challenge him to a duel,

To prove to him that my heart is as constant

As she is beyond all others the the most beautiful.

84

Chere maistresse à qui je doy la vie,

Le cœur, le corps, et le sang, et l’esprit,

Voyant tes yeux Amour mesme m’apprit

Toute vertu que depuis j’ai suivie.

Mon cœur ardent d’une amoureuse envie,

Si vivement de tes graces s’éprit,

Qu’au seul regard de tes yeux il comprit

Que peut honneur, amour et courtoisie.

L’homme est de plomb, ou bien il n’a point d’yeux,

Si te voyant il ne voit tous les Cieux

En ta beauté qui n’a point de seconde.

Ta bonne grace un rocher retiendroit :

Et quand sans jour le monde deviendroit,

Ton œil si beau seroit le jour du monde.

Dear mistress, to whom I owe my life,

My heart, my body, my blood, my spirit,

When I saw your eyes Love himself taught me

Every virtue which since then I have pursued.

My heart burning with love’s desire

So swiftly was ravished by your grace

That from a single glance of your eyes it knew

What honour, love and nobility can be.

A man is made of lead, or rather has no eyes

If, in seeing you, he does not see the whole of Heaven

In your beauty, which has no like.

Your good graces would captivate a stone;

And if the world should be without light,

Your eyes – so beautiful! – would be the light of the world.

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Douce beauté qui me tenez le cueur,

Et qui avez durant toute l’année

Dedans vos yeux mon ame emprisonnée,

La faisant vivre en si belle langueur :

Ha ! que ne puis-je atteindre à la hauteur

Du Ciel tyran de nostre destinée ?

Je changerois sa course retournée,

Et mon malheur je mu’rois en bon heur.

Mais estant homme il faut qu’homme j’endure

Du Ciel cruel la violence dure

Qui me commande à mourir pour vos yeux.

Doncques je vien vous presenter, Madame,

Ce nouvel an pour obeïr aux Cieux,

Le cœur, l’esprit, le corps, le sang et l’ame.

Sweet beauty, you who hold my heart

And who have for this whole year

Kept my soul imprisoned within your eyes,

Making it live in such glorious suspense;

Ah! Why can I not reach the heights

Of Heaven, the dictator of our destiny?

I would completely change its course

And convert my sadness into happiness.

But, being a man, I must as a man endure

From cruel Heaven that harsh compulsion

Which orders me to die for your eyes.

So I now come to present to you, my Lady,

Obeying the Heavens at this new year,

My heart, my spirit, my body, my blood and my soul.

86

L’onde et le feu sont de ceste machine

Les deux seigneurs que je sens pleinement,

Seigneurs divins, et qui divinement

Ce faix divin ont chargé sus l’eschine.

Bref toute chose ou terrestre ou divine,

Doit son principe à ces deux seulement :

Tous deux en moy vivent également,

En eux je vy, rien qu’eux je n’imagine.

Aussi de moi il ne sort rien que d’eux,

Et se suivans en moy naissent tous deux :

Car quand mes yeux de trop pleurer j’appaise,

Par un espoir allegeant mes douleurs,

Lors de mon cœur s’exhale une fournaise,

Puis tout soudain recommencent mes pleurs.

Water and fire are the two lords

Of this world; I perceive them everywhere,

God-like lords, who like gods

Have loaded this god-sent burden on our backs.

In short, everything in earth or heaven

Owes its origin to these two alone;

These two live side by side in me,

I live in them, and I can think of nothing but them.

Also, from me comes nothing which is not them,

And pursuing each other in me are they both created;

For when I rest my eyes from too much weeping

By lightening my grief through hope,

From my heart comes the blast of a furnace,

Until suddenly my tears start again.

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87

Si l’escrivain de la Gregeoise armée

Eust veu tes yeux qui serf me tiennent pris,

Les faits de Mars n’eust jamais entrepris,

Et le Duc Grec fust mort sans renommée.

Et si Paris qui veit en la valée

La Cyprienne et d’elle fut épris,

T’eust veu quatriesme, il t’eust donné le pris,

Et sans honneur Venus s’en fust allée.

Mais s’il advient ou par le vueil des Cieux,

Ou par le trait qui sort de tes beaux yeux,

Que d’un haut vers je chante ta conqueste

Et nouveau cygne on m’entende crier,

Il n’y aura ny myrte ny laurier

Digne de toy, ny digne de ma teste.

If the poet of the Grecian army

Had seen your eyes, which hold me bound as a serf,

He would never have undertaken the deeds of Mars [war]

And the Greek general would have died without fame.

And if Paris, who glimpsed in the garden

The Cyprian [Venus] and fell in love with her,

Had seen you as the fourth, he would have given you the prize

And Venus would have left without reward.

But if it happens, by the will of Heaven

Or by the wound given by your fair eyes,

That in fine poetry I sing of your conquest

And like a new swan I am heard singing,

There will be no myrtle or laurel

Worthy of you, nor worthy as my crown.

88

Pour celebrer des astres dévestus

L’heur qui s’escoule en celle qui me lime,

Et pour loüer son esprit qui n’estime

Que le parfait des plus rares vertus,

Et ses regars, ains traits d’amours pointus,

Que son bel œil au fond du cœur m’imprime,

Il me faudroit non l’ardeur de ma ryme,

Mais l’Enthousiasme aiguillon de Pontus.

Il me faudroit une lyre Angevine,

Et un Daurat Sereine Limousine,

Et un Belleau, qui vivant fut mon bien,

De mesmes mœurs d’estude et de jeunesse,

Qui maintenant des morts accroist la presse,

Ayant fini son soir avant le mien.

To celebrate the fortune, stripped from the stars,

Which flows in her who has snared me,

And to praise her spirit, which values

Only perfection among the rarest of virtues,

And her glances, like sharp arrows of love

Which her fair eye lodges deep in my heart,

I would need not the warmth of my poetry

But the Enthusiasm which spurs Pontus.

I would need the lyre of Anjou,

And a Daurat, the Siren of Limoges,

And a Belleau, who was everything good to me while he lived,

With the same habits of study and of youth,

Who now augments the crowd of the dead,

Having finished the evening [of his life] before mine.

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Estre indigent et donner tout le sien,

Se feindre un ris, avoir le cœur en pleinte,

Haïr le vray, aimer la chose feinte,

Posseder tout et ne jouir de rien :

Estre delivre et trainer son lien,

Estre vaillant et couarder de crainte,

Vouloir mourir et vivre par contrainte,

Et sans profit despendre tout son bien :

Avoir tousjours pour un servil hommage

La honte au front, en la main le dommage :

A ses pensers d’un courage hautain

Ourdir sans cesse une nouvelle trame,

Sont les effets qui logent en mon ame

L’espoir douteux et le tourment certain.

To be poor yet give everything you own,

To simulate a smile, while your heart is grieving,

To hate the truth and like dissimulation,

To possess everything and enjoy nothing;

To be freed yet to keep your bonds,

To be brave yet shiver with fear,

To wish to die yet be forced to live,

And profitless to spend all your goods;

To have always, as your slave-like act of homage,

Shame on your brow, loss in your hand ;

In her thoughts, with proud courage,

Endlessly to hear new intrigues:

These are the things which lodge in my heart

Uncertain hope and sure torture.

90

Œil, qui des miens à ton vouloir disposes

Comme un Soleil, le Dieu de ma clairté :

Ris, qui forçant ma douce liberté,

Me transformas en cent metamorfoses :

Larme d’argent, qui mes flammes arroses

Lors que tu feins de me voir mal traité :

Main, qui mon cœur captives arresté,

Emprisonné d’une chaisne de roses :

Je suis tant vostre, et tant l’affection

M’a peint au sang vostre perfection,

Que ny le temps, ny la mort, tant soit forte,

N’empescheront qu’au profond de mon sein

Tousjours gravez en l’ame je ne porte

Un œil, un ris, une larme, une main.

O eyes, which dispose of mine as you wish

Like a sun, the god of my clarity;

O smile which, storming my sweet liberty,

Transformed me into a hundred different forms;

O silvery tear, which waters my flames

As you pretend to see me ill-treated;

O hand, which takes captive my arrested heart

Imprisoned by a chain of roses;

I am so much yours, and affection has painted

Your perfection in my blood so much,

That neither time nor death, strong as they may be,

Will prevent me, in the depths of my breast,

Always graven in my soul, carrying

An eye, a smile, a tear, a hand.

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Si seulement l’image de la chose

Fait à nos yeux la chose concevoir,

Et si mon œil n’a puissance de voir,

Si quelque objet au devant ne s’oppose :

Que ne m’a fait celuy qui tout compose,

Les yeux plus grands, à fin de mieux pouvoir

En leur grandeur, la grandeur recevoir

Du simulachre où ma vie est enclose ?

Certes le Ciel trop ingrat de son bien,

Qui seul la fît, et qui seul veit combien

De sa beauté divine estoit l’idée,

Comme jaloux d’un bien si precieux,

Silla le monde et m’aveugla les yeux,

Pour de luy seul seule estre regardée.

Yes, just the image of a thing

Can make the thing appear to our eyes,

And yet my eye has no power to see

If some object does not stand before it;

Why did he who formed all things not make

My eyes larger, so that I could better

In their largeness perceive the greatness

Of that vision in which my life is bound up?

Indeed Heaven, too sparing of its goodness

Which alone made her, and which alone saw how far

Her divine beauty was the very ideal,

As if jealous of such precious goods,

Blinkered the world and blinded my eyes

So that by heaven alone she only should be seen.

92

Sous le crystal d’une argenteuse rive,

Au mois d’Avril une perle je vy,

Dont la clairté m’a tellement ravy,

Qu’en mon esprit autre penser n’arrive.

Sa rondeur fut d’une blancheur naïve,

Et ses rayons treluisoyent à l’envi :

De l’admirer je ne suis assouvi,

Tant le destin me dit que je la suive.

Cent fois courbé pour la pescher à bas,

D’un cueur ardent je devalay le bras,

Et ja content la perle je tenoye,

Sans un Archer de mon bien envieux,

Qui troubla l’eau et m’esblouit les yeux,

Pour jouïr seul d’une si chere proye.

Beneath the crystal waters of a silvery stream

In April I saw a pearl

Whose brightness so delighted me

That in my spirit no other thought arose.

Its roundness was of a simple whiteness

And its rays shone in competition [with the sun];

I am never satisfied with admiring it

Since fate tells me I must pursue it.

A hundred times prevented from fishing it up,

With eager heart I quickly plunged in my arm

And now happily I would have the pearl

If an Archer, envious of my prize,

Had not stirred up the water and dazzled my eyes

So that he alone could play with such desirable prey.

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Le premier jour du mois de May, Madame,

Dedans le cueur je senti vos beaux yeux

Bruns, doux, courtois, rians, delicieux,

Qui d’un glaçon feroyent naistre une flame.

De leur beau jour le souvenir m’enflame,

Et par penser j’en deviens amoureux.

O de mon cœur les meurtriers bien-heureux !

Vostre vertu je sens jusques en l’ame :

Yeux qui tenez la clef de mon penser,

Maistres de moy, qui peustes offenser

D’un seul regard ma raison toute esmeüe :

Si fort au cœur vostre beauté me poingt,

Que je devois jouïr de vostre veüe

Plus longuement ou bien ne vous voir point.

On the first day of May, my lady,

Within my heart I felt your lovely eyes,

Brown, sweet, courteous, laughing, delicious,

Which with a glance started a fire.

The memory of their lovely light burns me

And in thinking of it I’ve fallen in love with them,

Those sweet murderers of my heart!

I feel your worth down in my soul;

Those eyes which hold the key to my thoughts,

My masters, who can with a single look

Overwhelm my deeply-affected reason.

So strongly your beauty wounds me in the heart

That I must enjoy the sight of you

For longer, or else see you no more.

94

Soit que son or se crespe lentement,

Ou soit qu’il vague en deux glissantes ondes,

Quï çà qui là par le sein vagabondes,

Et sur le col nagent follastrement :

Ou soit qu’un noud illustré richement

De maints rubis et maintes perles rondes,

Serre les flots de ses deux tresses blondes,

Mon cueur se plaist en son contentement.

Quel plaisir est-ce, ainçois quelle merveille,

Quand ses cheveux troussez dessus l’oreille,

D’une Venus imitent la façon ?

Quand d’un bonnet sa teste elle Adonlse,

Et qu’on ne sçait s’elle est fille ou garçon,

Tant sa beauté en tous deux se desguise ?

Whether her golden [hair] curls lightly

Or whether it flows in two gliding waves,

Wandering on her breast here and there

And swimming friskily on her neck;

Or whether a knot, richly decorated

With many rubies and many round pearls,

Holds the stream of her twin blonde tresses,

My heart is satisfied and happy.

What a pleasure it is, rather what a marvel,

When her hair gathered over her ear

Imitates the look of a Venus!

Or when she goes like Adonis with a cap on her head,

And you can’t tell if she’s girl or boy,

Her beauty so fits both.

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De ses cheveux la rousoyante Aurore

Espars en l’air les Indes remplissoit,

Et ja le Ciel à longs traits rougissoit

De maint émail qui le matin decore :

Quand elle veit la Nymphe que j’adore,

Tresser son chef, dont l’or qui jaunissoit,

Le crespe honneur du sien esblouïssoit,

Voire elle-mesme et tout le Ciel encore.

Lors ses cheveux vergongneuse arracha,

Et en pleurant sa face elle cacha,

Tant la beauté mortelle luy ennuie :

Puis en poussant maint soupir en avant,

De ses souspirs fist enfanter un vent,

Sa honte un feu, et ses yeux une pluye.

With her hair rosy Dawn

Filled the East, spreading it in the sky,

And reddened the heavens with long strokes

Of the many glazes which ornament the morning.

When she saw the Nymph whom I adore

Gathering up her hair whose gold, glistening ,

Out-shone Dawn’s own glorious curls,

And indeed Dawn herself and all the heavens too.

Then she jealously tore her hair

And weeping hid her face,

That mortal beauty so annoyed her;

Then with many deep sighs beforehand,

From her sighs was born a wind,

From her shame fire, from her eyes rain.

96

Pren ceste rose aimable comme toy,

Qui sers de rose aux roses les plus belles,

Qui sers de fleur aux fleurs les plus nouvelles,

Dont la senteur me ravist tout de moy.

Pren ceste rose, et ensemble reçoy

Dedans ton sein mon cœur qui n’a point d’ailes :

Il est constant, et cent playes cruelles

N’ont empesché qu’il ne gardast sa foy.

La rose et moy differons d’une chose :

Un Soleil voit naistre et mourir la rose,

Mille Soleils ont veu naistre m’amour,

Dont l’action jamais ne se repose.

Que pleust à Dieu que telle amour enclose

Comme une fleur, ne m’eust duré qu’un jour.

Take this rose, lovely as yourself,

Who are a rose among the prettiest roses,

Who are a flower among the freshest flowers,

Whose scent so entirely delights me.

Take this rose, and with it accept

Into your breast my heart, which has no wings:

It is constant, and a hundred deep wounds

Have not stopped it from keeping faith with you.

The rose and I, we differ in one way:

One day sees the rose born and die

But a thousand days have watched my love born

And it will never rest.

But would to God that this hidden love

Should, like a flower, have lasted me but a day.

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Suivant mes pleurs pleurer vous devriez bien,

Triste maison, pour la fascheuse absence

De ce bel œil qui fut par sa presence

Vostre Soleil, ainçois qui fut le mien.

Las! de quels maux, Amour, et de combien

Un long sejour ma peine recompense !

Quand plein de honte à toute heure je pense,

Qu’en un moment j’ay perdu tout mon bien.

Or adieu donc beauté qui me desdaigne !

Un bois, un roc, un fleuve, une montaigne

Vous pourront bien eslongner de mes yeux :

Mais non du cueur que prompt il ne vous suive,

Et que dans vous plus que dans moy ne vive,

Comme en la part qu’il aime beaucoup mieux.

Following my tears you really ought to weep,

Sad house, for the grievous absence

Of that fair eye which was by its presence

Your Sun, as it was mine.

Alas, with what ills, o Love, and with how many of them

A long wait repays my devotion!

When full of shame all the while I think

That in a moment I’ve lost all my treasure.

So, farewell then, beauty which disdains me!

May a wood, a rock, a river, a mountain

Separate you far from my view:

But not from my heart, which is ready to follow you

And which lives more in you than in me,

As in the one it loves the better.

98

Tout me desplaist, mais rien ne m’est si grief

Qu’estre absenté des beaux yeux de ma Dame

Qui des plaisirs les plus doux de mon ame

En leurs rayon ont emporté la clef.

Un torrent d’eau s’écoule de mon chef :

Et tout rempli de soupirs je me pâme,

Perdant le feu dont la divine flame

Seule guidoit de mes pensers la nef.

Depuis le jour que je senti sa braise,

Autre beauté je n’ay veu qui me plaise,

Ny ne verray : Mais bien puissé-je voir

Qu’avant mourir seulement cette Fere

D’un seul tour d’œil promette un peu d’espoir

Au coup d’Amour, dont je me desespere.

Everything displeases me, but nothing is as painful

As to be [sent] away from the lovely eyes of my lady,

Who in their rays has taken away the key

To the sweetest pleasures of my soul.

A torrent of water flows from my eyes,

And full of sighs I faint

At losing the fire whose divine flame

Alone could pilot the ship of my thoughts.

Since the day when I felt her warmth,

I’ve seen no other beauty which could please me,

Nor shall I. But I wish I could just see

Before dying this proud Beast

With a single glance of her eye promise a little hope

To Love’s wound, of which I despair.

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Jaloux Soleil contre Amour envieux,

Soleil masqué d’une face blesmie,

Qui par trois jours as retenu m’amie

Seule au logis par un temps pluvieux :

Je ne croy plus tant d’amours que les vieux

Chantent de toy : ce n’est que poësie.

S’il eust jadis touché ta fantaisie,

D’un mesme mal, tu serois soucieux.

Par tes rayons à la pointe cornuë,

En ma faveur eusses rompu la nuë,

Faisant d’obscur un temps serein et beau.

Va te cacher, vieil Pastoureau champestre,

Tu n’es pas digne au Ciel d’estre un flambeau,

Mais un Bouvier qui meine les bœufs paistre.

Jealous Sun, envious of Love,

Sun masked behind a pallid appearance,

Who has for three days kept my beloved

Alone at her home through the rainy weather;

I no longer believe so much in the love-stories which the ancients

Sing of you; that’s just poetry.

If it had ever moved your imagination

With a similar pain, you’d have been more caring.

With your sharp-pointed rays

To favour me you’d have burst through the clouds

Making the dimness into fine and fair weather.

Go hide yourself, you old rustic shepherd,

You are not worthy to be a torch for the heavens,

But rather a cowman leading his cows to pasture.

100

Quand je vous voy, ou quand je pense en vous,

D’une frisson tout le cueur me fretille,

Mon sang s’esmeut, et d’un penser fertile

Un autre croist, tant le suget m’est dous.

Je tremble tout de nerfs et de genous :

Comme la cire au feu je me distile :

Ma raison tombe, et ma force inutile

Me laisse froid sans haleine et sans pous.

Je semble au mort qu’en la fosse on devale,

Tant je suis have espouventable et pale,

Voyant mes sens par le mort se muer :

Et toutefois je me plais en ma braise.

D’un mesme mal l’un et l’autre est bien aise,

Moy de mourir, et vous de me tuer.

When I see you, or when I think of you,

My whole heart trembles with a shudder,

My blood riots, and from one fertile thought

Another rises, so sweet is the subject to me.

I tremble all over, in my nerves and in my knees;

Like wax in the fire I melt;

My reason fails, my useless strength

Leaves me cold, without breath or heartbeat.

I seem like a dead man thrown into a ditch,

So colourless and dreadfully pale am I,

Seeing my senses transforming in death;

And still I am happy in my burning.

With the same wrong both one and the other can be comforted –

Me to die, and you to kill me.

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Morne de corps, et plus morne d’espris

Je me trainois dans une masse morte :

Et sans sçavoir combien la Muse apporte

D’honneur aux siens, je l’avois à mespris.

Mais dés le jour que de vous je m’épris,

A la vertu vostre œil me fut escorte,

Et me ravit, voire de telle sorte

Que d’ignorant je devins bien appris.

Doncques mon Tout, si je fay quelque chose,

Si dignement de vos yeux je compose,

Vous me causez vous-mesmes tels effets.

Je pren de vous mes graces plus parfaites :

Vous m’inspirez, et dedans moy vous faites,

Si je fay bien, tout le bien que je fais.

Dreary in body, drearier in spirit,

I dragged myself along in my dead mass;

And not understanding how much honour

The Muse brings her own, I scorned her.

But since the day that with you I fell in love,

Towards Virtue your eye has led me

And delighted me, even to the extent

That, from ignorant, I have become learned.

And so, my All, if I make something,

If worthily of your eyes I compose,

You yourself bring about such results in me.

I take from you my most perfect graces;

You inspire me, and within me you do,

Whenever I do something good, all the good that I do.

102

Par l’œil de l’ame à toute heure je voy

Ceste beauté dedans mon cœur presente :

Ny mont, ny bois, ny fleuve ne m’exente,

Que par pensée elle ne parle à moy.

Dame, qui sçais ma constance et ma foy,

Voy, s’il te plaist, que le temps qui s’absente,

Depuis sept ans en rien ne desaugmente

Le plaisant mal que j’endure pour toy.

De l’endurer lassé je ne suis pas,

Ny ne serois, allassé-je là bas

Pour mille fois en mille corps renaistre.

Mais de mon cœur je suis desja lassé,

Qui me desplaist, et plus ne me peut estre

Cher comme il fut, puis que tu l’as chassé.

Through the eye of my soul, at every moment I see

That beauty present within my heart;

No hill, no wood, no river gives me relief

That in thought she does not speak to me.

My Lady, you know my constancy and faithfulness,

Please see that the time which has gone

Has not, in seven years, in any way reduced

The pleasing pain that I endure for you.

Of enduring it I am not weary,

Nor shall I be, even if after death I was allowed

To be born again a thousand times in a thousand bodies.

But of my heart I am already weary;

It displeases me, and can no longer be to me

Dear as it was, since you hunted it down.

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Sur le sablon la semence j’épan :

Je sonde en vain les abysmes d’un gouffre :

Sans qu’on m’invite à toute heure je m’ouffre,

Et sans loyer mon âge je dépan.

En vœu ma vie à son portrait j’apan :

Devant son feu mon cœur se change en souffre,

Et pour ses yeux ingratement je souffre

Dix mille maux, et d’un ne me repan.

Qui sçauroit bien quelle trampe a ma vie,

D’estre amoureux n’auroit jamais envie.

De chaud de froid je me sens allumer.

Tout mon plaisir est confit d’amertume :

Je vi d’ennuy, de dueil je me consume :

En tel estat je suis pour trop aimer.

On sand I am spreading the seed,

I am sounding in vain the depths of an abyss;

Without being invited, at all hours I present myself,

And without benefit I am expending my years.

With a vow I attach my life to her portrait,

Before her fire my heart is changed into suffering,

And for her eyes I suffer without gratitude

Ten thousand wrongs, and am not sorry for one of them.

He who understood the quality of my life

Would never desire to be in love.

By warmth, by cold, I feel myself aroused;

All my pleasure is mixed with bitterness;

I live in anxiety, by grief I am consumed;

In such a state I am, from loving too much.

104

Devant les yeux nuict et jour me revient

Le saint portrait de l’angelique face :

Soit que j’escrive, ou soit que j’entrelasse

Mes vers au Luth, tousjours il m’en souvient.

Voyez pour Dieu, comme un bel œil me tient

En sa prison, et point ne me delasse :

Comme mon cœur il empestre en sa nasse,

Qui de pensée, à mon dam, l’entretient.

O le grand mal, quand nostre ame est saisie

Des monstres naiz dedans la fantaisie !

Le jugement est tousjours en prison.

Amour trompeur, pourquoy me fais-tu croire

Que la blancheur est une chose noire,

Et que les sens sont plus que la raison !

Before my eyes night and day bring back to me

The saintly image of her angelic face;

Whether I write or interweave

My verses to the [notes of the] lute, always it comes to mind.

See, by heaven, how a fair eye holds me

In its prison, and never lets me relax;

How it entangles in its toils my heart

Which in its thoughts supports it, to my destruction.

Oh what a great evil, when our soul is seized

By monsters born in the imagination!

Our judgement is always in prison.

Love, you deceiver, why do you make me believe

That white is black,

And that the senses are greater than reason!

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105

Apres ton cours je ne haste mes pas

Pour te souiller d’une amour deshonneste :

Demeure donq, le Locrois m’admonneste

Aux bors Gyrez de ne te forcer pas.

Neptune oyant ses blasphemes d’abas,

Luy accabla son impudique teste

D’un grand rocher au fort de la tempeste :

« Le meschant court luy mesme à son trespas. »

Il te voulut le meschant violer,

Lors que la peur te faisoit accoler

Les pieds vangeurs de la Greque Minerve :

Et je ne veux qu’à ton autel offrir

Mon chaste cœur, s’il te plaist de souffrir

Qu’en l’immolant de victime il te serve.

I do not hurry behind you

To soil you with a dishonourable love;

Stay then, the Locrian warns me

At the borders of Gyrea not to compel you.

Neptune hearing his swearing from down in the deeps

Heaped on his shameless head

A great rock in a powerful tempest;

“The wicked man rushes to his own death.”

He wanted – that wicked man – to rape you

When fear made you embrace

The avenging feet of Grecian Minerva;

Yet I wish only to offer at your altar

My chaste heart, if it will please you to allow

It, sacrificed as victim, to serve you.

106

Je suis larron pour vous aimer, Madame :

Si je veux vivre, il faut que j’aille embler

De vos beaux yeux les regars, et troubler

Par mon regard le vostre qui me pâme.

De vos beaux yeux seulement je m’affame,

Tant double force ils ont de me combler

Le cœur de joye, et mes jours redoubler,

Ayant pour vie un seul trait de leur flame.

Un seul regard qu’il vous plaist me lascher,

Me paist trois jours, puis j’en reviens chercher,

Quand du premier la pasture est perdue,

Emblant mon vivre en mon adversité,

Larron forcé de chose defendue,

Non par plaisir, mais par necessité.

I am a thief for loving you, my Lady ;

If I wish to live, I must keep stealing

Glances from your fair eyes, and troubling

With my own that look of yours which make me swoon.

For your fair eyes alone I am hungry,

Such double-strength they have to fill

My heart with joy, and to lengthen my days

With enough to live on from just one touch of their flame.

One single look that you are pleased to throw me

Feeds me for three days, and then I come back to seek another

When the nourishment of the first is gone,

Stealing my living in my troubles,

A thief forced to forbidden things

Not by pleasure but by necessity.

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107

Ravi du nom qui me glace en ardeur,

Me souvenant de ma douce Charite,

Ici je plante une plante d’eslite,

Qui l’esmeraude efface de verdeur.

