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formation information SE ´ ANCE E ´ DUCATIONNELLE Les bacte ´ries : je de ´ piste ou j’inactive ? Bacterial contamination: Should it be detected or inactivated? J.-P. Cazenave * EFS-Alsace, Inserm U.311, 10, rue Spielmann, 67065 Strasbourg cedex, France Disponible sur Internet le 22 mai 2007 Re ´ sume ´ La cause principale des incidents secondaires a ` la transfusion de concentre ´s plaquettaires (CP) est due a ` leur contamination par des bacte ´ries. La de ´tection des bacte ´ries dans les CP n’a pas entraı ˆne ´ un be ´ne ´fice net en termes de pre ´vention des accidents septiques graves mortels. L’utilisation de techniques photochimiques d’inactivation des pathoge `nes dans les CP couvre non seulement les bacte ´ries, mais aussi un large spectre de virus, spiroche `tes, parasites et leucocytes. L’inactivation des pathoge `nes est une me ´thode proactive qui anticipe la survenue des pathoge `nes e ´mergents qui pourraient contaminer le sang. ß 2007 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Abstract The main cause of adverse events secondary to the transfusion of platelet concentrates (PC) is due to bacterial contamination. The detection of bacteria in PC is not associated with a beneficial effect in terms of prevention of fatal septic events. Inactivation of pathogen in PC using photochemical techniques is targeted not only to bacteria but also to a wide spectrum of viruses, spirochetes, parasites and leukocytes. Pathogen inactivation is a pro-active method which anticipates the contamination of the blood pool by emerging pathogens. ß 2007 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Mots cle´s : Transfusion ; Concentre ´ plaquettaire ; De ´tection bacte ´rienne ; Inactivation des pathoge `nes ; Amotosalen ; Riboflavine Keywords: Transfusion; Platelet concentrate; Bacterial detection; Pathogen inactivation; Amotosalen; Riboflavin 1. INTRODUCTION Les contaminations bacte ´riennes ont e ´te ´ le premier risque reconnu de maladie infectieuse transmise par la transfusion sanguine. L’utilisation de dispositifs clos et ste ´riles pour le pre ´le `vement et la conservation du sang et des produits sanguins labiles (PSL) a constitue ´ un progre `s majeur de re ´duction de ce risque infectieux [1]. Aujourd’hui le risque d’incident transfu- sionnel lie ´a ` la contamination bacte ´rienne (ITCB) persiste a ` un taux relativement e ´leve ´, qui contraste avec le de ´clin important du risque de transmission d’une infection par les virus teste ´s VIH, VHC et VHB. En France, la mise en place en 1994 d’un syste `me d’he ´movigilance performant, a ` de ´claration obligatoire, a permis de recenser avec pre ´cision le risque d’ITCB lie ´a ` la transfusion des PSL. Il est apparu que l’incidence des ITCB est environ 20 fois supe ´rieure pour les concentre ´s plaquettaires (CP) que pour les concentre ´s de globules rouges (CGR). Cela est lie ´ essentiellement a ` la conservation pendant cinq jours des CP a ` une tempe ´rature de +20 a ` +24 8C qui favorise la prolife ´ration des bacte ´ries, par rapport a ` celle des CGR qui sont conserve ´s 42 jours a ` une tempe ´rature de +2 a ` +6 8C. De `s lors, des mesures pre ´ventives ont e ´te ´ mises en œuvre pour ame ´liorer la se ´curite ´ bacte ´rienne des PSL. Ces mesures simples ont permis Transfusion Clinique et Biologique 14 (2007) 81–85 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]. 1246-7820/$ – see front matter # 2007 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.tracli.2007.04.019

Les bactéries : je dépiste ou j’inactive ?

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SEANCE EDUCATIONNELLE

Les bacteries : je depiste ou j’inactive ?

