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 Les Bandits, E. J. HOBSBAWM AVANT-PROPOS C’est au début des années 1950 que l’auteur du présent ouvrage a été frappé par le fait plutôt curieux que certains  bandits qui rendent la justice et redistribuent la richesse sociale font l’objet des mmes récits et sont ! l’origine des mmes m"thes partout en #urope$ %oire& comme cela lui fut confirmé par la suite& partout dans le monde$ 'uivant ! la lettre l’injonction du (r 'amuel )ohnson& pour qui il faut * laisser l’observation brasser de son large regard toute l’humanité de la Chine au +érou ,& les lecteurs de ce livre seront ainsi amenés ! se rendre dans ces deux pa"s& et mme sur tous les continents habités$ Cette découverte est ! l’origine d’un essai& * -e bandit social ,& qui forme le premier cha pit re d’u ne étude sur les formes arc ha. que s de mo uvement social &  Les Primitifs de la révolte dans l’Europe moderne 1 $ (ix ans plus tard& nourrie d’études ultérieures menées notamment en /mérique latine& une version a ugmentée a donné lieu ! la premire édition du présent ouvrage 2 $ (e fait& cette publication est ! l’origine de l’essor contemporain des études sur l’histoire du banditisme& dont la plupart notamment depuis les critiques émises par /nton 2lo3 en 1941 n’ont pas accepté la thse du * bandit social ,& du moins dans sa formulation initiale$ -es éditions suivantes 3 &  toutes deux désormais hors commerce& offraient des versions révisées et augmentées du texte original qui prenaient en compte la masse de données nouvellement disponibles& ainsi que les critiques qui me semblaient justifiées$ -e lecteur a ainsi entre les mains la quatrime édition révisée des  Bandits$ 6is ! part le fait que beaucoup d’éditeurs continuent de trouver quelque intért ! l’ouvrage& il " a trois raisons pour lesquelles j’ai accepté de livrer cette édition$ #n premier lieu& il est évident que nombre de travaux importants sur l’histoire du banditisme ont été publiés depuis 1971& notamment sur les bandits chinois& ottomans turcs ou des 2al3ans& sur ceux d’/mérique latine& du bassin méditerranéen et de régions bien plus reculées& sans oublier la  biographie longtemps attendue de +ancho %illa par 8riedrich at: 4 $ Ces travaux n’ont pas seulement mis au jour des données nouvelles ; ils ont aussi élargi notre fa<on de penser la place du bandit dans la société$ )’ai cherché autant que  possible ! prendre en compte ces nouvelles découvertes dans la présente édition$ (’un autre côté& la critique de l’argument exposé dans Bandits n’a pas fait de progrs notables$ (euximement& la désintégration rapide du pouvoir d’=tat et de l’administration dans de nombreuses régions du monde& ainsi que le déclin remarquable de la capacité de maintien de l’ordre et de la loi qui affecte jusqu’aux =tats fortement développés du >?> e  et du >> e  sicle familiarisent ! nouveau le lecteur avec les conditions historiques qui rendent possible un banditisme endémique& si ce n’est épidémique$ @ la lumire des événements qui secouent la Achétché nie auj our d’hui& nous lisons l’e xpl osi on du ban ditisme dans le pou rto ur dit erranéen au >%? e  sicle autrement que nous ne le faisions dans les années 19B0$ #nfin& troisimement& l’auteur luimme& s’il est fier d’tre le pre fondateur de toute une lignée historiographique& ne peut s’empcher de tenter de répondre ! une question implicitement formulée il " a dix ans par un bon historien dans sa recension de deux livres sur le banditisme ; * ?l ne reste pas grandchose d’intact dans la thse de DobsbaEm$ , 'i cela était vrai& il n’" aurait aucune raison de publier une nouvelle édition de  Bandits$ -’ouvrage serait tout simplement dépassé& sans qu’aucune correction ou révision n’apporte un espoir de salut ; on le lirait comme un document de son époque$ Ce n’est pas l’opinion que j’ai de ce livre$ -es principales critiques formulées ! l’encontre de la thse originale sont passées en revue dans la premire partie du +ostscriptum de cette édition& qui modifie et augmente les +ost scriptums de l’édition de 1971$ ?l n’en reste pas moins que& trente ans aprs sa premire publication& tant l’argument que la structure de cet ouvrage ont besoin d’tre profondément repensés et mis ! jour$ C’est ce que je me suis efforcé de faire ici& essentiellement en repla<ant de fa<on plus s"stématique le banditisme& " compris le banditisme social& dans le contexte politique au sein duquel il opre F celui des seigneur s et des =tats& de leurs struc tures & et des stratégies qui leur sont propre s$ 2ien que cette dimension soit présente dans les éditions antérieures du livre& je me suis efforcé plus qu’auparavant de rendre * centrale GHI l’histoire politique du banditisme 5  ,$ )’ai aussi tenu compte de la critique la plus fondée parmi celles qui ont été formulées ! l’encontre de cet ouvrage& en l’occurrence celle qui me reprochait de recourir aux ballades et aux récits sur les bandits pour ! la fois saisir la nature du  bandit social comme mythe et& de fa<on plus expérimentale& pour voir * jusqu’! quel point les bandits s’acquittent du rôle social qui leur est assigné sur le théJtre de la vie pa"sanne ,$ ?l est désormais évident que ce matériau ne saurait tre utilisé pour répondre ! cette seconde question$ (ans tous les cas de figure& les individus identifiables qui ont donné lieu ! de tels m"thes ne correspondaient gure& en réalité& ! leur image publique K et cela reste notamment vrai pour nombre de ceux qui font figure de * bandits au bon cLur , dans les versions antérieures de cet ouvrage$ 6ais il est aujourd’hui tout aussi évident que les ballades et les récits ne sauraient non plus tre utilisés pour répondre ! la premi re interrogation& sans toute une anal"se préalable de ce genre de composition littéraire& des transformations de son public& de ses traditions& de ses tropes& ainsi que de ses modes de production& de reproduction et de distribution$ 2ref& ! l’instar des témoignages enregistrés de l’histoire orale& les ballades sont une source trs peu fiable et& comme la tradition orale& 1  #$ )$ DM2'2/N6& Les Primitifs de la révolte dans l’Euro pe moderne& 6anchester Oniversit" +ress& 6anchester& 1959 8a"ard& +aris& 19BB$ 2  #$ )$ DM2'2/N6&  Bandits& Neidenfeld et Picolson -dt$& -ondres& 19B9$ 3  +enguin 2oo3s& -ondres& 1941 et +antheon 2oo3s& PeE Qor3& 1971$ 4  8$ /AR& The Life and Times of Pancho Villa & 'tanford Oniversit" +ress& 'tanford& 1997$ 5  %oir #$ )$ DM2'2/N6& ?ntroduction& in S$ MTA/--? dir$&  Bande armate, b anditi, banditismo e repre ssione di giustiia negli stati europei di antico regime& Tome& 197B& p$ 1B$

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AVANT-PROPOS

C’est au début des années 1950 que l’auteur du présent ouvrage a été frappé par le fait plutôt curieux que certains bandits qui rendent la justice et redistribuent la richesse sociale font l’objet des mmes récits et sont ! l’origine desmmes m"thes partout en #urope$ %oire& comme cela lui fut confirmé par la suite& partout dans le monde$ 'uivant ! lalettre l’injonction du (r 'amuel )ohnson& pour qui il faut * laisser l’observation brasser de son large regard toutel’humanité de la Chine au +érou ,& les lecteurs de ce livre seront ainsi amenés ! se rendre dans ces deux pa"s& et mmesur tous les continents habités$ Cette découverte est ! l’origine d’un essai& * -e bandit social ,& qui forme le premier 

chapitre d’une étude sur les formes archa.ques de mouvement social&  Les Primitifs de la révolte dans l’Europemoderne1$ (ix ans plus tard& nourrie d’études ultérieures menées notamment en /mérique latine& une version augmentéea donné lieu ! la premire édition du présent ouvrage2$ (e fait& cette publication est ! l’origine de l’essor contemporaindes études sur l’histoire du banditisme& dont la plupart notamment depuis les critiques émises par /nton 2lo3 en 1941n’ont pas accepté la thse du * bandit social ,& du moins dans sa formulation initiale$ -es éditions suivantes3& toutesdeux désormais hors commerce& offraient des versions révisées et augmentées du texte original qui prenaient en comptela masse de données nouvellement disponibles& ainsi que les critiques qui me semblaient justifiées$ -e lecteur a ainsientre les mains la quatrime édition révisée des Bandits$

6is ! part le fait que beaucoup d’éditeurs continuent de trouver quelque intért ! l’ouvrage& il " a trois raisons pour lesquelles j’ai accepté de livrer cette édition$ #n premier lieu& il est évident que nombre de travaux importants sur l’histoire du banditisme ont été publiés depuis 1971& notamment sur les bandits chinois& ottomans turcs ou des2al3ans& sur ceux d’/mérique latine& du bassin méditerranéen et de régions bien plus reculées& sans oublier la

 biographie longtemps attendue de +ancho %illa par 8riedrich at:4$ Ces travaux n’ont pas seulement mis au jour desdonnées nouvelles ; ils ont aussi élargi notre fa<on de penser la place du bandit dans la société$ )’ai cherché autant que possible ! prendre en compte ces nouvelles découvertes dans la présente édition$ (’un autre côté& la critique del’argument exposé dans Bandits n’a pas fait de progrs notables$

(euximement& la désintégration rapide du pouvoir d’=tat et de l’administration dans de nombreuses régions dumonde& ainsi que le déclin remarquable de la capacité de maintien de l’ordre et de la loi qui affecte jusqu’aux =tatsfortement développés du >?>e et du >>e sicle familiarisent ! nouveau le lecteur avec les conditions historiques quirendent possible un banditisme endémique& si ce n’est épidémique$ @ la lumire des événements qui secouent laAchétchénie aujourd’hui& nous lisons l’explosion du banditisme dans le pourtour méditerranéen au >%?e  sicleautrement que nous ne le faisions dans les années 19B0$

#nfin& troisimement& l’auteur luimme& s’il est fier d’tre le pre fondateur de toute une lignée historiographique&ne peut s’empcher de tenter de répondre ! une question implicitement formulée il " a dix ans par un bon historien danssa recension de deux livres sur le banditisme ; * ?l ne reste pas grandchose d’intact dans la thse de DobsbaEm$ , 'icela était vrai& il n’" aurait aucune raison de publier une nouvelle édition de  Bandits$ -’ouvrage serait tout simplementdépassé& sans qu’aucune correction ou révision n’apporte un espoir de salut ; on le lirait comme un document de sonépoque$ Ce n’est pas l’opinion que j’ai de ce livre$ -es principales critiques formulées ! l’encontre de la thse originalesont passées en revue dans la premire partie du +ostscriptum de cette édition& qui modifie et augmente les +ostscriptums de l’édition de 1971$

?l n’en reste pas moins que& trente ans aprs sa premire publication& tant l’argument que la structure de cet ouvrageont besoin d’tre profondément repensés et mis ! jour$ C’est ce que je me suis efforcé de faire ici& essentiellement enrepla<ant de fa<on plus s"stématique le banditisme& " compris le banditisme social& dans le contexte politique au seinduquel il opre F celui des seigneurs et des =tats& de leurs structures& et des stratégies qui leur sont propres$ 2ien quecette dimension soit présente dans les éditions antérieures du livre& je me suis efforcé plus qu’auparavant de rendre

* centrale GHI l’histoire politique du banditisme5

 ,$)’ai aussi tenu compte de la critique la plus fondée parmi celles qui ont été formulées ! l’encontre de cet ouvrage& enl’occurrence celle qui me reprochait de recourir aux ballades et aux récits sur les bandits pour ! la fois saisir la nature du bandit social comme mythe et& de fa<on plus expérimentale& pour voir * jusqu’! quel point les bandits s’acquittent durôle social qui leur est assigné sur le théJtre de la vie pa"sanne ,$ ?l est désormais évident que ce matériau ne saurait treutilisé pour répondre ! cette seconde question$ (ans tous les cas de figure& les individus identifiables qui ont donné lieu! de tels m"thes ne correspondaient gure& en réalité& ! leur image publique K et cela reste notamment vrai pour nombrede ceux qui font figure de * bandits au bon cLur , dans les versions antérieures de cet ouvrage$ 6ais il est aujourd’huitout aussi évident que les ballades et les récits ne sauraient non plus tre utilisés pour répondre ! la premireinterrogation& sans toute une anal"se préalable de ce genre de composition littéraire& des transformations de son public&de ses traditions& de ses tropes& ainsi que de ses modes de production& de reproduction et de distribution$ 2ref& ! l’instar des témoignages enregistrés de l’histoire orale& les ballades sont une source trs peu fiable et& comme la tradition orale&1  #$ )$ DM2'2/N6& Les Primitifs de la révolte dans l’Europe moderne& 6anchester Oniversit" +ress& 6anchester& 1959 8a"ard& +aris& 19BB$2 #$ )$ DM2'2/N6& Bandits& Neidenfeld et Picolson -dt$& -ondres& 19B9$3 +enguin 2oo3s& -ondres& 1941 et +antheon 2oo3s& PeE Qor3& 1971$4 8$ /AR& The Life and Times of Pancho Villa& 'tanford Oniversit" +ress& 'tanford& 1997$5 %oir #$ )$ DM2'2/N6& ?ntroduction& in S$ MTA/--? dir$&  Bande armate, banditi, banditismo e repressione di giustiia negli stati europei diantico regime& Tome& 197B& p$ 1B$

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elles sont dénaturées par la fa<on dont elles sont transmises de génération en génération$ ?l n’en reste pas moins qu’il est possible et nécessaire de les utiliser$ )’espre cette fois ne pas avoir franchi les limites du bon sens en le faisant$

?l s’agit donc d’une édition considérablement augmentée et révisée& bien que le texte des huit chapitres originaux&ainsi que l’/ppendice * -es femmes et le banditisme , désormais /nnexe /& s’ils ont été modifiés lorsque cela s’estrévélé nécessaire& n’ont pas nécessité de réécriture majeure$ -es principales additions ! la dernire édition britannique1941 sont les suivantes ; 1 un * +ortrait d’un bandit , en guise d’introduction qui consistait initialement en unegrande partie de la préface de l’édition américaine de 1971 K U un nouveau chapitre intitulé * 2andits& =tats et pouvoir , K V une /nnexe 2& * -a tradition du bandit ,& ainsi qu’un * +ostscriptum , en deux parties modifié etaugmenté par rapport ! l’édition de 1971 qui F ainsi que je l’ai signalé F réagit aux critiques de mon travail et passe en

revue les survivances de la tradition classique du bandit ! la fin du >>e

 sicle$ -a section sur les * -ectures ultérieures ,a été réécrite$ -es préfaces aux éditions antérieures ont été omises$#n guise de remerciements& il me suffit de répéter ce que j’ai dit dans l’édition originale$ -’essentiel de ce livre

s’appuie sur des matériaux déj! publiés& sur des renseignements que des amis et des collgues au fait de mon intért pour le sujet m’ont communiqués& ou plus exactement offerts avec enthousiasme& ainsi que sur des séminaires tenusdans divers pa"s qui ont nourri la critique des arguments avancés dans le livre et qui m’ont conduit vers de nouvellessources$ C’est avec plaisir et satisfaction que je reconnais mes dettes vis!vis de l’historiographie du banditisme& uncorpus qui se développe rapidement& et ce plaisir et cette satisfaction sont d’autant plus réels que& depuis 19B9&l’essentiel de cette littérature s’est nourri de recherches inspirées par la premire édition de  Bandits$ 6es proprescontacts directs avec le sujet de ce livre sont restés limités$ -e chapitre 9 est basé sur plusieurs semaines de recherchesintensives menées en 19B0 sur la trajectoire des anarchistes horslaloi de Catalogne& recherches que je n’aurais puentreprendre sans l’aide et l’entremise de 6$ /ntoine Aelle:& de +aris$ -’argument central du chapitre W s’est vu

confirmé jour aprs jour en compagnie de (on )osé /valos& fermier et ancien sergent de la police rurale ! +ampaSrande& dans la province du Chaco& en /rgentine$ #n 1971& ! la suite d’une conférence sur les bandits et les horslaloien 'icile& j’ai eu l’occasion de faire la connaissance de deux anciens membres de la bande de 'alvatore Siuliano& et de personnes qui avaient été directement au fait de ses activités$ 6ais j’ai une dette plus grande encore envers des amis etdes collgues en Colombie& en ?talie et au 6exique& qui jouissent d’une expérience bien plus considérable en matire decontacts directs avec le monde des bandits armés$ )e suis particulirement reconnaissant ! +ino /rlacchi et& pour ce quiest de la Colombie& ! Carlos 6iguel Mrti:& #duardo +i:arro ainsi qu’! TocXo -ondoYo et ses amis& dont certains sontdécédés$ 6a dette vis!vis des travaux de Son:alo 'anche: et (onn" 6eertens devrait tre manifeste tout au long dece texte$#$ )$ DM2'2/N6& -ondres& juin 1999

+MTAT/?A (’OP 2/P(?A-a carrire d’un bandit social constitue la meilleure fa<on d’entrer dans le sujet compliqué du * banditisme social ,&

qui forme la matire de ce livre$ #n voici un exemple& compilé par un étudiant anon"me de l’université d’/ddis/beba&en =thiopie& dont le mémoire m’a été confié par son professeur$ 'i l’on a cru bon de ne pas me communiquer le nom deson auteur lorsque je me suis vu remettre ce travail basé sur des informateurs locaux et des périodiques en anglais ou entigrigna& c’est pour des raisons liées ! la situation politique incertaine qui régnait ! l’époque en =thiopie et en =r"thrée$'i ce dernier devait ! tout hasard lire cette édition& et s’il désire se faire connaZtre& je serais plus qu’heureux dereconnaZtre ma dette ! son égard$

%oici donc& livrée de fa<on plutôt sommaire& l’histoire de Neldegabriel& le plus Jgé des frres 6esa:gi 190U[190V19BW$ -aissons les faits parler pour euxmmes ;! " l’époque o# l’$rythrée était une colonie italienne, le p%re de &eldegabriel, un paysan du village de Beraquit dansla province de 'ereta (ebene, fut )eté en prison pour s’*tre élevé, en tant que représentant du village, contre la

nomination d’un nouveau gouverneur provincial qui n’était pas natif de la région+ l mourut en captivité+ La veuveaccusa l’impopulaire gouverneur, et appela - une vengeance de sang, mais ses fils étaient trop )eunes, l’opinion localeétait divisée au su)et de la culpabilité du gouverneur, et de toute fa.on les taliens avaient interdit les vendettas+ (esquatre fils grandirent et devinrent de pacifiques fermiers+ &eldegabriel s’enr/la dans les troupes coloniales en tant qu’as0ari, servit sous les couleurs italiennes en Libye durant la guerre italo1éthiopienne de 234512346 avec deu7 de ses

 fr%res, et participa - l’occupation de l’$thiopie 8234612392:+ ;pr%s la victoire des Britanniques, ils retourn%rent - leursactivités d’éleveurs forts de quelques économies, de rudiments d’italien, et d’une bonne connaissance des armes et descompétences militaires+ Bon soldat, &eldegabriel avait été promu au rang d’officier de réserve+

 L’ordre colonial italien s’était effondré et les Britanniques administraient provisoirement le territoire+ Les conditionstumultueuses de l’apr%s1guerre favorisaient le développement du banditisme, les vastes cohortes d’as0aris démobilisésconstituant un réservoir naturel de recrues potentielles+ Le travail était rare, et les $rythréens continuaient - souffrir dediscriminations vis1-1vis des taliens+ <uant au7 immigrants éthiopiens, ils avaient moins de chance encore+ En

compétition pour la terre et le bétail, les groupes ethniques se livraient - des raias sur les hauts plateau7 et, dans lamesure o# l’administration italienne ne faisait plus obstacle - l’accomplissement de ce devoir sacré, les dettes de sang  firent - nouveau leur apparition+ =ans de telles conditions, le banditisme semblait aussi ouvrir des perspectives decarri%re raisonnables, du moins pour un temps+ Les fr%res 'esagi firent leurs débuts en la mati%re par le biais de leur vendetta restée en suspens, bien que ce soient les difficultés de la vie civile qui aient pu les encourager - déterrer cettevieille querelle+

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 Par ailleurs, le gouverneur provincial en place était le fils de celui qui pouvait *tre tenu pour responsable de la mort deleur p%re, et il s’était rendu aussi impopulaire que son p%re pour une raison tout - fait semblable > il avait nommé auconseil du village le membre d’un clan minoritaire installé - Beraquit, mais étranger par ses origines+ &eldegabriel fut emprisonné pour s’*tre opposé - cette nomination au nom du village et, sa libération intervenue un an plus tard, il 

 passa au7 menaces+ Les fr%res décid%rent de tuer le nouveau gouverneur ? ce qui était légitime au vu des loiscoutumi%res+ ls commenc%rent par divorcer de leurs épouses, afin que la police ne puisse les punir, regagnant par lam*me occasion la mobilité sans laquelle les hors1la1loi ne sauraient opérer+ ls tu%rent le gouverneur et prirent lemaquis dans une for*t voisine gr@ce - la complicité d’amis et de proches qui leur apportaient des vivres+ lsbénéficiaient du soutien de la ma)orité des habitants du village, qui voyaient en eu7 les défenseurs de leurs droits

coutumiers, mais ils ne pouvaient en aucun cas s’en prendre - leurs anciens voisins en leur dérobant leurs biens+ Le clan minoritaire ainsi que la famille du gouverneur étaient naturellement devenus leurs ennemis et pr*taient main1 forte au7 autorités britanniques+ Les fr%res 'esagi s’abstinrent de les massacrer, mais ils s’efforc%rent, avec un succ%scertain, de leur rendre la vie impossible+ La plupart d’entre eu7 quitt%rent la région, et les 'esagi gagn%rent en

 popularité dans la mesure o# les terres que ces émigrants laissaient derri%re eu7 étaient désormais - la dispositiond’autres villageois+ ls n’en restaient pas moins considérés comme des bandits ordinaires dans le reste de la province,o# l’on entretenait des doutes quant - la légitimité de la dette de sang+ An les tolérait parce qu’ils veillaient - ne pas

 s’en prendre au7 locau7 qui ne les importunaient pas+ =ans la mesure o# ils avaient besoin de soutiens plus larges, notamment s’ils voulaient continuer - harasser la familledu gouverneur, les 'esagi commenc%rent - faire le tour des villages en incitant les paysans - ne pas cultiver les lopinsassignés au gouverneur et - les partager+ Par un mélange habilement dosé de persuasion et de crcition, ils parvinrent - convaincre plusieurs communautés de dénoncer ces droits semi1féodau7 et mirent ainsi un terme au7 prérogatives

 seigneuriales sur la terre et le servage dans la province de 'ereta (ebene+ C’est - ce moment qu’on cessa de lesconsidérer comme de simples bandits et qu’on vit en eu7 des bandits ! particuliers D, ou sociau7+ ls bénéfici%rent d%slors de protections contre les forces de police envoyées dans la région pour leur donner la chasse ? au détriment desvillageois+Comme la police les avait coupés de leurs sources de ravitaillement, les 'esagi furent contraints de commettre desvols le long de la grand1route régionale+ ls furent re)oints par d’autres bandits+ =ans la mesure o# s’attaquer - desconcitoyens érythréens pouvait conduire - de nouvelles dettes de sang, ils préféraient s’en prendre au7 taliens+

 Lorsque l’un des fr%res fut tué, les deu7 autres veng%rent sa mort en tuant des taliens sans discernement, et acquirent ainsi une réputation de défenseurs des $rythréens+ Bien qu’ils n’aient probablement pas tué plus de one taliens,l’opinion locale e7agéra leurs hauts faits et leur attribua toutes les caractéristiques qui distinguent habituellement leshéros, et notamment l’invulnérabilité du bandit social+ n mythe vit ainsi le )our+ <ui plus est, dans la mesure o# lesroutes étaient devenues peu sFres pour les taliens, les $rythréens, - qui l’administration italienne ou les Britanniquesavaient )usque1l- interdit de conduire, furent désormais autorisés - le faire+ Cette mesure fut accueillie comme uneamélioration de leur statut et des perspectives d’emploi+ =e nombreuses voi7 s’élev%rent pour souhaiter ! longue vieau7 fils de 'esagi+ Gr@ce - eu7 nous pouvons conduire des voitures D+ Les fr%res venaient d’entrer en politique+

 " cette époque 8239H:, les incertitudes quant - l’avenir de l’e71colonie rendaient la situation politique confuse en $rythrée+ Les champions de l’unité avec l’$thiopie étaient opposés au7 défenseurs de diverses formules menant - uneéventuelle indépendance érythréenne+ =es unionistes de premier rang approch%rent les bandits pour gagner leur 

 soutien I cette proposition re.ut l’aval de presque tous les chrétiens, dans la mesure o# elle leur conférait un sentiment d’identité et de sécurité vis1-1vis des tenants de l’indépendance, qui étaient musulmans dans leur tr%s grande ma)orité+Toutefois, s’ils étaient en faveur de l’union, les fr%res 'esagi se montr%rent asse avisés pour ne pas tuer d’$rythréens

 pour des raisons politiques, ce qui évitait les querelles de sang, et &eldegabriel s’abstint de brFler leurs maisons ouleurs récoltes+ Le soutien de l’$thiopie permit au7 bandits non seulement de se procurer des armes et de l’argent, mais

aussi de trouver refuge de l’autre c/té de la fronti%re+ L- encore, si &eldegabriel apporta sa contribution - lacampagne de terreur qui visait - fédérer l’$rythrée et l’$thiopie, et s’il prit part au7 combats contre les musulmans, il  prit garde de se tenir en dehors des luttes qui ne le concernaient pas directement et de ne pas y impliquer sa provincenatale de 'ereta (ebena+

 Lorsque les Jations unies vot%rent finalement en faveur de la fédération, les bandits perdirent le soutien des unionisteset du gouvernement éthiopien+ La plupart d’entre eu7 furent amnistiés en 2352, mais &eldegabriel résista )usqu’en235K+ l figurait sur une liste de quatore bandits que les Britanniques considéraient trop nuisibles pour les autoriser -rester en $rythrée+ Les autorités s’arrang%rent afin que ceu71ci puissent trouver asile en $thiopie, o# ils re.urent desterres de l’empereur de la province de Tigré et, dans le cas de &eldegabriel, une pension mensuelle+ élas, ces bandits

 faisaient désormais figure d’étrangers et les paysans locau7 leur étaient hostiles+ L’empereur leur promit des terresmoins difficiles, de meilleures pensions, et une éducation gratuite pour leurs enfants, mais sans que ces promesses sematérialisent+ " l’e7ception de &eldegabriel, tous les bandits revinrent progressivement en $rythrée+

&eldegabriel aurait lui1m*me pu retourner - Beraquit, o#, n’étant plus un hors1la1loi, il était redevenu un membrerespecté de la communauté+ l n’était plus obligé de mener une vie d’errance et, dans la mesure o# il ne faisait pluscourir de risques - son ancienne épouse, il s’était remarié avec elle+ 'ais ses ennemis ? le clan du gouverneur qu’il avait tué ? étaient encore puissants - 'ereta (ebene+ &eldegabriel et sa famille étaient encore ! en dette D avec eu7, sibien qu’il préféra mener sa nouvelle vie - Tigré+ l mourut - l’@ge de soi7ante et un ans dans un h/pital d’;ddis1;beba+ne cérémonie commémorative eut lieu - Beraquit+ (elon un )ournal érythréen, de nombreu7 notables y prirent part et 

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des chanteurs funéraires lou%rent ses hauts faits+ Les patriotes érythréens ont des sentiments m*lés au su)et de lacarri%re de &eldegabriel > un bandit du peuple, mais un bandit qui contribua - faire de leur pays une partie del’$thiopie+ <uant - la politique qu’il avait menée, elle n’appartenait pas au MM e si%cle > c’était l’antique politique de

 Nobin des Bois face au shérif de Jottingham+ D+our les lecteurs occidentaux du troisime millénaire& la carrire d’hommes tels que les 6esa:gi pourra sembler 

étrange et difficile ! comprendre$ -es chapitres qui suivent contribueront& je l’espre& ! l’expliquer$

CD/+?AT# 1$-#' 2/P(?A'& -’=A/A #A -# +MO%M?T 

! l les for.a - l’appeler O(eigneur,Ces traQtres qui lui faisaient escorte+ l méprisait ses supérieurs > l voulait *tre plus encoreRVous, le commun des mortels désarmés,Courbés sur vos champs et vos mottes de terre,

 Laisse donc ces pistolets > l vous sied de labourerR Netourne - vos travau7 champ*tresR Je trouble plus le monde+ D2allade contant la mort du bandit Siacomo del Sallo& 1B10

+ar monts et par vaux& des bandes d’hommes traditionnellement& les femmes en faisaient rarement partie nereconnaissant ni la loi ni l’autorité& armés et violents& soumettent leurs victimes par l’extorsion& le vol& ou de quelqueautre fa<on$ #n défiant ainsi ceux qui détiennent ou prétendent détenir le pouvoir& le droit et l’accs aux ressources& le banditisme défie l’ordre économique& social et politique$ Aelle est la signification historique du banditisme dans lessociétés et les =tats marqués par des divisions de classes$ -e * banditisme social ,& sujet de ce livre& constitue un aspectde ce défi$

?l s’agit d’un phénomne ! part entire& qui ne saurait exister autrement qu’en s’inscrivant dans un ordre socioéconomique et politique susceptible d’tre contesté par lui$ /insi& dans les sociétés sans =tat o\ le * droit , prend laforme de vendettas ou de solutions négociées entre les proches des coupables et ceux des victimes& ceux qui tuent nesont pas des horslaloi mais& en quelque sorte& des belligérants F différence qui& comme nous le verrons& n’est pas sansimportance$ ?ls ne deviennent des horslaloi& et ne sont susceptibles d’tre punis comme tels& que si on les juge enfonction de notions de droit et d’ordre public qui ne sont pas les leurs!$

(epuis le développement de l’agriculture& de la métallurgie& des villes et de l’écriture par exemple avec l’essor dela bureaucratie& la plupart des habitants des campagnes ont vécu dans des sociétés qui leur renvo"aient une imaged’euxmmes comme des individus inférieurs& séparés dans leur ensemble du groupe des riches et[ou des puissants& bienque dépendant bien souvent d’eux ! titre individuel$ ?l " a un ressentiment implicite dans une telle relation$ 'i l’on s’entient aux vers que composent les littérateurs urbains& on comprend que le banditisme est une fa<on d’expliciter le rejet potentiel de cette condition d’infériorité& du moins dans le monde des hommes$ 'a simple existence représente uneforme de contestation de l’ordre social$ -es relations économiques et sociales n’évoluant que trs lentement avantl’avnement de l’économie capitaliste moderne& ! supposer mme qu’elles évoluaient& il est fort probable que la balladeconsacrée ! Siacomo del Sallo ait eu la mme signification pour les habitants de 2ologne au %??? e sicle qu’au >%???e&mme si& comme nous le verrons& ils n’ont sans doute pas pu le considérer comme un * bandit , avant le >%?e sicle"$

(u point de vue de l’histoire sociale& le banditisme constitue un phénomne qui se décompose en trois séquences ;

sa naissance& au moment o\ les collectivités antérieures au banditisme sont intégrées dans des sociétés plus larges&dotées d’un =tat et caractérisées par des divisions de classes K ses transformations locales et globales& qui suivent ledéveloppement du capitalisme K et son long cheminement au sein des =tats et des régimes sociaux intermédiaires$ 6mesi la premire période semble tre la plus ancienne d’un point de vue historique& ce n’est pas nécessairement le cas& dansla mesure o\ le banditisme peut trs bien faire son apparition comme phénomne de masse non seulement lorsque dessociétés sans classes résistent ! l’essor ou ! l’imposition de divisions de classes& mais aussi lorsque des sociétés ruralestraditionnelles& qui sont des sociétés de classes& résistent ! l’expansion d’autres sociétés de classes qui peuvent trerurales ainsi des sociétés fondées sur l’agriculture sédentaire qui s’opposent aux éleveurs nomades ou transhumants&urbaines& ou étrangres$ #n fait& comme nous le verrons& le banditisme constitue une expression historiquement trs

6 S$ C$ CTMC#& Bareletta sopra la morte di Giacomo del Gallo famosissimo bandito& 2ologne& 1B10& vol$ UB9& p$ 1V15W$7  -e récit de Nalter 'cott qui s’intitule * -es deux bouviers , illustre parfaitement ce conflit entre droits différents$ 'ur la route qui les mne vers

les cités du sud& deux maquignons& l’un anglais et l’autre venu des Dighlands écossais& ont un différend au sujet des terres de pJturage$ -’/nglaismet l’=cossais ! terre$ Ce dernier se relve et le tue& car& selon les coutumes qui sont les siennes& il s’agit de la seule fa<on de laver un tel affront$-e juge anglais qui l’inculpe pour meurtre déclare au jur" que& aux "eux du droit qui est le sien& l’accusé n’est pas un criminel mais un hommequi s’acquitte de son devoir$ Péanmoins& les lois du To"aumeOni ne lui laissent d’autre choix que de le déclarer coupable& comme s’il s’agissaitd’un criminel$8 S$ CD#TO2?P?& * -a tipologia del bandito nel tardo medioevo ,& in S$ MTA/--? dir$&  Bande armate, banditi, banditismo e repressione di giustiia negli stati europei di antico regime& op$ cit$& p$ V5V$

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répandue de ces résistances collectives& et ce d’autant plus qu’il bénéficie dans de telles circonstances d’un soutienconsidérable provenant de tous les éléments de la société traditionnelle& " compris de la part de ceux qui " détiennent le pouvoir$ %oil! donc ce qu’ont en commun les clans de bergers seminomades des 2al3ans et de l’/natolie# K les gauchosaffranchis des plaines argentines qui& au >?>e sicle& résistent avec l’appui de leurs patrons aux droits de propriétéurbains et bourgeois K et les cultivateurs de café colombiens du >>e sicle qui protgent * leurs , bandits$ Aous résistent! l’emprise du capital et contre une autorité qui leur est imposée1$$

'i l’on met de côté cette situation particulire& le phénomne social du banditisme a essentiellement pour enjeu& toutau long de la seconde phase de son histoire& les notions de classe& de richesse et de pouvoir dans les sociétés rurales$%oici comment /ntonio Sramsci& qui était sarde& décrivait la situation qui régnait sur son Zle au début du >> e sicle ;

* -a lutte de classe " est mlée au brigandage& au chantage& ! l’incendie de forts& ! la mutilation du bétail& !l’enlvement des femmes et des enfants& et aux attaques contre les bureaux municipaux11$ , Comme nous le verrons&lorsque le banditisme survit dans les campagnes ! l’époque du capitalisme pleinement développé& il exprime plus quetoute autre chose ! l’exception peuttre du peu de go]t pour le gouvernement ! distance une haine contre ceux qui prtent de l’argent et qui rattachent ainsi les fermiers ! l’espace plus vaste du marché$

?l existe toutefois une différence de taille entre les bandits des deux premires phases et ceux de la troisime ; ils’agit de la faim$ /ux >?>e et >>e sicles& dans les régions d’agriculture capitaliste o\ subsiste le banditisme F les=tatsOnis& l’/rgentine et l’/ustralie sont les pa"s qui viennent ! l’esprit F& les habitants des campagnes ne sont plusconfrontés ! la l’éventualité de mourir de faim$ 6ais au 6o"en ^ge et au début de la période moderne& dans la plupartdes régions o\ le banditisme est traditionnellement développé& comme le pourtour méditerranéen& ces populations viventconstamment au bord de la famine$ * -e r"thme de la faim a déterminé la structure profonde du r"thme du brigandage12$ , -a grande époque du canga.o  brésilien commence avec les sécheresses meurtrires de 17441747 et

atteint son parox"sme quantitatif avec celle de 191913$ /utrement dit& pour citer un vieux dicton chinois ; * ?l vaut mieuxenfreindre la loi que mourir de faim14$ , -es régions de banditisme étaient les régions pauvres$ -es mois de l’année aucours desquels la nourriture se faisait rare et qui ne nécessitaient pas de travaux agricoles constituaient la saison du vol$-orsque les crues détruisaient les récoltes& elles multipliaient aussi les brigands$

Aoutefois& ce qui intéresse l’historien dans le cadre d’une anal"se sociale et économique& ce sont les structures&sociales ou autres& du banditisme& plus que l’impact qu’ont pu avoir les bandits sur le cours plus large des événementsde leur époque$ #t& de fait& la plupart des bandits a"ant acquis une véritable notoriété colportée par les récits et les ballades sont des individus dont les hori:ons et le champ d’action étaient purement locaux$ -eurs noms ne sont gure pertinents& pas plus que le détail de leurs exploits$ -a réalité de leur existence est en effet tout ! fait secondaire aux "euxdu m"the$ Tares sont ceux& " compris parmi les férus d’archives& qui cherchent ! identifier le véritable Tobin des 2ois&si tant est que ce dernier ait jamais existé$ Pous savons aussi que le )oaquin 6urieta californien est une inventionlittéraire K il n’en reste pas moins qu’il a toute sa place dans l’étude structurale du banditisme comme phénomne social$

-’histoire du banditisme est nettement plus théJtrale au point de vue politique$ -es événements réels comptent F  parfois de fa<on particulirement importante$ (es rois et des empereurs ont commencé leur carrire comme chefs brigands ; ainsi en estil F me suisje laissé dire F de l’empereur AeEodros Aheodore ?? qui régna sur l’=thiopie en17551757& ou du seigneur de la guerre ChangAsolin RhangRuolin qui gouverna la 6andchourie entrel’effondrement de l’#mpire chinois et la conqute japonaise$ (e fait& on a pu avancer de fa<on plausible que )ose/ntonio /rtigas& qui fit de l’Orugua" une république indépendante de l’/rgentine et du 2résil& fut d’abord un brigand&ou plutôt un escroc et un contrebandier& ce qui n’est gure différent 15$ +ar ailleurs& l’histoire du banditisme est dans unetrs large mesure l’histoire de ses manifestations collectives occasionnelles et violentes$ Ce phénomne& qui resterelativement endémique dans de nombreux contextes géographiques& peut parfois se transformer en véritable épidémie&voire& comme on a pu le dire au sujet de la Chine des années 19V0& en pandémie$ (e fait& l’histoire moderne du banditisme ne commence sans doute véritablement qu’avec la découverte par 8ernand 2raudel dans son grand livre sur 

la 6éditerranée de l’extraordinaire explosion du banditisme dans tout le pourtour méditerranéen au cours des derniresdécennies du >%?e sicle et des premires décennies du >%??e$'’il en est ainsi& c’est parce que le pouvoir & c’est!dire la capacité d’exercer un contrôle sur les populations et les

ressources par le biais de la cLrcition& se prte ! beaucoup plus de variations et de mutations historiques que lesstructures économiques et sociales& dont l’évolution reste lente$

9 8$ /(/P?T& * eiduc0entum un osmanische errschaft > (oialgeschichtliche ;spe0te der =is0ussion um das frShneueitliche NuberUesen in(Sdosteuropa ,& '_dost8orschungen& >-?& 197U& p$ WV11B$10 %oir S$ '/PCD#R et ($ 6##TA#P'& Bandoleros, gamonales y campesinos > el caso de la Violencia en Colombia& 2ogot!& 197U& ainsi que ma préface ! cet ouvrage$11 /$ +?S-?/TO& l banditismo in (ardegna > La vendetta barbaricina& %arese& 1945& p$ W19$12 2$ S#T#6#& * ?l pauperismo nell’et! preindustriale ,& #inaudi 'toria * ?talia ,& vol$ %& Aurin& 194V& p$ B95$

13 2$ )$ CD/P(-#T& The Bandit ing > Lampiao of Brail & Aexas / ` 6 Oniversit" +ress& ingsville& 1947$ )e cite l’édition portugaise Tio de)aneiro& 1971& p$ U4$14 +$ 2?--?PS'-#Q& Bandits in Nepublican China & 'tanford& 1977& p$ U0$ %oir aussi p$ 1B ; * -a pauvreté GHI s’est toujours cachée derrire la présence durable des bandits& et la faim a donné une puissante impulsion aux horslaloi$ /insi& un bandit capturé dans le 'ichuan a expliqué aumilitaire qui l’interrogeait qu’il trouverait la raison de son passage au banditisme dans son estomac s’il prenait la peine de l’ouvrir$ ?ntrigué& c’estexactement ce que fit l’officiel aprs l’exécution du bandit ; il n’" trouva rien d’autre que de l’herbe$ ,15 D$ CDO62?A/& * #l bandido /rtigas ,& Aodo #s Distoria& n V5B& 2uenos /ires& mars 1994& p$ 7U4$

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+our comprendre le banditisme et la place qu’il occupe dans l’histoire& nous devons donc le considérer dans lecontexte de l’histoire du pouvoir& c’est!dire du contrôle exercé par les gouvernements ou par d’autres instances dansles campagnes& principalement les seigneurs possédant terre et bétail sur les territoires dont ils revendiquent le contrôleet sur les populations qui " résident$ On tel contrôle est toujours limité ! des territoires et ! des populations spécifiques&dans la mesure o\ il n’est pas d’=tat ou de détenteur du pouvoir& et ce jusqu’aux empires les plus puissants& qui n’ait d]! ce jour coexister avec des entités situées en dehors de son périmtre$ ui plus est& mme dans les limites de sonempire& ce pouvoir s’est historiquement heurté ! trois limites ; l’inadéquation des mo"ens de contrôle que les autoritésont ! leur disposition K le fait que leur efficacité dépend dans une certaine mesure de l’obéissance dont font preuve lessujets et de leur capacité ! se soustraire ! l’autorité K enfin et en partie pour la mme raison le fait que les autorités ne

cherchent ! contrôler directement que certains aspects de la vie de leurs sujets$ /ujourd’hui encore& le gouvernementcolombien n’est pas en mesure de contrôler certaines portions de son territoire si ce n’est en " faisant des incursionsmilitaires ponctuelles& et la police d’?rlande du Pord To"al Olster Constabular" sait que& dans certains quartiers de2elfast& les activités de police sont menées de fait non pas par l’=tat& mais par des commandos de gros bras* républicains ,$

+ar définition& l’obéissance sied mal aux bandits ; non seulement leur place se situe hors de portée du pouvoir& maisils peuvent euxmmes prétendre ! l’exercice du pouvoir& ce qui en fait des rebelles en puissance$ -a signification premire du terme bandito en italien désigne un homme qui se trouve * placé en dehors de la loi , pour une raisonquelconque& mme si on ne sera pas surpris d’apprendre que les horslaloi étaient fréquemment des voleurs$ -es* brigands1 , n’étaient au départ que les membres de groupes armés n’appartenant ! aucun contingent régulier$ -eterme n’a pris son sens moderne qu’! la fin du >% e  sicle$ -e mot qui désigne usuellement les bandits en castillan&bandoleros& est dérivé du terme réservé aux partisans en armes actifs pendant les troubles et les conflits civils qui ont

agité la Catalogne du >%e au >%??e  sicle& partisans * qui ! terme sombrrent dans le banditisme1! ,$ /u >%?e et au>%??e sicle& on appelait celalis les bandits de l’#mpire ottoman qui& selon une étude récente& contribuaient ! renforcer le pouvoir du sultan plutôt qu’! l’amoindrir$ ?l n’en reste pas moins que leur nom a pour origine la révolte idéologiqueislamique et hétérodoxe conduite par 'e"h Celal en 1519& ce qui amena le gouvernement ! * recourir ! ce terme pour  justifier sa répression des bandits& mme lorsque ces derniers n’avaient ni les motivations ni la viabilité révolutionnairesdes véritables celali 1" ,$ uant aux shiftas de la Corne d’/frique& je me suis laissé dire qu’un dictionnaire amhariqueréputé définissait les bandits comme des personnes qui& a"ant répudié l’autorité du roi ou de l’empereur& vivent dans lesforts ou les étendues sauvages& provoquent des troubles& et refusent de s’acquitter des impôts ou des tributs K bref& desinsurgésvoleurs$ #nfin& dans la Chine traditionnelle& le lien potentiel entre le banditisme et le renversement desd"nasties& auquel on s’attendait périodiquement& constituait un lieu commun de la pensée politique$

Mn ne peut comprendre ou étudier correctement l’histoire du banditisme& pas plus que celle du banditisme social& sion ne la replace pas dans l’histoire plus large du pouvoir politique qui& ! son niveau le plus élevé& est celui quedétiennent les empires et les =tats$ (ans les sociétés de classes antérieures ! l’avnement du capitalisme moderne& le pouvoir économique était fondé& en dernire instance& sur le pouvoir de cLrcition ph"sique$ Ce qui veut dire que lerecours ! la force ph"sique ou ! la menace constituait le principal mécanisme d’appropriation du surplus généré par ceux dont le rôle était de produire la richesse essentiellement en travaillant la terre 1#$ Ce n’est plus le cas aujourd’hui&mme si le pouvoir politique& c’est!dire la possibilité de la cLrcition ph"sique& est toujours au fondement du revenuque les =tats parviennent ! extraire de ceux qui résident sur leur territoire$ -e refus de s’acquitter de l’impôt est puni par la loi& et le refus d’obéir ! la loi est& en dernire instance& puni par la prison$

Aout au long de l’histoire des sociétés agricoles& le pouvoir politique auquel les communautés pa"sannestraditionnelles étaient soumises en temps normal demeurait local ou régional$ -es pa"sans vivaient sous l’autorité deseigneurs& qui pouvaient disposer ou non des ressources conférées par les alliances de sang ou la légitimité dérivée d’un principe surnaturel& et qui pouvaient mobiliser des hommes et constituer des s"stmes de clientle et de patronage$

-orsqu’ils existaient& les ro"aumes et les empires faisaient figure de visiteurs occasionnels plutôt que de résidents permanents& mme lorsque le roi ou l’empereur parvenaient ! remplacer les lois locales ou ! " suppléer par leurs propres lois et par des juges dont l’autorité s’étendait jusqu’aux confins de l’=tat& comme dans l’/ngleterre médiévaleet parmi ses sujets sunnites dans l’#mpire ottoman$ Mutre le fait qu’il consistait pour l’essentiel ! faire figure de grand patron et de seigneur& l’essentiel de ce pouvoir ro"al ou impérial ne tirait en effet son efficacité que des chefs implantéslocalement qui se montraient plus disposés aux négociations qu’aux ordres directs$

Aout en étant conséquente& la puissance des seigneurs et des =tats demeurait néanmoins intermittente$ Cettefaiblesse tenait au fait qu’ils n’avaient pas les mo"ens matériels F ce qui comprenait tant la force que le droit F de

16 #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$17  +$ ?62' dir$& Arésor de la langue fran<aise& vol$ W& +aris& 1945& entrée * brigand , K )$ CMTM6?P/'& (iccionario #timolgico de la -enguaCastellana& vol$ ?& 2erne& 195W& vol$ ??& -ondres& 199U& U e partie& p$ 5V& cité in -$ -/CCD& -atrocinium$ Siusti:ia& scien:a penale e repressione

del banditismo in antico regime& 6ilan& 1977& p$ W5$18 $ 2/T#Q& Bandits and Bureaucrats > The Attoman Noute to (tate Centraliation& ?thaca[-ondres& 199W& p$ 15V15W$19 * -es empires aristocratiques despotiques se présentaient essentiellement comme des opérations de mise sous pression ; lorsque l’appétit desélites augmentait& elles ne pensaient pas en termes de gains ou de productivité GHI$ #lles augmentaient simplement la pression et opprimaient de plus belle& extirpant en général un peu de jus niché dans le fruit$ 6ais il leur arrivait de faire le mauvais calcul et d’appu"er trop fort& ce qui setraduisait par des exodes& des émeutes& et des opportunités de révolte ,& ($ '$ -/P(#'& The &ealth and Poverty of Jations & N$ N$ Porton `Compan"& PeE Qor3[-ondres& 1997& p$ VU$

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maintenir un contrôle permanent  sur l’ensemble de leur population " compris lorsqu’elle n’était pas armée& pas plusqu’ils ne parvenaient ! contrôler les :ones les plus inaccessibles de leur territoire$ Cela restait vrai pour les potentatslocaux& qui étaient pourtant plus proches de leurs terres et de leurs sujets& ! la différence des princes$ (ans tous les casde figure& dans un monde o\ l’on ne comptait pas les rivalités entre seigneurs ou familles& il existait toujours la possibilité de s’enfuir$ -’institution formelle du banditisme qui donne son nom aux * bandits , témoigne du caractresuperficiel de ce s"stme de pouvoir$ 'i tout un chacun avait le droit de tuer un horslaloi& c’est parce qu’aucuneautorité n’était en mesure de le soumettre ! sa loi$

'i l’on prend en compte les =tats& le contraste est particulirement frappant$ /u cours des deux sicles et demi qui sesont écoulés& le pouvoir d’exercer un contrôle ph"sique s’est trouvé de plus en plus concentré dans l’=tat dit territorial

ou * national ,& un =tat qui peut prétendre ! l’exercice d’un monopole quasi complet du pouvoir sur tout ce qui se passe! l’intérieur de ses frontires& monopole rendu effectif par un appareil administratif et un corps de fonctionnairesmandatés$ -’appareil d’=tat centralisé peut ainsi atteindre chaque individu se trouvant sur le territoire national et& tout aumoins dans les démocraties& chaque cito"en adulte a"ant le droit de voter fait sentir son influence jusqu’aux sommets del’=tat en élisant le gouvernement national$ -es pouvoirs dont dispose un tel =tat sont immenses F bien plus étendus queceux des empires les plus vastes et les plus despotiques d’avant le >%??? e  sicle& " compris dans les démocratieslibérales$ C’est en effet la concentration du pouvoir dans l’=tat territorial moderne qui a eu raison du banditisme rural&qu’il f]t endémique ou épidémique$ @ la fin du >> e sicle& il semble que cette situation touche désormais ! sa fin& et ilest difficile de prévoir les conséquences de cette régression du pouvoir d’=tat$

 Pous avons tendance ! oublier qu’avant le >?>e  sicle& aucun =tat suffisamment étendu pour qu’on ne puisse letraverser ! pied en un jour ou deux ne savait avec certitude qui vivait& naissait et mourait sur son territoire$ /ucun =tatn’était en mesure d’identifier les individus quand ils ne se trouvaient pas sur leur lieu d’origine& voire F comme le

montre l’étude que Patalie (avis a consacrée au cas de 6artin Suerre2$ F quand bien mme ils étaient che: eux21$ /vantla naissance de ces précurseurs de la révolution des communications modernes que furent les chemins de fer et letélégraphe& aucun =tat ne pouvait savoir ce qui se passait sur ses confins les plus reculés& ni " dépcher ses agentsrapidement$ /ucun =tat ne pouvait prétendre contrôler ses frontires avant le >?> e sicle& et aucun ne s’" essa"ait& !supposer que le tracé de ses frontires ait été clairement établi$ /ucun =tat d’avant le >?> e sicle n’avait les mo"ens demaintenir une force de police rurale efficace& susceptible d’agir comme l’agent direct du gouvernement central& etcouvrant l’intégralité du territoire$ )usqu’au >%?? e  sicle& aucun =tat européen ! l’exception de l’#mpire ottomann’avait la puissance nécessaire au maintien d’une armée nationale permanente& directement recrutée& pa"ée etadministrée par le gouvernement central$ +our autant que les rois et les princes préférassent réserver la possession etl’usage des armes ! leurs serviteurs directs& cela excédait en effet leur pouvoir$ -es pa"sans des sociétés féodalessédentaires étaient largement désarmés F la situation était quelque peu différente dans les régions frontalires& ou en période de troubles F mais tel n’était pas le cas de la petite ou de la grande noblesse$ Ce n’est qu’au >?> e sicle qu’unmonopole d’=tat effectif sur les armes devint possible$ @ l’exception de quelques cas notables& comme celui des =tatsOnis& les gouvernements occidentaux les mieux établis s’efforcrent d’en expurger la sphre des activités privées& "compris celles de l’aristocratie ; ils " parvinrent au moins jusqu’aux années 1940$

/vant le triomphe de l’=tat national moderne& l’exercice du pouvoir était limité par l’incapacité des dirigeants !exercer un monopole de fait sur les armements& ! maintenir de fa<on permanente et en nombre suffisant les effectifsd’un corps de soldats et de fonctionnaires& ainsi que& bien entendu& par l’absence de s"stmes d’information& decommunication et de transport techniquement adaptés$ uoi qu’il en soit& mme dans les ro"aumes et les empires les plus formidables& la force ph"sique& qu’il s’agisse de celle des dirigeants& des seigneurs de moindre envergure& ou mme F comme dans le grand film de urosaEa& Les (ept (amouraWs F celle des communautés villageoises qui tentaient de sedéfendre& dépendait de l’existence de combattants que l’on pouvait mobiliser en cas de besoin& et du fait que de telshommes étaient disponibles de fa<on plus ou moins permanente$ @ l’inverse& le pouvoir politique se mesurait au nombre

de guerriers qu’un chef pouvait mobiliser de fa<on régulire$C’est dans la faiblesse de ce pouvoir que résidait la possibilité du banditisme$ 6me les empires les plus puissants&comme la Chine ou l’#mpire romain au sommet de sa gloire22& considéraient qu’un certain degré de développement du banditisme était normal& et endémique dans les :ones pastorales frontalires et les autres régions qui lui étaient propices$Aoutefois& lorsque la structure du pouvoir était stable et qu’ils ne pouvaient s’" soustraire totalement& le gros deseffectifs potentiels du banditisme avaient tendance ! se mettre au service de ceux qui étaient susceptibles de lesrécompenser ; ils se chargeaient alors des enlvements& des assassinats commandités ou des actions de police pour lecompte des seigneurs& ou se mettaient au service de l’=tat en devenant soldats& gardes ou policiers$ -e banditisme ne setransforme en phénomne de masse F c’est!dire le fait de groupes violents et en armes agissant de fa<on autonome F que l! o\ le pouvoir est instable& absent ou en train de s’effriter$ C’est dans des situations de ce genre que le banditismeest devenu épidémique& voir pandémique& comme cela s’est parfois produit en Chine entre la chute de l’empire et lavictoire des communistes$ /u cours de telles époques& des meneurs de bandes autonomes pouvaient euxmmes passer 

du côté du pouvoir véritable& ! l’instar des tribus de cavaliers nomades& des pilleurs ou des pirates d’antan quiconquirent des ro"aumes et des empires$ #t& bien entendu& mme ceux qui n’avaient pas de grandes ambitions sociales&20 Patalie R#6MP (/%?'& The Neturn of 'artin Guerre& Darvard Oniversit" +ress& Cambridge& 197V$21 %oir ($ 6/TCD#'?P?& * 2anditi e identit! ,& in S$ MTA/--? dir$&  Bande armate, banditi, banditismo e repressione di giustiia negli statieuropei di antico regime& op$ cit$& p$ W41W47$22 2$ ($ 'D/N& * 2andits in the Toman #mpire ,& +ast ` +resent& n 105& 197W& p$ V5U$

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 politiques ou idéologiques avaient beaucoup plus d’opportunités de faire butin qu’en temps normal$ -es guerres du>%??e sicle en /llemagne& de mme que les guerres révolutionnaires fran<aises& marqurent l’Jge d’or des bandes de brigands voir plus loin& le chapitre p$ 104 éd$ anglaise$ /vec le déclin& l’érosion& voire la dissolution du pouvoir d’=tatauquel nous assistons ! la fin du >>e sicle& il est possible que des pans entiers de la plante s’engagent ! nouveau dansune re semblable$

 Péanmoins& au cours des cinq derniers sicles de l’histoire du banditisme& il est rarement arrivé que le pouvoir soitabsent ou informe suffisamment longtemps pour que les chefs de groupes armés autonomes deviennent des acteurs de premier plan sur la scne politique et sociale$ ?ls disposaient rarement des forces suffisantes pour " parvenir$ uelsqu’aient pu tre leurs idées ou leurs objectifs& ils devaient faire preuve de réalisme politique$ -e mieux qu’ils pouvaient

faire était de maintenir un certain degré d’autonomie et& sans jamais prendre totalement parti& négocier avec ceux quiétaient disposés ! acheter leur soutien au prix fort F c’est!dire ceux qui ne pouvaient parvenir ! leurs fins sans cela$6ais& en dernire anal"se& ils devaient s’accommoder de toute autorité supérieure qui se montrait disposée ! les tolérer&ou bien disparaZtre$