Tout ornement de royale grandeur,

Beauté sçavoir, honneur, grace et merite,

Sont pour racine à ceste Marguerite

Qui ciel et terre emparfume d’odeur.

Divine, fleur où mon espoir demeure,

La manne tombe et retombe à toute heure

Dessus ton front en tous temps nouvelet:

Jamais de toy la pucelle n’approche,

La mouche à miel, ne la faucille croche,

Ny les ergots d’un folâtre aignelet.

Swept away by the name which freezes me in my ardour,

And recalling my sweet Charity,

Here I plant the pick of plants

Which surpasses the greenness of the emerald.

Every ornament of royal greatness,

Of beauty, knowledge, honour, grace and merit

Are the root of this Marguerite [Daisy]

Which perfumes heaven and earth with its scent.

O divine one, flower in which my hope rests,

Manna falls and falls again at every hour

Upon your brow, renewed all the time.

Never shall a maid approach you,

A fly [seek] your honey, a sickle scythe you down,

Nor the spurs of a gambolling lamb.

108

Depuis le jour que le trait ocieux

Grava ton nom au roc de ma mémoire,

Quand ton regard (où flamboyoit ta gloire)

Me fit sentir le foudre de tes yeux :

Mon cœur attaint d’un éclair rigoureux

Pour eviter ta nouvelle victoire,

S’alla cacher sous tes ondes d’yvoire,

Et sous l’abri de ton chef amoureux.

Là se mocquant de l’aigreur de ma playe,

En seureté par tes cheveux s’égaye,

Tout resjouy des rais de ton flambeau :

Et tellement il aime son hostesse

Que pale et froid sans retourner, me laisse,

Comme un esprit qui fuit de son tombeau.

Since the day when the frustrating blow

Engraved your name on the tablets of my memory,

When your glance, in which your glory dazzled,

Made me feel the thunderbolt of your eyes,

My heart, struck by harsh lightning,

To escape your fresh victory

Went to hide beneath your waves of ivory

And beneath the shelter of your lovely hair.

There, laughing at the bitterness of my wound,

In safety among your locks it grew happy,

Delighted by the rays of your flaming-gold;

And so much does it love its hostess

That it leaves me pale and cold, without returning,

Like a spirit which flees its tomb.

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109

Le mal est grand, le remede est si bref

A ma douleur dont l’aigreur ne s’alente :

Que bas ne haut, dés le bout de la plante

Je n’ay santé jusqu’au sommet du chef.

L’œil qui tenoit de mes pensers la clef,

En lieu de m’estre une estoile drillante

Parmi les flots de l’amour violente,

Contre un despit a fait rompre ma nef.

Le soin meurtrier, soit que je veille ou songe,

Tigre affamé, de mille dents me ronge,

Pinçant mon cœur, mes poumons et mon flanc.

Et le penser importun qui me presse

Comme un vautour affamé, ne me laisse

Second Protée aux despens de mon sang.

The pain is great, the remedy so quick,

For my sadness whose bitterness does not lessen;

So bottom to top, from the sole of my feet

To the top of my head my health is gone.

The eye which holds the key to my thoughts,

Instead of being for me a dazzling star

Amidst the surges of violent love,

On resentment has wrecked my ship.

Murderous grief, whether I wake or dream,

Like a hungry tiger gnaws me with a thousand teeth,

Nipping my heart, my breast, my guts.

And the tiresome thoughts which press around me

Like hungry vultures never leave me,

A second Proteus shedding my blood.

110

Amour, si plus ma fièvre se renforce,

Si plus ton arc tire pour me blesser,

Avant mes jours j’ai crainte de laisser

Le verd fardeau de mon humaine escorce.

Ja de mon cœur je sens moindre la force

Se transmuer, pour sa mort avancer,

Devant le feu de mon ardant penser,

Non en bois verd, mais en poudre d’amorce.

Bien fut pour moy le jour malencontreux,

Où j’avallay le breuvage amoureux,

Qu’à si longs traits me versoit une œillade :

O bien-heureux ! si pour me secourir,

Dés le jour mesme Amour m’eust fait mourir

Sans me tenir si longuement malade.

Love, if my fever grows further,

If your bow shoots again to wound me,

Before my time I fear I’ll leave

The young burden of my mortal husk.

Already I can feel less the strength of my heart –

transforming, to advance its death,

Before the fire of my ardent thoughts

Not into green wood but into the ashes of attraction.

Truly the day was unlucky for me

On which I swallowed the love potion

Which, in such long draughts, her glance poured for me;

How fortunate, if to help me

On that same day Love had made me die

Without keeping me ill for so long.

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Si doux au cœur le souvenir me tente

De la mielleuse et fielleuse saison,

Où je perdi mes sens et ma raison,

Qu’autre plaisir ma peine ne contente.

Je ne veux point en la playe de tante

Qu’Amour me fit pour avoir guerison,

Et ne veux point qu’on m’ouvre la prison,

Pour affranchir autre part mon attente.

Plus que la mort je fuy la liberté,

Tant j’ay grand peur de me voir escarté

Du doux lien qui doucement m’offense,

Et m’est honneur de me voir martyrer,

Sous un espoir quelque jour de tirer

Un seul baiser pour toute recompense.

So sweetly the memory assaults my heart

Of the honey-sweet, bitter-gall season

In which I lost my sense and reason,

That other pleasures cannot soothe my pain.

I have no wish for the wound, insofar as

Love gave me it, to be healed,

And no wish that my prison be opened

To grant my desire freedom in some other place.

More than death I flee liberty,

Such great fear I have of being separated

From the sweet tie which sweetly shocks me,

And it is honour to me to be tortured

In the hope some day of extracting

A single kiss as payment for all.

112

Heureux le jour, l’an, le mois et la place,

L’heure et le temps où vos yeux m’ont tué,

Sinon tué, à tout le moins mué

Comme Meduse, en une froide glace.

Il est bien vray que le trait de ma face

Me reste encor, mais l’esprit deslié

Pour vivre en vous, a son corps oublié,

Me laissant seul comme une froide masse.

Aucunefois quand vous tournez un peu

Vos yeux sur moy, je sens un petit feu

Qui me r’anime et rechauffe les veines :

Et fait au froid quelque petit effort.

Mais vos regars n’allongent que mes peines,

Tant le premier fut cause de ma mort !

Happy the day, the year, the month and place,

The hour and time when your eyes slew me,

Or if not slew, in any case changed [me]

Like Medusa into frozen ice.

It is indeed true that I still have the usual appearance

Of my face, but my spirit is set loose

To live in you, forgotten by its body,

Leaving me alone like a frozen lump.

Every single time when you turn – just slightly –

Your eyes on me, I feel a little fire

Which brings me back to life and warms my veins again;

And makes some small effort against the cold.

But your glances only push back my troubles,

So much was the first [of them] the cause of my death!

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Amour archer toutes ses fleches ront

D’un coup sur moy, et ne me reconforte

D’un seul regard celle pour qui je porte

Le cœur aux yeux, les pensers sur le front.

D’un Soleil part la glace qui me fond,

Et m’esbaïs que ma froideur n’est morte

Au raiz d’un oeil, qui d’une flame accorte

Me fait au cœur un ulcere profond.

En tel estat je voy languir ma vie,

Qu’aux plus chetifs ma langueur porte envie,

Tant le mal croist, et le cœur me defaut :

Mais la douleur qui plus trouble mon ame,

O cruauté ! c’est qu’Amour et madame

Sçavent mon mal, et si ne leur en chaut.

Love the archer fires all his arrows

Suddenly at me, and she does not comfort me

With a single glance, that lady for whom I bear

My heart in my gaze, my feelings in my face.

From her Sun comes the ice which covers me

And it astounds me that my coldness does not die

In the rays of an eye which, with so lively a flame

Makes in my heart a deep wound.

In such a state I see my life pine away

That my pining is keen to be yet weaker,

As my illness grows and my heart gives up;

But the sadness which most troubles my soul,

O cruelty, is that Love and my lady

Know of my ills, and yet are not bothered by them.

114

Je vy ma Nymphe entre cent damoiselles,

Comme un Croissant par les menus flambeaux,

Et de ses yeux plus que les astres beaux

Faire obscurcir la beauté des plus belles.

Dedans son sein les Graces immortelles,

La Gaillardise, et les freres jumeaux,

Alloient volant, comme petits oiseaux

Parmy le verd des branches plus nouvelles.

Le ciel ravy, qui si belle la voit,

Roses et liz et ghirlandes pleuvoit

Tout au rond d’elle, au milieu de la place :

Si qu’en despit de l’hyver froidureux,

Par la vertu de ses yeux amoureux,

Un beau printemps s’engendra de sa face.

I can spot my Nymph among a hundred ladies

Like the crescent moon among those lesser lights

And with her eyes, fairer than the stars,

Eclipsing the beauty of the loveliest.

Within her breast the immortal Graces,

Frivolity, and the twin brothers

Fly like little birds

Among the greenery of young branches.

Delighted heaven, seeing she is so fair

Rains roses, lilies and garlands

All round her in the middle of the place where she is

So that, despite the freezing winter

Through the virtue and power of her loving eyes

A fair spring is born in her face.

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Plus que les Rois, leurs sceptres et leur bien,

J’aime ce front où mon Tyran se jouë,

Et le vermeil de ceste belle jouë,

Qui fait honteux le pourpre Tyrien.

Toutes beautez à mes yeux ne sont rien

Au prix du sein, qui souspirant secoüe

Son gorgerin, sous qui doucement noüe

Un petit flot que Venus diroit sien.

En la façon que Jupiter est aise,

Quand de son chant une Muse l’appaise :

Ainsi je suis de ses chansons épris,

Lors qu’à son luth ses doigts elle embesongne,

Et qu’elle dit le branle de Bourgongne,

Qu’elle disoit le jour que je fus pris.

More than kings, their sceptres and their wealth,

I love that brow with which my tyrant deceives,

And the crimson of that fair cheek

Which puts Tyrian purple to shame.

All beauties are to my eyes nothing

Beside the value of that breast, which sighing shakes

Her pretty throat, under which she sweetly gathers

A little storm which Venus could call her own.

In the way Jupiter is at ease

When with her song a Muse calms him;

Just so I am delighted with her songs,

When at her lute she works her fingers diligently,

And when she sings that Burgundian dance

That she sang the day I fell in love.

116

Ceste beauté de mes yeux adoree,

Qui me fait vivre entre mille trespas,

Couploit mes chiens, et poursuivoit mes pas,

Ainsi qu’Adon, Cyprine la doree :

Quand une ronce en vain enamouree,

Ainsi que moy, du vermeil de ses bras,

En les baisant luy fit couler à bas

Une liqueur de pourpre coloree.

La terre adonc, qui soigneuse receut

Ce sang divin, fertilement conceut

Pareille au sang une rouge fleurette.

Et tout ainsi que d’Helene nâquit

La fleur qui d’elle un beau surnom aquit,

Du nom Cassandre elle eut nom Cassandrette.

That beauty adored by my eyes,

Who makes me live among a thousand deaths,

Put my dogs on a lead and followed my path,

As golden Cyprine [Venus] did Adonis;

When a bramble, vainly enamoured

Like me, from the pink of her arms

As it kissed them made flow down

A precious liquid, purple in colour.

The earth indeed which with concern received

This divine blood in fertility conceived

A little flower, red like the blood.

And just as from Helen was born

The flower which from her acquired its fair name,

From Cassandre’s name this one is called Cassandrette.

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Sur mes vingt ans. pur d’offense et de vice,

Guidé, mal-caut, d’un trop aveugle oiseau,

En jeune sang, en menton damoiseau,

Sain et gaillard je vins à ton service :

Mais, ô cruelle, outré de ta malice,

Je m’en retourne en une vieille peau,

En chef grison, en perte de mon beau :

Tels sont d’Amour les jeux et l’exercice.

Helas, que dy-je ! où veux-je m’en aller ?

D’un autre bien je ne me puis souler.

Comme la caille, Amour, tu me fais estre,

Qui de poison s’engraisse et se repaist.

D’un autre bien je ne me veux repaistre,

Ny vivre ailleurs, tant ta poison me plaist.

At twenty, free of guilt and vice,

Guided incautiously by a purblind bird,

With youthful blood and the first beard on my chin,

Healthy and merry I came into your service;

But, cruel one, sorely provoked by your malice,

I return from it with my skin old,

My hair grey, my handsome looks lost;

Such are Love’s games and exercise.

Alas, what am I saying! Where am I heading?

With no other good thing can I be satisfied.

Love, you make me act like the quail -

Growing fat on poison and living on it.

On no other good thing do I want to live,

Nor live elsewhere, so much does your poison please me.

118

Sans souspirer vivre icy je n’ay peu

Depuis le jour que les yeux de ma Dame

Tous pleins d’amours verserent en mon ame

Le doux venin, dont mon cœur fut repeu.

Ma chere neige, et mon cher et doux feu,

Voyez comment je m’englace et m’enflame ;

Comme la cire aux raions d’une flame

Je me consume, et vous en chaut bien peu.

Il est certain que ma vie est heureuse

De s’écouler joyeuse et douloureuse

Dessous vostre œil, qui jour et nuit me poind.

Mais ce pendant vostre beauté ne pense,

Que l’amitié d’amitié se compense,

Et qu’un amour sans frere ne croist point.

I’ve been unable to live without sighing here

Since the day when my Lady’s eyes,

Filled with love, poured into my soul

Their sweet poison, with which my heart was filled.

My dear snow, my dear sweet fire,

See how I freeze and burn;

Like wax in the heat of a flame

I am consumed, and you care precious little.

Sure it is that my life is fortunate

To be running away in joy and sadness

Beneath your eyes, which day and night wound me.

But yet your beauty does not consider

That love balances itself with love,

And that a love without its twin grows not at all.

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D’Amour ministre, et de perseverance,

Qui jusqu’au fond l’ame peux esmouvoir,

Et qui les yeux d’un aveugle sçavoir,

Et qui les cœurs voiles d’une ignorance :

Va t’en ailleurs chercher ta demeurance,

Va t’en ailleurs quelqu’ autre decevoir :

Je ne veux plus chez moy te recevoir,

Malencontreuse et maudite esperance.

Quand Jupiter, ce Tyran criminel,

Teignit ses mains dans le sang paternel,

Dérobant l’or de la terre où nous sommes,

II te laissa, comme un monstre nouveau,

Seule par force au profond du vaisseau

Que Pandore eut pour decevoir les hommes.

You agent of love and of persistence,

Who can rouse the depths of our souls,

Who can make the eyes of a blind man see,

Who veils hearts with ignorance;

Go elsewhere to look for a residence!

Go elsewhere to deceive some other man!

I no longer want to welcome you at my house,

Unlucky, accursed hope!

When Jupiter, that wicked tyrant,

Dyed his hands with his father’s blood,

Stealing the gold from the earth where we are,

He left you, like some new strange thing,

Just you, forced down at the bottom of the pot

Which Pandora had to deceive men.

120

Franc de raison, esclave de fureur,

Je vay chassant une Fere sauvage,

Or’ sur un mont, or’ le long d’un rivage,

Or’ dans le bois de jeunesse et d’erreur.

J’ay pour ma lesse un long trait de malheur,

J’ay pour limier un violent courage,

J’ay pour mes chiens l’ardeur et le jeune âge,

Et pour piqueurs l’espoir et la douleur.

Mais eux voyans, que plus elle est chassee,

Plus elle fuit d’une course eslancee,

Quittent leur proye : et retournent vers moy

De ma chair propre osant bien leur repaistre.

C’est grand pitié (à mon dam je le voy)

Quand les valets commandent à leur maistre.

Clear of reason, a slave of madness,

I chase and chase a savage Beast

Now over hills, now along riverbanks,

Now in the woods of youth and error.

I have as my leash a long line of misfortunes,

I have as my limed twig violent courage,

I have as my dogs passion and youth,

And as beaters hope and sadness.

But when they see that the more she is pursued,

The more she flees, bounding ahead,

They give up their prey, and return towards me

Daring to feast themselves on my own flesh.

It is a great shame (to my chagrin I see it)

When the servants rule their master.

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Le Ciel ne veut, Dame, que je jouïsse

De ce doux bien que dessert mon devoir :

Aussi ne veux-je, et ne me plaist d’avoir

Sinon du mal en vous faisant service.

Puisqu’il vous plaist que pour vous je languisse,

Je suis heureux, et ne puis recevoir

Plus grand honneur, qu’en vous servant pouvoir

Faire à vos yeux de mon cœur sacrifice.

Donc si ma main, maugré-moy, quelquefois

De l’amour chaste outrepasse les loix,

Dans vostre sein cherchant ce qui m’embraise,

Punissez-la du foudre de vos yeux,

Et la brulez : car j’aime beaucoup mieux

Vivre sans mains, que ma main vous desplaise.

Heaven does not wish me, Lady, to enjoy

This sweet goodness to which my efforts minister;

I too do not wish it, and I am only pleased to have

Instead some ill in doing you service.

Since it pleases you that I pine for you

I am glad, and cannot receive

Any greater honour than in serving you to be able

To make sacrifice of my heart to your eyes.

So if my hand despite myself sometimes

Goes further than the chaste laws of love allow

Seeking in your breast that which enflames me,

Punish it with the lightning of your eyes

And burn it; for I far prefer

To live without hands, than that my hand should displease.

122

Bien que six ans soyent ja coulez arriere

Depuis le jour qu’Amour d’un poignant trait

Au fond du cœur m’engrava le portrait

D’une humble-fiere, et fiere-humble guerriere :

Si suis-je heureux d’avoir veu la lumiere

En ces ans tards, où vit le beau portrait

De sa beauté, qui mon esprit attrait

Pour prendre au ciel une belle carriere.

Le seul Avril de son jeune printemps

En-dore, em-perle, en-frange nostre temps,

Qui n’a cogneu les vertus de ma belle,

Ny la splendeur qui reluist en ses yeux.

Seul je l’ay veuë : aussi je meurs pour elle,

Et plus grand heur ne m’ont donné les cieux.

Although six years have already flowed by

Since the day that Love, with a searching blow,

In the depths of my heart engraved the portrait

Of a humbly-proud, proudly-humble warrior-maid;

Yet still I am happy to have seen the light

In these late years, in which the fair portrait

Of her beauty is alive, which draws my spirit

To take to heaven its fair journey.

The one April of her young spring

Endows our time with gold, with pearls, with rich decorations,

Though it has not recognised the virtues of my fair lady,

Nor the splendour which shines out in her eyes.

I alone have seen her: too, I am dying for her,

And greater happiness have the heavens not given me.

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Si ce grand Prince artizan de la lyre,

Qui va bornant aux Indes son réveil,

Ains qui d’un œil mal appris au sommeil

Deçà delà toutes choses remire,

Lamente encor pour le bien où j’aspire,

Ne suis-je heureux, puis que le trait pareil,

Qui d’outre en outre entama le Soleil,

Mon cœur entame à semblable martyre ?

Certes mon mal contente mon plaisir,

D’avoir osé pour compaignon choisir

Un si grand Dieu : ainsi par la campaigne

Le bœuf courbé dessous le joug pesant,

Traine le faix plus leger et plaisant,

Quand son travail d’un autre s’accompaigne.

If that great Prince [Apollo], expert on the lyre,

Whose dreams stretch to the borders of the Indies

Just as one who, his eye poorly-fitted for sleep,

On all sides remarks every thing -

If he bewails still the good to which I aspire,

Am I not fortunate, since the same wound

Which cut open the Sun through and through

Cuts open my heart with like suffering?

Indeed my pain makes me content and happy,

That I have dared to select as companion

A god so great; so in the countryside

The ox harnessed under the weighty yoke

Bears the fact more lightly and happily

When his work is accompanied by another’s.

124

Ce petit chien, qui ma maistresse suit,

Et qui jappant ne recognoist personne,

Et cest oiseau, qui ses plaintes resonne,

Au mois d’Avril soupirant toute nuit :

Et la barriere où quand le chaud s’enfuit,

Madame seule en pensant s’arraisonne,

Et ce jardin où son pouce moissonne

Toutes les fleurs que Zephyre produit :

Et ceste dance où la fleche cruelle

M’outre-perça, et la saison nouvelle

Qui tous les ans rafraichist mes douleurs :

Et son œillade, et sa parolle sainte,

Et dans le cœur sa grace que j’ay peinte,

Baignent mes yeux de deux ruisseaux de pleurs.

That little dog which follows my mistress

And yaps, recognising no-one,

And that bird which sings its sorrows

Sighing all night through April;

And the fence where, when the day’s heat has gone,

My Lady muses, alone with her thoughts,

And that garden where her fingers gather

All the flowers which Zephyr produces;

And that dance in which the cruel arrow

Pierced me through, and the new season

Which every year renews my pains afresh;

And her glance, and her saint-like speech,

And her grace whose image I carry in my heart –

These bathe my eyes with two streams of tears.

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Du feu d’amour, impatient Roger

(Pipé du fard de magique cautelle)

Pour refroidir ta passion nouvelle,

Tu vins au lict d’Alcine te loger.

Opiniastre à ton feu soulager,

Ore planant, ore noüant sus elle,

Entre les bras d’une Dame si belle,

Tu sceus d’Amour et d’elle te vanger.

En peu de temps le gracieux Zephyre,

D’un vent heureux em-poupant ton navire,

Te fit surgir dans le port amoureux :

Mais quand ma nef de s’aborder est preste,

Tousjours plus loin quelque horrible tempeste

La single en mer, tant je suis malheureux.

From the fire of love, impatient Ruggiero

(Snared by the trickery of some sly magic)

To cool down your new passion

You came to lie on the bed of Alcina.

Determined to assuage your burning,

Now floating, now swimming near her,

Between the arms of a Lady so fair,

You recognised how to avenge yourself on Love and on her.

In a short time the graceful Zephyr,

Filling your sails with a lucky breeze,

Made your love’s port come into view;

But when my ship is ready to come in,

Some awful tempest always drives it

Far off in the sea, so unlucky am I.

126

Je te hay, peuple, et j’en prens à tesmoin

Le Loir, Gastine, et les rives de Braye,

Et la Neuffaune, et la verte saulaye

Que Sabut voit aboutir à son coin.

Là quand tout seul je m’esgare bien loin,

Amour qui parle avecque moy s’essaye

Non de guarir, mais rengreger ma playe

Par les deserts, qui augmentent mon soin.

Là pas-à-pas, Dame, je rememore

Ton front, ta bouche, et les graces encore

De tes beaux yeux trop fideles archers :

Puis figurant ta belle idole feinte

Au clair d’une eau, je sanglote une pleinte,

Qui fait gemir le plus dur des rochers.

I hate you, people, and I call to witness

The Loir, Gastine and the banks of Braye,

And the Neuffaune, and the green willow

Which Sabut sees adjoining its own edge.

There, when all alone I wander afar,

Love as he talks with me attempts

Not to cure but to deepen my wound

In these deserts which increase my cares.

There, step by step, my Lady, I recall

Your brow, your lips, the grace too

Of your fair eyes, too trusty archers!

Then imagining your fair image drawn

In the clear water of a spring, I sob my complaint

Which makes the hardest rocks wail.

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Non, la chaleur de la terre qui fume

Aux jours d’Esté luy crevassant le front :

Non l’Avant-chien, qui tarit jusqu’au fond

Les tiedes eaux, qu’ardant de soif il hume :

Non ce flambeau qui tout ce monde allume

D’un bluetter qui lentement se fond :

Bref, ny l’esté, ny ses fiames ne font

Ce chaud brazier qui mes veines consume.

Vos chastes feux, esprits de vos beaux yeux,

Vos doux esclairs qui rechaufent les cieux,

De mon brazier eternizent la flame :

Et soit Phœbus attelé pour marcher

Devers le Cancre, ou bien devers l’Archer,

Vostre œil me fait un Esté dedans l’ame.

Not the heat of the ground which steams

In the days of summer which cracks its surface;

Not the dog-days which dries up to the very bottom

The warm waters which, burning with thirst, it sucks up;

Not that torch which lights the whole of this world

With a sparkling fire which slowly fades;

In brief, neither the summer nor its fires make

This hot furnace which consumes my veins.

Your chaste fires, spirits of your fair eyes,

Your soft lightning-bolts which warm up the heavens,

These make the flame of my furnace never-ending;

And whether Phoebus was yoked to walk

Beside the Crab, or indeed beside the Archer,

Your eye would make me a summer within my soul.

128

Ny ce coral qui double se compasse,

Sur meinte perle, un thresor d’Orient,

Ny ces beaux lis, qu’Amour en suppliant

Ose baiser, et jamais ne s’en lasse :

Ny ce bel or qui frisé s’entrelasse

En mille nouds crespez folastrement,

Ny ces œillets égalez proprement

Au blanc des liz encharnez dans sa face :

Ny de ce front le beau ciel esclarcy,

Ny le double arc de ce double sourcy,

N’ont à la mort ma vie condemnée :

Seuls les beaux yeux (où le certain Archer

Pour me tuer sa fleche vint cacher)

Devant le soir finissent ma journée.

Not this coral which in double-row is set

On many a pearl, a treasure of the East;

Not these fair lilies which Love, pleading,

Dares to kiss and never tires of;

Not this fine gold which, curling, ties itself

In a thousand knots, twisting and frisking;

Not these pinks, neatly matched

On the white of the lilies embodied in her cheeks;

Not the fine clear sky of her face,

Not the double bow of these double brows –

These have not condemned my life to death;

Solely the fair eyes, in which that sure Archer

Had hidden his dart to kill me,

Before evening have drawn my day to its close.

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129

Di l’un des deux, sans tant me déguiser

Le peu d’amour que ton semblant me porte,

Je ne sçauroy, veu ma peine si forte,

Tant lamenter, ne tant Petrarquiser.

Si tu le veux, que sert de refuser

Ce doux present dont l’espoir me conforte ?

Sinon, pourquoy d’une esperance morte

Me nourris-tu pour tousjours m’abuser ?

L’un de tes yeux dans les enfers me rue,

L’autre plus doux, à l’envy s’esvertue

De me remettre en paradis encor :

Ainsi tes yeux pour causer mon renaistre,

Et puis ma mort, sans cesse me font estre

Or’ un Pollux, et ores un Castor.

Say one or the other, without keeping from me so much

That little love which your pretending brings me;

I am no longer able, in view of this strong pain of mine,

To grieve so much nor act so like Petrarch.

If you are willing, what use is refusing

That sweet gift, the hope of which comforts me?

If not, why do you keep feeding me

With dead hope, always deceiving me?

One of your eyes rushes me into hell,

The other is sweeter, it tries hard in opposition

To place me back in paradise again;

So your eyes, causing my rebirth

And then my death, ceaselessly make me

Now a Pollux, now a Castor.

130

L’an mil cinq cens avec quarante et six,

En ces cheveux une Dame cruelle,

Autant cruelle en mon endroit que belle,

Lia mon cœur de ses cheveux surpris.