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Bacterial contamination: Should it be detected

or inactivated?J.-P. Cazenave *

EFS-Alsace, Inserm U.311, 10, rue Spielmann, 67065 Strasbourg cedex, France

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* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : jeanpier

1246-7820/$ – see front m

doi:10.1016/j.tracli.2007.0

Disponible sur Internet le 22 mai 2007

Resume

La cause principale des incidents secondaires a la transfusion de concentres plaquettaires (CP) est due a leur contaminationpar des bacteries. La detection des bacteries dans les CP n’a pas entraıne un benefice net en termes de prevention desaccidents septiques graves mortels. L’utilisation de techniques photochimiques d’inactivation des pathogenes dans les CPcouvre non seulement les bacteries, mais aussi un large spectre de virus, spirochetes, parasites et leucocytes. L’inactivationdes pathogenes est une methode proactive qui anticipe la survenue des pathogenes emergents qui pourraient contaminerle sang.� 2007 Publie par Elsevier Masson SAS.

Abstract

The main cause of adverse events secondary to the transfusion of platelet concentrates (PC) is due to bacterialcontamination. The detection of bacteria in PC is not associated with a beneficial effect in terms of prevention offatal septic events. Inactivation of pathogen in PC using photochemical techniques is targeted not only to bacteria but alsoto a wide spectrum of viruses, spirochetes, parasites and leukocytes. Pathogen inactivation is a pro-active method whichanticipates the contamination of the blood pool by emerging pathogens.� 2007 Publie par Elsevier Masson SAS.

Mots cles : Transfusion ; Concentre plaquettaire ; Detection bacterienne ; Inactivation des pathogenes ; Amotosalen ; Riboflavine

Keywords: Transfusion; Platelet concentrate; Bacterial detection; Pathogen inactivation; Amotosalen; Riboflavin

1. INTRODUCTION

Les contaminations bacteriennes ont ete le premier risquereconnu de maladie infectieuse transmise par la transfusionsanguine. L’utilisation de dispositifs clos et steriles pour leprelevement et la conservation du sang et des produits sanguinslabiles (PSL) a constitue un progres majeur de reduction de cerisque infectieux [1]. Aujourd’hui le risque d’incident transfu-sionnel lie a la contamination bacterienne (ITCB) persiste a untaux relativement eleve, qui contraste avec le declin important

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du risque de transmission d’une infection par les virus testesVIH, VHC et VHB.

En France, la mise en place en 1994 d’un systemed’hemovigilance performant, a declaration obligatoire, a permisde recenser avec precision le risque d’ITCB lie a la transfusiondes PSL. Il est apparu que l’incidence des ITCB est environ 20fois superieure pour les concentres plaquettaires (CP) quepour les concentres de globules rouges (CGR). Cela est lieessentiellement a la conservation pendant cinq jours des CP aune temperature de +20 a +24 8C qui favorise la proliferationdes bacteries, par rapport a celle des CGR qui sont conserves42 jours a une temperature de +2 a +6 8C. Des lors, desmesures preventives ont ete mises en œuvre pour ameliorer lasecurite bacterienne des PSL. Ces mesures simples ont permis

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de reduire au cours du temps les risques bacteriens des CP etainsi de mieux les maıtriser. Le developpement de nouvellestechniques de detection des bacteries ou d’inactivation despathogenes (y compris les bacteries) a radicalement change ladonne. La question qui est alors posee par l’EFS et les autoritessanitaires, DGS et Afssaps pour ameliorer la securite des PSLest la suivante : faut-il depister ou inactiver les bacteries dans lesCP ?

2. CONTAMINATION BACTERIENNE DES CPET CONSEQUENCES TRANSFUSIONNELLESINFECTIEUSES

Il est utile de faire quelques remarques generales sur le risquede contamination bacterienne des dons de sang et des PSL etleurs consequences sur la frequence des ITCB en France etdans d’autres pays.

La frequence de la contamination des dons de sang totalpubliee a la suite d’une etude multicentrique francaise etait de2,2 % et principalement due a des bacteries de la flore cutanee[2]. Cette etude a eu des consequences importantes qui ontabouti en France a la mise en place fin 2000 de la derivation des35 premiers millilitres de sang preleve lors des dons de sangtotal, puis generalisee en 2004 a l’ensemble des prelevementsd’apherese. Ces mesures s’ajoutaient aux mesures generales(1996 : procedures d’hygiene et desinfection du site dephlebotomie ; 1998 : deleucocytation universelle de tous lesPSL) ayant pour but de reduire la contamination bacteriennedes PSL. D’une maniere generale, les donnees publiees sontpauvres et les etudes menees a la fin des annees 1990 situaientle risque de contamination bacterienne des PSL entre 0,04 et0,5 % [3].