C’est ce qui explique les négociations constantes entre l’#mpire ottoman et certaines communautés armées etindépendantes K ou encore le fait que les combattants des Dighlands pouvaient tour ! tour résister ! l’=tat ou devenir sesagents& quand ils ne jouaient pas ces rôles simultanément$ (’o\ aussi& durant la 'econde Suerre mondiale& l’échec desémissaires britanniques qui tentrent d’organiser le soulvement des clans libres& et en aucun cas communistes& decombattants albanais des hauts plateaux contre l’occupant allemand et italien$ Mn fit savoir ! ces combattants par la bouche du gendre de Churchill qu’en cas de nonsoulvement& l’avenir de l’/lbanie se trouverait inévitablement aprsla guerre entre les mains de la résistance communiste$ 2ien que l’idée de combattre ne les rebutJt nullement& ils ne semontrrent gure convaincus$ -a proposition qui consistait ! h"pothéquer le futur du clan en fermant toutes les options

 politiques ! l’exception d’une seule n’avait strictement aucun sens dans l’univers qui était le leur$ Comme nous leverrons plus loin p$ 11511B éd$ anglaise& c’est un conflit similaire portant sur la stratégie comme sur la tactique quimit fin ! la s"mbiose entre les bandits et les communistes au cours de la révolution chinoise$ /ux "eux des premiers& lesseconds n’étaient qu’une option parmi plusieurs alliés et protecteurs temporaires potentiels$ (ans la pratique& ilsn’étaient gure différents des seigneurs de la guerre ou des )aponais& bien qu’en théorie ils fussent peuttre plus proches que ces derniers de l’idéologie qui imprégnait le grand roman picaresque de la Chine impériale& (hui u Xhuan ;u bord de l’eau$ uant aux communistes& ni leur attachement sentimental ! la tradition de la révolte de brigands nimme le nombre considérable de bandits enrôlés au sein de l’/rmée rouge ne suffisaient ! leur faire oublier le fait quela lutte de libération nationale et sociale ne pouvait ! terme tre remportée de cette fa<on$

uelle place l’élément social du banditisme& qui prend fait et cause en faveur du faible contre le fort& du pauvrecontre le riche& et de l’individu assoiffé de justice contre la domination inique& occupetil donc dans son histoire politique& une histoire o\ les bandits apparaissent comme des hommes de pouvoir& logiquement attirés vers l’univers du pouvoir C’est ce que j’espre montrer au cours des chapitres qui suivent$

CD/+?AT# U$O’#'AC# O# -# 2/P(?A?'6# 'MC?/- * Jous sommes tristes, cela est vrai I mais c’est que nous avons tou)ours été persécutés+ Les nobles se servent de la

 plume, nous du fusil I ils sont les maQtres de la plaine, nous sommes les rois de la montagne+ ,%ieux brigand de Toccamandolfi6olise 23$

* 'i un brigand ordinaire veut avoir une longue carrire& il doit faire preuve de philanthropie ou en préserver lesapparences& mme lorsqu’il tue et dérobe de plus belle$ 'inon& il risque de perdre la s"mpathie populaire dont il bénéficie et de faire figure de simple voleur ou meurtrier 24 ,

ue l’on dévalise un transporteur de fonds ! un coin de rue ou que l’on appartienne ! une organisation d’insurgés oude guérilleros qui n’est pas officiellement reconnue& on est considéré par la loi comme un bandit si l’on est membre d’ungroupe qui a recours ! la violence et pratique le vol ! main armée$ /ujourd’hui& cela peut valoir d’tre considéré& defa<on tout aussi peu critique& comme * terroriste ,& signe du déclin historique de l’image du bandit au cours de laseconde moitié du >>e sicle$ -’historien et le sociologue ne sauraient se contenter d’une définition aussi sommaire$uant ! nous& nous n’étudierons dans ce livre que certaines catégories de brigands& ! savoir ceux qui ne sont pasconsidérés par l’opinion publique comme de simples criminels$ -’anal"se portera essentiellement sur une forme derévolte pa"sanne& révolte individuelle ou action d’un groupe minoritaire$ Pous laisserons de côté l’équivalent urbain du banditrebelle des campagnes& et ne ferons qu’allusion aux desperados& d’ailleurs plus nombreux& qui oprent en milieurural& mais qui sont des gentilshommes ruinés& et non des pa"sans d’origine ou de cLur$ #n effet& les communautésurbaines et rurales sont trop différentes pour tre anal"sées de la mme manire et& de toute fa<on& les bandits pa"sans&comme la plupart des pa"sans& n’ont que méfiance et haine pour les gens de la ville$ -’aristocratie terrienne fournit un

certain nombre de bandits les plus connus étant les * barons voleurs , en /llemagne ! la fin de l’époque médiévale

23 Cité par 8$ 6M-8'#& (toria del brigantaggio dopo l’nit-& 6ilan& 19BW& p$ 1V1$24  #$ 6MT'#--?'/PA# (# '/PCA?'&  Biografia de un bandito, Giuseppe 'ussolino di fronte alla psichiatria e alla sociologia+ (tudiomedico1legale e consideraioni& 6ilan& 190V& cité in -$ -M62/T(? '/AT?/P? et 6$ 6#-?ST/P/ dir$& =iritto Egemone e =iritto Popolare > La Calabria negli studi di demologia giuridica& %ibo %alentia& 1945& p$ W47$$

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qui& eux& ont beaucoup plus de rapports avec la pa"sannerie K mais ces rapports& dont il sera question plus loin& sontcomplexes et difficiles ! cerner$

Ce qu’il faut bien voir ! propos du bandit social& c’est que c’est un pa"san horslaloi que le seigneur et l’=tatconsidrent comme un criminel& mais qui demeure ! l’intérieur de la société pa"sanne& laquelle voit en lui un héros& unchampion& un vengeur& un justicier& peuttre mme un libérateur et& en tout cas& un homme qu’il convient d’admirer&d’aider et de soutenir$ (ans les cas o\ cette société traditionnelle résiste ! l’emprise et au développement historique desgouvernements et des =tats centralisés& qu’ils soient indignes ou étrangers& il lui arrive mme de bénéficier de l’aide etdu soutien des seigneurs locaux$ Ce sont ces liens entre le pa"san ordinaire et le rebelle& horslaloi et brigand& quiconstituent l’intért et la signification du banditisme social$ Ce sont eux également qui le distinguent de deux autres

formes d’activité criminelle perpétrée en milieu rural& celle des gangs recrutés parmi les professionnels du crime ou dessimples flibustiers * voleurs ordinaires ,& ainsi que celle qui est le fait des communautés comme les 2édouins& che:qui le pillage fait partie du mode de vie$ (ans les deux cas& la victime et l’agresseur sont des ennemis qui ne seconnaissent pas$ -es voleurs professionnels et les pillards considrent le pa"san comme une proie et savent qu’il leur esthostile K de son côté& la victime considre l’agresseur comme un criminel& et pas seulement parce que la loi le reconnaZtcomme tel$ ?l ne viendrait pas ! l’idée d’un bandit social de voler la récolte des pa"sans il n’en va pas de mme de celledu seigneur sur son propre territoire& et mme peuttre en dehors$ Ceux qui le font n’ont donc pas avec les pa"sans cesrapports d’un t"pe particulier qui font qu’un bandit est * social ,$ ?l va de soi que& dans la pratique& ces distinctions sontsouvent moins nettes$ -e mme homme peut tre un bandit social dans ses montagnes natales et un simple brigand dansla plaine$ Pous soulignons néanmoins la différence pour les besoins de l’anal"se$

Ce genre de banditisme social est l’un des phénomnes sociaux les plus universellement répandus& et l’un des plusfrappants par son uniformité$ Aous les cas ou presque appartiennent ! deux ou trois t"pes nettement apparentés les uns

aux autres& et ! l’intérieur desquels les variations sont relativement superficielles$ ui plus est& cette uniformité n’est pasla conséquence d’une diffusion culturelle& mais le reflet de situations semblables au sein de sociétés pa"sannes& que cesoit en Chine& au +érou& en 'icile& en O3raine ou en ?ndonésie$ (u point de vue géographique& ce banditisme se retrouve partout en /mérique& en #urope& dans le monde islamique& dans l’/sie du 'ud et de l’#st& et mme en /ustralie$'ocialement parlant& il apparaZt& sembletil& dans tous les t"pes de sociétés situées ! michemin entre la phase évolutivede l’organisation tribale familiale et la société capitaliste et industrielle moderne& sans oublier les phases dedésintégration de la société familiale et le passage au capitalisme agraire$

-e pillage est une pratique courante dans les sociétés tribales ou familiales& mais ces sociétés ne connaissent pas lastratification interne qui fait du bandit une figure de la protestation et de la révolte sociales$ Péanmoins& quand cescommunautés& en particulier celles qui& comme les communautés de chasseurs et de bergers& s’adonnent aux luttestribales et au pillage& établissent en leur sein des différences de classes ou sont absorbées par un s"stme économiquefondé sur un antagonisme de classes& elles peuvent fournir un nombre particulirement élevé de bandits sociaux& commecela s’est produit entre le >%e  et le >%???e sicle dans l’#mpire ottoman& o\ certains historiens ont pratiquementconsidéré que le brigandage et l’activité pastorale se confondaient$ C’est le cas de la 2arbagia& en 'ardaigne ou& enDongrie& du uncs!g pa"s des Cumans& l’un des derniers groupes de pasteurs nomades a"ant quitté l’/sie centrale pour s’installer en #urope$ uand on étudie ces régions& il est difficile de déterminer de manire précise le moment o\la pratique des luttes tribales et du pillage devient du banditisme social& que ce soit sous la forme d’une résistance auxriches& ! des conquérants ou des oppresseurs étrangers& ou ! d’autres forces qui détruisent l’ordre traditionnel F tous ceséléments pouvant tre mlés dans l’esprit des bandits& comme d’ailleurs dans la réalité$ /vec un peu de chance& on peutcependant situer chronologiquement la transition ! l’intérieur d’une ou deux générations K dans les monts de 'ardaigne& par exemple& elle est contenue dans le demisicle qui va de 1770 ! 19V0 environ$

@ l’autre extrémité du développement historique& les s"stmes agraires modernes& ! la fois capitalistes et postcapitalistes& ne sont plus ceux de la société pa"sanne traditionnelle et cessent de produire des bandits sociaux&

excepté dans les pa"s caractérisés par ce que l’on a appelé le * capitalisme d’implantation coloniale ,& comme les =tatsOnis& l’/ustralie ou l’/rgentine$ (ans le pa"s qui a donné au monde Tobin des 2ois& paradigme international du banditisme social& il n’" a plus trace de véritables bandits sociaux aprs& disons& le début du >%?? e sicle& mme sil’opinion publique& en idéalisant d’autres t"pes de criminels& comme les bandits de grand chemin& leur a donné dessubstituts plus ou moins adéquats$ -a * modernisation , au sens large& c’est!dire l’apparition conjointe d’undéveloppement économique et d’un s"stme de communication et d’administration publique efficace& prive toutes lesformes de banditisme& " compris le banditisme social& des conditions favorables ! son épanouissement$ (ans la Tussietsariste& par exemple& le brigandage& qui avait existé presque partout dans le pa"s ! l’état endémique ou épidémique jusqu’au milieu du >%???e sicle& avait disparu ! la fin du sicle du voisinage immédiat des villes& et& au milieu du >?>e&ne se trouvait plus& de fa<on générale& que dans des régions qui n’avaient été ni colonisées ni pacifiées& et tout particulirement dans les régions habitées par des peuplades minoritaires$ -’abolition du servage en 17B1 marqua la find’une longue série de décrets passés par le gouvernement pour lutter contre le banditisme$ ?l semble que le dernier ait

été promulgué en 17BW$@ part cela& le banditisme social existe partout o\ les sociétés reposent sur l’agriculture " compris les économies pastorales et sont constituées en majeure partie de pa"sans et de travailleurs sans terre gouvernés& opprimés et exploités par quelqu’un d’autre F c’est!dire par des seigneurs& des villes& des gouvernements& des hommes de loi ou mme des banques$ Mn le trouve sous l’une ou l’autre de ces trois formes principales& dont chacune fera l’objet d’un chapitre ; le

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 bandit au grand cLur ou Tobin des 2ois& le résistant primitif ou l’unité de guérilleros que j’appellerai haWdoucs& et& peuttre aussi& le * vengeur , terrible25$

?l est difficile de préciser l’importance de ce banditisme$ 2ien que les sources nous donnent quantité d’exemples de bandits& nous disposons rarement de renseignements sur le nombre de bandits en activité ! un moment donné ou dechiffres permettant de comparer l’importance du banditisme ! différentes époques$ ?l nous faut bien s]r distinguer le brigandage commun des phénomnes régionaux et périodiques qui permettent& pour une raison ou pour une autre& ! des bandes armées importantes et stables de subvenir ! leurs propres besoins K ou encore des communautés qui organisentleur existence autour d’une combinaison d’activités agraires et de banditisme$ C’est avec tristesse qu’un envo"éépiscopal décrivit ainsi en 140V les 6irdites d’/lbanie catholiques romains * di genio bellicoso, dediti alle rapine,

alli assassini , * de nature belliqueuse& enclins au vol& et aux assassinats ,$ Mn aurait pu dire la mme chose des* villages de bandits , des montagnes du Dunan occidental en Chine$ (urant les périodes de déstabilisation dugouvernement& comme pendant l’re postimpériale des seigneurs de la guerre& leurs effectifs pouvaient tre importants$#n s’appu"ant sur une estimation japonaise datant du milieu des années 19U0& on peut estimer que les banditsreprésentaient entre 0&5 et 0&7 de l’ensemble de la population en 6andchourie& et entre 0&4 et 1 dans le Dunan et le'hantung& sans compter le million et demi de soldats sur l’ensemble du territoire chinois largement recrutés parmi les bandits ou constitués de bandits potentiels$ 6ais cette situation demeure exceptionnelle$ #n 19BU& une fois terminée la phase la plus meurtrire de la guerre civile en Colombie& les six provinces les plus troublées du pa"s comptaient 1B1 bandes dont les effectifs atteignaient au total U 4B0 membres estimations de la police$ 'i ce chiffre est plus élevé quedans les éditions précédentes de ce livre& il ne représente gure plus d’un millime de la population totale des régionsconcernées2$ /u début du >>e  sicle& la 6acédoine& avec une population d’approximativement un million de personnes& entretenait un nombre de bandes nettement plus important& mais comme elles étaient en grande partie

financées et organisées par des gouvernements divers& elles dépassaient de loin le banditisme spontané auquel on peuts’attendre dans cette région$ (’ailleurs& mme dans ces conditions& elles ne totalisrent vraisemblablement jamais plusd’un ou deux mille hommes2!$

(e toute évidence& le banditisme commun restait un phénomne relativement limité$ (ans la Corse du >?> e sicle&le nombre maximum de * fugitifs , répertoriés ou de présumés bandits était de B00 individus pour V55 villages$ Oneestimation plus probable ramne ce chiffre ! U00 ou V00$ #n 19VV& l’Zle était encore censée compter une centaine dehorslaloi2"$ #n 17W4& qui fut une année modérément agitée& les autorités de la Calabre F une région traditionnellementlivrée au banditisme F dénombraient entre B00 et 400 brigands actifs répartis entre 50 ! B0 bandes2#$ #ssentiellementrurale& la population totale de la région ne dépassait probablement pas un million d’Jmes ! l’époque$ One estimation quifixerait la proportion de bandits ! 0&1 & tout au plus& de la population rurale& resterait donc extrmement généreuse$

?l " a& bien s]r& selon les régions& des variations considérables$ #lles sont dues en partie ! la géographie& en partie !la technologie et ! l’administration& et en partie ! la structure sociale et économique$ -es régions les plus propices au banditisme sont F c’est bien connu F les régions reculées et inaccessibles& comme les montagnes& les plaines vierges& leslandes& les forts ou les estuaires avec leur dédale de criques et de cours d’eau$ ?l est également évident que les brigandssont attirés par les grandes routes utilisées pour le commerce et le transport des vo"ageurs& cela en période préindustrielle& o\ les vo"ages sont lents et difficiles$ -a construction de routes modernes sur lesquelles la vitesse estaccrue suffit souvent ! restreindre sensiblement le banditisme$ #n revanche& une administration inefficace et compliquéesert parfaitement ses intérts$ Ce n’est pas un hasard si& au >?> e sicle& l’#mpire des Dabsbourg a résolu le problme du banditisme avec plus de succs que l’#mpire turc& qui& lui& était chancelant et en fait décentralisé$ Ce n’est pas un hasardnon plus si les régions frontires F et& davantage encore& les régions aux frontires multiples comme le centre del’/llemagne ou ces parties de l’?nde o\ les :ones d’influence britannique voisinaient avec de nombreux =tats gouvernés par des princes F ont connu des difficultés perpétuelles$ uand les autorités locales sont des autochtones et que lecontexte local est complexe& le brigand est dans une position idéale& car& en quelques 3ilomtres& il échappe au contrôle

et mme ! la connaissance des autorités chargées d’un territoire pour en gagner un autre& dont les autorités se soucientfort peu de ce qui se passe * ! l’étranger ,3$$ -es historiens ont établi des listes de régions particulirement associées au banditisme& par exemple pour la Tussie$

+our évidents qu’ils soient& ces facteurs ne rendent pas entirement compte des nettes disparités régionales que l’onrencontre fréquemment lorsqu’il s’agit de banditisme& et qui conduisirent par exemple la Chine impériale ! établir dansson code pénal une différence entre les * régions ! brigands , comme les provinces du 'ichuan& du Dunan& d’/nhui& du

25 ?l faudrait peuttre considérer comme un cas particulier les sociétés hindoues de l’/sie du 'ud& qui sont divisées en castes& et o\ le banditismesocial est freiné par le fait que les voleurs ont tendance& comme les autres secteurs de la société& ! constituer des castes et des communautésautonomes$ Pous verrons cependant qu’il " a des affinités entre certains t"pes de dacoits et les bandits sociaux$26  C$ 6$ MTA?R '/T6?#PAM&  La Violence en Colombie& +aris& -’Darmattan& 1990& p$ U05& note 40$ +our une estimation antérieure ; S$

SOR6/P& M$ 8/-' 2MT(/ et #$ O6/P/ -OP/& La Violencia en Colombia& 2ogota& 19BW& vol$ ??& p$ U74U94$27   Le Brigandage en 'acédoine > un rapport confidentiel au gouvernement bulgare& 2erlin& 1907& p$ V7$ ?nformation communiquée par le +r ($(a3in de 2ir3bec3 College$28 '$ N?-'MP& Yeuding, Conflict and Banditry in Jineteenth Century Corsica& Cambridge Oniversit" +ress& Cambridge& 1977& p$ 5 et p$ VVB$29 S$ C?PS/T?& Brigantaggio, proprietari et contadini nel sud 82Z33123[[:& Teggio Calabria& 194B& p$ 1W1$30 (ans * -es brigands en Tussie du >%??e sicle au >?>e sicle ,& Tevue d’histoire moderne et contemporaine& >??& 19B5& p$ 14W145& ($#ec3houte donne une bonne liste des régions de la Tussie d’#urope qui ont particulirement connu le brigandage$

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Dubei& du 'hanxi& ainsi que certaines parties du )iangsu et du 'hantung et les autres 31$ (ans les départements péruviensde Aacna et 6oquega& o\ les conditions étaient favorables au banditisme& il était inexistant$ +ourquoi C’est que& selonun historien qui a étudié ce sujet& * il n’" a ici ni propriétaires terriens& ni entreprises de camionnage& ni bureaux demaind’Luvre& ni contremaZtres& et que les sources d’approvisionnement en eau n’appartiennent ! personne de fa<onabsolue et irrévocable32 ,$ C’est que& en d’autres termes& le mécontentement pa"san " était moins vif$ #n revanche& aunord de )ava& une région comme le 2antam était au >?>e sicle un centre de banditisme permanent& mais c’était aussi uncentre de rébellion permanente$ ?l n’" a qu’une étude régionale soigneusement menée qui puisse expliquer pourquoi le banditisme était& ! l’intérieur du mme pa"s ou de la mme région& endémique dans certains coins et restreint dansd’autres$

(e la mme manire& seule une étude historique approfondie peut rendre compte de toutes ses variations* diachroniques ,$ Mn peut néanmoins& sans risque de se tromper& émettre les généralisations suivantes ;-e banditisme a tendance ! devenir épidémique aux moments de paupérisation et de crise économique$ -e

développement frappant du brigandage dans les pa"s méditerranéens ! la fin du >%? e sicle& développement sur lequel8ernand 2raudel a attiré l’attention des historiens& reflte le déclin non moins frappant de la condition pa"sanne ! cetteépoque$ -es /heri"a d’Ottar +radesh ?nde& qui avaient toujours été une tribu de chasseurs et de voleurs& * ne furent jamais des bandits de grand chemin avant la grande famine de 17VV33 ,$ (e mme& ! cette différence prs que le r"thmeest ici plus rapide& le banditisme dans les monts de 'ardaigne au cours des années 19B0 atteignait tous les ans son pointculminant au moment o\ les bergers devaient pa"er leurs redevances annuelles$ Ces observations font ! ce point figurede platitudes qu’il est ! peine nécessaire de les formuler$ ?l est plus intéressant pour l’historien d’établir une distinctionentre les crises qui représentent ou non des changements historiques importants& mme si les pa"sans qui sontdirectement concernés ne per<oivent cette distinction que lentement et rétrospectivement& si jamais ils la per<oivent$

Aoutes les sociétés rurales du passé étaient habituées ! des disettes périodiques F dues ! de mauvaises récoltes ou !d’autres crises naturelles F ainsi qu’! des catastrophes occasionnelles& que les villageois ne pouvaient prévoir& mais qui pouvaient survenir ! plus ou moins longue échéance& comme par exemple des guerres& des conqutes& ou l’effondrementdu s"stme administratif dont ils représentaient un fragment isolé$ Aoutes ces catastrophes étaient susceptibles demultiplier le banditisme sous une forme ou une autre$ Aoutes étaient également susceptibles de prendre fin& mais les bouleversements politiques et les guerres pouvaient aussi laisser derrire eux des bandes de maraudeurs et autresdesperados pendant un laps de temps considérable& surtout si les gouvernements étaient faibles ou divisés$ On =tatmoderne aussi efficace que la 8rance d’aprs la Tévolution fut ! mme de liquider en quelques années l’immenseépidémie de brigandage non social qui envahit la vallée du Thin dans les années 1490$ #n revanche& ! la suite des bouleversements sociaux de la guerre de Arente /ns& l’/llemagne se retrouva avec un réseau de bandes de voleurs dontcertaines survécurent pendant au moins un sicle$ Péanmoins& aprs ces ruptures d’équilibre traditionnelles& la situation&tout au moins en ce qui concerne la société rurale& a tendance ! se normaliser& et le banditisme& social ou autre& retrouveles proportions auxquelles on peut généralement s’attendre$

-a situation est quelque peu différente quand les événements qui déclenchent une épidémie de banditisme ne sont pas& pour parler en termes géographiques& comparables aux tremblements de terre du )apon ou aux inondations des+a"s2as& mais refltent des changements ! long terme analogues ! l’avance des glaciers ! l’époque glaciaire& ou ! desmodifications irréversibles comme l’érosion du sol$ (ans ces conditions& les épidémies de banditisme ne représentent pas que l’action d’un nombre croissant d’hommes valides qui& plutôt que de mourir de faim& prennent ce dont ils ont besoin par la force des armes$ Ces épidémies peuvent refléter l’éclatement d’une société tout entire& l’ascension declasses et de structures sociales nouvelles& et la résistance qu’opposent des communautés ou des peuples ! la destructionde leur mode de vie$ Mu& encore& elles peuvent refléter& comme en Chine& l’usure du * mandat du Ciel ,& etl’écroulement d’une société& écroulement qui n’est pas d] ! des forces extérieures& mais annonce la fin imminente d’unc"cle historique relativement long& l’effondrement d’une d"nastie& et l’avnement d’une nouvelle$ -e banditisme peut

alors précéder ou accompagner des mouvements sociaux importants comme les révolutions pa"sannes$ ?l peutégalement se modifier en s’adaptant ! la nouvelle situation politique et sociale& mais& ce faisant& il cesse presque ! coups]r d’tre un banditisme social$ 'i on prend le cas t"pique des deux derniers sicles& c’est!dire le passage d’uneéconomie précapitaliste ! une économie capitaliste& on voit que les transformations sociales peuvent détruireentirement le genre de société agraire qui donne naissance aux bandits et le genre de pa"sannerie qui les nourrit&mettant ainsi fin ! l’histoire de notre sujet$ -e >?> e sicle et le >>e ont été la grande époque du banditisme social dans bien des points du monde& comme l’ont été un peu partout en #urope le >%? e& le >%??e et le >%???e sicles$ 6ais& mis ! part quelques régions& il a aujourd’hui disparu ! peu prs partout$

#n #urope& il n’existe plus ! proprement parler que dans les monts de 'ardaigne& bien que deux guerres mondiales etdes révolutions lui aient redonné vie dans plusieurs régions$ 6ais& dans le sud de l’?talie& o\ les banditti  sont unetradition& il n’atteignit son point culminant qu’il " a un sicle& lors de la grande révolte pa"sanne et de la guerre des brigands 17B117B5$ #n #spagne& autre pa"s o\ le banditisme est un phénomne classique& il était bien connu de tous

les vo"ageurs du >?>e sicle$ @ la 2elle =poque F d’avant 191W F& c’est un hasard du tourisme auquel on peut encores’attendre ; 2ernard 'haE le fait figurer dans  'an and (uperman$ ?l était néanmoins sur le point de disparaZtre$

31 #$ /-/2/'A#T& Jotes and Commentaries on the Chinese Criminal LaU& -ondres& 1799& p$ W00W0U$32 #$ -M+#R /-2O)/T& Los Caballeros del =elito& -ima& 19VB& p$ 454B$33 N$ CTMM#& The Tribes and Castes of the Jorth &est Provinces and Audhe & vol$ ?& Calcutta& 179B& p$ W9$

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8rancisco Tios * #l +ernales ,& qui opérait ! cette époque& est le dernier des brigands légendaires d’/ndalousie$ #nSrce et dans les 2al3ans& c’est un souvenir encore plus frais$ (ans le Pordeste brésilien& o\ il devint épidémique aprs1740 pour atteindre son développement maximal dans le premier tiers du >>e sicle& il prit fin en 19W0 et depuis n’a pasréapparu$ ?l " a certainement des régions F surtout peuttre dans le sud et l’est de l’/sie et dans un ou deux secteursd’/mérique latine F o\ l’on peut encore trouver la forme traditionnelle du banditisme social& et il n’est pas impossiblequ’en /frique& au sud du 'ahara& il prenne plus d’importance que nous ne lui en avons connue$ 6ais& dans l’ensemble&le banditisme social est un phénomne du passé& mme si ce passé est souvent trs récent$ -e monde moderne l’a tué& bien qu’il lui ait substitué ses propres formes de révolte primitive et de crime$

uel rôle les bandits jouentils& ! supposer qu’ils en jouent un& dans ces transformations de la société #n tant

qu’individus& ce sont moins des rebelles politiques ou sociaux F ne parlons pas de révolutionnaires F que des pa"sansqui refusent de se soumettre et qui& ce faisant& se distinguent de la masse& ou mme tout simplement des hommes qui&exclus de la carrire qu’ils suivaient normalement& sont contraints de vivre hors la loi et dans le * crime ,$ #n tant quegroupe& ce sont& au maximum& des s"mptômes de crise et de tension au sein de leur société& s"mptômes de famine& de peste& de guerre& ou de tout ce qui bouleverse cette société$ -e banditisme luimme n’est donc pas un programme pour la société pa"sanne& mais un mo"en individuel d’" échapper dans des circonstances particulires$ -es bandits sedistinguent en ce sens qu’ils refusent d’tre soumis en tant qu’individus& mais& cela mis ! part& ils n’ont pas d’autresidées que celles de la pa"sannerie ou de la fraction de la pa"sannerie dont ils font partie$ Ce sont des activistes et nondes idéologues ou des prophtes dont on pourrait attendre des visions nouvelles ou des plans d’organisation sociale et politique$ Ce sont des leaders& dans la mesure o\ leur courage et leur assurance& auxquels s’ajoutent souvent une forte personnalité et des talents militaires& peuvent les disposer ! jouer ce rôle$ 6ais& mme quand ils le tiennent& leur fonction consiste ! ouvrir la voie& et non ! la découvrir$ #n ?talie du 'ud& dans les années 17B0& plusieurs chefs de

 brigands& Crocco et Pinco Panco34 par exemple& montrrent des dons pour le commandement qui leur valurentl’admiration des officiers qui les combattirent$ 6ais& bien que les * années des brigands , soient l’un des rares exemplesd’une grande révolte pa"sanne dirigée par des bandits sociaux& il semble qu’! aucun moment les chefs brigands n’aientdemandé ! leurs troupes d’occuper la terre$ ?ls paraissaient mme parfois incapables d’imaginer ce que nousappellerions aujourd’hui une * réforme agraire ,$

-e * programme , des bandits& dans la mesure o\ ils en ont& consiste ! maintenir ou ! rétablir l’ordre traditionneldes choses * comme elles doivent tre , c’est!dire& dans les sociétés traditionnelles& comme on croit qu’elles ont étédans un passé réel ou m"thique$ -es bandits redressent les torts et corrigent ou vengent les injustices selon des critresgénéraux de justice et d’honnteté dans les rapports entre les hommes en général& et tout particulirement entre lesriches et les pauvres& les forts et les faibles$ C’est l! une ambition modeste& car ils laissent les riches exploiter les pauvres sauf si leurs pratiques ne relvent pas de ce qui est traditionnellement reconnu comme l’* honnteté ,& et lesforts opprimer les faibles ! condition qu’ils restent dans les limites de ce qui est défini comme équitable& et qu’ilsrespectent leurs devoirs sociaux et moraux$ ?ls ne demandent pas la suppression des seigneurs& ou mme l’abolition dudroit de cuissage$ ?ls exigent simplement que les seigneurs& quand ils l’exercent& n’essaient pas de se soustraire !l’obligation de donner une éducation ! leurs bJtards35$ #n ce sens les bandits sociaux ne sont pas des révolutionnaires&mais des réformistes$

 Péanmoins& qu’il soit réformiste ou révolutionnaire& le banditisme ne constitue pas un mouvement  social$ ?l peuttenir lieu de substitut& par exemple quand les pa"sans prennent pour champions des Tobin des 2ois qu’ils admirent parce qu’euxmmes n’ont pas d’activité plus positive& ou quand le banditisme& en s’institutionnalisant dans un secteur dur et combatif de la pa"sannerie& empche le développement d’autres formes de lutte$ Ce phénomne n’a pas étédémontré& mais il " a lieu de penser qu’il existe$ C’est ainsi qu’au +érou les pressions exercées par la pa"sannerie enfaveur d’une réforme agraire étaient et restent en 1941 infiniment plus faibles dans les départements de Duanuco etd’/purimac& o\ les problmes agraires n’étaient pas moins aigus qu’ailleurs& mais o\ le vol de bétail et le brigandage

constituaient et constituent toujours une vieille tradition profondément enracinée$ Ce problme& comme tant d’autresaspects du banditisme& demanderait toutefois une étude approfondie3$#n dépit de la violence qu’ils supposent& les objectifs sociaux des bandits F et de la pa"sannerie ! laquelle ils

appartiennent F sont donc limités$ (ans deux cas cependant& ils peuvent s’intégrer ! de véritables mouvementsrévolutionnaires$ -e premier& c’est quand ils deviennent le s"mbole ou mme le fer de lance de la résistance opposée par l’ensemble de l’ordre traditionnel aux forces qui l’ébranlent et le détruisent$ One révolution sociale n’en est pas moinsrévolutionnaire parce qu’elle se fait au nom de ce que le monde extérieur considre comme la * réaction , et contre cequ’il appelle le * progrs ,$ -es bandits et les pa"sans du ro"aume de Paples& qui se soulevrent contre les jacobins etles étrangers au nom du pape& du roi& et de la 'ainte 8oi& étaient des révolutionnaires& ce que n’étaient pas le pape et le

34 Carmine (onatelli * Crocco ,& ouvrier agricole et gar<on vacher& s’était engagé dans l’armée des 2ourbons& qu’il déserta& aprs avoir tué un deses camarades au cours d’une rixe K a"ant vécu hors la loi pendant dix ans& il se joignit aux insurgés libéraux en 17B0& dans l’espoir que ses crimes

seraient amnistiés& et devint le plus grand meneur d’hommes et le chef de guérilla le plus redoutable du camp des 2ourbons$ ?l s’enfuit par la suitedans les =tats pontificaux& fut livré au gouvernement italien et condamné ! la prison ! vie$ 2ien des années plus tard& il écrivit en prison uneautobiographie intéressante$ Suiseppe Picola 'umma * Pinco Panco ,& pa"san sans terre d’/vigliano& avait échappé ! la prison lors de lalibération garibaldienne de 17B0$ (evenu le lieutenant de Crocco& il montra lui aussi des talents de guérillero exceptionnels$ Aué en 17BW$35 Cet exemple est tiré de conversations avec des pa"sans du +érou$36 )e remercie le (r 6ario %asque:& #nrique 6a"er& et plusieurs fonctionnaires de la Rone > de la Téforme agraire dans le centre du +érou pour les renseignements qu’ils m’ont communiqués$

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roi$ On chef brigand des années 17B0& particulirement intelligent& disait ! un homme de loi prisonnier& qui prétendaittre lui aussi pour les 2ourbons ; * %ous tes instruit et vous tes homme de loi ; vous cro"e: vraiment que noussommes en train de nous décarcasser pour 8ran<ois ??3!  , Ces bandits et ces pa"sans ne se soulevaient pas pour laréalité du ro"aume 2ourbon F quelques mois auparavant& bon nombre d’entre eux avaient& sous Saribaldi& contribué ! lerenverser F mais pour l’image idéale de la * bonne vieille , société naturellement s"mbolisée par l’image idéale de la* bonne vieille , =glise et du * bon vieux , roi$ (ans le domaine politique& les bandits ont tendance ! donner ce genrede révolutionnaires traditionalistes$

-a seconde raison pour laquelle les bandits deviennent des révolutionnaires est inhérente ! la société pa"sanne$6me ceux qui acceptent l’exploitation& l’oppression et la sujétion comme une rgle de la vie humaine rvent d’un

monde o\ elles n’existeraient plus ; un monde d’égalité& de fraternité et de liberté& un monde totalement nouveau qui neconnaZtrait pas le mal$ Cela dépasse rarement le stade du rve ou d’une attente de l’/pocal"pse& bien que survive dansde nombreuses sociétés le rve millénariste ; le )uste #mpereur apparaZtra un jour& la Teine des 6ers du 'ud un jour touchera terre version javanaise de l’espoir submergé& tout sera changé& tout sera parfait$ 6ais il " a des moments o\l’/pocal"pse semble imminente$ uand toute la structure de la société existante& dont l’/pocal"pse s"mbolise et préditla fin& semble effectivement sur le point de tomber en ruine& la faible lueur d’espoir devient la lumire d’un possiblesoleil levant$

-es bandits n’" résistent pas plus que les autres$ Pe sontils pas du sang du peuple Pe sontils pas des hommesqui& ! leur manire& mme si celleci est limitée& ont montré qu’une vie sauvage dans les forts peut apporter la liberté&l’égalité et la fraternité ! ceux qui sont prts ! accepter l’absence de fo"er& le danger& et une mort presque certaine -es bandes de canga.eiros brésiliens ont été sérieusement comparées par un sociologue moderne ! * une sorte de fraternitéou de confraternité la.que ,& et des observateurs ont été frappés par l’honnteté sans égale qui préside aux rapports

humains ! l’intérieur de ces bandes3"$ Pe reconnaissentils pas& consciemment ou inconsciemment& la supériorité durve millénariste ou révolutionnaire par rapport ! leurs propres activités

Tien n’est ! vrai dire plus frappant que cette coexistence et cette subordination du banditisme ! la révolution pa"sanne dont il est souvent le précurseur$ -a région d’/ndalousie ! laquelle on associait traditionnellement lesbandoleros& * au grand cLur , ou non& devint& dix ou vingt ans aprs leur déclin& une région connue pour sa traditiond’anarchisme rural$ -e sert\o3# du Pordeste brésilien abritait traditionnellement les canga.eiros& mais aussi les santos&c’est!dire les chefs messianiques des campagnes& et la grandeur des saints était supérieure ! celle des canga.eiros+

(ans l’une des innombrables ballades qui chantent les exploits du grand bandit -ampiao& il est dit que ;! l )ura de se venger de tous déclarant en ce monde )e ne respecterai personne hors le p%re Cicero40+ D

#t c’est& nous le verrons& le pre Cicero& le messie de )ua:eiro& qui accrédita * officiellement , -ampiao auprs del’opinion publique$ -e banditisme social et le millénarisme F qui sont les formes de réforme et de révolution les plus primitives F vont historiquement de pair$ #t& quand viennent les grands moments apocal"ptiques& les bandes de brigands& gonflées par les tribulations et les espoirs de l’époque& peuvent changer insensiblement de nature$ #lles peuvent& comme ! )ava& se mler aux foules de villageois qui& abandonnant leur terre et leur maison& se mobilisent et&fous d’espoir& vont battre la campagne$ #lles peuvent aussi& comme en ?talie du 'ud en 17B1& se développer et setransformer en armées pa"sannes$ Mu alors il arrive& c’est le cas de Crocco en 17B0& que les bandits cessent d’tre des bandits pour devenir des soldats de la révolution$

uand le banditisme se fond ainsi dans un vaste mouvement& il devient partie intégrante d’une force qui peutchanger la société et qui la change$ Comme les perspectives des bandits sociaux sont aussi limitées que celles de la pa"sannerie ellemme& leurs interventions dans l’histoire ne donnent pas toujours les résultats qu’ils en attendaient$ ?larrive mme que les résultats aillent ! l’encontre du but recherché$ 6ais cela n’enlve rien au banditisme en tant queforce historique$ (’ailleurs& parmi ceux qui ont fait les grandes révolutions sociales dans le monde& combien avaient prévu la véritable issue de leur combat

CD/+?AT# V$ O? (#%?#PA 2/P(?A * En Bulgarie seuls les bergers, les vachers et les haWdoucs sont libres+ ,+ana"ot Ditov$

-e banditisme& c’est la liberté& mais dans une société pa"sanne& la liberté est l’apanage d’un trs petit nombre$ -a plupart des gens sont prisonniers ! la fois du seigneur et du travail& les deux se renfor<ant l’un l’autre$ Car si les pa"sanssont les victimes de l’autorité et de la cLrcition& c’est moins en raison de leur vulnérabilité économique F en général& ilsarrivent pratiquement ! suffire ! leurs besoins F qu’! cause de leur manque de mobilité$ ?ls sont enracinés dans la terre&dans le domaine sur lequel ils vivent& et auquel ils sont rivés& semblables en cela ! des arbres ou& mieux& ! des anémonesde mer ou ! d’autres animaux aquatiques qui se fixent définitivement quelque part aprs avoir connu dans leur jeunesseune phase de mobilité$ One fois mariés et installés sur leur lopin& ils ne bougent plus K il faut semer& il faut moissonner K

37 

 8$ 6M-8'#& (toria del brigantaggio dopo l’nit-& op$ cit$& p$ 1V0$ ?l faut reconnaZtre que Cipriano -a Sala& recéleur illettré originaire de Pola& condamné pour vol avec violences en 1755 et qui échappa ! la prison en 17B0& n’est pas représentatif des pa"sansbrigands$38 6$ ?$ +#T#?T/ (# O#?TMR& As Canga.eiros > les bandits d’honneur brésiliens& +aris& 19B7& p$ 1WU et p$ 1BW$39 -’arrirepa"s du Pordeste brésilien audel! des limites des :ones ! fortes densités d’habitants$40 T$ ToEland& ! OCantadores de Jordeste brasile]no D, ;portes, 4 )anvier 236Z, p+ 24H+ #n ce qui concerne les véritables rapports& quelque peu plus nuancés& entre ce bandit et le saint homme& voir #$ (e -ima&  A 'undo Estranho dos canga.eiros, (alvador1Bahia& 19B5& p$ 11V11W& et M$/nselmo& Padre Cicero& Tio& 19B7+

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mme les révoltes pa"sannes marquent un temps d’arrt quand il faut rentrer les récoltes$ Mn ne peut pas non plus troplongtemps laisser les clôtures sans réparations$ One femme et des enfants attachent un homme ! un endroit précis$ 'euleune catastrophe& l’approche du millenium& ou la décision d’émigrer décision grave peuvent interrompre le c"cleimmuable de la vie du cultivateur& mais mme l’émigrant est vite obligé de s’installer sur une autre terre& ! moins qu’ilne cesse d’tre un pa"san$ 'i& sur le plan social& le pa"san courbe l’échine& c’est qu’il est la plupart du temps obligé de lefaire& au sens propre& dans ses champs$

Ce phénomne limite sérieusement le recrutement du banditisme$ +our un pa"san adulte& devenir bandit n’est pasimpossible& mais tout de mme trs difficile& d’autant plus que le c"cle annuel du brigandage suit le mme r"thme quel’agriculture& c’est!dire s’accélre au printemps et en été pour ralentir ! la mortesaison et par temps de neige$

Péanmoins& certaines communautés& dont une partie des ressources provient régulirement du pillage& doiventcombiner ce dernier et leurs activités agricoles et pastorales K leur banditisme F c’est le cas des tribus * chuars , de6idnapur 2engale au début du >?>e sicle F se produit donc au cours de la mortesaison K ou alors il est pratiqué par des détachements spéciaux qui laissent derrire eux suffisamment de gens pour assurer les travaux agricoles$ 'i l’onveut comprendre la composition sociale du banditisme& il faut donc examiner tout d’abord la frange mobile de la société pa"sanne$

-a premire source de recrutement& et probablement la plus importante& se trouve dans les formes d’économie ou demilieux ruraux o\ la demande de maind’Luvre est relativement faible& ou qui sont trop pauvres pour emplo"er tousleurs hommes valides K en d’autres termes& l! o\ il " a un surplus de population rurale$ -es économies pastorales& lesrégions montagneuses et les sols pauvres F les trois étant fréquemment liés F fournissent en permanence ce genre desurplus& dont les débouchés& dans les sociétés traditionnelles& ont tendance ! s’institutionnaliser ; émigration saisonniredans les /lpes ou& en /lgérie& dans les monts de ab"lie& engagement dans l’armée 'uisse& /lbanie& Corse et Pépal&

 pillage ou banditisme$ -e * minifundisme , c’est!dire une forte proportion de terres trop petites pour la subsistanced’une famille peut produire les mmes effets& ainsi que le manque de terres& pour des raisons encore plus évidentes$ -e prolétariat rural& en chômage pendant une grande partie de l’année& est autrement mobilisable que le pa"san$ 'ur les VU7* brigands , ou plutôt rebelles et guérilleros pa"sans dont les cas furent examinés en 17BV par la cour d’appel deCatan:aro Calabre& ?talie& U01 furent classés comme ouvriers agricoles ou journaliers& 51 seulement comme pa"sans& Wcomme fermiers& et UW comme artisans 41$ ?l est évident que& dans ce genre de milieu il " a non seulement beaucoupd’hommes qui peuvent& tout au moins pendant un certain temps& se couper de l’économie rurale& mais beaucoup qui sontobligés de chercher d’autres sources de revenus$ ue certains d’entre eux se fassent bandits& ou que les régions demontagnes et d’économie pastorale soient celles o\ l’on trouve régulirement ce genre de horslaloi& rien n’est au fond plus naturel$

(ans ces régions& tout le monde n’est pas également susceptible de devenir un horslaloi$ Péanmoins& il existetoujours des groupes auxquels leur position sociale donne la liberté d’action nécessaire$ -e plus important d’entre euxest celui des jeunes gens situés entre la puberté et le mariage& c’est!dire ceux dont le poids des responsabilitésfamiliales n’a pas encore courbé l’échine$ )e me suis laissé dire que& dans les pa"s o\ le divorce unilatéral est facile& la période qui sépare la répudiation d’une femme du remariage peut constituer un autre moment de liberté relative& mais&tout comme pour les veufs& cela n’est possible qu’en l’absence d’enfants en bas Jge& ! moins que des parentsn’acceptent de s’en occuper$ 6me dans les sociétés pa"sannes& la jeunesse est une phase d’indépendance etd’éventuelle rébellion$ (es hommes jeunes& souvent groupés en bandes organisées ou non& peuvent trs bien errer detravail en travail& courir la campagne et se battre$ -es  ségeny légeny  * pauvres gar<ons , des plaines de Dongrieétaient de ces brigands en puissance K pris séparément& ils étaient plutôt inoffensifs& mme si parfois enclins ! voler uncheval ou deux& mais ils passaient facilement au banditisme en formant des bandes de vingt ! trente hommes quichoisissaient un endroit isolé comme quartier général$ -a * vaste majorité , des recrues qui venaient grossir les rangs du banditisme chinois était composée d’hommes jeunes& dans la mesure o\ * la brve période qui précédait les

responsabilités du mariage et de la famille était celle o\ ils étaient plus libres qu’ils ne l’avaient jamais été et qu’ils ne leseraient jamais ! l’avenir ,$ C’est aussi pour cela que les trente ans étaient l’Jge fatidique o\ l’on pressait les banditsd’abandonner leurs activités et de s’installer& tandis que ceux qui n’avaient jamais été horslaloi mais qui n’avaient puse marier et s’installer n’avaient gure d’autre choix que de vivre aux marges de la société 42$ Mn pourrait ajouter que cesderniers étaient d’autant plus nombreux que l’infanticide sélectif des filles contribuait ! gonfler leurs rangs& dans lamesure o\ il pouvait produire dans certaines régions de Chine un surplus d’hommes de l’ordre de U0 $ (ans tous lescas de figure& il ne fait aucun doute que le bandit t"pique était un homme jeune& et que son équivalent contemporain F comme les guérilleros colombiens des années 1990& presque tous situés dans une fourchette d’Jge allant de quin:e !trente ans F l’est aussi43$ -es deux tiers des bandits de la 2asilicate dans les années 17B0 avaient moins de vingtcinqans$ (ans le département de -amba"eque +érou& quaranteneuf bandits sur cinquanteneuf étaient célibataires44$ (iegoCorrientes& le bandit légendaire d’/ndalousie& mourut ! vingtquatre ans K )anosi3& son équivalent slovaque& ! vingtcinq K -ampiao& le grand canga.eiro du Pordeste brésilien& commen<a sa carrire entre dixsept et vingt ans et le vrai

41 8$ 6M-8'#& (toria del brigantaggio dopo l’nit-& op$ cit$& p$ 1U41U7$42 +hil 2?--?PS-'#Q& Bandits in Nepublican China& 'tanford& 1977& p$ 454B$43 Cette information me vient du (r #duardo +i:arro$ +our les statistiques& voir C$ 6$ MTA?R '/T6?#PAM&  La Violence en Colombie > Nacineshistoriques et sociales& -’Darmattan& +aris& 1990& p$ 19U& note W5$44 #$ DM2'2/N6& Les Primitifs de la révolte dans l’Europe moderne& +aris& 8a"ard& 19BB K #$ -M+#R /-2O)/T& Los Caballeros del =elito&op$ cit$& p$ 1UB$

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don )osé de Carmen ! dixhuit ans$ (ans la 6andchourie des années 19U0& l’Jge mo"en des chefs bandits était de vingtcinq ou vingtsix ans$ -es écrivains sont parfois de bons observateurs ; 6ehmed le 6ince& héros d’un roman turc sur les bandits& est adolescent quand il gagne les montagnes du Aaurus$

-’autre grand réservoir d’hommes libres se trouve che: ceux qui& pour une raison ou pour une autre& ne sont pasintégrés ! la société rurale et sont donc contraints de mener une existence marginale ou hors la loi$ -es bandes derasboini0i qui se multiplirent dans les régions dépourvues de pistes et faiblement peuplées de la vieille Tussie secomposaient de ce genre de marginaux$ C’étaient souvent des émigrants qui faisaient route vers les grands espaces dusud et de l’est& o\ la su:eraineté& le servage et le gouvernement n’avaient pas encore pénétré& et qui étaient en qute dece qui devait plus tard devenir un objectif révolutionnaire conscient&  Xemlya i Volya Aerre et -iberté$ Certains d’entre

eux n’allaient pas jusqu’au bout& et par ailleurs tous devaient faire quelque chose pour survivre$ -es serfs en fuite& leshommes libres ruinés& ceux qui s’étaient échappés des fabriques de l’=tat ou de celles des seigneurs& de la prison ou duséminaire& les déserteurs de l’armée et de la marine& ceux qui& comme les fils de prtres& n’occupaient aucune place précise ! l’intérieur de la société& formaient ou rejoignaient des bandes de brigands& qui& parfois& participaient au pillage pratiqué par d’anciennes communautés frontalires de pa"sans libres comme les cosaques& ou par des minoritésnationales ou tribales45$

+armi ces marginaux& les soldats& les déserteurs et les anciens conscrits jouaient un rôle important$ -e tsar avait de bonnes raisons de décréter la conscription ! vie& ou pratiquement& au point que la famille du conscrit pouvait prononcer son oraison funbre en lui disant adieu ! la sortie du village$ Car les hommes qui reviennent de loin& et qui n’ont nimaZtre ni terre& menacent la stabilité de la hiérarchie sociale$ Comme les déserteurs& les anciens conscrits sont del’espce dont on fait tout naturellement des bandits$ -es chefs de brigands dans l’?talie du 'ud aprs 17B0 sont asse:régulirement présentés comme * ancien soldat de l’armée des 2ourbons ,& ou * pa"san sans terre& ancien soldat ,$

(ans de nombreuses régions& c’était l! un itinéraire normal$ On 2olivien progressiste demandait en 19U9 pourquoi lesanciens conscrits qui regagnaient leur lieu d’origine che: les ?ndiens /"mara ne jouaient pas le rôle d’éducateurs etd’agents de la civilisation& au lieu de * se transformer en vauriens dégénérés qui deviennent chefs de bandits dans larégion4 ,$ -a question était juste& mais rhétorique$ -es anciens conscrits peuvent effectivement servir de chefs&d’éducateurs et de cadres de village& et tous les régimes socialement révolutionnaires utilisent leur armée comme centrede formation dans ce but précis& mais c’était hors de question dans la 2olivie féodale$

6is ! part les anciens soldats revenus au pa"s& rares sont ceux qui& mme de fa<on temporaire& sont compltementen dehors de l’économie du village tout en faisant partie de la société pa"sanne ce n’est généralement pas le cas des bohémiens& et autres fahrendes Vol0  ou * vagrants ,$ -’économie rurale fournit cependant un certain nombre d’emploisqui se situent ! l’écart de la routine habituelle et échappent au contrôle immédiat de la société& que ce contrôle soitexercé par les dirigeants ou par l’opinion publique$ ?l " a& répétonsle& les bergers& soit seuls& soit en groupe F groupespécial et parfois secret F qui se rendent l’été dans les hauts pJturages ou qui font du seminomadisme dans les grandes plaines$ ?l " a aussi les hommes armés& ceux qui gardent les champs& et dont la fonction n’est pas de travailler& ainsi queles conducteurs de troupeaux& rouliers& contrebandiers& bardes et autres$ ?ls ne sont pas surveillés& ce sont eux lesobservateurs$ -eur monde& c’est la plupart du temps la montagne& o\ les seigneurs et les pa"sans ne péntrent pas& et o\les hommes ne parlent pas beaucoup de ce qu’ils voient et de ce qu’ils font$ C’est l! que les bandits rencontrent les bergers& et que les bergers envisagent de devenir bandits$

+our expliquer comment on peut devenir bandit& nous n’avons jusqu’! présent considéré que des éléments d’ordrecollectif& c’est!dire des catégories sociales dont les membres sont plus susceptibles de le devenir que ceux d’autrescatégories$ Ces éléments sont& de toute évidence& trs importants$ ?ls nous permettent& par exemple& d’émettre certainesgénéralisations& certes rapides et approximatives& mais qui ne sont pas fondamentalement erronées$ Mn pourrait ainsidire ; * (ans une région montagneuse& il " a de fortes chances pour que le groupe de bandits caractéristique se composede jeunes bergers& de pa"sans sans terre& et d’anciens soldats& et il " a peu de chances qu’il contienne des hommes

mariés et pres de famille ou des artisans$ , 'i des formules de ce genre n’épuisent pas le sujet& elles sont néanmoinsvalables dans un nombre de cas surprenant$ +renons par exemple les chefs de bande dans l’?talie du 'ud dans les années17B0 ; ceux dont la nature des occupations nous est connue comprennent vingthuit * bergers ,& * vachers ,& * anciensconscrits ,& * pa"sans sans terre ,& et * gardiens , ces occupations étaient parfois mlées K les autres ne sont qu’aunombre de cinq4!$ ?l convient cependant de noter que les meneurs de bande& en tant qu’ils occupent une place distinctedans la hiérarchie& ont plus de chances de faire partie de ces derniers& qui n’appartiennent ! aucune de ces catégories&c’est!dire des strates de la société rurale qui se situent audessus des prolétaires et des sansbiens$ ?l " a néanmoins uneautre catégorie de bandits en puissance& ! certains égards la plus importante& et qui se compose d’hommes qui setournent vers le banditisme de manire& pourraiton dire& individuelle et délibérée& mme si les autres facteursd’explication ne sont pas absents de leur décision$ Ce sont des hommes qui se refusent ! jouer le rôle soumis et passif que la société impose au pa"san ; les orgueilleux& les récalcitrants& les rebelles individuels$ Ce sont& pour reprendre lavieille formule utilisée par les pa"sans pour les décrire& les * hommes qui se font respecter ,$

'’il n’" en a& d’habitude& pas beaucoup dans la société pa"sanne& il " en a toujours quelquesuns$ Ces hommes sontceux qui& en face de l’injustice ou d’une forme de persécution& refusent de se soumettre docilement ! la force ou de

45 'ur les cosaques& voir chapitre 7$46 /$ 8T/PCM& * #l /"mara del siglo >> ,& /mauta& n UV& -ima& 19U9& p$ 77$47  (’aprs 8$ 6M-8'#& (toria del brigantaggio dopo l’nit-& op$ cit$& p$ VB4V7U$

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reconnaZtre la supériorité sociale& et prennent le chemin de la résistance pour devenir des horslaloi$ ?l faut en effet sesouvenir que& si la carrire caractéristique du brigand * au grand cLur , débute généralement par un acte de résistance !l’oppression& il " a& pour tout résistant& des di:aines de gens qui acceptent l’injustice$ On +ancho %illa& qui défendl’honneur d’une sLur violée& représente l’exception dans les sociétés o\ les seigneurs et leurs hommes de main agissent! leur guise avec les pa"sannes$ -es hommes comme lui sont ceux qui affirment leur droit ! tre respectés de tous& "compris des autres pa"sans& en faisant front et en combattant$ Ce faisant& ils usurpent automatiquement le rôle social deleurs * supérieurs , qui& par exemple dans le s"stme médiéval classique& ont le monopole des armes$ Ce sont danscertains cas les fiers!bras du village& qui proclament leur vaillance en adoptant une démarche conquérante& en portantdes armes& par exemple un bJton& mme quand les pa"sans ne sont pas censés en porter& et en donnant ! leur costume et

! leur comportement l’aspect négligé et provocant qui signifie qu’ils n’ont peur de rien$ (ans l’ancienne Chine& le fier!bras du village souvent appelé la * brute du village , avait la natte faite ! la diable& et en enroulait l’extrémité autour de sa tte et de son cou K il portait délibérément des chaussures éculées et laissait ses jambires ouvertes pour en fairevoir la doublure luxueuse$ Mn raconte qu’il provoquait souvent le magistrat * par pure bravade4" ,$ -e costume duvaquero& c’est!dire du vacher mexicain& qui est devenu dans les Eesterns le costume classique du coEbo"& et lesst"les plus ou moins équivalents des gauchos et des llaneros4# dans les plaines d’/mérique du 'ud& des bétyars5$ dans la put:a hongroise& des ma)os  et des  flamencos en #spagne& sont& dans le monde occidental& des s"mboles analoguesd’insoumission$ Ce s"mbolisme a peuttre connu sa forme la plus recherchée avec le costume festonné d’or et d’acier du haWdouc ou du clephte des 2al3ans$ Comme dans toutes les sociétés traditionnelles et ! évolution lente& mme legroupe asse: flou constitué par les pauvres non conformistes finit par se donner un s"stme de signes distinctifs$ -ecostume de la forte tte en milieu rural est un message immédiatement déchiffrable ; * Cet homme n’est pas unagneau$ ,

Ceux * qui se font respecter , ne deviennent pas automatiquement des bandits& tout au moins des bandits sociaux$ ?larrive qu’! la force du poignet ils échappent ! la condition pa"sanne pour tre embauchés comme gardes par un village&suivre un seigneur& entrer dans l’armée soit des formes diverses de banditisme officiel$ ?l arrive aussi qu’ils sedébrouillent tout seuls et constituent& comme les mafiosi de 'icile& une bourgeoisie rurale fondée sur la violence$ ?ls peuvent enfin devenir le genre de horslaloi qui inspirent aux hommes des ballades& c’est!dire des champions& deshéros et des vengeurs$ -eur révolte est individuelle& socialement et politiquement menacée& et& dans des conditionsnormales F soit non révolutionnaires F ne représente pas l’avantgarde d’une révolte des masses& mais plutôt le produitet la contrepartie de la passivité générale des pauvres$ ?ls sont l’exception qui confirme la rgle$