Lors je pensoy, comme sot mal appris,

Nay pour souffrir une peine eternelle,

Que les crespons de leur blonde cautelle

Deux ou trois jours sans plus me tiendroient pris.

L’an est passé, et l’autre commence ores

Où je me voy plus que devant encores

Pris dans leurs rets : et quand par fois la mort

Veut deslacer le lien de ma peine,

Amour tousjours pour l’estreindre plus fort,

Flatte mon cœur d’une esperance vaine.

In the year fifteen hundred and forty six,

In these fair locks a cruel Lady –

As cruel to me as she is beautiful –

Bound my heart, caught unawares by her fair locks.

Then I thought, like an ill-taught fool

Born to suffer eternal pain,

That the curls with their cunning blonde-ness

Would hold me for two or three days, no more.

The year is ended, and another is now beginning

In which I see myself still more than before

Caught in their net; and when sometimes death

Seems willing to loose the bond of my pain,

Love always, to grasp it more strongly,

Deceives my heart with empty hope.

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131

A toy chaque an j’ordonne un sacrifice,

Fidele coin, où tremblant et poureux,

Je descouvry le travail langoureox

Que j’endoroy, Dame, en votre service.

Un coin meilleur plus seur et plus propice

A declarer un torment amoureux,

N’est point en Cypre, ou dans les plus heureux

Vergers de Gnide, Amathonte ou d’Eryce.

Eussé-je l’or d’un Prince ambitieux,

Coin, tu serois un temple precieux

Enrichy d’or et de despense grande :

Où les amans par un vœu solennel

Joutant lutant autour de ton autel,

S’immoleroient eux-mesmes pour offrande.

For you I command an annual sacrifice,

Trusty spot, where trembling and poor

I discovered the listless labour

Which I endure, my Lady, in your service.

A better spot, more certain and more favourable

For declaring a lover’s torment,

There is not – in Cyprus, or in the happiest

Orchards of Cnidus, Amathus or Eryx.

Had I the gold of an ambitious Prince,

Little spot, you would become a precious temple

Enriched with gold and great expense,

Where lovers with a solemn vow,

Jousting and fighting around your altar,

Would sacrifice themselves as an offering.

132

Honneur de May, despouille du Printemps,

Bouquet tissu de la main qui me donte,

Dont les beautez aux fleurettes font honte,

Faisant esclorre un Avril en tout temps :

Non pas du nez, mais du cœur je te sens

Et de l’esprit, que ton odeur surmonte :

Et tellement de veine en veine monte,

Que ta senteur embasme tous mes sens.

Sus, baise moy en lieu de nostre amie,

Pren mes souspirs, pren mes pleurs je te prie,

Qui serviront d’animer ta couleur,

(Ainsi ta fleur ne deviendra fanie)

Les pleurs d’humeur, les souspirs de chaleur,

Pour prendre un jour ta racine en ma vie.

Glory of May, spoils of Spring,

Bouquet woven by the hand which masters me,

Whose beauty shames the flower-blooms,

Making April bloom at all seasons;

Not with my nose but with my heart I sense you,

And with my spirit which your perfume overcomes;

And so strongly it rises from vein to vein

That your fragrance perfumes all my senses.

Come then, kiss me in place of my beloved,

Take my sighs, take my tears I beg you;

They will serve to enliven your colour

So that your flower does not fade,

The tears with their dampness, the sighs with their heat,

So that you may for one day plant your root in my life.

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133

Si l’on vous dit qu’Argus est une fable,

Ne le croyez bonne posterité,

Ce n’est pas feinte ains une vérité,

A mon malheur je la sens veritable.

Un autre Argus en deux yeux redoutable,

En corps humain non feint, non inventé,

Espie, aguete, et garde la beauté

Par qui je suis douteux et miserable.

Quand par ses yeux Argus ne la tiendroit,

Tousjours au col mignarde me pendroit,

Je cognois bien sa gentille nature.

Ha ! vray Argus, tant tu me fais gemir,

A mon secours vienne un autre Mercure,

Non pour ta mort, mais bien pour t’endormir.

If they tell you that Argus is a fable

Don’t believe them, o good posterity,

He is not made up, but very truth,

To my misfortune I feel it truly.

Another Argus in two formidable eyes,

In human form, not made up, not invented,

Watches out, stays alert, and guards the beauty

Who makes me doubtful and wretched.

If Argus were not keeping her under his eyes,

She’d always hang, winsome, on my neck –

I know her gentle nature well.

Oh, true Argus, how you make me sigh!

May a second Mercury come to my aid,

Not bringing you death but rather sleep.

134

Je parangonne à ta jeune beauté,

Qui tousjours dure en son printemps nouvelle,

Ce mois d’Avril qui ses fleurs renouvelle

En sa plus gaye et verte nouveauté.

Loin devant toy fuira la cruauté :

Devant luy fuit la saison plus cruelle.

Il est tout beau, ta face est toute belle :

Ferme est son cours, ferme est ta loyauté.

Il peint les bords les forests et les plaines,

Tu peins mes vers d’un bel émail de fleurs :

Des laboureurs il arrose les peines,

D’un vain espoir tu laves mes douleurs :

Du Ciel sur l’herbe il fait tomber les pleurs,

Tu fais sortir de mes yeux deux fontaines.

I propose as rival to your young beauty

Which lasts forever in its own new spring

This month of April which renews the flowers

In their gayest and greenest newness.

Cruelty will flee far from you

Before him [i.e. April] flees the cruellest season;

He is all handsomeness, your face all beauty;

Firm is his course, firm is your loyalty;

He paints the riverbanks, forests and plains,

With a beautiful sprinkling of flowers; you paint my verse with them.

He refreshes the hard work of labourers,

With an empty hope you refresh my sadness;

He makes the tears of Heaven fall on the grass,

You make two springs flow from my eyes.

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135

Douce beauté, meurdriere de ma vie,

En lieu d’un cœur tu portes un rocher :

Tu me fais vif languir et desecher

Passionné d’une amoureuse envie.

Le jeune sang qui d’aimer te convie,

N’a peu de toy la froideur arracher,

Farouche fiere, et qui n’as rien plus cher

Que languir froide, et n’estre point servie.

Appren à vivre, ô fiere en cruauté :

Ne garde point à Pluton ta beauté,

Quelque peu d’aise en aimant il faut prendre.

Il faut tromper doucement le trespas :

Car aussi bien sous la terre là-bas

Sans rien sentir le corps n’est plus que cendre.

Sweet beauty, murderer of my life,

In place of a heart you have a stone;

You make me, though alive, fade away and shrivel up

Impassioned with love’s desire.

The youthful blood which urges you to love

Has not been able to draw off your coldness from you,

Wild and proud one, who hold nothing dearer

Than sitting listlessly and coldly, accepting no service.

Learn to live, proud in your cruelty;

Don’t keep your beauty for Pluto,

You must relax a little in love.

You must sweetly defeat death,

For, too, down there below the earth,

Feeling nothing, the body is nothing but dust.

135a

STANCES

Quand au temple nous serons

Agenouillez, nous ferons

Les devots selon la guise

De ceux qui pour loüer Dieu

Humbles se courbent au lieu

Le plus secret de l’Eglise.

Mais quand au lict nous serons

Entrelassez, nous ferons

Les lascifs selon les guises

Des Amans qui librement

Pratiquent folastrement

Dans les draps cent mignardises.

STANZAS

When we are in the temple [church]

Kneeling, we will look like

The devout, the very image

Of those who, to worship God,

Humbly bow towards the

Most holy part of the church.

But when we are in bed

Entwined, we will look like

The lascivious, the very image

Of lovers who freely

And friskily perform

A hundred little acts of love under the sheets.

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Pourquoy donque quand je veux

Ou mordre tes beaux cheveux,

Ou baiser ta bouche aimee,

Ou toucher à ton beau sein,

Contrefais-tu la nonnain

Dedans un cloistre enfermee ?

Pour qui gardes-tu tes yeux

Et ton sein delicieux,

Ton front, ta lèvre jumelle ?

En veux-tu baiser Pluton

Là bas, apres que Charon

T’aura mise en sa nacelle ?

Apres ton dernier trespas,

Gresle, tu n’auras là bas

Qu’une bouchette blesmie :

Et quand mort je te verrois

Aux Ombres je n’avou’rois

Que jadis tu fus m’amie.

Ton test n’aura plus de peau,

Ny ton visage si beau

N’aura veines ny arteres :

Tu n’auras plus que les dents

Telles qu’on les voit dedans

Les testes des cimeteres.

So why, when I want

To bite your lovely hair

Or to kiss your beloved lips

Or to brush against your lovely breast,

Do you pretend to be a little nun

In an enclosed convent?

For whom are you keeping your eyes

And your delicious breast,

Your brow, your twin lips?

Do you want to kiss Pluto with them

Down below, after Charon

Has taken you into his little boat?

After your eventual death,

Down there you’ll be spindly, with nothing

But a deathly-pale mouth;

And when I’m dead and see you

In the Shades I will not recognise

That you were formerly my beloved.

Your head will no longer have skin on it

Your face – oh so beautiful ! –

Won’t have its veins and arteries;

You will just have teeth left,

Like those you see inside

The skulls in cemeteries.

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Donque tandis que tu vis,

Change, Maistresse, d’avis,

Et ne m’espargne ta bouche :

Incontinent tu mourras,

Lors tu te repentiras

De m’avoir esté farouche.

Ah je meurs ! Ah baise moy !

Ah, Maistresse, approche toy !

Tu fuis comme un Fan qui tremble :

Au-moins souffre que ma main

S’esbate un peu dans ton sein,

Ou plus bas, si bon te semble.

So, while you are alive,

Change your mind, my mistress,

And don’t be sparing with your lips;

All at once you will be dead,

And then you will repent

Of having been shy with me.

I’m dying, so kiss me.

Oh Mistress, come near me.

Like a quaking fawn you flee.

At least allow my hand to rest,

All a-tremble, on your breast,

Or farther down still, if may be.

136

Ce ne sont qu’haims, qu’amorces et qu’apas

De son bel œil qui m’alléche en sa nasse,

Soit qu’elle rie, ou soit qu’elle compasse

Au son du luth le nombre de ses pas.

Une mi-nuit tant de flambeaux n’a pas,

Ny tant de sable en Euripe ne passe,

Que de beautez embellissent sa grace,

Pour qui j’endure un millier de trespas.

Mais le tourment qui desseche ma vie

Est si plaisant, que je n’ay point envie

De m’esloigner de sa douce langueur :

Ains face Amour, que mort encore j’aye

L’aigre-douceur de l amoureuse playe,

Que vif je garde au rocher de mon cœur.

These are just the charms, lures and bait

Of her fair eyes which attract me into her trap

Whether she smiles, or whether she measures

Her steps to the sound of a lute.

Midnight has not so many torches

Nor does so much sand flow through the straits at Euripus

As she has beauties to enhance her grace

For her I endure a thousand deaths.

But the torture which dessicates my life

Is so pleasant that I have no desire

To part from this sweet idleness.

But through Love, when dead I will still have

The bitter-sweetness of love’s wound

Which living I preserve in the stone which is my heart.

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137

Oeil dont l’esclair mes tempestes essuye,

Sourcil, mais ciel de mon cœur gouverneur,

Front estoilé, Trofee à mon Seigneur,

Où son carquois et son arc il estuye :

Gorge de marbre, où la beauté s’appuye,

Menton d’albastre, enrichy de bon heur,

Tetin d’ivoire où se loge l’honneur,

Sein dont l’espoir mes travaux desennuye :

Vous avez tant apasté mon desir,

Que pour souler la faim et mon plaisir,

Cent fois le jour il faut que je vous voye :

Comme un oiseau, qui ne peut sejourner,

Sans sur les bords poissonneux retourner,

Et revoler pour y trouver sa proye.

Eye whose flash wipes away my outbursts,

Eyebrow, the heaven which directs my heart,

Starry brow, trophy for my Lord

Where he hides his quiver and his bow;

Throat of marble where beauty rests,

Alabaster chin enriched with happiness,

Bust of ivory where honour lives,

Breast the hope for which makes light my labours;

You have fed my desire so

As to satisfy my hunger and my pleasure,

And a hundred times a day I have to see you;

Like a bird which cannot rest

Without returning to the fishy banks

And flying again to find there its prey.

138

Hausse ton vol, et d’une aile bien ample,

Forçant des vents l’audace et le pouvoir,

Fay, Denisot, tes plumes émouvoir

Jusques au ciel où les dieux ont leur temple.

Là, d’œil d’Argus leurs deitez contemple,

Contemple aussi leur grace et leur sçavoir,

Et pour ma Dame au parfait concevoir,

Sur les plus beaux fantastique un exemple.

Choisis apres le teint de mille fleurs,

Et les destrampe en l’humeur de mes pleurs,

Que tiedement hors de mon chef je ruë.

Puis attachant ton esprit et tes yeux

Droit au patron desrobé sur les dieux,

Pein, Denisot, la beauté qui me tuë.

Raise higher your flight, and on full wings,

Overcoming the insolence and power of the winds,

Make your feathers, Denisot, move

Right to heaven where the gods have their temple.

There, contemplate their godhead with the eye of Argus,

Contemplate too their grace and wisdom

And, to conceive my Lady to perfection,

Conjure up an idea based on the fairest of them.

After that, select the tint of a thousand flowers,

And soak them in the water of my tears

Which run warm down my face.

Then, fixing your spirit and your eyes

Right on your model, stolen from the gods,

Paint her, Denisot, that beauty who is killing me.

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Ville de Blois, naissance de ma Dame,

Sejour des Roys et de ma volonté,

Où jeune d’ans je me vy surmonté

Par un œil brun qui m’outre-perça l’ame :

Chez toy je pris ceste premiere flame,

Chez toy j’apris que peult la cruauté,

Chez toy je vy ceste fiere beauté,

Dont la memoire encores me r’enflame.

Habite Amour en ta ville à jamais,

Et son carquois, ses lampes, et ses trais

Pendent en toy, le temple de sa gloire :

Puisse-il tousjours tes murailles couver

Dessous son aile, et nud tousjours laver

Son chef crespu dans les eaux de ton Loire.

O town of Blois, the birthplace of my lady,

Resting place of kings and of my wishes,

Where young in years I found myself overcome

By her brown eyes which pierced my soul right through;

In you I received this first fiery love,

In you I learned what cruelty can do,

In you I saw that proud beauty

Whose memory stirs me still.

May Love live within your town forever,

And may his quiver, his torches, his arrows

Hang in you, the temple of his glory;

May he always protect your walls

Beneath his wings and, naked, always wash

His curly head in the waters of your Loire.

140

Heureuse fut l’estoile fortunée,

Qui d’un bon œil ma Maistresse apperceut :

Heureux le bers, et la main qui la sceut

Emmaillotter le jour qu’elle fut née.

Heureuse fut la mammelle en-mannée

De qui le laict premier elle receut :

Et bien-heureux le ventre qui conceut

Telle beauté de tant de dons ornée.

Heureux parens qui eustes cest honneur

De la voir naistre un astre de bon-heur !

Heureux les murs naissance de la belle !

Heureux le fils dont grosse elle sera,

Mais plus heureux celuy qui la fera

Et femme et mere, en lieu d’une pucelle l

Happy was the lucky star

Which recognised my mistress with a favourable look;

Happy the cradle, and the hand which

Swaddled her the day she was born.

Happy was the breast filled with manna,

From which she first drew milk;

And happy the womb which conceived

Such beauty adorned with so many gifts.

Happy parents who had the honour

Of seeing her born, a star of good fortune!

Happy the walls, birthplace of the beauty!

Happy the son with whom she falls pregnant,

But happier he who shall make her

Both wife and mother, instead of a maid!

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L’astre ascendant sous qui je pris naissance,

De son regard ne maistrisoit les Cieux :

Quand je nasquis il estoit dans tes yeux,

Futurs tyrans de mon obeissance.

Mon tout, mon bien, mon heur, ma cognoissance

Vint de ton œil : car pour nous lier mieux,

Tant nous unit son feu presagieux,

Que de nous deux il ne fit qu’une essence.

En toy je suis et tu es seule en moy,

En moy tu vis et je vis dedans toy,

Tant nostre amour est parfaitement ronde.

Ne vivre en toy ce seroit mon trespas.

La pyralide en ce point ne vit pas,

Perdant sa flamme, et le Daufin son onde.

The star ascendant under which I was born

Could rule the heavens with its look;

When I was born it was in your eyes,

The future tyrants over my submission.

My all, my goodness, my fortune, my understanding

Come from your eyes; for, to bind us better,

The omen of their fire so unites us

That of us two it makes but one essence.

In you I am and you are only in me,

In me you live and I live within you,

So perfectly complete is our love.

Not to live in, that would be death to me.

The pyralid in this way cannot live

If it loses its flame, or the dolphin its sea.

142

De ton beau poil en tresses noircissant

Amour ourdit de son arc la ficelle :

Il fit son feu de ta vive etincelle,

Il fit son trait de ton œil brunissant.

Son premier coup me rendoit perissant :

Mais son second de la mort me rappelle,

Qui mon ulcere en santé renouvelle,

Et par son coup le coup va guarissant.

Ainsi jadis sur la poudre Troyenne,

Du soudart Grec la hache Pelienne,

Du Mysien mit la douleur à fin :

Ainsi le trait que ton bel œil me rue,

D’un mesme coup me guarist et me tue.

Hé quelle Parque a filé mon destin !

From your lovely hair, dark in its braids,

Love wove the string of his bow;

He made his fire from your bright spark,

He made his arrow from your brown eyes.

His first blow brought me close to dying;

But his second called me back from death,

It restored to health my wound,

And by its blow cured the blow.

So of old on Trojan soil

The Greek soldier’s Pelian axe

Put an end to the sadness of the Mysian;

And so the wound that your fair eyes flung on me

With the same blow cured me and killed me.

Ah, what Fate has spun my destiny!

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Ce ris plus doux que l’oeuvre d’une abeille,

Ces dents, ainçois deux rempars argentez,

Ces diamans à double ranc plantez

Dans le coral de sa bouche vermeille :

Ce doux parler qui les ames resveille,

Ce chant qui tient mes soucis enchantez,

Et ces deux cieulx sur deux astres antez,

De ma Deesse annoncent la merveille.

Du beau jardin de son jeune printemps,

Naist un parfum, qui le ciel en tous temps

Embasmeroit de ses doulces aleines.

Et de là sort le charme d’une voix,

Qui touts ravis fait sauteler les bois,

Planer les montz, et montaigner les plaines.

This smile, sweeter than bees’ honey

These teeth like two silvery ramparts,

These diamonds planted in double rows

In the coral of her crimson lips,

This sweet speech which re-awakens souls

This song which holds my fears enchanted

And these two heavens above two stars

Announce the miracle which is my Goddess.

From the beautiful garden of her youthful springtime

Is born a perfume, which heaven at all times

Would perfume with its sweet breath.

And from thence issues the magic of a voice

Which makes the woods, completely charmed, jump for joy,

Makes mountains plains, and plains mountains.

144

J’iray tousjours et resuant et songeant

En ceste prée où je vy l’angelette,

Qui d’esperance et de crainte m’allaitte,

Et dans ses yeux mes destins va logeant.

Quel fil de soye en tresses s’allongeant

Ornoit ce jour sa teste nouvelette ?

De quelle rose, et de quelle fleurette

Sa face alloit, comme Iris, se changeant ?

Ce n’estoit point une mortelle femme

Que je vy lors, ny de mortelle dame

Elle n’avoit ny le front ny les yeux.

Donques, Raison, ce ne fut chose estrange

Si je fu pris : c’estoit vrayment un Ange,

Qui pour nous prendre estoit venu des Cieux.

I shall always walk perspiring and dreaming

In that meadow where I saw the sweet angel

Who breast-feeds me with hope and fear,

And who keeps my fortunes in her eyes.

What thread of silk stretching out in braids

That day adorned her sweet fresh head?

With what rose, with what sweet flowers

Did her face, like Iris, keep changing colour?

It was certainly not a mortal lady

Whom I saw then, nor of mortal woman

Did she have the brow nor eyes.

O Reason, it was not therefore so strange

If I was caught; it was truly an angel

Who had come from heaven to capture me.

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J’avois l’esprit tout morne et tout pesant,

Quand je receu du lieu qui me tourmente,

La orenge d’or comme moy jaunissante

Du mesme mal qui nous est si plaisant.

Les Pommes sont de l’Amour le present :

Tu le sçais bien, ô guerriere Atalante,

Et Cydippé qui encor se lamente

De l’escrit d’or qui luy fut si cuisant.

Les Pommes sont de l’Amour le vray signe.

Heureux celuy qui de la pomme est digne !

Tousjours Venus a des pommes au sein.

Depuis Adam desireux nous en sommes :

Tousjours la Grace en a dedans la main :

Et bref l’Amour n’est qu’un beau jeu de pommes

My spirit was so sad and heavy

Until I received from the place of my torment

The golden orange, yellow like myself

With the same illness which is so sweet to me.

Apples are the gift of Love;

You know it well, o Atalanta, warrior-maid,

And Cydippe who still laments

Over the golden writing which burned her so.

Apples are the true sign of Love.

Happy he who is worthy of an apple!

Venus always has apples at her breast.

Since Adam, we desire them;

Grace always holds one in her hand;

In brief, Love is nothing but a pretty game of apples.

146

Tout effroyé je cherche une fonteine

Pour expier un horrible songer,

Qui toute nuict ne m’a faict que ronger

L’ame effroyée au travail de ma peine.

Il me sembloit que ma douce-inhumaine

Crioit, Ami, sauve moy du danger,

A toute force un larron estranger

Par les forests prisonniere m’em-meine.

Lors en sursaut, où me guidoit la vois,

Le fer au poing je brossay dans le bois :

Mais en courant apres la derobée,

Du larron mesme assaillir me suis veu,

Qui me perçant le cœur de mon espée,

M’a fait tomber dans un torrent de feu.

Thoroughly scared, I seek a fountain

To make sacrifice against a frightful dream

Which all night did nothing but gnaw away

My scared soul, afflicting [further] my pains.

It seemed to me that my sweetly-inhuman lady

Cried out “My love, save me from danger!

With all his strength some unknown thief

Is dragging me off, a prisoner, through the forest.”

Then, leaping up, where her voice led me

With sword in hand I pushed my way into the wood;

But running after the ravished lady

I found myself attacked by the thief himself,

Who piercing my heart with my own sword

Caused me to fall into a torrent of fire.

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146a

CHANSON

Ma Dame je n’eusse pensé,

Opiniastre en ma langueur,

Que ton cœur m’eust recompensé

D’une si cruelle rigueur,

Et qu’en lieu de me secourir

Tes beaux yeux m’eussent fait mourir.

Si prevoyant j’eusse apperceu,

Quand je te vy premierement,

Le mal que j’ay depuis receu

Pour aimer trop loyalement,

Mon cœur qui franc avoit vescu,

N’eust pas esté si tost veincu.

Tu fis promettre à tes beaux yeux

Qui seuls me vindrent decevoir,

De me donner encore mieux

Que mon cœur n’esperoit avoir :

Puis comme jalous de mon bien

Ont transformé mon aise en rien.

Si tost que je vy leur beauté,

Amour me força d’un desir

D’assujettir ma loyauté

Sous l’empire de leur plaisir,

Et décocha de leur regard

Contre mon cœur le premier dard.

Ce fut, Dame, ton bel accueil,

Qui pour me faire bien-heureux,

M’ouvrit par la clef de ton œil

Le paradis des Amoureux,

Et fait esclave en si beau lieu,

D’un homme je devins un Dieu.

SONG

My Lady, I would not have thought,

Stubborn in my languishing,

That your heart would have repaid me

With such cruel severity,

And that instead of coming to my aid

Your eyes would have done me to death.

If, looking ahead, I had perceived

When first I saw you

The wrongs which I have since received

From loving too faithfully,

My heart, which had lived free,

Would not have been to quickly overcome.

You promised with your fair eyes

Which came only to deceive me

To give me still better

Than my heart could hope to have;

Then as if envious of my happiness

They transformed my comfort to nothing.

As soon as I saw their beauty,

Love forced me through desire

To make my fidelity subject

To the rule of their pleasure,

And shot from their glance

The first dart into my heart.

It was, my Lady, your fair welcome

Which to make me happy

Opened for me, with the key of your eyes,

The paradise of lovers;

Made a slave in so fair a place,

Instead of a man I became a god.

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Si bien que n’estant plus à moy,

Mais à l’œil qui m’avoit blessé,

Mon cœur en gage de ma foy

A luy mon maistre j’ai laissé,

Où serf si doucement il est

Qu’une autre beauté luy desplaist.

Et bien qu’il souffre jours et nuis

Mainte amoureuse adversité

Le plus cruel de ses ennuis

Luy semble une felicité,

Et ne sçauroit jamais vouloir

Qu’un autre œil le face douloir.

Un grand rocher qui a le doz

Et les pieds tousjours outragez,

Ores des vents, ores des flots

Contre les rives enragez,

N’est point si ferme que mon cueur

Sous l’orage de ta rigueur.

Car luy sans se changer, aimant

Les beaux yeux qui l’ont en-rethé,

Semble du tout au Diamant,

Qui pour garder sa fermeté

Se rompt plustost sous le marteau,

Que se voir tailler de nouveau.

Ainsi ne l’or qui peut tenter,

Ny grace, beauté, ny maintien

Ne sçauroyent dans mon cœur enter

Un autre portrait que le tien,

Et plustost il mourroit d’ennuy,

Que d’en souffrir un autre en luy.

So happily that, no longer being my own

But belonging to the eyes which had struck me,

My heart as pledge of my faithfulness

I left to them, my masters,

Where as a serf so sweetly it rests

That any other beauty displeases it.

And although it suffers night and day

So many a lover’s reverse,

The cruellest of its pains

Seems to it bliss,

And it can never wish

That any other eyes should make it unhappy.

A great rock whose back

And feet are always struck

Now by winds, now by waves

Furiously against the banks,

Is not so firm as my heart

Beneath the storm of your severity.

For he, unchanging, loving

The fair eyes which have netted him,

Seems entirely like the Diamond

Which to maintain its firmness

Would rather break beneath the hammer

Than be cut anew.

Thus, neither gold which can tempt

Nor grace, beauty and bearing

Can place in my heart

Any other picture but your own,

And rather would it die of its troubles

Than suffer any other [picture] in it.

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Il ne faut donc pour empescher

Qu’une autre Dame en ait sa part,

L’environner d’un grand rocher,

Ou d’une fosse, ou d’un rempart :

Amour te l’a si bien conquis,

Que plus il ne peut estre acquis.

Chanson, les estoiles seront

La nuict sans les Cieux allumer,

Et plustost les vents cesseront

De tempester dessus la mer,

Que de ses yeux la cruauté

Puisse amoindrir ma loyauté.

It is not necessary to prevent

Another Lady from having part of it

By encircling it with a great stone [wall]

Or a ditch or rampart;

Love has conquered it so well for you

That it can no longer be bought.