En France, l’Afssaps a realise de 1996 a 2005 des controlesbacteriologiques par tirage au sort sur les PSL distribuablesaux etablissements de soins par les etablissements detransfusion sanguine. Pour les CGR, 0,33 % des 907 produitstestes etaient positifs. En extrapolant a partir des valeursobservees, on pourrait estimer que 6600 CGR pourraientpresenter un test bacteriologique positif pour 2 000 000 deCGR utilises par an. Il est interessant de rapprocher cesdonnees de celles de l’hemovigilance pendant la periode 1994–2004. Le nombre d’ITCB lies a la transfusion de CGR, tousgrades confondus et d’imputabilite trois et quatre, etait de 64(en moyenne six par an) dont sept ITCB de grade 4 (ayantentraıne un deces, soit moins de un par an). Pendant cetteperiode, 23 763 209 CGR ont ete delivres par l’EFS,l’incidence globale des ITCB est d’un pour 375 000 CGR(2,7 par million de CGR) et pour le grade 4 d’un pour3 400 000 CGR (0,3 par million de CGR) transfuses.

Les estimations de contamination bacterienne des CP sontplus nombreuses et l’incidence varie de 1/140 a 1/5000 CP. Enraison de la mise en place de la detection bacteriennesystematique des CP en 2001 aux Pays-Bas, le taux de controlesbacteriologiques positifs est de 0,72 % [4]. Les controles dequalite externe de l’Afssaps de 1996 a 2005, rapportent un tauxde 0,84 % de positifs sur 715 CP testes, soit par extrapolation1700 CP sur 200 000 delivres par an qui pourraient avoir un

test bacteriologique positif. Le nombre d’ITCB pendant laperiode 1994–2004, tous grades confondus et d’imputabilitetrois et quatre, etait de 78 (en moyenne sept par an) : 55 (71 %)avec les concentres plaquettaires d’apherese (CPA) et 23(29 %) avec les melanges de concentres de plaquettes standard(MCPS). Parmi les 35 ITCB de grades 3 et 4, il y avait 13 ITCB(11 CPA , deux MCPS) de grade 4 ayant donc entraıne un deces,soit moins d’un par an. Dans quatre cas sur 13 (31 %), le germeen cause, ayant entraıne le deces, etait une bacterie de la florecutanee. Pendant cette periode, 2 169 856 CP ont ete delivrespar l’EFS, l’incidence globale des ITCB est d’un pour 27 000 CP(36 par million de CP) et pour le grade 4 d’un pour 167 000 CP(5,5 ITCB par million de CP : 5,9 par million pour les CPA et 4,2par million pour les MCPS) transfuses.

Au cours des dix dernieres annees, plusieurs mesuresgenerales de prevention ont contribue a la reduction du risquede contamination bacterienne des PSL et en particulier des CP :

� s election des donneurs ; � p rocedures d’hygiene et de desinfection du site de

phlebotomie ;

� d erivation des 35 premiers millilitres de sang ; � c onservation du sang total de +18 a +24 8C pendant six a 24

heures avant preparation des PSL ;

� d eleucocytation universelle des PSL ; � c ontrole visuel du tournoiement des CP avant leur

delivrance.

Ces mesures ont contribue a diminuer le risque de

contamination bacterienne des CP sans l’eliminer complete-ment.

Parallelement, on a constate une reduction significative de lasurvenue d’ITCB lors de la transfusion de CP [5,6]. Dans lesetudes recentes que nous rapportons plus haut, on constateune diminution des ITBC de grades 1 et 3, alors que ceux degrade 4 restent stables, meme si depuis 2004 aucun cas dedeces n’a ete observe en France.

3. METHODES DE PREVENTION DESCONTAMINATIONS BACTERIENNES DES CP :DETECTION DES BACTERIES ETINACTIVATION DES PATHOGENES

La contamination bacterienne des CP n’a pas ete eradiqueeen depit des mesures deja mises en place. Elle demeure la caused’ITCB graves ou mortels, car les CP sont souvent transfuses ades malades vulnerables, neutropeniques ou immunodeprimesdu fait d’une chimiotherapie. Pour ces raisons, de nouvellesmesures sont proposees, qui visent a detecter la presence debacteries dans les PSL si elles ont pu proliferer ou qui sterilisentles CP en inactivant les agents pathogenes presents.