-es catégories que nous venons de voir sont celles o\ se recrute la majorité des bandits$ ?l nous faut néanmoinsexaminer rapidement deux autres réservoirs de violence et de brigandage rural que l’on confond souvent& parfois ! justetitre& mais dans la plupart des cas ! tort& avec le banditisme pa"san& c’est!dire les * barons voleurs , et les criminels$

ue les gentilshommes campagnards sans fortune soient une source de violence intarissable est aisémentcompréhensible$ ?ls jouissent du privilge des armes et combattre est ! la fois leur vocation et la base de leur s"stme devaleurs$ Cette violence est souvent institutionnalisée sous la forme de chasse ! courre& ainsi que de duels et devengeances destinés ! défendre l’* honneur , de l’individu et celui de la famille K il arrive aussi que des gouvernementsavisés la canalisent en lui offrant des dérivatifs politiquement utiles ou ! tout le moins inoffensifs comme le servicemilitaire ou l’aventure coloniale$ -es mousquetaires de (umas& originaires de cette célbre pépinire de gentilshommesimpécunieux qu’était la Sascogne& n’étaient ! peu de chose prs& en dépit de leur pedigree& que des hommes de mainofficiellement reconnus& analogues aux brutes que les grands propriétaires d’?talie ou d’?bérie recrutaient comme gardes parmi les pa"sans ou les bergers$ C’était également le cas de nombreux conquistadors espagnols$ ?l " a cependant dessituations dans lesquelles ces nobles impécunieux deviennent de véritables brigands et horslaloi voir chapitre 4$ Mn peut supposer qu’ils ont de fortes chances d’accéder au ro"aume du m"the et de la ballade populaire dans deux cas ; aquand ils font partie d’un mouvement général de résistance& résistance opposée par une société archa.que ! des

conquérants étrangers K ou b quand les traditions de rébellion pa"sanne contre l’injustice seigneuriale sont trs faibles$#n revanche& plus l’élément de lutte de classes est prononcé& et moins ils ont de chances d’" accéder& sauf bien s]r dansdes pa"s ! fortes proportions de * gentilshommes , ; en +ologne& en Dongrie et en #spagne par exemple& o\ ilsreprésentaient peuttre 10 de la population totale& ils constituaient un large public tout prt ! entendre les ballades etrécits romanesques ! la gloire de leurs propres exploits51$

-a distinction est encore plus nette entre les bandits pa"sans et les éléments urbains ou * vagrants , appartenant aumonde du crime qui existait dans les interstices de la société rurale& évidemment sans en faire partie$ (ans les sociétéstraditionnelles& les criminels sont presque par définition des corps étrangers qui constituent une société distincte& voireune antisociété de * truands ,& qui fait écho ! celle des * honntes gens ,$ ?ls s’expriment en général dans une langue

48 /$ D$ '6?AD& Village Life in China& PeE Qor3[Chicago[Aoronto& 1799& p$ U1VU14$49 Gauchos& llaneros ; vachers argentins et colombiens$50  Bétyars ; hommes ne reconnaissant ni maZtre ni loi$51 (eux tendances viennent compliquer la classification des chansons et des ballades consacrées aux bandits$ Aout d’abord& celle de la culture *officielle , qui& pour les assimiler& les élve socialement& c’est!dire fait par exemple de Tobin des 2ois un comte de Duntingdon injustementdéchu de ses droits K celle ensuite de tous les hommes libres des sociétés rurales de t"pe féodal qui assimilent leur propre statut au seul modle de *liberté , qui leur soit familier& c’est!dire au statut de la noblesse$ Cette tendance mais il se peut que ce soit la premire explique peuttre pourquoi l’on a pu croire que d’incontestables bandits pa"sans comme Tos:a 'andor et 'br" )s:i& en Dongrie& au >?> e sicle& venaient devieilles familles nobles$

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qui leur est propre argot& cant& cal& rotEelsch& et n’entretiennent de relations qu’avec des gens qui& de par leursoccupations ou la communauté ! laquelle ils appartiennent& sont également exclus& par exemple les gitans& qui ontconsidérablement nourri l’argot de la pgre fran<aise et espagnole& ou les juifs& qui ont enrichi encore davantage lelangage de la pgre allemande$ -a plupart des bandits pa"sans ne parlent aucun argot particulier& mais utilisentsimplement une version du dialecte local$ Ce sont des nonconformistes ou& plutôt& dans la pratique et par principe& desanticonformistes K ils prennent le parti du (iable plutôt que celui de (ieu 52& ou& s’ils ont de la religion& celui de l’hérésie par opposition ! l’orthodoxie$ #n /llemagne& au >%??e  sicle& des malfaiteurs chrétiens demandrent en prisonl’autorisation de suivre les services religieux de leurs codétenus juifs& et l’on dispose d’indices sérieux évoqués dans

 Les Brigands de 8riedrich von 'chiller qui permettent de penser que les bandes de brigands allemands& au >%??? e

sicle& servaient de refuge aux membres des sectes de librespenseurs ou d’antinomiens& par exemple aux rescapésanabaptistes du centre de l’/llemagne 53$ -es banditspa"sans ne sont en rien hétérodoxes et partagent au contraire les"stme de valeurs des pa"sans ordinaires& " compris leur piété et leur méfiance ! l’égard des autres religions$ C’estainsi que& sauf dans les 2al3ans& la plupart des bandits sociaux du centre et de l’est de l’#urope étaient antisémites$

-! o\ des bandes de brigands criminels battent la campagne& comme en ?nde& ou dans certaines parties de l’#uropecentrale aux >%??e  et >%???e sicles& elles se distinguent donc généralement des bandits sociaux ! la fois par leur composition et leur manire d’opérer$ #lles sont généralement formées de membres de * tribus et castes criminelles ,&ou d’individus venant de groupes ostracisés$ /insi le gang Crefeld et Peuss des années 1490& tout comme le gang deeil& étaitil en majeure partie composé de rémouleurs& tandis qu’! DesseNaldec3 opérait un gang composé surtout dechiffonniers$ +rs de la moitié des membres du gang 'alembier& qui& ! la mme époque& faisait du +asdeCalais unerégion peu s]re& étaient des colporteurs& des revendeurs& et autres forains$ -e redoutable gang des +a"s2as& comme la plupart de ses diverses branches& avait un recrutement ! majorité juive$ Mn pourrait citer bien d’autres exemples$ +ar 

ailleurs& les vocations criminelles étaient souvent héréditaires ; 'chattinger& la femmebrigand de 2avire& avait derrireelle deux sicles de tradition familiale& et plus de vingt membres de sa famille& " compris son pre et sa sLur& setrouvaient en prison ou avaient été exécutés54$ -es brigands criminels& et ceci n’a rien de surprenant& ne recherchaient pas la s"mpathie des pa"sans qui& comme tous les * honntes gens ,& représentaient pour eux des ennemis& desoppresseurs et des victimes$ ?ls n’avaient donc pas de racines locales comme les bandits sociaux& mais d’un autre côtéils n’étaient pas prisonniers des limites d’un territoire& limites que les bandits sociaux pouvaient rarement franchir sansrisque$ ?ls faisaient partie d’un monde du crime dont les réseaux& lJches mais considérables& couvraient peuttre plus dela moitié d’un continent& avec certainement des ramifications dans les villes& lesquelles étaient terra incognita pour les banditspa"sans& qui n’éprouvaient pour elles que de la crainte et de la haine$ +our les * vagrants ,& les nomades et lescriminels de ce genre& la région dans laquelle la plupart des bandits sociaux passaient leur vie entire n’était quel’emplacement d’un certain nombre de marchés ou de foires annuelles& le cadre de raids éventuels ou& tout au plus encas de :ones ! multiples frontires& donc stratégiquement intéressantes& une bonne base opérationnelle$

?l est cependant impossible de ne pas inclure les bandits criminels dans une étude du banditisme social$ #n effet& l!o\& pour une raison ou pour une autre& le banditisme social ne se développait pas ou avait disparu& il arrivait que les brigands criminels soient idéalisés et parés des attributs de Tobin des 2ois& surtout quand le plus clair de leurs activitésconsistait ! dévaliser des marchands& de riches vo"ageurs et autres individus qui ne jouissaient pas d’une grandes"mpathie parmi les pauvres$ C’est ainsi qu’au >%???e  sicle& en 8rance& en /ngleterre et en /llemagne& de célbrescriminels comme (ic3 Aurpin& Cartouche et 'chinderhannes se substiturent aux véritables Tobin des 2ois& qui pour lors n’existaient plus dans ces pa"s55$

+ar ailleurs& des hommes rejetés contre leur gré de la pa"sannerie& comme d’anciens soldats& déserteurs etmaraudeurs qui foisonnaient en temps de troubles& de guerre ou d’aprs guerre& servaient de lien entre le banditismesocial et antisocial$ ?ls se seraient aisément intégrés aux bandits sociaux& mais gagnaient tout aussi facilement les rangsdes autres& apportant avec eux certaines des valeurs et certains des principes de leur milieu d’origine$

#nfin& dans les vieux empires préindustriels s’étaient depuis longtemps développés deux mondes clandestins ; nonseulement celui des exclus& mais aussi un monde de défense et d’opposition non officielles& représenté par exemple par les grandes et durables sociétés secrtes de la Chine impériale ou du %itnam& ou peuttre par des organismes commela 6affia sicilienne$ Ces s"stmes et réseaux politiques non officiels& qui restent trs mal compris et trs mal connus& pouvaient atteindre tous ceux qui se trouvaient ! l’extérieur de la structure officielle du pouvoir et lui étaient opposés& "compris les bandits sociaux et les groupes marginaux$ ?ls pouvaient par exemple leur procurer les alliances et lesressources qui& dans certaines circonstances& faisaient du banditisme le no"au d’une véritable révolte politique$

52 * ?l était impossible& surtout au >%? e sicle& d’imaginer un brigand qui n’ait pas pactisé avec le (iable et& jusqu’! une époque récente& le (iablea occupé la premire place dans le s"stme dogmatique des brigands$ , C’est l! l’opinion de 8$ /vé-allemant& dont les quatre volumes sur  =asdeutsche Gaunerthum -eip:ig& 175717BU sont une source inappréciable pour qui veut étudier le monde du crime ! l’époque préindustrielle$53 +our des détails& voir S$ T/8A& Distorische 'tudien :u 'chillers 'chanspiel * (ie Ta_ber ,& Neimar& 1959$54 8$ /%=-/--#6/PA& =as deutsche Gaunerthum& vol$ 1& -eip:ig& 175717BU& p$ UW1$ +our avoir confirmation des différences entre criminelset bandits par un expert médicolégal connaissant les deux catégories& voir #$ (# -?6/& A 'undo Estranho dos canga.eiros& op$ cit$& passim K S$'/PSP?#T& Le Brigandage dans le Pas1de1Calais& 2langermont& 19BU& p$ 14U et p$ 19B rééd$ -a (écouvrance& 2ouhet& U005$55 ($ Aurpin& 140514V9 K Cartouche& 1B9V14U1 K )ohannes +uec3ler 'chinderhannes 147V170V$ Tobert 6andrin 14UW1455& l’autre bandithéros de la 8rance du >%???e sicle& se prtait mieux ! l’idéalisation$ Mriginaire de la frontire francosuisse& c’était un contrebandier professionnel&occupation que personne& sauf les gouvernements& n’a jamais considérée comme criminelle K il avait par ailleurs engagé une campagne devengeance$

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(ans la pratique& le banditisme social ne peut donc tre nettement isolé des autres formes de banditisme$ Celan’affecte pas néanmoins l’anal"se fondamentale du bandit social en tant que t"pe particulier de la protestation et de larévolte pa"sannes$ C’est ! cette anal"se qu’est consacré l’essentiel de ce livre$

CD/+?AT# W$ -# 2T?S/P( /O ST/P( COT * Cette nuit1l-, la lune était voilée, et la lumi%re des étoiles emplissait le ciel+ ls avaient - peine parcouru cinq0ilom%tres quand ils aper.urent la file des chariots dont les banni%res portaient l’inscription > Grain des bons et loyau7bandits+ ,'hui Du Ruan$

* 'échant > homme qui tue des chrétiens sans raison profonde+ ,#xtrait d’un test d’association de mots auquel fut soumis 6usolino& le célbre bandit calabrais 5$

-e brigand au grand cLur& s"mbolisé par Tobin des 2ois& est le t"pe de bandit le plus célbre et le plusuniversellement populaire& celui qui revient le plus dans les ballades et les chansons& bien qu’en réalité il f]t loin d’trele plus répandu$ Cette disproportion entre la légende et les faits n’a rien de m"stérieux& pas plus que la divergence entreles chevaliers du 6o"en ^ge et le rve de la chevalerie$ Tobin des 2ois& c’est l’image ! laquelle devraient se conformer tous les bandits pa"sans& mais en réalité rares furent ceux qui eurent suffisamment d’idéalisme& de désintéressement oude conscience sociale pour pouvoir assumer ce rôle& et d’ailleurs il n’" en eut peuttre pas beaucoup qui purent se le permettre$ Cela dit& ceux qui " parvinrent F il " eut d’authentiques Tobin des 2ois F furent vénérés comme des héros etmme des saints$ +our l’opinion populaire& (iego Corrients 14541471& le brigand au grand cLur d’/ndalousie& étaitsemblable au Christ ; il fut trahi& livré ! 'éville un dimanche& jugé en mars un vendredi& alors qu’il n’avait tué

 personne5!$ )uro )anosi3 1B77141V était en réalité& comme la plupart des bandits sociaux& un brigand provincialopérant dans un coin perdu des Carpathes& et dont l’existence devait ! peine attirer l’attention des autorités de lacapitale$ 6ais il subsiste encore de nos jours des centaines de chansons qui célbrent ses exploits$ +ar ailleurs& l’opinion populaire a tellement besoin de héros et de champions que& s’il ne s’en présente pas d’authentiques& elle en fabrique&mme si les candidats n’ont pas les qualités requises$ (ans la réalité& la plupart des Tobin des 2ois légendaires n’étaient pas& il s’en faut de beaucoup& des brigands au grand cLur$

/utant donc commencer par l’* image , du brigand au grand cLur$ #lle définit ! la fois son rôle social et sesrapports avec les pa"sans$ 'on rôle& c’est celui du champion& du redresseur de torts& du justicier social$ uant ! sesrapports avec les pa"sans& ce sont des rapports de solidarité et d’identité compltes$ -’* image , qui reflte les deux peutse résumer en neuf points ;

1$ -e brigand au grand cLur n’est pas au départ un criminel$ ?l débute sa carrire de horslaloi parce qu’il estvictime d’une injustice ou parce qu’il est persécuté par les autorités pour un acte qu’elles estiment criminel& mais quetraditionnellement son entourage ne considre pas comme tel$

U$ ?l * redresse les torts ,$V$ ?l * prend aux riches pour donner aux pauvres ,$W$ ?l * ne tue qu’en cas de légitime défense ou pour exercer une juste vengeance ,$5$ '’il survit& il revient che: lui et devient un honorable cito"en et un membre respecté de la communauté$ @ vrai

dire& il ne la quitte jamais$B$ Cette communauté l’admire& l’aide et le soutient$4$ ?l meurt invariablement et uniquement parce qu’il est trahi$ #n effet& dans sa communauté& aucun membre qui se

respecte ne se tournerait contre lui pour aider les autorités$7$ ?l est F au moins théoriquement F invisible et invulnérable$9$ Ce n’est pas l’ennemi du roi ou de l’empereur& source de justice& mais seulement des oppresseurs locaux&

noblesse& clergé ou autres$uand l’opinion populaire n’a pas pris ses désirs pour des réalités& cette image est en gros confirmée par les faits$ -amajorité des bandits sociaux dont l’histoire nous est connue commencent leur carrire par une querelle de caractre noncriminel& par une affaire d’honneur& ou parce qu’ils sont victimes de ce qu’euxmmes et leurs voisins ressentent commeune injustice et qui n’est parfois rien d’autre que la conséquence automatique d’un différend entre& d’un côté& un pauvreet& de l’autre& un riche et un puissant$ /ngelo (uca * /ngiolillo , 14B0147W& bandit napolitain du >%???e sicle&devint horslaloi ! la suite d’une querelle avec un garde du duc de 6artina ! propos de bétail égaré K +ancho %illa& au6exique& parce qu’il s’était attaqué ! un propriétaire terrien pour venger l’honneur de sa sLur K -abarda& comme pratiquement tous les canga.eiros brésiliens& pour une affaire d’honneur familial K et le jeune Siuliano& jusqu’alorscontrebandier F activité considérée comme aussi honorable qu’une autre dans les montagnes F parce qu’il avait résisté !un douanier qu’il était trop pauvre pour acheter$ Mn pourrait multiplier les exemples$ (e fait il est essentiel pour unTobin des 2ois de commencer ainsi sa carrire& car s’il était un véritable criminel selon les critres de sa communauté&

comment celleci pourraitelle lui accorder un soutien sans réserve +areil début de carrire reflte le besoin profond de redresser au moins un tort ; celui qui est fait au bandit$ ?l estasse: normal que& dans la réalité& les bandits fassent souvent preuve de ce * farouche esprit de justice , que des

56 #$ 6MT'#--M et '$ (# '/PCA?'& Biografia di un bandito > Giuseppe 'usolino di fronte alla psichiatria ed alla sociologia& 6ilan& n$d$57  C$ 2$ (# O?TM'& El Bandolerismo en Espa^a y 'e7ico& 6exico& 1959& p$ 59$

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observateurs ont remarqué che: )osé 6aria * #l Aempranillo , modle du don )osé de Carmen& 170517VV& qui opéraitdans les collines d’/ndalousie$ (ans la légende& le redresseur de torts procde fréquemment ! de véritables transferts derichesse$ Mn dit ainsi que )esse )ames 17W4177U& aprs avoir prté 700 dollars ! une pauvre veuve pour lui permettrede régler sa dette ! un banquier& attaqua la banque et reprit l’argent K vu tout ce que nous savons des frres )ames&l’histoire est peu probable5"$ (ans les cas extrmes& par exemple dans  Les Brigands de 'chiller& le bandit au grand cLur offre sa vie pour que justice soit rendue ! un pauvre$ Ce cas peut réellement se produire ; Relim han& le Tobin des 2oisdu (aghestan au début du >>e sicle& se trouvant acculé dans une grotte de montagne& fit dire par un berger aucommandant ennemi mais peuttre s’agitil d’une légende contemporaine ;

* (ites au chef du district que je me rendrai quand il me montrera un télégramme signé du tsar& par lequel il

s’engage ! retirer les amendes infligées aux innocents et ! amnistier tous ceux qui sont détenus et exilés ! cause de moi$'inon& dites au prince aravlov qu’aujourd’hui mme& avant minuit& je m’échapperai de cette grotte& et que rien ni personne ne m’en empchera$ )usquel!& j’attendrai sa réponse$ ,

(ans la pratique& la justice sommaire se présente plus fréquemment sous forme de vengeance et de représailles$Aémoin cette lettre de Relim han ! un officier musulman& un certain (onuga"ev ;! Jote que si )e tue les représentants de l’autorité, c’est parce qu’ils ont illégalement e7ilé mes pauvres concitoyens en(ibérie+ " l’époque o# le colonel Popov était - la t*te du district de Grony, il y eut un soul%vement I les représentantsde l’autorité et l’armée )ug%rent nécessaire, pour s’imposer, de massacrer un certain nombre de pauvres malheureu7+<uand )’appris la nouvelle, )e réunis ma bande et dévalisai un train - adi1_urt+ L-, )e tuai des Nusses par vengeance59+ D

uelle que soit la réalité des faits& il est indubitable que le bandit est considéré& et se considre souvent luimme&comme un homme qui fait triompher la justice et la morale$

u’il prenne aux riches pour donner aux pauvres est en revanche un sujet de controverses& bien qu’il soit évidentqu’il ne peut pas& s’il veut conserver leur soutien& prendre aux pauvres de la région$ ?l ne fait aucun doute que les bandits* au grand cLur , ont la réputation de redistribuer la richesse$

* -e banditisme ! -amba"eque& écrit %ictor Rapata& colonel de la Suardia Civil& s’est toujours signalé par lanoblesse& la bravoure& la finesse et le désintéressement des brigands$ Ceuxci n’étaient ni sanguinaires ni cruels& et& la plupart du temps& ils distribuaient leur butin aux pauvres et aux affamés& montrant ainsi que la charité ne leur était pasétrangre et que leurs cLurs n’étaient pas endurcis$$ ,

-a distinction entre les bandits qui ont cette réputation et ceux qui ne l’ont pas est trs claire dans l’esprit de la population locale& " compris comme le suggre la citation précédente dans celui de la police ellemme$ ?l ne faitégalement aucun doute que les bandits donnent parfois aux pauvres& leur générosité pouvant s’adresser ! des individusou s’exercer un peu au hasard$ +ancho %illa distribua le produit de son premier grand coup de la fa<on suivante ; 5 000 pesos ! sa mre& W 000 ! des parents proches& et ;! `’achetai une échoppe de tailleur pour un homme qui s’appelait ;ntonio Netana, qui avait une grande familledépourvue de ressources, et dont la vue était tr%s mauvaise+ `’engageai un homme pour tenir l’échoppe et lui donnai lam*me somme d’argent+ Et ainsi de suite+ ;u bout de huit - di7 mois, tout ce qui me restait des 5[ [[[ pesos avait étéutilisé pour aider des gens qui se trouvaient dans le besoin61+ D

#n revanche& -uis +ardo& Tobin des 2ois du banditisme péruvien 174W1909& préférait& sembletil& distribuer del’argent par poignées aux foules réunies ! l’occasion des ftes& par exemple dans sa ville natale de Chiquian& ou& commeil le faisait ! -laclla& * des draps& du savon& des biscuits& des conserves& des bougies& etc$ , qu’il achetait dans les boutiques locales2$ ?l est certain que de nombreux bandits se sont fait une réputation de générosité simplement parcequ’ils pa"aient généreusement les services& la nourriture et la protection que leur fournissait la population locale$ Aelleest en tout cas la thse de 6$ #steban 6ontejo& un ancien Cubain fort peu romantique et trs peu enclin ! présenter defa<on sentimentale les bandits de sa jeunesse 3$ ?l admet cependant luimme que * quand ils avaient volé une somme

d’argent vraiment importante& ils allaient la distribuer ,$(ans les sociétés préindustrielles& la générosité et la charité sont des obligations morales pour un homme* vertueux , quand il est ! la fois puissant et riche$ Ces obligations sont parfois institutionnalisées& comme che: les(acoits en ?nde$ -es 2adha3s F la plus célbre des communautés de brigands du nord de l’?nde F prélevaient& sur W0 000 roupies de butin& W 500 qu’ils consacraient aux dieux et ! la charité$ -es vertus charitables des 6inas ont été beaucoup chantées4$ #n revanche& il n’existe pas de ballades sur les bandits plutôt impécunieux de +iura& ce qui& pour -ope: /lbujar& l’historien du banditisme au +érou& s’explique par le fait qu’ils étaient euxmmes trop pauvres pour distribuer leur butin aux autres$ #n d’autres termes& prendre aux riches et donner aux pauvres est une coutume bienétablie& ou plutôt une obligation morale idéale& que ce soit dans la verte fort de 'herEood ou dans le sudouest de

58 Mn raconte la mme histoire ! propos de 6ate Cosido& le grand bandit social du Chaco dans l’/rgentine des années 19V0$59  '+ P;VLAVC, ! Xelim han et le brigandage au Caucase D, Nevue du monde musulman, 232K, MM, p+ 299 et p+ 296+60 %$ R/+/A/ CM'A?& La delincuencia en el Per& -ima& s$d$& p$ 145$61 6$ -$ Su:man& The 'emoirs of Pancho Villa& /ustin& 19B5& p$ 7& trad$ de l’espagnol$62 /$ C/TT?--M T/6?T#R& Luis Pardo, El Gran Bandido& -ima& 1940& p$ 114117 et p$ 1U1$63 6$ 2/TP#A& Cimarron& -a Davane& 19B4& p$ 7477 publié en 8rance sous le titre Esclave - Cuba& Sallimard& +aris& 19B7$64 T$ %$ TO''#-& The Tribes and Castes of the Central Provinces of ndia& vol$ 1& -ondres& 191B& p$ B0 K Sénéral C$ D#T%#Q& (omes Necords of Crime& vol$ 1& -ondres& 179U& p$ VV1$

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l’/mérique o\& selon la légende& 2ill" le id * était bon avec les 6exicains$ ?l ressemblait ! Tobin des 2ois K il volaitles 2lancs et donnait aux 6exicains& qui le trouvaient par conséquent trs estimable5 ,$

/utre élément essentiel de son image ; le bandit au grand cLur use de la violence avec modération$ * ?l vole lesriches& aide les pauvres et ne tue personne ,& disaiton du bandit andalou (iego Corrientes$ Ch’ao ai& l’un des chefs de bandits de ce classique chinois qu’est le roman ;u bord de l’eau& demande ! la suite d’un raid ; * Q atil des morts ,&et& ravi d’apprendre que personne n’a été blessé& déclare ; * @ partir d’aujourd’hui& nous devons éviter de faire desvictimes$ , 6elni3ov& un ancien cosaque qui opérait prs d’Mrenburg& * ne tuait que rarement ,$ -es brigands catalansdu >%?e et >%??e sicle ne tuaient que pour défendre leur honneur& tout au moins selon les ballades$ 6me la légende de)esse )ames et de 2ill" le id veut qu’ils n’aient eu recours au meurtre que pour des raisons légitimes& en particulier 

 pour se défendre$ +areille modération dans l’emploi de la violence est d’autant plus étonnante que les bandits oprentsouvent dans un milieu o\ tous les hommes sont armés& o\ le meurtre est une chose normale& et o\ la rgle d’or& enmatire de prudence& est de commencer par tirer et de poser des questions plus tard$ (e toute fa<on& il est difficile desupposer que ceux qui les connaissaient aient pu croire sérieusement que les frres )ames ou 2ill" le id " regardaient !deux fois avant de supprimer un gneur$

?l est donc peu probable que& dans la réalité& le bandit ait jamais pu assumer cette obligation morale& et d’ailleurs iln’est pas du tout certain que les gens se soient attendus ! ce qu’il le fasse$ #n effet& si les impératifs moraux d’unesociété pa"sanne sont clairement définis& des hommes habitués ! la pauvreté et ! l’impuissance font aussi généralementune distinction trs nette entre les commandements qu’il convient de respecter quelles que soient les circonstances F par exemple ne pas parler ! la police F et ceux auxquels on peut ne pas obéir quand la nécessité s’en fait sentir et en casd’extrme dénuement!$ +ourtant& l! o\ le meurtre et la violence sont monnaie courante& les hommes sont extrmementsensibles ! des distinctions morales inconnues des sociétés plus pacifiques$ ?l " a d’un côté le meurtre juste et légitime&

de l’autre le meurtre inutile et gratuit K certains actes sont honorables& d’autres honteux$ Ces distinctions sont faites ! lafois par les victimes éventuelles de la violence armée& c’est!dire la pa"sannerie docile et pacifique& et par ceuxl!mmes qui usent de cette violence& car il arrive que leur code soit grossirement chevaleresque et qu’ils désapprouventle meurtre de gens sans défense ainsi que les attaques * délo"ales , contre des adversaires reconnus et déclarés commela police locale& avec laquelle le bandit peut avoir des liens de respect mutuel "$ -es rgles sont quelque peu différentes! l’égard des gens de l’extérieur$ -e bandit * au grand cLur , doit au moins s’efforcer de s’en tenir au meurtre* légitime ,& quelle que soit sa définition& et il est probable que c’est ainsi qu’agit le véritable bandit social$ Pous aurons plus tard l’occasion d’examiner le t"pe de bandit che: qui cette distinction ne joue pas$

Comme le bandit social n’est pas un criminel& il n’a aucune difficulté ! rejoindre sa communauté pour en devenir unmembre respecté lorsqu’il cesse d’tre horslaloi#$ -es documents sont unanimes sur ce point$ @ vrai dire& il arrivequ’il ne la quitte jamais$ ?l est susceptible& dans la plupart des cas& d’opérer sur le territoire de son village ou de safamille& qui l’entretient par sens du devoir familial et aussi pour des raisons de simple bon sens ; en effet& si on ne lenourrissait pas& ne seraitil pas dans l’obligation de se transformer en brigand ordinaire On historien vivant sous lamonarchie des Dabsbourg et un fonctionnaire de la Tépublique fran<aise l’affirment avec une égale conviction ! proposde la 2osnie et de la Corse ; * 6ieux vaut les nourrir que de les voir voler !$$ , (ans les régions reculées et inaccessibles&o\ les agents de l’autorité ne font que des raids occasionnels& il arrive que le bandit vive ! l’intérieur mme du village&sauf quand la police est signalée K c’est le cas dans les régions désertiques de Calabre ou de 'icile$ #t dans les fins fondsde l’arrirepa"s& o\ la loi et le gouvernement n’ont pratiquement laissé aucune trace& le bandit peut tre non seulementtoléré et protégé& mais mme& comme souvent dans les 2al3ans& un membre influent de la communauté$

+renons le cas d’un dénommé ota Christov& de Toulia& qui opérait au cLur de la 6acédoine ! la fin du >?>e sicle$C’était le chef de bande le plus redouté de la région& mais en mme temps le cito"en le plus éminent de son village dontil était le chef incontesté et o\ il exer<ait& entre autres& les fonctions de boutiquier et d’aubergiste$ /u nom du village& ilrésistait aux propriétaires terriens du coin généralement des /lbanais et défiait les fonctionnaires turcs qui venaient

réquisitionner de la nourriture pour les soldats et les gendarmes& avec qui il passait des journées entires et qui ne legnaient en rien dans ses activités$ Comme il était trs pieux& il allait toujours s’agenouiller& une fois ses exploitsaccomplis& devant l’autel du monastre b":antin de la 'ainteArinité& o\ il pleurait les chrétiens de toute obédience quiavaient été inutilement massacrés& ! l’exception& vraisemblablement& des /lbanais& quelle que f]t leur religion!1$ ?l va de

65 $ -$ 'A#C6#''#T& * Tobin Dood and the /merican MutlaE ,& )ournal of /merican 8ol3lore& n 49& avriljuin 19BB& p$ V50$66  ;u bord de l’eau& Sallimard& +aris& 1947& p$ VU7$67  )uan 6artine:/lier l’a montré de fa<on convaincante ! partir d’une série d’intervieEs de travailleurs agricoles en /ndalousie en 19BW19B5$ )$6/TA?P#R/-?#T& La Estabilidad del latifundismo& +aris& 19B7& chap$ 1B$68 6ehmed le 6ince& roman de Qashar emal& illustre bien cette forme de rapports$ -orsqu’il surprend le sergent du coin& qui passe la plus grande partie de son temps ! poursuivre les bandits& le héros lui crie de s’abriter$ ?nversement& c’est le sergent qui un jour accule 6ehmed& sa femme& sonnouveauné et une autre femme dans une grotte de montagne$ /fin de les sauver& 6ehmed offre sa reddition$ 6ais& au moment o\ le sergents’avance pour s’emparer de lui& une des femmes lui dit d’un ton méprisant ; * Au crois que tu l’as capturé lo"alement& mais en fait tu ne l’as eu que

 parce qu’il ne peut pas laisser l’enfant mourir$ , Cette victoire serait peu glorieuse& et le sergent& ne pouvant se résoudre ! arrter le célbre horslaloi& le laisse s’échapper$69 * -uis 2orrego& compagnon du célbre #l Aempranillo& réussit mme ! devenir maire de la commune de 2enamejé& qui& il faut le reconnaZtre&n’a jamais nourri de préjugés hostiles aux bandits ,& )$ C/TM 2/TM)/& Ensayo sobre la Literatura de Cordel & 6adrid& 19B9& p$ V45$70 /$ %$ 'CDN#?S#T-#TCD#P8#-(& Bosnien& %ienne& 1747& p$ 1UU K +$ 2MOT(#& En Corse& +aris& 1774& p$ U17U19$71 -es /lbanais& chose asse: curieuse& en firent un héros et lui consacrrent une chanson$ )e tiens tous ces renseignements de l’ouvrage de ($(/?P& The Gree0 (truggle in 'acedonia& 'alonique& 19BB$

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soi que ota n’était pas un simple brigand$ 'i l’on utilise des critres idéologiques modernes& on voit que sa ligne deconduite fut loin d’tre ferme F il combattit d’abord pour les Aurcs& puis pour l’Mrganisation révolutionnairemacédonienne interne& et plus tard pour les Srecs F& mais il défendit s"stématiquement les droits de * son , peuplecontre l’injustice et l’oppression$ #n outre& il semble avoir établi une distinction trs nette entre les attaques permises etles attaques interdites& soit par sens de la justice& soit pour des raisons de politique locale$ C’est ainsi qu’il exclut deuxdes membres de sa bande pour avoir tué un certain /bdin 2e"& bien qu’il e]t luimme supprimé un certain nombre det"rans locaux$ -a seule raison pour laquelle il est impossible de le considérer purement et simplement comme un banditsocial& c’est que& vu la situation politique de la 6acédoine turque& ce n’était pratiquement pas un horslaloi& tout aumoins la plupart du temps$ -! o\ l’emprise du gouvernement et des seigneurs était faible& Tobin des 2ois était

unanimement reconnu comme l’un des chefs de la communauté$Aout naturellement le champion du peuple doit tre& selon les critres locaux& non seulement honnte et respectable&mais en tout point admirable$ -’* image , de Tobin des 2ois insiste& comme nous l’avons vu& sur ces actionsmoralement positives qui consistent ! voler les riches et ! ne pas commettre trop de meurtres& mais elle met aussil’accent sur les attributs moraux qui sont ceux du cito"en bien considéré$ -es sociétés pa"sannes distinguent trsnettement entre les bandits sociaux qui méritent& ou sont censés mériter& cette approbation morale& et ceux qui& quelleque soit leur réputation& la crainte et mme l’admiration qu’ils inspirent& n’en sont pas dignes$ +lusieurs langues ontmme des mots différents pour désigner ces divers t"pes de brigands$ (e nombreuses ballades se terminent par l’imagedu célbre brigand confessant ses péchés sur son lit de mort& ou expiant ses forfaits& tel le chef haWdouc ?ndje& que laterre recracha trois fois et qui ne trouva le repos dans sa tombe que lorsqu’on " eut placé ! ses côtés un chien crevé !2$ Cen’est pas l! le sort du brigand au grand cLur& qui& lui& n’a pas commis de péchés$ /u contraire& les gens prient pour sonsalut K ainsi les femmes de 'an 'tefano dans l’/spromonte Calabre pour le grand 6usolino ;

! 'usolino est innocent  ls l’ont condamné in)ustement Ah 'adone, Ah saint `oseph

 Prene1le - )amais sous votre protectionRAh `ésus, oh ma 'adone

 Protége1le de tout  ;u)ourd’hui et pour tou)ours, ainsi soit1il 73+ D

#n effet& le bandit au grand cLur est bon+ +renons l’image de )esse )ames la réalité la dément quelque peu ; )esse&disaiton& n’avait jamais dévalisé un prtre& une veuve& un orphelin& ou un ancien soldat des =tats sudistes$ ui plus est&le bruit courait qu’il avait été un baptiste fervent et ! la tte d’une chorale religieuse$ -es petits fermiers du 6issouri pouvaient difficilement aller plus loin pour prouver sa moralité$

/prs sa mort& le bandit au grand cLur peut en effet accéder au statut moral ultime& celui d’intermédiaire entre leshommes et la divinité$ Mn trouve en /rgentine un grand nombre de cultes organisés autour des tombes de  gauchos ! la peau dure& le plus souvent des vétérans des guerres civiles du >?>e  sicle devenus brigands& dont les sépultures&réputées pour les miracles auxquels elles donnent lieu& portent souvent les couleurs de leur bande$

?l est évident qu’un homme de ce genre ne peut qu’tre soutenu par tous& que personne ne se tournerait contre lui pour aider les représentants de la loi& qu’il est pratiquement impossible ! des soldats et des gendarmes maladroits de luimettre la main dessus dans le pa"s qu’il connaZt si bien& et que seule la trahison peut entraZner sa capture$ Comme le ditla ballade espagnole ;! ls offrent pour sa t*te

 =eu7 mille escudos d’argent+ Beaucoup aimeraient les gagner  'ais personne n’a la moindre chance

(auf un de ses camarades74

+ D-a réalité et la théorie concordent ; c’est la trahison qui cause la perte des bandits& mme si la police& comme dans lecas de Siuliano& revendique le mérite de leur capture$ ?l " a mme un proverbe corse qui dit ! ce sujet ; * Aué aprs samort& comme un bandit par la police$ , (e l’époque de Tobin des 2ois au >> e sicle& les ballades et les contes sont pleins de traZtres exécrés ; Tobert 8ord& qui trahit )esse )ames& +at Sarrett& le )udas de 2ill" le id& ou )im 6urph"& quidénon<a 'am 2ass ;! `im va dr/lement griller en enfer <uand Gabriel sonnera de la trompette+ D

-es documents historiques fournissent les mmes explications ; Mle3sa (ovbus& le bandit des Carpathes >???e

sicle& ne fut pas trahi par sa maZtresse #r:i3a& comme le veulent les chansons& mais tué par le pa"san 'tepan (:vin3a&qu’il avait aidé et qui lui tira dans le dos$ #t 'alvatore Siuliano fut lui aussi trahi& ainsi qu’/ngiolillo et (iegoCorrientes$ +ouvaientils mourir autrement

 P’étaientils pas invisibles et invulnérables -es * bandits du peuple , sont toujours censés l’tre& ! la différenced’autres desperados& et cette cro"ance reflte ! quel point ils s’identifient ! la pa"sannerie$ ?ls courent la campagne sous

72 8$ /P?AR& La Bulgarie danubienne& +aris& 177U& p$ VWB$73  l Ponte, numéro spécial sur la Calabre, p+ 24[5+74 )$ 8uster& El Bandolerismo Catal-& vol$ ??& 2arcelone& 19BV& p$ V5$

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des déguisements qui les rendent méconnaissables& ou habillés comme tout un chacun K les représentants de l’autorité neles reconnaissent que lorsqu’ils révlent leur identité$ +ersonne n’a envie de les dénoncer& et ils ne se distinguent pas ducommun des mortels ; autant dire qu’ils sont invisibles$ -es anecdotes ne font que donner ! ces rapports une expressions"mbolique$ uant ! leur invulnérabilité& c’est& sembletil& un phénomne un peu plus complexe$ #lle reflteégalement& dans une certaine mesure& la sécurité dont jouissent les bandits au milieu de leur peuple et sur leur propresol$ #lle est aussi l’expression d’un désir ; que le champion du peuple ne soit pas vaincu& et c’est ce mme désir quiengendre le m"the éternel du bon roi F et du bon bandit F qui n’est pas vraiment mort et qui va revenir un jour pour restaurer la justice$ -e refus de croire ! la mort d’un brigand le désigne de fa<on certaine comme * brigand au grandcLur ,$ /insi le sergent Tomano n’a pas vraiment été tué& on peut encore le voir courant la campagne& secret et

solitaire K +ernales l’un des bandits andalous ! propos desquels on raconte ces histoires s’est * en réalité , enfui au6exique& et )esse )ames& en Californie$ Car la défaite et la mort du bandit& c’est la défaite de son peuple K et& qui pis est&la mort de l’espoir$ -es hommes peuvent& et en général doivent& vivre sans justice& ils ne peuvent pas vivre sans espoir$

Cependant& l’invulnérabilité du bandit n’est pas que s"mbolique$ #lle est due& de fa<on quasi invariable& ! la magie&qui reflte l’intért bienveillant que les puissances divines prtent ! son sort$ -es brigands de l’?talie du 'ud portaientdes amulettes bénies par le pape ou le roi et se considéraient comme protégés par la %ierge K ceux du sud du +érou enappelaient ! Potre(ame de -uren& ceux du Pordeste brésilien aux saints hommes de la région$ (ans certaines sociétés&o\ le brigandage est fortement institutionnalisé& par exemple dans l’/sie du 'ud et du 'ud#st& l’élément magique estencore plus développé et sa signification est peuttre plus claire$ C’est ainsi qu’! )ava la bande de rampo0 traditionnelle est essentiellement un * groupe de nature m"sticomagique ,& dont les membres sont unis& entre autreschoses& par l’ilm  elmu& charme magique qui peut tre un mot& une amulette ou un adage& mais parfois toutsimplement une conviction personnelle$ -’ilm s’acquiert grJce ! des exercices spirituels& comme la méditation& il peut

tre offert en cadeau ou s’acheter K enfin il peut tre donné ! un homme ds sa naissance et préside ! sa vocation$ C’estlui qui rend les brigands invisibles et invulnérables& paral"se ou endort leurs victimes& et leur permet de fixer& grJce au pouvoir de divination qu’il leur donne& l’endroit& le jour et l’heure de leurs exploits& mais leur interdit de modifier leur  plan une fois celuici établi par l’intervention divine$ Ce qu’il " a d’intéressant dans cette magie des banditsindonésiens& c’est que& dans certaines circonstances& elle peut se généraliser$ -ors des grands soulvementsmillénaristes& les masses pleines d’espoir se croient& elles aussi& rendues magiquement invulnérables$ -a magie peutdonc exprimer la légitimité spirituelle de l’action du bandit& la fonction du chef dans la bande et la puissance irrésistiblede la cause$ 6ais il est également possible de la considérer comme une espce de double police d’assurance& quirenforce l’habileté des hommes!5& mais explique aussi leur échec$ Car si les présages ont été mal interprétés& ou si l’uneou l’autre des conditions nécessaires ! la magie n’a pas été remplie& la défaite du héros invulnérable ne signifie pas ladéfaite de l’idéal qu’il représente$ #t& hélas& les pauvres et les faibles savent bien que leurs champions et leursdéfenseurs ne sont pas vraiment invulnérables& qu’il en viendra peuttre d’autres& mais qu’eux aussi seront vaincus ettués$

#nfin& comme le bandit au grand cLur est un juste& il ne saurait entrer vraiment en conflit avec les sources de la justice& qu’elle soit divine ou humaine$ -’histoire des conflits et des réconciliations entre bandit et roi présente de trsnombreuses versions$ -e c"cle de Tobin des 2ois en contient plusieurs ! lui seul$ +oussé par de mauvais conseillerscomme le shérif de Pottingham& le roi poursuit le horslaloi au grand cLur et lui livre bataille& mais sans pouvoir levaincre$ ?ls ont une entrevue et le roi& qui évidemment reconnaZt les vertus du horslaloi& l’autorise ! poursuivre ses bonnes Luvres& ou le prend mme ! son service!$ -e sens s"mbolique de ces anecdotes est trs clair$ Ce qui est moinsévident& c’est que& quand elles ne sont pas véridiques& elles puissent reposer sur des expériences qui les rendent plausibles aux gens vivant dans un environnement riche en banditisme$ Certes l’=tat& quand il est éloigné& inefficace etfaible& sera tenté de traiter avec la toutepuissance locale qu’il est incapable de vaincre$ 'i les brigands ont suffisammentde succs& il faut se les concilier comme n’importe quelle force armée$ uiconque vit ! une époque o\ le banditisme

échappe ! tout contrôle sait pertinemment que les représentants locaux de l’autorité doivent adopter un modus vivendiavec les chefs de brigands K n’importe quel cito"en de PeE Qor3 sait que la police et la pgre en ont un$ ue le roiaccorde son pardon et confre des postes officiels ! des bandits célbres n’a rien d’incro"able K il " a d’ailleurs des précédents& par exemple #l Aempranillo (on )osé en /ndalousie$ #t il est tout aussi plausible que les Tobin des 2ois&dont l’idéologie est trs exactement la mme que celle de la pa"sannerie qui les entoure& se considrent comme * justeset lo"aux ,$ -a seule difficulté& c’est que& plus un bandit se rapproche de l’idéal populaire du * bandit au grand cLur ,&autrement dit plus il acquiert de conscience sociale pour se faire le champion des droits des pauvres& moins les autoritéssont susceptibles de l’accueillir ! bras ouverts$ #lles ont au contraire beaucoup plus tendance ! le traiter comme unrévolutionnaire social et ! le traquer sans pitié$

75 -es chefs de bande indonésiens n’ont un fort pouvoir magique que s’ils prouvent par leurs succs leur aptitude au commandement K les dacoits/heri"a d’Ottar +radesh prenaient les augures avant les opérations& mais les jemadars chefs les plus braves pouvaient s’en dispenser$ %oir ($ D$

6#?)#T& * Aver het bendeUesen op `ava D,  ?ndonésie ???& 19W91950& p$ 17V K N$ CTMM#& The Tribes and Castes of the Jorth &est Provincesand Audhe& op$ cit$& p$ W4$ One chanson sur -ampiao est& comme c’est souvent le cas& trs éclairante ! ce sujet$ -e grand bandit est auprs demaZtre 6acumba& feiticeiro qui pratique la magie africaine& laquelle& comme chacun sait& est la plus puissante K or le sorcier& qui doit le rendreinvulnérable aux balles et aux couteaux& lui recommande& en cas de besoin& d’en appeler ! * 'aintes)ambes& 'ainte%igilance& 'aint8usil& 'ainte6éfiance& 'ainte/ttention& etc$ ,& P$ 6/C#(M& Capit\o Virgulino Yerreira da (ilva > Lampiao& Ue éd$& Tio& 19B7& p$ 9B$76 (es historiens ont mme essa"é d’authentifier l’existence de Tobin Dood Tobin des 2ois en recherchant dans les comptes ro"aux la trace desommes versées ! un certain T$ Dood$

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Cela prend tout au plus deux ou trois ans& soit la durée mo"enne de la carrire d’un Tobin des 2ois& ! moins qu’iln’opre dans une région trs retirée ou ne bénéficie d’appuis politiques considérables!! les deux pouvant se conjuguer$#n effet& si les autorités font intervenir les troupes en nombre suffisant le résultat n’est pas tant d’effra"er le bandit quede rendre invivable l’existence des pa"sans qui le soutiennent et& si la récompense promise pour sa capture estsuffisamment élevée& ses jours sont comptés$ (ans de pareilles conditions& seule une guérilla moderne et bien organiséeest capable de résister$ 6ais les Tobin des 2ois sont trs loin des guérilleros modernes& d’une part parce qu’ils oprent !la tte de petites bandes& frappées d’impuissance ds qu’elles quittent leur terrain d’origine& d’autre part parce que leur organisation et leur idéologie ont des formes par trop archa.ques$

Ce ne sont pas ! vrai dire des révolutionnaires& ni sur le plan social ni dans d’autres domaines& mme si

l’authentique Tobin des 2ois s"mpathise avec les aspirations révolutionnaires de * son , peuple et& quand il en a la possibilité& participe ! ses révoltes$ Cet aspect du banditisme sera examiné dans un autre chapitre$ -’objectif d’un Tobindes 2ois est relativement modeste$ Ce n’est pas contre la pauvreté et l’oppression des pa"sans qu’il proteste$ Ce qu’ilcherche ! instaurer ou ! restaurer& c’est la justice& ou les * mLurs d’antan ,& c’est!dire une certaine forme d’honntetédans une société oppressive$ ?l redresse les torts$ ?l ne cherche pas ! promouvoir une société fondée sur la liberté etl’égalité$ -es triomphes que rapportent les histoires dont il est le héros sont modestes ; il a sauvé la ferme d’une veuve&il a tué un t"ran local& libéré un prisonnier& vengé une mort injuste$ #n mettant les choses au mieux F mais ceci est asse:rare F il arrive que& comme %ardarelli en /pulie& il ordonne aux intendants de domaines de donner du pain ! leursouvriers agricoles et d’autoriser les pauvres ! glaner& ou qu’il fasse des distributions gratuites de sel& ce qui revient !supprimer l’impôt$ Cette fonction est importante et explique pourquoi des contrebandiers professionnels comme6andrin& héros du m"the du bandit en 8rance au >%??? e sicle& ont pu accéder sans difficulté ! la gloire qui entoureTobin des 2ois$

-e Tobin des 2ois ordinaire peut difficilement en faire plus& mme si& comme nous le verrons& il existe des sociétéso\ le banditisme ne se présente pas simplement sous la forme d’un héros occasionnel qui s’entoure des six ! vingthommes qui constituent la bande traditionnelle& mais comme une institution établie& et ce de fa<on permanente$ (ans cegenre de société& le potentiel révolutionnaire des brigands est considérablement supérieur voir chapitre 5$ -e * banditau grand cLur , traditionnel représente une forme de protestation sociale extrmement primitive& peuttre la plus primitive qui soit$ Ce n’est qu’un individu qui refuse de courber l’échine& voil! tout$ -a plupart des hommes de cettetrempe& placés dans des situations non révolutionnaires& sont tentés un jour ou l’autre de choisir une solution de facilitéet de devenir des brigands ordinaires& s’attaquant aux pauvres comme aux riches sauf peuttre dans leur village natal&de se joindre ! la garde d’un seigneur& ou de gagner les rangs d’une bande armée qui finit par traiter avec les structuresdu pouvoir officiel$ C’est pourquoi les rares individus qui ne choisissent pas ce genre de solution& ou qui& croiton& sontrestés purs& suscitent autant d’espoir et font l’objet d’une admiration aussi forte& passionnée& et écrasante$ ?ls ne sont pasen mesure d’abolir l’oppression$ 6ais ils arrivent ! prouver que la justice est possible et qu’il n’est pas nécessaire pour les pauvres d’tre humbles& impuissants& et résignés!"$

C’est pourquoi Tobin des 2ois est immortel& et c’est pourquoi on l’invente mme quand il n’existe pas vraiment$-es pauvres ont besoin de lui& car il représente la justice& sans laquelle& comme le remarquait saint /ugustin& lesro"aumes ne sont que vol ! grande échelle$ ?l est donc nécessaire aux pauvres& et surtout peuttre quand ils n’ont aucunespoir de supprimer l’oppression& mais se contentent de chercher ! l’alléger K car& mme lorsqu’ils acceptent ! demi laloi qui condamne le brigand& celuici représente la justice divine et une forme de société d’un ordre supérieur et encoreimpuissante ! naZtre ;! `’ai obéi au7 $crituresCertes )’ai vécu corrompu

 'ais quand )’ai vu mon prochain nu `e l’ai et nourri et v*tu

Tant/t manteau d’hiver tr%s dou7Tant/t de l’automne un gris1rou7 `’ai v*tu ceu7 qui allaient nus Jourri ceu7 qui ne mangeaient plus `’ai pris au7 riches leurs écus Et les ai chassés de che nous79+ D

%HAP&TRE 5. LES VEN'E(RS

* =ieu lui1m*me se repent presque =’avoir créé la race humaineCar tout est in)ustice

 =ouleur et vanité

77  )anosi3 résista deux ans& (iego Corrientes trois& 6usolino deux& la plupart des brigands de l’?talie du 'ud dans les années 17B0 deux ans aumaximum K Siuliano 19UU1950 tint sept ans& jusqu’au moment o\ il perdit la protection de la 6affia$78 (étail révélateur& certains chefs de bande légendaires sont souvent présentés comme des individus faibles ou déficients& et sont rarement censéstre les plus forts de leur bande$ * Car le 'eigneur voulait nous prouver par son exemple que tous ceux d’entre nous qui sont pusillanimes& humbleset pauvres& peuvent accomplir des actions d’éclat si c’est la volonté de (ieu ,& ?$ M-2T/CDA& (er Ta_ber Picolas Chouhaj$79 C$S$ Darper& alf1ours Uith the ighUaymen& vol$ U& -ondres& 1907& p$ UV5$

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 Et quelle que soit sa piété L’homme ne voit que cruauté =ans la 'a)esté (upr*me"$$ ,* 'essieurs, si )’avais su lire et écrire, )’aurais détruit la race humaine+ ,6ichele Caruso& berger et bandit& capturé ! 2enevento en 17BV$

-a modération dans le meurtre et la violence est l’apanage des bandits sociaux& ou tout au moins de leur image$ 'ion les considre en tant que groupe& il est bien s]r inutile de s’attendre F et en cela ils ne diffrent gure du cito"enmo"en F ! ce qu’ils se conforment de fa<on parfaite aux critres moraux qu’ils acceptent et que le public leur prte$ ?l

est néanmoins surprenant& ! premire vue& de rencontrer des bandits qui pratiquent la terreur et la cruauté dans des proportions telles que leur comportement n’a rien d’accidentel ; ! vrai dire& la terreur fait partie intégrante de leur image$Ce sont des héros& non pas en dépit& mais dans une certaine mesure ! cause de la crainte et de l’horreur qu’ils inspirent$Ce ne sont pas tant des redresseurs de torts que des vengeurs& des hommes doués de puissance et qui en usent$ -eur  pouvoir de séduction n’est pas celui du justicier K s’ils fascinent& c’est parce qu’ils font la preuve que mme les pauvreset les faibles peuvent tre redoutables$

8autil considérer ces monstres publics comme une souscatégorie particulire ! l’intérieur du banditisme social C’est difficile ! dire$ -e monde moral auquel ils appartiennent celui qu’expriment les chansons& les pomes& et lesouvrages populaires qui leur sont consacrés comporte les valeurs du * brigand au grand cLur , tout autant que cellesdu monstre$ On pote de village disait du grand -ampiao ;! l tuait pour le plaisir 

 Par pure perversité

 Et par amour et charité l nourrissait les affamés+ D

+armi les canga.eiros du Pordeste brésilien& certains& comme le grand /ntonio 'ilvino 174519WW& chef de banditsde 179B ! 191W& sont surtout célbres pour leurs bonnes actions& d’autres& comme Tio +reto& pour leur cruauté$Cependant& de fa<on générale& l’* image , du canga.eiro combine les deux éléments$ Mn peut le voir par exemple !travers les récits d’un des bardes campagnards qui ont chanté le plus célbre des canga.eiros& %irgulino 8erreira (a'ilva 179719V7& connu partout sous le nom de * Capitaine , ou de * -ampiao ,$

?l naquit& selon la légende et c’est l’image& plutôt que la réalité& qui nous intéresse pour l’instant& de parentsrespectables qui faisaient de la culture et de l’élevage au pied des montagnes sur les terres sches de l’=tat de+ernambuco& * ! une époque o\ l’arrirepa"s était plutôt prospre , K c’était un intellectuel& donc& selon la légende& ungar<on pas particulirement solide$ ?l faut bien que les faibles puissent s’identifier au grand bandit$ Comme l’écrit le pote Rabele! L- o# vit Lampiao

 Les vers de terre deviennent braves Le singe livre bataille au )aguar  Le mouton ne se laisse pas faire+ D

'on oncle& 6anLl -opes& voulait qu’il devienne médecin& ce qui faisait sourire les gens& car ;! An n’a )amais vu de docteur 

 =ans cet immense sertaoAn n’y trouve que des vachers

 =es bandes de canga.eirosAu des chanteurs de ballades+ D

(e toute fa<on& le jeune %irgulino ne voulait pas devenir médecin& mais vaqueiro& bien qu’en trois mois d’école il

e]t appris l’alphabet ainsi que l’* algorithme romain ,& et f]t expert en poésie$ ?l avait dixsept ans quand les 8erreira&accusés ! tort de vol& furent chassés de leur ferme par les Pogueira$ /insi débuta la vendetta qui devait faire de lui unhorslaloi$ * %irgulino& lui diton& fais confiance ! la justice divine$ , ?l répondit ; * -’=vangile commande d’honorer  pre et mre& et si je ne défendais pas notre nom& je ne serais plus un homme$ , (onc ;! l acheta un fusil et un poignard 

 =ans la ville de (ao Yrancisco+ D#t& avec ses frres et vingtsept autres combattants connus du pote et de leurs voisins sous des surnoms

traditionnellement donnés ! ceux qui embrassaient la carrire de bandit& il forma une bande pour attaquer les Pogueiradans la 'ierra %ermelha$ -e passage de la vendetta ! l’état de horslaloi était logique& et mme nécessaire vu lasupériorité des Pogueira$ -ampiao se mit ! courir la campagne et devint un bandit encore plus célbre qu’/ntonio'ilvino& dont la capture en 191W avait laissé un vide dans les rangs des héros de l’intérieur$! l n’épargnait 

 Ji soldat ni civil  l chérissait son poignard (on fusil faisait tou)ours mouche+

 =es riches il faisait des mendiants

80 /$ A$ (M' '/PAM'& * Limpi\o, roi des bandits ,& M +oeta garimpeiro& 'ko +aulo& 1959$