My song, the stars will light

The night without the heavens,

And sooner will the winds cease

Storming over the sea,

Than the cruelty of her eyes

Can lessen my fidelity.

147

Un voile obscur par l’horizon espars

Troubloit le Ciel d’une humeur survenue,

Et l’air crevé, d’une gresle menue

Frappoit à bonds les champs de toutes pars :

Desja Vulcan de ses borgnes soudars

Hastoit les mains à la forge cognüe,

Et Jupiter dans le creux d’une nüe

Armoit sa main de l’esclair de ses dars :

Quand ma Nymphette, en simple verdugade

Cueillant les fleurs, des raiz de son œillade

Essuya l’air gresleux et pluvieux ;

Des vents sortis remprisonna les tropes,

Et fit cesser les marteaux des Cyclopes,

Et de Jupin rasserena les yeux.

A dark gloom, spread along the horizon,

Troubled the sky with its unexpected damps,

And the bursting air suddenly struck

The fields on every side with thin drizzle;

Already Vulcan with his disreputable troop

Was hastily setting to work at his well-known forge,

And Jupiter, in the hollow of a cloud,

Was arming himself with the lightning of his bolts;

When my little nymph, in just her petticoat,

Picking flowers, with a look of her eyes

Swept away the drizzling and rainy air,

Re-imprisoned the whirling of the escaped winds,

Stopped the hammers of the Cyclopes,

And calmed the eyes of Jove again.

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148

En autre lieu les deux flambeaux de celle

Qui m’esclairoit, sont allez faire jour,

Voire un midi, qui d’un ferme sejour

Sans voir la nuict dans les cœurs etincelle.

Hé ! que ne sont et d’une et d’une autre aele

Mes deux costez emplumez à l’entour ?

Haut par le Ciel sous l’escorte d’Amour

Je voleroy comme un Cygne aupres d’elle.

De ses beaux raiz ayant percé le flanc,

J’empourpreroy mes plumes en mon sang,

Pour tesmoigner la peine que j’endure :

Et suis certain que ma triste langueur

Pourroit flechir non seulement son cueur

De mes souspirs, mais une roche dure.

Into another place the two torches of her

Who illuminated me have gone to make it day,

Indeed a midday which firmly stays

Sparkling in men’s hearts without seeing night.

Ah, why with one and another wing

Are my two sides not feathered all round?

High through the sky under Love’s escort

I would fly like a swan after her.

Having pierced my flank with her lovely rays

I would empurple my wings in my blood

To bear witness to the pain I endure;

And I am certain that my sad longing

Would be able to bend to pity not only her heart

With my sighs, but even a hard rock.

149

Si tu ne veux contre Dieu t’irriter,

Escoute moy, ne mets point en arriere

L’humble soupir, enfant de la priere :

La priere est fille de Jupiter.

Quiconque veut la priere eviter,

Jamais n’acheve une jeunesse entiere

Et voit tousjours de son audace fiere

Jusqu’aux enfers l’orgueil precipiter.

Pource orgueilleuse eschappe cet orage,

Dedans mes pleurs attrempe ton courage,

Sois pitoyable, et guaris ma langueur :

Tousjours le Ciel, tousjours l’eau n’est venteuse,

Tousjours ne doit ta beauté dépiteuse

Contre ma playe endurcir sa rigueur.

If you do not wish to become frustrated with God

Listen to me, never overlook

The humble sigh, child of prayer:

Prayer is the daughter of Jupiter.

Whoever wishes to avoid prayer

Never completes the whole of his youth

And, as a result of his proud audacity, always sees

Conceit hurl him down into hell.

Therefore, conceited lady, escape from this tempest,

Steep your courage in my tears,

Be pitiful, cure my longing;

Though sky and sea may always be stormy,

Never should your spiteful beauty

Harden its callous severity towards my wound.

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150

En ce printemps qu’entre mes bras n’arrive

Celle qui tient ma playe en sa verdeur,

Et ma pensée en oisive langueur,

Sur le tapis de ceste herbeuse rive ?

Et que n’est-elle une Nymphe native

De ce bois verd ? par l’ombreuse froideur

Nouveau Sylvain j’alenterois l’ardeur

Du feu qui m’ard d’une flamme trop vive.

Et pourquoy, cieux ! l’arrest de vos destins

Ne m’a faict naistre un de ces Paladins,

Qui seuls portoyent en crope les pucelles ?

Et qui tastant baisant et devisant,

Loin de l’envie et loin du mesdisant,

Par les forests vivoyent avecques elles ?

In this springtime, why does she not come into my arms,

She who keeps my wound fresh

And my thoughts in idle listlessness

On the carpet of this grassy bank?

And why is she not a Nymph, native

Of this green wood? With its shady cool

I, a new Wood-dweller, would retard the heat

Of the fire which burns me with too bright a flame.

And why, heavens, did the judgement of fate

Not make me born one of those Paladins

Who alone carry maidens behind them,

And who – touching, kissing, chatting,

Far from envy and those who speak ill –

Live with them in the forests?

151

Que toute chose en ce monde se muë,

Soit desormais Amour soulé de pleurs,

Des chesnes durs puissent naistre les fleurs,

Au choc des vents l’eau ne soit plus émuë :

Le miel d’un roc contre nature suë,

Soyent du printemps semblables les couleurs,

L’esté soit froid, l’hyver plein de chaleurs,

Pleine de vents ne s’enfle plus la nuë :

Tout soit changé, puis que le nœud si fort

Qui m’estraignoit, et que la seule mort

Devoit trancher, elle a voulu desfaire.

Pourquoy d’Amour mesprises-tu la loy ?

Pourquoy fais-tu ce qui ne se peut faire ?

Pourquoy romps-tu si faussement ta foy ?

Oh, that everything in this world could change,

That Love could from now on be satisfied with tears,

Hard oaks could put forth flowers,

And the sea no longer driven by the winds’ impulse;

Honey – against nature – be exuded by a rock,

All the colours of spring be the same,

The summer cold, the winter full of warmth,

Clouds filled by winds no longer swell up;

That all could be different, since that strong knot

Which chokes me and which death alone

Should cut, she tried to undo.

Why do you scorn Love’s law?

Why are you doing that which cannot be done?

Why are you so falsely breaking your word?

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Lune à l’œil brun, Deesse aux noirs chevaux,

Qui çà qui là qui haut qui bas te tournent,

Et de retours qui jamais ne sejournent,

Trainent ton char eternel en travaux :

A tes desirs les miens ne sont egaux,

Car les amours qui ton ame epoinçonnent,

Et les ardeurs qui la mienne eguillonnent

Divers souhaits desirent à leurs maux.

Toy mignottant ton dormeur de Latmie,

Voudrois tousjours qu’une course endormie

Retint le train de ton char qui s’enfuit :

Mais moy qu’Amour toute la nuict devore,

Depuis le soir je souhaite l’Aurore,

Pour voir le jour, que me celoit ta nuit.

O moon of the brown eyes, o goddess of the dark horses

Which turn one way and another, up and down,

Yet never journey back where they have been,

But draw your eternal chariot as their labour;

With your desires mine are not equal,

For the love which pierces your soul

And the passions which sting my own

Desire different wishes for their ills.

As you pet your sleeper in Latmos

You wish always that a sleeper’s journey

Would restrain the pace of your chariot as it runs away;

But I [wish] that Love would consume the whole night;

From evening onwards I wait for the Dawn

That I may see day which your night conceals from me.

153

Une diverse amoureuse langueur,

Sans se meurir en mon ame verdoye :

Dedans mes yeux une fontaine ondoye,

Un Mongibel fait son feu de mon cueur.

L’un de son chaud l’autre de sa liqueur

Ore me gele et ore me foudroye :

Et l’un et l’autre à son tour me guerroye,

Sans que l’un soit dessus l’autre veinqueur.

Fais, Amour, fais qu’un seul gaigne la place,

Ou bien le feu ou bien la froide glace,

Et par l’un d’eux mets fin à ce debat :

Helas ! Amour, j’ay de mourir envie,

Mais deux venins n’estouffent point la vie,

Tandis que l’un à l’autre se combat.

All kinds of listlessness from love

Grow fresh in my soul without ripening;

Within my eyes a fountain flows,

An Etna makes its fire from my heart.

One with its heat, the other with its moisture

Now freezes me and now overwhelms me;

Both one and the other in their turn make war on me,

Without one being victor over the other.

Let one, Love, let one only win first place,

Whether it’s the fire or whether the icy cold,

And through one of them make an end of this argument;

Alas, Love, I am eager to die

But twin poisons cannot extinguish life

As long as one is fighting the other.

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154

Puis que cest œil, dont l’influence baille

Ses loix aux miens, sur les miens plus ne luit,

L’obscur m’est jour, le jour m’est une nuit,

Tant son absence asprement me travaille.

Le lict me semble un dur champ de bataille,

Rien ne me plaist, toute chose me nuit,

Et ce penser qui me suit et resuit,

Presse mon cœur plus fort qu’une tenaille.

Ja pres du Loir entre cent mille fleurs,

Soulé d’ennuis de regrets et de pleurs,

J ‘eusse mis fin à mon angoisse forte,

Sans quelque Dieu qui mon œil va tournant

Vers le païs où tu es sejournant,

Dont le seul air sans plus me reconforte.

Since that eye, whose influence subjects

My own to its laws, no longer shines on mine,

Darkness is day for me, and day is night,

So bitterly does its absence torment me.

My bed seems to me a hard field of battle,

Nothing pleases me, everything does me harm,

And that thought which pursues me again and again

Assails my heart harder than pincers.

Now near the Loir, among hundreds of thousands of flowers,

Surfeited with troubles, regrets, tears,

I would have made an end to my deep anguish,

Unless some god had turned my eyes

Towards the country where you are staying,

Whose air alone, without anything more, comforts me.

155

Comme le chaud au feste d’Erymanthe,

Ou sus Rhodope, ou sur quelque autre mont

Sur le printemps la froide neige fond

En eau qui fuit par les rochers coulante :

Ainsi tes yeux (soleil qui me tourmente)

Qui cire et neige à leur regard me font,

Frappant les miens, ja distillez les ont

En un ruisseau qui de mes pleurs s’augmente.

Herbes ne fleurs ne sejournent aupres,

Ains des Soucis, des Ifs et des Cypres :

Ny de crystal sa rive ne court pleine.

Les autres eaux par les prez vont roulant,

Mais ceste-ci par mon sein va coulant,

Qui sans tarir s’enfante de ma peine.

Like the heat at the festival of Erymanthus

Or on Rhodope, or some other mountain

In springtime melts the cold snow

Into water which runs off through the rocks;

So your eyes, the sun which torments me,

Which melt me like wax and snow at their glance,

Striking my own have already melted them

Into a river which grows bigger with my tears.

Plants and flowers do not live there,

Except marigolds, yews and cypresses;

Nor does their stream flow full of crystal water.

Other streams roll through the meadows,

But this one flows down my breast

And without slowing is born of my pain.

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156

De soins mordans et de soucis divers

Soit sans repos ta paupiere esveillée,

Ta lévre soit de noir venin moüillée,

Tes cheveux soyent de viperes couvers :

Du sang infet de ces gros lezars vers

Soit ta poitrine et ta gorge soüillée,

Et d’une œillade obliquement rouillée,

Tant que voudras guigne moy de travers,

Tousjours au Ciel je leveray la teste,

Et d’un escrit qui bruit comme tempeste,

Je foudroiray de tes monstres l’effort :

Autant de fois que tu seras leur guide

Pour m’assaillir, ou pour sapper mon Fort

Autant de fois me sentiras Alcide.

With biting cares and varied worries

May your eyelids, without rest, be wakeful;

May your lips be soaked in black poison,

Your hair covered with vipers;

With blood infected by those overweight leprous verses

May your breast and throat be defiled,

And with a crooked and blighted eye

May you, as much as you please, look at me crossways;

I shall always raise my head to heaven

And with my writing which thunders like the tempest

I shall overwhelm your monstrous attempts;

As often as you are their leader

In attacking me, or undermining my fortress,

So often will you find I am an Alcides [Hercules].

157

De la mielleuse et fielleuse pasture,

De qui le nom s’appelle trop aimer

Qui m’est et sucre et riagas amer,

Sans me saouler je pren ma nourriture.

Ce bel œil brun, qui force ma nature,

D’un jeusne tel me fait tant consumer,

Que je ne puis ma faim des-affamer

Qu’au seul regard d’une vaine peinture.

Plus je la voy, moins saouler je m’en puis :

Un vray Narcisse en misere je suis.

Hé qu’Amour est une cruelle chose !

Je cognoy bien qu’il me fera mourir,

Et si ne puis ma douleur secourir,

Tant j’ay sa peste en mes veines enclose.

Of the honey-sweet, bitter-gall food

Whose name is ‘loving too much’,

Which is to me both sugar and bitter arsenic,

I eat without being satisfied.

That fair brown eye which overcomes my nature

Feeds me so much of that kind of meal

That I can no longer un-hunger my hunger

Except only by looking at an empty picture.

The more I see it, the less I can be satisfied;

A true Narcissus in my wretchedness I am.

Ah, how cruel a thing is Love!

I fully understand that it will kill me,

And yet I cannot help my sadness,

So much of its poison is locked up in my veins.

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En m’abusant je me trompe les yeux,

Aimant l’objet d’une figure vaine.

O nouveauté d’une cruelle peine !

O fier destin ! ô malice des Cieux !

Faut-il que moy de moy-mesme envieux,

Pour aimer trop les eaux d’une fonteine,

Que ma raison par les sens incertaine

Cuide en faillant son mal estre son mieux ?

Donques faut-il que le vain de ma face

De membre à membre aneantir me face,

Comme une cire aux raiz de la chaleur ?

Ainsi pleuroit l’amoureux Cephiside,

Quand il sentit dessus le bord humide

De son beau sang naistre une belle fleur.

In deceiving me my eyes are mistaken,

Loving the substance of an empty image.

O the novelty of this cruel pain!

O proud destiny! O malevolence of heaven!

Must it be, being in love with myself

From loving too much the waters of a spring,

That my reason, through my senses uncertain,

Should believe wrongly that its own harm is what’s best for it?

And so, must the empty nothing of my appearance

Make me disappear completely, limb by limb,

Like wax in the rays of the [sun’s] heat?

Thus did Narcissus weep, in love,

When he saw on the moist bank

Created from his fair blood a beautiful flower.

159

En ma douleur, malheureux, je me plais,

Soit quand la nuict les feux du Ciel augmente,

Ou quand l’Aurore en-jonche d’Amaranthe

Le jour meslé d’un long fleurage espais,

D’un joyeux dueil mon esprit je repais :

Et quelque part où seulet je m’absente,

Devant mes yeux je voy tousjours presente

Celle qui cause et ma guerre et ma paix.

Pour l’aimer trop également j’endure

Ore un plaisir, ore une peine dure,

Qui d’ordre egal viennent mon cœur saisir :

Brief, d’un tel miel mon absinthe est si pleine,

Qu’autant me plaist le plaisir que la peine,

La peine autant comme fait le plaisir.

In my sadness, unfortunate, I am content,

Whether at night when heaven’s lamps grow brighter,

Or when Dawn carpets with purple

The day, mingled with a long deep carpet of flowers,

With joyful grief I feed my spirit;

And wherever I go off alone

Before my eyes I see always present

Her who causes both my war and my peace.

For loving her too much, equally I endure

Now pleasure, now harsh pain,

Which in constant succession come and seize my heart;

In short, with such honey is my wormwood so full

That pleasure pleases me as much as pain,

Pain as much as does pleasure.

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160

Or’ que Jupin espoint de sa semence,

Veut enfanter ses enfans bien-aimez,

Et que du chaud de ses reins allumez

L’humide sein de Junon ensemence :

Or’ que la mer, or’ que la vehemence

Des vents fait place aux grans vaisseaux armez,

Et que l’oiseau parmi les bois ramez,

Du Thracien les tançons recommence :

Or’ que les prez et ore que les fleurs

De mille et mille et de mille couleurs

Peignent le sein de la terre si gaye :

Seul et pensif aux rochers plus segrets

D’un cœur muet je conte mes regrets,

Et par les bois je vay celant ma playe.

When Jupiter, aching with his seed,

Wishes to give birth to his well-loved children,

And with the warmth of his heated hips

Sows it in Juno’s moist body;

When the sea and the violence

Of the winds makes space for great armed vessels,

And the bird amongst the branchy woods

Begins again her dispute with the Thracian;

When the meadows and when the flowers

With thousands and thousands and thousands of colours

Paint the earth’s breast so gaily;

[Then,] alone and thoughtful among the most hidden rocks

With silent heart I tell of my regrets,

And within the woods I hide my wound.

160a

MADRIGAL

Que maudit soit le mirouër qui vous mire

Et vous fait estre ainsi fiere en beauté,

Ainsi enfler le cœur de cruauté,

Me refuzant le bien que je desire !

Depuis trois ans pour vos yeux je souspire :

Et si mes pleurs, ma Foy, ma Loyauté

N’ont, ô destin ! de vostre cœur osté

Ce doux orgueil qui cause mon martire.

Et ce-pendant vous ne cognoissez pas

Que ce beau mois et vostre âge se passe,

Comme une fleur qui languit contre-bas,

Et que le temps passé ne se ramasse.

Tandis qu’avez la jeunesse et la grace,

Et le temps propre aux amoureux combas,

Des doux plaisirs ne soyez jamais lasse,

Et sans aimer n’attendez le trespas.

MADRIGAL

Cursed be the mirror which reflects you

And makes you proud in your beauty,

And puffs up your heart with cruelty,

Refusing me the good things I desire!

For three years I have been sighing over your eyes;

And yet my tears, my faithfulness, my loyalty

Have not – o destiny! – lifted from your heart

That sweet pride which causes my suffering.

Nevertheless you do not recognise

That this fair month and your age is passing by

Like a flower which wilts over there,

And that time passed cannot be recovered.

Since you have youth and grace

And the time is right for love’s combats,

Never be weary of sweet pleasures

And do not, loveless, await death.

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161

Que n’ay-je, Amour, cette Fere aussi vive

Entre mes bras, qu’elle est vive en mon cœur ?

Un seul moment guariroit ma langueur,

Et ma douleur feroit aller à rive.

Plus elle court, et plus elle est fuitive

Par le sentier d’audace et de rigueur :

Plus je me lasse, et recreu de vigueur

Je marche apres d’une jambe tardive.

Au moins escoute, et ralente tes pas :

Comme veneur je ne te poursuy pas,

Ou comme archer qui blesse à l’impourveuë.

Mais comme amy de ton amour touché,

Navré du coup qu’Amour m’a décoché,

Forgeant ses traits des beaux rais de ta veuë.

Why do I not have, o Love, this wild animal as alive

Within my arms, as she is within my heart?

A single moment would cure my listlessness,

And make my sadness go by the board.

The more she runs away, and the more she flies

Along the path of boldness and harshness,

The more I become tired and, recovering my strength,

I walk after her with slow limbs.

At least hear me, and slow your pace;

I do not pursue you like a hunter,

Or an archer who wounds unexpectedly;

But like a lover, wounded by your love,

Struck down by the blow which Love loosed on me,

Forging his darts from the fair rays of your glance.

162

Contre le ciel mon cœur estoit rebelle,

Quand le destin que forcer je ne puis,

Me fist re-voir la Dame à qui je suis,

Ains que vestir ceste escorce nouvelle.

Un chaud adonc de moëlle en moëlle,

De nerfs en nerfs, de conduits en conduits

Brusla mon cœur : dont j’ay vescu depuis

Or’ en plaisir, or’ en peine cruelle.

Si qu’en voyant ses beautez et combien

Elle est divine, il me resouvint bien

L’avoir jadis en paradis laissée :

Car dés le jour que j’en re-fu blessé,

Soit près ou loin, je n’ay jamais cessé

De l’adorer de fait ou de pensée.

Against heaven my heart rebelled

When fate which I cannot overcome

Made me again see the Lady whose I am

And again put on this new form.

Heat then all through my marrow,

My nerves, my canals

Burned my heart; I have lived with it since

Both in pleasure and in cruel pain.

So, seeing her beauty and how much

She is godlike, I recall clearly

Having left her before in paradise;

For since the day when I was wounded again by her,

Near or far I have never stopped

Adoring her in deed or thought.

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163

Voicy le bois, que ma sainte Angelette

Sur le printemps resjouist de son chant :

Voicy les fleurs où son pied va marchant,

Quand à soy-mesme elle pense seulette :

Voicy la prée et la rive mollette,

Qui prend vigueur de sa main la touchant,

Quand pas à pas en son sein va cachant

Le bel émail de l’herbe nouvelette.

Icy chanter, là pleurer je la vy,

Icy sourire, et là je fu ravy

De ses discours par lesquels je des-vie :

Icy s’asseoir, là je la vy danser :

Sur le mestier d’un si vague penser

Amour ourdit les trames de ma vie.

Here is the wood which my holy angel

Makes happy during the spring with her singing;

Here are the flowers where her feet pass

When she is thinking to herself, on her own.

Here is the meadow and the languid riverbank

Which gain vigour from her hand as they touch it,

As step by step she walks, hiding in her bosom

The lovely jewels of the new-grown grass.

Here I see her singing, there weeping,

Here smiling, and there I was delighted

By her conversation which diverts me;

Here I see her sitting, there dancing;

On the loom of such wandering thoughts

Love weaves the threads of my life.

164

Certes mon œil fut trop avantureux

De regarder une chose si belle,

Une vertu digne d’une immortelle,

Et dont amour est mesmes amoureux.

Depuis ce jour je devins langoureux

Pour aimer trop ceste beauté cruelle :

Cruelle, non, mais doucement rebelle

A ce desir qui me rend malheureux :

Malheureux, non, heureux je le confesse,

Tant vaut l’amour d’une telle maistresse,

Pour qui je vy, à qui seule je suis.

En luy plaisant je cerche à me desplaire :

Je l’aime tant qu’aimer je ne me puis,

Bien que pour elle Amour me desespere.

Indeed my eye was too adventurous

In looking at a thing so beautiful

Virtue worthy of a goddess

With whom even love is in love.

Since that day I’ve become lethargic

From loving too much this cruel beauty –

Cruel, no, but sweetly rejecting

My desire, which makes me unhappy –

Unhappy, no, happy I confess it

So much the love of such a mistress is worth,

For her I live, whose alone I am.

In pleasing her, I aim to displease myself;

I love her so much that I can’t love myself,

Although love for her makes me desperate.

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165

Saincte Gastine, ô douce secretaire

De mes ennuis, qui respons en ton bois,

Ores en haute ores en basse voix,

Aux longs souspirs que mon cœur ne peut taire :

Loir, qui refreins la course volontaire

Des flots roulant par nostre Vandomois,

Quand accuser ceste beauté tu m’ois,

De qui tousjours je m’affame et m’altere :

Si dextrement l’augure j’ay receu,

Et si mon œil ne fut hier deceu

Des doux regards de ma douce Thalie,

Maugré la mort Poëte me ferez

Et par la France appellez vous serez

L’un mon Laurier, l’autre ma Castalie.

Holy Gastine, sweet minister

Of my troubles, who reply in your wood

Now with loud, now with quiet voice

To the long sighs which my heart cannot silence;

Loir, who restrain the headstrong course

Of your waves running through our Vendôme,

When you hear me accusing that beauty

For whom I’m always hungry and thirsty;

If I’ve rightly understood the prophecy,

And if my eye was not deceived yesterday

By the sweet glances of my sweet Thalia,

In spite of death you will make me a Poet,

And throughout France one of you will be called

My Laurel, the other my Castalia.

166

Pendant, Baif, que tu frappes au but

De la vertu, qui n’a point de seconde,

Et qu’à longs traits tu t’enyvres de l’onde

Que l’Ascrean entre les Muses but :

Icy bany, où le mont de Sabut

Charge de vins son espaule feconde,

Pensif je voy la fuitte vagabonde

Du Loir qui traine à la mer son tribut.

Ores un antre, ores un bois sauvage,

Ores me plaist le secret d’un rivage,

Pour essayer de tromper mon ennuy :

Mais je ne puis, quoy que seul je me tienne,

Faire qu’Amour en se taisant ne vienne

Parler à moy, et moy tousjours à luy.

Baif, while you’ve practically reached the goal

Of Virtue, which has no peer,

And while you are becoming drunk with the long draughts of water

Held by the Ascraean between the Muses;

Banished here, where Sabut’s hill

Fills with vines its fertile shoulders,

I watch thoughtfully the wandering flight

Of the Loir which brings its tribute to the sea.

Sometimes a cave, others a savage wood

Or a hidden place on the riverbank charms me,

To try to outwit my cares;

But I cannot, however lonely I remain,

Make Love keep quiet, and not come

To speak with me, and me likewise with him.

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167

Quel bien auray-je apres avoir esté

Si longuement privé des yeux de celle,

Qui le Soleil de leur vive etincelle

Rendroient honteux au midy d’un esté ?

Et quel plaisir voyant le ciel vouté

De ce beau front qui les beautez recelle,

Et ce col blanc qui de blancheur excelle

Un mont de laict sus le jonc cailloté ?

Comme du Grec la trope errante et sotte,

Afriandée aux douceurs de la Lote,

Sans retourner se plaisoit d’en manger :

Ainsi j’ay peur que mon ame friande

D’une si rare et si douce viande,

Laisse mon corps pour vivre en l’estranger.

What good will I gain from being

So long deprived of her eyes,

Which with their lively sparkle would make

The Sun ashamed at midday in summer?

And what pleasure, seeing the heavenly arc

Of her fair brow which contains all beauties,

And her white neck which in whiteness surpasses

A mound of clotted cream on rushes?

As the Greek’s wandering, drunken troop,

Enjoying the sweetness of the lotus

Pleased itself by eating it, not returning;

So I’m afraid that my soul, enjoying

So rare and so sweet a food,

May leave my body to live in another’s.

168

Puis que je n’ay pour faire ma retraite

Du labyrinth, qui me va seduisant,

Comme Thesée, un filet conduisant

Mes pas douteux par les erreurs de Crete :

Eussay-je au moins une poitrine faite

Ou de Crystal, ou de verre luisant,

Ton œil iroit dedans mon cœur lisant

De quelle foy mon amour est parfaite.

Si tu sçavois de quelle affection

Je suis captif de ta perfection,

La mort seroit un confort à ma plainte :

Et lors peut estre esprise de pitié,

Tu pousserois sur ma despouille esteinte,

Quelque souspir de tardive amitié.

Since I do not have, to make my way out

Of the labyrinth which continually captivates me,

A thread like Theseus to lead

My uncertain steps through Crete’s delusions;

Had I at least a breast made

Either of crystal, or of shining glass,

Your eye could read within my heart

What faithfulness makes my love perfect.

If you knew through what affection

I am a captive of your perfection,

Death would be a comfort to my sighs;

And then, perhaps, seized by pity

You would utter over my dead ashes

Some sigh of belated love.