3.1. Les techniques de detection bacterienne dansles CP

Il existe en France trois methodes qui sont disponibles etmarquees CE. Ces methodes de detection bacteriennes ont faitl’objet de validations et sont parfaitement decrites dans lesreferences suivantes [3,7,8]. Ces trois methodes sont

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BacTAlert (Biomerieux, France), eBDS (Pall Corporation,Etats-Unis) et Scan System (Hemosystem, France). Ces troistechniques necessitent pour etre mises en œuvre une perioded’enrichissement d’une duree minimale de 24 heures, ce quiretarde d’autant la possibilite de delivrance des CP, dont laduree de conservation est limitee a cinq jours. BacTAlert estune technique automatisee avec lecture en temps reel. Elle estlargement utilisee par les laboratoires de bacteriologie. Dans lecontexte transfusionnel, elle impose la delivrance des CP avecun resultat negatif provisoire, qui peut etre infirme apres ladelivrance et la transfusion du CP. Le systeme eBDS est simpleet detecte la proliferation bacterienne par mesure de laconsommation d’oxygene. De ce fait, il n’est pas adapte a ladetection des bacteries anaerobies. Enfin, la technique ScanSystem permet la detection directe en 70 minutes des bacteriespar une methode de cytometrie en phase solide. Cettetechnique necessite une technicite importante et un materielcomplexe. Pour toutes ces techniques, le niveau de detectiondepend du volume de la prise d’essai et il existe un risqueimportant de defaut d’enrichissement.

3.2. Les techniques d’inactivation des pathogenesdans les CP

L’inactivation des agents pathogenes (revue dans [9]) dans lesCPA et dans les MCPS fait aujourd’hui appel a deux substancesphotochimiques, la riboflavine ou vitamine B2 (Mirasol PRT,Gambro, Etats-Unis) et l’amotosalen (Intercept Blood System forPlatelets, IBSP), Cerus, Pays-Bas).

3.2.1. La technique MirasolLe premier essai clinique multicentrique de phase 3 utilisant

la technique Mirasol dans la prevention des manifestationshemorragiques des malades thrombopeniques est en cours enFrance et devrait etre termine en 2007. Apres marquage CE etapprobation par l’Afssaps, la technique Mirasol ne pourra pasetre disponible avant 2009. Cette technique photochimiqueassociant la riboflavine et UV inactive un large spectre depathogenes, bacteries, spirochetes, virus, parasites et lym-phocytes. Jusqu’a ce jour elle necessite que les plaquettes desCP soient suspendues dans 100 % de plasma. A l’heureactuelle, il est preconise, en France, de preparer les CP dansun milieu dont la concentration en plasma (30 a 45 %) estreduite par substitution d’une solution additive, afin dediminuer la survenue de reactions transfusionnelles aigues[10] et de disposer de plasma supplementaire pour lefractionnement.

3.2.2. La technique InterceptL’experience clinique de la technologie Intercept, qui inactive

un large spectre d’agents pathogenes pouvant contaminer lesCP est importante en France et en Europe, ou au moins80 0000 CPA et MCPS ont ete transfuses. La technologie utilisele chlorhydrate d’amotosalen qui s’intercale dans les acidesnucleiques (ADN et ARN) et forme, apres activation par lesUVA, des adduits et des pontages permanents (covalents) dansles ADN et ARN des agents pathogenes et des leucocytes,

empechant la replication des acides nucleiques et donc, latransmission des infections et la survenue de maladiesimmunologiques (reaction de greffon contre hote) liees a latransfusion de CP. Il a ete demontre lors du programme dedeveloppement l’efficacite d’Intercept pour inactiver tous lesagents pathogenes infectieux d’origine sanguine (bacteries grampositives et negatives (reduction sup a 7,3 log), virus enveloppesmieux que virus non enveloppes, spirochetes et parasites) ycompris des pathogenes emergents : West Nile Virus, SRAS,virus Chikungunya, virus de la dengue et virus de la grippeaviaire H5N1. Intercept a ete developpe selon les criterespharmaceutiques et toxicologiques ICH et a ete evalue dans desessais cliniques qui demontrent son efficacite therapeutique etsa securite [11,12]. IBSP a ete enregistre pour le marquage CEen 2002 et approuve par l’Afssaps (France) en 2005 et par le PEI(Allemagne) en 2007.