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?l existe cependant un autre genre de situation& o\ la violence& mme dans les sociétés qui " sont habituées& dépasseles limites traditionnellement acceptées$ C’est le cas quand des mutations sociales trs rapides détruisent lesmécanismes de contrôle traditionnels& qui tenaient l’anarchie ! distance$ -es vendettas * qui dégénrent , sont bienconnues de ceux qui étudient les sociétés o\ la vengeance appelle le sang$ Ce phénomne social possde d’ailleursgénéralement son propre frein& qui fonctionne de manire automatique$ uand deux familles rivales se retrouvent !égalité& ! la suite soit d’un autre meurtre& soit d’une indemnisation quelconque& elles négocient un accord& scellé par unmariage ou par toute autre coutume unanimement acceptée& et qui& garanti par une tierce partie& empche la tuerie de se poursuivre indéfiniment$ 6ais si& pour une raison ou une autre par exemple F c’est le cas le plus évident F quand unnouvel =tat procde ! des interventions qui heurtent les usages locaux& ou donne son appui ! celle des familles rivales

qui possde le plus d’influence politique le frein cesse de fonctionner et les vendettas se transforment en massacresrépétés qui ne prennent fin qu’avec la disparition de l’une des familles ou& aprs des années de combat& avec le retour augenre d’accord qui aurait d] tre négocié ds le début$ -a destruction des mécanismes qui assurent traditionnellement lerglement des vendettas entraZne& entre autres choses& nous l’avons vu ! propos de -ampiao& une recrudescence du banditisme et le fait est que la vendetta représente presque invariablement le point de départ de la carrire d’uncanga.eiro brésilien$

 Pous disposons d’excellents exemples de l’effondrement de ces mécanismes de contrôle$ (ans cette admirableautobiographie qu’est Terre sans )ustice& 6ilovan (jilas décrit la chute& aprs la +remire Suerre mondiale& du s"stmede valeurs auquel obéissaient les habitants de son 6ontenegro natal$ -’histoire qu’il raconte est curieuse$ -es6onténégrins& orthodoxes& avaient toujours eu l’habitude& ! côté de leurs luttes intestines& d’organiser des raids pillardsche: leurs voisins& les catholiques d’/lbanie et les musulmans de 2osnie& qui agissaient de mme ! leur égard$ )usteaprs 19U0& et selon une tradition immémoriale& une opération fut déclenchée contre des villages de 2osnie$ C’est l! que

ses membres se rendirent compte avec horreur qu’ils se livraient ! des pratiques que les pillards s’étaient interdites jusqu’alors et qu’ils savaient condamnables& ! savoir la torture& le viol et le meurtre d’enfants$ Ar ils ne pouvaient pas s’en emp*cher+ /uparavant les rgles de conduite étaient clairement reconnues$ -a coutume fixait les droits et lesdevoirs& ainsi que les limites& les dates et les objectifs de toute action& ce qui rendait ces rgles contraignantes$ 6ais ellesétaient également respectées parce qu’elles faisaient partie d’un s"stme& et d’un s"stme dont les éléments n’étaient pastrop manifestement en conflit avec la réalité$ Mr une partie du s"stme venait de s’effondrer K ces hommes toujoursselon (jilas ne pouvaient plus se considérer comme des * héros , parce qu’ils ne s’étaient pas battus jusqu’! la mortcontre la conqute autrichienne$ -e reste du s"stme s’effondrait du mme coup ; il leur était possible de combattre&mais plus comme des * héros ,$ C’est seulement quand le s"stme des valeurs héro.ques fut rétabli sur des basesnouvelles et plus viables F asse: paradoxalement par l’adhésion massive des 6onténégrins au +arti communiste F que lasociété retrouva son * équilibre mental ,$ #n 19W1& ! l’occasion de l’appel au soulvement contre les /llemands& desmilliers d’hommes prirent un fusil et gagnrent les hauteurs du 6ontenegro pour " combattre& " tuer et " mourir avec un* honneur , retrouvé"5$

-e banditisme& nous l’avons vu& se développe et devient épidémique en cas de tensions et de bouleversementssociaux$ ?l " a également des époques qui favorisent les explosions de cruauté& qui ne sont d’ailleurs pas au cLur del’image du bandit& sauf dans la mesure o\ celuici est toujours le vengeur des pauvres& mais qui deviennent alors plusfréquentes et plus s"stématiques$ #lles se produisent en particulier ! la suite d’insurrections et de rébellions pa"sannesqui n’ont pas réussi ! entraZner une révolution sociale& et dont les membres& rejetés dans les rangs des horslaloi et desvoleurs& découvrent la faim et l’amertume et finissent par en vouloir mme aux pauvres qui les ont laissés se battreseuls$ C’est encore plus vrai de la seconde génération des * enfants de la violence ,& ceux qui deviennent horslaloiauprs avoir vu br]ler leur maison& tuer leur pre& et violer leur mre et leurs sLurs$! <u’est1ce qui t’a le plus frappé

 ? Voir brFler les maisons+

 ? =e quoi as1tu le plus souffert  ? =e voir ma m%re et mes petits fr%res pleurer, mourant de faim, dans la montagne+ ? ;s1tu été blessé  ? Cinq fois, tou)ours par balles+ ? <uel est ton plus cher désir  ? <u’ils me laissent tranquille I moi, )e veu7 travailler et apprendre - lire+ 'ais eu7, tout ce qu’ils veulent, c’est metuer+ `e ne suis pas de ceu7 qu’ils laisseront vivre 86 + D

-’homme qui répond ainsi ! ces questions est le chef de bande colombien Aeofilo Tojas * Chispas ,& qui avait vingtdeux ans ! l’époque et était accusé d’environ quatre cents crimes ; trentesept victimes ! Tomerales& dixhuit ! /ltamira&dixhuit ! Chili& trente ! 'an )uan de la China et ! #l 'alado& vingtcinq ! Aoche et ! Suadal& quator:e ! -os Paranjos etainsi de suiteH

6gr Serman Su:man& un de ceux qui connaissent le mieux la violencia de sa Colombie natale& a décrit ces hommes

aux tendances meurtrires& ces enfants perdus de l’anarchie$ +our eux ;! Premi%rement, l’homme et la terre, qui, pour le paysan, sont liés de fa.on si essentielle, sont coupés l’un de l’autre+ ls ne cultivent pas la terre, ils ne se soucient nullement des arbresR Ce sont des hommes, ou plut/t des adolescents

85 -es 6onténégrins& qui représentaient 1&W de la population "ougoslave& fournirent ! l’armée des partisans 14 de ses officiers$86 M$ 8als 2orda et #$ OmaYa -una&  La Violencia en Colombia& op$ cit$& vol$ 1& p$ 17U$

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 sans espoir+ Leur vie est enveloppée d’incertitude I ils n’arrivent - s’e7primer que dans l’aventure, et ne se réalisent que dans des entreprises mortelles, vides de transcendance+ =eu7i%mement, la ferme pour eu7 n’est plus une ancre, unlieu qu’on aime, un havre de pai7, qui donne une impression de sécurité et de permanence+ ls seront, toute leur vie, desaventuriers itinérants, des vagabonds+ Le hors1la1loi devient de plus en plus instable, et ses liens de plus en plus l@ches+

 Pour ces hommes, s’arr*ter, et se mettre - aimer tel ou tel endroit équivaudrait - se rendre I ce serait leur fin+Troisi%mement, cette vie sans racines )ette ces )eunes ennemis de la société dans des environnements temporaires,

 précaires et dangereu7, tr%s différents de celui du foyer perdu+ Cette vie errante les pousse - rechercher des satisfactions émotionnelles de fa.on désordonnée et hors de tout cadre stable+ C’est l- la raison profonde de leur angoisse se7uelle et la fréquence pathologique des crimes aberrants qu’ils commettent+ Pour eu7, l’amour n’est le plus

 souvent que le viol ou un concubinage occasionnelR <uand ils pensent que les filles, pour une raison ou une autre, ont envie de les quitter, ils les tuent+ <uatri%mement, ils perdent le sens du sentier, cet élément essentiel de la vie paysanne+ Le montagnard tient au7 sentiers au long desquels les gens portent leurs innombrables fardeau7 I ils finissent par luiappartenir et c’est une sorte d’amour qui pousse les hommes - les utiliser constamment+ 'ais le bandit antisocial denotre époque abandonne les sentiers familiers, soit parce que les soldats le poursuivent, soit que les tactiques de

 guérilla l’am%nent - rechercher des lieu7 o# il puisse tendre des embuscades, et des chemins secrets qui le conduisent  sans qu’il soit vu - l’endroit o# il déclenchera une attaque1surprise87 + D

(ans de telles conditions& seules une idéologie solide et une discipline rigoureuse peuvent empcher les hommes dese transformer en loups& mais ces deux qualités ne se trouvent généralement pas che: les rebelles campagnards$

?l faut mentionner les aberrations pathologiques du banditisme$ Cela dit& les formes de violence et de cruauté les plus permanentes et les plus caractéristiques sont inséparables de la vengeance$ Celleci s’exerce contre ceux qui ontinfligé au bandit une humiliation personnelle& mais aussi contre les oppresseurs$ #n mai 14WW& le capitaine de bandits

Mle3sa (ovbus attaqua la demeure d’un seigneur nommé Constantin Rlotnic3"$ ?l plongea ses mains dans le feu et les "laissa br]ler& puis répandit sur sa peau des braises ardentes$ ?l refusa toute ran<on$ 'elon les moines cisterciens de-EoE& il déclara ; * )e ne suis pas venu pour une ran<on& je suis venu prendre ta vie$ ?l " a asse: longtemps que tutortures le peuple$ , ?l tua également la femme et le jeune fils de Rlotnic3"$ -a chronique des moines s’achve sur uneremarque concernant la cruauté de Rlotnic3"& responsable de nombreuses morts$ -! o\ des hommes deviennent des bandits& la cruauté engendre la cruauté et le sang appelle le sang""$ 

CD/+?AT# B$-#' * D/(MOC' ,* Jentcho est resté orphelin(ans p%re, sans m%re

 Et il n’a au monde personne Pour le conseiller, le diriger  ;fin qu’il cultive, qu’il e7ploite Les propriétés paternelles+ 'ais il s’est fait brigand, Porte1étendard des brigands+Trésorier de leur argent "#$ ,

(ans les montagnes et les vastes plaines du sudest de l’#urope& l’avance des seigneurs chrétiens et des conquérantsturcs rendit la vie des pa"sans de plus en plus pénible ! partir du >%e sicle& tout en leur laissant une grande marge deliberté éventuelle& ce qui n’était pas le cas dans certaines régions o\ la population était plus dense et l’administration plus ferme K d’o\ l’apparition& d’abord de fa<on presque spontanée& puis sous des formes organisées& de groupes etcommunautés d’hommes libres& armés et combatifs& qui avaient été chassés de leur terre ou avaient fui le servage$ Cesgroupes& qu’un historien a qualifiés de * couches militaires sorties de la pa"sannerie libre ,& devinrent caractéristiques

de cette large :one$ #n Tussie& on les appelait des cosaques& en Srce des clephtes et en O3raine des haidama0s$ 6aisen Dongrie et dans la péninsule des 2al3ans& au nord de la Srce& ils étaient généralement connus sous le nom dehaWdoucs  a)d&  a)dut &  a)dutin& mot d’origine turque ou mag"are& qui& comme d’habitude& fait l’objet d’ardentescontroverses philologiques$ C’est la forme collective de la dissidence pa"sanne qui& nous l’avons vu& a donné au niveauindividuel& le bandit classique$

Aout comme les hommes parmi lesquels se recrutaient les Tobin des 2ois et les vengeurs& les haWdoucs  ne serebellaient pas automatiquement et s"stématiquement contre toute forme d’autorité$ ?l arrive& par exemple dans certainesrégions de Dongrie& qu’ils s’attachent ! des seigneurs ! qui ils fournissent des combattants ! condition que leur statutd’hommes libres soit reconnu$ C’est ainsi qu’! la suite d’une évolution naturelle& le terme de haWdouc& qui décritl’homme libre et le brigand libérateur par excellence& a pu désigner aussi l’un des nombreux t"pes de valets de lanoblesse allemande$ 6ais& la plupart du temps& par exemple en Tussie et en Dongrie& ils acceptaient des terres del’empereur& du tsar ou d’un autre prince et s’engageaient& en contrepartie& ! demeurer des cavaliers armés et ! combattre

les Aurcs avec des chefs de leur propre choix& devenant ainsi une espce de chevalerie sortie du rang et chargée degarder la frontire$ 6ais& avant tout& ils étaient libres F en cela supérieurs aux serfs& qu’ils méprisaient& attirant pour la

87  ?bid$& vol$ U& p$ VU4VU7 .88 ?$ M-2T/CDA& Berge v+ ̀ ahrhunderte& 2erlin#st& 195U& p$ 7U7V$89 /$ (MRMP& Chansons populaires bulgares inédites& +aris& 1745$

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mme raison les éléments rebelles et fugitifs F et leur lo"auté était loin d’tre inconditionnelle$ -es grandes révoltes pa"sannes du >%??e et du >%???e sicle en Tussie commencrent toutes ! la frontire cosaque$

?l " avait enfin un troisime t"pe de haWdoucs& qui refusaient de s’attacher ! un noble ou un puissant& ne seraitce que parce que& dans les :ones o\ ils opéraient& la plupart des nobles et des puissants étaient des Aurcs infidles$ Pedépendant ni d’un roi ni d’un seigneur& ces haWdoucs étaient brigands de profession$ uant ! leur rôle social& il sedéfinissait par leur hostilité aux Aurcs et leur caractre de vengeurs du peuple ; ils représentent des mouvements deguérilla primitifs& mouvements de résistance et de libération$ ?ls apparaissent sous cette forme au >% e sicle& d’abord peuttre en 2osnie Der:égovine& mais par la suite partout dans les 2al3ans et en Dongrie& notamment aussi en 2ulgarie&o\ il est question d’un chef haidot  ds 1W5W$ Ce sont eux dont j’ai choisi le nom pour caractériser la forme la plus

achevée du banditisme primitif& qui n’a jamais été si prs de constituer le centre permanent et conscient de l’insurrection pa"sanne$ Ce t"pe de haWdouc existait non seulement dans le sudest de l’#urope& mais aussi& sous des noms différents&en d’autres parties du globe& par exemple en ?ndonésie& et notamment aussi dans la Chine impériale$ =videmment& ilétait surtout répandu che: les peuples opprimés par des conquérants parlant une autre langue et de religion différente&mais sans que ce soit toujours le cas$

Ce n’était pas généralement par idéologie ou par conscience de classe que des hommes devenaient des haWdoucs& etmme le genre d’ennuis qui transformait un individu en horslaloi n’était pas particulirement fréquent$ +ar exemple lechef de haidoucs bulgare& +ana"ot Ditov qui nous a laissé une si précieuse autobiographie gagna les montagnes ! l’Jgede vingtcinq ans& dans les années 1750& ! la suite d’un combat avec un fonctionnaire turc de la justice pour une obscurequestion de droit$ Cependant& si l’on en croit les innombrables chansons et ballades de haWdoucs& qui sont l’une de nos principales sources pour l’étude de ce t"pe de banditisme& on se faisait en général haWdouc pour des raisons strictementéconomiques$ -’hiver& dit l’une de ces chansons& avait été mauvais& l’été torride& les moutons étaient morts& et c’est ainsi

que 'toian devint un haWdouc ;! Tous ceu7 qui veulent devenir des haWdoucs libres<u’ils viennent ici me re)oindre+Vingt )eunes gens se rassembl%rent+

 " nous tous, nous ne possédions rien, Jous n’avions pas d’épées tranchantes Jous n’avions que des b@tons90+ D

?nversement& Aatuncho le haWdouc s’en retourna ! la ferme familiale& cédant aux injonctions de sa mre qui lui disaitqu’un voleur était incapable de nourrir sa famille$ 6ais le sultan chargea ses soldats de le capturer$ ?l les tua tous etrentra avec l’argent qui se trouvait dans leurs ceintures$ * %oil! l’argent& mre& qui viendra dire maintenant qu’un banditne peut pas nourrir sa mre , #t de fait& avec un peu de chance& le brigandage était une affaire plus rentable que laculture de la terre$

(ans ces circonstances& le vrai bandit social était rare$ +ana"ot Ditov& qui& avec complaisance& examine les uns aprsles autres les membres les plus réputés de la profession dont il était une des gloires& en cite un exemple ; un certain(oncho %atach& qui opérait dans les années 17W0& ne persécutait que les méchants Aurcs& aidait les 2ulgares pauvres etdistribuait de l’argent$ #n 2ulgarie& comme le remarquent avec leur s"mpathie habituelle pour l’héro.sme islamique lesauteurs anglais du livre ; Nésidence in Bulgaria  17B9& les * brigands au grand cLur , du t"pe classique étaient leschelibi& des Aurcs * bien nés , pour la plupart& et qui se distinguaient des brigands ordinaires ou 0hersis& considérés d’unLil favorable dans leurs villages& ainsi que des haWdoucs& qui eux& recourant fréquemment au meurtre et cruels de nature&ne disposaient d’autre soutien que celui de leur propre bande$ ?l " a peuttre l! une certaine exagération& mais il estcertain que les haWdoucs n’étaient pas des Tobin des 2ois et que tous ceux qui tombaient entre leurs mains devenaientleurs victimes$ -es ballades sont pleines de variations sur le thme suivant ;! Jous avons fait pleurer bien des m%res+

 Jous avons fait de nombreuses veuves+ Et encore plus d’orphelins,Car nous1m*mes n’avons pas d’enfants+ D

-a cruauté des haWdoucs  est un sujet bien connu$ ?ls étaient incontestablement coupés de la pa"sannerie de fa<on bien plus permanente que le bandit social classique K ils n’avaient non seulement pas de maZtre mais F tout au moins pendant leur carrire de bandit F pas de famille * aucun n’a de mre ni de sLur , et leurs rapports avec la pa"sannerieétaient moins ceux du poisson dans l’eau F pour reprendre la célbre formule de 6ao F que des rapports de soldats qui&la moitié du temps& sont absents de leur village$ 2eaucoup d’entre eux étaient de toute fa<on des bergers et desconducteurs de troupeaux& c’est!dire des seminomades& dont les liens avec les villages sont intermittents ou minces$-es clephtes grecs et peuttre aussi les haWdoucs slaves parlaient F c’est significatif F un argot particulier$

-a distinction entre brigand et héros& entre ce que le pa"san acceptait comme étant * bien , et ce qu’il condamnaitcomme étant * mauvais ,& était donc extrmement difficile ! établir& et les chansons consacrées aux haWdoucs mettent

autant l’accent sur leurs péchés que sur leurs vertus& tout comme en Chine le célbre  ;u bord de l’eau  insiste sur l’inhumanité des bandits dont la barbarie apparaZt dans les anecdotes relatées par certains des membres de cette grandeet hétéroclite compagnie de horslaloi héro.ques#1$ #n fait& la définition du héros haWdouc  est fondamentalement politique$ (ans les 2al3ans& c’était un bandit * national ,& c’est!dire& selon des rgles traditionnelles& quelqu’un qui

90 /$ 'traus:& Bulgarische Vol0sdichtlungen& %ienne[-eip:ig& 1795& p$ U95U94$

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s’opposait aux Aurcs pour défendre ou venger les chrétiens$ (ans la mesure o\ il combattait l’oppresseur& son imageétait positive& mme si la noirceur de ses péchés l’amenait en définitive ! se faire moine pour finir sa vie dans lerepentir& ou entraZnait comme chJtiment neuf ans de maladie$ @ la différence du * brigand au grand cLur ,& le haWdoucne dépend pas de l’approbation morale des individus& et& contrairement au * vengeur ,& la cruauté n’est pas sacaractéristique essentielle ; on la tolre en raison des services qu’il rend au peuple$

'i cette collection d’individus socialement en marge& qui choisissaient moins la liberté opposée ! l’esclavage que le brigandage pour échapper ! la pauvreté& constituait néanmoins un mouvement quasi politique& c’était en raison d’une puissante tradition& qui reconnaissait sa fonction sociale et sa nature collective$ ?ls gagnaient les montagnes pour desraisons qui& nous l’avons vu& étaient essentiellement économiques& mais le terme technique pour décrire le passage !

l’état de haWdouc était * se rebeller , et le haWdouc  était par définition un insurgé$ +ar ailleurs il rejoignait un groupesocial bien reconnu$ 'ans Tobin des 2ois& les jo"eux compagnons de la fort de 'herEood n’ont aucun sens& alors queles haWdoucs dans les 2al3ans& tout comme& en Chine& les * bandits , qui se trouvent sur la montagne de l’autre côté dulac& sont toujours présents pour recevoir les dissidents ou les horslaloi$ -eurs chefs peuvent changer& et certains d’entreeux sont plus connus ou plus glorieux que d’autres& mais& pas plus que leur existence& la réputation des haWdoucs nedépend de celle d’un seul homme$ ?ls forment ainsi un groupe de héros& groupe socialement reconnu et& de fait& ! maconnaissance& les protagonistes des c"cles de ballades haWdoucs ne sont pas les hommes qui sont devenus des chefscélbres dans la vie réelle& mais des anon"mes& ou plutôt des gens qui s’appellent tout simplement 'toian ou ?vantchocomme n’importe quel pa"san K ce ne sont mme pas nécessairement des chefs de bande$ -es ballades clephtiques deSrce sont ! la fois moins anon"mes et moins instructives sur le plan social K en effet& elles appartiennent ! la traditiondu panég"rique ou autopanég"rique des combattants professionnels$ -eurs héros sont& presque par définition& des personnages célbres et bien connus de tous$

Ces groupes permanents avaient une structure et une organisation rigoureuses$ -’organisation et la hiérarchie de lagrande république des brigands qui constitue le sujet de  ;u bord de l’eau  sont extrmement élaborées& et passimplement parce que& ! la différence de certaines régions incultes d’#urope& cette république réserve une place dechoix ! l’ancien fonctionnaire et ! l’intellectuel déplacé$ (e fait& l’un des thmes principaux est le remplacement& au poste de chef& d’un de ces intellectuels ratés qui représentaient manifestement une source de dissidence dans la Chinecéleste& par un homme a"ant passé tous ses examens avec succs ; en quelque sorte le triomphe de l’intelligence$ -es bandes de haWdoucs étaient dirigées par des voWvodes ou ducs élus& chargés de s’occuper de l’approvisionnement enarmes& et secondés par un portedrapeau ou baira0tar & qui portait la bannire rouge ou verte et servait également detrésorier et d’intendant$ Mn trouve une structure et une terminologie analogues che: les rasboini0i  russes et danscertaines communautés dacoWt  en ?nde& par exemple che: les 'ansia& dont les bandes de spahis  sepoys& spahis  soldatsétaient dirigées par un  )emadar   qui touchait une double part de butin& ainsi que 10 de la prise& destinés !l’approvisionnement en torches& lances et autres instruments nécessaires ! la profession#2$

-es haWdoucs représentaient donc ! tous égards une menace plus sérieuse& plus ambitieuse& et plus constante pour lesautorités officielles que les quelques Tobin des 2ois et autres brigands rebelles issus de toutes les sociétés pa"sannesordinaires$ #stce parce que certaines conditions géographiques ou politiques rendaient possible une forme de banditisme aussi permanente et aussi organisée& d’o\ automatiquement de plus grandes potentialités * politiques ,& ou parce que certaines situations politiques par exemple une occupation étrangre ou certains t"pes de conflits sociauxtendaient ! engendrer un banditisme particulirement * conscient , et l’amenaient donc ! se structurer de manire plusferme et plus durable -es deux explications sont sans doute vraies& pourraiton répondre& mme si la question resteouverte$ )e ne pense pas que le haWdouc aurait été en mesure de le dire& car il était rarement capable F ! supposer qu’il lef]t jamais F de sortir du cadre social et culturel qui l’entourait ainsi que sa communauté$

 Pous allons essa"er de faire un rapide portrait du haWdouc$ ?l se considérait sans doute avant tout comme un hommelibre& et& partant& comme l’égal d’un seigneur ou d’un roi K un homme en ce sens émancipé et devenu un tre supérieur$

-es clephtes du mont Ml"mpe qui capturrent le respectable Derr Tichter se vantaient d’tre les égaux des rois etrejetaient certains comportements comme étant * indignes d’un roi ,$ (e la mme fa<on& les 2adha3s du nord de l’?nde prétendaient que * notre profession a été un métier de roi , et F tout au moins en principe F obéissaient ! un codechevaleresque qui leur interdisait d’insulter les femmes et ne les autorisait ! tuer que dans le cadre d’un combat lo"al& bien que l’on puisse considérer comme certain que peu de haWdoucs pouvaient en réalité se permettre de combattre avecautant de noblesse$ -a liberté supposait l’égalité entre haWdoucs& et il existe ! ce sujet un certain nombre d’exemplesfrappants$ uand le roi d’Mudh essa"a de former un régiment de 2adha3s F tout comme les empereurs de Tussie etd’/utriche formrent des unités de haWdoucs et de cosaques F& les hommes se mutinrent parce que les officiers avaient

91 Péanmoins& aucun ha.douc n’a été& ! ma connaissance& accusé de se livrer ! des pratiques anthropophagiques& que le public semble réserver auxcriminels considérés comme totalement coupés de la société normale& et qui consistent généralement ! vendre ! des bouchers la viande desvo"ageurs abattus$92 -es daco.ts de l’?nde étaient généralement considérés par les 2ritanniques comme des * castes criminelles , ou des * tribus criminelles ,$ 6ais&derrire cette tendance bien connue qui consiste& en ?nde& ! donner ! chaque groupe social et professionnel une identité sociale distincte F  phénomne communément appelé * s"stme de castes , F& on peut souvent percevoir quelque chose qui n’est pas sans rappeler les ha.doucs$ -es2adha3s& qui formaient la plus célbre des * tribus , de bandits du nord de l’?nde& étaient au début des horslaloi d’origine musulmane et hindoue&* une espce de caverne d’Dadullam o\ étaient accueillis les vagabonds et les brebis galeuses de différentes tribus ,$ -es 'ansia& qui pourtant serecrutaient peuttre ! l’origine parmi les familles de bardes et de généalogistes& acceptaient d’autres membres sans restriction$ #t on pense que lesredoutables 6inas du centre de l’?nde étaient au début des pa"sans dépossédés de leurs terres et des gardiens de village qui avaient gagné leshauteurs pour devenir des brigands professionnels$

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?ls menaient ainsi une existence aventureuse et libre dans les forts& les grottes de montagne ou les grandes steppes$-eurs armes ; le * fusil de la taille d’un homme ,& la paire de pistolets passés ! la ceinture& le "atagan et la * tranchanteépée franque , K leur tunique& sur laquelle se croisaient les cartouchires& était ornée de dentelles et de dorures K ils portaient firement la moustache et avaient conscience de ce que& che: leurs ennemis comme che: leurs amis& la gloireétait leur récompense$ -a m"thologie de l’héro.sme et la ritualisation de la ballade en faisaient des personnages t"pes$ Pous ne savons que peu de chose ou rien sur Pova3 et ses fils Srujo et Tadivoj& sur 6ihat le %acher& Tado de 'o3ol&2ujadin& ?van %isnic et -u3a SoloEran& si ce n’est qu’ils étaient des haWdoucs célbres dans la 2osnie du >?>e sicle$#n effet& ceux et ils en faisaient partie qui chantaient leurs exploits n’avaient pas besoin de raconter ! leur public !quoi ressemblait la vie d’un pa"san ou d’un berger de 2osnie$ C’est seulement de temps en temps que le voile de

l’anon"mat héro.que est levé et que l’histoire peut éclaircir& tout au moins partiellement& une carrire de haWdouc+C’est le cas pour le voWvode  orco& fils d’un berger au service d’un be" turc dans la région de 'trumica6acédoine$ One épidémie anéantit le troupeau et le be" fit emprisonner le pre de orco$ Celuici gagna la montagned’o\ il mena<a le Aurc& mais en vain ; le pre mourut en prison$ @ la tte d’une bande de haWdoucs& orco s’empara d’un jeune * noble , turc& lui brisa bras et jambes& lui coupa la tte et la promena dans les villages chrétiens ! l’extrémitéd’une lance$ ?l fut haWdouc pendant dix ans& puis il acheta quelques mules& échangea le costume de haWdouc contre celuide marchand& et disparut F tout au moins du monde des récits héro.ques F pendant une autre di:aine d’années$ @ la finde cette période& il réapparut ! la tte de trois cents hommes n’examinons pas de trop prs les chiffres ronds del’épopée et se mit au service du redoutable +asvan Msman +asvanoglu& musulman de 2osnie qui devint pacha de%idin& qui& hostile ! la +orte ottomane& dirigeait les farouches formations de 0rdali contre les lo"aux serviteurs dusultan$ orco ne resta pas longtemps ! son service$ Teprenant son indépendance& il attaqua la ville de 'trumica& nonseulement parce que les haWdoucs& en tant que pa"sans& n’éprouvaient que haine et méfiance pour les villes& mais aussi

 parce que celleci abritait le be" responsable de la mort de son pre$ ?l prit 'trumica& tua le be" et massacra la population$ +uis il retourna ! %idin et l’histoire ou la légende perdent alors sa trace$ Mn ne sait rien de sa fin$ Commel’époque des raids 0rdali ont eu lieu autour des années 14901700& on peut en gros situer sa carrire dans le temps$ 'onhistoire est racontée par +ana"ot Ditov$

-’existence mme des haWdoucs était leur justification$ #lle prouvait que l’oppression n’était pas universelle et quela vengeance était possible$ C’est pourquoi les pa"sans et les bergers de leur région s’identifiaient ! eux$ ?l est inutile desupposer qu’ils passaient tout leur temps ! combattre les oppresseurs ou& chose encore plus improbable& ! essa"er de lesrenverser$ -a seule existence de bandes d’hommes libres& et de :ones montagneuses ou marécageuses qu’aucuneadministration ne pouvait atteindre& constituait en soi un succs$ -es montagnes grecques connues avec fierté sous lenom d’/grapha * sans écriture ,& parce qu’aucune liste de contribuables n’avait jamais pu " tre établie& étaientindépendantes& sinon légalement& tout au moins dans les faits$ Certes les haWdoucs lan<aient des raids$ (e par la naturede leur profession& ils étaient obligés de combattre des Aurcs ou quiconque représentait l’autorité parce qu’une destJches de l’autorité était de protéger les transports de marchandises et de fonds$ ?ls éprouvaient certainement unesatisfaction particulire ! tuer des Aurcs& vu que les Aurcs étaient des chiens d’infidles qui opprimaient les bonschrétiens& et peuttre aussi parce qu’il est plus héro.que pour un combattant d’affronter des adversaires dangereux& dontla bravoure rehausse la sienne$ 6ais rien n’indique que& livrés ! euxmmes& les haWdoucs des 2al3ans aient tenté delibérer leur pa"s du joug turc& ou aient été capables de le faire$

uand la situation était difficile pour le peuple et critique pour les autorités& le nombre des haWdoucs augmentaitainsi que celui des bandes& et leurs actions se multipliaient et se faisaient plus audacieuses$ @ de pareilles époques& legouvernement ordonnait de manire plus péremptoire l’écrasement du banditisme& les excuses des administrateurslocaux devenaient plus vibrantes et plus sincres& et la tension montait dans le peuple$ Car& ! la différence des épidémiesde banditisme ordinaire qui& comme on le voit rétrospectivement& ne sont les signes avantcoureurs d’une révolution que parce qu’elles l’ont en fait précédée& les haWdoucs n’étaient pas simplement des s"mptômes d’agitation& mais des no"aux

de libérateurs éventuels& reconnus comme tels par le peuple$ uand la situation était m]re& les bandits chinois desmontagnes du -iang 'han +’o o\& selon le célbre  ;u bord de l’eau& se trouvait leur * tanire , étendaient leur * :onelibérée , aux dimensions d’une région ou d’une province& devenant ainsi le no"au d’une force désireuse de renverser letrône du Ciel$ -es bandes de horslaloi pillards et de cosaques& qui se dépla<aient au long de la frontire turbulenteséparant d’une part l’=tat et la servitude& d’autre part les grands espaces et la liberté& se regroupaient pour inspirer etdiriger les insurrections pa"sannes& qui remontaient la %olga avec ! leur tte un prétendant cosaque ou un défenseur duvrai tsar$ -es pa"sans javanais écoutaient avec un intért accru l’histoire de en /ngro3& le brigand fondateur de lamaison princire de 6odjopait$ uand les augures sont favorables& quand se sont écoulés les cent jours nécessaires aum]rissement du ma.s& alors va peuttre commencer le millenium de la liberté& toujours latent& toujours attendu$ -e banditisme se fond dans la révolte ou la révolution pa"sannes K les haWdoucs& vtus de leurs tuniques étincelantes&redoutables dans leur costume et leurs armes& peuvent en devenir les soldats$

6ais& avant d’examiner le rôle du bandit dans la révolution pa"sanne& il faut étudier les facteurs économiques et

 politiques qui le maintiennent dans le cadre de la société existante$

CD/+?AT# 4$ /'+#CA' =CMPM6?O#' #A +M-?A?O#' (O 2/P(?A?'6#

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* Par une coWncidence asse curieuse, les diverses observations et recherches aboutissent toutes au m*me résultat > lesbandits n’ont ni travail ni propriété personnelle, mis - part celle que peut leur apporter leur vie aventureuse#"$ ,

-a bande de brigands se situe en dehors de l’ordre social qui enchaZne les pauvres ; ce n’est pas une communauté desujets& mais une fraternité d’hommes libres$ Cependant& elle ne peut se couper totalement de la société$ 'es besoins& sesactivités& son existence mme la mettent en contact avec le s"stme économique& social et politique$ Cet aspect&généralement négligé& du brigandage mérite d’tre examiné$

%o"ons tout d’abord l’aspect économique du banditisme$ ?l faut bien que les brigands mangent et s’approvisionnenten armes et en munitions K il faut aussi qu’ils dépensent l’argent qu’ils volent et puissent vendre leur butin$ ?l arrive F c’est le cas le plus simple F que leurs besoins soient trs peu différents de ceux des pa"sans ou des bergers locaux et

qu’ils se contentent de leur nourriture& de leur boisson et de leur habillement pour peu qu’ils puissent se les procurer enabondance et sans travailler comme tout le monde$ * +ersonne ne leur refuse jamais rien& déclare un propriétaire terriendu 2résil$ Ce serait stupide$ -es gens leur donnent de la nourriture& des vtements& des cigarettes et de l’alcool$ ?ls n’ontaucun besoin d’argent$ u’estce qu’ils en feraient ?ls achteraient la police& un point c’est tout##$ , Péanmoins& mmesi ce n’est pas le cas de la pa"sannerie qui les entoure& la plupart des bandits dont nous avons connaissance vivent !l’intérieur d’une économie monétaire$ M\ et comment se procureraientils leur * tunique ornée de cinq rangs de boutonsdorés ,& leurs fusils& leurs pistolets& leurs cartouchires et ces * sabres damascnes ! la poignée plaquée d’or , quifaisaient F et souvent ils n’exagéraient pas beaucoup1$$  F la fierté des haWdoucs de 'erbie et des clephtes grecs

ue fontils du bétail volé et des biens dérobés au marchand sur la route ?ls les vendent& puis ils achtent$ (e fait&comme ils ont en général beaucoup plus d’argent liquide que la plupart des pa"sans locaux& il arrive que leurs dépenses jouent un rôle important dans le secteur moderne de l’économie locale$ #lles sont en effet redistribuées par l’intermédiaire des boutiquiers& aubergistes et autres commer<ants locaux dans les couches mo"ennes du commerce

rural& d’autant plus que les bandits ! la différence de l’aristocratie terrienne dépensent presque tout leur argent sur  place et sont ! la fois trop fiers et trop insouciants pour marchander$ * @ -ampiao& le marchand fait pa"er trois fois le prix normal ,& disaiton en 19V0$

Cela veut dire que les bandits ont besoin d’intermédiaires& qui leur servent de lien non seulement avec le reste del’économie locale& mais aussi avec de plus grands réseaux commerciaux$ Aout comme +ancho %illa& ils doivent tre en bons termes avec au moins une hacienda& située de l’autre côté de la montagne& et qui leur achte ou s’arrange pour vendre le bétail sans poser de questions embarrassantes$ ?ls peuvent& comme les seminomades de Aunisie& mettre au point une politique d’arrangements qui consiste ! rendre le bétail volé mo"ennant une * récompense ,& et utiliser lesservices d’intermédiaires sédentaires& aubergistes ou autres& qui vont trouver la victime pour lui expliquer F le sens dumessage est clair pour tout le monde F que les btes égarées ont été * trouvées , par quelqu’un dont le plus cher désir est de les rendre ! leur propriétaire$ ?l arrive aussi& c’est le cas de nombreux groupes daco.ts en ?nde& que& pour financer de grandes expéditions& ils empruntent de l’argent ! des prteurs ou des négociants locaux& ou mme qu’ils attaquentune riche caravane& pour ainsi dire sur commande& pour des gens qui la leur signalent$ #n effet& les bandits spécialisésdans l’attaque des convois de passage F c’est!dire tous les bandits intelligents qui ont la chance de vivre ! proximitéde grandes routes commerciales et de grands axes de communication F ont besoin de renseignements sur ces convoisainsi que de certaines filires pour la vente du butin& qui n’est pas toujours de nature ! susciter la demande locale$

(e toute évidence& la pratique des enlvements& qui ont longtemps constitué F et qui demeurent F la source derevenu la plus lucrative pour les bandits& nécessite le recours ! des intermédiaires$ (ans la mesure o\ les ran<ons sontgénéralement pa"ées en liquide ou en nature& elles s’inscrivent dans le cadre plus large de l’économie monétaire$ #nChine& l’enlvement était si commun qu’on pouvait " voir * une sorte d’impôt non officiel sur la richesse auquel étaientsoumis les propriétaires locaux ,& socialement justifié aux "eux des pauvres& pour le moins aussi longtemps qu’il nes’appliquait qu’aux riches$ uant ! ces derniers& dans la mesure o\ tout riche chinois est voué ! tre enlevé tôt ou tard&ils avaient toujours une somme d’argent mise de côté pour servir de ran<on1$1$

98 )$ Osang -"& * nterprétation économique du développement du banditisme en Chine ,& )ournal of Tace (evelopment& 19141917& n 7& p$ V40$99 -$ 6MA/& Jo Tempo de Lampiiio& Tio& 19B7& p$ 555B$100 %oici& fait par la police& l’inventaire de l’équipement de -ampiao 2résil& 19V7 ;

 

Chapeau ; cuir& st"le campagnard& orné de six étoiles de'alomon$ -anire en cuir& WB cm& avec 50 petits objets en or d’origine diverse ; boutons de chemise& rectangles portant& gravés& les mots de'ouvenir& /mitié& 6al du pa"s& etc$ K bagues serties de pierres précieuses K alliance& le nom de 'antinha gravé ! l’intérieur$ 'ur le chapeau& devant&une bande de cuir de W cm sur UU& avec les ornements suivants ; deux médaillons d’or portant l’inscription * -e 'eigneur soit ton Suide , K deuxsouverains en or K une vieille pice d’or brésilienne ! l’effigie de l’empereur +edro ?? K deux autres encore plus vieilles et datant respectivement de144B et 170U$ @ l’arrire du chapeau& une bande de cuir de mme taille& décorée comme suit ; deux médaillons d’or& un petit diamant taillé defa<on classique& et quatre diamants fantaisie$  8usil ; 6auser de l’année brésilienne& modle 1907& n V1W série 2$ 2retelle ornée de 4 couronnesd’argent du 2résil impérial et de 5 disques de métal blanc$ 'écurité brisée& renforcée par un morceau d’aluminium$   Couteau ; acier& B4 cm$ Aroisanneaux d’or sur le manche$ -a lame porte des traces de balles$ 8ourreau de cuir nic3elé& troué par une balle$

 

Cartouchire ; cuir& décorée$+ouvant contenir 1U1 balles de 6auser$ 'ifflet attaché avec une chaZnette en argent$ Arouée par une balle sur le côté gauche$

 

6usettes ; deux&

abondamment brodées$ 2roderies de couleurs vives& exécutées avec beaucoup de go]t$ -’une ! une fermeture ! trois boutons& deux en or& un enargent$ 'ur l’autre& un seul bouton& en argent K sur les bretelles& 9 boutons en argent massif$

 

8oulard ; en soie rouge& brodé$ 

+istolet ; +arabellumn 94& modle 1917$ =tui vernis noir& usé$  'andales ; une paire& du t"pe le plus répandu dans le sertao& mais d’excellente qualité K remarquablefinition$  Aunique ; bleue& trois galons d’officier sur les manches$  Couvertures ; deux& en indienne& doublées de coton$?nventaire& fait en 19V7 par la police de 2ahia& des possessions du bandit -ampiao$ 6$?$ +#T#?T/ (# O#?TMR& As Canga.eiros& p$ 910$101 +$ 2?--?PS'-#Q& Bandits in Nepublican China& op$ cit$& p$ 1BV44& pour les procédures de remise de ran<on$ -es citations se trouvent p$ 1BVet font référence ! /$ #$ -?-?O'&  (ailed Uith Chinese Pirates& -ondres& 19V0& p$ 1V5$

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C’est donc une erreur que de considérer les bandits comme des enfants de la nature& occupés ! faire rôtir des cerfsdans les bois$ On chef de brigands prospre entretient avec le marché et l’univers économique qui l’entoure des rapportsaussi étroits qu’un petit propriétaire terrien ou un fermier aisé$ (e fait& dans les régions économiquement arriérées& sesactivités peuvent se rapprocher de celles des gens dont le métier consiste ! vo"ager& vendre et acheter$ ?l a pu arriver quedes marchands de bestiaux ou de cochons des 2al3ans soient en mme temps chefs de bandits& tout comme& ! l’époque préindustrielle& des capitaines de vaisseaux marchands étaient un petit peu pirates ou vice versa quand les bons officesdes gouvernements n’en faisaient pas des corsaires& c’est!dire des pirates officiels$ -’histoire de la libération des2al3ans comprend plus d’un héro.que marchand de bestiaux connu comme chef de bande& par exemple Seorges le Poir en 'erbie et olo3otrones en Srce K et dans l’histoire du banditisme dans les 2al3ans on trouve aussi& nous l’avons vu&

des haWdoucs qui& pour un temps& * revtent l’habit du marchand , et se lancent dans le négoce$ uand nous vo"ons des bandits originaires de la campagne corse ou sicilienne se transformer en mafiosi& hommes d’affaires capables de déceler avec autant de flair que n’importe qui les possibilités économiques offertes par le trafic international de la drogue ou laconstruction d’hôtels de luxe& nous avons tendance ! tre stupéfaits$ 6ais& en fait& le vol de bétail& o\ bon nombred’entre eux ont fait leurs premires armes& est une activité qui élargit l’hori:on économique d’un pa"san ou qui& tout aumoins& met les hommes en contact avec des gens dont les hori:ons sont plus vastes$

-e bandit n’est pourtant pas& économiquement parlant& un personnage trs intéressant et& dans les manuels consacrésau développement de l’économie& il ne mérite probablement pas plus d’une ou deux notes en bas de page$ ?l contribue !l’accumulation locale de capital F accumulation qui est sans aucun doute ou presque le fait de ses parasites et non de luimme& car il dépense sans compter$ -! o\ il pille les vo"ageurs et les marchandises de passage& son influenceéconomique peut tre analogue ! celle du tourisme& qui consiste également ! extraire un certain revenu des étrangers ;en ce sens les brigands des monts sardes et les gens qui mettent en valeur la Costa 'meralda de l’/ga han sont peut

tre des phénomnes économiques analogues1$2$ -e véritable intért des relations économiques des bandits ne résidedonc pas dans leur influence& mais dans la fa<on dont elles éclairent la situation du bandit dans la société rurale$

#n effet l’aspect crucial de la situation sociale du bandit& c’est son ambigu.té$ -e bandit est un homme ! part et unrebelle K c’est un pauvre qui refuse d’accepter le rôle traditionnel des pauvres et qui acquiert sa liberté au mo"en desseules ressources dont il dispose& ! savoir la force& la bravoure& la ruse et la détermination$ Cela le rapproche des pauvres F il est l’un d’entre eux F et l’oppose ! la hiérarchie du pouvoir& de la richesse et de l’influence& dont il ne fait pas partie$Tien ne fera d’un brigand pa"san un * gentilhomme ,& car& dans les sociétés o\ les bandits abondent& l’aristocratie et lanoblesse terrienne ne se recrutent pas dans les rangs du peuple$ #n mme temps& le bandit est inévitablement attiré dansles réseaux de la fortune et du pouvoir car& ! la différence des autres pa"sans& il acquiert des richesses et exerce uncertain pouvoir$ C’est * l’un d’entre nous ,& toujours sur le point d’tre assimilé aux * autres , et& plus il réussit en tantque bandit& plus il est ! la fois le représentant et le champion des pauvres et  un élément du s"stme des riches$

?l est vrai que l’isolement de la société rurale& le fait que les rapports sociaux " sont ténus et intermittents et& defa<on générale& l’aspect primitif de la vie rurale permettent au bandit& qui de surcroZt peut avoir un ra"on d’actionconsidérable& de maintenir la séparation entre ces deux rôles$ 'on équivalent urbain gangster& ou chef local d’unemachine politique dans les quartiers d’immigrants aux taudis surpeuplés représente aussi& en un sens& les pauvres contreles riches et parfois donne aux premiers une partie du butin arraché aux seconds& mais il est bien plus un chef qu’unrebelle ou un horslaloi$ 'es liens avec les centres de la richesse et du pouvoir officiels par exemple avec l’hôtel deville sont beaucoup plus évidents et peuvent mme constituer sa caractéristique principale$ -e bandit rural& lui& peut setenir ostensiblement ! l’extérieur du * s"stme ,$ 'es liens personnels avec le monde peuvent tre simplement des liensde parenté ou d’appartenance ! une communauté villageoise ; en d’autres termes& il peut en apparence appartenir totalement au monde indépendant dans lequel vivent les pa"sans& et o\ la noblesse& le gouvernement& la police& lescollecteurs d’impôts et les occupants étrangers ne font que des incursions périodiques$ +ar ailleurs& ses rapports& en tantque chef d’une bande armée mobile et indépendante& avec les centres de la richesse et du pouvoir peuvent apparaZtre

tout simplement comme les rapports qu’une entité souveraine est susceptible d’entretenir avec d’autres& et n’affectent pas plus sa réputation que des négociations commerciales avec la Srande2retagne ne mettent en question le statutrévolutionnaire de Cuba et de 8idel Castro$ Cependant& les bandits& vivant dans une société fondée sur la loi etl’exploitation& ne peuvent en éviter les conséquences logiques$

#n effet& l’une des caractéristiques essentielles du bandit& c’est que& ! côté de son besoin de contacts commerciaux& ilconstitue le no"au d’une force armée& donc une force politique$ Aout d’abord& une bande représente quelque chose avecquoi le s"stme local doit composer$ -! o\ n’existent pas de mo"ens réguliers et efficaces pour le maintien de l’ordre public F et c’est& presque par définition& le cas de toutes les régions o\ les bandits sont nombreux F& demander la protection des autorités ne sert pas ! grandchose& d’autant plus que ce genre de demande est susceptible d’entraZner l’envoi d’un corps expéditionnaire dont on peut tre s]r qu’il fera plus de ravages que les bandits locaux ;! `e préf%re de beaucoup avoir affaire au7 bandits qu’- la police, déclarait un propriétaire terrien du Brésil au7environs de 234[+ Les policiers sont une bande de tueurs qui arrivent de la capitale persuadés que tous les gens de

l’intérieur prot%gent les bandits+ ls pensent que nous connaissons tous leurs itinéraires de repli, et leur principal 102 /nalogues& en ce sens que leur influence sur l’économie environnante est marginale$ Car l! o\ il existe un fossé particulirement importantentre l’économie locale et les enclaves touristiques& une bonne partie de l’argent apporté par les touristes quitte la région pour financer l’achat dehorsbords& champagne& s3is nautiques et autres produits utilisés par les touristes et qu’il faut pa"er en devises étrangres$ (e la mme manire& unchef de brigands qui dévalise les marchands de passage dans sa région et utilise le butin pour acheter des bijoux& des munitions et des sabresrichement décorés& ou pour vivre sur un grand pied dans la capitale& ne contribue que marginalement aux ressources de sa région$

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ob)ectif est donc d’obtenir des confessions - tout pri7 R+ <uand on dit qu’on ne sait rien, ils tapent+ <uand on leur donne des informations, ils continuent - taper, parce que cela prouve qu’on a partie liée avec les bandits, R on est tou)ours perdant R+

 ? Et les bandits  ? Eh bien les bandits se conduisent comme des bandits+ Nemarque, il faut savoir les prendre, si on ne veut pasd’ennuis+ 'ais enfin, mis - part quelques1uns qui sont vraiment cruels, ils ne sont dangereu7 que quand ils ont la police- leurs trousses103+ D

(ans ces régions& les propriétaires de domaines isolés savent depuis longtemps comment établir des rapportsdiplomatiques avec les bandits$ (es femmes de bonne famille racontent dans leurs mémoires que& quand elles étaient

enfants& on les emmenait précipitamment ! l’écart lorsqu’une troupe d’hommes armés arrivaient ! l’hacienda  ! latombée de la nuit$ ?ls étaient poliment accueillis par le maZtre de maison& qui leur offrait l’hospitalité& et ils nereprenaient leur route qu’aprs un nouvel échange de politesses et des assurances de respect mutuel$ ?l n’" avait pasautre chose ! faire$

Aout le monde doit traiter avec les bandits quand ils sont nombreux et bien implantés& ce qui signifie que& dans unecertaine mesure& ils sont intégrés ! la société établie$ -’idéal& c’est& bien entendu& la transformation du braconnier engardechasse& transformation qui d’ailleurs est loin d’tre rare$ ?l arrive que des seigneurs ou le tsar donnent de la terreet des privilges ! des cosaques qui& en contrepartie& renoncent au pillage pour protéger le territoire et les intérts duseigneur$ Sajraj& chef de dacoWts 2adha3& * ancien montreur de singes devenu Tobin des 2ois de SEalior , dans lesannées 17V0& * était ! ce point redoutable que le (urbar lui confia l’exploitation& qu’il assura de manire extrmementrentable& des ghats& c’est!dire des bacs qui traversaient le Chambal ,$ -es 6inas& autre célbre * tribu de voleurs , ducentre de l’?nde& étaient certes la terreur de la ville d’/lEar& mais ! )aipur on leur donnait des terres pour qu’ils escortent

les convois transportant des trésors& et ils étaient célbres pour leur lo"auté ! l’égard du rajah$ #n ?nde comme en 'icile&les professions de bandit et de gardien de village& de champs ou de bétail étaient souvent interchangeables$ -es Tamosi& petite communauté daco.t de la +résidence de 2omba"& recevaient de la terre& un certain nombre d’avantages et le droitde prélever une taxe sur tous les vo"ageurs& et s’engageaient& en contrepartie& ! garder les villages$ Ce genred’arrangement n’estil pas la meilleure sauvegarde contre le brigandage incontrôlé1$4 

ue ces arrangements soient officiels ou non& en fait les habitants d’une région infestée de bandits n’ont pas lechoix$ -es administrateurs locaux qui veulent accomplir leur travail tranquillement et sans histoire F et lequel d’entreeux n’a pas ce désir F sont toujours en contact avec les bandits et s’entendent raisonnablement avec eux& sous peine derisquer de pénibles incidents locaux qui font ! leur district une publicité peu souhaitable et amnent leurs supérieurs ! sefaire une pitre opinion de leurs subordonnés$ C’est pourquoi& dans les régions vraiment infestées de bandits& lescampagnes contre le banditisme sont si souvent menées par des forces spéciales venues de l’extérieur$ -es commer<antslocaux passent directement des accords avec les bandits pour éviter que leurs affaires soient constamment perturbées$ ?larrive que mme les soldats et les policiers locaux préfrent maintenir le crime F ! la suite d’accords tacites ou non avecles bandits F dans des proportions qui ne sont pas susceptibles d’attirer l’attention de la capitale& ce qui laisse lescoudées franches au banditisme& car& ! l’époque préindustrielle& le gouvernement central n’observe pas la société ruraled’un Lil trs vigilant& ! moins que ses propres intérts ne soient en cause$

+asser des accords avec les bandits n’est pas cependant qu’une obligation pour ceux qui détiennent la fortune etl’autorité locale K c’est également un avantage$ #n effet& dans les régions tenues par des propriétaires terriens de t"pe précapitaliste& la politique tourne autour des rivalités et des rapports entre les familles dirigeantes& auxquelles il fautadjoindre leurs partisans et leurs clients$ -e pouvoir et l’influence d’un chef de famille reposent& en dernire anal"se& sur le nombre d’hommes dont il est le protecteur et qui& dépendant de lui& lui montrent leur lo"auté en combattant ou envotant pour lui& ou en agissant en sa faveur dans tous les domaines qui assurent le pouvoir local& c’est!dire en luirendant les services qui permettent de mesurer son prestige et son aptitude ! se faire des alliés$ +lus la région est reculée

et les autorités centrales lointaines& faibles ou indifférentes& et plus& en matire de politique locale& cette aptitude d’unmagnat ou d’un gentilhomme ! mobiliser * ses , gens est vitale$ '’il dispose d’asse: de sabres& de fusils ou de votes& iln’est mme pas nécessaire qu’il soit trs riche& tout au moins selon les critres des régions prospres et économiquementdéveloppées$ -a richesse est utile& bien s]r& pour élargir la clientle& mais ! condition qu’elle soit distribuéegénéreusement et mme avec ostentation& pour faire la preuve du statut du noble et de sa puissance en tant que protecteur$ +ar ailleurs& il vaut mieux avoir une suite impressionnante que des compétences financires quand on veutdes terres et de l’argent& bien que le but de ce t"pe de politique ne soit pas l’accumulation de capital& mais lerenforcement de l’influence familiale$ @ vrai dire& ce genre de politique s’effondre quand la recherche de la richesse etl’intért familial peuvent tre dissociés et que l’une prend le pas sur l’autre$

+areille situation convient merveilleusement aux bandits& car elle crée une demande et leur permet de jouer un rôle politique$ ?ls constituent alors un réservoir local d’hommes armés et non engagés qui& s’ils peuvent tre amenés !accepter la protection d’un gentilhomme ou d’un magnat& ajoutent considérablement ! son prestige et sont susceptibles&

le moment venu& de renforcer son pouvoir militaire ou électoral$ ui plus est& les nobles qui constituent et entretiennentdes suites fournissent du travail aux bandits individuels& que ce soient de véritables bandits ou des bandits en puissance$On chef de brigands avisé prend soin d’épouser la cause de la faction locale dominante& qui peut lui garantir une

103 -$ 6ota& Jo Tempo de Lampiiio& op$ cit$& p$ 5W$104 T$ %$ TO''#-& The Tribes and Castes of the Central Provinces of ndia& op$ cit$& vol$ 1& p$ 5U5V& p$ UV4UV9 et p$ W4W$

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 protection réelle& mais& s’il se refuse ! soutenir un protecteur& il est ! peu prs certain que la plupart des chefs locaux letraiteront en allié éventuel& donc en homme avec qui il convient de rester en bons termes$ C’est la raison pour laquelle&dans des régions reculées o\ l’autorité centrale ne se fait pas réellement sentir& par exemple l’arrirepa"s du Pordeste brésilien jusqu’! 19W0& des bandes célbres peuvent prospérer pendant des périodes étonnamment longues ; -ampiaodura prs de vingt ans$ Cela dit& -ampiao s’était servi de ce genre de situation politique pour mettre sur pied une forcetelle qu’elle ne représentait pas simplement un appoint éventuel pour quelque * colonel , de l’arrirepa"s& mais une puissance autonome$

#n 19UB& la colonne +restes& une formation de guérilleros itinérants dirigée par un officier rebelle qui était sur le point de devenir le chef du +arti communiste brésilien& atteignait le nordest du pa"s aprs deux ans d’opérations dans

d’autres régions de l’intérieur$ -e gouvernement fédéral fit appel au pre Cicéro& le messie de Cear\& qui était devenu&grJce ! son influence& le véritable chef politique de cet =tat& et qui fut contacté en partie parce qu’un * messie , pouvaitcontribuer ! rendre les fidles insensibles ! la séduction sociorévolutionnaire de +restes et de ses hommes$ -e preCicéro& qui ne tenait aucunement ! la présence de troupes fédérales dans son fief il fit remarquer que ses ouaillesn’étaient pas disposées ! s’opposer ! qui que ce soit sous prétexte que le gouvernement décidait d’en faire un * bandit ,&et la colonne +restres ne donnait pas du tout aux fidles l’impression d’tre antisociale accepta la solution qu’on luisuggérait$ -ampiao fut invité ! )ua:eiro& la )érusalem du pre& o\ il fut accueilli avec tous les honneurs possibles et o\le plus gradé des officiers fédéraux cantonnés dans la ville en l’occurrence un inspecteur du ministre de l’/griculturelui donna officiellement le titre de capitaine ainsi qu’un fusil et V00 balles par homme& avec pour mission de harceler lesrebelles1$5$ -e célbre bandit fut immensément séduit par la légitimité qui lui était soudainement conférée$ 6ais un* colonel , de ses amis l’avertit qu’il allait tout simplement tirer les marrons du feu pour le gouvernement qui& une fois+restes disparu& ne manquerait pas de déclarer que le grade de -ampiao n’avait aucune valeur et refuserait tout aussi

certainement d’honorer sa promesse d’amnistie pour les anciens crimes du bandit$ Ce raisonnement sembla convaincre-ampiao qui s’empressa de renoncer ! poursuivre +restes$ ?l partageait sans aucun doute la conviction de tout un chacundans l’arrirepa"s& ! savoir que& si on savait comment s’" prendre avec les bandes armées qui battaient la campagne& legouvernement& en revanche& était ! la fois plus imprévisible et plus dangereux$