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Ha, Belacueil, que ta douce parolle

Vint traistrement ma jeunesse offenser,

Quand au verger tu la menas danser

Sur mes vingts ans, l’amoureuse carolle !

Amour a donc me mit à son escolle,

Ayant pour maistre un peu-sage penser,

Qui sans raison me mena commencer

Le chapelet de la danse plus folle.

Depuis cinq ans hoste de ce verger,

Je vay balant avecque faux-danger,

Tenant la main d’une dame trop caute.

Je ne suis seul par Amour abusé :

A ma jeunesse il faut donner la faulte :

En cheveux gris je seray plus rusé.

Oh, Bel-Accueil [=Fair-Welcome], how your soft words

Came treacherously to assault my youth

When you led it to dance in the orchard

A lover’s dance for my twentieth birthday!

So Love has placed me in his school

With an unwise thought as teacher

Which, without reason, leads me to begin

The steps of a really foolish dance.

For five years a visitor to this orchard

I went dancing with False-Captivity,

Holding the hand of a too-wily lady.

I am not the only one abused by love;

You must blame my youth.

When my hair is white, I shall be more crafty.

170

En escrimant, le malheur eslança

Sur mon bras gauche une arme rabatue,

Qui de sa pointe entre mousse et pointue

Jusques à l’oz le coude m’offença.

Ja tout le bras à saigner commença,

Quand par pitié la beauté qui me tue,

De l’estancher soigneuse s’esvertue,

Et de ses doigts ma playe elle pança.

Las, dy-je lors, si tu as quelque envie

De soulager les playes de ma vie,

Et luy donner sa premiere vigueur :

Non ceste-cy, mais de ta pitié sonde

L’autre qu’Amour m’engrave si profonde

Par tes beaux yeux au milieu de mon cœur !

As I was fencing, misfortune launched

Upon my left arm a blunted weapon

Whose point, between blunt and sharp,

Cut the elbow right to the bone.

My whole arm was beginning to bleed

When for pity the beauty who kills me,

Eager to staunch the wound, did her best

And squeezed my wound with her fingers.

“Ah”, I said, “if you are eager

To soothe the wounds in my life,

And to restore its former strength,

Do not examine this one, but in your pity [examine]

The other which Love has so deeply engraved

By means of your fair eyes in the midst of my heart!”

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Tousjours des bois la cyme n’est chargée

Du faix negeux d’un hyver eternel :

Tousjours des Dieux le foudre criminel

Ne darde en bas sa menace enragée.

Tousjours les vents, tousjours la mer Egée

Ne gronde pas d’un orage cruel :

Mais de la dent d’un soin continuel

Ma pauvre vie est tousjours outragée.

Plus je me force à le vouloir tuer,

Plus il renaist pour mieux s’évertuer

De feconder une guerre en moy-mesme.

O fort Thebain, si ta serve vertu

Avoit encor ce monstre combatu,

Ce seroit bien de tes faits le treiziesme.

Now at last the tops of the trees are not laden

With the snowy burden of an eternal winter;

Now the vicious lightning of the gods

No longer fires down here its angry threats;

Now the winds and now the Aegean sea

No longer groan under a cruel storm;

But by the bite of continual grief

My poor life is still attacked.

The more I force myself to try to kill it

The more it is re-born, to strive even harder

To nourish a war within me.

O brave Theban, if your enslaved strength

Had yet defeated this monster,

That would truly have been the thirteenth of your deeds.

172

Je veux brusler pour m’en-voler aux cieux,

Tout l’imparfait de mon escorce humaine,

M’éternisant comme le fils d’Alcméne,

Qui tout en feu s’assit entre les Dieux.

Ja mon esprit desireux de son mieux,

Dedans ma chair, rebelle, se promeine,

Et ja le bois de sa victime ameine

Pour s’immoler aux rayons de tes yeux.

O saint brazier, ô flame entretenue

D’un feu divin, avienne que ton chaud

Brusle si bien ma despouille connuë,

Que libre et nu je vole d’un plein saut

Outre le ciel, pour adorer là haut

L’autre beauté dont la tienne est venuë.

I’d like to burn off, in order to fly to the heavens,

All the imperfections of my mortal form,

Eternalising myself like the son of Alcmene

Who, all afire, sat down amongst the gods.

Already my spirit, eager to gain what’s best,

Ranges within my flesh, rebellious,

And already gathers up wood for its victim

To sacrifice itself in the rays of your eyes.

O holy furnace, o flame maintained

By divine fire, may your heat

Burn my well-known flesh so well

That I may fly free and naked in one great leap

Beyond the sky, to adore up there

The other beauty from which yours has come.

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Mon fol penser pour s’en-voler plus haut

Apres le bien que hautain je desire,

S’est emplumé d’ailes jointes de cire,

Propres à fondre au rais du premier chaud.

Luy fait oiseau, dispost de saut en saut

Poursuit en vain l’objet de son martire,

Et toy qui peux et luy dois contredire,

Tu le vois bien, Raison, et ne t’en chaut.

Sous la clarté d’une estoile si belle

Cesse, Penser, de hazarder ton aile,

Qu’on ne te voye en bruslant desplumer :

Pour amortir une ardeur si cuisante,

L’eau de mes yeux ne seroit suffisante,

Ny l’eau du ciel, ny les flots de la mer.

My mad thoughts, to fly higher

After the good things I proudly desire,

Have winged themselves with feathers joined by wax

Suited to melting in the rays of the first heat.

Made into a bird, alert, bound after bound

They pursue in vain the object of their torture ;

And you, who can and ought to tell them no,

You see this clearly, Reason, and care not at all.

Beneath the shining of a star so fair

Cease, my thoughts, from risking your wings,

That we might not see you burning and un-feathered ;

To lessen so burning a heat

The water of my eyes would never be sufficient,

Nor the waters of heaven, nor the waves of the sea.

174

Or’ que le ciel, or’ que la terre est pleine

De glas, de gresle esparse en tous endrois,

Et que l’horreur des plus froidureux mois

Fait herisser les cheveux de la plaine :

Or’ que le vent qui mutin se promeine,

Rompt les rochers, et desplante les bois,

Et que la mer redoublant ses abois,

Sa rage enflee aux rivages ameine :

Amour me brusle, et l’hyver froidureux,

Qui gele tout, de mon feu chaleureux

Ne gele point l’ardeur qui tousjours dure.

Voyez, Amans, comme je suis traité,

Je meurs de froid au plus chaud de l’esté,

Et de chaleur au cœur de la froidure.

Now the sky and earth are filled

With ice and with hail spread everywhere,

And now the horrors of the coldest months

Make all the hairs of the plain [the grass] stand on end;

Now the wind, roaming mutinously,

Splits rocks and uproots trees,

And now the sea, redoubling its roaring,

Brings its swollen rage up to the shores;

Yet Love burns me, and the cold winter

Which freezes everything cannot freeze

The warmth of my hot fire which remains always.

See, lovers, how I am treated:

I die of cold in the hottest part of summer,

And of warmth, in the heart of the cold times.

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Je ne suis point, Muses, accoustumé

De voir vos sauts sous la tarde serée :

Je n’ay point beu dedans l’onde sacrée,

Fille du pied du cheval emplumé.

De tes beaux rais vivement allumé,

Je fu Poëte : et si ma voix recrée,

Et si ma lyre en t’enchantant t’agrée,

Ton œil en soit, non Parnasse, estimé.

Certes le Ciel te devoit à la France,

Quand le Thuscan, et Sorgue, et sa Florence,

Et son Laurier engrava dans les cieux :

Ore trop tard, beauté plus que divine,

Tu vois nostre age, helas ! qui n’est pas digne

Tant seulement de parler de tes yeux.

I am not at all accustomed, Muses,

To watch you leaping in the late evening ;

I have not drunk from the sacred waters,

Springing from the foot of the winged horse.

Excited and aroused by your fair eyes, [my love],

I became a poet ; and if my voice entertains,

And my lyre as it sings to you pleases you,

Your eyes, not Parnassus, deserve the praise.

Surely heaven owed France your presence,

Since the Tuscan [Petrarch] had engraved in the heavens

The Sorgue, his Florence, and his laurels.

Yet too late, more-than-divine beauty,

You see our age which, alas, is not worthy

Even just to speak of your eyes.

176

Ny les desdains d’une Nymphe si belle,

Ny le plaisir de me fondre en langueur,

Ny la fierté de sa douce rigueur,

Ny contre Amour sa chasteté rebelle :

Ny le penser de trop penser en elle,

Ny de mes yeux l’eternelle liqueur,

Ny mes souspirs messagers de mon cœur,

Ny de sa glace une ardeur eternelle :

Ny le desir qui me lime et me mord,

Ny voir escrite en ma face la mort,

Ny les erreurs d’une longue complainte,

Ne briseront mon cœur de diamant,

Que sa beauté n’y soit tousjours emprainte :

« Belle fin fait qui meurt en bien aimant.

Not the disdain of so fair a nymph,

Not the pleasure of melting into listlessness,

Not the pride of her sweet harshness,

Not her chasteness, rebelling against love;

Not the thought of thinking too much about her,

Not the eternal weeping of my eyes,

Not my sighs, messengers of my heart,

Not eternal passion for her icy-ness;

Not desire which traps me and gnaws at me,

Not seeing death written in my face,

Not the mistakes of a long lament;

These will not break my diamond-hard heart

And prevent her beauty forever being stamped there:

“A fair ending he makes who dies loving truly.”

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Au mesme lict où pensif je repose,

Presque ma Dame en langueur trespassa

Devant-hier, quand la fiévre effaça

Son teint d’œillets, et la lévre de rose.

Une vapeur avec sa fiévre esclose,

Dedans le lict son venin me laissa,

Qui par destin, diverse m’offensa

D’une autre fiévre en mes veines enclose.

L’un apres l’autre elle avoit froid et chaud :

Ne l’un ne l’autre à mon mal ne default :

Et quand l’un croist, l’autre ne diminue.

L’accés fiévreux tousjours ne la tentoit,

De deux jours l’un sa chaleur s’alentoit :

Je sens tousjours la mienne continue.

In the same bed where I lie thoughtfully

My Lady nearly drooped and died

The day before yesterday, when fever wiped away

Her carnation-pink tint and the rose from her lips.

A vapour wrapped up in her fever

Left me its poison in the bed

Which, by fate, assaulted me in various ways

With another fever shut within my veins.

One after another, she was hot and cold;

Neither one nor the other took away my pain;

And when one grew, the other did not lessen.

The feverish bout is not still attacking her;

Of the two days one was when the heat went down;

But I still feel my own continuing.

178

O traits fichez jusqu’au fond de mon ame,

O folle emprise, ô pensers repensez,

O vainement mes jeunes ans passez,

O miel, ô fiel, dont me repaist ma Dame :

O chaud, ô froid, qui m’englace et m’enflame,

O prompts desirs d’esperance cassez,

O douce erreur, ô pas en vain trassez,

O monts, ô rocs, que ma douleur entame !

O terre, ô mer, chaos, destins et cieux,

O nuict, ô jour, ô Manes stygieux,

O fiere ardeur, ô passion trop forte :

O vous Daimons, ô vous divins esprits,

Si quelque amour quelquefois vous a pris,

Voyez, pour Dieu, quelle peine je porte !

O wounds fixed right in the bottom of my soul,

O foolish influence, o thoughts re-thought,

O my years of youth passed in vain,

O the sweetness, the bitterness, which my Lady feeds me;

O heat, o cold, which freeze and inflame me,

O swift wishes for hope, now broken,

O sweet error, o paths taken in vain,

O hills and rocks, the beginnings of my sadness!

O earth, sea, chaos, fate and heavens,

O night and day, o Stygian shades,

O proud ardour, o passion too strong;

O fates, o divine spirits,

If any love ever seized you,

See, for God’s sake, the pain I bear!

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En me bruslant il faut que je me taise :

Car d’autant plus qu’esteindre je me veux,

Plus le desir me r’allume les feux

Qui languissoient sous une morte braise.

Si suis-je heureux (et cela me r’apaise)

De plus souffrir que souffrir je ne peux,

Et d’endurer le mal dont je me deulx.

Je me deulx ? non, mais dont je suis bien aise.

Par ce doux mal j’adoroy la beauté

Qui me liant d’une humble cruauté,

Me desnoüa les liens d’ignorance.

Par luy j’appris les mysteres d’Amour,

Par luy j’appris que pouvoit l’esperance,

Par luy mon ame au ciel fit son retour.

As I burn I must be silent ;

For as much as I want to extinguish them

So much more desire re-lights those fires

Which lie beneath a dying flame.

So happy am I (and that soothes me)

To suffer more than I can suffer

And to endure the pain which grieves me;

Grieves? No: which pleases me.

Through this sweet pain I adore the beauty

Who, binding me with meek cruelty,

Looses me from the bonds of ignorance.

Through her I learn the mysteries of love,

Through her I learn what hope can do,

Through her my soul returns to heaven.

180

Amour et Mars sont presque d’une sorte :

L’un en plein jour, l’autre combat de nuit,

L’un aux rivaux, l’autre aux gendarmes nuit,

L’un rompt un huis, l’autre rompt une porte :

L’un finement trompe une ville forte,

L’autre coiment une maison seduit :

L’un le butin, l’autre le gain poursuit,

L’un deshonneur, l’autre dommage apporte.

L’un couche à terre, et l’autre gist souvent

Devant un huis à la froideur du vent :

L’un boit mainte eau, l’autre boit mainte larme.

Mars va tout seul, les Amours vont tous seuls :

Qui voudra donc ne languir paresseux,

Soit l’un ou l’autre, amoureux, ou gendarme.

Love and Mars are nearly alike :

One fights his battles by day, the other at night ;

One harms the enemy, the other his own soldiers ;

One breaks down the door, the other the gate ;

One shrewdly deceives a well-fortified town,

The other quietly seduces a home ;

One seeks booty, the other profit ;

One brings dishonour, the other injury ;

One sleeps on the ground, the other often lodges

In front of a door in the cold wind ;

One drinks plenty of water, the other plenty of tears ;

Mars goes alone, Love goes alone.

Let he who prefers not to lie lazily around

Be one or the other, lover or soldier.

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Jamais au cœur ne sera que je n’aye,

Soit que je tombe en l’oubli du cercueil,

Le souvenir du favorable accueil,

Qui reguarit et rengregea ma playe.

Cette beauté, pour qui cent morts j’essaye,

Me saluant d’un petit ris de l’œil,

Se presenta si benigne à mon dueil,

Qu’un seul regard de tous mes maux me paye.

Si donc le bien d’un esperé bon jour,

Plein de caresse, apres un long sejour,

En cent nectars mon esperance plonge,

Quel paradis m’apporteroit ce bien,

Si bras à bras d’un amoureux lien

Je la tenois tant seulement en songe ?

Never in my heart will be that which I don’t have,

Even if I fall into the oblivion of the coffin –

The memory of favour and welcome

Which cures and aggravates [Love’s] wound.

That beauty for whom I dare a hundred deaths

Greeted me with a little smile in her eye

And showed herself so kind about my grief

That one single glance repaid me for all my ills.

If then the delight of a hoped-for greeting,

So caressing, after a long wait

Plunges my hopes into a hundred nectars,

What paradise would that delight bring me

If arm in arm in a lover’s embrace

I could hold her – even if only in dreams?

182

Seul je me deuls, et nul ne peut sçavoir,

Si ce n’est moy, la peine que je porte :

Amour trop fin comme un larron emporte

Mon cœur d’emblée, et ne le puis r’avoir.

Je ne devois donner tant de pouvoir

A l’ennemy qui a la main si forte,

Mais au premier le retenir de sorte

Qu’à la raison obeist le devoir.

Or c’en est fait ! il a pris la carriere :

Plus je ne puis le tirer en arriere :

Opiniastre, il est maistre du frein.

Je cognois bien qu’il entraine ma vie :

Je voy ma faulte, et si ne m’en soucie,

« Tant le mourir est beau de vostre main !

Alone I grieve, and none can know

But I myself the pain I bear;

Love, cunning like a thief, carried off

My heart directly , and I cannot get it back.

I ought not to give such great power

To an enemy who has so strong a hand,

But from the first to hold him back, so

That duty obeys reason.

But it is done! He has taken up his career;

I can no longer keep him behind me;

He is stubborn and controls the reins.

I know well that he is leading my life,

I see my fault, yet do not care,

“So beautiful is dying at your hand!”

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Au fond d’un val esmaillé tout au rond

De mille fleurs, de loin j’avisay celle,

Dont la beauté dedans mon cœur se cele,

Et les douleurs m’apparoissent au front :

De bois touffus voyant le lieu profond,

J’armay mon cœur d’asseurance nouvelle,

Pour luy chanter les maux que j’ay pour elle,

Et les tourmens que ses beaux yeux me font.

En cent façons desja ma foible langue

Estudioit sa premiere harangue,

Pour soulager de mes peines le faix :

Quand un Centaure envieux de ma vie,

L’ayant en croppe, au galop l’a ravie,

Me laissant seul et mes cris imparfais.

At the bottom of a vale dotted all round

With a thousand flowers, from far off I saw her,

The one whose beauty conceals itself in my heart

While sadness appears on my brow:

Seeing the spot deep in bushy woods

I armed my heart with new confidence

To sing her the ills I suffer for her

And the torments her fair eyes give me.

In a hundred ways already my feeble tongue

Was trying out its first lecture

To soften the burden of my troubles,

When a Centaur, jealous of my life,

Took her off at the gallop, sitting on his back,

And left me alone and my cries unfinished.

184

Veufue maison des beaux yeux de ma Dame,

Qui pres et loin me paissent de douleur,

Je t’accompare à quelque pré sans fleur,

A quelque corps orfelin de son ame.

L’honneur du ciel est-ce pas ceste flame,

Qui donne à tous et lumiere et chaleur ?

Ton ornement est-ce pas la valeur

De son bel œil, dont la force me pâme ?

Soient tes buffets chargez de masses d’or,

Et soient tes murs retapissez encor

De broderie en fils d’or enlassée :

Cela, Maison, ne me peut resjouyr,

Sans voir chez toy ceste Dame, et l’ouyr,

Que j’oy tousjours, et voy dans ma pensee.

House deprived of my Lady’s fair eyes,

Which near or far feed me with grief,

I compare you to some meadow without flowers,

To some body orphaned of its soul.

Is not the glory of heaven that flame

Which gives to all light and heat?

Is not your ornament the power

Of her fair eyes, whose force makes me faint?

Were your sideboards piled with heavy gold,

Were your walls covered too

With embroideries woven with gold threads,

That cannot make me happy, o house,

Without seeing within you that Lady, and hearing her,

Whom I hear and see always within my thoughts.

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Puis qu’aujourd’huy pour me donner confort,

De ses cheveux ma maistresse me donne :

D’avoir receu, mon cœur, je te pardonne,

Mes ennemis au dedans de mon Fort :

Non pas cheveux, mais un filé bien fort,

Qu’Amour me lasse, et que le ciel m’ordonne,

Où franchement captif je m’abandonne

En si beau poil, le lien de ma mort.

De tels cheveux le Dieu que Déle honore,

Son col de laict blondement ne decore,

Ny les flambeaux du chef Egyptien,

Quand de leurs feux les astres se couronnent,

Maugré la nuict ne reluisent si bien

Que ces beaux nœuds qui mes bras environnent.

Since today, to give me comfort,

My mistress gave me some of her hair

I pardon you, my heart, for having allowed

My enemies within my fort.

Hair ? No, it is a very strong cord

Which Love ties me with and Heaven ordains

And I abandon myself, freely captive

To such lovely hair, the bond of death for me.

With such locks the blonde god whom Delos worships

Does not decorate his milky neck ;

Nor do the flames of the Egyptian hair

When the stars crown themselves with its fire

So brightly shine, in spite the night,

As these lovely knots which encircle my arms.

186

Je m’asseuroy qu’au changement des cieux,

Cet an nouveau romproit ma destinée,

Et que sa trace en serpent retournée

Adouciroit mon travail soucieux :

Mais puis qu’il est neigeux et pluvieux,

Baignant son front d’une humide journee,

Cela me dit qu’au cours de cette annee

J’escouleray ma vie par les yeux.

O toy qui es de moy la quinte essence,

De qui l’humeur sur la mienne a puissance,

Ou de tes yeux serene mes douleurs,

Ou bien les miens alambique en fontaine,

Pour estoufer mon amour et ma peine

Dans le ruisseau qui naistra de mes pleurs.

I am certain, when the skies change,

That this new year will cut short my misfortune

And its track, twisting like a serpent,

Will soften my care-filled troubles;

But while it is snowy and raining,

Bathing its brow with wet days,

That tells me that in the course of the year

I shall give away my life through my eyes.

You who are my very being,

Whose mood has power over mine,

Either soothe away my grief with your eyes

Or distil my [eyes] into a spring,

To drown my love and my pain

In the stream which is born from my tears.

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Mechante Aglaure, ame pleine d’envie,

Langue confitte en caquet indiscret,

D’avoir osé publier le secret

Que je tenois aussi cher que ma vie.

Fiere à ton col Tisiphone se lie,

Qui d’un remors, d’un soin, et d’un regret,

D’un feu, d’un foet, d’un serpent, et d’un trait,

Sans se lasser punisse ta folie.

Pour me venger, ce vers injurieux

Suive l’horreur du despit furieux

Dont Archiloch aiguisa son Jambe :

Mon fier courroux t’ourdisse le licol

Du fil meurtrier, que l’envieux Lycambe,

Pour se sauver, estraignit à son col.

You wicked Aglauros, you soul full of jealousy,

You tongue steeped in indiscreet chatter,

To have dared to make public the secret

Which I kept as dear as my life.

May proud Tisiphone bind herself around your neck,

And with remorse, care, regret,

With fire, whips, snakes and wounds

May she tirelessly punish your folly!

To avenge me, may this injurious verse

Copy the fearful, furious spite

With which Archilochus sharpened his iambics;

May my proud wrath wind you in the halter

Of the murderous cord which jealous Lycambes

Tightened round his throat to save himself.

188

En nul endroit, comme a chanté Virgile,

La foy n’est seure, et me l’a fait sçavoir

Ton jeune cœur, mais vieil pour decevoir,

Rompant la sienne en amour si fragile.

Tu ne sçaurois, comme femme inutile,

Assujettir les cœurs à ton pouvoir,

Jouët à vent, flot prompt à s’esmouvoir,

Beauté trop belle en ame trop mobile.

Escoute, Amour, si tu as quelquefois

Haussé ton vol sous le vent de ma voix,

Jamais mon cœur de son cœur ne racointes.

Puisse le Ciel sur sa langue envoyer

Le plus aigu de sa foudre à trois pointes

Pour le payment de son juste loyer.

In no place, as Virgil sang,

Is faith certain, and your young heart

Has made me know this truth – young, but old in deception,

Breaking its own [faith] in a love so fragile.

You’d know, like a useless woman,

How to subject hearts to your power,

A plaything for the wind, a stream quick to move,

A beauty too fair in a soul too flighty.

Hear, Love, if you have sometimes

Taken wing, lifted on the breeze of my song,

Never re-acquaint my heart with her heart.

May Heaven send upon her tongue

The sharpest of its thunderbolts, triple-pointed,

As payment of what she’s rightly owed.

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Son chef est d’or, son front est un tableau,

Où je voy peint le gain de mon dommage :

Belle est sa main qui me fait devant l’âge

Changer de teint, de cheveux et de peau.

Belle est sa bouche et son soleil jumeau,

De neige et feu s’embellist son visage,

Pour qui Jupin reprendroit le plumage

Ore d’un Cygne, or’ le poil d’un Toreau.

Doux est son ris, qui la Meduse mesme

Endurciroit en quelque roche blesme,

Vengeant d’un coup cent mille cruautez.

Mais tout ainsi que le Soleil efface

Les moindres feux, ainsi ma foy surpasse

Le plus parfait de toutes ses beautez.

Her hair is golden, her brow a picture

On which I see painted my getting this wound ;

Fair is her hand which makes me, before my time,

Change colour, both of hair and skin.

Fair is her mouth and her twin suns,

With snow and fire is her face embellished ;

For it, Jupiter would again take on the plumage

Of a swan, or the hide of a bull.

Sweet is her smile, though may Medusa

Harden it into some pale rock,

Repaying in one moment a hundred thousand cruelties !

But just as the sun overpowers

Smaller fires, so my faithfulness surpasses

The most perfect of all her beauties.

190

Tousjours l’erreur qui seduit les Menades,

Ne deçoit pas leurs cerveaux estonnez :

Tousjours au son des cornets entonnez

Les monts Troyens ne foulent de gambades.

Tousjours le Dieu des vineuses Thyades

N’affolle pas leurs cœurs espoinçonnez,

Et quelquefois leurs esprits forcenez

Cessent leur rage, et ne sont plus malades.

Le Corybante a quelquefois repos,

Et le Curet sous les armes dispos,

Ne sent tousjours le Tan de sa Deesse :

Mais la fureur de celle qui me joint,

En patience une heure ne me laisse,

Et de ses yeux tousjours le cœur me poind.

Not always does the error which led the Maenads astray

Deceive their stunned brains;

Not always to the sound of braying trumpets

Do they throng the Trojan hills with their capers;

Not always does the god of the wine-soaked Thyades

Madden their excited hearts,

And sometimes their frenzied minds

Cease their madness, and are ill no more.

The Corybant sometimes rests,

And the Curete, under arms,

Does not always feel the mark of her goddess;

But the madness for her which encloses me

Leaves me not an hour at peace,

And with her eyes my heart always wounds me.

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Bien que les champs, les fleuves et les lieux,

Les monts, les bois, que j’ay laissez derriere,

Me tiennent loin de ma douce guerriere,

Astre fatal d’où s’escoule mon mieux :

Quelque Démon par le congé des Cieux,

Qui presidoit à mon ardeur premiere,

Conduit tousjours d’une aisle coustumiere

Sa belle image au sejour de mes yeux.

Toutes les nuicts impatient de haste,

Entre mes bras je rembrasse et retaste

Son vain portrait en cent formes trompeur :

Mais quand il voit que content je sommeille,

Rompant mon bien s’envole, et me resveille

Seul en mon lict plein de honte et de peur.

Although the fields, rivers and places,

Hills and woods that I have left behind

Keep me far from my sweet warrior,

The deadly star from whom all that’s best for me flows;

By heaven’s leave some demon

Who presided over my initial ardour

Still leads with his accustomed wing

Her fair image to its lodging in my eyes.

Every night, impatient with eagerness,

Within my arms I embrace again, touch again,

Her empty image in a hundred deceptive forms;

But when he sees that I sleep contentedly,

Shattering my happiness he flies off, and I wake

Alone in my bed, full of shame and fear.

192

Il faisoit chaud, et le somne coulant

Se distilloit dans mon ame songearde,

Quand l’incertain d’une idole gaillarde

Fut doucement mon dormir affolant.