En mai 2006, l’EFS a decide l’arret des prelevements de sangtotal, l’importation des concentres globulaires de l’EFS-Nordde France et la mise en place de l’inactivation de tous les CPA(100 %) produits a l’EFS-ıle de la Reunion pour assurer lasecurite transfusionnelle compromise par l’epidemie liee al’emergence du virus Chikungunya, qui touchait un tiers de lapopulation de l’ıle. La technologie Intercept a ete mise en placeen deux semaines et a permis d’utiliser des CPA qui nepouvaient pas etre importes de France. Plus de 2000 CPAinactives par Intercept ont ete transfuses a La Reunion, sans casde transmission de Chikungunya et avec une diminution desreactions aigues post-transfusionnelles, en particulier chez lesenfants.

Depuis 2000, l’EFS-Alsace a acquis une experience cliniqueimportante de l’inactivation des CPA et MCPS par Intercept(IBSP). La decision de mettre en œuvre IBSP en Alsace est laconsequence de considerations medicales, operationnelles eteconomiques, qui a pu etre possible a la suite de l’approbationde l’Afssaps. Auparavant, lors de la phase de developpementclinique, l’EFS-Alsace a participe a des essais cliniquesrandomises de phase 3 en collaboration avec d’autres centreseuropeens pour evaluer IBSP chez des malades thrombocy-topeniques. Ces etudes ont demontre que l’efficacite et lasecurite des CPA et des MCPS leuco-reduits et inactives etaientcomparables et acceptables lorsque transfuses a des maladesd’onco-hematologie [11,13].

L’EFS-Alsace fournit plus de 12 000 CP par an aux hopitauxpublics et aux cliniques privees dans sa region. La mise en placed’IBSP pour l’inactivation de la totalite des CP produits (100 %)a commence en juillet 2006.Les CP sont issus d’apherese (CPA)(MCS + CSDP, Haemonetics, Braintree, MA) ou de coucheleuco-plaquettaire de sang total (MCPS) qui ont ete leuco-reduits et suspendus dans 35 % de plasma et 65 % de solutionadditive Intersol (Baxter, La Chatre, France), traites par IBSP etdistribues pour transfusion selon les indications medicaleshabituelles. Les CP traites par Intercept sont disponibles unjour apres la collecte du sang. Entre juillet 2006 et janvier 2007,6718 PC ont ete inactives avec IBSP et transfuses : 62 % deMCPS et 38 % de CPA. Les CP inactives ont ete transfuses chezdes malades ages de moins d’un an a 106 ans et repartis en :onco-hematologie (58 %), medecine et chirurgie generale

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(36 %), chirurgie cardiovasculaire (6 %). Le contenu moyen desCP etait de 4,3 � 0,4 � 1011 plaquettes. La perte liee auprocessus de production etait de 24 � 4 mL contenant 0,3 �0,07 � 1011 plaquettes (7,4 � 1,2 %). Le taux moyen d’amoto-salen residuel etait<0,5 mM, bien inferieur au taux recommandede 2,0 mM. La mediane de distribution des CP inactives etait de2,3 jours pour les CPA et de 2,9 jours pour les MCPS. Le nombrede CP inactives transfuses etait comparable a celui des CPconventionnels non traites suspendus dans 100 ou 35 % deplasma.

L’utilisation d’ISBP a permis de ne pas mettre en place ladetection bacterienne et d’arreter l’irradiation gamma et laserologie du CMV pour les CP. Les reactions aigues post-transfusionnelles recueillies systematiquement par le systemed’hemovigilance etaient de 1,2 %, inferieures a celles observeesprecedemment avec des CP non inactives : 6,9 % pour CP dans100 % de plasma et 3 % pour CP dans 35 % de plasma +65 % T-Sol. Aucun cas de Trali, d’infection septique ou de mortalite lieea la transfusion n’a ete rapporte. L’utilisation generalisee enroutine des CP traites par Intercepta ete tres bien accueillie parles cliniciens utilisateurs, car elle est bien toleree et reduit lasurvenue d’effets secondaires.