-es seuls bandits incapables de profiter d’une situation politique aussi avantageuse étaient ceux qui avaient une telleréputation de rebelles sociaux que les propriétaires terriens et les nobles sans exception préféraient les voir morts$ 6aisces bandes ne furent jamais qu’une poignée et leurs effectifs étaient limités par la facilité mme avec laquelle les bandits pa"sans pouvaient entrer en rapport avec les gens importants$

+ar ailleurs& les structures de la vie politique dans ces sociétés rurales renfor<aient le banditisme d’une manire peuttre encore plus impressionnante$ #n effet& si les familles ou factions dirigeantes protégeaient les bandits& les chefs desfamilles vaincues ou des groupes d’opposition n’avaient d’autre solution que le recours aux armes& ce qui& dans les casextrmes& voulait dire qu’ils se transformaient en chefs de bande$ -es exemples sont innombrables$ 'leeman& dans son

 `ourney through the ingdom of Aude in 2H9312H5[1$&  en donne toute une liste& qui inclut ?mam 2u3sh& lequelconserva sa bande et poursuivit ses pillages * bien qu’il e]t reconquis son domaine aux conditions qu’il avait luimmefixées ,$ Ce genre de pratique était également ordinaire& sinon inévitable& ! )ava$

On bon exemple de ce genre de situation est offert par le département de Cajamarca& au +érou& qui& au début du >> e

sicle& vit apparaZtre un certain nombre de bandits d’* opposition ,& en particulier #leodoro 2enel RulLta& contre qui desérieuses campagnes militaires furent organisées au milieu des années 19U01$!$ #n 191W& 2enel& propriétaire terrien& avaitloué l’hacienda  -laucn& se rendant ainsi asse: impopulaire auprs de la pa"sannerie indienne locale& dont lemécontentement était canalisé contre lui par les frres Tamos& qui avaient déj! sousloué ce domaine$ 2enel fit appelaux autorités& qui massacrrent les ?ndiens comme on le faisait couramment ! l’époque& ce qui eut pour résultat derenforcer leur hostilité$ -es Tamos& pensant que la situation leur permettait d’en finir avec 2enel& s’arrangrent pour tuer son fils$ * 6alheureusement& la justice ne bougea pas et le crime resta impuni ,& comme le note avec tact un historien

qui ajoute que les assassins bénéficiaient du soutien de quelques autres ennemis personnels de 2enel& par exemple/lvarado de 'anta Cru:$ -!dessus 2enel réalisa ses biens pour financer une * formidable légion dont les membrestraba)adores étaient prts ! risquer leur vie au service de leur chef ,& et partit en guerre contre /lvarado et les Tamos$Cette fois& la justice se mit en branle& mais 2enel& qui avait fortifié sa propre hacienda& la défia& ce qui bien entenducontribua ! * lui fournir de nouveaux s"mpathisants& auxquels il donna tout ce qu’il fallait pour vivre ,$

?l n’était en fait que le plus redoutable des nombreux chefs de bande dont l’apparition co.ncida avec le quasieffondrement de l’autorité gouvernementale& et dont les motivations étaient un mélange complexe de rivalités personnelles et politiques& de vengeance& d’ambitions politiques et économiques et de rébellion sociale$ Comme le dit unmilitaire qui s’est fait l’historien de cette campagne ;! =ans ces régions, les paysans étaient humbles, apathiques et incapables de réagir contre les tyrans locau7+Cependant, se sentir vivant, c’est aussi se sentir fou de rage contre l’in)ustice+ C’est pourquoi certains potentats locau7et les autorités qui n’étaient pas intellectuellement préparées - la difficulté de leur t@che arriv%rent - unir contre eu7

des gens qui gagnaient en audace et en détermination+ L’histoire de tous les peuples montre que, dans ce genre de situation, on voit se former des bandes+ D105 Cet incident est ! la base du passage cité au chapitre 5 et qui fait partie de la geste de -ampiao$ %oir M$ /P'#-6M& Padre Cicero& Tio& 19B7& p$ 5U75VB$106 -ondres& 1757$107  %oir A$ CMTMP#- T S$ 6/AM'& Aperaciones rregulares al Jorte de Ca)amarca& 19UW19U5 a 19U4& -ima& 19B7$

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@ Chota& elles marchaient avec 2enel& ! Cuteno avec les %asque:1$" et d’autres$ Ces hommes appliquaient leur  propre justice& punissaient les usurpateurs& conféraient de la pompe aux mariages& poursuivaient les criminels& etimposaient l’ordre aux t"rans locaux$

#n période d’élections& les députés se servaient de ces combattants& qu’ils armaient et lan<aient contre leursadversaires politiques$ -es bandes armées se renforcrent& et le banditisme en arriva ! semer la panique che: lescito"ens paisibles1$#$

2enel prospéra jusqu’en 19UV& date ! laquelle il commit l’erreur de s’allier ! quelques potentats locaux qui projetaient de renverser le redoutable président -eguia$ (’o\ un grand déploiement de forces& ! la suite duquel F maisnon sans mal F la situation ! Cajamarca finit par se clarifier K 2enel fut tué en 19U4& et les Tamos et /lvarado& ainsi que

d’autres chefs de bande& disparurent également de la scne$ Ces rivalités locales sont inséparables du banditisme$/utre cas exemplaire& celui du clan 6cSregor du >%? e au >%???e sicle& et en particulier de son membre le pluscélbre& c’est!dire Tob To"$ #n effet& les 6cSregor demeurrent un clan de voleurs parce que leurs ennemis ne leur laissrent pas d’autre solution que celle de l’extermination$ -e clan fut officiellement dissous et son nom interdit$ 'iTob To" devint un Tobin des 2ois écossais& c’est en grande partie parce qu’il attaqua le duc de 6ontrose& magnatcélbre qui& ! son avis& avait commis une injustice ! son égard$ #n ce sens& la résistance armée qu’opposent les perdantsaux triomphateurs dans le domaine de la politique de l’aristocratie ou des familles locales peut& tout au moinslocalement et de manire temporaire& satisfaire les pauvres qui en veulent ! leurs exploiteurs$ C’est l! d’ailleurs unesituation qui se retrouve dans d’autres domaines politiques$ uoi qu’il en soit& l! o\ les familles qui possdent la terre selivrent ! la vendetta& forment et brisent des alliances et se disputent des héritages par la force des armes& les plus forts passant sur le corps des plus faibles pour accroZtre leur fortune et leur influence& de riches possibilités sont évidemmentoffertes aux bandes de combattants qui se mettent sous les ordres de ceux qui n’acceptent pas leur défaite$

-es structures de la vie politique rurale dans les conditions favorables au banditisme ont donc deux conséquences ;d’une part& elles l’entretiennent& le protgent et le développent& d’autre part& elles l’intgrent au s"stme politique$ ?l estreconnu que ces conséquences sont sans doute plus importantes l! o\ l’appareil d’=tat est absent ou inefficace et l! o\les centres du pouvoir régional s’équilibrent ou sont instables& dans les cas d’* anarchie féodale ,& dans les :onesfrontires& au sein d’une mosa.que changeante de petites principautés& et dans un arrirepa"s désert$ uand il est puissant& un empereur& un roi ou mme un baron fait respecter sa loi sur ses terres et& au lieu de les protéger& pend les bandes de voleurs& qu’ils menacent l’ordre social ou que& tout simplement& ils gnent le commerce et la propriété$ @ ladifférence des rajahs de )aipur& le raj britannique n’avait pas besoin de recruter des dacoWts pour escorter ses transportsde marchandises précieuses$ -es hommes dont le pouvoir est fondé sur l’accumulation de l’argent par l’argent et quin’ont pas ou n’ont plus besoin de couteau ou de fusil pour s’enrichir louent des policiers plutôt que des gangsters afinde protéger leur fortune$ -es * barons voleurs , du capitalisme américain firent la fortune des +in3erton& et non celle destueurs ! gages$ Ce n’est pas le big business& mais le small business& et le monde du travail ou de la politique municipale&qui étaient obligés de négocier avec les bandes$ +ar ailleurs& plus le développement économique est poussé et plus lesriches et les puissants sont susceptibles de considérer les bandits non pas comme un facteur parmi d’autres dans le jeudu pouvoir& mais comme des gens qui menacent la propriété et qu’il convient de supprimer$

-es bandits deviennent alors en permanence des horslaloi qui ont contre eux tous les gens * respectables ,$ C’est peuttre ! ce stade qu’apparaZt l’antim"thologie du banditisme& le bandit se situant ! l’opposé du héros et étantconsidéré F pour reprendre la terminologie des nobles russes ! la fin du >%??? e sicle F comme * une bte de formehumaine ,& * prte ! profaner tout ce qui est saint& ! tuer& ! piller& ! br]ler& et ! violer la volonté de (ieu et les lois del’=tat11$ ,$ ?? semble certain que& tout au moins en Tussie& ce m"the du bandit vu comme la négation de l’humanité soitapparu bien aprs le m"the héro.que de la chanson et de la légende populaires$ -es mécanismes assurant l’intégrationdu banditisme ! la vie politique normale disparaissent$ -e brigand n’appartient plus qu’! une seule catégorie de lasociété& les pauvres et les opprimés$ ?l peut soit s’associer ! la rébellion du pa"san contre le seigneur& de la société

traditionnelle contre le monde moderne& des communautés marginales ou minoritaires contre leur intégration ! uns"stme politique plus large& soit gagner les rangs de ce monde qui fait en permanence pendant au monde respectable&c’est!dire le monde du crime111$ 6ais& mme dans ce dernier cas& il est de moins en moins possible de vivre dans lamontagne& la fort& ou sur les grands chemins$ 2onnie et Cl"de& les héritiers de )esse )ames& n’étaient pas des criminelscaractéristiques de l’/mérique des années 19V0& mais des anachronismes$ +our le bandit moderne& la vie rurale seréduit& en mettant les choses au mieux& ! un barbecue ! la campagne sur un domaine acquis grJce ! des crimes commisen milieu urbain$

CD/+?AT# 7$ -#' 2/P(?A' #A -/ T=%M-OA?MP

108 -es trois frres %asque:& /velino& Tosendo et +aulino étaient apparemment de petits propriétaires terriens que leurs activités finirent par placer 

! la tte des haciendas de +allac et de Camsa$ /menés par ruse ! accepter un faux * traité de paix ,& ils furent tués au cours du banquet organisé !cette occasion par le souspréfet$ Sénéral T$ 6#T?PM /T/P/&  istoria Policial del Peru& p$ 144147 K S$ 6/AM'& Aperaciones rregulares al  Jorte de Ca)amarca& op$ cit$& p$ V90V97$109 S$ 6/AM'& Aperaciones rregulares al Jorte de Ca)amarca& op$ cit$& p$ 45 K citation tirée de Yusiles y 'achetes de '$ %ilche: 6urga$110 ($ ##CDMOA#& * -es brigands en Tussie ,& Tevue histoire moderne et contemporaine& juilletseptembre 19B5& >??& p$ U01U0U$111 #xceptionnellement F c’est le cas en 'icile et dans les ghettos d’immigrants aux =tatsOnis F& il peut également s’intégrer ! une nouvelle bourgeoisie$

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* Ylagellum =ei et commissarius missus a =eo contra usurarios et detinentes pecunias otiosas , 8léau de (ieu&envo"é par (ieu pour lutter contre les usuriers et les possesseurs de richesses improductives$/utoportrait de 6arco 'ciarra& chef de brigands napolitain dans les années 1590112$

@ ce stade& le bandit doit choisir entre l’état de criminel et l’état de révolutionnaire$ Comme nous l’avons vu& le banditisme social constitue un défi de principe pour l’ordre établi de la société de classes et pour son fonctionnement politique& quels que soient les arrangements qu’il trouve en pratique avec les deux$ (ans la mesure o\ il s’agit d’un phénomne de contestation sociale& on peut " voir le précurseur ou l’incubateur potentiel de la révolte$

#n ce sens& il diffre radicalement du monde criminel des basfonds& auquel nous avons déj! eu l’occasion de

l’opposer$ -es basfonds constituent une antisociété& dont l’existence passe par le renversement des valeurs du monde* respectable ,& qu’elle qualifie de * pourri ,& mais dont elle est un parasite$ -e monde révolutionnaire est lui aussi unmonde * respectable ,& sauf peuttre ! certaines périodes particulirement apocal"ptiques o\ mme les criminelsantisociaux peuvent avoir un accs de patriotisme ou d’exaltation révolutionnaire$ /ussi les révolutions ne représententelles pas grandchose pour le monde des basfonds& sinon des moments privilégiés en ce qui concerne l’actioncriminelle$ Tien ne montre que la pgre parisienne& considérable ! l’époque& ait fourni des militants ou dess"mpathisants aux révolutions fran<aises des >%???e et >?>e sicles K certes les prostituées& en 1741& étaient d’ardentescommunardes& mais& en tant que classe& c’étaient moins des criminelles que des victimes de l’exploitation$ -es bandesde criminels qui se multiplirent dans les campagnes fran<aise et rhénane dans les années 1490 n’étaient pas des phénomnes révolutionnaires& mais les s"mptômes d’un désordre social$ -es basfonds n’entrent dans l’histoire desrévolutions que dans la mesure o\ les * classes dangereuses , sont mlées aux * classes laborieuses113 ,& en général danscertains quartiers des villes& et parce que les rebelles et les insurgés sont souvent traités en criminels et en horslaloi par 

les autorités$ 6ais& en principe& la distinction est claire$-es bandits& en revanche& partagent les valeurs et les aspirations du monde pa"san et& en tant que horslaloi et

rebelles& sont généralement sensibles ! ses poussées révolutionnaires$ #n temps normal& ils méprisent& en hommes quiont déj! acquis leur liberté& l’inertie et la passivité des masses& mais& en période révolutionnaire& cette passivité disparaZt$(e nombreux pa"sans deviennent des bandits$ -ors des soulvements en O3raine aux >%? e  et >%??e sicles& ils se baptisaient cosaques$ (ans l’?talie& en 17B017B1& les unités de guérilleros pa"sans se constituaient en prenant les bandes de brigands comme no"au et comme modle$ -es chefs locaux se vo"aient devenir un pôle d’attraction pour unefoule de soldats dispersés de l’armée des 2ourbons& de déserteurs& d’hommes qui avaient fui le service militaire& de prisonniers échappés& de gens qui craignaient d’tre persécutés pour leur participation ! la protestation sociale lors de lalibération garibaldienne et de pa"sans et de montagnards assoiffés de liberté& de vengeance ou de pillage& parfois destrois réunis$ Aout comme les bandes de horslaloi traditionnelles& ces unités avaient tendance ! se former dans levoisinage des agglomérations o\ elles trouvaient des recrues& puis ! établir une base dans les montagnes ou les fortsavoisinantes& et ! entamer leurs opérations par des activités difficiles ! distinguer de celles de bandits ordinaires$ 'eul lecadre social était différent$ Ce n’était plus une minorité& mais la majorité des insoumis qui prenait maintenant les armes$#n somme& comme le dit un historien hollandais qui a étudié l’?ndonésie& il s’agit d’époques o\ * la bande de brigandss’associe ! d’autres groupes qui lui servent de fa<ade& tandis que les groupes qui sont nés avec un idéal plus nobleacquirent tous les traits du banditisme114 ,$

On fonctionnaire autrichien au service des Aurcs a donné une excellente description des premiers stades d’unemobilisation pa"sanne de ce genre en 2osnie$ @ l’origine& tout au moins en apparence& une simple histoire de dZme& avecune opposition plus farouche que d’habitude$ +uis les pa"sans chrétiens de -u3ovac et d’autres villages serassemblrent& abandonnant leurs maisons pour gagner la montagne de Arusina +lanina& tandis que ceux de Sabela et deTavno arrtaient le travail et organisaient des réunions$ /lors que les négociations se poursuivaient& une bande dechrétiens attaqua& prs de Pevesin"e& une caravane venant de 6ostar& et tua sept conducteurs musulmans$ -es Aurcs

suspendirent alors les négociations& ce sur quoi tous les pa"sans de Pevesin"e prirent les armes et gagnrent lamontagne o\ ils allumrent des feux pour donner l’alarme$ Ceux de Tavno et de Sabela prirent également les armes$ (etoute évidence& un grand soulvement se préparait& soulvement qui devait en fait tre ! l’origine de la guerre des2al3ans dans les années 1740 et séparer la 2osnie Der:égovine de l’#mpire ottoman& sans compter diversesconséquences internationales importantes& qui n’entrent pas dans le cadre de cette étude 115$ Ce qui nous intéresse ici&c’est la fa<on caractéristique dont se combinent& dans une révolution pa"sanne de ce genre& la mobilisation des masses etl’accroissement des activités de banditisme$

-! o\ existe une forte tradition haWdouc& ou de puissantes communautés de horslaloi et de bandits pa"sans libres etarmés& il arrive que ces révoltes portent encore plus nettement la marque du banditisme& dans la mesure o\ celuici peutavoir été vaguement reconnu comme le vestige d’une ancienne liberté ou le no"au d’une liberté ! venir$ +ar exemple !'aharanpur Ottar +radesh& ?nde les Sujars& qui constituent une importante minorité& ont une forte traditiond’indépendance ou d’* indiscipline , et de * mépris des lois , pour reprendre la terminologie des fonctionnaires

 britanniques$ -e grand domaine qu’ils possédaient ! -andhaura fut morcelé en 171V$ Mn:e ans plus tard& les temps

112 )$ (#-O6#/O& Vie économique et sociale de Nome dans la seconde moitié du MV e si%cle& vol$ U& +O8& +aris& 19541959 p$ 554$113 #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$114 +$ 6$ %/P NO-88A#P +/-AD#& Psychological ;spects of the ndonesian Problem& -e"de& 19W9& p$ VU$115 (r )$ M#A'CD#A& ;us Bosniens Letter TSr0ereit & %ienne[-eip:ig& 1905& p$ B7$

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étant durs& les * esprits audacieux , de 'aharanpur * refusant de mourir de faim& formrent une bande dirigée par unchef de brigands du nom de allua ,& qui était un Sujar de la région& et& se lan<ant dans le banditisme des deux côtés duSange& se mirent ! voler les banias la caste des commer<ants et des prteurs d’argent ainsi que les vo"ageurs et leshabitants de (ehra (un$ * -es dacoWts& comme le remarque un observateur& étaient peuttre moins désireux de piller que de retrouver l’ancien genre de vie& une vie de horslaloi que ne venaient pas entraver les rglements des autoritéssupérieures$ #n somme& la présence de bandes armées ne représentait pas qu’une simple violation de la loi& elle étaits"non"me de rébellion11$ ,

a?lua& s’alliant ! des nobles mécontents& dont un taluqdar   important qui contrôlait quarante villages& donnarapidement ! la révolte des proportions plus considérables ; il se mit ! attaquer des postes de police& déroba un trésor !

quelque deux cents gardes et mit ! sac la ville de 2hagEampur$ -!dessus il se proclama Tajah al"an 'ingh et& secomportant en roi& envo"a des messagers lever un tribut dans le pa"s$ ?l disposait maintenant d’un millier d’hommes etdéclara qu’il allait secouer le joug étranger$ ?l fut vaincu par une force de deux cents gour3has& pour s’tre montré* incro"ablement prétentieux& au point d’attendre l’attaque ! l’extérieur du fort ,$ -a rébellion se poursuivit jusqu’!l’année suivante * une mauvaise saison GHI a"ant amené de nouvelles recrues ,& puis s’arrta$

?l arrive asse: souvent qu’un chef de bandits soit considéré comme un prétendant au trône ou cherche ! légitimer larévolution en se donnant officiellement un statut de souverain$ -es exemples les plus impressionnants sont peuttrefournis par les chefs de bandits et de cosaques en Tussie& o\ la population avait toujours tendance ! voir dans les grandsrasboini0i  des héros miraculeux& proches des champions de la 'ainte Tussie contre les Aartares& ou mme desincarnations possibles du * tsar des pauvres ,& c’est!dire du bon tsar qui connaissait le peuple et prendrait la place duméchant tsar des boyards et de la noblesse terrienne$ -es grandes révoltes pa"sannes des >%?? e et >%???e sicles en basse %olga furent le fait de cosaques F 2ulavin& 2olotni3ov& 'ten3a Ta:in héros de chansons populaires et Qemel"an

+ougatchev F et les cosaques étaient ! l’époque des communautés de pa"sans libres et pillards$ @ l’image du rajahal"an 'ingh& ils faisaient des proclamations impériales K leurs hommes& comme les brigands d’?talie du 'ud dans lesannées 17B0& tuaient& br]laient& pillaient et détruisaient les documents écrits qui légalisaient le servage et la sujétion&sans d’ailleurs suivre aucun programme sinon la destruction de l’appareil oppressif$

-e banditisme peut ainsi devenir le mouvement révolutionnaire et le dominer& mais ce n’est pas la rgle$ /insi quenous l’avons déj! vu p$ U7V0 éd$ anglaise& ses limites& ! la fois techniques et idéologiques& le rendent peu apte ! autrechose que des opérations momentanées menées par quelques di:aines d’hommes& et son organisation interne ne fournit pas de modle qui puisse tre étendu aux dimensions d’une société tout entire$ 6me les cosaques& qui avaientconstitué des communautés permanentes ! la fois importantes et structurées et qui pouvaient mobiliser un nombred’hommes considérable pour leurs raids& ne servaient pas de modle lors des grandes insurrections pa"sannes&auxquelles ils fournissaient seulement des chefs$ '’ils mobilisaient les pa"sans& c’étaient en tant que * tsars du peuple ,&et non en tant qu’* atamans ,$ /ussi le banditisme intervientil plus souvent dans les révolutions pa"sannes simplementcomme un des aspects multiples de la mobilisation K et il a conscience d’en tre un aspect mineur& sauf dans un domaine&celui des combattants et des chefs de guerre qu’il fournit$ /vant la révolution& il peut tre& selon la formulation d’unspécialiste compétent de l’agitation pa"sanne en ?ndonésie& * un creuset d’o\ sortit& d’une part& un réveil religieux et&d’autre part& la révolte11! ,$ uand la révolution éclate& il peut se fondre dans le grand soulvement millénariste ; * (es bandes de rampo0  poussaient comme des champignons& rapidement suivies par les foules qui& pleines de l’attente d’un6ahdi ou d’un millenium& formaient des groupes et se mettaient en marche 11"$ , C’est l! une description du mouvement javanais aprs la défaite des )aponais en 19W5$ 6ais& sans le messie attendu& sans chef charismatique& sans * juste roi ,ou quiconque prétend ! cette couronne ou F pour reprendre l’exemple de l’?ndonésie F sans des hommes comme lesintellectuels nationalistes conduits par 'u3arno et qui vinrent se greffer sur le mouvement& les phénomnes de ce genresont susceptibles de disparaZtre pour ne laisser derrire eux& en mettant les choses au mieux& que des actions d’arriregarde menées par des guérilleros dans les campagnes reculées$

 Péanmoins& quand le banditisme et l’exaltation millénariste qui l’accompagne ont ! ce point réussi ! mobiliser lesfoules& on voit souvent apparaZtre les forces qui transforment la révolte en un mouvement visant ! bJtir un =tat ou !changer la société$ (ans les sociétés traditionnelles habituées ! l’apparition et au déclin de régimes politiques qui nemodifient pas les structures sociales fondamentales& la noblesse terrienne& l’aristocratie& et mme les fonctionnaires etles magistrats peuvent alors reconnaZtre les signes annonciateurs d’un changement imminent et considérer que l’heureest venue de réviser judicieusement leurs positions et d’assurer de leur lo"auté ceux qui vont sans aucun doute mettre en place de nouvelles autorités$ (e leur côté& les forces expéditionnaires pensent également ! changer de camp$ ?l arriveque s’installe une nouvelle d"nastie& forte du * mandat du Ciel ,$ /lors& pleins d’un espoir qui ne manquera pas de setransformer en désillusion& les hommes pacifiques se calment et reprennent leur ancien mode de vie$ (e ce fait lenombre des bandits diminue K il ne reste plus que la quantité de horslaloi ! laquelle on peut raisonnablements’attendre& et les prophtes redeviennent des prédicateurs ! la petite semaine$ +arfois& mais c’est plus rare& apparaZt unchef messianique qui bJtit pour un temps une Pouvelle )érusalem$ (ans des situations de t"pe moderne& des

mouvements ou des organisations révolutionnaires peuvent prendre le pouvoir$ 6ais il arrive qu’aprs leur triomphe ils

116 (istrict Sa:etteers of the Onited +rovinces& ?& /llahabad& 1911& p$ 175$117  '$ /TAM(?T()M& The Peasants Nevolt of Banten in 2HHH& -a Dague& 19BB& p$ UV$118 +$ 6$ %/P NO-88A#P+/-AD#& Psychological ;spect of the ndonesian Problem& -e"de& 19W9& p$ VW$

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voient eux aussi les bandits activistes reprendre leur existence marginale de horslaloi et s’allier& dans une résistance de plus en plus vouée ! l’échec& aux derniers défenseurs du bon vieux temps et autres * contrerévolutionnaires ,$

uels sont donc les rapports entre les bandits sociaux et les mouvements révolutionnaires modernes& qui sonttellement éloignés du vieux monde moral dans lequel ils vivent ?l n’" a pas vraiment problme quand ces mouvementssont des mouvements d’indépendance nationale& dont les aspirations s’expriment facilement en des termes que peutcomprendre un monde politique archa.que& mme s’il n’existe en réalité que trs peu de points communs$ C’est pourquoi le banditisme s’intgre sans mal ! ce genre de mouvements$ Siuliano mit ses armes au service des massacreursde communistes athées aussi facilement qu’il se fit le champion du séparatisme sicilien$ -es mouvements primitifs derésistance ! la conqute& résistance tribale ou nationale& montrent parfois des liens caractéristiques entre bandits

guérilleros et sectes populistes ou millénaristes$ (ans le Caucase& o\ la résistance du grand 'ham"l ! la conqute russeavait pour base le développement du muridisme che: les musulmans d’origine& le muridisme et d’autres sectesanalogues avaient la réputation& mme au début du >>e sicle& de fournir aide& protection et idéologie au célbre bandit patriote Relim han$ Celuici portait toujours sur lui un portrait de 'ham"l$ #n contrepartie& deux nouvelles sectes néesche: les montagnards ?ngush ! cette époque& l’une prchant la guerre sainte& l’autre formée de quiétistes non violents&les deux étant aussi portées ! l’extase l’une que l’autre et tirant peuttre leur origine de 2e3tashi& considéraient Relimhan comme un saint11#$

+oint n’est besoin d’tre trs subtil pour voir le conflit entre * notre peuple , et * les étrangers ,& entre colonisés etcolonisateurs$ ?l se peut que les pa"sans des plaines hongroises qui devinrent les banditsguérilleros du célbre Tos:a'andor aprs la défaite de la révolution de 17W717W9 aient été amenés ! se rebeller en raison d’un certain nombre dedécisions prises par le régime autrichien victorieux& par exemple la conscription$ -es horslaloi sont souvent des gensqui répugnent ! devenir soldats ou ! le demeurer$ 6ais ce n’en étaient pas moins des * bandits nationaux ,& bien que

leur interprétation du nationalisme f]t peuttre trs différente de celle des hommes politiques$ -e célbre 6anuelSarcia& * roi de la campagne cubaine ,& qui avait la réputation de pouvoir ! lui tout seul tenir tte ! dix mille soldats&envo"a tout naturellement de l’argent ! 6arti& pre de l’indépendance cubaine$ -a plupart des révolutionnaires n’aiment pas beaucoup les criminels& et l’apôtre refusa l’argent$ @ la suite d’une trahison& Sarcia fut tué en 1795 parce que F c’esttout au moins ce que l’on dit encore ! Cuba F il était sur le point de lier son sort ! celui de la révolution$

-es bandits prennent donc part asse: souvent ! des combats de libération nationale& mme s’ils le font plusfréquemment l! o\ le mouvement de libération nationale se rattache ! une tradition sociale ou ! une tradition derésistance ! l’étranger que l! o\ il vient d’tre introduit par des professeurs et des journalistes intrus$ (ans lesmontagnes grecques& qui connaissaient ! peine l’occupation et n’avaient jamais été soumises ! une administrationefficace& les clephtes jourent un rôle plus important dans les combats de libération qu’ils ne le firent en 2ulgarie& o\ laconversion ! la cause nationale de haWdoucs aussi éminents que +ana"ot Ditov fut accueillie comme une nouvellesensationnelle$ ?l faut dire néanmoins que les montagnes grecques jouissaient d’une asse: grande autonomie& grJce auxformations d’* armatoles ,& qui en principe servaient de police aux su:erains turcs& mais qui ne le faisaient en réalité quequand cela les arrangeait$ On capitaine d’armatoles pouvait du jour au lendemain se retrouver chef de clephtes& et viceversa$ uant au rôle joué par les bandits dans les guerres de libération nationale& c’est un tout autre problme$

?l est plus difficile pour les bandits de s’intégrer aux mouvements révolutionnaires modernes qui sont sociaux et politiques et ne sont pas dirigés avant tout contre des étrangers$ Ce n’est pas que les bandits aient plus de mal !comprendre& tout au moins en principe& les slogans de liberté& égalité& fraternité& terre et liberté& démocratie etcommunisme& quand ces slogans sont exprimés dans une langue qui leur est familire$ /u contraire& ce sont l! pour euxdes vérités évidentes et& ce qui les étonne& c’est que des hommes puissent trouver les mots justes pour les décrire$ * -avérité& tout le monde la sent ,& déclarait le farouche cosaque 'urov3ov& en entendant ?saac 2abel lire un discours de-énine dans la Pravda$ * -e problme& c’est de la trouver$ 6ais lui& il a tellement de flair qu’il la débusque du premier coup$ , -e problme& c’est que ces vérités évidentes sont exprimées par des citadins& des gens instruits& des

gentilshommes& c’est!dire des gens qui s’opposent ! (ieu et au tsar et représentent des forces qui& aux "eux des pa"sans arriérés& sont des forces hostiles ou incompréhensibles$?l arrive pourtant que les deux mondes se rejoignent$ -e grand +ancho %illa& ce formidable général des armées

révolutionnaires& fut amené ! la Tévolution mexicaine par des hommes de 6adero$ (e tous les bandits professionnelsdu monde occidental& c’est peuttre lui qui eut la plus belle carrire révolutionnaire$ uand les émissaires de 6aderolui rendirent visite& il se laissa facilement convaincre$ #n effet& 6adero était un homme riche et instruit$ u’il f]t du côtédu peuple prouvait sa générosité et la pureté de la cause$ -uimme était un homme du peuple et un homme d’honneur K par ailleurs& cette invitation était un hommage ! sa qualité de bandit ; ds lors& comment pouvaitil hésiter ! mettre seshommes et ses armes ! la disposition de la révolution12$ 

?l a pu arriver que des bandits moins éminents adhrent ! la cause de la révolution pour des raisons analogues$ Pon pas parce qu’ils comprenaient les complexités des théories démocratique& socialiste& ou mme anarchiste bien que cettedernire soit asse: peu complexe& mais parce que pour eux la cause du peuple et des pauvres était juste de toute

évidence et que les révolutionnaires& par leur générosité& leur esprit de sacrifice et leur dévouement& en d’autres termes par leur comportement personnel & faisaient la preuve qu’ils étaient dignes de confiance$ C’est pourquoi le servicemilitaire et la prison& qui sont les endroits o\ les bandits et les révolutionnaires modernes ont le plus de chances de se

119 6$ +/%-M%?CD& * Xelim han et le brigandage au Caucase ,& art$ cit$& p$ 1WB et p$ 159$120 %oir 6$ -$ SOR6/P& The 'emoirs of Pancho Villa& op$ cit$

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rencontrer dans des conditions d’égalité et de confiance réciproque& ont vu plus d’une conversion politique$ Mn entrouve plusieurs exemples dans les annales du banditisme moderne en 'ardaigne$ C’est également la raison pour laquelle les hommes qui devinrent les chefs de brigands pro2ourbons en 17B1 étaient souvent ceuxl! mmes quis’étaient ralliés en nombre ! la bannire de Saribaldi& lequel avait l’aspect& les paroles et le comportement d’un* véritable libérateur du peuple ,$

/ussi& quand& sur le plan idéologique ou personnel& une jonction peut s’opérer entre eux et les militants de larévolution moderne& il arrive que les bandits& soit en tant que bandits& soit en tant que pa"sans individuels& adhrent !des mouvements extrmement nouveaux comme ils auraient adhéré ! des mouvements de t"pe ancien$ -es banditsmacédoniens combattirent pour le mouvement omitadji organisation révolutionnaire macédonienne de l’intérieur ou

?6TM au début du >>e

 sicle& et& de leur côté& les instituteurs qui les organisrent adoptrent les structures militairestraditionnelles des guérilleros haWdoucs$ Aout comme les brigands de 2antam se joignirent au soulvement communistede 19UB& la plupart de ceux de )ava emboZtrent le pas au nationalisme séculaire de 'u3arno ou au socialisme séculairedu parti communiste& et les brigands chinois suivirent 6ao Asétoung& qui& de son côté& fut fortement influencé par lestraditions autochtones de la résistance populaire$

Comment sauver la Chine @ cela le jeune 6ao répondit qu’il fallait * imiter les héros de -iang 'han +’o ,& c’est!dire les banditsguérilleros du roman ;u bord de l’eau121$ ui plus est& il les recruta s"stématiquement$ P’étaientils pas des combattants et& ! leur manire& des combattants a"ant une conscience sociale -es * 2arbes rousses ,& cetteredoutable organisation de voleurs de chevaux qui florissait encore en 6andchourie dans les années 19U0& interdisaient! leurs membres d’attaquer les femmes& les vieillards et les enfants& mais les obligeaient ! attaquer tous lesfonctionnaires et les personnages officiels& avec néanmoins cette nuance ; * 'i un homme a une bonne réputation& nouslui laisserons la moitié de ses biens K s’il est corrompu& nous les prendrons tous$ , ?l semble qu’en 19U9 le gros de

l’/rmée rouge de 6ao ait été composé de ces * éléments déclassés , c’est!dire& pour reprendre sa propreclassification& de * soldats& bandits& voleurs& mendiants et prostituées ,$ ui& sinon les horslaloi& était susceptible decourir le risque de s’engager dans une formation de horslaloi * Ces gens se battent avec beaucoup de courage& avaitobservé 6ao quelques années plus tôt$ 2ien dirigés& ils peuvent devenir une force révolutionnaire$ , -e devinrentils  Pous l’ignorons$ Ce qui est certain& c’est que dans une certaine mesure ils donnrent ! la jeune /rmée rouge une* mentalité d’aventuriers insurgés ,& bien que 6ao e]t l’espoir que cette mentalité puisse tre supprimée par une* éducation intensifiée ,$

 Pous savons désormais que la situation était plus compliquée que cela122$ -es bandits et les révolutionnaires serespectaient mutuellement en tant que horslaloi confrontés aux mmes ennemis et& le plus souvent& les /rmées rougesqui battaient la campagne n’étaient pas en mesure de faire plus que ce qu’on attendait traditionnellement des banditssociaux$ Aoutefois& ils ne se faisaient pas confiance pour autant$ Mn ne pouvait gure compter sur les bandits$ -e +articommuniste ne cessa de considérer De -ong& un chef bandit qui devint général& et ses hommes comme des * bandits ,susceptibles de déserter ! tout moment& jusqu’! ce que ce dernier rejoigne le +arti$ ?l est possible d’attribuer en partiecette méfiance au fait que le st"le de vie d’un chef de bande prospre ne correspondait gure aux attentes puritaines descamarades$ uoi qu’il en soit& s’il peut arriver que des bandits ou& plus rarement& un chef se convertissent ! titreindividuel& le banditisme institutionnalisé peut& contrairement aux mouvements révolutionnaires& se satisfaire du pouvoir en place tout autant qu’il peut le rejeter$ * Araditionnellement& Gle banditisme chinoisI constituait l’étape rudimentaired’un processus qui pouvait mener& si les conditions le permettaient& ! la formation d’un mouvement rebelle qui avait pour but de gagner le mandat Céleste$ #n soi& cependant& il ne s’agissait pas d’une révolte et moins encore d’unerévolution$ , -e banditisme et le communisme se sont croisés& mais leurs chemins divergeaient$

-a conscience politique peut bien s]r transformer le caractre des bandits$ -es guérilleros communistes deColombie comptent dans leurs rangs mais ce n’est trs certainement qu’une petite minorité un certain nombre decombattants issus des brigandsguérilleros de l’époque de la violencia$ Cuando bandoleaba * quand j’étais bandit , est

une phrase que l’on peut entendre dans les conversations et les réminiscences qui occupent une bonne partie du tempsd’un guérillero$ -a phrase ellemme indique la prise de conscience d’une différence entre le passé d’un homme et son présent$ Cependant& 6ao était probablement trop optimiste$ +ris individuellement& les bandits peuvent facilements’intégrer aux unités politiques& mais& sur le plan collectif& tout au moins en Colombie& il s’est révélé qu’il était presqueimpossible de les assimiler aux mouvements de guérilla d’extrme gauche$

(e toute fa<on& en tant que bandits& ils n’avaient qu’un potentiel militaire limité& et leur potentiel politique l’étaitencore bien davantage& comme le montrent les guerres de brigands dans l’?talie du 'ud$ -’unité idéale était de moins devingt hommes$ -es chansons et les récits populaires faisaient une place particulire aux voWvodes haWdoucs  quidirigeaient une bande plus nombreuse& et& en Colombie& lors de la violencia aprs 19W7& les grandes unités d’insurgésétaient presque invariablement composées de communistes et non de rebelles pa"sans$ +ana"ot Ditov rapporte que levoWvode ?lio& a"ant devant lui deux ou trois cents volontaires& déclara que c’était beaucoup trop pour une seule bande etqu’il valait mieux en former plusieurs$ -uimme ne choisit que quin:e hommes$ -a bande de -ampiao était divisée en

 plusieurs unités& qui parfois constituaient des coalitions temporaires$ -e principe était tactiquement défendable& mais ilmontrait que les chefs de bandits pa"sans n’étaient pas en mesure d’équiper et d’entretenir des unités importantes etqu’ils étaient incapables de tenir en main des troupes armées lorsque cellesci n’étaient pas directement soumises ! leur 

121 '$ 'CDT/6& 'ao Tsé1toung & -ondres& 19BB& p$ WV$122 %oir le superbe chapitre * 2andits and the Tevolutionar" 6ovement , in +$ 2?--?PS'-#Q& Bandits in Nepublican China& op$ cit$& p$ UUBU40$

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 puissante personnalité$ +ar ailleurs& tous les chefs protégeaient jalousement leur autorité$ 6me le plus fidle lieutenantde -ampiao& Corisco * le (iable blond ,& bien que restant par la suite sentimentalement attaché ! son ancien chef& sequerella avec lui et forma une autre bande avec ses amis et ses partisans$ -es divers émissaires et agents secrets des2ourbons qui tentrent d’introduire che: les brigands& dans les années 17B0& une discipline et une coordination réelleseurent aussi peu de succs que tous ceux qui ont essa"é de réaliser des opérations de ce genre$

+olitiquement& nous l’avons vu& les bandits étaient incapables d’offrir aux pa"sans une véritable alternative$ #noutre& leur position vis!vis des puissants et des pauvres était traditionnellement ambigu$ C’étaient des hommes du peuple& mais ils méprisaient les faibles et les résignés& et la force qu’ils constituaient opérait en temps normal !l’intérieur ou ! la périphérie des structures sociales et politiques existantes et non contre ces structures$ Aout cela limitait

leur potentiel révolutionnaire$ ?l leur arrivait peuttre de rver d’une société fraternelle d’hommes libres& maisl’ambition la plus évidente d’un bandit révolutionnaire a"ant réussi sa carrire était de devenir propriétaire terrien$+ancho %illa finit dans la peau d’un hacendado Srand propriétaire terrien& ! la tte d’une exploitation hacienda& statutqui& en /mérique latine& récompense généralement un aspirant caudillo123& et pourtant son passé et son comportement enfaisaient certainement un personnage bien plus populaire que les aristocrates créoles ! la peau délicate$ (e toute fa<on&leur vie héro.que et indisciplinée préparait asse: peu les brigands au monde rigoureux& sombre et organisé descombattants révolutionnaires ou ! la légalité de la vie postrévolutionnaire$ ?l semble que peu de célbres banditsinsurgés aient joué un rôle important dans les pa"s des 2al3ans qu’ils avaient contribué ! libérer$ -es souvenirs del’existence libre et héro.que qu’ils avaient menée dans les montagnes avant la révolution et pendant la libérationnationale conféraient aux bandits un certain éclat& mais cet éclat devenait asse: souvent de plus en plus ironique dansl’=tat nouveau& o\ ils se mettaient ! la disposition de chefs politiques rivaux lorsqu’ils ne travaillaient pas pour euxmmes en pratiquant quelque peu le 3idnapping et le brigandage$ /u >?>e sicle& la Srce& pa"s nourri de m"stique

clephte& devint le théJtre d’un gigantesque  spoils system& dont on se disputait les avantages$ +otes romantiques&fol3loristes et philhellnes avaient rendu célbres en #urope les brigands des montagnes$ (ans les années 1750&#dmond /bout fut davantage frappé par la sordide réalité du * Toi des 6ontagnes , que par les couplets retentissantscomposés ! la gloire de clephtes$

-a contribution des bandits aux révolutions modernes fut donc ambigu et de courte durée et ce fut l! leur tragédie$#n tant que bandits& ils pouvaient tout au plus& comme 6o.se& apercevoir la terre promise& mais étaient incapables del’atteindre$ -a guerre de libération algérienne commen<a& ce qui est asse: caractéristique& dans les /urs& territoire o\ le brigandage était une tradition& mais c’est l’/rmée de libération nationale& laquelle n’avait rien ! voir avec le banditisme&qui finit par gagner l’indépendance$ -’/rmée rouge chinoise cessa rapidement d’tre une formation comparable ! uneformation de bandits$ 6ais il " a mieux$ -a révolution mexicaine comprenait deux grandes composantes pa"sannes ;dans le nord& le mouvement de +ancho %illa F par excellence le genre de mouvement dont les bandits constituent la base F et& ! 6orelos& l’agitation agraire dirigée par Rapata& et qui n’avait aucun point commun avec le banditisme$ 'ur le planmilitaire& %illa joua un rôle infiniment plus important ! l’échelon national& mais ce rôle ne modifia ni le 6exique nimme le nordouest& le fief mme de %illa$ -e mouvement de Rapata était uniquement régional& son chef fut tué en1919& et ses forces militaires n’étaient pas trs importantes$ C’est pourtant ce mouvement qui introduisit la réformeagraire dans la révolution mexicaine$ -es bandits fournirent un caudillo possible et une légende& celle F et ce n’est passon moindre aspect F du seul chef mexicain qui ait tenté& en notre sicle& d’envahir la terre des  gringos124+ 6ais lemouvement pa"san de 6orelos produisit une révolution sociale ; l’une des trois qui soient dignes de ce nom dansl’histoire de l’/mérique latine$

CD/+?AT# 9$-#' #>+TM+T?/A#OT'?l convient enfin d’examiner rapidement ce que l’on pourrait appeler du * quasibanditisme ,& c’est!dire des

révolutionnaires qui n’appartiennent pas au monde d’origine de Tobin des 2ois& mais qui& d’une fa<on ou d’une autre&

adoptent ses méthodes et peuttre mme son m"the& pour des raisons diverses& qui peuvent tre en partie idéologiques$C’est ainsi que des anarchistes comme 2a3ounine idéalisaient le bandit pour en faire! le seul véritable révolutionnaire, sans belles phrases ni savante rhétorique, incorruptible, infatigable, indomptable Iun révolutionnaire populaire et social, apolitique, et ne dépendant d’aucun $tat D+

Ce phénomne peut également refléter le manque de maturité de certains révolutionnaires qui& en dépit de lanouveauté de leur idéologie& sont plongés dans les traditions de l’ancien monde$ C’est ainsi que les guérillerosanarchistes andalous& aprs la guerre civile de 19VB19V9& suivirent tout naturellement les traces des * noblesbandoferos , de jadis& et que& au début du >?> e sicle& les compagnons allemands donnrent ! leur société secrterévolutionnaire& qui devait devenir la -igue communiste de arl 6arx& le nom de ligue des Dorslaloi$ @ une époque&Neitling& le tailleur communiste chrétien envisagea mme une guerre révolutionnaire menée par une armée de horsla

123 

Chef militaire exer<ant un pouvoir politique F une figure tristement familire dans l’histoire de l’/mérique latine$124  Citons comme preuve particulirement spectaculaire le village de 'an )osé de Sracia& dans les hauts plateaux du 6ichuacan au 6exique$ Cevillage& comme tant d’autres& exprima ses aspirations populaires en se rangeant sous la bannire du ChristToi contre la révolution faisant ainsi partie du mouvement Cristero& surtout connu par -a +uissance et la Sloire de Sraham Sreene$ -’excellent historien qui a étudié ce villageremarque qu’évidemment * on " avait une sainte horreur des grandes figures de la révolution& ! l’exception du président Cardenas& parce qu’ilavait distribué la terre et mis fin aux persécutions contre la religion& et de +ancho %illa$ Ces derniers sont devenus des idoles populaires$ ,& -$SMPR/-#R&  Pueblo en Vilo& 6exico& 19B7& p$ U51$ 6me en 1941& dans une commune trs peu différente& située dans la mme région etmanifestement peu portée sur la littérature& on pouvait trouver dans le ba:ar local -es 6émoires de +ancho %illa$

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loi$ ?l peut " avoir également& quand les raisons ne sont pas idéologiques& des raisons techniques& par exemple pour certains mouvements de guérilla qui sont obligés de suivre une tactique ! peu prs semblable ! celle des bandits sociaux&et pour ces marginaux m"stérieux des mouvements révolutionnaires illégaux& contrebandiers& terroristes& fauxmonna"eurs& espions et * expropriateurs ,$ Ce chapitre est avant tout consacré ! l’* expropriation ,& nom pudique dontsont traditionnellement baptisés les vols destinés ! fournir des fonds aux révolutionnaires$ Mn trouvera dans le +ostscriptum des observations sur des phénomnes contemporains de cette nature voir p$ 179199 éd$ anglaise$

-’histoire de cette tactique reste ! écrire$ #lle apparut probablement au point de rencontre des lignes libertaire etautoritaire du mouvement révolutionnaire moderne& des sansculottes et des jacobins ; en quelque sorte un enfant de2lanqui et de 2a3ounine$ -e lieu de naissance fut sans doute le milieu anarchoterroriste de la Tussie tsariste dans les

années 17B01740$ -a bombe& outil standard des expropriateurs russes au début du >>e

  sicle& indique l’origineterroriste$ /lors que& dans la tradition occidentale& c’est!dire l’attaque de banques& que l’attaque soit politique ouidéologiquement neutre& le revolver a toujours occupé une place privilégiée$ @ l’origine& le terme d’* expropriation ,était d’ailleurs moins un euphémisme que le reflet d’une confusion t"piquement anarchiste entre émeute et révolte& entrecrime et révolution& cette confusion faisant du gangster un insurgé véritablement libertaire et entretenant l’idée que lesimple pillage était un pas de fait vers l’expropriation spontanée de la bourgeoisie par les opprimés$ +oint n’est besoinde reprocher aux anarchistes sérieux les excs de la frange délirante constituée par les intellectuels déclassés qui se ber<aient de ces chimres$ +our eux aussi l’* expropriation , devint progressivement un terme technique désignant levol pour le bien de la cause& vol généralement commis F ce qui est significatif F aux dépens des s"mboles du pouvoir impersonnel de l’argent& c’est!dire des banques$

+ourtant& si l’* expropriation , fit scandale dans le mouvement révolutionnaire international& ce fut moins ! causedes actions directes& locales et dispersées& des anarchistes ou des terroristes narodni0 & mais F et il " a l! une certaine

ironie F en raison des activités des bolchevi3s pendant et aprs la révolution de 1905& en particulier le célbre holdupde Aiflis Abilisi en 1904& qui rapporta plus de U00 000 roubles au +arti$ 6alheureusement& ces roubles étaient surtouten grosses coupures faciles ! identifier et& quand ils essa"rent de les changer& certains révolutionnaires exilés& par exemple -itvinov par la suite commissaire aux /ffaires étrangres en OT'' et -$ 2$ rassin plus tard ! la tte duCommerce extérieur soviétique eurent des ennuis avec la police occidentale$ -’affaire permit de fustiger -énine&toujours suspect aux "eux des autres secteurs de la socialdémocratie en Tussie pour ses prétendues tendances* blanquistes ,& et fut également utilisée par la suite contre 'taline& qui& en tant que responsable bolchevique enAranscaucasie& s’" trouvait intimement mlé$ Ces accusations étaient injustes$ -a seule différence entre les bolchevi3sde -énine et les autres sociauxdémocrates& c’est qu’ils ne condamnaient a priori  aucune forme d’activitérévolutionnaire& " compris les * expropriations , K ou& si l’on veut& qu’ils n’avaient pas l’h"pocrisie de condamner officiellement ces opérations que& nous le savons maintenant& non seulement les révolutionnaires agissant dansl’illégalité& mais les gouvernements de toutes tendances pratiquent chaque fois qu’ils le jugent nécessaire$ -énine fit deson mieux pour séparer les * expropriations , des crimes ordinaires et du pillage aveugle et& pour ce faire& mit au pointtout un s"stme de défense ; les * expropriations , ne devaient tre organisées que sous les auspices du +arti et dans lecadre de l’idéologie et de l’éducation socialistes& afin de ne pas dégénérer en crime et * prostitution , K elles ne devaientviser que la propriété de l’=tat& etc$ 'taline& mme s’il ne fait aucun doute qu’il exer<a ces activités avec son manquehabituel de scrupules humanitaires& ne faisait qu’appliquer la politique du +arti$ @ vrai dire& les * expropriations ,réalisées dans la turbulente et batailleuse Aranscaucasie n’étaient ni les plus énormes F le record appartient sans douteau holdup de 6oscou en 190B& qui lui rapporta 745 000 roubles F ni les plus fréquentes$ #n -ettonie& par exemple& o\les journaux bolcheviques reconnaissaient publiquement le revenu& ou tout au moins une partie du revenu rapporté par les * expropriations ,& cette forme de vol désintéressé était intensément pratiquée$

-’étude des * expropriations , effectuées par les bolchevi3s n’est donc pas le meilleur mo"en de comprendre lanature de cette activité proche du banditisme& et l’auteur de ces lignes ne connaZt pas suffisamment les principales

expropriations des années 19B0& celles entreprises par les divers révolutionnaires d’/mérique latine& pour dire ! leur sujet quelque chose qui présente un intért quelconque$ Aout ce que montrent les holdup pratiqués par des marxistesreconnus& c’est que ce genre d’activités tend ! attirer un certain t"pe de militants& ceux qui& mme s’ils rvent souventdu travail prestigieux qui consiste ! écrire des textes théoriques et ! prendre la parole dans des congrs& se sentent plusheureux une arme ! la main dans une situation qui demande du sangfroid$ -e défunt amo 'emeno /r:ha3ovich Aer+etrossian& 177U19UU& terroriste arménien particulirement brave et coriace& qui lia son sort ! celui des bolchevi3s& estl’exemple parfait de ce genre de combattant politique$ ?l fut le principal organisateur de l’expropriation de Aiflis& lui qui& par principe& ne dépensait jamais plus de cinquante 3ope3s par jour pour ses besoins personnels$ -a fin de la guerrecivile lui permit de réaliser sa vieille ambition& qui était d’acquérir une connaissance correcte de la théorie marxiste&mais il éprouva rapidement la nostalgie de l’action directe& pour lui beaucoup plus excitante$ ?l mourut d’un accident de bic"clette& et cela valut sans doute mieux pour lui$ @ cette époque comme dans les années qui suivirent& l’Onionsoviétique n’était pas l’endroit idéal pour cette forme de vieux bolchevisme$

-e meilleur mo"en de présenter le phénomne de l’* expropriation , aux lecteurs pour qui les combattantsidéologiques ne sont pas des personnages familiers& c’est d’esquisser le portrait de l’un d’entre eux$ )’ai choisi le cas de8rancisco 'abaté -lopart 191V19B0& membre du groupe de guérilleros anarchistes qui& aprs la 'econde Suerremondiale& lancrent des raids sur la Catalogne ! partir de bases situées en 8rance& et qui& aujourd’hui& sont presque tousmorts ou en prison ; les frres 'abaté& )ose -luis 8acerias& gar<on de café dans le 2arrio Chino ! 2arcelone sans doutele plus capable et le plus intelligent& Tamon Capdevila& le boxeur& surnommé Atebr]lée ou Caraquemada

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probablement le plus dur du lot& et l’un de ceux qui vécurent le plus longtemps& puisqu’il ne mourut qu’en 19BV& )aime+ares * #l /bissinio ,& ouvrier d’usine& )ose -ope: +enedo& )ulio Todrigue: * #l Cubano ,& +aco 6artine:& 'antiago/mir Sruana * #l 'heriff ,& +edro /drover 8ont * #l Qa"o ,& le jeune et toujours affamé )ose +edre: +edrero* Aragapanes ,& %ictor #spallargas ! qui ses principes pacifistes ne permettaient d’attaquer les banques qu’! conditionde ne pas tre armé& et tous les autres& dont les noms n’existent plus que dans les fichiers de la police et dans la mémoirede leur famille et de quelques militants anarchistes$

2arcelone& ville enserrée de collines et capitale dure et passionnée de l’insurrection prolétarienne& était leur maquis&mme s’ils connaissaient asse: bien les montagnes pour faire la navette entre elles et la ville$ ?ls se servaient commemo"ens de transport de taxis réquisitionnés et de voitures volées et se donnaient rende:vous aux queues d’autobus et

devant les grilles des stades de football$ ?ls étaient vtus de l’imperméable cher aux combattants urbains& de (ublin ! la6éditerranée& et transportaient leurs armes ou leurs bombes dans des cabas ! provisions ou des portedocuments$ ?lsétaient poussés par l’* idée , de l’anarchisme& ce rve intransigeant et fou que nous partageons tous& mais que peud’hommes& ! part les #spagnols& ont jamais essa"é de réaliser& quitte ! risquer une défaite totale et ! réduire leur mouvement ouvrier ! l’impuissance$ -eur monde était le monde o\ les hommes sont dirigés par les pures exigences dela conscience morale K o\ il n’" a ni pauvreté& ni gouvernement& ni prisons& ni policiers& et o\ il n’" a d’autre obligationet discipline que celles dictées par la lumire intérieure K o\ n’existent d’autres liens sociaux que ceux de la fraternité etde l’amour K o\ il n’" a ni mensonges& ni propriété& ni bureaucratie$ (ans ce monde& les hommes sont purs& comme'abaté& qui ne fumait ni ne buvait sauf bien s]r un peu de vin aux repas et mangeait aussi frugalement qu’un berger mme quand il venait de voler une banque$ (ans ce monde& les lumires de la raison et de la conscience poussent leshommes ! sortir de l’ombre$ Tien ne les sépare de cet idéal& sinon les forces du mal& les bourgeois& les fascistes& lesstalinistes& et mme les anarchistes égarés& toutes forces qu’il faut bala"er& tout en évitant bien s]r de tomber dans les

 piges diaboliques de la discipline et de la bureaucratie$ C’est un monde o\ les moralistes sont également descombattants& ! la fois parce qu’un revolver tue des ennemis et parce qu’il sert de mo"en d’expression ! des hommes quine peuvent pas écrire les pamphlets ou prononcer les grands discours dont ils rvent$ -a propagande se fait par l’action&non par la parole$