Panchant sous moy son bel yvoire blanc,

Et m’y tirant sa langue fretillarde,

Me baizottoit d’une lévre mignarde,

Bouche sur bouche, et le flanc sus le flanc.

Que de coral, que de liz, que de roses,

Ce me sembloit à pleines mains descloses

Tastay-je lors entre deux maniments?

Mon Dieu. mon Dieu, de quelle doulce haleine,

De quelle odeur estoit sa bouche pleine,

De quels rubis, et de quels diamans ?

It was warm, and creeping drowsiness

Was slipping, drop by drop, into my dreamy soul,

When the shadowy shape of my lively idol

Came sweetly bewildering my sleep.

Leaning over me her fair white ivory form

And poking at me her frisky tongue,

She kissed me with her darling lips,

Mouth to mouth, and side by side.

What corals, what lilies, what roses

It seemed to me, revealed in great handfuls,

Did I feel then between two touches.

My God, my God, with what sweet breath,

With what perfume were her lips filled,

With what rubies, and what diamonds!

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Ces flots jumeaux de laict bien espoissi

Vont et revont par leur blanche valée,

Comme à son bord la marine salée,

Qui lente va, lente revient aussi.

Une distance entre eux se fait, ainsi

Qu’entre deux monts une sente égalée,

Blanche par tout de neige devalée,

Quand en hyver le vent s’est adouci.

Là deux rubis haut eslevez rougissent,

Dont les rayons cet yvoire finissent

De toutes parts uniment arondis :

Là tout honneur, là toute grace abonde :

Et la beauté, si quelqu’une est au monde,

Vole au sejour de ce beau paradis.

Those twin swellings of creamy milk

Flow back and forth over their white valley

Like the salty sea at its edge

Which slowly flows in, and slowly returns again;

A gap there is between them, as

Between two hills a path runs down the midst,

White all over with fallen snow,

When in winter the wind has abated.

There two rubies redden, standing tall,

Whose shining finishes that ivory,

Rounded on all sides equally;

There all honour, all grace abound;

And beauty, if there is any in the world,

Flies to lodge in this fair paradise.

194

Quelle langueur ce beau front des-honore ?

Quel voile obscur embrunist ce flambeau ?

Quelle palleur dépourpre ce sein beau,

Qui per à per combat avec l’Aurore?

Dieu medecin, si en toy vit encore

L’antique feu du Thessale arbrisseau,

Vien au secours de ce teint damoiseau,

Et son liz palle en œillets recolore.

Et toy Barbu, fidele gardien

Des Rhagusins, peuple Epidaurien,

Fais amortir le tison de ma vie :

S’il vit je vy, s’il meurt je ne suis riens :

Car tant son ame à la mienne est unie,

Que ses destins seront suivis des miens.

What langour dishonours that fair brow?

What shadowy veil darkens that torch?

What pallor un-reddens that fair breast,

Which competes on equal terms with the Dawn?

O doctor-god, if in you still lives

The antique fire of the Thessalian bush,

Come to the aid of this maiden tint

And re-colour her pale lilies as pinks.

And you, Bearded God, faithful guardian

Of the Rhagusians, a people of Epidaurum,

Un-deaden the fire-brand of my life;

If she lives, I live; if she dies, I am nothing;

For her soul is so united to mine

That her fate will be followed by mine.

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Du bord d’Espagne, où le jour se limite,

Jusques à l’Inde il ne croist point de fleur,

Qui de beauté, de grace et de valeur

Puisse egaler au teint de Marguerite.

Si riche gemme en Orient eslite

Comme est son lustre enrichi de bon-heur,

N’emperla point de la Conche l’honneur

Où s’apparut Venus encor petite.

Le pourpre esclos du sang Adonien,

Le triste Ai Ai du Telamonien,

Ny des Indois la gemmeuse largesse,

Ny tous les biens d’un rivage estranger,

A leurs tresors ne sçauroyent eschanger

Le moindre honneur de sa double richesse.

From the edge of Spain where the day ends

To the Indies, there grows no flower

Which in beauty, grace and worth

Can equal the colour of Margaret/the daisy.

No gem of the Orient, so rich and select,

However much its lustre is enriched by good-fortune,

Em-pearls the top of the Conch

On which Venus appeared when still young.

The blossoming purple of Adonis’ blood,

The sad ‘Ai-Ai’ of Telamon’s son,

The jewelled generosity of the Indies,

All the good things in foreign lands –

These would not want to exchange for their treasures

The smallest glory of her doubled riches.

196

Au plus profond de ma poitrine morte

Il m’est advis qu’une main je reçoy,

Qui me pillant entraine avecque soy

Mon cœur captif, que maistresse elle emporte.

Coustume inique, et de mauvaise sorte,

Malencontreuse et miserable loy,

Tu m’as tué, tant tu es contre moy,

Loy des humains, bride trop dure et forte.

Faut-il que veuf, seul entre mille ennuis,

Mon lict desert je couve tant de nuits ?

Hà ! que je porte et de haine et d’envie

A ce Vulcan ingrat et sans pitié,

Qui s’opposant aux raiz de ma moitié,

Fait eclipser le Soleil de ma vie.

In the deepest place in my dead breast

I seem to feel a hand

Which as it plunders me drags with it

My captive heart, and takes it to be its mistress.

Iniquitous custom, wicked fate,

Unlucky and wretched law,

You have killed me, so much you are against me,

Law of mankind, bridle too harsh and strong.

Must I bereft, alone among a thousand troubles,

Brood on my deserted bed for so many nights?

Ah, what hate and jealousy I bear

Towards that ungrateful and pitiless Vulcan

Who, setting himself against the light of my other half,

Eclipsed the Sun of my life.

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Ren moy mon cœur, ren moy mon cœur, mignarde

Que tu retiens dans ton sein arresté :

Ren moy, ren moy ma douce liberté,

Qu’à tes beaux yeux, mal-caut, je mis en garde :

Ren moy ma vie, ou bien la mort retarde,

Qui me poursuit en aimant ta beauté

Par ne sçay quelle honneste cruauté,

Et de plus pres mes angoisses regarde.

Si d’un trespas tu payes ma langueur,

L’âge à venir maugreant ta rigueur,

Dira sus toy : De ceste fiere amie

Puissent les oz reposer durement,

Qui de ses yeux occis cruellement

Un qui l’avoit plus chere que sa vie.

Give back my heart, give it back, darling,

That you’re keeping locked in your breast –

Give it back, and give me my sweet liberty

Which, caught by your lovely eyes, I now put on guard.

Give me my life, or else slow death

Which pursues me in loving your beauty

By some well-meaning cruelty,

And consider my agonies more closely.

If you pay me for my pining with death,

The age to come, cursing your harshness,

Will say of you: May the bones of this

Proud lover rest uncomfortably,

Who with her eyes cruelly killed

One who held her dearer than his life.

198

Quand le grand œil dans les Jumeaux arrive,

Un jour plus doux seréne l’univers,

D’espics crestez ondoyent les champs vers,

Et de couleurs se peinture la rive.

Mais quand sa fuite obliquement tardive,

Par le sentier qui roulle de travers,

Atteint l’Archer, un changement divers

De jour, de fleurs, et de beauté nous prive.

Ainsi quand l’œil de ma Deesse luit

Dedans mon cœur, en mon cœur se produit

Maint beau penser qui me donne asseurance :

Mais aussi tost que mon rayon s’enfuit,

De mes pensers fait avorter le fruit,

Et sans meurir coupe mon esperance.

When the great eye arrives in the Twins,

A sweeter day calms the whole world,

Proud ears of corn wave in the green fields

And the river paints itself in colours.

But when its sideways flight belatedly,

Along its path which unwinds across the heavens,

Reaches the Archer, various changes

Deprive us of daylight, flowers and beauty.

So, when the eye of my Goddess shines

Within my heart, in my heart arise

Many fair thoughts which give me certainty;

But as soon as my light departs,

It makes the fruit of my thoughts come to nothing

And it cuts off my unripe hopes.

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Page suy moy : par l’herbe plus espesse

Fausche l’esmail de la verte saison,

Puis à plein poing en-jonche la maison

Des fleurs qu’Avril enfante en sa jeunesse.

Despen du croc ma lyre chanteresse,

Je veux charmer si je puis la poison,

Dont un bel œil enchanta ma raison

Par la vertu d’une œillade maistresse.

Donne moy l’encre et le papier aussi :

En cent papiers tesmoins de mon souci

Je veux tracer la peine que j’endure ;

En cent papiers plus durs que Diamant,

A fin qu’un jour nostre race future

Juge du mal que je souffre en aimant.

Page, follow me: throughout the thickest grass

Scythe down the jewels of the fresh season,

Then scatter in the house fistfuls

Of the flowers that April has borne in her youth.

Take down from its hook my singing lyre;

I want to charm away, if I can, the poison

With which a fair eye has enchanted my reason

Through the power of a masterful glance.

Give me ink and paper too:

On a hundred sheets, witnesses of my cares,

I want to set out the trouble I’m enduring;

On a hundred sheets harder than diamond,

So that one day in the future our countrymen

Can judge the harm I suffer from being in love.

200

Les vers d’Homere entre-leus d’aventure,

Soit par destin, par rencontre ou par sort,

En ma faveur chantent tous d’un accord

La guarison du tourment que j’endure.

Ces vieux Barbus, qui la chose future

Des traits des mains, du visage et du port

Vont predisant, annoncent reconfort

Aux passions de ma peine si dure.

Mesmes la nuict, le somme qui vous met

Douce en mon lict, augure me promet

Que je verray vos fiertez adoucies :

Et que vous seule oracle de l’amour,

Verifirez en mes bras quelque jour

L’arrest fatal de tant de propheties.

The poetry of Homer, glanced over at random,

Whether by fate or accident or luck

Sings all in harmony for my benefit

The cure of the torment which I endure.

Those bearded ancients, who future things

Predicted by the features of hands, of the face,

Of the way you walk, announce comfort

For the passions of my harsh suffering.

Even the night and sleep which place you

Softly in my bed, make me the prophecy

That I shall see your pride softened;

And that you, sole oracle of love,

Will someday make true in my arms

The inevitable end of so many prophecies.

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200a

MADRIGAL

Un sot Vulcan ma Cyprine fachoit :

Elle en pleurant qui son courroux ne cele,

L’un de ses yeux arma d’une etincelle,

De l’autre une eau sur sa joüe épanchoit.

Tandis Amour, qui petit se cachoit

Comme un oiseau dans le sein de la belle,

En l’œil humide alloit baignant son aile,

Puis en l’ardant ses plumes il sechoit.

Ainsi voit-on d’une face diverse

Rire et pleurer tout en un mesme temps

Douteusement le Soleil du printemps,

Quand une nuë à demi le traverse.

Quel dueil ensemble et quel plaisir c’estoit

De voir son geste, et les pleurs qu’elle verse

Pleins de regrets que le Ciel escoutoit ?

MADRIGAL

A stupid Vulcan annoyed my Cyprian [Venus] :

As she cried, not concealing her anger,

One of her eyes she armed with a flashing spark,

From the other a tear flowed onto her cheek.

So Love, hiding his tiny self

Like a bird within the beauty’s breast,

Flew into the wet eye, bathing his wings,

Then in the burning one he dried his feathers.

Thus you might see with a divided appearance,

Both laughing and crying at the same time

Uncertainly, the Sun in spring

When a cloud half-crosses it.

What grief and what pleasure together it was

To see how she acted, and the tears she cried

Full of regret, that the Heavens might hear.

201

Amour, quel dueil, et quelles larmes feintes,

Et quels souspirs ma Dame alloit formant,

Et quels sanglots alors que le tourment

D’un teint de mort ses graces avoit peintes !

Croizant ses mains à l’estomach estreintes

Fichoit au Ciel son regard lentement,

Et larmoyant parloit si tristement,

Que les rochers se brisoyent de ses pleintes.

Les Cieux fermez aux cris de sa douleur,

Changeans de teint de grace et de couleur,

Par sympathie en devindrent malades :

Tous renfrognez les Astres secoüoyent

Leurs raiz du chef : telles pitiez noüoyent

Dans le crystal de ses moites œillades.

Love, what grief, what feigned tears,

What sighs my Lady keeps shaping,

And what sobs, while torment

Has painted her grace with the colour of death !

Crossing her grasped hands in her lap

She slowly fixed her gaze on Heaven,

And weeping she spoke so sadly

That the rocks split at her moans.

The heavens, closed to her cries of sadness,

Changing their shade, their graciousness, their colour

In sympathy, became sickly ;

Frowning, the stars shook

The rays of light on their heads ; such woes swam

In the crystal-clear [drops] in her moist eyes.

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202

Le feu jumeau de ma Dame brusloit

Par le rayon de leur flamme divine,

L’amas pleureux d’une obscure bruine,

Qui de leur jour la lumiere celoit.

Un bel argent chaudement s’escouloit

Dessus sa jouë, en la gorge yvoirine,

Au beau sejour de sa chaste poitrine,

Où l’Archerot ses fleches émouloit.

De neige tiede estoit sa face pleine,

D’or ses cheveux, ses deux sourcis d’ébene,

Ses yeux luisoyent comme un astre fatal :

Roses et lis où la douleur contrainte

Formoit l’accent de sa juste complainte,

Feu ses souspirs, ses larmes un crystal.

The twin fires of my Lady burned

With the rays of their divine flame,

The tearful store of a hazy drizzle,

Which by their brightness hid the light.

Beautiful silver [tears] hotly ran

Over her cheeks, on her ivory throat,

On the fair resting-place of her chaste breast,

Where the Archer sharpens his arrows.

Like warm snow was her face,

Like gold her hair, like ivory her two brows ;

Her eyes glittered like a deadly star ;

Roses and lilies in which sadness is contained

Were the markings of her just complaint ;

Her sighs were fire, her tears a stream.

203

Celuy qui fist le monde façonné

Sur le compas de son parfait exemple,

Le couronnant des voûtes de son temple,

M’a par destin ton esclave ordonné.

Comme l’esprit qui saintement est né

Pour voir son Dieu, quand sa face il contemple,

Plus heureux bien, recompense plus ample

Que de le voir, ne luy est point donné ;

Ainsi je pers ma peine coustumiere,

Quand à longs traits j’œillade la lumiere

De ton bel œil, chef-d’œuvre nompareil.

Voila pourquoy, quelque part qu’il sejourne,

Tousjours vers luy maugré moy je me tourne,

Comme un Souci aux rayons du Soleil.

He who made the world fashioned

On the measure of his perfect example,

Crowning it with the vaults of his temple,

Has ordained me by fate as your slave.

Like a spirit which is born holy

To see its God, when it contemplates His face

Is given no greater good, no repayment

More ample, than to see Him;

Just so I lose my accustomed pain

When in long draughts I drink in the light

Of your fair eye, an unequalled masterpiece.

That is why, wherever it is,

I always despite myself turn towards it

As a marigold turns to the rays of the sun.

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204

Le doux Sommeil qui toute chose appaise,

N’appaise point le soing qui m’a ravy :

En vous je meurs, en vous seule je vy,

Ne voyant rien sinon vous qui me plaise.

Vos yeux au cœur m’ont jetté telle braise,

Qu’un feu depuis m’a tousjours pouirsuivy,

Et dés le jour qu’en dançant je vous vy,

Je meurs pour vous et si en suis bien aise.

De mal en mal, de souci en souci

J’ay l’ame triste et le corps tout transi,

Sans eschaufer le froid de vostre glace.

Au moins lisez et voyez sur mon front

Combien de morts vos doux regars me font :

« Le soing caché se cognoist à la face.

Sweet sleep, which makes all things calm,

Cannot calm the pain which has seized me ;

In you I die, in you alone I live,

Seeing nothing but you which pleases me.

Your eyes have thrust such a furnace into my heart

That a fire has since then always pursued me

And since the day I saw you dancing

I have been dying for you and yet am happy to be so.

From one ill to another, from one care to another

My soul is sad and my body utterly numb,

Without warming the cold of your ice.

At least read and see upon my brow

How many times your sweet glances do me to death :

“Hidden cares make themselves known on the face.”

205

Comme on souloit si plus on ne me blasme

D’avoir l’esprit et le corps ocieux,

L’honneur en soit au trait de ces beaux yeux,

Qui m’ont poli l’imparfait de mon ame.

Le seul rayon de leur gentille flame

Dressant en l’air mon vol audacieux

Pour voir le Tout m’esleva jusqu’aux Cieux,

Dont ici bas la partie m’enflame.

Par le moins beau qui mon penser aila,

Au sein du beau mon penser s’en vola,

Espoinçonné d’une manie extresme :

Là du vray beau j’adore le parfait,

Là, d’ocieux actif je me suis fait,

Là je cogneu ma maistresse et moy-mesme.

If, as they used to, people no longer blame me

For having a lazy mind and body,

The honour for it is in the wound of those fair eyes

Which have polished the imperfections of my soul.

The ray of their noble flame alone,

Supporting in the air my daring flight

To see the All, raised me to heaven –

Down here, [just] a part inflames me.

By that less-fair way which gave my thoughts wings,

My thoughts flew to the bosom of the Fair,

Tortured by extreme obsession ;

There I adore the perfection of true Beauty,

There I become active, not lazy,

There I have found my mistress and myself.

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206

Fier Aquilon horreur de la Scythie,

Le chasse-nue, et l’esbranle-rocher,

L’irrite-mer, et qui fais approcher

Aux enfers l’une, aux cieux l’autre partie:

S’il te souvient de la belle Orithye,

Toy de l’Hiver le ministre et l’archer,

Fais à mon Loir ses mines relascher,

Tant que ma Dame à rive soit sortie.

Ainsi ton front ne soit jamais moiteux,

Et ton gosier horriblement venteux

Mugle tousjours dans les cavernes basses :

Ainsi les bras des chesnes les plus vieux,

Ainsi la terre et la mer et les cieux

Tremblent d’effroy, quelque part où tu passes.

Noble north wind, horror of Scythia,

Pursuer of the naked, shaker of rocks,

Stirrer of the seas, you who bring close

On one side hell, on the other heaven;

If you remember the fair Orithyia,

O agent and archer of Winter,

Make my Loir relax her complexion

As my Lady goes out upon her bank.

Then, may your brow never be damp,

May your terribly windy throat

Bellow still within deep caverns;

Then may the arms of the ancient oaks,

Then may the earth and sea and sky

Tremble in fear, wherever you pass.

207

Sœur de Pâris, la fille au Roy d’Asie,

A qui Phebus en doute fit avoir

Peu cautement l’aiguillon du sçavoir,

Dont sans profit ton ame fut saisie :

Tu variras vers moy de fantaisie,

Puis qu’il te plaist (bien que tard) de vouloir

Changer ton Loire au sejour de mon Loir,

Pour y fonder ta demeure choisie.

En ma faveur le Ciel te guide ici,

Pour te monstrer de plus pres le souci

Qui peint au vif de ses couleurs ma face.

Vien Nymphe vien, les rochers et les bois,

Qui de pitié s’enflamment sous ma voix,

Pleurant ma peine, eschaufferont ta glace.

Sister of Paris, daughter to the King of Asia,

To whom Phoebus, doubting, gave

Incautiously the goad of knowledge,

By which your soul was without profit seized ;

You will change your ideas towards me

Since you choose (though late) to consider

Exchanging your Loire to stay on my Loir

And to found there your chosen home.

For my benefit is Heaven guiding you here

To show you more closely the pain

Which paints my face so vividly with its colours.

Come, Nymph, come : the rocks and woods

Which blaze up in pity at my voice,

Weeping for my pain, will warm up your ice.

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208

L’or crespelu que d’autant plus j’honore,

Que mes douleurs s’augmentent de son beau,

Laschant un jour le noud de son bandeau,

S’esparpilloit sur le sein que j’adore.

Mon cueur helas ! qu’en vain je r’appelle ore,

Vola dedans ainsi au’un jeune oiseau,

Qui s’en-volant dedans un arbrisseau,

De branche en branche à son plaisir s’essore.

Lors que dix doigts dix rameaux yvoirins

En ramassant de ce beau chef les brins,

Prindrent mon cueur en leurs rets qui m’affolle :

Je le vy bien, mais je ne peus crier,

Tant un effroy ma langue vint lier,

Glaçant d’un coup mon cueur et ma parolle.

The curling gold, which I honour more and more

As my sadness is increased by its beauty,

Escaping one day the knot of its scarf

Scattered over the breast which I adore.

Oh, my heart! In vain I tried to recall it,

As it flew among it just like a little bird

Which flutters inside a bush

Winging from branch to branch at its pleasure.

Then ten fingers, ten ivory boughs,

Gathering up the strands from her fair head

Seized my heart in their maddening net:

I saw it clearly but could not cry out

Such fear bound my tongue

Freezing at one blow my heart and my speech.

209

L’Homme a la teste ou de plomb ou de bois,

S’il ne tressaut de crainte et de merveille,

Quand face à face il voit ma non-pareille,

Ou quand il oit les accords de sa voix :

Ou quand, pensive, aux jours des plus beaux mois

Amour tout seul seulette la conseille

Par les jardins, et d’une main vermeille

Faire un bouquet des fleurettes de chois :

Ou quand l’Esté, lors que le chaud s’avale,

Au soir à l’huis l’apperçoit qu’elle egale

La soye à l’or d’un pouce ingenieux :

Puis de ses doigts qui les roses effacent,

Toucher son Luth, et d’un tour de ses yeux

Piller les cueurs de mille hommes qui passent.

A man has a head made of lead or wood

If he does not start from fear and wonder

When he sees face to face my unequalled lady

Or when he hears the harmony of her voice ;

Or when, pensive in the fairest months,

Love and Love alone advises her alone

In the gardens, and with a rosy hand

Makes a bouquet from the choicest blooms ;

Or when in the summer, when the heat abates

In the evening, he notices her by the door as she makes

Silk like gold with her clever fingers ;

Then with her fingers which are pinker than roses

Playing her lute, and with a glance of her eyes

Stealing the hearts of a thousand passing men.

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210

Avec les fleurs et les boutons esclos

Le beau Printemps fait printaner ma peine,

En chaque nerf, en chaque artere et veine

Soufflant un feu qui m’ard jusques à l’os.

Le marinier ne conte tant de flos,

Quand plus Borée horrible son haleine,

Ny de sablons l’Afrique n’est si pleine,

Que de tourmens dans mon cueur sont enclos.

J’ay tant de mal, qu’il me prendroit envie

Cent fois le jour de me trancher la vie,

Minant le Fort où loge ma langueur :

Si ce n’estoit que je tremble de creinte,

Qu’apres la mort ne fust la playe esteinte

Du coup mortel qui m’est si doux au cueur.

With the flowers and buds blossoming

Spring makes my pain spring anew

Into every nerve, into every artery and vein

Blowing a fire which burns me to the very bone.

The sailor does not count so many waves

When Boreas makes his breath more horrid,

Nor is Africa so full of sands

As there are torments shut up in my heart.

I have so much trouble, that the desire takes me

A hundred times a day to cut off my life,

Undermining the fort in which my pining lives :

If it were not that I tremble with fear,

That after death the wound would not be wiped out

By the mortal blow which is so sweet to my heart.

211

Si blond si beau, comme est une toison

Qui mon dueil tue et mon plaisir renforce,

Ne fut oncq l’or, que les toreaux par force

Aux champs de Mars donnerent à Jason.

De ceux qui Tyr ont choisi pour maison,

Si fine soye au mestier ne fut torce :

Ny mousse au bois ne revestit escorce

Si tendre qu’elle en la prime saison.

Poil digne d’estre aux testes des Deesses,

Puis que pour moy tes compagnons tu laisses,

Je sens ramper l’esperance en mon cueur :

Courage Amour, desja la ville est prise,

Lors qu’en deux parts, mutine, se divise,

Et qu’une part se vient rendre au veinqueur.

So blond, so beautiful, as the locks

Which kill my grief and strengthen my pleasure,

Was never that gold which the bulls gave

By force to Jason in the fields of Mars.

By those who chose Tyre as their home

Has no such fine silk been twisted in their work ;

No moss which clothes bark in the woods

Is so tender as this early in the season.

Hair worthy of being on the heads of the goddesses,

Since you have left your companions for me

I feel hope building in my heart ;

Courage, Love – the town is already taken

Since it has rebelliously divided itself into two parts

And one part has just handed itself to the conqueror.

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212

D’une vapeur enclose sous la terre

Ne s’est conceu un air si ventueux :

Ny de ses flôs le Loir impetueux

Perdant noz bleds, les campagnes n’enserre.

Le Prince Eole en ces mois ne deterre

L’esclave orgueil des vents tumultueux,

Ny l’Ocean des flots tempestueux

De sa grand clef les sources ne desserre.

Seuls mes souspirs ont ce vent enfanté,

Et de mes pleurs le Loir s’est augmenté

Pour le depart d’une beauté si fiere :

Et m’esbahis de tant continuer

Souspirs et pleurs, que je n’ay veu muer

Les uns en vent, les autres en riviere.

From no vapour shut up beneath the earth

Was such a tempestuous breeze conceived ;

Nor with his waves does the impetuous Loir,

Destroying our sheep, enclose our fields.

Prince Aeolus in those months does not unearth

The slavish pride of the tumultuous winds,

Nor does Ocean unfasten the springs

Of his tempestous waves with his great key.

Only my sighs have given birth to this wind,

And with my tears the Loir has overflowed

At the departure of so proud a beauty ;

And it amazes me, as so many sighs and tears

Continue, that I have not seen them change

The ones into wind, the others into a river.

213

Je suis plus aise en mon cœur que les Dieux,

Quand chaudement tu me baises, Maistresse :

De ton baiser la douceur larronnesse

Tout esperdu m’en-vole jusqu’aux Cieux.

Baise moy donc, mon cœur : car j’aime mieux

Ton seul baiser, que si quelque Deesse

Au jeu d’amour d’une accollade espesse

M’embrassoit nud d’un bras delicieux.

Mais ton orgueil a tousjours de coustume

D’accompagner ton baiser d’amertume,

Froid sans saveur : aussi je ne pourrois

Souffrir tant d’heur : car mon ame, qui touche

Mille beautez, s’enfuiroit par ma bouche,

Et de trop d’aise en ton sein je mourrois.

I am more at ease in my heart than the Gods

When warmly you kiss me, my mistress;

The stolen sweetness of your kiss

Lifts me up, totally overcome, to the heavens.

Kiss me then, my heart; for I prefer

A single kiss from you, than if some goddess

In the game of love should, with a particular embrace,

Kiss me naked in her lovely arms.

But your pride has always customarily

Accompanied your kiss with bitterness,

Cold and tasteless: nor could I

Suffer such fortune: for my soul which touches

A thousand beauties, would rush out of my mouth

And from being too at ease in your bosom I would die.

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214

Je sens portraits dedans ma souvenance

Tes longs cheveux et ta bouche et tes yeux,

Ton doux regard, ton parler gracieux,

Ton doux maintien, ta douce contenance.

Un seul Janet honneur de nostre France,

De ses crayons ne les portrairoit mieux,

Que de l’Archer le trait ingenieux

M’a peint au cœur leur vive remembrance.