4. CONCLUSION : JE DEPISTE OU J’INACTIVE ?

La mise en place du depistage systematique des bacteriesdans les CP a ete examinee par un groupe de travail de l’EFSentre aout 2004 et mai 2005, en vue d’une saisine de la DGS enjuin 2005 qui a juge necessaire une expertise par un grouped’experts de l’Afssaps. La DGS a repondu en mai 2006 a la suitedes conclusions du groupe d’experts de l’Afssaps : « Il ne seraitpas pertinent a ce jour de mettre en place un systeme dedetection bacterienne systematique sur les CP pour deuxraisons principales : d’une part, l’apport en termes de securitesanitaire serait faible a cause de la fiabilite et des capacitespredictives encore imparfaites des systemes evalues, etd’autres part, il existerait une perte de qualite pour les CPqui feraient l’objet d’une detection ». Ces conclusions tiennentcompte de l’impact des techniques de detection des bacteriessur le retard important de la delivrance des CP aux hopitaux etsur l’organisation du travail dans les ETS. Au moins 12 pays del’union europeenne ont adopte une politique de detection desbacteries dans les CP et, en particulier, les Pays-Bas ont montreque les faux positifs etaient frequents et que deux ITCB degrade 3 ont ete observes a Bacillus cereus avec des CP steriles aumoment de leur delivrance, mais confirmes ulterieurementpositifs [4]. L’etat des lieux sur le plan international montrequ’aucun des pays qui a mis en place le depistage bacterien dansles CP n’est en mesure d’etablir, apres plusieurs d’anneesd’experience, un benefice net apporte par cette mesure et,surtout, aucun pays n’est parvenu a supprimer cette mesure deson dispositif reglementaire. Apres ces commentaires, l’Afssapsrecommande de renouveler l’evaluation des systemes dedetection bacterienne fin 2007 en prenant en compte lesevolutions technologiques.

Actuellement, la methode d’inactivation des pathogenes parIntercept est la seule qui soit autorisee par l’Afssaps. Elle

permet non pas de detecter les bacteries dans les CP, mais deles inactiver. On ne peut donc pas comparer stricto sensu cesdeux techniques, detection et inactivation, d’autant plusqu’Intercept inactive les bacteries anaerobiques et aerobiques,gram(+) et gram(�), mais aussi les spirochetes, les parasites, lesvirus enveloppes et non enveloppes et les lymphocytes. Le largespectre d’action preventive de l’inactivation des pathogenes parIntercept permet d’ores et deja d’arreter l’irradiation gammades CP, d’inactiver le CMV, les virus emergents comme ceux duChikungunya, du WNV, de la dengue et les parasites : Chagas,leishmaniose.

Apres l’introduction achevee et reussie des CP inactivespar Intercept a l’EFS-ıle de la Reunion et a l’EFS-Alsace, l’EFSnational envisage d’etendre l’inactivation des CP par lamethode Intercept de facon progressive, en commencant parles autres regions davantage exposees a des risquesemergents (HTLV, dengue, WNV et maladie de Chagas),comme les EFS-Martinique et Guadeloupe; puis les EFS-AlpesMediterranee (Marseille) et l’EFS-ıle-de-France (Paris) avecleurs grandes metropoles, plaques tournantes du transit desvoyageurs internationaux. Cette introduction progressiveregionale pourrait etre achevee pour toute la France fin2009.

On peut penser que l’inactivation universelle des agentspathogenes dans tous les produits sanguins labiles, y compriscelle tant attendue des concentres de globules rouges,n’est qu’une question de temps si les essais cliniques etl’hemovigilance renforcee montrent que les produitsconservent leurs proprietes biologiques, leur efficacitetherapeutique et n’entraınent pas de manifestations indesi-rables a long terme. L’introduction de telles methodes entransfusion doit etre prise en fonction du mieux-etre apporteaux malades, de l’augmentation de la securite des produitstransfusionnels et de la prevention des risques medicauxactuels et emergents.

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