8rancisco 'abaté -lopart * uico , découvrit l’* idée , en mme temps que toute une génération de jeunes ouvriersde 2arcelone Jgés de trei:e ! dixhuit ans& ! l’occasion du grand réveil moral qui fit suite ! la proclamation de laTépublique espagnole en 19V1$ 'abaté& qui devint plombier& était l’un des cinq enfants d’un homme apolitique quitravaillait comme gardien municipal ! Dospitalet de -lobregat& juste ! la sortie de 2arcelone$ @ l’exception de )uan&enfant nerveux qui voulait tre prtre& les gar<ons se tournrent vers la gauche& suivant en cela l’aZné& +epe l’ajusteur$/ujourd’hui& trois d’entre eux sont morts$ 8rancisco luimme n’était pas passionné par les livres& bien qu’il fZt plus tarddes efforts héro.ques en ce domaine afin d’tre en mesure& en bon anarchiste& de parler de Tousseau& de Derbert 'pencer et de 2a3ounine& et bien qu’il f]t encore plus fier de ses deux filles& qui se trouvaient au l"cée de Aoulouse et ne lisaientque L’E7press et  Yrance1Abservateur $ 6ais ce n’était donc pas un semiillettré& comme l’en accusa 8ranco& ! qui il envoulut toujours amrement$

?l avait dixsept ans quand il s’engagea dans l’Mrganisation des jeunesses libertaires et se mit ! absorber lamerveilleuse vérité dans les cercles libertaires o\ les jeunes militants se réunissaient pour " trouver éducation etinspiration$ @ l’époque& avoir une conscience politique& ! 2arcelone& c’était devenir un anarchiste aussi inévitablementqu’! /beravon c’était entrer au +arti travailliste$ 6ais aucun homme ne peut échapper ! son destin$ Aout commecertaines femmes ne se réalisent pleinement qu’au lit& certains hommes ne se réalisent que dans l’action$ C’était le casde 'abaté& qui avait la mJchoire et le sourcil épais& et qui faisait plus petit que sa taille parce qu’il était trapu& bien qu’enréalité il f]t un peu moins musclé qu’on n’aurait cru$ /u repos& il était nerveux et mal ! l’aise$ ?l était presque incapablede s’asseoir confortablement dans un fauteuil& et surtout pas dans un café& o\& en bon spécialiste de la gJchette& ilchoisissait automatiquement un sige d’o\ il pouvait surveiller la porte d’entrée et proche de la sortie arrire$ 6ais ds

qu’il se trouvait ! un coin de rue une arme ! la main& il devenait détendu& et& dans un st"le asse: rude& radieux$ 'escamarades l’ont décrit comme étant alors muy serena& s]r de ses réflexes et de ses instincts& de ce flair qu’on peutaméliorer mais que la seule expérience ne saurait créer& s]r& pardessus tout& de son courage et de sa chance$ '’il n’avaitété doué de remarquables aptitudes naturelles& jamais il n’aurait vécu prs de vingtdeux ans en horslaloi& et ce sansinterruption& ! l’exception de la prison$

?l semble que ds le début ou presque il se soit trouvé dans les  grupos especificos ou groupes d’action des jeuneslibertaires& qui livraient des duels ! la police& assassinaient des réactionnaires& délivraient des prisonniers& etexpropriaient des banques pour financer un petit journal& trouver régulirement des fonds étant difficile en raison de laméfiance des anarchistes ! l’égard de toute organisation$ ?l n’avait que des activités locales$ #n 19VB F il était ! l’époquemarié& ou plutôt ostensiblement non marié ! une servante originaire de %alence et dont le caractre avait la mmesimplicité biblique que le sien F& il faisait encore tout simplement partie du comité révolutionnaire d’Dospitalet$ ?l partit pour le front dans la colonne  Los ;guiluchos * -es )eunes /igles ,& commandée par Sarcia Mliver& o\ il fit office de

centurion& c’est!dire& comme le nom l’indique& responsable de cent hommes$ Comme ses dons pour le commandementde t"pe orthodoxe étaient manifestement limités& on en fit rapidement un armurier& occupation qui lui convenait trs bienvu sa connaissance des armes et des explosifs$ +ar ailleurs& il était naturellement attiré par la mécanique comme par lecombat$ C’était le genre d’homme qui prend un tas de ferraille et se fabrique une motoc"clette$ ?l ne devint jamaisofficier$

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'abaté combattit tranquillement avec sa colonne qui fut par la suite intégrée ! la U7 e (ivision /scaso& commandée par Sregorio )over jusqu’! la bataille de Aeruel$ ?l ne fut pas utilisé dans les unités spéciales de guérilleros& ce quiindique que ses talents n’avaient pas été reconnus$ +uis& en pleine bataille& il déserta$ -’explication officielle est qu’il sequerella avec les communistes& ce qui est plus que vraisemblable$ ?l s’en retourna ! 2arcelone mener une existenceclandestine que& pour des raisons pratiques& il vécut jusqu’! la fin de ses jours$

@ 2arcelone& sa premire action contre la * coalition stalinobourgeoise , fut de libérer un camarade blessé dans uneescarmouche avec la police républicaine K la seconde& ordonnée une fois de plus par le Comité de défense de la jeunesse anarchiste& consista ! libérer quatre hommes qui avaient été emprisonnés aprs le soulvement de mai 19V4& etque l’on transférait de l’un ! l’autre de ces deux pôles du globe des militants anarchistes qu’étaient la +rison modle et

la forteresse de 6ontjuich$ +uis il fut luimme emprisonné ! 6ontjuich& d’o\ il essa"a de s’échapper$ @ %ich& sanouvelle prison& sa femme lui fit parvenir un revolver& qu’il utilisa pour s’enfuir$ ?l était maintenant repéré$ 'escamarades& pour le planquer& l’envo"rent au front avec une autre unité anarchiste& la UB e (ivision (urruti& avec laquelleil resta jusqu’! la fin$ ?l convient peuttre d’ajouter& pour la gouverne des lecteurs non anarchistes& que l’attachement de'abaté ! la cause républicaine et sa haine de 8ranco ne furent jamais remis en question par ces surprenantes péripéties$

%int la fin de la guerre$ /prs le séjour classique dans un camp de concentration fran<ais& 'abaté se retrouveajusteur prs d’/ngoulme son frre +epe& qui était officier& avait été pris et emprisonné ! %alence K le jeune 6anoloavait ! peine dou:e ans$ 'urpris par l’occupation allemande& il retourna rapidement dans la clandestinité$ 6ais& ! ladifférence de nombreux réfugiés espagnols& ses activités dans la résistance furent marginales$ 'a passion& c’étaitl’#spagne& et uniquement l’#spagne$ /ux environs de 19WU& il était de retour ! la frontire p"rénéenne& malade mais déj!assoiffé de raids$ @ partir de ce moment& il se mit ! opérer seul et ! faire des reconnaissances au long de la frontire$

?l commen<a par faire le tour des fermes de la montagne comme mécanicien et bricoleur ambulant$ +uis& au bout

d’un certain temps& il entra dans un groupe de contrebandiers$ #nsuite il se choisit deux bases& et s’installa commefermier dans l’une d’entre elles& le mas Casenobe-oubette prs de Coustouges& d’o\ il pouvait voir l’#spagne$ -a portion de frontire comprise entre -a +reste et Ceret devait toujours rester * sa , :one$ -es chemins et les gens qu’ilconnaissait se trouvaient l!& et c’est l! qu’il avait ses bases et ses dépôts$ Ce fut en définitive sa perte& car& ! quelques3ilomtres prs& la police savait o\ l’attendre$ +ar ailleurs& c’était inévitable$ (es organisations efficaces peuvent faire passer des courriers ou des guérilleros n’importe o\ entre ?run et +ort 2ou$ 6ais le groupe de petites entreprisesartisanales que constituent les anarchistes vivant dans la clandestinité se compose d’hommes qui sont perdus ds qu’ilsquittent le secteur restreint qu’ils ont euxmmes prospecté$ 'abaté connaissait son secteur K il connaissait les cheminsqui le reliaient ! 2arcelone K surtout& il connaissait 2arcelone$ C’était l! son * fief ,& et jamais il n’opéra nulle partailleurs en #spagne$

)usqu’au printemps 19W5& il servit de guide et fit peuttre des travaux de liaison& mais& sembletil& ne lan<a pas deraids$ C’est au mois de mai de cette annéel! qu’il commen<a ! se faire un nom en arrachant un camarade ! la police en plein milieu de 2arcelone$ +uis vinrent les événements qui firent de lui un héros$ 'on groupe attira un jour l’attention dela Sarde civile ! 2afiolas& l’endroit o\ lui et ses hommes se dispersaient aprs avoir franchi les montagnes$ -es policiers brandirent leurs armes F 'abaté se faisait un point d’honneur de ne pas tirer avant que l’adversaire n’e]t fait mine de lefaire F et l’un d’entre eux fut tué et un autre désarmé$ 'abaté évita ses poursuivants en marchant tout simplement par  petites étapes jusqu’! 2arcelone$ uand il " arriva& la police était au courant$ ?l marcha droit dans une embuscade en serendant ! un mil3bar de la Calle 'anta Aeresa& o\ les camarades avaient l’habitude de se réunir$ 'abaté avait un flair extraordinaire pour les embuscades$ ?l était clair pour lui que les quatre manLuvres qui venaient tranquillement ! sarencontre en bavardant étaient des policiers$ C’est pourquoi il continua nonchalamment ! marcher dans leur direction$uand il fut ! dix mtres& il sortit sa mitraillette$

-a guerre entre la police et les terroristes est une guerre de nerfs autant qu’une guerre d’armes ! feu$ Celui qui a plus peur que l’autre perd l’initiative$ -e secret de cette carrire unique que fut celle de 'abaté aprs 19W5& c’était sa

supériorité morale sur les policiers& supériorité qu’il établissait consciemment en marchant vers eux chaque fois quec’était possible$ -es nerfs des quatre policiers en civil craqurent ; ils se mirent précipitamment ! l’abri& aprs quoi ilstiraillrent de fa<on désordonnée tandis que 'abaté disparaissait$ -ui ne tira pas un coup de feu$

?l se rendit alors che: lui& ce qui témoigne d’une relative inexpérience& pour convenir d’un rende:vous avec sonfrre +epe& qui venait de sortir de la prison de %alence$ -a maison était déj! surveillée& mais 'abaté n’" resta qu’unmoment F le temps de déposer un message F& sortit aussitôt par la porte de derrire et s’en alla dormir dans les bois& prenant apparemment la police de court$ uand il revint le lendemain matin& il flaira l’embuscade& mais trop tard$ 'aroute était coupée par deux voitures qui étaient manifestement des voitures de police$ ?l continua tranquillement sonchemin et les dépassa$ ?l ignorait que dans l’une des voitures se trouvaient deux anarchistes qui avaient été capturés etétaient censés l’identifier$ ?ls ne le firent pas et 'abaté& sain et sauf& continua de marcher paisiblement$

?l faut que le héros soit brave& il avait prouvé qu’il l’était$ ?l doit faire preuve de ruse et de perspicacité$ ?l faut aussiqu’il ait de la chance ou& pour utiliser des termes m"thiques& qu’il soit invulnérable$ Cela aussi& il en avait fait la preuve

 par la fa<on dont il flairait et déjouait les embuscades$ 6ais le héros a également besoin de victoire& or il ne l’avait pasencore remportée F la mort de quelques policiers mise ! part F et& selon des critres rationnels& ne la remporterait jamais$6ais& selon les critres des hommes pauvres& opprimés et ignorants dont l’hori:on se limite ! leur barrio125 ou tout au plus ! leur ville& un horslaloi est victorieux quand il est capable de survivre alors qu’il a contre lui les forces

125 uartier ou district urbain$

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conjuguées des riches& de leurs geôliers et de leur police$ Mr& ! 2arcelone& une des villes o\ les gens savent vraiment ceque c’est qu’un rebelle& il ne faisait de doute pour personne que 'abaté en était capable$ 'abaté en doutait moins quetout autre$

#ntre 19WW et le début des années 1950& eurent lieu des tentatives s"stématiques pour renverser 8ranco$ (eshommes& venus de 8rance& passaient secrtement la frontire et il " eut des actions de guérilla$ Cet épisode n’est pas trsconnu& bien que ces tentatives aient été asse: sérieuses$ 'elon les sources communistes officielles& les guérillerosmenrent 5 V41 actions entre 19WW et 19W9& le plus grand chiffre annuel étant atteint en 19W4 avec 1 V14 actions& et lessources franquistes évaluent ! W00 les pertes subies par les guérilleros dans le sud de l’/ragon& o\ se trouvait le maquisle plus important12$ -es guérilleros opéraient dans pratiquement toutes les régions montagneuses& en particulier dans le

nord et le sud de l’/ragon& mais les guérilleros catalans& qui& ! la différence des autres& étaient presque tous anarchistes&n’avaient pas une grande importance militaire$ ?ls manquaient par trop d’organisation et de discipline et leurs objectifsétaient ceux de leurs cadres& lesquels pratiquaient une politique de clocher$ C’est dans ce genre de groupes anarchistesqu’opérait maintenant 'abaté$

-es considérations de haute politique& de stratégie et de tactique ne le touchaient gure$ +our des hommes commelui& c’étaient l! des notions obscures et irréelles& qui ne prenaient vie que dans la mesure o\ elles devenaient s"mbolesd’immoralité$ -e monde de 'abaté et de ses camarades était un monde abstrait& une allégorie de la condition humaine&avec d’un côté des hommes libres et armés& de l’autre des policiers et des prisons$ #ntre les deux& la masse écrasée destravailleurs indécis qui un jour F peuttre demain F& inspirés par l’exemple de la droiture morale et de l’héro.sme& sedresseraient avec une puissance majestueuse$ 'abaté& ainsi que ses amis& donnait ! ses exploits une rationalisation politique$ ?l pla<ait des bombes dans les consulats de certains pa"s d’/mérique latine pour protester contre un vote !l’MPO+

@ l’occasion de matches de football& il lan<ait des tracts au public ! raide d’un ba:oo3a qu’il avait luimmefabriqué K l’arme ! la main& il entrait dans des bars pour " faire entendre des discours antifranquistes enregistrés sur magnétophone$ ?l dévalisait des banques pour la cause$ +ourtant& ceux qui le connaissaient sont d’accord pour dire quece qui comptait vraiment pour lui& c’était plus l’exemple que les conséquences de l’action$ Ce qui le poussait& demanire irrésistible et obsessionnelle& c’était le désir de faire des raids en #spagne& et l’éternel duel entre les militants etl’=tat ; le sort des camarades emprisonnés& la haine de la police$ uelqu’un d’extérieur ! ce monde peut se demander  pourquoi aucun de ces groupes n’essa"a jamais sérieusement d’assassiner 8ranco ou mme le capitainegénéral de laCatalogne& mais simplement le 'r uintela& de la police de 2arcelone$ 6ais c’est que uintela était ! la tte de la* 2rigade sociale ,& et qu’il avait& disaiton& torturé des camarades de ses propres mains$ ?l est d’ailleurs révélateur F entre autres du manque d’organisation anarchiste F que 'abaté& quand il projeta de l’assassiner& découvrit qu’un autregroupe d’activistes s’était déj! fixé le mme objectif de son côté$

@ partir de 19W5& donc& les exploits héro.ques se multiplirent$ (e source officielle mais c’est une source ! laquelleon ne peut faire totalement confiance& 'abaté procéda ! cinq attaques en 19W4& une en 19W7& et pas moins de quin:e en19W9& année de gloire et de désastre pour les guérilleros de 2arcelone$ /u mois de janvier de cette annéel!& les 'abatése chargrent de trouver des fonds pour la défense d’un certain nombre de prisonniers& dont la liste avait été établie par un dénommé 2allester& qui était suivi par la police depuis sa sortie de prison$ #n février& +epe 'abaté tua un policier quileur tendait une embuscade ! la porte du Ciné Condal& prs du +aralelo& o\ ils avaient rende:vous$ +eu aprs& la policesurprit +epe et )osé -ope: +enedo dans leur sommeil ! la Aorrasa& faubourg peuplé d’émigrants venus du sud etchanteurs de flamenco$ -es deux hommes livrrent bataille& en sousvtements& entre la porte d’entrée et la salle !manger$ -ope: fut tué K +epe& grivement blessé et ! moitié nu& réussit ! s’échapper& traversa ! la nage la rivire-lobregat& arrta un passant et lui prit ses habits sous la menace du revolver& et fit huit 3ilomtres ! pied pour se rendredans un lieu s]r& o\ il fut rejoint par son frre qui lui trouva un docteur et s’arrangea pour le faire passer en 8rance$

#n mars& 'abaté et les * -os 6anos ,& un groupe de jeunes /ragonais& s’allirent pour tuer uintela$ ?ls ne turent&

et par erreur& que deux phalangistes de moindre importance$ uelqu’un avait sorti un tract mena<ant d’attaquer lequartier général de la police& qui& tout effra"ée qu’elle f]t& était sur ses gardes$ #n mai& 'abaté et 8acerias décidrentd’agir en commun pour placer des bombes dans les consulats brésilien& péruvien et bolivien$ -’alarme a"ant été donnée&'abaté démonta tranquillement une bombe ! retardement pour faire en sorte qu’elle explose tout de suite$ ?l lui arrivaitde placer des bombes en se servant tout simplement d’une canne ! pche$ Cependant& en automne& la police contrôlait lasituation$ #n octobre& +epe tomba dans une embuscade& alors qu’il venait d’en éviter une en passant sur le corps d’un policier qu’il avait tué$ Ce moisl! vit la disparition du gros des combattants$

#n décembre mourut un troisime frre 'abaté$ -e jeune 6anolo n’avait jamais été un homme de l’* idée ,$ 'onambition était de devenir torero et& dans son adolescence& il avait quitté la maison familiale pour suivre les novilladas12!

en /ndalousie$ Péanmoins ses frres représentaient une forme d’aventure qui le tentait également$ ?ls ne l’autorisrent pas ! se joindre ! eux& préférant qu’il fasse des études et s’améliore un petit peu& mais son nom lui permit de rentrer dans le groupe du redoutable Tamon Capdevila * Caraquemada , ou * Ate 2r]lée ,& ancien boxeur qui avait quitté le

ring aprs avoir découvert l’* idée ,& et qui était devenu un remarquable expert en explosifs$ ?l faisait& entre autreschoses& sauter des p"lônes& et c’était l’un des rares guérilleros dont l’action f]t quelque peu cohérente$ 6anolo& qui

126 #$ -?'A#T& * -essons of the 'panish Suerilla Ear& 19V91951 ,& Norld 6arxist TevieE& vol$ 7& n U& 19B5& p$ 5V57 K A$ CM''?/'& La Luchacontra el ! 'aquis D en Espa^a& 6adrid& 195B$127  Corridas réservées ! de jeunes taureaux et aux toreros débutants$

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manquait d’expérience& se perdit dans les collines ! la suite d’une escarmouche avec la police et fut arrté$ /vec le nomqu’il portait& il ne risquait pas d’échapper ! l’exécution$ ?l fut fusillé en 1950& ne laissant derrire lui qu’une montrefabriquée en 8rance$

+our lors& 'abaté n’était plus en #spagne et il allait en rester éloigné pendant prs de six ans ! la suite d’un certainnombre d’ennuis& surtout avec la police fran<aise$

Ces ennuis avaient commencé en 19W7& lorsqu’il fut arrté ! la frontire par un gendarme ! l’occasion d’un desinnombrables vo"ages qu’il faisait dans une voiture conduite par un chauffeur 'abaté avait toujours aimé les mo"ensde transport qui lui permettaient de garder les mains libres$ ?l perdit la tte et s’enfuit$ -a police mit la main sur sonarme et& plus tard& dans sa ferme de Coustouges& sur tout un matériel composé d’explosifs& de radios& etc$ #n novembre&

il fut condamné par contumace ! trois ans de prison et ! une amende de 50 000 francs$ /prs avoir été conseillé& il fitappel et& en juin 19W9& se vit infliger une peine anodine de deux mois de prison& qui fut par la suite transformée en peinede six mois& assortie de cinq ans d’interdiction de séjour$ 'es incursions ! la frontire allaient désormais tre illégales&mme en 8rance& et il allait devoir vivre loin des +"rénées et sous surveillance policire$

#n fait& il resta en prison pendant un an& car la police fran<aise l’impliqua dans une autre affaire beaucoup plussérieuse& un holdup ! l’usine Thône+oulenc en mai 19W7& holdup ! la suite duquel un gardien de l’usine était mort$Cela montre bien le manque ahurissant de réalisme des activistes ; alors que leur existence mme dépendait de la bienveillance et de l’indifférence des autorités fran<aises& ils n’hésitaient pas& pour le bien de la cause& ! exproprier la bourgeoisie ! -"on aussi bien qu’! 2arcelone$ 'eul 8acerias eut l’intelligence de ne pas le faire ; lui& c’est en ?taliequ’il dévalisait des banques non espagnoles$ /utre phénomne caractéristique& ils laissaient derrire eux une piste aussifacile ! suivre qu’une autoroute$ SrJce ! de trs bons avocats& la culpabilité de 'abaté ne fut jamais vraiment établie& bien que la police& perdant patience& lui e]t arraché une confession aprs l’avoir passé ! tabac pendant plusieurs jours K

c’est du moins la thse de ses avocats& et elle est asse: plausible$ /prs quatre nonlieux& l’affaire était encore ensuspens au moment de sa mort$ uoi qu’il en soit& et sans parler des soucis qu’elle lui occasionna& cette affaire lui co]ta prs de deux ans de prison$

uand il put commencer ! respirer un peu& ne f]tce que temporairement& 'abaté découvrit que la situation politiqueétait totalement modifiée$ /u début des années 1950& tous les partis avaient abandonné la guérilla pour une tactique plusréaliste$ -es militants se retrouvaient seuls$

-e coup était fatal$ 'abaté& bien qu’incapable d’obéir ! un ordre qu’il n’approuvait pas& était un homme lo"al$C’était pour lui une douleur presque ph"sique que de ne pas avoir l’approbation de ses camarades et& jusqu’! sa mort& ilessa"a constamment& mais sans succs& de la regagner$ Mn lui proposa bien de s’installer en /mérique latine& mais cette proposition n’était pas de nature ! faire passer la pilule$ /utant offrir ! Mthello un poste consulaire ! +aris en échange deson armée$ #n avril 1955& 'abaté était de retour ! 2arcelone$ /u début de l’année 195B& il monta une opération encommun avec 8acerias& mais ces deux individualistes ne tardrent pas ! se séparer$ 'abaté resta pendant quelques mois !2arcelone& o\ il publia un petit journal&  El Combate& et attaqua la 2anco Central avec un ami et ! l’aide d’une fausse bombe$ #n novembre& il revenait pour un holdup ! la grosse usine de textile de Cubiertos " Aajados& qui rapporta prsd’un million de pesetas$

-a police fran<aise& renseignée par la police espagnole& retrouva sa trace$ ?l perdit sa base de -a +reste et fut !nouveau emprisonné$ ?l sortit de prison en mai 1957& mais tomba malade dans les mois suivants& aprs avoir subi unegrave opération pour des ulcres$ (ans l’intervalle& 8acerias avait été tué$ C’est alors qu’il jeta les plans de son prochainraid& le dernier$

@ l’exception de quelques amis& il était maintenant seul$ 6me l’organisation& par sa réprobation silencieuse&semblait donner raison aux fascistes et aux bourgeois qui le considéraient comme un simple bandit$ 6me ses amis luidirent& et ils ne se trompaient pas& qu’un autre raid équivalait ! un suicide$ ?l avait considérablement vieilli$ Aout ce quilui restait& c’était sa réputation de héros et une conviction passionnée qui lui conférait& bien que par ailleurs il ne f]t pas

trs doué pour la parole& un remarquable pouvoir de persuasion$ Ce pouvoir& il alla l’exercer& au mépris des ordonnancesde la police fran<aise& dans tous les meetings d’émigrés& o\ il arrivait avec une grosse serviette& silhouette trapue quiévitait toujours de s’asseoir dans un coin$ ?l n’était  pas un bandit$ -’#spagne sans champions de la cause& c’étaitinadmissible$ ui sait& il serait peuttre un jour le 8idel Castro de son pa"s$ Comment pouvaiton ne pas lecomprendre

?l réunit quelques fonds et persuada certains& asse: nombreux& mais presque tous inexpérimentés& de prendre lesarmes$ ?l partit avec le premier groupe& composé d’/ntonio 6iracle& emplo"é de banque récemment sorti de laclandestinité& de deux jeunes ! peine Jgés de vingt ans& Togelio 6adrigal Aorres et 6artin Tui:& et d’un homme mariéde trente ans dont on ne connaZt que le nom& un certain Conesa K tous venaient de -"on et de Clermont8errand$ -esautres ne firent jamais le vo"age$ ?l revit sa famille ! la fin de l’année 1959& mais sans lui faire part de ses projets$ +uis il partit vers ce qui F tout le monde le savait& sauf peuttre luimme F allait tre sa mort$

Ce qu’on peut dire& c’est qu’il mourut comme il l’aurait souhaité$ -e groupe fut repéré par la police& certainement

renseignée& ! quelques 3ilomtres de la frontire& mais réussit ! se dégager$ (eux jours aprs& ils étaient encerclés dansune ferme isolée K le sige dura dou:e heures$ uand la lune eut disparu& 'abaté lJcha le bétail& lan<a une grenade& et profita de la panique pour disparaZtre silencieusement aprs avoir tué son dernier policier$ 6ais il était blessé et tous sescompagnons étaient morts$ (eux jours plus tard& le B janvier& il arrta le train de B h U0 allant de Serona ! 2arcelone au petit arrt de 8ornells et ordonna au mécanicien de foncer sans s’arrter$ C’était impossible& tous les trains s’arrtant !6assanet6assanas pour prendre la traction électrique$ 'a blessure au pied s’était infectée$ ?l boitait& avait de la fivre&

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et se soutenait ! coups d’injections de morphine grJce ! la trousse d’urgence qu’il portait sur lui$ One balle lui avaitégalement laissé une écorchure derrire l’oreille& et une autre lui avait traversé l’épaule& mais ces deux blessures étaientmoins graves$ ?l mangea le cassecro]te des cheminots$

@ 6assanet& il se dissimula dans le Eagon postal& puis grimpa sur la locomotive électrique qui venait d’tre attelée&et réussit ! atteindre la cabine du mécanicien& qu’il mena<a de son arme$ -! encore il lui fut répondu qu’il étaitimpossible& sans risquer d’accident& d’aller tout droit jusqu’! 2arcelone au mépris de l’horaire prévu$ )e crois qu’! cemomentl! il se rendit compte qu’il allait mourir$

On peu avant la petite ville de 'an Celoni& il fit ralentir le train et sauta en marche$ (s lors& tout au long de la ligne&la police était sur les dents$ -a fivre lui donnait soif et il demanda du vin ! un charretier et le but ! grandes gorgées$

+uis il demanda ! une vieille femme o\ il pourrait trouver un docteur$ #lle l’envo"a ! l’autre bout de la ville$ ?l manqua&sembletil& la maison de la bonne du docteur F en effet& le cabinet était fermé F et frappa ! la porte d’un certain8rancisco 2erenguer qui& se méfiant de ce personnage hagard& sale& vtu d’un bleu de chauffe et porteur d’un pistolet etd’une mitraillette& refusa de le laisser entrer$ -es deux hommes en vinrent aux mains$ @ ce momentl!& deux policiersapparurent au bout des deux rues au coin desquelles ils étaient en train de se battre$ 'abaté mordit la main de 2erenguer  pour pouvoir saisir son pistolet F il ne pouvait plus prendre la mitraillette F et blessa un dernier policier avant de tomber au coin de la Calle 'an )ose et de la Calle 'an Aecla$

* '’il n’avait pas été blessé& diton ! 'an Celoni& jamais ils ne l’auraient eu K la police avait trop peur de lui$ , 6aisla plus belle épitaphe est celle qu’un de ses amis& ma<on ! +erpignan& pronon<a devant la %énus de 6aillol qui embellitle centre de cette ville charmante$ * uand nous étions jeunes& et que la Tépublique fut fondée& nous étions descombattants& mais avec une Jme caballeresco pero espiritual $ Pous avons vieilli& mais pas 'abaté$ C’était& par nature&un guérillero$ Mui& c’était un de ces (on uichotte que produit l’#spagne$ , C’était dit& peuttre ! juste titre& sans

aucune ironie$6ais il eut mieux que des épitaphes ; il re<ut l’accolade finale& celle que re<oit le bandithéros et le champion des

opprimés lorsqu’on se refuse ! croire ! sa mort$ * Mn raconte& dit un chauffeur de taxi quelques mois aprs sa mort&qu’ils firent venir son pre et sa sLur pour identifier le corps K ils le regardrent et dirent ; ce n’est pas lui& c’estquelqu’un d’autre$ , -’histoire était fausse mais& sur le plan spirituel& elle était vraie& car c’était le genre d’homme quiméritait cette légende$ 6ieux ; dont la seule récompense pouvait tre cette légende héro.que$ 'i on prend des critresrationnels et réalistes& sa carrire fut un gJchis$ ?l ne réalisa jamais rien et mme le produit de ses vols fut de plus en plus englouti par les dépenses croissantes que nécessitait sa semiclandestinité F faux papiers& armes& potsdevin& etc$ F&si bien qu’il ne restait presque rien pour la propagande$ ?l ne donna mme jamais l’impression de pouvoir arriver ! quoique ce soit& sinon ! faire condamner ! mort tous ceux dont on savait qu’ils étaient en rapport avec lui$ -a justificationthéorique de l’insurgé& ! savoir que la simple volonté de faire la révolution peut servir de catal"seur et créer objectivement des conditions révolutionnaires& ne pouvait s’appliquer ! 'abaté& car il était impensable que son action etcelle de ses amis pussent amener un large mouvement$ -eur propre justification était plus simple et plus homérique ; puisque les hommes sont bons& braves et purs de nature& le simple spectacle de la générosité et du courage& pour peuqu’il soit répété asse: souvent& doit finir par leur faire honte et les sortir de leur torpeur$ 6ais cet argumentl! n’avait pas non plus beaucoup de chances de succs$ ?l ne pouvait en sortir qu’une légende$

+ar sa pureté et sa simplicité& 'abaté était fait pour devenir légendaire$ ?l vécut et mourut dans la pauvreté$ -afemme du célbre pilleur de banques travailla comme servante jusqu’! la fin de ses jours$ -es banques& 'abaté ne les pillait pas simplement pour de l’argent& mais& comme le torero qui affronte des taureaux& pour faire preuve de soncourage$ +as question pour lui d’imiter l’astucieux 8acerias& qui avait découvert le mo"en le plus s]r de trouver del’argent ; il suffisait de faire une descente dans un certain t"pe d’hôtel ! deux heures du matin K on pouvait tre s]r queles bons bourgeois qui s’" trouvaient au lit avec leur maZtresse étaient prts ! donner ce qu’ils avaient et n’appelleraient pas la police12"$ +rendre de l’argent sans prendre de risques n’était pas digne d’un homme F pour cette raison 'abaté

 préféra toujours attaquer une banque avec moins d’hommes qu’il n’en fallait F et& inversement& prendre de l’argent enrisquant sa vie& c’était un peu& au sens moral& en  payer   le prix$ /ller toujours au1devant   des policiers n’était passeulement& sur le plan ps"chologique& une bonne tactique& c’était aussi la manire du héros$ 'abaté aurait certainement pu obliger les conducteurs du train ! foncer droit sans s’arrter& mme si cela ne lui avait pas servi ! grandchose$ 6ais&moralement& il ne pouvait pas courir le risque de tuer des hommes qui n’étaient pas ses ennemis$

?l n’" a pas de figure légendaire qui ne soit une épure$ ?l n’" a pas de héros tragique sans ce dépouillement total quilui permet de se découper sur l’hori:on dans l’attitude qui résume le sens profond de son rôle ; (on uichotte et sesmoulins K les combattants de l’Muest m"thique& seuls avec leur colt dans une rue vide& sous la lumire blanche de midi K8rancisco 'abaté -lopart& * uico ,$ ?l reste présent ! notre mémoire en compagnie d’autres héros& et c’est justice$

CD/+?AT# 10$-# 2/P(?A CM66# 'Q62M-# Pous n’avons jusqu’! présent examiné que la réalité des bandits sociaux et nous n’avons étudié leur légende ou leur 

m"the que pour éclairer cette réalité& le rôle social qu’ils sont censés jouer et par conséquent jouent souvent et leur relation idéale donc souvent réelle avec le peuple$ +ourtant ces légendes n’agissent pas simplement sur les genshabitués ! tel ou tel t"pe de bandit$ #lles sont en fait bien plus largement et plus généralement répandues$ -e bandit

128 @ vrai dire& le caractre espagnol infirma cette théorie ; un riche amant& désireux peuttre d’impressionner sa jeune maZtresse& se fit tuer enrésistant$

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n’est pas qu’un homme& c’est aussi un s"mbole$ /ussi devonsnous& au terme de cette étude& examiner ces aspects moinsimmédiats du banditisme$ ?ls sont curieux pour au moins deux raisons$

-a légende du bandit parmi les pa"sans euxmmes a quelque chose de singulier en ce sens que de célbres horslaloi& en dépit de leur immense prestige personnel& ne connaissent qu’une réputation quelque peu éphémre$ Tobin des2ois& qui& ! bien des égards& représente pourtant la quintessence de la légende du bandit& est lui aussi& dans ce domainecomme dans tant d’autres& en quelque sorte at"pique$ -e vrai Tobin des 2ois& l’original& n’a jamais été identifié demanire incontestable& alors que tous les autres banditshéros pour lesquels j’ai pu procéder ! des vérifications peuventtre rattachés& si m"thologiques qu’ils soient devenus& ! un individu identifiable vivant dans une localité précise$ 'iTobin des 2ois a existé& ce fut avant le >?%e sicle& époque ! laquelle le c"cle de sa légende est pour la premire fois

couché par écrit$ Cette légende est donc populaire depuis au moins six cents ans$ Aous les autres banditshérosmentionnés dans cet ouvrage ! l’exception des protagonistes des romans populaires chinois sont beaucoup plusrécents$ 'ten3a Ta:in& le chef rebelle des pauvres de Tussie& date des années 1B40& mais la plupart des personnages dontla légende était vivante au >?>e sicle F o\ l’on se mit ! collectionner s"stématiquement les ballades F appartiennent au>%???e& qui ainsi semble tre l’Jge d’or des banditshéros ; c’est le cas de )anosi3 en 'lovaquie& de (iego Corrientes en/ndalousie& de 6andrin en 8rance& de Tob To" en =cosse& et des criminels admis au panthéon du bandit social& par exemple (ic3 Aurpin& Cartouche et 'chinderhannes$ 6me dans les 2al3ans& o\ l’histoire écrite des haWdoucs et desclephtes commence au >%e sicle& les premiers héros clephtes ! survivre en tant que tels dans les ballades sont& sembletil& Christos 6illionis années 14W0 et 2u3ovallas& qui lui était postérieur$ ?l est inconcevable que pareils hommesn’aient pas été plus tôt le sujet de chansons et d’histoires$ (e grands bandits insurgés comme 6arco 'ciarra ! la fin du>%?e sicle ont eu nécessairement leur légende$ -’un au moins des grands bandits de cette époque extrmement agitée F 'erralonga en Catalogne F devint un héros populaire dont on se souvenait encore au >?>e sicle& mais c’est peuttre un

cas inhabituel$ +ourquoi donc la plupart d’entre eux sontils oubliés ?l est possible que la culture populaire de l’#urope occidentale ait connu certains changements susceptibles

d’expliquer la floraison du m"the du bandit au >%???e sicle& mais ils ne sauraient rendre compte de l’apparition dumme phénomne au mme moment en #urope orientale$ Mn pourrait suggérer qu’une culture purement orale F or ceuxqui perpétuaient la gloire des banditshéros étaient illettrés F a la vie relativement brve$ /udel! d’un certain nombre degénérations& le héros individuel est absorbé& dans la mémoire des hommes& par l’image collective des héros légendairesdu passé& l’homme se fond dans le m"the et le s"mbolisme rituel& si bien qu’! partir de ce momentl! le héros qui&comme Tobin des 2ois& n’est pas tombé dans l’oubli& ne peut plus tre replacé dans le contexte de l’histoire réelle$ Cetteexplication est probablement vraie& mais pas entirement$ #n effet la tradition orale peut se perpétuer audel! de dix oudou:e générations$ Carlo -evi rapporte que& dans les années 19V0& les pa"sans de la 2asilicate avaient un souvenir trsvif& bien qu’imprécis& de deux épisodes qui& pour eux& faisaient partie de * leur propre , histoire ; l’époque des brigands&soixantedix ans plus tôt& et l’époque& vieille de plusieurs sicles& des grands empereurs Dohenstaufen$ -a triste vérité&c’est probablement que les héros des époques lointaines survivent parce qu’ils ne sont pas  seulement   les héros des pa"sans$ -es grands empereurs avaient leurs clercs& leurs chroniqueurs et leurs potes& ils ont laissé d’immensesmonuments de pierre& ils représentent non pas les habitants d’un coin perdu des montagnes qui ressemble ! tantd’autres coins perdus& mais des =tats& des empires& des peuples$ /ussi '3anderbeg et 6ar3o raljevic survivent depuisle 6o"en ^ge dans les récits épiques d’/lbanie et de 'erbie& mais 6ihat le vacher et )uhas: /ndras /ndras le 2erger&contre qui! ;ucun fusil ne peut rien

 Et qui attrape de sa main nue Les balles que lui envoient les Pandurs129 D

finissent par disparaZtre$ -e grand bandit est plus fort que le pa"san ordinaire& il est plus célbre et on se souvient plus longtemps de son nom& mais il n’en est pas moins mortel$ '’il est immortel& c’est seulement parce qu’il " aura

toujours un autre 6ihat ou un autre /ndras pour prendre son fusil et gagner les collines ou les grandes plaines$-’autre particularité du banditisme est mieux connue$ -es bandits appartiennent ! la pa"sannerie$ 'i on accepte lathse que j’ai soutenue dans cet ouvrage& on ne peut les comprendre que dans le contexte d’une société pa"sanne donton peut dire& sans beaucoup s’avancer& qu’elle est aussi éloignée de la plupart des lecteurs que l’ancienne =g"pte& et quel’histoire lui réserve certainement le mme sort qu’! l’Jge de pierre$ +ourtant F et c’est cela qui est étrange etdéconcertant F le mythe du bandit a toujours exercé sa fascination bien audel! des limites de son territoire d’origine$ #n/llemagne& les historiens de la littérature ont inventé une catégorie littéraire bien distincte& le  Nuberromanti0  * romandes bandits , qui abonde en Luvres  Nuberromane dont l’apanage n’est pas du tout réservé aux /llemands et dontaucune n’a été écrite pour des pa"sans ou des bandits$ -e sousproduit caractéristique de ce genre& c’est le bandithéros purement fictif& Tinaldo Tinaldini ou )oaquim 6urieta$ /utre phénomne encore plus remarquable& le bandithérossurvit mme ! l’époque de la révolution industrielle de la culture et apparaZt dans les mass media de la vie urbaine ! lafin du >>e sicle& soit sous sa forme d’origine dans des émissions de télévision consacrées ! Tobin des 2ois et ! ses

 jo"eux compagnons& soit sous une forme plus moderne& devenant alors héros de Eestern ou gangster$ue le banditisme social soit reflété par la culture officielle des pa"s o\ il est endémique& c’est tout ! fait normal$Cervantes introduisit tout naturellement dans son Luvre les célbres brigands espagnols de la fin du >%? e sicle& etNalter 'cott fit de mme avec Tob To"$ (es écrivains hongrois& roumains& tchques et turcs consacrent des romans !

129 /$ )$ +aterson& The 'agyars+ Their Country and nstitutions& vol$ 1& -ondres& 17B9& p$ U1V$

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des banditshéros réels ou imaginaires13$$ 6odernisant le genre F et le déformant légrement F un romancier mexicainsoucieux de discréditer le m"the tente de ramener le héros aux proportions d’un criminel ordinaire dans  Los Bandidosdel Nio Yrio$ (ans ces pa"s& les bandits et le m"the du bandit font partie de la vie& ce sont des faits importants qu’il estimpossible de négliger$

-e m"the du bandit est également compréhensible dans les pa"s hautement urbanisés& mais qui possdent encorequelques espaces vides& des * terres vierges , ou un * Muest ,& qui leur rappellent un passé héro.que& parfois imaginaire&donnent ! la nostalgie un champ sur lequel elle peut s’exercer concrtement& s"mbolisent la pureté perdue etreprésentent un territoire indien spirituel& vers lequel l’homme peut imaginer que& tel Tuc3 8inn& il * décampe , quandles contraintes de la civilisation deviennent trop lourdes$ -! Ped ell"& horslaloi et coureur des bois& continue d’errer&

tel que l’a peint l’/ustralien 'idne" Polan& fantomatique& tragique& mena<ant et fragile dans son armure bricolée&traversant sans arrt la campagne australienne br]lée par le soleil& attendant la mort$-’image culturelle du bandit& image littéraire ou populaire& est donc un document sur la vie contemporaine dans les

sociétés archa.ques et représente& dans les sociétés avancées& la nostalgie de l’innocence perdue et de l’aventure$ 6aiselle n’est pas que cela$ 'i l’on fait abstraction du cadre local et social du brigandage& il reste une émotion et un rôle permanents K il reste la liberté& l’héro.sme& et le rve de justice$

-e m"the de Tobin des 2ois insiste sur le premier idéal et sur le dernier$ Ce qui& de la vie dans la fort ! l’époquemédiévale& demeure aujourd’hui sur les écrans de télévision& ce sont des hommes libres et égaux& unis par lacamaraderie& invulnérables ! l’autorité et qui sont les champions des pauvres et des victimes de l’oppression et del’imposture$ -a version classique du m"the du bandit dans la culture des élites met l’accent sur les mmes éléments$ Les

 Brigands de 'chiller sont un h"mne ! la vie libre dans la fort& et le chef& le noble arl 6oor& se rend afin qu’un pauvresoit sauvé par la récompense promise pour sa capture$ -e Eestern et le film de gangsters soulignent le second idéal&

l’héro.sme& quitte ! s’opposer ! la moralité conventionnelle& qui n’attribue l’héro.sme aux  gunfighters que s’ils sontmoralement bons ou tout au moins ambigus$ +ourtant& c’est indéniable& le bandit est brave& ! la fois dans l’action etcomme victime$ ?l sait mourir& gardant jusqu’au bout un air de défi et c’est un homme auquel peuvent s’identifier lesinnombrables adolescents des basquartiers et des faubourgs& qui ne possdent que ces dons répandus mais précieux quesont la force et le courage$ (ans une société o\ les hommes vivent soumis& esclaves de machines de métal ou rouages dela machine humaine& le bandit& dans la mort comme dans la vie& refuse de se courber$ ?l n’est pas donné F on l’a déj! vu F ! tous les bandits légendaires de survivre et d’alimenter les rves des citadins frustrés$ #n fait& les grands bandits del’histoire ne résistent presque jamais au passage d’une société agraire ! une société industrielle& sauf quand ils en sont pratiquement contemporains ou qu’ils ont auparavant été embaumés par les soins de la littérature& grande spécialiste dela préservation$ /u milieu des gratteciel de 'ao +aulo& on imprime aujourd’hui des petits livres bon marché consacrés !-ampiao& parce que les millions de personnes appartenant ! la premire génération des immigrants venus du Pordeste brésilien ont toutes entendu parler du grand canga.eiro& qui fut tué en 19V7& date ! laquelle étaient déj! sur terre tousceux qui ont plus de trente ans$ ?nversement& si les /nglais et les /méricains du >> e sicle connaissent Tobin des 2ois* qui prenait aux riches pour donner aux pauvres ,& et si les Chinois du >> e sicle connaissent * 'ung chiang la +luie2ienfaisante GHI qui aide ceux qui sont dans le besoin et fait peu de cas de l’argent ,& c’est parce que l’écriture etl’imprimerie ont fait d’une tradition locale et orale une tradition nationale et permanente$ Mn pourrait dire que ce sontles intellectuels qui ont permis la survie des bandits$

#n un sens& c’est encore vrai aujourd’hui$ -a redécouverte des bandits sociaux ! notre époque est l’Luvred’intellectuels F écrivains& cinéastes& et mme historiens$ Ce livre est une contribution ! cette redécouverte$ )’ai essa"éd’" expliquer le phénomne du banditisme social& mais aussi d’" présenter des héros& )anosi3& Tos:a 'andor& (ovbus&(oncho %atach& (iego Corrientes& )ancu )iano& 6usolino& Siuliano& 2u3ovallas& 6ihat le %acher& /ndras le 2erger&'antanon& 'erralonga et Sarcia ; un défilé continuel de guerriers qui ont la vitesse du cerf& la noblesse de l’aigle et laruse du renard$ @ l’exception de quelquesuns d’entre eux& ils ne furent jamais connus que dans leur lieu de naissance et

dans un ra"on de moins de cinquante 3ilomtres& et pourtant ils eurent autant d’importance pour leur peuple que des Papoléon et des 2ismarc3 K sans doute plus d’importance que le vrai Papoléon et le vrai 2ismarc3$ uand un hommeest insignifiant& il ne devient pas& comme )anosi3& le sujet de centaines de chansons& pleines d’orgueil et de nostalgie ;! Le coucou a chanté(ur la branche s%che

 ls ont tué (huha) Et les temps sont durs131+ D

Car les bandits appartiennent ! l’histoire qui reste dans la mémoire et qui diffre de l’histoire officielle& celle deslivres$ ?ls font moins partie de l’histoire qui décrit les événements et ceux qui les ont fa<onnés que de celle qui présenteles s"mboles des facteurs& théoriquement contrôlables mais en réalité incontrôlés& qui déterminent le monde des pauvres ; les rois justes et les hommes qui apportent la justice au peuple$ C’est pourquoi la légende du bandit arriveencore ! nous émouvoir$ 6ais laissons le dernier mot ! ?van Mlbracht& car personne ou presque n’a& mieux que lui& parlé

de ce sujet ;

130 )e pense au roman de Rsigmond 6MT?CR sur 'andor Tos:a& au livre de +ana.t ?'AT/A?&  Les aWdoucs& !  'ehmed le 'ince& de Qashar #6/-& et surtout au remarquable =er NaSber Ji0ola (chuha) du Achque ?van M-2T/CDA$131 ?$ Mlbracht& ibid& p$ 11V+

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! L’homme a une soif ine7tinguible de )ustice+ ;u fond de son cur, il se rebelle contre un ordre social qui la lui refuse,et, quel que soit le monde dans lequel il vit, il accuse d’in)ustice soit cet ordre social, soit l’univers tout entier+ l est envahi par une e7igence étrange et infle7ible qui lui commande de se souvenir et le pousse - la réfle7ion et auchangement I de plus, il porte en lui le désir d’avoir ce qu’il n’a pas, ne serait1ce que sous la forme d’un conte de fées+C’est l- peut1*tre le fondement des sagas héroWques de tous les @ges, de toutes les religions, de tous les peuples, et detoutes les classes132+ D

C’est aussi vrai de notre temps$ C’est pourquoi Tobin des 2ois est également& et demeurera& notre héros$

/PP#># /$ -#' 8#66#' #A -# 2/P(?A?'6#

-es bandits aiment les femmes& la chose est bien connue& et leur orgueil et leur rang les poussent ! faire ainsi la preuve de leur virilité$ /ussi& la fonction des femmes au sein du banditisme estelle le plus généralement une fonctionamoureuse$ ?l arrive que les bandits antisociaux ajoutent ! leur activité sexuelle la pratique du viol& qui peut& en certainescirconstances& garantir le silence des victimes$ * ?ls disaient qu’ils nous faisaient tout cela pour nous empcher de parler& tellement nous aurions honte& et pour montrer de quoi ils étaient capables ,& déclara une Colombienne auxguérilleros auxquels elle se joignit ensuite133$ Cependant& comme le remarquait 6achiavel il " a longtemps& qui faitviolence aux femmes devient inévitablement impopulaire& et les bandits qui comptent sur le soutien ou la complicité du peuple doivent tenir la bride ! leurs instincts$

(ans la bande de -ampiao& le viol était interdit * sauf pour des raisons valables ,& c’est!dire vraisemblablementen signe de chJtiment ou de vengeance& ou encore pour répandre la terreur$ (ans les guérillas pa"sannes& cette rgle estappliquée avec la plus grande rigueur ; * Pous expliquons la rgle ; un guérillero qui viole une femme& quelle qu’ellesoit& passe en cour martiale$ , 6ais& che: les guérilleros comme che: les bandits& * si la chose est naturelle et si la

femme est d’accord& alors il n’" a aucun problme134 ,$-es bandits vont rendre visite ! leurs amies& ce qui facilite la pol"g"nie de facto$ 6ais on sait que& dans certains cas&

il est arrivé ! des femmes de partager la vie errante des bandits& bien que les bandes qui autorisent s"stématiquementcette pratique soient probablement peu nombreuses$ ?l semble que la bande de -ampiao ait été la seule dans le Pordeste brésilien$ #t mme dans ce cas& les hommes& lorsqu’ils partaient pour une expédition particulirement longue etdangereuse& préféraient laisser les femmes derrire eux& souvent contre leur gré K en effet& * par respect pour sacompagne régulire135 ,& un homme pouvait difficilement& en sa présence& se livrer ! des aventures amoureuses$

(e fa<on générale& la femme& ! l’intérieur d’une bande& ne sortait pas de son rôle sexuel$ #lle ne portait pas d’arme !feu& et normalement ne participait pas aux combats$ 6aria 2onita& la femme de -ampiao& * brodait& cousait& cuisinait&chantait& dansait et accouchait en pleine brousseH #lle se contentait de suivre son mari$ #n cas de nécessité& elle participait aux combats& mais en général& elle ne faisait qu’" assister& et priait son mari de ne pas prendre trop derisques13 ,$ Péanmoins& (ada& la femme de son lieutenant& Corisco& ressemblait davantage ! -ad" 6acbeth& et auraittrs bien pu commander une bande$ -a présence de ce qui est toujours une petite minorité de femmes au sein d’ungroupe d’hommes est une source évidente d’inconvénients& qui peuvent tre minimisés par la crainte d’un chef redoutable& ou& dans les groupes hautement politisés de guérilleros pa"sans& par la discipline et la morale de la cause$ -a principale raison pour laquelle les bandits répugnent ! prendre des femmes avec eux ou ! faire violence ! leurs prisonnires& c’est peuttre que rien ne sape autant la solidarité que la rivalité sexuelle$

-es femmes jouent également un autre rôle& moins connu& ! l’intérieur du banditisme& en aidant les bandits et en leur fournissant des liens avec le monde extérieur$ Mn peut supposer qu’elles aident surtout leurs parents& leurs maris ouleurs amants$ ?nutile d’en dire long sur cette fonction$

#lles en ont une troisime& car il arrive qu’elles soient ellesmmes des bandits$ ?l " a peu de femmes qui participentactivement aux combats& mais les ballades haWdoucs  des 2al3ans voir chapitre B 13! présentent un nombre de cassuffisant pour nous faire penser que& tout au moins dans certaines parties du monde& elles constituaient un phénomne

reconnu$ (ans le département péruvien de +iura& par exemple& il " en eut plusieurs entre 1914 et 19V4& dont certainesétaient chefs de bande$ -es plus célbres sont Tosa +alma de Chulucanas& qui& diton& gagna mme le respect duredoutable 8roilan /lama& le plus célbre chef de bande de l’époque& l’homosexuelle Tisa TuirXas& originaire de6orropon& communauté connue pour son esprit combatif& et 2arbara Tamos& de l’ hacienda Duapalas& dont deux frresétaient bandits et dont l’ami l’était également13"$ Ces femmes étaient réputées pour leurs qualités de cavalires& pour leur adresse au tir et pour leur bravoure$ @ part leur sexe& il semble que rien ne permette de les distinguer des autres bandits$-’histoire du brigandage argentin peut s’enorgueillir de compter une formidable montonera et voleuse de grand chemin&

132 ?$ Mlbracht& ibid& p$ 4B44$133  =iario de un guerillero latino americano& 6ontevideo& 19B7& p$ B0$134

 ?bid$& p$ B0B1$135 6$ ?$ +#T#?T/ (# O#?TMR& As Cangaceiros& p$ 149$136 ?bid$& p$ 17V$137  C$ )$ )?T#C#& op$ cit$& p$ W4B$138 Cor$ %$ R/+/A/ C#'A?& La =elincuencia en el Peru& -ima& s$d$& p$ U05U0B$ Mn ignore ce qu’elles sont devenues& et elles ne figurent pas sur laliste des bandits arrtés et tués dans cette région& liste donnée par le général T$ 6erino /rana dans  istoria Policial dei Peru& -ima& s$d$& et quicontient pourtant le nom de quelques autres femmes$

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6artina Chapana" 1499vers 17B0& d’origine indienne& qui s’était battue aux côtés de son mari et continua aprs lamort de ce dernier 13#$

2ien que le grand roman du banditisme chinois& ;u bord de l’eau& compte des héro.nes femmes& en Chine commeailleurs rares étaient celles qui venaient grossir les rangs des horslaloi$ =tant donné la pratique du bandage des pieds&qui empchait les femmes de marcher librement& cela n’est gure surprenant$ #n revanche& elles étaient plusnombreuses dans les régions de banditisme ! cheval& et l! o\ le bandage n’était pas pratiqué& comme au sein de laminorité Da33a$ -e nombre important de femmes que l’on a identifiées comme chefs de bande ! partir des Aaiping est plus surprenant$ -’extraordinaire 'u 'anniang& qui était renommée pour * tuer les riches et aider les pauvres , devintl’héro.ne de nombreux pomes$ (ans la plupart des cas& il semble qu’elles soient passées au banditisme pour venger la

mort de leurs maris ou& plus rarement& d’autres parents& ce qui peut expliquer pourquoi leurs noms sont rarementrépertoriés$Mn peut peuttre trouver en /ndalousie une explication du phénomne du banditisme féminin$ Pon seulement

l’existence de ce genre de femmesbandits " est attestée par exemple& au >?> e  sicle& Aorralba de -ucena& quis’habillait en homme& et 6aria 6rque: Rafra& * -a 6arimacho ,& mais elles occupent une place trs particulire dansla légende sous le nom de serranas les montagnardes 14$$ -a * serrana , t"pique devient horslaloi et se venge en particulier des hommes parce qu’elle a été * déshonorée ,& c’est!dire déflorée$ Cette manire activiste de réagir audéshonneur est sans doute encore plus rare proportionnellement che: les femmes que che: les hommes& mais les plusmilitants des mouvements de libération de la femme auront peuttre plaisir ! noter que cette manire est reconnuemme par les sociétés traditionnelles$ Péanmoins& comme tant d’autres& cet aspect du banditisme n’a pas encore étésuffisamment approfondi$

(ans les sociétés qui produisent des bandits& la plupart des femmes * déshonorées ,& dans la mesure o\ elles sont

vengées& sont susceptibles de trouver des défenseurs che: les hommes$ -a défense de l’* honneur ,& c’est!dire engrande partie l’* honneur , sexuel des femmes& est sans doute la plus importante des raisons qui poussaient les hommes! devenir des horslaloi dans les régions classiques du banditisme& c’est!dire les pa"s méditerranéens et les pa"s latinsd’outremer$ -e bandit " assumait ! la fois la fonction de la statue du Commandeur et celle de (on )uan K sur ce point&comme sur tant d’autres& il partageait les valeurs de son univers social$

/PP#># 2$-/ AT/(?A?MP (O 2/P(?A&

Comme le sait quiconque va au cinéma ou regarde la télévision& les bandits& quels qu’ils soient& n’existentgénéralement qu’enveloppés dans un nuage de m"thologie et de fiction$ Comment peuton découvrir la vérité ! leur égard Comment peuton faire la part du m"the

-a plupart des bandits qui font l’objet de telles m"thologies ont disparu depuis longtemps ; Tobin des 2ois si tantest qu’il ait existé vécut au >???e sicle& bien qu’en #urope la plupart des figures héro.ques prennent appui sur desindividus qui vécurent entre le >%?e et le >%???e sicle& probablement parce que l’invention de l’imprimerie donna coursau principal médium assurant la survie des anciens récits de bandits ; la ga:ette ou le roman populaire$ Aransmis d’ungroupe de narrateurs ! un autre& d’un endroit et d’un public ! un autre& et ce de génération en génération& ce véhicule nenous livre gure d’informations a"ant une valeur documentaire sur les bandits euxmmes& si ce n’est le fait que& pour une raison ou pour une autre& ils occupent une place dans les mémoires$ @ moins qu’ils n’aient laissé des traces dans lesregistres judiciaires ou ceux des autorités qui les ont pourchassés& nous ne disposons pas de véritables tracesdocumentaires les concernant$ Ce n’est qu’! partir du >?>e sicle que des vo"ageurs étrangers a"ant capturé des banditsnous ont laissé des rapports de ce genre& en particulier dans l’#urope du 'ud#st K et ce n’est pas avant le >> e sicle quedes journalistes se sont montrés soucieux d’interroger des jeunes hommes arborant des cartouchires et se montrant plusque désireux de leur parler$ 6ais on se saurait non plus prendre pour argent comptant ces témoignages& ne seraitce que

 parce que les témoins étrangers ne savaient en général que peu de choses sur la situation locale& mme s’ils étaient !mme de comprendre F pour ne pas dire de parler F des patois parfois incompréhensibles& et savaient résister auxavances de rédacteurs désireux de faire sensation$ /u moment o\ j’écris ces lignes& l’enlvement d’étrangers F en vued’obtenir une ran<on ou d’arracher des concessions au gouvernement F est une activité en vogue dans la républiquearabe du Qémen$ +our autant que je puisse en juger& les otages libérés ont livré bien peu d’informations pertinentes$