Dans le cœur donque au fond d’un diamant,

J’ay son portrait, que je suis plus aimant

Que mon cœur mesme. O vive portraiture !

De ce Janet l’artifice mourra :

Dedans mon cœur le tien me demourra,

Pour estre vif apres ma sepulture.

I see portrayed within my memory

Your long hair, your lips, your eyes,

Your sweet glance, your gracious way of speaking,

Your sweet bearing, your sweet countenance.

Only a Janet, the pride of our France,

Could portray them better with his colours

Than the Archer’s cunning blow

Has painted their vivid remembrance in my heart.

In my heart, then, in the depths of a diamond

I have his picture, which I love more

Than my heart itself. What a life-like portait!

This Janet’s art will die;

But within my heart yours will remain,

Still living on after my death.

215

De ses Maris, l’industrieuse Heleine,

L’esguille en main retraçoit les combas

Dessus sa toile : en ce poinct tu t’esbas

D’ouvrer le mal duquel ma vie est pleine.

Mais tout ainsi, Maistresse, que ta leine

Et ton fil noir desseignent mon trespas,

Tout au rebours pourquoy ne peins-tu pas

De quelque verd un espoir à ma peine ?

Mon œil ne voit sur ta gaze rangé

Sinon du noir, sinon de l’orangé,

Tristes tesmoins de ma longue souffrance.

O fier destin ! son œil ne me desfait

Tant seulement, mais tout ce qu’elle fait,

Ne me promet qu’une desesperance.

Her husbands’ battles the industrious Helen,

Needle in hand, retraced

Upon her cloth; in the same way you enjoy yourself

Laying open the pain with which my life is filled.

But even as, mistress, your wool

And your black thread depict my death,

Instead why do you not paint

With some green a hope in my pain?

My eyes see nothing arrayed upon your gauze

But black and orange colours,

Sad witnesses of my long suffering.

O proud fate! Her eyes do not defeat me

By themselves, but everything that she does

Promises me nothing but despair.

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216

Amour, que j’aime à baiser les beaux yeux

De ma maistresse, et à tordre en ma bouche

De ses cheveux l’or fin qui s’escarmouche

Dessus son front astré comme les cieux !

C’est à mon gré le meilleur de son mieux

Que son bel œil, qui jusqu’au cœur me touche,

Dont le beau nœud d’un Scythe plus farouche

Rendroit le cœur courtois et gracieux.

Son beau poil d’or, et ses sourcis encore

De leurs beautez font vergoingner l’Aurore,

Quand au matin elle embellit le jour.

Dedans son œil une vertu demeure,

Qui va jurant par les fleches d’Amour

De me guarir : mais je ne m’en asseure.

Love, how I love kissing the beautiful eyes

Of my mistress, and twisting in my mouth

The fine gold of her hair which skirmishes

Over her brow, starry like the heavens!

In my opinion, the best of her best

Is her fair eye, which touches me deep in my heart,

And her fair Scythian knot, still wilder,

Makes my heart courteous and graceful.

Her fair golden hair, her eyebrows too

With their beauties make the Dawn blush

When in the morning she beautifies the day.

Within her eye lives a power

Which keeps swearing by Love’s arrows

To cure me; but I won’t rely on it.

217

L’arc qui commande aux plus braves gendarmes,

Qui n’a soucy de plastron ny d’escu,

D’un si doux trait mon courage a veincu,

Que sus le champ je luy rendy les armes.

Comme inconstant je n’ay point fait d’alarmes

Depuis que serf sous Amour j’ay vescu,

N’y n’eusse peu : car pris je n’ay oncq eu

Pour tout secours, que l’ayde de mes larmes.

Et toutefois il me fasche beaucoup

D’estre defait, mesme du premier coup,

Sans resister plus long temps à la guerre :

Mais ma défaite est digne de grand pris,

Puis que le Roy, ains le Dieu, qui m’a pris,

Combat le Ciel, les Enfers, et la Terre.

The bow which commands the bravest men at arms,

Which cares not for breastplate or shield,

Has overcome my courage with so sweet a wound

That immediately, there on the field of battle, I surrendered my arms.

Like a traitor I have raised no alarms

Since I have lived as a servant of Love,

Nor could I have; for once captured I have never had

Any help but the aid of my tears.

And yet it deeply frustrates me

To have been defeated, and at the first blow,

Without resisting longer in the war ;

But my defeat is worthy of a great prize

Since the King, and God too, who has captured me

Matches himself against Heaven, Hell and the Earth.

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218

Cet œil qui fait qu’au monde je me plais,

Qui fait rocher celuy qui s’en approuche,

Ore d’un ris, or’ d’un regard farouche

Nourrit mon cœur en querelle et en pais.

Par vous, bel œil, en souffrant je me tais :

Mais aussi tost que la douleur me touche,

Toy belle sainte et angelique bouche,

De tes douceurs re-vivre tu me fais.

Bouche, pourquoy me viens-tu secourir

De tes propos lors que je veux mourir ?

Pourquoy veux-tu que vif je redevienne ?

Fertile au soing je revis en langueur,

Un vray Prothee, afin que le soing vienne

Plus longuement se paistre de mon cœur.

Those eyes which make me pleased with the world,

Which turn to stone whoever approaches them,

Now with a smile, now with a wild glance,

Feed my heart in argument or in peace.

Through you, fair eyes, I remain silent though I suffer;

But as soon as sadness affects me

You, o fair, holy and angelic lips,

With your sweetness you make me live again.

O lips, why do you come to my aid

With your advice just when I want to die?

Why do you wish me to return to life?

Rich in troubles I live again, but listlessly

A true Proteus, whenever cares come,

Can feed at more length on my heart.

219

Depuis le jour que captif je souspire,

Comme un serpent l’an s’est tourné sept fois :

(Sous astre tel je pris l’haim) toutesfois

Plus qu’au premier ma fiévre me martire.

Quand je soulois en mon estude lire

Du Florentin les lamentables vois,

Comme incredule alors je ne pouvois

En le mocquant, me contenir de rire.

Je ne pensoy, tant novice j’estoy,

Qu’homme eust senti ce que je ne sentoy,

Et par mon fait les autres je jugeoye.

Mais l’Archerot qui de moy se facha,

Pour me punir un tel traict me cacha

Dedans le cœur, qu’onque puis je n’eus joye.

Since the day I sighed in captivity

The year has turned, like a serpent, seven times :

Beneath such a star I hooked myself. Yet

More than at first my fever tortures me.

When I used to read in my study

The Florentine’s lamenting voice,

Like a disbeliever then I could not,

Mocking him, restrain my laughter.

I did not think, such a novice was I,

That man could have felt what I did not feel,

And by my actions I judged others.

But the little Archer, angry with me,

To punish me buried such a wound

Within my heart that since then I’ve had no happiness.

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220

Quand je te voy discourant à par-toy,

Toute amusee avecques ta pensee,

Un peu la teste encontre bas baissee,

Te retirant du vulgaire et de moy :

Je veux souvent pour rompre ton esmoy,

Te saluer, mais ma voix offensee,

De trop de peur se retient amassee

Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

Mon œil confus ne peut souffrir ta veuë :

De ses rayons mon ame tremble esmeuë :

Langue ne voix ne font leur action.

Seuls mes souspirs, seul mon triste visage,

Parlent pour moy, et telle passion

De mon amour donne assez tesmoignage.

When I see you chattering to yourself,

So amused with your thoughts,

Your head a little lowered towards the ground,

Withdrawn from the common folk, and from me ;

I often wish, to interrupt your excitement,

To greet you : but my slighted voice

Keeps itself, from too much fear, blocked up

Within my mouth and leaves me all shy.

My confused eyes cannot endure your glance ;

With its rays my soul is moved and trembles ;

Tongue and voice cannot do what they should.

Only my sighs, only my sad face

Speak for me, and such suffering

Gives witness enough of my love.

221

De veine en veine, et d’artere en artere,

De nerfs en nerfs le salut me passa,

Que l’autre jour ma Dame me laissa

Dedans le cueur tout triste et solitaire.

Il fut si doux, que je ne puis m’en taire,

Tant en passant d’aiguillons me laissa,

Et tellement de son trait me blessa,

Que de mon cueur il ne fist qu’un ulcere.

Les yeux, la voix, le gracieux maintien,

A mesme fois s’accorderent si bien,

Que l’ame fut d’un tel plaisir si gloute,

Qu’affriandee au goust d’un si doux bien,

Entrerompant son terrestre lien,

De me laisser fut mille fois en doute.

From vein to vein, artery to artery,

Nerve to nerve travels the greeting

Which the other day my Lady left

Within my sad and lonely heart.

It was so sweet that I cannot keep quiet about it,

Though as it travelled it left me sharp thorns

And so wounded me with its blow

That it changed my heart to a festering sore.

Her eyes, her voice, her graceful bearing

At that moment so fitted one another

That my soul was so drunk with pleasure

That drawn to the taste of such sweet goodness

It tried to break through its earthly bonds

And nearly left me a thousand times.

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222

Que dites-vous, que faites-vous mignonne ?

Que songez-vous? pensez-vous point en moy ?

Avez-vous point soucy de mon esmoy,

Comme de vous le soucy m’espoiçonne ?

De vostre amour tout le cueur me bouillonne,

Devant mes yeux sans cesse je vous voy,

Je vous entens absente, je vous oy,

Et mon penser d’autre amour ne resonne.

J’ay vos beautez vos graces et vos yeux

Gravez en moy, les places et les lieux,

Où je vous vy danser, parler et rire.

Je vous tiens mienne, et si ne suis pas mien,

Vous estes seule en qui mon cueur respire,

Mon œil, mon sang, mon malheur et mon bien.

What are you saying? What are you doing, my darling?

What are you dreaming? Are you thinking of me at all?

Have you any care for my heartache,

As care for you pierces me?

My whole heart is seething with love for you,

I see you before my eyes all the time,

I listen to you when you’re not here, I hear you,

And my thoughts reverberate with love for you and none other.

I have your beauty, grace, eyes

Engraved in my heart; the places and scenes

Where I saw you dance, speak, laugh;

I consider you mine, and yet am not my own:

You alone are the one in whom my heart breathes,

My eye, my blood, my bad fortune and my good.

223

Mets en oubly, Dieu des herbes puissant,

Le mauvais tour que non loin d’Hellesponte

Te fit m’amie, et vien d’une main pronte

Guarir son teint de fiévres pallissant.

Tourne en santé son beau corps perissant !

Ce te sera, Phebus, une grand’honte,

Si la langeur sans ton secours surmonte

L’œil, qui te tient si long temps languissant.

En ma faveur si tu as pitié d’elle,

Je chanteray comme l’errante Dele

S’enracina par ton commmandement :

Que Python fut ta premiere conqueste,

Et comme Dafne aux tresses de ta teste

Donna l’honneur du premier ornement.

Forget, God of powerful herbs,

The wicked trick which, not far from the Hellespont,

My beloved did you, and come with ready hand

To cure her complexion, pallid with fever.

Return to health her fair but perishing body !

It would be great shame on you, Phoebus,

If this weakness, without your help, overcame

Those eyes which kept you for so long weak-kneed.

If to please me you have pity on her

I shall sing how the wandering Delos

Rooted itself at your command ;

That Python was your first conquest,

And how Daphne gave to the tresses of your head

The glory of their first ornament.

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Bien que ton trait, Amour, soit rigoureux,

Et toy remply de fraude et de malice,

Assez, Amour, en te faisant service,

Suyvant ton camp, j’ay vescu bien-heureux.

Ceste beauté qui me fait langoureux,

Non, mais qui veut qu’en vain je ne languisse,

En la baisant me dit que je tondisse

De son poil d’or un lien amoureux.

J’euz tant d’honneur, que de son ciseau mesme

Je le tranchay. Voyez l’amour extresme,

Voyez, Amans, la grandeur de mon bien.

Jamais ne soit, qu’en mes vers je n’honore

Et le ciseau, et les cheveux encore,

L’un mon ministre, et l’autre mon lien.

Though your wound, Love, is harsh

And you are full of trickery and malice,

I have lived happily enough, Love, in doing you

Service and following your train.

That beauty who makes me pine –

Or rather wishes me to pine in vain –

As I kissed her told me I could clip

From her golden locks a lover’s band.

I cut it off with her own scissors –

So honoured was I. See this extreme love,

See, lovers, her great goodness.

May I never forget to honour in my verse

Both the scissors and the hair also,

One my helper, the other my bond.

225

Si hors du cep où je suis arresté,

Cep où l’Amour de ses fleches m’enclouë,

J’eschappe franc, et du reth qui me nouë,

En libre col je me voy dé-rheté :

Au cœur d’un pré loing des gens escarté,

Qu’à bras fourchus l’eau du Loir entrenoüe,

De gazons d’herbe un temple je te voüe,

Heureuse saincte et alme Liberté.

Là je veux pendre au plus haut chœur du temple

Un sainct tableau, qui servira d’exemple

A tous amans, qu’ils ne m’aillent suyvant.

Et pour garder que plus je n’y retombe,

Je veux tuer aux Dieux une Hecatombe.

« Belle fin fait qui s’amende en vivant.

If out of the vine in which I was caught,

The vine in which Love with his arrows bound me,

I can clean escape, and from the net which twists around me

I can see myself un-netted, my neck freed:

Then, in the heart of a meadow far remote from people

Which the forked arms of the Loir’s waters twist around,

On grassy lawns I shall dedicate a temple to you,

Happy, holy, divine Liberty.

There I intend to hang in the highest choirs of the temple

A holy image, which will serve as an example

To all lovers not to follow me.

And to make sure I do not fall back,

I intend to sacrifice to the gods a hecatomb:

“A fine end makes he who mends his ways while alive.”

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226

Veu la douleur, qui doucement me lime,

Et qui me suit, compagne, pas-à-pas,

Je prevoy bien qu’encor je ne suis pas

Pour trop aimer à la fin de ma rime.

Dame, l’ardeur qui de chanter m’anime

Et qui me rend en ce labeur moins las,

C’est que je voy qu’agreable tu l’as,

Et que je tiens de tes pensers la cime.

Je suis, Amour, heureux et plusqu’heureux

De vivre aimé, et de vivre amoureux

De la beauté d’une Dame si belle,

Qui lit mes vers, qui en fait jugement,

Et dont les yeux me baillent argument

De souspirer heureusement pour elle.

In view of the grief which sweetly entraps me

And pursues me like a companion, step by step,

I foresee that I am not yet,

From loving too much, at the end of my verse.

My Lady, the passion which drives me to sing

And makes me less weary in this task

Is that of seeing it delights you

And that I retain the highest of your thoughts.

I am happy, Love, and more than happy

To live beloved, and to live in love

With the beauty of so fair a Lady

Who reads my verse, who offers her judgement of it,

And whose eyes offer me a reason

To sigh happily for her.

227

Le Jeu, la Grace, et les Freres jumeaux,

Suivent ma Dame, et quelque part qu’elle erre,

Dessous ses pieds fait esmailler la terre,

Et des hyvers fait des printemps nouveaux.

En sa faveur jargonnent les oiseaux,

Ses vents Eole en sa caverne enserre,

Le doux Zephyre un doux souspir desserre,

Et tous muets s’accoisent les ruisseaux.

Les Elemens se remirent en elle,

Nature rit de voir chose si belle :

Je tremble tout, que qulequ’un de ces Dieux

Ne passionne apres son beau visage,

Et qu‘en pillant le tresor de nostre âge,

Ne la ravisse et ne l’emporte aux cieux.

Playfulness, Grace, and the twin brothers

Follow my Lady, and wherever she wanders

Beneath her feet be-spangle the earth,

And make from winter a new spring.

For her the birds chatter,

Aeolus binds the winds in his cavern,

Soft Zephyr looses a soft sigh,

And quietly the streams rise.

The Elements behold themselves in her,

Nature smiles to see something so fair ;

I tremble all over, lest one of these gods

Should become passionate for her fair face

And, looting the treasure of our age,

Steal her away and carry her to the heavens.

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227a

BAISER

Quand hors de tes lèvres décloses

(Comme entre deux fleuris sentiers)

Je sens ton haleine de roses,

Les miennes les avant portiers

Du baiser, se rougissent d’aise,

Et de mes souhaits tous entiers

Me font jouyr, quand je te baise.

Car l’humeur du baiser appaise,

S’escoulant au cœur peu à peu,

Ceste chaude amoureuse braise,

Dont tes yeux allumoient le feu.

A KISS

When from your unclosed lips

(As between two flowery paths)

I feel your rose-scented breath,

My own lips, the door-keepers

Of the kiss, redden easily,

And all my longing

Makes me happy when I kiss you.

For the mood for kissing calms me,

Flowing little by little to my heart,

In whose warm and loving embers

Your eyes could light a fire.

227b

ELEGIE A CASSANDRE

Mon œil, mon cœur, ma Cassandre, ma vie,

Hé! qu’à bon droit tu dois porter d’envie

A ce grand Roy, qui ne veut plus souffrir

Qu’à mes chansons ton nom se vienne offrir.

C’est luy qui veut qu’en trompette j’echange

Mon luth, afin d’entonner sa louange,

Non de luy seul mais de tous ses ayeux

Qui sont là hault assis au rang des Dieux.

Je le feray puis qu’il me le commande :

Car d’un tel Roy la puissance est si grande,

Que tant s’en faut qu’on la puisse eviter,

Qu’un camp armé n’y pourroit resister.

Mais que me sert d’avoir tant leu Tibulle,

Properce, Ovide, et le docte Catulle,

Avoir tant veu Petrarque et tant noté,

Si par un Roy le pouvoir m’est oté

De les ensuyvre, et s’il faut que ma Iyre

Pendue au croc ne m’ose plus rien dire ?

ELEGY, TO CASSSANDRE

My eyes, my heart, my Cassandre, my life,

Oh, how rightly you must be envious

Of that great King who no longer wishes to suffer

Your name to put itself forward in my songs.

It is he who wishes that I should change my lute

For a trumpet, to sing out his praises,

And not only his own but those of his ancestors

Who are seated above in the ranks of the gods.

I shall do it, as he commands it :

For the power of such a King is so great

That it is as hard to keep out of its way

As for an armed force to resist it.

What use for me to have read so much of Tibullus,

Propertius, Ovid, and the learned Catullus ;

To have looked over and noted so much of Petrarch,

If by a King the power is taken from me

Of following them, and if my lyre must

Hang from a hook and dare no longer speak ?

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Doncques en vain je me paissois d’espoir

De faire un jour à la Tuscane voir,

Que nostre France, autant qu’elle, est heureuse

A souspirer une pleinte amoureuse :

Et pour monstrer qu’on la peut surpasser,

J’avois desja commencé de trasser

Mainte Elegie à la façon antique,

Mainte belle Ode, et mainte Bucolique.

Car, à vray dire, encore mon esprit

N’est satisfait de ceux qui ont escrit

En nostre langue, et leur amour merite

Ou du tout rien, ou faveur bien petite.

Non que je sois vanteur si glorieux

D’oser passer les vers laborieux

De tant d’amans qui se pleignent en France :

Mais pour le moins j’avoy bien esperance,

Que si mes vers ne marchoient les premiers,

Qu’ils ne seroient sans honneur les derniers.

Car Eraton qui les amours descœuvre,

D’assez bon œil m’attiroit à son œuvre.

L’un trop enflé les chante grossement,

L’un enervé les traine bassement,

L’un nous depeint une Dame paillarde,

L’un plus aux vers qu’aux sentences regarde,

Et ne peut onq tant se sceut desguiser,

Apprendre l’art de bien Petrarquiser.

Que pleures-tu, Cassandre, ma douce ame ?

Encor Amour ne veut couper la trame

Qu’en ta faveur je pendis au métier,

Sans achever l’ouvrage tout entier.

I have therefore vainly fed the hope

Of one day seeing Tuscany,

When our France, as much as it, is happy

To sigh a lover’s plaint ;

And, to show [Italy] can be surpassed

I had already begun to set down

Many an Elegy in the antique fashion,

Many a fine Ode, many a Pastoral.

For to speak the truth, my soul is still

Not satisfied with those who have written

In our language, and their love deserves

Either nothing at all, or very little favour.

Not that I am so vainglorious a boaster

As to venture to surpass the laborious poetry

Of so many lovers who have made their plaints in France ;

But at least I have a fair hope

That, even if my verse does not go first,

It will not be dishonourably last.

For Erato, who discloses love-affairs,

Drew me with a clear eye to her work.

One puffed-up poet sings grossly of love,

Another nervous one drags on in too mean a style ;

One depicts a Lady who is lewd,

Another takes more care over his verse than his meaning

And can never, however he tries to conceal it,

Learn the art of Petrarch-ising well.

Why do you weep, Cassandre, my sweet soul ?

Love does not yet seek to cut off the warp and weft

Which I have hung on my loom for you,

Without completing the whole of my work.

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Mon Roy n’a pas d’une beste sauvage

Succé le laict, et son jeune courage,

Ou je me trompe, a senti quelquefois

Le trait d’Amour qui surmonte les Rois.

S’il l’a senti, ma coulpe est effacee,

Et sa grandeur ne sera corroucee

Qu’à mon retour des horribles combas,

Hors de son croc mon Luth j’aveigne à-bas,

Le pincetant, et qu’en lieu des alarmes

Je chante Amour, tes beautez et mes larmes.

« Car l’arc tendu trop violentement,

« Ou s’alentit, ou se rompt vistement.

Ainsi Achille apres avoir par terre

Tant fait mourir de soudars en la guerre,

Son Luth doré prenoit entre ses mains

Teintes encor de meurdres inhumains,

Et vis à vis du fils de Menetie,

Chantoit l’amour de Brisëis s’amie :

Puis tout soudain les armes reprenoit,

Et plus vaillant au combat retoumoit.

Ainsi, apres que l’ayeul de mon maistre

Hors des combats retirera sa dextre,

Se desarmant dedans sa tente à part,

Dessus le Luth à l’heure ton Ronsard

Te chantera : car il ne se peut faire

Qu’autre beauté luy puisse jamais plaire,

Ou soit qu’il vive, ou soit qu’outre le port,

Leger fardeau, Charon le passe mort.

My King has not sucked the milk of some

Savage beast, and his youthful courage too,

Unless I am mistaken, has sometimes felt

The wound of Love which can overcome Kings.

If he has felt it, my [ error ] is erased

And his greatness will not be angered

If, on my return from terrible battles,

I take my lute down from its hook

And pluck it, and instead of loud war

I sing of Love, your beauty, and my tears.

« For the bow which is drawn too tightly

Either weakens [slows] or quickly breaks. »

Just so Achilles, after having across the world

Put so many soldiers to death in war,

Took his golden lute in his hands –

Still stained with inhuman massacres –

And sitting opposite the son of Menetius

Sang of his love for Briseis, his beloved ;

Then as suddenly took up arms again

And returned, more courageous, to battle.

And so, after my master’s ancestor

Withdraws his hand from battle,

Disarming himself within his tent away from the field,

Upon his lute just then your Ronsard will sing

To you ; for it cannot be

That another beauty could ever please him

While he is alive or when, beyond this harbour,

Charon carries his light burden, dead.

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227c

ELEGIE A MURET

Non Muret, non ce n’est pas du jourd’huy,

Que l’Archerot qui cause nostre ennuy,

Cause l’erreur qui retrompe les hommes :

Non Muret, non, les premiers nous ne sommes,

A qui son arc d’un petit trait veinqueur,

Si grande playe a caché sous le cœur :

Tous animaux, ou soient ceux des campagnes,

Soient ceux des bois, ou soient ceux des montagnes

Sentent sa force, et son feu doux-amer

Brusle sous l’eau les Monstres de la mer.

Hé ! qu’est-il rien que ce garçon ne brûle ?

Ce porte-ciel, ce tu’-geant Hercule

Le sentit bien : je dy ce fort Thebain

Qui le sangler estrangla de sa main,

Qui tua Nesse, et qui de sa massue

Morts abbatit les enfans de la Nue :

Qui de son arc toute Lerne estonna,

Qui des enfers le chien emprisonna,

Qui sur le bord de l’eau Thermodontee

Prit le baudrier de la vierge dontee :

Qui tua l’Ourque, et qui par plusieurs fois

Se remocqua des feintes d’Achelois :

Qui fit mourir la pucelle de Phorce,

Qui le Lion desmachoira par force,

Qui dans ses bras Anthee acravanta,

Qui deux piliers pour ses marques planta.

Bref, cest Herôs correcteur de la terre,

Ce cœur sans peur, ce foudre de la guerre,

Sentit ce Dieu, et l’amoureuse ardeur

Le matta plus que son Roy commandeur.

Non pas espris comme on nous voit esprendre,

Toy de ta Janne ou moy de ma Cassandre :

Mais de tel Tan amour l’aiguillonnoit,

ELEGY, TO MURET

No Muret, no : it is not in our days

That the little Archer who causes our pain

Has created the delusion which still fools men ;

No Muret, no : we are not the first

In whom his bow with its little conquering dart

Has concealed so great a wound beneath the heart :

All creatures, whether those of the fields

Or of the woods, or of the mountains

Feel his power, and his bitter-sweet fire

Burns the monsters of the sea below the waters.

Ah, is there none this child does not burn ?

Hercules, sky-bearer and giant-slayer,

Felt him strongly ; I tell you, that strong Theban

Who strangled the boar with his hands,

Who killed Nessus, and with his club

Struck dead the children of the Cloud;

Who with his bow amazed all of Lerna,

Who imprisoned the dog from Hell,

Who on the banks of the Thermodontian waters

Seized the belt of the defeated maiden ;

Who killed the sea-monster, and time and again

Mockingly overcame the tricks of Achelous;

Who put to death the maid of Phorcis,

Who ripped the jaws off the Lion with his strength,

Who crushed in his arms Antaeus,

Who planted two pillars as his mark.

In short, this hero, amender of the world,

This heart without fear, this thunderclap of war,

Felt that God, and love’s passion

Flattened him more than his King and commander.

Not in love as people see we are,

You with your Janne and me with my Cassandre,

Rather Love pricked him with such a blow

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Que tout son cœur sans raison bouiilonnoit

Au souffre ardent qui luy cuisoit les veines :

Du feu d’amour elles fumoient si pleines,

Si pleins ses os, ses muscles et ses ners,

Que dans Hercul’ qui purgea l’univers,

Ne resta rien sinon une amour fole,

Que Iuy versoient les deux beaux yeux d’Iole.

Tousjours d’Iole il aimoit les beaux yeux,

Fust que le char qui donne jour aux cieux

Sortist de l’eau, ou fust que devalee

Tournast sa rouë en la plaine salee,

De tous humains accoisant les travaux,

Mais non d’Hercul’ les miserables maux.

Tant seulement il n’avoit de sa dame

Les yeux fichez au plus profond de l’ame :

Mais son parler, sa grace, et sa douceur

Tousjours colez s’attachoient à son cœur.