?l va de soi que la tradition structure elle aussi la connaissance que nous avons des bandits& " compris celle des bandits sociaux du >>e sicle F ils furent nombreux F au sujet desquels nous disposons d’informations exactes et de premire main$ Aant les bandits que ceux qui relatent leurs aventures sont familiarisés depuis leur enfance avec le rôleque joue le * bon bandit , dans le drame que vivent les pa"sans pauvres& et les premiers ne manquent pas de lerevendiquer& tandis que les seconds le leur attribuent avec facilité$ -’ouvrage de 6$ -$ Su:man& The 'emoirs of PanchoVilla141& n’est pas seulement fondé en partie sur les propos de %illa ; il est l’Luvre d’un homme qui était ! la fois unegrande figure littéraire du 6exique& mais aussi selon le biographe de %illa * un savant extrmement sérieux142 ,$ #t

 pourtant& au fil des pages& le début de la carrire de %illa est beaucoup plus conforme au stéréot"pe inauguré par Tobin

139 Dugo P/T?M& 'esas y bandoleros pampeanos& 2uenos /ires& 199V& p$ 115114$140 )ulio C/TM 2/TM)/ en parle dans Ensayo sobre la leteratura de cordel & 6adrid& 19B9& p$ V79V90$141 6$ -$ SOR6/P& The 'emoirs of Pancho Villa& op$ cit$142 8$ /AR& The Life and Times of Pancho Villa& op$ cit$& p$ 7V0$

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des 2ois qu’elle ne le fut vraisemblablement en réalité$ C’est encore plus vrai dans le cas du bandit sicilien Siuliano&qui vécut et mourut sous les flashs des photographes& et ne cessa d’accorder des intervieEs dans des endroits exotiques&comme une vedette$ 6ais il savait aussi ce que l’on attendait de lui * Comment Siuliano& qui aime les pauvres et ha.tles riches& pourraitil jamais se retourner contre les masses de travailleurs ,& demandatil juste aprs avoir massacré plusieurs d’entre eux& tout comme les journalistes et les romanciers$ 6me les communistes& ses ennemis& virent venir sa fin et observrent ! regret qu’elle était * indigne d’un véritable fils du peuple travailleur de 'icile& GHI aimé par le peuple et entouré de s"mpathie& d’admiration& de respect et de peur 143 ,$ Comme me le confia un vieux militant de larégion& sa réputation était telle de son vivant qu’aprs le massacre de 19W4 ! la +ortella della Sinestra& personne nes’imagina que cela avait pu tre l’Luvre de Siuliano$

6ais les bandits tels que les vengeurs et les haWdoucs& dont la réputation ne peut se targuer de redistribution socialeou de s"mpathie pour les pauvres& peuvent eux aussi s’enorgueillir de m"thes commodes et tenaces$ -es campagnesregorgent de durs aux intentions douteuses qui se sont acquis une aura publique par le simple fait d’tre les ennemis del’armée ou de la police$ Mn rencontre l! le stéréot"pe de l’honneur guerrier& ou& en termes plus holl"Eoodiens& du coE bo" héro.que$ (ans la mesure o\& comme nous l’avons vu& un nombre élevé de bandits provenaient de communautés !la fois pastorales et martiales qui pratiquaient les ra::ias et dont les compétences militaires étaient reconnues par les puissants& rien n’était plus familier aux jeunes hommes qui en faisaient partie$ -’honneur et la honte& comme nousl’expliquent les anthropologues& ont dominé le s"stme de valeurs du bassin méditerranéen& qui reste le berceau régionaldu m"the occidental classique du bandit$ -es valeurs féodales& lorsqu’elles existaient& sont venues renforcer ce s"stme$-es voleurs héro.ques étaient * nobles ,& ou se considéraient euxmmes comme tels& s’arrogeant ainsi un statut qui& aumoins en théorie& incluait des normes morales dignes de respect et d’admiration$ Cette association a survécu jusque dansnos sociétés décidément non aristocratiques ainsi dans le * comportement de gentleman , ou le * noble geste , ou

encore la notion de * noblesse oblige144 ,$ #n ce sens& la * noblesse , est commune ! la pire des brutes armées et au plus idéalisé des Tobin des 2ois& qui pour cette raison sont considérés comme des * nobles voleurs , edel Nuber  dans plusieurs pa"s$ -e fait que nombre de chefs bandits célébrés ! travers ce m"the soient vraisemblablement issus defamilles blasonnées mme si le terme  Naubritter  F baron voleur F n’apparaZt pas dans la littérature avant l’apparitiondes historiens libéraux du >?>e sicle ne fait que renforcer ce lien$

/insi& en faisant sa premire entrée importante dans la haute culture c’est!dire dans la littérature du sicle d’or espagnol& le bandit noble met en avant son supposé statut de gentleman& autrement dit son * honneur ,& de mme que sagénérosité& sans parler de son sens de la modération dans l’exercice de la violence et de sa volonté de ne pas s’aliéner les pa"sans comme dans  ;ntonio Noca& l’Luvre de -ope de %ega inspirée d’un brigand catalan des années 15W0$8aisant écho ! un jugement contemporain& le mémorialiste fran<ais 2rantôme 15W01B1W décrivit ce dernier dans saVie des dames galantes comme * l’un des bandits les plus braves& les plus vaillants& audacieux& prudents& capables etcourtois que l’#spagne ait jamais vus ,$ (ans le  =on <uichotte de Cervants& le bandit Tocaguinarda qui opérait audébut du >%??e sicle est mme présenté spécifiquement comme l’allié des faibles et des pauvres 145$ -’un commel’autre étaient de fait d’origine pa"sanne$ -e bilan réel de ce que l’on a appelé les * bandits baroques catalans , est bienéloigné de celui d’un Tobin des 2ois$ -a capacité des grands écrivains espagnols ! produire une version m"thologiquedu banditisme noble au moment mme o\ l’épidémie de banditisme des >%? e et >%??e sicles atteignit son apogée prouvetelle leur éloignement par rapport ! la réalité& ou simplement l’énorme potentiel social et ps"chologique du brigand comme idéal t"pe -a question reste ouverte$ #n tout état de cause& l’idée selon laquelle Cervants& -ope& Airsode 6olina et les autres étoiles du firmament littéraire de la Castille ont été responsables de l’image positive du banditqui marqua ensuite la tradition populaire est peu plausible$ -es bandits n’avaient pas besoin de la littérature pour faire la preuve de la dimension sociale de leur activité$

C’est ce qu’a montré l’anal"se historique la plus fine de la tradition qui se développe ! partir de Tobin des 2ois& etcela mme dans le cas de voleurs qui ne s’en réclamaient pas 14$ #lle met en avant * la difficulté que présente la

définition de la criminalité& notamment en raison du flou qui entoure la démarcation entre criminalité et politique& et !cause de la violence qui caractérise la vie politique , en /ngleterre aux >?% e  et >%e sicles$ * -a criminalité& lesrivalités locales& le contrôle exercé par les autorités locales& et l’intrusion de l’autorité ro"ale étaient autant d’élémentsqui s’entremlaient$ Cela n’en facilita que plus l’idée que le criminel avait quelque droit de son côté$ ?l gagna ainsil’approbation de la société$ , Comme dans le s"stme de valeurs du Eestern holl"Eoodien& la justice sauvage et laréparation violente des torts connu sous le nom de * loi de 8olville ,& d’aprs une famille de chevaliers devenusnotoires parce qu’ils redressaient de cette manire les torts dont ils étaient victimes était considérées comme de bonneschoses$ -e pote Nilliam -angland dont le Piers PloUman& rédigé vers 1V44& contient par ailleurs la premire référenceaux ballades de Tobin des 2ois pensait que la SrJce faisait don ! certains hommes des qualités nécessaires pour combattre l’/ntéchrist& et elle amenait notamment ;! Certains - chevaucher pour reprendre ce qui leur a été pris - tort+

 Elle leur montra comment en reprendre possession par la force de leurs mains

 Et l’arracher au7 hommes de peu par la loi de Yolville+ D143 * Ahe 2andit Siuliano ,& in #$ )$ DM2'2/N6& ncommon People > Nesistance, Nebellion and `a & Ahe PeE +ress& PeE Qor3& 1997& p$ 191199$144 #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$145 %oir >$ AMTT#' ? '/P'& Els bandolers 8s+ MV1MV:& %ic& 1991& chapitre 5$146 )$ C$ DM-A& Nobin ood & -ondres& 197U& en particulier p$ 15W155$

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+ar conséquent& mme en dehors de la communauté ! laquelle appartenait le horslaloi& l’opinion publique étaitdisposée ! considérer les aspects socialement recommandables des activités d’un bandit populaire& ! moins& bienentendu& que sa réputation de criminel antisocial ne soit si terrible qu’elle ne fasse de lui l’ennemi des honntes gens$/uquel cas la tradition fournissait une alternative$ 6ais celleci ne satisfaisait pas compltement l’appétit du public pour les drames hauts en couleur qui prenaient la forme& bonne pour les romans populaires& des confessions sans retenuede malfaiteurs notoires F confessions au cours desquelles ceuxci passaient en revue l’horrifique carrire criminelle quiles avait menés d’une premire infraction aux (ix Commandements jusqu’au pied de l’échafaud& devant lequel ilsimploraient le pardon de (ieu et des hommes$

 Paturellement& plus le public était éloigné F dans le temps et dans l’espace F du fameux brigand& plus il était facile

de mettre en exergue ce que ses activités avaient de positif et d’oublier ce qu’elles avaient de condamnable$ ?l n’en reste pas moins qu’on peut faire remonter ce processus d’idéalisation sélective ! la premire génération$ (ans les sociétés o\l’on trouve une tradition du bandit& si un brigand choisit de s’attaquer& parmi d’autres cibles& ! ceux que l’opinion publique désapprouve& il péntre immédiatement dans la légende de Tobin des 2ois et en acquiert tous les attributs ;déguisements impénétrables& invulnérabilité& capture par trahison& et ainsi de suite voir chapitre W$ ?l ne faisait ainsiaucun doute pour le sergent )osé /valos& retraité de la gendarmerie14! et fermier dans la province argentine du Chaco& o\il avait luimme pourchassé le célbre bandit 6até Cosido 'egundo (avid +eralta& 1794 au cours des années 19V0&que ce dernier avait été un * bandit du peuple ,$ ?l n’avait jamais détroussé de bons /rgentins& mais seulement lesagents des grandes compagnies agroalimentaires étrangres& * los cobradores de la Bunge y de la Clayton  , * bien s]r&me confia le vieux garde lorsque je l’interrogeai dans sa ferme ! la fin des années 19B0& mon métier G oficioI consistait !l’attraper& tout comme son métier GoficioI était de faire le bandit ,$ )e fus ainsi en mesure de prédire correctement cedont il prétendait se souvenir ! son sujet 14"$ ?l est vrai& en effet& que le fameux bandit avait arrté la voiture d’un

représentant de la 2unge ` 2orn en 19V5 et l’avait soulagé de B 000 pesos K au cours de la seule année 19VB& il avait braqué un train qui transportait& parmi d’autres victimes comptant probablement des * bons /rgentins ,& un homme dela compagnie /nderson& Cla"ton ` Co$ 1U 000 pesos& et empoché W5 000 pesos ! l’occasion d’un raid dans uneantenne locale de (re"fus F qui était& avec 2unge& l’un des plus grands noms du commerce agricole international$Aoutefois& les registres suggrent que les spécialités de la bande F l’attaque de train et les enlvements contre ran<on F ne se distinguaient par aucune discrimination patriotique14#$ C’est le public qui se souvenait des exploiteurs étrangers etqui oubliait le reste$

-a situation était plus claire encore dans les sociétés féodales& o\ l’=tat criminalisait les homicides * légitimes ,& etce d’autant plus que personne ne cro"ait au caractre impartial de la justice d’=tat$ Dorslaloi solitaire& Siuseppe6usolino n’accepta jamais de se voir décrire comme un criminel quelconque& et une fois emprisonné refusa de revtir l’uniforme des prisonniers criminels$ ?l n’était ni un bandit ni un brigand& il n’avait ni volé ni pillé ; seulement tué desespions& des informateurs et des infami$ Ce qui explique en partie la s"mpathie extraordinaire& qui touchait ! lavénération& ainsi que la protection dont il bénéficiait dans les campagnes de la région de Calabre dont il était originaire$?l cro"ait aux anciennes traditions contre les mauvais usages modernes$ ?l était ! l’image du peuple ; il vivait une époquenéfaste& il était traité de fa<on injuste& il était faible& c’était lui la victime$ @ la différence du peuple& cependant& il s’élevacontre le s"stme$ ui se souciait dans le détail des conflits politiques locaux qui avaient mené ! l’homicide initial15$ 

(ans une situation polarisée politiquement& ce processus de sélection était plus facile encore$ #n +ologne& dans lesmonts 2es3ides& c’est une légende classique de bandit des Carpathes qui naquit autour d’un certain )an 'alapate3 dit* -’/igle ,& 19UV1955& résistant de l’/rmée polonaise de l’intérieur pendant la guerre qui continua ensuite dans larésistance anticommuniste& retranché dans les forts impénétrables des hautes terres& jusqu’! ce qu’il trouve la mort auxmains des agents du 'ervice de sécurité de Cracovie 151$ uelle que soit la réalité de sa carrire& la méfiance des pa"sans pour les nouveaux régimes rend son m"the difficilement séparable de la légende traditionnelle du bon bandit F * il nes’en distingue que par de légers changements ; une hache est remplacée par un fusil automatique& le palais d’un

 propriétaire par une coopérative communiste& et le starosta par le service de sécurité stalinien ,$ -e bon bandit ne faitde tort ! personne$ ?l vole une coopérative& mais jamais les gens$ -e bon bandit se situe toujours en opposition aumauvais voleur$ +ar conséquent& ! la différence de certains F " compris de certains résistants anticommunistes F&'alapate3 ne faisait de tort ! personne * )e me souviens qu’il " avait un partisan du mme village F c’était un salaudG sicI ,$ ?l était celui qui aidait les pauvres$ ?l distribuait des bonbons dans la cour de l’école& il allait ! la banque& enramenait de l’argent& * le jetait sur la place en disant prene:& c’est votre argent et il n’appartient pas ! l’=tat ,$ (efa<on parfaitement conforme aux besoins de la légende& et de fa<on quelque peu surprenante pour un combattantirrégulier opposé au régime& il ne recourait ! la violence que pour se défendre et ne tira jamais le premier coup de feu$#n bref& * il était vraiment juste et sage& il se battait sincrement pour la +ologne ,$ -e fait que 'alapate3 soit né dans lemme village que le pape )ean +aul ?? n’est pas peuttre pas purement fortuit$

#n effet& dans les pa"s qui disposaient d’une tradition du bandit& tout le monde s’attendait ! voir quelqu’un revtir lerôle du noble bandit& qu’il s’agisse des forces de police& des juges ou des brigands euxmmes& et il était possible de147  #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$148 C’est le professeur )osé Pun de 2uenos /ires& avec qui j’avais fait le vo"age dans le Chaco& qui m’a rappelé cette prédiction en 1997$149 D$ CDO62?A/& * /lias 6até Cosido ,& Aodo #s Distoria& n U9V& 2uenos /ires& novembre 1991& p$ 7U95$150 S$ C?PS/T?& Brigantaggio, proprietari e contadini nel (ud 82Z33123[[:& Teggio Calabria& 194B& p$ U05UBB$151 -e (r /$ #$ 6an3oEs3i m’a aimablement fourni une version anglaise de sa fascinante étude * -egenda 'lapat3a F Mrla ,& basée sur desrecherches de terrain réalisées par le département d’ethnologie et d’anthropologie culturelle de l’Oniversité de %arsovie en 19771990$

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devenir un Tobin des 2ois en l’espace d’une vie& ! condition de remplir les critres minimums qui définissait le rôle$ Aelest clairement le cas de )aime /lfonso * #l 2arbudo , 147V17UW& ! en croire les rapports du Correo 'urciano de17U1 et 17UU& ainsi que le récit du vo"age de -ord Carnavon ! travers la péninsule ibérique 17UU 152$ ?l en va de mme pour 6amed Casanova& dont le nom fit le tour de la Salicie au début des années 1900$ On journal madrilne le présentaphoto ! l’appui comme * el 6usolino Sallego , sur 6usolino& voir p$ 57&55 édition anglaise K le  =iario de

 Pontevedra fit de lui un * bandit et mart"r ,& tandis que l’avocat qui assura sa défense devint par la suite président de laTeal /cademia Sallega$ #n 190U& il rappela ! la cour que les ballades composées par les potes fol3loriques et lesromans populaires attestaient de la popularité de son célbre client153$

&&

Certains brigands peuvent donc entrer dans la légende du bon bandit de leur vivant& ou pour le moins du vivant deleurs contemporains$ +ar ailleurs& et n’en déplaise aux sceptiques& mme des bandits célbres dont la réputation initialeest apolitique peuvent rapidement passer pour des défenseurs des pauvres$ -e radicalisme social et politique de Tobindes 2ois n’émerge pas totalement avant le recueil publié en 1495 par le jacobite )oseph Titson 154$ ?l n’en reste pas moinsqu’il poursuit déj! des objectifs sociaux dans la premire version de la légende& qui date du >% e sicle ; * Car il était un bon horslaloi et se montra bien bon pour les pauvres$ , Péanmoins& sous sa forme littéraire& le m"the du bandit socialn’apparaZt sous sa forme pleinement développée que dans l’#urope du >?> e sicle& lorsque mme les candidats lesmoins probables peuvent tre idéalisés sous les traits de champions des luttes sociales ou nationales& ou F sousl’inspiration du romantisme F d’hommes libérés des contraintes de la respectabilité bourgeoise$ Mn a pu définir le genredes récits de bandits& immensément populaire en /llemagne au début du >?>e sicle& de la fa<on suivante ;! R des intrigues pleines d’action qui offraient au lecteur bourgeois des descriptions violentes et des sc%nes deliberté se7uelle R+ Tandis que le crime trouve typiquement ses racines dans la négligence parentale, une éducation

défectueuse, et la séduction e7ercée par des femmes de peu de murs, la famille bourgeoise parfaite, propre,disciplinée, patriarcale et tenant les passions - distance, est présentée - la fois comme l’idéal et la fondation d’une

 société bien ordonnée155 + D#n Chine& ce m"the est bien évidemment ancestral ; les premires légendes de bandits remontent ! l’époque des

* =tats guerriers ,& entre W71 et UU1 avant )$ C$& et le grand classique du banditisme qui voit le jour au >%? e sicle& (hui u Xuan& inspiré d’une bande de horslaloi qui vécurent au >?? e sicle& était connu tant des pa"sans illettrés& grJce auxconteurs et aux troupes de théJtre itinérantes& que de tout jeune Chinois éduqué& et notamment de 6ao15$

/u >?>e sicle& le romantisme a certainement contribué ! former l’engouement ultérieur qui fit du bandit une imagedes luttes de libération nationale& sociale& voire personnelle$ )e ne saurais nier que ma propre interprétation des haWdoucscomme * point de référence permanent et conscient de l’insurrection pa"sanne , voir plus haut& page 47 édition O' aété en partie influencée par cette vision des choses$ ?l n’en reste pas moins que les cro"ances au sujet du banditismesocial forment un ensemble tout simplement trop fort et trop homogne pour tre réduit au rang d’une innovation qui vitle jour au >?>e sicle ou mme d’une construction littéraire$ -orsque le public populaire rural& mais aussi urbain& a puexercer une sélection& il choisit de ne retenir de la littérature ou de la réputation des bandits que les pans conformes !l’imaginaire social$ -’anal"se que Toger Chartier a faite de la littérature qui porte sur le bandit Suilleri actif dans le+oitou entre 1B0U et 1B07 montre que& confrontés ! un choix entre un bandit foncirement cruel& qui ne saurait seracheter que par la bravoure et la contrition au pied de l’échafaud& et un homme de qualité qui& bien qu’étant bandit& semontrerait bien moins cruel et brutal que les soldats et les princes& les lecteurs préféraient le second$ C’est ! partir de cesfondations que prit forme& ! partir de 1BVU& le premier portrait littéraire en langue fran<aise du * brigand au grandcLur 15! , élevé au rang de m"the et de stéréot"pe& ! ceci prs que l’=tat et l’=glise exigeaient que les criminels et les pcheurs ne puissent l’emporter au paradis15"$

-e processus de sélection apparaZt plus clairement encore dans le cas d’un bandit exempt de mémorial littérairesignificatif& dont on a étudié la carrire ! partir d’archives et d’entretiens avec cent trentecinq informateurs Jgés en

1947194915#

$ Pa::areno Suglielmi& dit * Cinnicchio , 17V0& survit dans la mémoire populaire des habitants de larégion d’/ssise& en Mmbrie& sous la forme classique du m"thique * noble voleur ,$ 2ien que * le portrait de Cinnichioqui émerge des archives ne soit pas foncirement opposé ! la tradition orale ,& le personnage qui vécut réellement étaitasse: éloigné de l’idéal t"pe de Tobin des 2ois$ 2ien qu’il ait passé des alliances politiques et anticipé les méthodesultérieures de la maffia en offrant aux propriétaires fonciers& contre des paiements réguliers& de les protéger contred’autres bandits et contre luimme& la tradition orale insiste sur son refus de passer des accords avec les riches& etnotamment sur sa campagne de dénigrement et F de fa<on particulirement significative F son désir de revanche contre

152 /$ #'CO(#TM SOA?#TT#R& * )aime #l 2arbudo ; un ejempeo de bandolerismo social ,& #studis d’histria contempor!nia del pas%alenci!& n V& Oniversité de %alence& département d’histoire contemporaine& %alence& 197U& p$ 5477$153 >$ CM'A/ C-/%#--& Bandolerismo, Nomerias y )ergas gallegas& -a CoruYa& 1970& p$ 4590$154 )$ T?A'MP& Tobin Dood ; ; Collection of ;ll the ;ncient Poems, (ongs and Ballads noU E7tant & -ondres& 1495& 17VU& 1774$155

 O$ (/P#T& Nuberbanden im ;lten Neich um 2Z[[ > Ein Beitrag ur Geschichte von errschaft und riminalitt in der frShen Jeueit, vol+2, Yrancfort, 23HH, p+ 9Z9+156 +$ 2?--?PS'-#Q& Bandits in Nepublican China& op$ cit$& p$ U& p$ W et p$ 51$157  #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$158  Yigures de la gueuserie > Te7tes présentés par Noger Chartier & 6ontalba& +aris& 197U& p$ 7V9B$159 6$ -$ 2O'#SD?P et N$ CMT#--?& * ?potesi per l’interpreta:ione del banditismo in Ombria nel primo decennio dell’Onit! ,& ?stituto * /lcideCervi , /nnali& n U& 1970& p$ UB5U70$

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le comte Cesare 8iumi& qui& diton& l’avait injustement accusé$ Cependant& le m"the comprend dans ce cas un élément plus moderne$ -e bandit& qui disparut de la circulation dans les années 17B0 aprs avoir organisé son évasion versl’/mérique& est censé " tre devenu riche et prospre& et l’un de ses fils au moins aurait réussi sa vie comme ingénieur$(ans l’?talie rurale de la fin du >>e sicle& une carrire de noble voleur trouve aussi sa récompense dans la mobilitésocialeH

&&&

ui sont les bandits dont on se souvient -e nombre de ceux qui ont survécu pendant des sicles autravers deschansons et des récits populaires est en fait asse: modeste$ (ans les recueils fol3loriques catalans du >?> e sicle& on netrouve que trentesix chansons qui portent sur le banditisme du >%? e et du >%??e sicle& et seules six d’entre elles sont

exclusivement consacrées ! des individus spécifiques$ On tiers du total se compose de ballades qui ont pour thme lesunions contre  les attaques de bandits qui existaient au début du >%?? e sicle$ -e nombre de bandits andalous quiaccédrent ! la notoriété ne dépassait pas la demidou:aine$ /u 2résil& seuls deux chefs canga.eiro F /ntonio 'ilvino et-ampiao F ont fait leur entrée dans la mémoire nationale$ uant aux bandits de 6urcie et de la région valencienne au>?>e sicle& un seul est entré dans la légende 1$$ ?l est évident que beaucoup d’informations ont pu disparaZtre en raisondu caractre éphémre de la littérature populaire et des ballades& et de l’hostilité des autorités ! laquelle cette littératureétait souvent confrontée$ One masse de données plus importante encore n’a sans doute jamais atteint le stade del’impression& quand elle n’a pas échappé aux investigations des premiers fol3loristes$ One étude publiée en 19W4mentionne deux exemples de cultes religieux nés autour des sépultures de certains brigands argentins voir plus haut& p$55 édition O' K une étude ultérieure en dénombra au moins huit$ @ l’exception d’un seul& aucun de ces cultes n’a attirél’attention du public cultivé11$

 Péanmoins& il existe clairement un processus de sélection en vertu duquel certaines bandes ainsi que leurs chefs

accdent ! la renommée nationale ou internationale& tandis que les autres sont livrés ! la curiosité des historiensrégionaux ou ! l’obscurité$ uel que soit l’élément qui les ait distingués au départ& le média qui assura leur renommée jusqu’au >>e sicle fut l’imprimerie$ @ ma connaissance& tous les films qui portent sur des bandits célbres sont inspirésde personnages d’abord plantés par des ballades& des romans populaires ou des récits journalistiques ; on peut avancer que c’est encore le cas aujourd’hui& malgré le recul du monde de l’écrit ! l’exception de l’écran d’ordinateur devantl’image animée du film& de la télévision et de la vidéo$ Cependant& la mémoire des bandits est aussi préservée par leur association avec un lieu particulier& comme la fort de 'herEood et Pottingham pour Tobin des 2ois une géographieréfutée par la recherche historique& le mont -iang pour les bandits de l’épopée chinoise dans la province du 'hantung&et de nombreuses * cavernes de voleurs , anon"mes dans les chaZnes montagneuses du pa"s de Salles& et probablementde bien d’autres régions$ Mn a évoqué plus haut le cas particulier des lieux voués au culte de bandits disparus$

-es traditions qui ont retenu certains bandits pour la gloire et la renommée présentent toutefois moins d’intért queles changements intervenus dans les mentalités collectives$ @ ce niveau& il " a une différence considérable entre lesrégions o\& de mémoire d’homme& il n’existe pas de souvenir direct du banditisme si tant est qu’il se soit jamaisdéveloppé de fa<on significative et celles o\ ce n’est pas le cas$ C’est ce qui distingue la Srande2retagne& ou le 6idide la 8rance au cours des trois derniers sicles * o\ nous n’avons pas trace de bandes importantes12 ,& de pa"s tels quela Achétchénie& o\ le banditisme est encore vivace aujourd’hui& ou de l’/mérique latine& o\ il occupe toujours une placedans la mémoire d’hommes et de femmes bien vivants$ #ntre ces deux extrmes& on trouve les pa"s o\ la mémoire du banditisme du >?>e sicle ou de ses équivalents est préservée& en partie par la tradition nationale& mais le plus souvent par les mass media modernes F de sorte qu’il peut encore incarner un st"le de vie& comme celui du 8ar Nest aux =tatsOnis& voire inspirer l’action politique& comme dans le cas des guérilleros argentins des années 1940 qui se considéraientcomme les successeurs des montoneros& dont ils reprirent le nom F un choix qui& selon les historiens& a énormémentaccru leur popularité auprs des recrues potentielles et du grand public 13$ (ans les pa"s du premier t"pe& la mémoire du banditisme a disparu& ou a été recouverte par d’autres modles de contestation sociale$ Ce qui en reste est assimilé au

m"the standard du bandit& que l’on a déj! abondamment discuté$-es pa"s du second t"pe présentent un intért bien plus important& si bien qu’il peut s’avérer utile de conclure cechapitre par quelques réflexions sur trois d’entre eux& dans la mesure o\ ils permettent de comparer des trajectoires trsdifférentes de la tradition nationale du bandit ; le 6exique& le 2résil et la Colombie14$ -eur histoire a accoutumé ces pa"s au banditisme ! grande échelle$

Aous les vo"ageurs qui en ont parcouru les routes s’accordent ! dire que& si un =tat d’/mérique latine doit fairefigure de pa"s du banditisme& cela ne peut tre que le 6exique du >?>e sicle$ /u cours des soixante premires années

160 >$ AMTT#' ? '/P'& Els bandolers& op$ cit$& p$ U0B et p$ U1B K C$ 2#TP/-(M (# O?T' et -$ /T(?-/&  El Bandolerismo ;ndalu&6adrid& 1947 premire édition 19VV& passim K /$ #'CO(#TM SOA?#TT#R& * )aime #l 2arbudo ; un ejempeo de bandolerismo social ,& art$cit$& p$ 4V$161  8$ 6M-?P/ A#--#R&  El mito la leyenda y el hombre+ sos y costumes del fol0lore& 2uenos /ires& 19W4& cité in D$ P/T?M&  'esas ybandoleros pampanos& 2uenos /ires& 199V& p$ 1U51UB K D$ CD/62?A/& * 2andoleros sanctificados ,& Aodo #s Distoria& n VW0& 2uenos /ires&

novembre 1995& p$ 4790$162 Q$ C/'A/P& * -’image du brigand au >%???e sicle dans le 6idi de la 8rance ,& in S$ MTA/--? dir$&  Bande armate, banditi, banditismo erepressione di giustiia negli stati europei di antico regime& op$ cit$& p$ VWB$163 T$ S?--#'+?#& (oldiers of Peron > The 'ontoneros& PeE Qor3& 197U& chapitre U$164  )e suis ici S$ '/PCD#R et ($ 6##TA#P'& et notamment des idées qu’ils ont formulées initialement dans  Bandoleros, gamonales ycampesinos& op$ cit$& p$ UV9$ %oir aussi& en anglais& * +olitical banditr" and the Colombia violencia ,& in Tichard N$ '-/AA/ dir$& 2andidos ; Ahe%arieties of -atin /merican 2anditr"& Nestport& 1974& p$ 1B7$

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de son indépendance& l’effondrement du gouvernement et de l’économie& les conflits et la guerre civile donnrent ! touteformation d’hommes en armes qui vivaient de leur force de frappe un avantage considérable& ou tout du moins le choixentre rejoindre l’armée ou la police& o\ ils recevraient un salaire du gouvernement ce qui& ! l’époque comme par lasuite& n’excluait pas le recours ! l’extorsion& et simplement continuer ! vivre du banditisme$ /u cours des différentesguerres civiles& les libéraux de 2enito )uare:& qui ne disposaient gure de protections traditionnelles& eurent largementrecours aux bandits$ Cependant& les bandits qui donnrent lieu ! des m"thes populaires furent ceux qui agirent sous ladictature de +orfirio (ia: 177W1911& une période plus stable qui précéda la révolution mexicaine$ 6me ! l’époque&on pouvait considérer que ces bandits contestaient l’autorité et l’ordre établis$ +ar la suite& bénéficiant d’une certaines"mpathie rétrospective& ils ont pu apparaZtre comme les précurseurs de la révolution 15$ C’est essentiellement grJce !

+ancho %illa& le plus éminent de tous les bandits passés du côté de la révolution& que le banditisme a pu acquérir unelégitimité sans égale au 6exique& ! la différence des =tatsOnis o\& au cours de ces années extrmement violentes& le bandit mexicain cruel et ! l’aff]t du gain devint le modle du méchant ! Doll"Eood& au moins jusqu’en 19UU& lorsque legouvernement mexicain mena<a de bannir du pa"s tous les films réalisés par des compagnies qui offensaient l’image du6exique1$ +armi les bandits qui acquirent une notoriété nationale de leur vivant F )esus /rriga Chucho #l Toto dansle 6exique central& Deraclio 2ernal ! 'inaloa& et 'antana Todrigue: +alafox 'antanon ! %eracru: F& les deux premiers jouissent encore d’une certaine popularité$ 2ernal& qui fut tué en 1779 et qui fit plusieurs incursions en politique& est probablement le bandit le plus célbre de l’Jge des médias ; trei:e ballades& quatre pomes& et quatre films& dont certainsont été adaptés ! la télévision& lui sont dédiés$ Cependant& je soup<onne les gens d’avoir un penchant plus marqué pour l’impudent escroc Chucho qui mourut en 1775& catholique mais anticlérical& et qui lui aussi fit sa percée sur les écransde télévision$

Contrairement au 6exique& le 2résil est passé du statut de colonie ! l’indépendance sans bouleversements majeurs$

Ce fut la +remire Tépublique 177919V0 qui donna naissance& au moins dans l’arrirepa"s misérable du Pordeste&aux conditions sociales et politiques propices ! une épidémie de banditisme ; les groupes d’hommes armés liés ! desterritoires particuliers ou ! des familles de l’élite se mirent ! opérer de fa<on indépendante et ! se déplacer sur desterritoires qui s’étendaient probablement sur 100 000 3ilomtres carrés et couvraient quatre ou cinq =tats$ -es grandscanga.eiros de la période 179019W0 devinrent rapidement célbres au niveau régional& leur réputation étant colportéeoralement& par des potes et des chanteurs locaux& et par l’intermédiaire des romans populaires& qui firent leur apparitionau 2résil ! partir de 19001!$ -es migrations massives vers les villes du sud ainsi qu’une alphabétisation croissantecontriburent par la suite ! introduire cette littérature dans les commerces et les échoppes des mégapoles telles que 'ko+aulo$ -es médias modernes projetrent les canga.eiros& qui faisaient naturellement figure d’équivalents locaux des personnages du 8ar Nest& sur les écrans de cinéma et de télévision& et ce d’autant plus facilement que le plus célbred’entre eux& -ampiao& fut en fait le premier grand bandit ! tre filmé sur le terrain 1"$ (es deux bandits les plus populaires& c’est 'ilvino qui acquit de son vivant une réputation de * noble voleur , que les journalistes et le publiccontriburent ! accentuer& par opposition ! la réputation tout aussi importante mais certainement pas aussi bénigne de-ampiao& son successeur dans le rôle de * roi de l’arrirepa"s ,$

-a cooptation politique et intellectuelle des canga.eiros dans la tradition nationale du 2résil n’en reste pas moinsdigne d’intért$ -es écrivains du Pordeste en proposrent rapidement un traitement romantique& et il ne leur fut pasdifficile d’en faire des révélateurs de la corruption qui affligeait des autorités iniques$ Aant que -ampiao demeurait unacteur susceptible de peser sur la vie politique& les bandits continurent ! susciter un intért asse: large$ -’?nternationalecommuniste vit mme en lui un leader potentiel de la guérilla révolutionnaire& ce qui lui fut peuttre suggéré par ledirigeant du +arti communiste brésilien -uis Carlos +restes& qui avait été en contact avec -ampiao lorsqu’il avait menéla * longue marche , des militaires rebelles voir p$ 100101 éd$ O'$ ?l n’en reste pas moins que les bandits ne semblent pas avoir joué un rôle majeur lorsque les intellectuels brésiliens tentrent& au cours des années 19V0& de produire unconcept populaire et social du 2résil& plutôt qu’une représentation élitiste et politique$ Ce n’est qu’au cours des années

19B0 et 1940 qu’une nouvelle génération d’intellectuels transforma le fameux canga.eiro  en s"mbole de l’identiténationale et de la lutte pour la liberté des oppressés ou& pour le dire rapidement& en * s"mbole national de la résistance&voire de la révolution1# ,$ Ce qui ne manqua pas d’affecter la fa<on dont il était représenté par les mass media& mme siles romans populaires et la tradition orale restaient des modes de transmission vivaces dans le Pordeste& au moins jusque dans les années 1940$

-a tradition colombienne a suivi une trajectoire trs différente$ +our des raisons évidentes& elle a été entirementvoilée par l’expérience sanguinaire qui a débuté en 19W7 ou& selon certains historiens& en 19WB& connue sous le nom de

 La Violencia& et par ses conséquences$ ?l s’agit essentiellement d’un conflit combinant guerre de classes& régionalisme&et clivage partisan de populations rurales prtant allégeance& comme dans le cas des républiques du bassin de -a +lata& !l’un ou l’autre des partis traditionnels du pa"s en l’occurrence les libéraux et les conservateurs$ Ce conflit se

165 P$ S?TP& eraclio Bernal > Bandolero, cacique o precursor de la revolucion & (D& ?P/D& 6exico& 194B$166

 /$ -$ NMM(& * Doll"Eood bandits 19101971 ,& in T$ '-/AA/ dir$& 2andidos ; Ahe %arieties of -atin /merican 2anditr"& op$ cit$& p$ 141170$167  -$ -#N?P& * Mral tradition and elite m"th$ Ahe legend of /ntônio 'ilvino in 2ra:ilian popular culture ,& )ournal of -atin /merican -ore& vol$5& n U& 1949& p$ 54U0W$168 -orsque +ancho %illa fut filmé par la compagnie 6utual 8ilm en 191W& il était déj! un général révolutionnaire$169 S$ '/PCD#R& +rologue& in 6$ ?$ +#T#?T/ (# O#?TMR& As Canga.eiros > La epopeya bandolera del Jordeste de Brasil & 2ogot!& 199U& p$151B K voir aussi -$ -#N?P& * Mral tradition and elite m"th$ Ahe legend of /ntônio 'ilvino in 2ra:ilian popular culture ,& art$ cit$& p$ U0U$

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transforma en guerre civile dans plusieurs régions aprs 19W7 et laissa dans son sillage F sauf dans les régions o\ le puissant mouvement de la guérilla communiste se développa dans les années 19B0 F une pléthore de bandes arméesvaincues qui avaient été politisées& mais qui dépendaient désormais d’alliances locales avec les puissants ou de las"mpathie des populations pa"sannes& et qui perdirent rapidement ces appuis$ #lles furent bala"ées au cours des années19B0$ -es traces qu’elles ont laissées dans les mémoires ont été longuement décrites par les meilleurs experts du sujet ;! (i l’on e7cepte le souvenir idéalisé que les paysans en gardent encore dans les territoires o# il avait bénéficié de

 soutiens, il se peut que le Obandit social ait aussi été vaincu comme personnage mythiqueR Ce qui s’est produit enColombie est le processus inverse de celui qu’a traversé le canga.o brésilien+ ;u fil du temps, ce dernier a perdul’essentiel de l’ambiguWté qui le caractérisait et s’est progressivement conformé - l’image idéale du bandit social+ Le

canga.eiro a fini par devenir le symbole des vertus indig%nes et l’incarnation de l’indépendance nationale R+ EnColombie, au contraire, le bandit personnifie la cruauté et la monstruosité inhumaine I dans le meilleur des cas, il fait  figure de Ofils de la Violencia, frustré, désorienté et manipulé par des dirigeants locau7+ C’est l- l’image que l’opinion publique a adoptée170+ D

uelles que soient les images que les guérilleros des 8/TC 8uer:as /rmadas de la Tevolucin Colombiana F la principale force de guérilla en Colombie depuis 19BW& les paramilitaires& et les hommes de main des cartels de ladrogue laisseront ! la postérité du >>?e sicle& elles n’auront rien de commun avec le vieux m"the du bandit$

u’en estil& enfin& de la plus ancienne et de la plus continue des traditions du banditisme social& celle de la Chine =galitaire& ou tout du moins en porte!faux par rapport ! aux idéaux strictement hiérarchiques du confucianisme& porteuse d’un certain idéal moral ouvrant * la %oie pour le compte des Cieux ,& cette tradition survécut pendant deuxmillénaires$ /insi des rebelles horslaloi comme 2ai -ang 174V1915& dont on chantait ainsi les hauts faits ;! Bai Lang, Bai Lang ? 

 l vole au7 riches pour venir en aide au7 pauvres Et montre la voie pour le compte des cieu7+Tout le monde en convient > Bai Lang a bon cur I

 =’ici deu7 ans les riches et les pauvres seront égau7171+ D?l est difficile d’imaginer que les décennies qui suivirent la fin de l’#mpire chinois en 1911& marquées par la

 pandémie de banditisme et les exactions des seigneurs de la guerre& aient pu laisser un bon souvenir ! quiconque les atraversées$ Péanmoins& mme si l’étendue du phénomne diminua de fa<on spectaculaire aprs 19W9& on peutsoup<onner que la tradition du banditisme a pu se maintenir dans les régions o\ elle était ancrée& et ce malgré l’hostilitédu +arti& dans une Chine des premires décennies du communisme encore essentiellement rurale$ Mn peut fairel’h"pothse que le banditisme se déplacera vers les nouvelles mégapoles qui aspirent par millions les pauvres descampagnes& en Chine comme au 2résil$ +ar ailleurs& les grands monuments littéraires érigés ! la gloire de la vie de bandit& comme le (hui u Xuan& continueront sans doute ! faire partie de la culture chinoise$ +euttre trouverontils unnouvel avenir auprs du public& qu’il soit populaire ou cultivé& installé face aux écrans chinois du >>? e sicle& ! l’imagede celui qu’ont connu les chevaliers errants et les guerriers luttant contre les samoura.s ! grands coups de sabre sur lesécrans japonais au >>e sicle$ ?l ne fait aucun doute que leur potentiel romantique et m"thique est loin d’tre épuisé$

+M'A8/C#Cette postface se compose de deux parties$ -a premire passe en revue les principales critiques qui ont été

formulées ! l’encontre de ma thse de départ sur le banditisme& ce qui ne manquera pas de satisfaire la curiosité deslecteurs que les débats universitaires intéressent$ -a seconde propose une réflexion sur la survie du modle classique du banditisme social ! l’époque des économies capitalistes développées& et ce jusqu’! aujourd’hui$

?

Mn a formulé un certain nombre d’arguments critiques ! l’encontre de la thse que j’ai initialement avancée au sujet* banditisme social ,$-e premier et certainement le plus important est celui qu’/nton 2lo3 a formulé au début des années 1940& et qui a

été largement repris depuis1!2$ 2lo3 ne nie pas l’existence du * banditisme social , au sens o\ je l’entends& dans lamesure o\ * durant les premiers stades de leur carrire& les horslaloi et les bandits incarnent le ressentiment pa"san$ #nran<onnant les riches& en volant leur bétail& et en pillant leur masserie& les bandits sont devenus les héros du peuple enfaisant ce que la plupart de leurs semblables auraient aimé faire ,$ Aoutefois& ! moins qu’ils n’aient bénéficié de quelque protection& les bandits faisaient long feu& et les pa"sans& démunis et privés de pouvoir& représentaient par définition lasource de protection la plus faible qui soit$ 'i bien que celui qui se mettait hors la loi en redressant des torts personnelsétait destiné * soit ! tre tué& soit ! tre enrôlé au service des élites régionales établies& et soumis ! leur autorité ,& auquelcas * il représentait ds lors l’autre camp dans la lutte des classes ,$ 'ans compter le fait que les simples voleurs et les bandits communs privés de toute attache sociale étaient pléthore1!3$ Tien de tout cela ne contredit l’argument développé

170 S$ '/PCD#R et ($ 6##TA#P'& Bandoleros, gamonales y campesinos& op$ cit$& p$ 1B7$171 +$ 2?--?PS'-#Q& Bandits in Nepublican China& op$ cit$& p$ 1VV$172 /$ 2-M& * Ahe peasant and the brigand ; social banditr" reconsidered ,& Comparative 'tudies in 'ociet" and Distor"& n 1W& 194U& p$ W9550W$+our une formulation plus élaborée& voir /$ 2-M& Ahe 6afia of a 'icilian %illage ; / 'tud" of %iolent +easant #ntrepreneurs 17B019B0& Mxford&194W& p$ 9410U$173 ?bid& p$ 99101$

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dans mon livre& mme si la thse de 2lo3& pour qui * il faut traiter le brigandage et le m"the du bandit comme des forcesqui affaiblissent la mobilisation pa"sanne ,& requiert quelques ajustements$

?l n’en reste pas moins que l’observation de 2lo3& selon laquelle * la vision du brigandage par DobsbaEm souffre dufait qu’il accorde une trop grande attention aux pa"sans et aux bandits euxmmes ,& c’est!dire pas asse: ! la sociétéenvironnante et aux structures du pouvoir politique& est tout ! fait juste$ 6on livre ne négligeait certes pas ces élémentsvoir par exemple le chapitre 4& et un cadre d’anal"se historique plus large est esquissé ici et l!$ Aoutefois& comme jel’ai moimme observé& * un modle qui porte sur la fonction& réelle ou attribuée& de contestation sociale qui est celle du bandit n’est pas nécessairement le cadre approprié GHI pour l’anal"se GHI dans la mesure o\ il faut prendre enconsidération la totalité du phénomne& qu’il entre ou non dans la catégorie de la contestation sociale$ /insi& la

 principale question qui se pose au sujet de la vague de banditisme qui touche le bassin méditerranéen ! la fin du >%?e

sicle n’est pas de savoir si on peut considérer 'ciarra comme un bandit social 1!4 ,$ 2ien entendu& mon ouvrage était etreste principalement centré sur * la fonction de contestation sociale du bandit ,$ Cependant& le chapitre sur la relationentre le banditisme et la politique que j’ai ajouté ! cette édition est susceptible de faire du livre une introduction plusnuancée en la matire$ (e toute évidence& on ne saurait comprendre le banditisme en dehors de son contexte politique$

(’un autre côté& 2lo3 considre que le * m"the , du bandit ! la Tobin des 2ois& qui incarne sans aucun doute uneaspiration sociale propre aux pa"sans& mérite certes de faire l’objet d’une anal"se historique& mais n’entretient pas pour autant beaucoup de rapports avec la réalité sociale$ +our le dire simplement F peuttre trop simplement F& Tobin des2ois n’existe que dans l’esprit de son public$ 6ais si le m"the n’entretenait aucun rapport avec la réalité du banditisme&tout ca.d pourrait faire figure de Tobin des 2ois$ +ourtant& mme si les candidats les moins probables ont parfois pudécrocher ce rôle& partout  o\ le m"the du bandit est enraciné& pour autant que je le sache& on fait la distinction entre les* bons , bandits et les * mauvais , bandits foncirement antisociaux sur la base de leur comportement réel avéré ou

supposé$ (ans la région du Chaco& 6até Cosido était considéré comme un * bon , voleur& " compris par la police qui le pourchassait& tandis qu’un certain %elasque: faisait figure de * mauvais , bandit$ -e statut des frres 6esa:gi p$ 15édition O' était incertain aux "eux de l’opinion locale& puisque les gens ne s’accordaient pas sur la légitimité de lavendetta qui en fit des horslaloi$ #t pourtant& une fois que leurs actions se révélrent bénéfiques& on vit en eux des* bandits particuliers ,$

-e seul cas patent de banditisme social dans l’/llemagne du >%??? e sicle est celui de 6athias losterma"er et desa bande& qui opérait en 2avire * der ba"rische Diesel , aux alentours de 1440$ +arce que sa spécialité était le braconnage& une activité que les pa"sans ont toujours considérée comme légitime& on l’admirait et on l’aidait$ * (escentaines de gens& déclaratil& m’ont dit ; viens sur mes terres& il " a trop de gibier& on peut compter une centaine dettes au moins$ , ?l mena un combat personnel& ! visage découvert et en public& contre les chasseurs& les gardechasse&les représentants de la loi et de l’autorité publique& et il avait la réputation de ne détrousser que les * ennemis , enquestion$ -orsqu’il attaqua et mis ! sac en plein jour l’office public  ;mtshaus ! Afertingen& prs d’/ugsburg& ilconsidéra que son raid constituait un * acte légitime , et les pa"sans ne manqurent pas de partager son avis 1!5$ uantaux banditsgauchos argentins& ils ne re<urent pas tous l’accolade finale du public qui en aurait fait des saints$ ?l leur fallait pour cela devenir des mart"rs$ -a condition minimale était qu’ils * tombent au cours de la lutte qu’ils menaientcontre la justice officielle& et en particulier contre l’institution de la police ,$ 8emme et bandit& 6artina Chapana" ne fut pas canonisée de la sorte& mme si on ne manquait pas de l’idéaliser par ailleurs& parce qu’elle * n’avait jamais étévictime des autorités1! ,$ 2ien évidemment& ces éléments peuvent conforter des observateurs réalistes comme SiuseppeSiari::o& l’éminent historien sicilien& dans l’idée qu’il ne faut pas encourager les illusions romantiques car& comme jel’ai entendu le dire une fois& le m"the du bandit social est essentiellement une combinaison de consolation et defalsification$

?nversement& étant donné le caractre universel et standardisé du m"the du bandit& faudraitil s’étonner si le horslaloi qui& pour une raison ou pour une autre& se voit propulsé dans ce rôle prestigieux du théJtre de la vie rurale& s’effor<ait

de temps ! autre d’agir conformément au script& toutes choses étant égales par ailleurs ?l ne fait pas de doute que les bandits disparus& ou mme vivant dans des contrées lointaines& sont ceux qui se prtent le mieux ! faire figure de Tobindes 2ois& quel qu’ait pu par ailleurs tre leur comportement réel$ #t pourtant& il est attesté que certains bandits ont pu !l’occasion s’efforcer de montrer qu’ils étaient ! la hauteur de leur rôle$ @ la fin des années 19B0& les fonctionnaires du+arti communiste du 2ihar& en ?nde C+?& ont tenté en vain de dissuader un militant pa"san passé des attaques solitairescontre les propriétaires ! l’activisme communiste de distribuer directement aux pa"sans les fonds qu’il collectait pour le+arti$ ?l avait toujours distribué l’argent& et lui faire perdre cette habitude n’était gure facile$

On second faisceau de critiques vise ! relativiser le caractre de classe tant du banditisme que du m"the du bandit& et! les rapporter ! l’univers de la classe dirigeante locale plutôt qu’! la pa"sannerie$ -es spécialistes du c"cle original deTobin des 2ois ou des ballades liées aux canga.eiros brésiliens du >>e sicle soulignent ainsi le peu d’intért donttémoignent ces productions pour les aspirations de la pa"sannerie& pourtant censée former leur base sociale 1!!$ (e

174

  #$ )$ DM2'2/N6& ?ntroduction ! Mrtalli dir$&  Bande armate, banditi, banditismo e repressione di giustiia negli stati europei di anticoregime& op$ cit$& p$ 15$175 6$ -M'A#T6/Q#T& Leben und Ende des berSchtingten ;nfShrers einer &ildchStenbande, 'athias ostlermayers, oder des sogennanten Bayerischen iesels& /ugusburg& 144U& p$ 1551B0$176 D$ CDO62?A/& 1995& p$ 99101$177  )$C$ DM-A& Nobin ood & op$ cit$ K -$ -#N?P& * Mral tradition and elite m"th$ Ahe legend of /ntônio 'ilvino in 2ra:ilian popular culture ,& art$cit$

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mme& il est évident que les homicides ! cause desquels de nombreux jeunes gens passent du mauvais côté de la loi sontle plus souvent le fruit d’affrontements entre des clans ou des familles politiques& autrement dit de rivalités internes auxfamilles localement influentes$ 6ais la thse de  Bandits& qui n’ignore pas l’existence des voleurs gentilshommes ni desrivalités politiques locales& n’est pas qu’il faut considérer le brigandage dans son ensemble comme une manifestation dumécontentement pa"san ce que 2lo3 décrit correctement comme * la vulgarisation trs répandue du modle deDobsbaEm ,& et moins encore que les voleurs ne sont utiles qu’aux pa"sans$ -’un des éléments essentiels du m"the&qu’il s’agisse du chevalier errant héro.que& de préférence altruiste et redresseur de torts& du spadassin comme lessamoura.s dans l’épopée de urosaEa& ou du pistolero comme dans les Nesterns& n’appartient pas spécifiquementaux sociétés pa"sannes$ Ce modle attire les jeunes hommes entreprenants& quelle que soit leur classe sociale& et

notamment ceux qui portent des armes$ -’attrait que ce modle a pu exercer sur les femmes est une question qui resteouverte$ #t pourtant& quelle que soit la nature du public initial de telle ou telle ballade& le m"the du bandit trouve sonessence dans la redistribution sociale et la justice pour les pauvres$ -a plupart des pauvres étaient des pa"sans& de mmeque la grande majorité de ceux qui devinrent des bandits$

One troisime critique& plus spécifique& porte sur les bandits que j’ai décrits comme des haWdoucs& c’est!dire desgroupes qui peuvent ! tout moment devenir des * mouvements primitifs de résistance et de lutte de libération ,$ Cettevision& comme je m’en rends compte maintenant& était influencée par l’image du haWdouc comme champion de la libertéet de la libération nationale& une image qu’on a pu décrire comme un * topos de l’époque romantique ,$ Péanmoins& ona souligné la signification que le * modle haWdouc , a eue par la suite pour les révolutionnaires des 2al3ans 1!"$ +ar ailleurs& les experts de l’#mpire ottoman et des 2al3ans& en particulier 8i3ret /danir& ont avancé de fa<on convaincantel’idée qu’on ne peut simplement parler de * pa"sans , dans une région o\ l’équilibre entre l’agriculture sédentaire et le pastoralisme transhumant a été instable et n’a cessé de fluctuer au cours des sicles$ #t ce d’autant plus que les haWdoucs

semblent provenir essentiellement de communautés spécifiquement pastorales1!#$ Péanmoins& les * strates militaires issues de la pa"sannerie affranchie , pastorale ou non restaient un exemple de

liberté et de résistance potentielle ! l’autorité& et un modle pour les pa"sans dont la situation n’était pas aussi favorable F et& plus tard& pour des idéologues F& mme lorsque ces derniers étaient attachés et par conséquent intégrés au s"stmeimpérial& comme tant de communautés militarisées aux frontires de l’empire$ -e biographe du plus fameux banditrévolutionnaire nous a récemment rappelé l’existence d’un équivalent occidental& les * colons militaires ,& ces pa"sanslibres qui luttaient contre les /paches sur la frontire mexicaine de l’#mpire espagnol 1"$$ @ l’instar des  gauchosargentins qui se considéraient comme des ennemis de l’=tat et de l’autorité légitime& mme lorsqu’ils prtaient serviceaux grands propriétaires et aux aspirants ! la présidence& les lignées de guerriers grecs qui résistaient au pouvoir ottoman ou qui& au contraire& se pla<aient ! son service& se considéraient comme indépendants vis!vis de lui$ #nfin&* c’est le conflit que la mémoire collective a retenu ; les chants clephtiques ont pour objet un partage net entre le mondede la révolte primitive GHI et le monde du droit représenté par les autorités ottomanes et les notables$ uels qu’aient étéles arrangements requis pour faire coexister ces mondes& ce partage demeurait et ne pouvait tre effacé1"1 ,$

+ourtant& ma thse originelle& selon laquelle les bandits sociaux& ! la différence de la * pgre , et des communautésde voleurs professionnels& font partie de l’univers moral de la pa"sannerie& a peuttre été entamée plus que je nel’imagine par un fait que je n’avais relevé qu’en passant ; les communautés de bandits permanentes et structuréesconstituent des formations sociales séparées et autonomes$ @ l’image de la contresociété que forment les basfondscriminels& elles développement des formes de comportement et des langages spécifiques des argots pour se distinguer du reste de la population& mme si le * Slossaire de termes choisis de l’argot des bandits , dans l’ouvrage de2illingsle"&  Bandits in Nepublican China1"2& tend ! suggérer que le vocabulaire spécifique aux bandits chinois nerecouvrait gure plus que des expressions réservées ! des activités criminelles spécifiques et des euphémismes$ #t pourtant& ces formations sociales restrent dévouées aux fondations morales de la communauté et de l’empire& aucontraire de groupes tels que les Bo00eri)ders décrits par /nton 2lo3& qui affichaient des comportements délibérément

 blasphématoires et se posaient consciemment en opposition ! la société chrétienne$Ce qui m’amne ! la quatrime critique& qui& contrairement aux trois premires& considre que la distinction entre le banditisme social et les autres t"pes de banditisme ne tient pas& en raison du fait que tout  crime constitue une forme decontestation et de révolte sociale$ Cet argument trouve sa forme la plus achevée dans l’étude que Carsten _ther aconsacrée au monde criminel allemand du >%???e sicle& étude dans laquelle il critique par conséquent mon ouvrage 1"3$Mn peut trouver des arguments similaires dans la grande étude de 2lo3 sur l’une de ces bandes& les formidables

 Bo00eri)ders hollandais 14V0144W 1"4$

178 %oir les remarques de 6atei Ca:acu in * (imensions de la révolte primitive en #urope centrale et orientale ,& débat ouvert le 5 juin 1971& président ; 6arc 8erro& uestions et (ébats sur l’#urope Centrale et Mrientale& n W& décembre 1975& +aris& p$ 91$179 8$ /(/P?T& * Deiduc3entum un osmanische Derrschaft ; 'o:ialgeschichtliche /spe3te der (is3ussion um das fr_hneu:eitliche TuberEesenin '_dosteuropa ,& art$ cit$& passim$180

 8$ /AR& The Life and Times of Pancho Villa& op$ cit$& chapitre 1$181 '$ /'(T/CD/'& * (imensions de la révolte primitive en #urope centrale et orientale ,& p$ 77$182 Mp$ cit$183 C$ AD#T& NaSber un Gauner in =eutschland > das organisierte BandenUesen im 2H+ und frShen 23+ `ahrhundert & Sttingen& 197V$184 /$ 2-M& =e Bo00eri)ders > Noversbanden en geheime Genootschappen in de Landen van Avermaas 2Z4[12Z99 & /msterdam& 1991 K /$2-M& * Ahe 2o33erijders ; #ighteenthcentur" brigandage in the 6euse %alle" ,& in S$ MTA/--? dir$& Bande armate, banditi, banditismo erepressione di giustiia negli stati europei di antico regime& op$ cit$& p$ VBVVBW$

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?l ne fait aucun doute que les bandes de vo"ous ont pu bénéficier de l’aide et du soutien de la population et desindividus marginalisés$ Pi que tout individu appartenant ! cette population ait été susceptible F et& au cas o\ il f]t unvagabond& ait sans doute cédé ! la tentation F de parfois prendre part ! certaines actions que les autorités& mais aussi les populations locales& considéraient comme criminelles$ (urant les phases de recrudescence du vagabondage& * malgré lesfréquentes démonstrations de solidarité et les gestes de compassion envers la misre véritable& l’image du pauvre du'eigneur céda la place ! celle de l’étranger dangereux& de la personne a"ant choisi la voie qui mne au crime 1"! ,$ Cen’était pas seulement la figure émergente du bourgeois& avec son éthique puritaine& mais le petit peuple travailleur descampagnes& moins bien protégé que les habitants des villes& qui appelaient ! des mesures draconiennes ! l’encontre des pauvres erres désLuvrés et venant d’ailleurs$ #nfin& il ne fait aucun doute que ces bandes de marginaux pouvaient

compter de fa<on s"stématique sur un réseau de soutiens& d’abris& et d’approvisionnement fourni par les populationsrurales marginalisées& sans lequel elles n’auraient su opérer$?l n’en reste pas moins qu’on ne saurait comparer les criminels et les bandits sociaux& mme s’ils sont tous deux

délinquants aux "eux de la loi& dans la mesure o\ le jugement moral du commun des mortels ne considérait que les premiers comme des criminels$ -a distinction entre les actes antisociaux et ceux qui ne le sont pas peut prendre desformes trs différentes selon l’époque& le lieu et l’environnement social& mais elle existe dans toutes les sociétés$ ?larrive dans certains cas que l’on reconnaisse des circonstances atténuantes pour des actes qui passent pour antisociauxou * immoraux ,& et il est possible que ces circonstances soient plus généreusement accordées aux pauvres& aux faiblesou ! ceux qui éprouvent de la s"mpathie ! leur égard K mais cela n’affecte pas le caractre antisocial des actes euxmmes1""$ Certaines sociétés sont plus tolérantes que d’autres K toutes font cependant la distinction entre ce qui est* criminel , immoral et ce qui ne l’est pas$ -a confusion naZt dans l’esprit des observateurs qui appliquent des critresd’une autre époque et d’un autre lieu& ou encore ceux d’autres groupes sociaux ce qui inclut les * autorités , K et les

étudiants qui essaient d’établir une analogie entre le banditisme social et le banditisme criminel ne sont pas toujours !l’abri de tels amalgames$

?maginons ainsi une société F ou une soussociété F trs faiblement structurée& fortement individualiste F en fait& pratiquement acéphale tant elle rejette toute autorité interne ou externe F et inhabituellement tolérante$! `’pense pas qu’on ait été étroits d’esprit, comme vous dites D, se souvenait dans les années 234[ un vieil habitant dela région des Aar0s, en ;r0ansas, ! ? en tout cas, le plus clair du tempsR An a )amais rien décidé - la h@te, mais siun gars R continuait - chaparder, et ben un matin il trouvait une lettre sur le pas de sa porte qui lui disait que les

 gens en avaient marre de ce genre de choses, et qui lui conseillait de quitter le district direct, avant le changement delune+ _ en avait qui nous appelaient les bald10nobbers189 , y’en avait qui nous appelaient Uhite1cappers190 , et d’autresnous appelaient seulement les night1riders191 , mais pour les gens de che nous, on était )uste le comité192+ D

Ces ruraux avaient une définition du crime ! eux F mais ils en avaient une$ #n revanche& l’* épidémie de braquagesde banques , qui bala"a le vieux territoire indien au cours des années difficiles qui suivirent 191W était de naturedifférente$ Ce n’étaient pas seulement les bandits& mais aussi les gens ordinaires qui s’attaquaient aux établissements bancaires$ -es banquiers de l’est de l’M3lahoma ne pouvaient compter ni sur les gardes mis ! disposition par lescompagnies d’assurances de nombreuses compagnies invalidaient les polices d’assurance parce que * le ressentimentdu public vis!vis des banques GétaitI si vif qu’il encourage GaitI les vols , ni sur les autorités de police locales& dontcertains membres s"mpathisaient avec les voleurs$ #n fait& * il ne fait pas de doute qu’un sentiment des plus dangereuxcourt ! travers une large section de la population& pour laquelle voler une banque ne constitue pas vraiment uncrime1#3 ,$ 6me si en théorie la loi punissait le braquage de banque& comme la distillation clandestine ou pour la plupart des cito"ens dans les années 1970 l’importation de marchandises non déclarées aux douanes ou le par3ing sur un emplacement réservé& il ne constituait pas véritablement un crime$ #n fait& il pouvait passer pour un acte de justicesociale et tre accepté comme tel$

Comme toujours& la distinction entre un t"pe d’action et un autre& ou entre ceux qui en sont les auteurs& est souvent

floue dans la pratique K tout particulirement lorsque les actions en question sont identiques$ C’est pourquoi les vo"ous peuvent faire l’objet d’admiration& voire acquérir la réputation de justiciers s’ils s’attaquent ! des institutionsimpopulaires ou jugées telles& et s’ils ne s’en prennent pas ouvertement aux gens ordinaires$ 6me les voleursd’aujourd’hui spécialisés dans l’attaque de trains sont rarement considérés comme des ennemis du peuple& sans pour autant qu’il " ait eu beaucoup de cas semblables ! celui d’/l )ennings& la terreur des chemins de fer en territoire indien ;ce dernier mena une campagne aux accents fortement populistes pour la nomination démocrate comme candidat au poste de gouverneur de l’M3lahoma en 191W& en projetant ! salles combles un film montrant ses exploits de horslaloi !