D’autre que d’elle en son ame ne pense :

Tousjours absente il la voit en presence.

Et de fortune, Alcid’, si tu la vois,

Dans ton gosier begue reste ta voix,

Glacé de peur voyant la face aimee :

Ore une fiévre amoureuse allumee

Ronge ton ame, et ores un glaçon

Te fait trembler d’amoureuse frisson.

Bas à tes pieds ta meurdriere massue

Gist sans honneur, et bas la peau velue,

Qui sur ton doz roide se herissoit,

Quand ta grand’main les Monstres punissoit.

Plus ton sourcil contre eux ne se renfrongne :

O vertu vaine, ô bastarde vergongne,

O vilain blasme, Hercule estant donté

(Apres avoir le monde surmonté)

That his whole heart boiled, his reason failed,

At the ardent suffering which burned his veins ;

They steamed, so full of the fire of love,

His bones, muscles and nerves so full too

That in Hercules, who had cleaned up the world,

Remained nothing but the crazed love

Which the two fair eyes of Iole had poured into him.

Still he loved the fair eyes of Iole

Whether the chariot which gives day to the heavens

Left the seas, or whether rushing down

It turned its wheels back to the salty plain

Giving rest to the labours of all men

But not to the wretched troubles of Hercules.

He did not have only his lady’s

Gaze fixed in the deeps of his soul;

But her speech, her grace, her sweetness

Were always attached, stuck to his heart.

He thought of no other than her in his soul;

Always when she was away he saw her present.

And if you saw her by chance, Alcides,

Your voice remained dumb in your throat

Frozen with fear at seeing the beloved face;

Now love’s fever, aflame,

Clawed your soul; and now an icicle

Made you tremble with a shiver of love.

Down at your feet your murderous club

Stands without honour, and the shaggy skin

Which bristled stiffly on your back

When your mighty hand punished monsters.

Your brow no longer frowns upon them:

O empty virtue, o impure shame,

O sordid blame, Hercules being overcome

(After overcoming the world)

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Non d’Eurysthée, ou de Junon cruelle,

Mais de la main d’une simple pucelle.

Voyez pour Dieu, quelle force a l’Amour,

Quand une fois elle a gaigné la tour

De la raison, ne nous laissant partie

Qui ne soit toute en fureur convertie.

Ce n’est pas tout : seulement pour aimer,

Il n’oublia la façon de s’armer,

Ou d’empoigner sa masse hazardeuse,

Ou d’achever quelque emprinse douteuse :

Mais lent et vain anonchalant son cœur,

Qui des Tyrans l’avoit rendu veinqueur,

Terreur du monde (ô plus lasche diffame)

Il s’habilla des habits d’une femme,

Et d’un Heros devenu damoiseau,

Guidoit l’esguille, et tournoit le fuseau,

Et vers le soir, comme une chambriere,

Rendoit sa tasche à sa douce joliere,

Qui le tenoit en ses fers plus serré

Qu’un prisonnier dans les ceps enferré.

Grande Junon, tu es assez vengee

De voir sa vie en paresse changee,

De voir ainsi devenu filandier

Ce grand Alcid’ des Monstres le meurdrier,

Sans adjouster à ton ire indomtee

Les mandemens de son frere Eurysthee.

Que veux-tu plus ? Iôle le contraint

D’estre une femme : il la doute, il la craint.

Il craint ses mains plus qu’un valet esclave

Ne craint les coups de quelque maistre brave.

Et ce-pendant qu’il ne fait que penser

A s’atiffer, à s’oindre, à s’agencer,

A dorloter sa barbe bien rongnee,

Not by Eurystheus or cruel Juno,

But by the hand of just a maiden.

See, by heaven, what power Love has

When she has once won the tower

Of reason, not leaving us any part

Which cannot be changed entirely into madness.

That’s not all: simply from love

He did not forget how to arm himself

Or to grip his dangerous club in his fist

Or to achieve some uncertain task;

But slowly and vainly making listless his heart

Which had made him conqueror of tyrants,

The terror of the world – so unmanly a tale –

Dressed himself in the garments of a woman

And, from hero become a maid,

Plied his needle and twisted the spindle

And towards evening, like a chambermaid,

Handed his work to his pretty jailer

Who held him tighter in her chains

Than a prisoner chained in the stocks.

Great Juno, you have taken revenge enough

In seeing his life changed to laziness,

In seeing thus the great Alcides

Become weaver, after being murderer of monsters,

Without adding on to your unconquered anger

The commands of his brother Eurystheus.

What more do you want? Iole forced him

To be a woman; he doubted her, he feared her,

He feared her hands more than a slave-servant

Fears the blows of his good master.

And while he thought of nothing but

Dressing up, anointing and arranging himself,

Of pampering his nicely-trimmed beard,

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A mignoter sa teste bien pignée,

Impuniment les Monstres ont loisir

D’assujettir la terre à leur plaisir,

Sans plus cuider qu’Hercule soit au monde :

Aussi n’est-il : car la poison profonde,

Qui dans son cœur s’alloit trop derivant,

L’avoit tué dedans un corps vivant.

Nous doncq, Muret, à qui la mesme rage

Peu cautement affole le courage,

S’il est possible, evitons le lien

Que nous ourdist l’enfant Cytherien :

Et rabaisson la chair qui nous domine,

Dessous le joug de la raison divine,

Raison qui deust au vray bien nous guider,

Et de nos sens maistresse presider.

Mais si l’amour de son traict indomtable

A desja fait nostre playe incurable,

Tant que le mal peu subject au conseil

De la raison desdaigne l’appareil,

Vaincuz par luy, faisons place à l’envie,

Et sur Alcid’ desguisons nostre vie :

En ce-pendant que les rides ne font

Cresper encor l’aire de nostre front,

Et que la neige en vieillesse venue

Encor ne fait nostre teste chenue,

Qu’un jour ne coule entre nous pour neant

Sans suivre Amour : il n’est pas mal-seant,

Mais grand honneur au simple populaire,

Des grands seigneurs imiter l’exemplaire.

Of cosseting his well-oiled hair,

Those monsters had leisure with immunity

To subject the earth at their pleasure,

No longer believing that Hercules was alive;

Nor was he, for the deep poison

Which coursed in his heart, overflowing,

Had killed him though his body still lived.

So we, Muret, in whom the same madness

So casually makes courage foolish,

If possible let us avoid the bonds

Which the child of Cythera prepares for us:

And let’s put the flesh which masters us

Beneath the yoke of divine reason,

Reason which ought indeed to guide us

And rule as mistress of our senses.

But love with his unbeatable wound

Has already made our wound incurable,

Since the illness, hardly subject to Reason’s

Counsel, scorns the medicine:

So, conquered by him, let’s make room for desire

And on Alcides’ example model our lives:

As long as wrinkles no longer make

Our brows look furrowed,

And the snow which comes with age

Has not yet made hoary our hair,

Let’s aim that no day should pass for nothing

Without following love: it is not improper

But a great honour for us simple folk

To copy the example of great lords.

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227d

CHANSON

D’un gosier masche-laurier

J’oy crier

Dans Lycofron ma Cassandre,

Qui prophetize aux Troyens

Les moyens

Qui les reduiront en cendre.

Mais ces pauvres obstinez

Destinez

Pour ne croire à leur Sibylle,

Virent, bien que tard, apres

Les feux Grecs

Forcener parmy leur ville.

Ayant la mort dans le sein,

De la main

Plomboient leur poitrine nue,

Et tordant leurs cheveux gris,

De longs cris

Pleuroient qu’ils ne l’avoient creuëe.

Mais leurs cris n’eurent pouvoir

D’esmouvoir

Les Grecs si chargez de proye,

Qu’ils ne laisserent sinon

Que le nom

De ce qui fut jadis Troye.

Ainsi pour ne croire pas,

Quand tu m’as

Predit ma peine future :

Et que je n’aurois en don,

Pour guerdon

De t’aimer, que la mort dure :

SONG

With her laurel-chewing throat

I hear calling

In Lycophron my Cassandra,

Prophesying to the Trojans

The way

They’ll be reduced to ashes.

But those poor obstinate men,

Destined

Not to believe their Sybil,

Saw afterwards, though too late,

Greek fire

Raging through their town.

With death in their hearts,

With their hands

They sheathed their naked breasts in lead

And tearing their grey hairs

With long cries

They wept that they had not believed her.

But their cries had no power

To move

The Greeks, so laden with loot

That they left nothing

But the name

Of what once was Troy.

So, for not believing

When you told me

Of my future pain,

And that I should gain only,

As trophy

For loving you, the gift of harsh death,

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Un grand brasier sans repos,

Et mes os,

Et mes nerfs, et mon cœur brûle :

Et pour t’amour j’ay receu

Plus de feu,

Que ne fit Troye incredule.

A great fire ceaselessly

Burns

My bones and nerves and heart,

And for your love I’ve had

More fire

Than made Troy astonished.

228

Mon Des-Autels, qui avez dés enfance

Puisé de l’eau qui coule sur le mont,

Où les neuf Sœurs dedans un antre font

Seules à part leur saincte demeurance :

Si autrefois, l’amoureuse puissance

Vous a planté le myrte sur le front,

Enamoure de ces beaux yeux qui sont

Par vos escrits l’honneur de nostre France :

Ayez pitié de ma pauvre langueur,

Et de vos sons adoucissez le cœur

D’une qui tient ma franchise en contrainte.

Si quelquefois en Bourgoigne je suis,

Je flechiray par mes vers, si je puis,

La cruauté de vostre belle Saincte.

My dear Des Autels, you who have since childhood

Drawn from the waters which flow on the mount

Where the nine sisters, within a cave, make

Alone and apart their holy residence ;

If once the power of love

Placed laurels upon your brow,

Enamoured of those fair eyes which are

Through your writings the credit of our France ;

[Now] have pity on my weak pining

And with your music soften the heart

Of the one who holds my liberty in chains.

And if sometime I am in Burgundy

I shall turn aside with my verse, if I can,

The cruelty of your fair Saint.

228a

CHANSON

Du jour que je fus amoureux,

Nul past, tant soit-il savoureux,

Ne vin tant soit il delectable,

Au cœur ne m’est point agreable :

Car depuis l’heure je ne sceu

Manger ou boire qui m’ait pleu.

Une tristesse en l’ame close

Me nourrist, et non autre chose.

SONG

From the day when I fell in love,

No food however tasty,

No wine however delectable,

Is pleasant to my heart;

For since that hour I’ve been unable

To drink or eat what pleased me.

A sadness shut up in my soul

Feeds me, and nothing else.

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Tous les plaisirs que j’estimois

Alors que libre je n’aimois,

Maintenant je les desestime :

Plus ne m’est plaisante l’escrime,

La paume, la chasse, et le bal,

Mais comme un farouche animal

Je me pers pour celer ma rage,

En l’abry d’un antre sauvage.

L’amour fut bien forte poison

Qui m’ensorcela la raison,

Et qui me desroba l’audace

Que je portoy dessus la face,

Me faisant aller pas à pas,

Triste et pensif, le front à bas,

En homme qui craint et qui n’ose

Se fier plus en nulle chose.

Le torment qu’on feint d’Ixion,

N’approche de ma passion,

Et mieux j’aimerois de Tantale

Endurer la peine fatale

Un an, qu’estre un jour amoureux,

Pour languir autant malheureux

Que j’ay fait, depuis que Cassandre

Tient mon cœur et ne le veut rendre.

All the pleasures which I valued

When I was free and didn’t love,

Now I value them not at all;

No more pleasant to me are battles,

Tennis, hunting, balls;

But like a wild animal

I lose myself to conceal my madness

In the shelter of a wild cave.

Love was the very strong poison

Which bewitched my reason

And stole away the daring

I wore on my face,

Making me go step by step

Sad and pensive, my head bowed,

Like a man who fears and dares

No longer trust in anything.

The pretended torture of Ixion

Does not approach my passion,

And I’d rather endure

The deadly punishment of Tantalus

For a year, than be for one day in love

And languish as sadly

As I have since Cassandre

Has held my heart and won’t give it back.

228b

ELEGIE A JANET

Pein-moy, Janet, pein-moy je te supplie

Sur ce tableau les beautez de m’amie

De la façon que je te les diray.

Comme importun je ne te suppliray

D’un art menteur quelque faveur luy faire.

Il suffit bien si tu la sçais portraire

Telle qu’elle est, sans vouloir desguiser

ELEGY, TO JANET

Paint me, Janet, paint me I pray

In this picture the beauties of my beloved

In the manner I’ll tell you them.

I shall not ask as a beggar

That you do her any favours with lying art.

It will be enough if you can portray her

Just as she is, without trying to disguise

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Son naturel pour la favoriser :

Car la faveur n’est bonne que pour celles

Qui se font peindre, et qui ne sont pas belles.

Fay-luy premier les cheveux ondelez,

Serrez, retors, recrespez, annelez,

Qui de couleur le cedre representent :

Ou les allonge, et que libres ils sentent

Dans le tableau, si par art tu le peux,

La mesme odeur de ses propres cheveux :

Car ses cheveux comme fleurettes sentent,

Quand les Zephyrs au printemps les éventent.

Que son beau front ne soit entre-fendu

De nul sillon en profond estendu,

Mais qu’il soit tel qu’est l’eau de la marine,

Quand tant soit peu le vent ne la mutine,

Et que gisante en son lict elle dort,

Calmant ses flots sillez d’un somne mort.

Tout au milieu par la gréve descende

Un beau ruby, de qui l’esclat s’espande

Par le tableau, ainsi qu’on voit de nuit

Briller les raiz de la Lune, qui luit

Dessus la neige au fond d’un val coulée,

De trace d’homme encore non foulée.

Apres fay luy son beau sourcy voutis

D’Ebene noir, et que son ply tortis

Semble un Croissant, qui monstre par la nuë

Au premier mois sa vouture cornuë :

Ou si jamais tu as veu l’arc d’Amour,

Pren le portrait dessus le demy-tour

De sa courbure à demy-cercle close :

Car l’arc d’Amour et luy n’est qu’une chose.

Her natural looks to favour her :

For favour is no good but for those

Who have themselves painted but are not fair.

First, make her hair in waves,

Tied up, swept back, curled in ringlets,

Which have the colour of cedar ;

Or make it long and free, scented

In the picture, if you can do it with art,

With the same scent her own hair has ;

For her hair smells like flowers

When the spring Zephyrs fan them.

Make sure her fair brow is not lined

By any furrow long-extended,

But that it looks like the waters of the sea

When the wind does not disturb them in the slightest,

And when it sleeps, lying on its bed,

Calming its waves sunk in deepest sleep.

Down the middle of this strand make descend

A fair ruby, whose brightness should spread

Throughout the picture, as at night you see

Shining the rays of the moon, spreading light

Over the snow in the deeps of a sunken valley

Still untrodden by the foot of man.

Then make her fair arched eyebrow

Of black ebony, so that its curve

Resembles a crescent moon, showing through cloud

Its horned arc at the beginning of the month ;

Or, if you have ever seen Love’s bow,

Use its image above, the half-turn

Of its curve makig a half-circle ;

For Love’s bow and herself are but one thing.

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Mais las! Janet, helas je ne sçay pas

Par quel moyen, ny comment tu peindras

(Voire eusses-tu l’artifice d’Apelle)

De ses beaux yeux la grace naturelle,

Qui font vergongne aux estoilles des Cieux.

Que l’un soit doux, l’autre soit furieux,

Que l’un de Mars, l’autre de Venus tienne :

Que du benin toute esperance vienne,

Et du cruel vienne tout desespoir :

L’un soit piteux et larmoyant à voir,

Comme celuy d’Ariadne laissée

Aux bords de Die, alors que l’insensee

Pres de la mer, de pleurs se consommoit,

Et son Thesée en vain elle nommoit :

L’autre soit gay, comme il est bien croyable

Que l’eut jadis Penelope louable

Quand elle vit son mary retourné,

Ayant vingt ans loing d’elle sejourné.

Apres fay luy sa rondelette oreille

Petite, unie, entre blanche et vermeille,

Qui sous le voile apparoisse à l’egal

Que fait un lis enclos dans un crystal,

Ou tout ainsi qu’apparoist une rose

Tout fraischement dedans un verre enclose.

Mais pour neant tu aurois fait si beau

Tout l’ornement de ton riche tableau,

Si tu n’avois de la lineature

De son beau nez bien portrait la peinture.

Pein-le moy donc ny court, ny aquilin,

Poli, traitis, où l’envieux malin

Quand il voudroit n’y sçauroit que reprendre,

Tant proprement tu le feras descendre

Parmi la face, ainsi comme descend

Dans une plaine un petit mont qui pend.

But ah, Janet, ah ! I do not know

In what way or how you will paint

(Even if you had the skill of Apelles)

The natural grace of her lovely eyes

Which make the stars of Heaven ashamed.

Make one sweet, the other furious,

One having something of Mars, the other of Venus :

That from the kind one, every hope should come,

And from the cruel one, every despair ;

Let one be pitiful to see, in tears,

Like that of Ariadne abandoned

On the shores of Dia, while maddened

She was consumed in tears beside the sea

And called on her Theseus in vain ;

Let the other be happy, as we can believe

The praiseworthy Penelope was formerly

When she saw her husband returned

After staying for twenty years far from her.

Next, make her rounded ear,

Small, elegant, between white and pink,

Which should appear beneath its veil exactly

As a lily does, enclosed in crystal,

Or just a a rose would appear,

Completely fresh, enclosed in a vase.

But you would have painted so well

Every ornament of your rich picture, for nothing

If you had not well-depicted the line

Of her fair nose.

Paint me it, then, not short nor aquiline,

Elegant and well-made, so the wicked or envious

Even if he wanted could not reprove,

So exactly you’ll have made it descend

In the midst of her face, just as descends

Over a plain a little raised mound.

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Apres au vif pein moy sa belle joüe

Pareille au teint de la rose qui noüe

Dessus du laict, ou au teint blanchissant

Du lis qui baise un œillet rougissant.

Dans le milieu portrais une fossette,

Fossette, non, mais d’Amour la cachette,

D’où ce garçon de sa petite main

Lasche cent traits et jamais un en vain,

Que par les yeux droit au cœur il ne touche.

Helas ! Janet, pour bien peindre sa bouche,

A peine Homere en ses vers te diroit

Quel vermillon egaler la pourroit :

Car pour la peindre ainsi qu’elle merite,

Peindre il faudroit celle d’une Charite.

Pein-la moy doncq, qu’elle semble parler,

Ores sou-rire, ores embasmer l’air

De ne sçay quelle ambrosienne haleine :

Mais par sur tout fay qu’elle semble pleine

De la douceur de persuasion.

Tout à l’entour attache un milion

De ris, d’attraits, de jeux, de courtoisies,

Et que deux rangs de perlettes choisies

D’un ordre egal en la place des dents

Bien poliment soyent arrangez dedans.

Pein tout autour une lévre bessonne,

Qui d’elle-mesme en s’elevant semonne

D’estre baisée, ayant le teint pareil

Ou de la rose, ou du coural vermeil :

Elle flambante au Printemps sur l’espine,

Luy rougissant au fond de la marine.

Pein son menton au milieu fosselu,

Et que le bout en rondeur pommelu

Soit tout ainsi que lon voit apparoistre

Le bout d’un coin qui ja commence à croistre.

Then as in life paint me her fair cheek,

Equal to the tint of a rose which swims

Upon milk, or to the white tint

Of the lily kissing a blushing pink.

In the middle,portray a small dimple –

No not a dimple, but the hiding-place of Love

From which that boy with his little hand

Launches a hundred arrows and never one in vain

Which does not through the eyes go straight to the heart.

Ah, Janet ! to paint her mouth well

Homer himself in his verse could barely say

What crimson could equal it ;

For to paint it as it deserves

You would need to paint a Grace’s.

So, paint me it as she seems to be talking,

Now smiling, now perfuming the air

With some kind of ambrosial breath ;

But above all make her appear full

Of the sweetness of persuasion.

All around, attach a million

Smiles, attractiveness, jokes, courtesies ;

And let there be two rows of choice little pearls

In a neat line, in place of teeth,

Elegantly arrayed within.

Paint all round them those twin lips

Which, rising up, themselves invite

Being kissed, their colour equal

To a rose’s or crimson coral’s ;

The one flaming in spring on its thorn,

The other reddening at the bottom of the sea.

Paint her chin dimpled in the middle

And make the tip bud into roundness

Just as if we were seeing appear

The tip of a quince just beginning to grow.

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Plus blanc que laict caillé dessus le jonc

Pein luy le col, mais pein-le un petit long,

Gresle et charnu, et sa gorge doüillette

Comme le col soit un petit longuette.

Apres fay luy par un juste compas,

Et de Junon les coudes et les bras,

Et les beaux doigts de Minerve, et encore

La main egale à celle de l’Aurore.

Je ne sçay plus, mon Janet, où j’en suis :

Je suis confus et muet : je ne puis

Comme j’ay fait, te declarer le reste

De ses beautez qui ne m’est manifeste :

Las ! car jamais tant de faveurs je n’u,

Que d’avoir veu ses beaux tetins à nu.

Mais si lon peut juger par conjecture,

Persuadé de raisons je m’asseure

Que la beauté qui ne s’apparoit, doit

Estre semblable à celle que lon voit.

Donque pein-la, et qu’elle me soit faite

Parfaite autant comme l’autre est parfaite.

Ainsi qu’en bosse esleve moy son sein

Net, blanc, poli, large, entre-ouvert et plein,

Dedans lequel mille rameuses veines

De rouge sang tressaillent toutes pleines.

Puis, quand au vif tu auras descouvers

Dessous la peau les muscles et les ners,

Enfle au dessus deux pommes nouvelettes,

Comme l’on void deux pommes verdelettes

D’un orenger, qui encores du tout

Ne font qu’à l’heure à se rougir au bout.

Whiter than clotted cream on rushes

Paint her neck, but paint it a little long,

Slender but plump, and her soft throat

Like her neck should be a little long.

Then make her, accurately drawn,

The arms and elbows of Juno

And the lovely fingers of Minerva, and too

Hands equal to the Dawn’s.

I no longer know, Janet, where I am :

I am confused, dumb : I cannot

As I have done tell you the rest

Of her beauties which have not been shown me.

Ah, I have never had the good favour

To have seen her fair breasts naked,

But if we may judge by conjecture

With good reason I am convinced

That the beauty which is unseen should

Be like that we see.

So paint her, and let her be made

Perfect just as the lady herself is perfect.

As if embossed, raise up her breast

Clear, white, elegant, wide, half-uncovered, full,

Within which a thousand branchy veins

Filled with red blood quiver.

Then when as in life you have revealed

Beneath the skin the muscles and nerves,

Make swell on top two fresh apples,

Just as you night see two green apples

In an orchard, which still and all

Just grow redder by the moment at the tip.

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Tout au plus haut des espaules marbrines,

Pein le sejour des Charites divines,

Et que l’Amour sans cesse voletant

Tousjours les couve et les aille esventant,

Pensant voler avec le Jeu son frere

De branche en branche és vergers de Cythere.

Un peu plus bas en miroir arrondi,

Tout potelé, grasselet, rebondi,

Comme celuy de Venus, pein son ventre :

Pein son nombril ainsi qu’un petit centre,

Le fond duquel paroisse plus vermeil

Qu’un bel œillet favoris du Soleil.

Qu’atten’s-tu plus ? portray moy l’autre chose

Qui est si belle, et que dire je n’ose,

Et dont l’espoir impatient me poind :

Mais je te pry, ne me l’ombrage point,

Si ce n’estoit d’un voile fait de soye

Clair et subtil, à fin qu’on l’entre-voye.

Ses cuisses soyent comme faites au Tour

A pleine chair, rondes tout à l’entour,

Ainsi qu’un Terme arrondi d’artifice

Qui soustient ferme un royal edifice.

Comme deux monts enleve ses genous,

Douillets, charnus, ronds, delicats et mous,

Dessous lesquels fay luy la gréve pleine,

Telle que l’ont les vierges de Lacene,

Quand pres d’Eurote en s’accrochant des bras

Luttent ensemble et se jettent à bas :

Ou bien chassant à meutes decouplees

Quelque vieil cerf és forests Amyclees.

Puis pour la fin portray-luy de Thetis

Les pieds estroits, et les talons petis.

Right above her marble shoulders

Paint the divine Graces resting,

And let Love ceaselessly flying around

Gaze on them always and keep fanning them,

Thinking he’s flying with Jest, his brother,

From branch to branch in the orchards of Cythera.

A little below, rounded like a mirror,

All rounded, plump and shapely,

Like that of Venus, paint her belly ;

Paint its button like a little target

The depths of which should appear more crimson

Than the lovely carnation, the Sun’s favourite.

What are you waiting for ? Paint me that other part

Which is so lovely, and which I dare not mention,

And impatient hope for which pricks me :

But I beg you, do not cover it over

Unless it be with a veil made of silk,

Clear and fine, that you can party see through.

Her thighs should be made like towers

Full-fleshed, rounded all about,

Just as a column artfully rounded

Which firmly holds up a royal building.

Like two hills raise up her knees

Downy, plump, round, delicate and soft ;

Beneath them make her calves full

As were those of the maids of Laconia

When near Eurotas, gripping their arms

They fought together and threw one another down ;

Or indeed hunting with unleashed hounds

Some old stag in the forests of Amyclae.

Then, finally, portray her with Thetis’

Narrow feet and small toes.

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Ha, je la voy ! elle est presque portraite :

Encore un trait, encore un, elle est faite.

Leve tes mains, hà mon Dieu, je la voy !

Bien peu s’en faut qu’elle ne parle à moy.

Ha, I see her ! she is almost portayed :

But one stroke more, justl one and she is done.

Raise your hands, ah my god, I see her !

She all but speaks to me.

229

J‘alloy roulant ces larmes de mes yeux,

Or’ plein de doute ore plein d’esperance,

Lors que Henry loing des bornes de France

Vengeoit l’honneur de ses premiers ayeux :

Lors qu’il trenchoit d’un bras victorieux

Au bord du Rhin l’Espagnole vaillance,

Ja se traçant de l’aigu de sa lance

Un beau sentier pour s’en aller aux cieux.

Vous sainct troupeau, mon soustien et ma gloire,

Dont le beau vol m’a l’esprit enlevé,

Si autrefois m’avez permis de boire

Les eaux qui ont Hesiode abreuvé,

Soit pour jamais ce souspir engravé

Au plus sainct lieu du temple de Memoire.

I have been continually pouring these tears from my eyes,

Now full of doubt, now of hope,

While Henri, far from the bounds of France,

Has avenged the honour of his first ancestors ;

While he has broken with his victorious arm

Spain’s valour, on the banks of the Rhine,

Marking out with the point of his lance

A fair path to raise himself to the heavens.

Oh holy troop, my support and my glory,

Whose lovely flight has lifted my spirits,

If previously you have allowed me to drink

The waters which generously you gave Hesiod,

May this my plaint be for ever engraved

In the holiest place in Memory’s temple.