187  ?bid$& p$ VVW$188 #n général& la * jurisprudence , des sociétés pa"sannes& au sein desquelles les gens se connaissent tous ! titre familial ou individuel& n’établit pas de séparation nette entre le caractre des actes et le * caractre , des personnes qui les ont commis$189 Sroupe de justiciers masqués qui opéraient dans les M:ar3s aprs la guerre civile GP$d$A$I$190

  #xpression utilisée pour désigner des groupes affiliés au u lux lan GP$d$A$I$191  2andes criminelles du 'ud des =tatsOnis au début du >>e  sicle& qui rac3ettaient les planteurs de coton& au départ afin de réduire la production pour faire remonter les cours$ -es nightriders se dépla<aient ! cheval& la nuit& et incendiaient les entrepôts des agriculteurs récalcitrantsGP$d$A$I$192 %$ T/P(M-+D& Aar0 'ountain Yol0s& PeE Qor3& 19VU& p$ 7991& cité in )$ T$ ST##P , Grass1Noots (ocialism > Nadical 'ovements in the(outhUest 2H3512394, 2aton Touge[-ondres& 1947& p$ VVBVV4$193 )$ T$ ST##P& Grass1Noots (ocialism > Nadical 'ovements in the (outhUest 2H3512394& op$ cit$& p$ VV7VWU$

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travers l’=tat1#4$ On rustaud antisocial chassé de sa communauté dans les monts M:ar3 pouvait trs bien surgir ailleurssous les traits d’un héros horslaloi$ ?l n’" avait pas de distinction nette entre les gens ordinaires et les marginaux& lesvagabonds et les étrangers& surtout pendant les temps difficiles ou aux marges de la société établie$ -es révolutionnairesqui travaillaient dans les campements de vagabonds& comme les Nobblies 1#5& pouvaient parvenir ! * moraliser , cesderniers en interdisant la consommation d’alcool et de drogue& mais il " a fort ! parier que les trains de marchandisestransportaient de nombreux individus prts ! s’attaquer ! n’importe qui& riche ou pauvre& mme si& pour s’assurer unvo"age tranquille& ils sortaient leur carte de membre lorsqu’il le fallait$ #t cela mme lorsqu’ils s"mpathisaientvaguement avec la lutte contre l’injustice$ ?l se peut que le monde rural sédentaire préindustriel ait établi une distinction plus marquée entre les gens * ordinaires , et les * marginaux ,& ne seraitce que parce que les différences entre les

membres d’une communauté et les * étrangers , étaient beaucoup plus claires& de mme que celles qui distinguaient lestatut des individus et des familles ! l’intérieur de la communauté$ #n dessous d’un certain statut et d’un certain st"le devie& la distinction devenait moins nette& mais elle ne cessait pas d’exister pour autant& et les gens " compris lesmarginaux en étaient conscients$

+ar conséquent& quels que soient les éléments de dissidence sociale que l’on peut relever dans le banditisme socialcomme dans le monde criminel& 6acDeath et Tobin des 2ois n’en sont pas pour autant tout ! fait comparables& pas plusque ne le sont leurs s"mpathisants$ ?ls opéraient de fa<on différente ; Tobin des 2ois pouvait faire appel ! la bonnevolonté de tout homme qui n’était pas un ennemi personnel ou un représentant des autorités K pour les bandits de grandchemin& les campagnes n’étaient pas tant un milieu naturel dans lequel ils se dépla<aient avec aisance qu’un désertqu’ils devaient traverser en se repliant sur les quelques oasis et les rares abris qu’ils connaissaient& un réseau forméd’auberges qui servaient de repres de brigands et de lieux de recel 1#$  -es bandits sociaux constituaient une caste particulire parmi les habitants des campagnes& et ils ne se distinguaient des autres que par leur volonté et leur capacité

de ne pas courber l’échine$ ?ls ne se cachaient pas& et ils continuaient de vivre au grand jour mme lorsqu’ilséchangeaient leur rôle de pa"sanbandit pour celui de serviteur du seigneur ou de l’=tat$ -es marauds vivaient dans leur monde& en retrait ; un monde souterrain situé bien plus ! l’écart de la société * comme il faut , que notre civilisationurbaine et commerciale n’est ! mme de le concevoir$ -es bandits sociaux pouvaient tre et& dans les faits& étaient desmotifs de fierté pour la société ! laquelle ils appartenaient$ -es marauds n’étaient des héros qu’aux "eux des marginauxet des laisséspourcompte& ! moins qu’ils n’aient acquis la réputation de bandits sociaux& auquel cas le m"the sechargeait d’effacer leur passé criminel$ 6me les communautés traditionnelles de marginaux& pour autant qu’ellesfussent de véritables communautés& hésitaient ! les revendiquer publiquement comme leurs membres$ #t aujourd’huiencore& les juifs désireux de revendiquer comme étant des leurs des révolutionnaires qui rejettent leur juda.sme F comme un 6arx ou un Arots3" F restent embarrassés par un 6e"er -ans3"1#!$

-a question de savoir si le maraud est plus conforme au modle du rebelle social que le bandit pa"san n’a pas ! nousretenir ici$ 'i l’on s’en tient ! l’acception moderne de ce terme& aucun d’entre eux n’abritait vraiment une Jme derévolutionnaire& comme cet ouvrage s’est efforcé de le montrer dans le cas des bandits sociaux$ (ans une conjoncturerévolutionnaire& l’un comme l’autre peuvent venir grossir les rangs de la révolution& mme si on ne dispose gured’éléments suggérant qu’ils se soient joints aux grandes révolutions de la modernité européenne par conviction$ -e casde la Chine est peuttre différent$ -’élément ! retenir est qu’! l’époque de leur apogée& les révolutions pouvaient faireappel aux bandits sociaux& mais pas aux criminels$ #t cela non seulement parce que la société pa"sanne sédentariséeétait beaucoup plus nombreuse que la sousclasse interlope qui vivait sur ses marges de fa<on stable ou saisonnire&mais parce qu’il s’agissait effectivement d’une société F jeune ou ancienne& juste ou injuste$ Aant qu’elle excluait oumarginalisait les étrangers& sa morphologie ne changeait pas$ #t tant que ces derniers se tenaient en dehors& ilscontinuaient ! se définir en relation ! elle et ! dépendre d’elle pour leurs activités$ 'i les deux groupes vivaient ens"mbiose& comme c’était généralement le cas& il s’agissait d’une s"mbiose inégale$ -a société * comme il faut , pouvaitfonctionner en ne faisant appel que de fa<on marginale ! ces exclus& tandis que ces derniers ne pouvaient vivre que dans

ses interstices$+ar conséquent& la société pa"sanne établie& qui comprenait les banditspa"sans& fonctionnait autour de la * loi , F laloi de (ieu et celle de la coutume& qui était différente de celle de l’=tat ou du seigneur& mais qui constituait néanmoinsun ordre social$ #t tant que cette société entretenait l’idée d’un avenir meilleur& elle le considérait en termes de retour !une ancienne loi ou& parfois& de progrs vers une nouvelle loi susceptible d’apporter non seulement une véritable justice&mais aussi la liberté$ 'i l’on excepte partiellement les membres de communautés stables et structurées comme les gitansou les juifs& les exclus n’avaient pour seule option que de rejeter la loi F celle de (ieu& celle de la communauté& toutcomme celle du seigneur ou du roi$ C’est ce qui faisait d’eux des criminels en acte ou en puissance$ ?ls n’avaient aucunevision alternative de la société& aucun programme de transformation explicite ou implicite& seulement un ressentiment justifié ! l’égard de l’ordre social qui les excluait& ainsi qu’un sentiment d’aliénation et d’injustice$ Ael est le lot tragiquequi était le leur$

194

 ?bid$& p$ VW0$195 Nobblies ; nom désignant les membres du s"ndicat ?ndustrial Nor3ers of the Norld$ '"ndicat ouvrier d’obédience anarchosocialiste fondé en1905& le ?NN atteignit son apogée dans les années 19U0$ Mn pouvait " adhérer sans avoir un poste de travail fixe GP$d$A$I$196 6me ces derniers déclaraient souvent n’offrir leurs services qu’en période de vaches maigres& ce qui devait tre le cas dans les tavernes !l’écart de tout et les fo"ers isolés$197  6e"er -ans3" 190U197V ; fameux gangster neE"or3ais qui joua un rôle de premier plan dans la constitution du s"ndicat du crimeaméricain GP$d$A$I$

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-es auteurs qui ont cherché ! assimiler le criminel au bandit social dans certaines études récentes ont eu sans nuldoute de bonnes raisons de le faire& tout en restant conscients comme _ther de ce qui les distinguait et de l’hostilitéqu’ils se vouaient mutuellement$ -es similarités qui caractérisent le modus operandi des bandes de maraudeurs et celuide certains groupes plus récents d’activistes ou de terroristes ne sont pas passées inaper<ues$ Ces derniers agissaient euxaussi dans la clandestinité K ils n’étaient mobilisés que dans le cadre d’opérations spécifiques& entre lesquelles ilsdisparaissaient dans l’anon"mat des classes mo"ennes urbanisées& tout comme les marauds se mlaient ! la populationmarginale$ ?ls s’appu"aient eux aussi sur un réseau de soutiens national& voire international& qui comptait un nombrelimité de contacts mais dont l’étendue et la flexibilité étaient surprenantes$ ?l se peut que l’humeur néoanarchiste decertains groupes d’ultragauche des années 19B0 les ait encouragés ! voir dans le crime une forme d’activité

révolutionnaire& comme 2a3ounine l’avait déj! suggéré$ +ar ailleurs& les révolutionnaires modernes qui appartiennentaux fractions dé<ues par la masse * régulire , des travailleurs& apparemment intégrés ! la société de consommation etdisposés ! voir dans les groupes de marginaux et d’exclus les ennemis irréductibles du  statu quo& sont susceptibles deconsidérer les marginaux et les populations * peu respectables , du passé avec plus de s"mpathie que n’en témoignaientles rebelles pa"sans d’antan ou les militants du prolétariat organisé$ 'i l’on en juge de fa<on impartiale& ils étaient eneffet fortement opprimés et vivaient dans des conditions misérables& le monde * honnte , les traitant de fa<oninjustifiable$ -’émancipation de l’humanité ne saurait se limiter ! celle des seuls gens respectables$ Ceux qui ne le sont pas se révoltent ! leur fa<on$ Cet argument ne vise aucunement ! souligner un désaccord avec ceux qui anal"sentl’histoire du crime préindustriel comme une sorte de protestation sociale$ ?l s’agit simplement de souligner que larévolte sociale que 6cDeath peut incarner dans  L’Apéra de quat’sous n’a rien ! voir avec celle dont Tobin des 2ois estl’instrument$ +as plus que les deux personnages ne sont comparables$

-a cinquime et la plus convaincante des critiques formulées ! l’encontre de mon livre est celle que j’ai acceptée

dans la +réface ! la présente édition$ #lle me reproche un usage acritique de la littérature et des légendes du banditismelorsque je les utilise comme sources$ -es m"thes et les ballades ! la gloire des bandits nous apprennent bien peu sur laréalité historique du banditisme social& sans parler de la carrire réelle des bandits euxmmes$ +our autant qu’on peuten déduire quelque chose& ce ne peut tre qu’au terme d’une étude critique serrée de l’histoire de ces textes& étudetotalement absente dans la version originale de ma thse$ 2ien entendu& cela n’affecte en rien le statut de ces textes entant que sources documentant les cro"ances& les attentes ou les interprétations populaires du banditisme& bien qu’il faillel! aussi procéder plus prudemment que je ne l’ai fait$

?l convient aussi de mentionner au moins une critique plus spécifique& qui porte sur le banditisme sarde& bien qu’elles’applique ! la tendance générale des études sur la 'ardaigne plus qu’aux références occasionnelles que j’" fais dans leséditions précédentes de Bandits1#"$ Mn a observé que le rapprochement entre le banditisme sarde et les hautes terres pastorales de la 2arbagia& supposée tre une région aux structures sociales particulirement archa.ques& ne s’est fait qu’!la fin du >?>e sicle$ ?l s’agit l!& comme on l’a avancé de fa<on fort plausible& d’une conséquence de l’émergence& danscette région et nulle part ailleurs& d’une économie spécialisée liée au fromage de chvre& presque exclusivement orientéevers l’exportation$ #lle a depuis pris la forme du vol de bétail s"stématique& lié de fa<on croissante depuis les années19B0 aux enlvements et aux demandes de ran<on$ )e ne peux pas dire dans quelle mesure l’explication de ce phénomne en termes de relations entre des hautes terres et des villages aux structures sociales différentes * uneactivité qui& tout en faisant office de médiation entre des valeurs opposées& maintient leur distinction , telle que l’aavancée (avid 6oss est acceptée par les spécialistes de la 'ardaigne$

8inalement& des auteurs inspirés par mon modle du * banditisme social , m’ont justement reproché de le limiter aux sociétés agraires prémodernes$ Mn peut en effet observer un phénomne tout ! fait similaire en /ustralie au >?> e

sicle& ainsi qu’aux =tatsOnis aux >?>e et >>e sicles& alors qu’aucun de ces deux pa"s ne se présente comme une* société pa"sanne traditionnelle ,& précapitaliste ou préindustrielle$ Comme l’observe l’un des spécialistes du sujet -$Slenn 'eretan ; * -e banditisme social est un phénomne plus durable et plus pol"morphe que ne le suppose

DobsbaEm et GHI les vicissitudes de l’évolution historique des =tatsOnis Gou de tout autre pa"sI étaient parfaitement !mme d’en produire des variantes authentiques , F " compris aussi tard que pendant la période du  JeU =eal rooseveltien$ (’un autre côté& je ne peux accepter l’argument de mon principal critique * moderniste ,& +at M’6alle" F un spécialiste de Ped ell" et des bushrangers  australiens qui considre le banditisme social dans les sociétés pa"sannes traditionnelles comme un cas particulier au sein d’une matrice plus générale& caractérisée en l’occurrence par a * la présence d’une lutte de classes chronique qui suscite parmi la population directement productive une consciencecollective du conflit , et b * l’absence d’organisation politique institutionnalisée des intérts des producteurs& capabled’exprimer un programme d’action visant ! la réalisation effective de leurs objectifs communs ,$ ?l est vrai que lacondition b est généralement vérifiée au cours de l’re préindustrielle& mais elle peut également tre réalisée plustardivement$ +our la mme raison& M’6alle" reste sceptique lorsque je suggre que le déclin du banditisme social a partie liée avec l’amélioration des mo"ens de transport et de communication modernes& et une plus grande efficacité del’autorité publique dans les :ones rurales$ (’aprs lui& le banditisme social peut s’épanouir malgré ces transformations$

+ourtant& ses propres travaux ont par la suite suggéré que les bandits de grand chemin anglais ont disparu au début du

198 (avid 6M''& * 2andits and boundaries in 'ardinia ,& 6an& P'& vol$ 1W& 1949& p$ W44W9B$ %oir aussi )$ (/Q in 2$ %?PC#PA dir$& -es6arginaux et les exclus dans l’histoire& 2ourgois& +aris& 1949& p$ 147U1W$

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>?>e sicle lorsqu’ils ont été confrontés ! des forces de police mieux organisées et plus méthodiques& mais il attribuecela au fait que les bandits étaient privés * d’une assise de classe unifiée ,1##$

#n réalité& il n’" a gure matire ! dispute$ ?l va de soi que le banditisme est un phénomne social qui diminue !mesure que de meilleures stratégies de lutte agrarienne deviennent disponibles$ )e l’ai dit pendant quarante ans$ ?l estégalement plausible que l’attraction que ce phénomne exerce ne s’épuise pas& mme dans une société aussi capitalisteque les =tatsOnis& ! condition que la légende du bandit social fasse partie de la culture populaire$ C’est le cas des =tatsOnis dans les années 19V0$ * -es premiers horslaloi des années 19V0& écrit 'eretan& étaient conscients d’appartenir !une tradition ; ils étaient élevés dans cette tradition et elle les influen<ait en retour K ils s’" conformaient en gestes et en paroles K et elle définissait& en dernire instance& la trajectoire de leurs carrires aussi brves que spectaculaires$ , (ans

l’esprit d’un /lvin arpis& d’une 2onnie +ar3er ou d’un Cl"de 2arroE& Tobin des 2ois et )esse )ames étaient toujoursvivants& et sillonnaient les plaines au volant d’automobiles$6ais tout cela ne change rien au fait que& dans une société capitaliste pleinement développée& les conditions dans

lesquelles le banditisme social hérité du passé peut survivre ou renaZtre demeurent exceptionnelles$ #lles resterontexceptionnelles& mme si les opportunités de brigandage sont devenues beaucoup plus fréquentes qu’au cours dessicles passés& dans un millénaire qui débute avec l’affaiblissement& voire la désintégration du pouvoir de l’=tatmoderne& et la capacité généralisée des groupes de combattants irréguliers de se procurer des mo"ens de destruction portables mais dévastateurs$ @ toutes fins pratiques& Tobin des 2ois a désormais déserté les pa"s les plus* développés ,& ce qui ne surprendra personne$ -’anal"se que je livrais dans mon ouvrage cherchait ! expliquer la fin dece phénomne ancestral et largement répandu& plutôt qu’elle ne visait ! définir les conditions sous lesquelles sarenaissance ou sa survie devenaient ponctuellement possibles$

?l convient néanmoins de dire quelques mots au sujet de la survie et de la transformation du banditisme social dans

les sociétés de capitalisme rural développé$

??-a transition vers une agriculture capitaliste est un processus lent et complexe$ (ans la mesure o\ cette agriculture

reste le fait de familles de fermiers qui& si l’on excepte la technologie qu’ils emploient& ne sont pas foncirementdifférents des pa"sans dont la plupart d’entre eux sont les descendants& on assiste ! de nombreux effets de continuité F  pour le moins au niveau culturel F entre l’ancien monde rural et le nouveau$ Q compris lorsque ce nouveau monde sesitue audel! des océans$ /prs tout& l’exploitation agricole reste une entreprise de petite échelle comparée auxopérations de l’industrie et de la finance& notamment si l’on considre les effectifs de maind’Luvre emplo"és par chaque unité$ +ar ailleurs& l’hostilité tenace dont les campagnes font preuve ! l’égard des villes& et leurs habitants !l’égard des étrangers& persiste visiblement sous la forme de conflits entre les intérts des fermiers en tant que groupeéconomique et ceux du reste de la population& comme en témoignent aujourd’hui les problmes de la Communautééconomique européenne$ (ans les campagnes& les progrs de l’économie capitaliste ont ainsi permis une certaine* modernisation , du banditisme social& mme si on peut débattre de la durée de ce phénomne$

Cette économie a fait émerger de nouveaux objets susceptibles de cristalliser le mécontentement populaire "compris celui des fermiers capitalistes& et par conséquent de nouveaux * ennemis du peuple , contre lesquels les bandits peuvent faire valoir la cause de ce dernier$ -es sociétés rurales du 2résil et des =tatsOnis ne partageaient pasl’enthousiasme des villes pour les chemins de fer& en partie parce qu’elles voulaient tenir ! l’écart le gouvernement et lesétrangers& et en partie aussi parce qu’elles considéraient que les compagnies de chemin de fer pratiquaient l’exploitation$-es canga.eiros brésiliens s’opposaient ! la construction des voies& tandis que le gouverneur du 6issouri& Crittenden&salua le meurtre de )esse )ames comme un événement * soulageant l’=tat d’une grande entrave ! sa prospérité etsusceptible de donner une impulsion importante ! la spéculation immobilire& ! l’extension du réseau ferré& et !l’immigration étrangre ,$

6ais les principaux fléaux qui s’abattaient sur les agriculteurs étaient les banques et les prts h"pothécaires$ Commenous l’avons vu& les * sélecteurs , australiens ainsi que les fermiers frontaliers en /rgentine et aux =tatsOnis avaientune conscience aigu de ce problme$ -es bushrangers de Ped ell" ne pratiquaient pas le vol de grand chemin& maisils concentraient leurs efforts sur les attaques de banques et de trains$ #t comme nous l’avons noté& en période de crise&il n’" avait probablement aucun rustaud du sudouest et bien peu de fermiers des plaines qui n’auraient trouvé celanaturel et justifié$ -a principale raison pour laquelle 6até Cosido ne s’en prenait pas aux banques argentines& quiconstituaient elles aussi une cible naturelle& était que les fermiers locaux vo"aient dans la finance étrangre un agent ducapital anon"me plus diabolique encore que les représentants de la finance locale$ -es admirateurs de )nosX3 et de6usolino connaissaient certes les dettes& mais c’est seulement dans une économie foncirement capitaliste que lescrédits bancaires& les h"pothques et tout le reste deviennent les principaux attributs d’une condition dans laquelle lesfermiers et les pa"sans se sentent exploités F attributs qui contribuent du reste ! lier le mécontentement du peuple descampagnes ! celui d’autres classes& comme celle des artisans ou du petit commerce$ /insi& les périodes qui transforment

les institutions bancaires en incarnations parfaites de la vilénie et l’attaque de banques en pratique la plus communémentacceptée de redistribution de la richesse marquent l’adaptation du banditisme social au capitalisme$

199 +$ M’6/--#Q& * 'ocial bandits& modern capitalism and the traditional peasantr" ; a critique of DobsbaEm ,& )ournal of +easant 'tudies& B[W&1949& p$ W79W99$ %oir aussi * Ahe class production of crime ; banditr" and class strategies in #ngland and /ustralia ,& Tesearch in -aE and'ociet"& V ; 171199$

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organisations collectives qui constituent la principale ligne de défense contre ce t"pe d’injustices$ -es couchesinférieures de la société urbaine moderne sont peuplées d’une foule de gens qui font l’expérience de ce sentiment$ @mesure que l’=tat devient plus distant et que des institutions telles que les s"ndicats se réduisent ! des organisationsd’autodéfense corporatiste comme cela est le cas dans de nombreux pa"s& il se pourrait bien qu’augmente l’attraitexercé par ces rves d’insurrection privée et de justice individuelle$ )e doute que la figure du bandit soit le principalimaginaire qui permette de donner une expression ! ce malaise dans nos sociétés$ +as plus que )ohn Na"ne& )esse )amesne saurait soutenir la comparaison avec 2atman et ses semblables$ -es survivances de l’imaginaire traditionnel du bandit dans la grande ville ne sauraient nous retenir ici$

Aoutefois& au cours des années 19B0 et 1940& une curieuse postface est venue compléter l’histoire du banditisme

social traditionnel lorsque ses stratégies& et d’une certaine fa<on son ethos et ses idéaux& furent repris par une nouvellecommunauté& constituée essentiellement de petits groupes de jeunes issus des classes mo"ennes qui formaient le cLur de groupes néorévolutionnaires$ ?ls ont pu bénéficier de temps ! autre de relais massifs sur les campus universitairessaturés de ces décennies& et ils ont tenté de faire directement appel& pardessus la vieille classe ouvrire et lesmouvements de travailleurs quelle qu’ait été leur couleur politique& aux couches pauvres& non organisées& aliénées etmarginales de la société$ Mn a suggéré des similitudes avec les intellectuels narodni0i russes$ #t pour une bonne part& ona vu dans la culture et la politique de la nouvelle jeunesse dissidente une forme de * révolte primitive ,& comme l’anotamment montré le sociologue /lain Aouraine$ One partie de cette jeunesse a d’ailleurs pu reprendre ! son comptecette définition2$4&  et les exemples d’un tel néoprimitivisme drapé dans les oripeaux idéologiques de l’époque nemanquent pas$

Mn peut en effet rapporter ! l’ancien modle de l’insurrection privée un épisode comme celui de l’* /rmée delibération s"mbionaise , 194V194W& épisode par ailleurs négligeable qui se déroula sur les franges les plus sauvages

de l’aliénation californienne& mais seulement dans la mesure o\ ce groupe a mis en exergue au moins un acte publicconsistant ! voler aux riches en l’occurrence ! Nilliam Tandolph Dearst )r$ pour donner aux pauvres en usant duchantage pour obliger Dearst ! leur distribuer de la nourriture$ Ce groupe s’apparentait au banditisme social traditionnelnon seulement parce qu’il faisait de la redistribution un acte hautement s"mbolique 2$5 et redressait essentiellement destorts individuels F libérer des prisonniers est une activité qui attire généralement les groupes politiques durs F mais aussi par la briveté de sa carrire$ 8ormés sur les cendres de l’embrasement étudiant international de la fin des années 19B0&d’autres groupes d’activistes de ce genre ont fait preuve de leur go]t pour des opérations qui auraient re<u l’assentimentde )esse )ames& et notamment des * expropriations , voir le chapitre 9& dont l’ampleur atteint par conséquent des proportions épidémiques au cours des années 1940 et 1970$ Cependant& ! la différence d’autres formes d’incursions audel! des confins de la loi& l’/-' n’était liée ! aucune organisation révolutionnaire plus large& ! aucun mouvement& !aucune doctrine& ce qui ne rend que plus patent le néoprimitivisme purement local de ses agissements et de ses propos$

-es bandits de la tradition s’appu"aient sur les liens de parenté ou de voisinage& ainsi que sur la communauté !laquelle ils appartenaient$ -es s"mbionais étaient des individus sans attaches& dont aucun ne connaissait ou n’avaitentendu parler des autres jusqu’! ce qu’ils se rencontrent dans le ghetto culturel de l’#ast 2a"& semblables ! des galetsqui se retrouvent sur quelque banc de sable aprs avoir été charriés en aval d’un s"stme fluvial complexe$ 2ien que la plupart des on:e principaux membres du groupe aient appartenu ! une sorte d’intelligentsia étudiante& leur union nedevait rien ! ce catal"seur commun des groupes révolutionnaires formés sur les campus que sont les liens unissant lesindividus qui étudient en mme temps dans la mme université ou le mme département$ 2er3ele"Ma3land étaitsimplement un endroit autour duquel ils gravitaient& quelles qu’aient été leurs universités d’origine$

?ls n’appartenaient pas tant ! une communauté F sinon en un sens purement géographique F qu’! une certaine scnefondée sur le refus des valeurs * bourgeoises ,& une sorte de uartier latin ou de 6ontmartre& une scne constituée augré de la sociabilité fluide de la rue& du logement& des manifs ou des ftes& par le st"le de vie propre ! une sorte de bohme2$& par la rhétorique partagée d’une sousculture dissidente qui se considérait comme révolutionnaire& et par 

l’attirance sexuelle réciproque F probablement le facteur qui& ! lui seul& a joué le plus dans la constitution de ce groupe particulier$ /lors qu’elles jouaient un rôle marginal ou perturbateur dans les bandes traditionnelles& les femmes étaientdans ce cas le principal ciment hétérosexuel ou homosexuel du groupe$ 6is ! part le souvenir de la famille bourgeoise&le seul modle authentique de communauté& certes ! petite échelle& était celui la * commune , et des petits groupescompacts d’activistes révolutionnaires& dont beaucoup s’étaient développés en marge des mobilisations étudiantes& par scission plus que par association$ -a phraséologie politique de l’/-' provenait essentiellement de ces groupesl!$

#ncore une fois& les rebelles primitifs traditionnels étaient unis par un ensemble de valeurs héritées et de cro"ancescommunes au sujet de la société& si profondes qu’elles n’avaient pas besoin d’tre explicitées& ! supposer qu’elles pouvaient l’tre$ ?l n’" avait qu’! les réaliser en pratique$ 6ais& si l’on excepte le vocabulaire de la (éclarationd’indépendance& qui résonne encore dans les manifestes de l’/-'& ces néoprimitifs ne disposaient pas d’un tel réservoir 

204 'ur le concept de * rebelles primitifs ,& voir mon ouvrage Les Primitifs de la révolte 8a"ard& +aris& 19BB& qui est probablement ! l’origine du

succs que ce concept a rencontré$ ?l semblerait qu’au cours des années 19B0& certains révoltés de 2er3ele" se soient reconnus dans les banditssociaux et dans d’autres figures décrites dans le livre& qui était lu par la gauche universitaire$205 -orsqu’on leur fit savoir que leurs revendications excédaient les capacités financires de Dearst& ils lui répondirent de la fa<on suivante ; * ?ln’a jamais été question que vous nourrissie: l’=tat entier GHI$ +ar conséquent& quelle que soit la somme que vous arrive: ! réunir& <a fera l’affaire,& )$ 2TQ/P& This (oldier (till ;t &ar & PeE Qor3[-ondres& 1945$ -es informations dont je dispose sur l’/-' sont tirées de ce livre& sur lequelmon regretté ami Talph Sleason a bien voulu attirer mon attention$206 #n fran<ais dans le texte GP$d$A$I$

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doctrinal$ ?l leur fallait traduire leur expérience personnelle de l’aliénation en idéologie formalisée& ou plutôt enrhétorique& faite d’une sélection confuse de phrases tirées du lexique révolutionnaire de la * nouvelle gauche ,& del’orientalisme californien& et d’un babillage ps"chologisant$ Ce qui prit la forme d’exercices oratoires programmatiques&rarement réalisés en pratique si ce n’est pour formuler quelques revendications négatives F l’abolition des prisons&l’abolition du * s"stme d’exploitation par le lo"er , dans les maisons et les appartements F ainsi qu’un appel en faveur d’un s"stme * qui ne forcera pas les gens ! s’engager ou ! rester dans des relations personnelles dont ils ne veulent pas2$! ,$ C’était l! un cri lancé par des individus désemparés contre une société cruelle et atomisée& mais il leur  permettait seulement de justifier des actes de violence s"mboliques& d’affirmer leur existence en tant qu’individus queleur reflet dans le miroir déformant des médias rendait dignes d’intért& et de légitimer le st"le de vie d’un petit groupe

illégal qui leur tenait lieu de communauté et de société$ -es membres * renaissaient , ! travers le groupe en sechoisissant un nouveau nom& ce qui donnait lieu ! toute une s"mbolique privée$-’illégalité comme choix personnel et libre& les actes illégaux abstraits de la réalité politique et sociale ; voil! donc

ce qui distingue le banditisme social traditionnel de ces imitateurs ou de ces équivalents tardifs$ -a plupart des individusdont il est question dans ce livre n’ont pas choisi de se mettre hors la loi sauf lorsque le banditisme constituait unmo"en de gagner sa vie& comme vocation professionnelle$ ?ls se sont retrouvés dans cette condition ! la suited’agissements que ni eux ni la société ! laquelle ils appartenaient ne considéraient comme criminels& et le reste s’estensuivi$ Aout ce que l’on peut en dire& c’est que les jeunes durs peu enclins ! accepter l’injustice ou ! se plier ! uneoffense avaient de fortes chances de finir dans cette ornire$ C’est l! un trait que partagent les bandits sociaux de latradition et les prisonniers noirs américains& qui comptaient certainement parmi les sources d’inspiration et les modlesdes groupes tels que l’/-'& bien que la société qui marque au sceau de la prison et de l’expérience carcérale une largefraction de son sousprolétariat noir ait trs peu ! voir avec celles qui produisaient une petite frange de canga.eiros ou

de haWdoucs$ Péanmoins& mme si l’/-' et& sans doute& d’autres groupes semblables et politiquement plus sérieux ont pu attirer quelques individus de la sorte F voire& dans leur qute de racines populaires et de légitimité idéologique&redoubler d’efforts en vue d’inclure de fa<on purement s"mbolique quelques membres noirs& hispaniques ou prolétaires F& la majorité de leurs membres était issue d’un milieu social entirement différent$ ?l s’agissait des fils et des filles desclasses mo"ennes quelle qu’ait été leur incarnation locale et souvent des classes aisées& bien que ce ne f]t pasvéritablement le cas pour l’/-'$ #n /rgentine& les institutions qui furent décimées par le terrorisme auquel eurentrecours les militaires afin de détruire les poches d’insurrection armée étaient les dernires classes des l"cées de l’élite$(e tels activistes choisissaient librement l’illégalité$ -e plus qu’on puisse en dire est qu’au cours des années 19B0 et1940& pour des raisons qui n’ont pas ! tre discutées ici& ce libre choix était plus fréquemment le fait des fils et des fillesdes classes mo"ennes et de l’élite$ ?ls n’étaient pas plus contraints de faire ce choix que le jeune 8riedrich #ngels nel’était de devenir communiste$

#ncore une fois& qu’ils soient de nature professionnelle ou * politique ,& les agissements du bandit social font partiedu tissu social auquel il appartient et& dans une certaine mesure& ils en sont aussi la conséquence logique$ Ce livre a étéen grande partie consacré ! en apporter la démonstration$ Comme je l’ai montré& les bandits sont tellement imbriquésdans ce tissu qu’ils ne sauraient en réalité tre des révolutionnaires& bien qu’ils soient susceptibles de le devenir danscertaines circonstances$ -eurs actions peuvent bien avoir valeur de s"mbole& mais elles ne sont pas dirigées contre dess"mboles& mais contre des cibles spécifiques et& en quelque sorte& organiques ; non pas le * s"stme ,& mais le shérif de Pottingham$ ?l arrive que certaines opérations& notamment celles qui sont menées par les groupes terroristes les plussophistiqués et les plus habiles politiquement& visent des cibles spécifiques et escomptent des résultats spécifiques&comme dans le cas de l’assassinat de Carrero 2lanco par l’#A/ basque ou celui de l’enlvement et du meurtre d’/ldo6oro par les 2rigades rouges italiennes$ (ans ces cas de figure& la sophistication des calculs politiques sur lesquelsreposent ces opérations& qui implique notamment un degré d’information trs élevé sur la situation politique aux plushauts échelons du pouvoir national& place leurs organisateurs en dehors de la sphre qui constitue l’environnement du

 banditisme social& ancien ou nouveau2$"

$6ais& d’un autre côté& les listes de victimes potentielles que l’on a pu retrouver dans les documents des néoTobinsdes 2ois capturés par la police comme les membres de l’/-' sont la plupart du temps arbitraires$ 'auf lorsqu’elles prolongent un c"cle de représailles entre policiers et voleurs& elles visent essentiellement ! défendre& protéger et libérer les camarades arrtés et emprisonnés F activités qui& pour des raisons ps"chologiques& tendent ! monopoliser lesactivités de tels groupes$ Tapidement& elles n’entretiennent plus qu’une relation indirecte avec les objectifs politiquesmanifestes du groupe$ #n dehors de ces cas de figure& les victimes pressenties peuvent aisément tre remplacées par d’autres& dans la mesure o\ elles sont essentiellement des s"mboles du * s"stme , ; un autre banquier peut prendre la place de +onto& un autre entrepreneur celle de 'chle"er& tous deux victimes de la * 8raction /rmée rouge ,$ +ar ailleurs&dans les cas hautement s"mboliques de ce genre& aucune conséquence politique précise n’est attendue& si ce n’estl’affirmation publique de la présence et du pouvoir des révolutionnaires et de leur cause$

@ ce stade& on peut relever une similitude entre les bandits d’autrefois et les activistes d’aujourd’hui& bien qu’elle

accentue la différence fondamentale entre les contextes sociaux auxquels ils appartiennent$ (ans un cas comme dans207  )$ 2TQ/P& This (oldier (till ;t &ar & op$ cit$& p$ V1U$ -e livre inclut un recueil de documents provenant de l’/-'$208 /insi en estil du calcul selon lequel la disparition d’/ldo 6oro était susceptible de réduire ! néant les chances d’établir un * compromishistorique , entre la démocratie chrétienne et le +arti communiste& dont 6oro passait pour l’un des principaux défenseurs parmi les démocrateschrétiens F calcul que seuls sont capables de faire des hommes politiques de stature nationale ou des intellectuels versés dans les subtilités dontregorge le journalisme parlementaire et qui n’intéressent gure la grande majorité des ?taliens& mme lorsqu’ils sont ! mme de les comprendre$

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l’autre& le * m"the , est un des principaux objets sur lesquels se concentrent leurs actions$ +our le bandit traditionnel& ilconstitue une gratification en soi& tandis que pour les néobandits& sa valeur tient aux conséquences supposées en termesde propagande$ #n tout état de cause& en vertu de la nature de ces groupes clandestins& il ne peut s’agir que d’un m"thecollectif& les individus restant d’ordinaire anon"mes 2$#$ Aoutefois& dans les deux cas& ce que l’on appelle aujourd’hui la* publicité , est un enjeu fondamental ; sans elle& les bandits ou les groupes clandestins n’auraient aucune existence publique$ -’émergence des mass media a fondamentalement bouleversé la nature de cette existence$ -es bandits de latradition établissaient leur réputation ! travers un contact direct avec leur public et le bouche ! oreille d’une sociétéorale$ ?ls ne firent leur entrée dans l’équivalent primitif des mass media F les ballades& les romans populaires& et autres productions de ce genre F qu’aprs avoir fait leur réputation$ +armi ceux qui dont il est question dans ce livre& certains

n’ont jamais accompli le passage de la réputation construite sur le face!face et la transmission orale ! une m"thologie plus générale ; tel est par exemple le cas de 6até Cosido dans le Chaco argentin& pour autant que l’on puisse en juger$-’histoire du banditisme social comporte un stade tardif qui voit les premiers mass media s’emparer du m"the et enassurer la diffusion ; ainsi probablement dans l’/ustralie de Ped ell"& les =tatsOnis de )esse )ames& peuttre encoredans la 'ardaigne du >>e sicle bien que& malgré leur penchant pour la publicité& les bandits célbres de l’Zle& comme+asquale Aanteddu& jouissaient d’une réputation qui n’était rela"ée en dehors de la région que par des intellectuels& etcertainement ! l’époque de 2onnie et Cl"de$ uoi qu’il en soit& la célébrité médiatique resta en général un bonus quis’ajoutait ! la juste récompense d’une réputation de bandit$

-es médias sont aujourd’hui la principale source du m"the& voire la seule$ ?ls sont aussi en mesure de donner auxévénements une visibilité instantanée et& dans certaines circonstances& planétaire& sans équivalent par le passé$ (ans unmonde non médiatique& Narhol n’aurait pu formuler son utopie d’un moment de * célébrité , pour chaque cito"en$ -em"the créé par les médias présente peuttre le désavantage d’tre intrinsquement transitoire& dans la mesure o\ il est

la création d’une économie qui traite de la mme fa<on les Jmes et les cannettes de bire jetables& mais ce désavantage peut tre compensé par la répétition des actes qui assurent l’exposition médiatique$ @ cet égard& le bandit traditionnel estune tortue susceptible de l’emporter sur le livre électrifié de ses successeurs$ +ersonne ne se pose la question de savoir ce qui est arrivé ! )esse )ames$ #t nombreux sont aujourd’hui ceux ! qui il faut rappeler qui était +att" Dearst$ ?l n’enreste pas moins que l’/rmée de libération s"mbionaise a construit sa réputation de fa<on fulgurante et ! si grandeéchelle qu’elle a dépassé& pendant sa brve carrire& celle dont jouissait )esse )ames de son vivant$

-’image et l’efficacité politique des néoTobin des 2ois se construisent par conséquent non pas ! travers leursactions ellesmmes& mais ! travers leur capacité ! faire les gros titres& et c’est essentiellement en vue d’atteindre cetobjectif qu’ils planifient cellesci$ (’o\ le paradoxe qui veut que certains actes& qui auraient contribué ! renforcer lem"the entourant les bandits d’antan& sont précisément ceux que leurs successeurs préfrent ne pas rendre publics car ilsfausseraient leur image par exemple en faisant d’eux des criminels plutôt que des militants politiques$ -a majorité desenlvements avec demande de ran<on et des attaques de banques grJce auxquels les activistes accumulent les fondssouvent trs importants que nécessitent des opérations qui& dans les circonstances actuelles& sont souvent trs onéreuses&restent trs certainement anon"mes et se laissent difficilement distinguer des autres vols ou enlvements professionnels&malgré la valeur publicitaire que peuvent avoir les attaques portées contre les riches21$$ Ces groupes font rarement de la publicité autour des * expropriations ,& sauf lorsqu’il s’agit de passer un message politique précis F par exemple enmettant au jour les agissements véreux d’importants titulaires de comptes$ #n Orugua"& les Aupamaros étaient particulirement habiles lorsqu’il s’agissait de * politiser , les attaques de banques& en détournant ainsi l’attention del’objectif principal& qui restait le vol$

@ l’inverse& l’impact s"mbolique de ces actions ne vient pas du fait qu’elles visent des cibles que le grand publicconsidre comme des * ennemis du peuple ,& mme si c’est souvent ! partir de ce raisonnement qu’elles sont choisies par les militants$ -e nom de Nilliam Tandolph Dearst& que l’/-' prit pour cible& arrache peuttre encore un * frisson ,aux représentants d’une génération vieillissante de radicaux américains ou ! quelques intellectuels cinéphiles& mais le

fait que +onto était un grand banquier et 'chle"er un porteparole du capital industriel n’a certainement valu aucunes"mpathie ! la 8raction /rmée rouge en /llemagne de l’Muest& excepté parmi les cercles trs restreints qui étaient déj!acquis ! la cause de la lutte armée$ -es attaques contre la police peuvent peuttre susciter un tel effet$ 6ais on peut toutaussi bien faire la une en s’en prenant ! des personnes tout ! fait neutres ou sans rapport avec le conflit en question F lesathltes des jeux Ml"mpiques de 6unich en 194U& ou les clients de pubs anglais tués par les bombes de l’?T/ F ou ! desindividus qui& mme s’ils constituent des cibles valides du point de vue des critres ésotériques retenus par le groupe

209 +resque invariablement& ce sont les autorités ou les opposants du groupe qui mettent des noms sur des actes anon"mes F par exemple en personnalisant la * 8raction /rmée rouge , sous les traits de la * 2ande 2aader6einhof ,$ uant ! savoir si les individus ainsi tirés de l’anon"matapprécient leur réputation publique& c’est une autre question$210 ?l est possible que des activistes authentiquement populaires ne résistent pas tout ! fait ! leur instinct de Tobin des 2ois mme dans ce cas&mais en privé$ /insi ce militant de la classe ouvrire se dirigeant vers une * planque , clandestine aprs une attaque de banque ; * )uste en face del’appartement GHI il " avait un mendiant qui tenait son chapeau dans la main et qui me demande& estce que j’ai de l’argent$ 6on vieux& je luidis& si j’en ai #t l! je verse toute la petite monnaie dans son chapeau& il " en a tellement qu’elle se répand sur le bitume& et le gars& tout ce qu’il parvient ! dire& c’est -ongue vie ! toi& t’es le meilleurs homme qui soit et je lui réponds 6on vieux& je passe du bon temps$ -a vie& c’est simple&tout ce qu’il " a ! faire& c’est d’tre au bon endroit au bon moment$ C’est comme <a que j’ai eu de la chance& et maintenant c’est ton tour& profitesen$ #t je me suis éloigné , 2$ 2/O6/P& &ie ;lles ;nfing & 6unich& 1945& p$ 105$ Ars critique vis!vis de la 8raction /rmée rouge& cetouvrage est un guide précieux pour qui veut comprendre la sousculture d’une jeunesse déclassée& marginale et conditionnée par le roc3& le blues etle haschich& susceptible de produire un milieu qui n’est pas sans rappeler l’ancien univers anarchobohémien$ 6ais 2aumann n’est pas unreprésentant t"pique de la * guérilla urbaine , d’/llemagne de l’Muest et& comme le montre son livre& il en est parfaitement conscient$

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fondamental& de mme que l’article de )$ Chesneaux& * Ahe modern relevance of 'huihu Chuan ; its influence on rebelmovements in Pineteenthand AEentiethCentur" China ,  Papers on Yar Eastern istory& V& Canberra& mars 1941& p$1U5$ ?l convient de recommander également )$ Chesneaux dir$&  Popular 'ovements and (ecret (ocieties in China2H9[1235[ 'tanford& 194U ainsi que #$ )$ +err"&  Nebels and Nevolutionaries in Jorth China& 2H9512395  'tanford&1970$

-e banditisme dans les autres régions de l’/sie fait l’objet d’un traitement plus restreint$ (ans le souscontinentindien& l’étude du banditisme& qui figure dans les traditions religieuses hindoues& montre quelques signes d’activité$Cependant& les compilations monumentales réalisées par les administrateurs impériaux du >?>e  sicle férusd’ethnographie ainsi T$ %$ Tussell& The Tribes and Castes of Central ndia& W volumes& -ondres& 191B& restent

sommaires$ -e chapitre de )$ +ouchepadass sur les * tribus criminelles , dans 2$ %incent dir$&  Les 'arginau7 et lese7clus dans l’histoire +aris& 1949& p$ 1UU15W est digne d’intért$ ($ 'hulman traite du banditisme pratiqué au nom dela divinité dans * Mn 'outh ?ndian 2andits and ings ,  ndian Economic and (ocial istory NevieU & vol$ 14[V& juilletseptembre 1970& p$ U7VV0B$ /$ Carmichael& Na), Brigand Chief > the True (tory of an ndian Nobin ood =riven by

 Persecution to =acoity > an ;ccount of his Life of =aring, Yeats of (trength, Escapes and Tortures, his Nobbery of the Nich and Generosity to the PoorR etc+ -ondres& 19U4 est un livre que l’on peut recommander aux admirateurs de '$)$ +erelman& dans la mesure o\ il s’agit du seul ouvrage sur le banditisme contenant des préfaces écrites par troisévques anglicans et un membre de l’expédition de 19UW sur le mont #verest * l’histoire vraie d’un véritable sportif F la voici ,$ 'a véritable valeur historique est moins évidente$ ($ /rnold& * (acoit" and rural crime in 6adras 17B019W0 ,  `ournal of Peasant (tudies& %?[U&1949& p$ 1W01B4 affirme que * les remarques de DobsbaEm au sujet del’/sie du 'ud sont regrettables et susceptibles d’induire en erreur ,$ -e sujet fait maintenant son entrée dans le cinémacommercial indien$

(’autres régions d’/sie n’ont pas fait l’objet d’une telle attention$ +our l’?ndonésie& ou plus précisément pour )ava&il faut mentionner '$ artodirdjo& The Peasant Nevolt of Banten in 2HHH -eiden& 19BB ainsi que +$ 6$ van Nulfften+althe& Psychological ;spects of the ndonesian Problem -eiden& 19W9$ C$ 2oon heng a étudié le sujet en 6alaisie ;* DobsbaEm’s social banditr"& m"th and historical realit" ; a case in the 6ala"sian 'tate of edah ,  Bulletin of Concerned ;sian (cholars& vol$ 14[W&1975& p$ VW50 K The Peasant Nobbers of edah 23[[123K3 > istorical and Yol0 

 Perspectives Mxford Oniversit" +ress& 'ingapour& 1977$ %oir aussi ($ 2$ )ohnston& * 2andit& Ja0leng & and peasant inrural Ahai 'ociet" , Contributions to ;sian (tudies& vol$ 15&1970& p$ 90101$ (ans la mesure o\ elle traite largementde l’/natolie& il convient d’ajouter $ 2ar3e" op+ cit+: au nombre des ouvrages sur l’/sie$

/u vu de l’histoire de l’/mérique latine depuis la révolution cubaine& il n’est peuttre pas surprenant quel’historiographie du banditisme " ait connu un essor plus important que dans toute autre région$ T$ 'latta dir$&

 Bandidos > The Varieties of Latin ;merican Banditry Nestport& 1974 offre une perspective continentale$ %oir aussi +$ )$%anderEood& * 2andits in PineteenthCentur" -atin /merica ; an introduction to the theme ,  Biblioteca ;mericana& ?&U& nov$ 197U& p$ 1U7& ainsi que le numéro spécial dirigé par le mme auteur& * 'ocial banditr" and 'panish /merican?ndependence 149017U1 ,  Biblioteca ;mericana ?& U& nov$ 197U$ -e 2résil et le +érou& deux pa"s o\ la tradition du bandit est fortement établie et qui furent ! la pointe de ce champ de recherches au début des années 1940& restent en tte$+our le 2résil& les principaux travaux récents sur les canga.eiros sont ceux de +$ 'ingelmann * +olitical structure andsocial banditr" in Portheast 2ra:il ,& `ournal of Latin ;merican (tudies& 4[1&1945& p$ 597V& 2$ )$ Chandler& The Bandit 

 ing > Lampiao of Brail  Aexas / ` 6 Oniversit" +ress& 1947 ainsi que les écrits de -$ -eEin& en particulier * Aheoligarchical limitations of social banditr" in 2ra:il ; Ahe case of the Sood Ahief /ntônio 'ilvino ,  Past Present &7U& fev$ 197U& p$ 11W1WB$ +our le +érou& l’ouvrage de #$ -ope: /lbujar&  Los Caballeros del delito  -ima& 19VB&deuxime édition ; 194V reste un classique& mais on peut compléter les publications locales relativement difficilesd’accs que je mentionne parfois en référence par des travaux tels que C$ /guirre et C$ Nal3er dir$&  Bandoleros,abigeos y montoneros > criminalidad y vincia en el Peru, siglo MV e1MM e -ima& 1990 et -$ Aa"lor& Bandits and 

 Politics in Peru > Landlord and Peasant Violence in ualgayoc Cambridge& 197B$ +our l’/rgentine& un autre pa"s quia tendance ! idéaliser son passé fait de  gauchos horslaloi et de montoneros& les notes rassemblées dans le chapitre deT$ 'latta dans  Bandidos  fournissent un guide sceptique du banditisme& mais le principale chroniqueur ! ce sujetdemeure D$ Chumbita& dans une série d’articles publiés dans le populaire Todo Es istoria de 2uenos /ires et par conséquent difficiles d’accs pour les lecteurs étrangers$ D$ Pario&  'esias y bandoleros pampeanos  2uenos /ires&199V est ! signaler$ S$ 'anche: et ($ 6eertens&  Bandoleros, gamonales y campesinos > El caso de la Violencia enColombia  2ogota& 197W et C$ 6$ Mrti: 'armiento& La Violence en Colombie+ Nacines historiques et sociales +aris&1990 F tous deux préfacés par le présent auteur F sont les meilleurs guides de ce phénomne pour ce qui est de laColombie& un pa"s o\& peuttre pour des raisons que ces deux ouvrages mettent en évidence& la tradition de Tobin des2ois ne s’est jamais développée$ #$ ($ -anger in Tichard 'latta& op+ cit+: et 2$ Mrlove in 2$ '$ Mrlove et S$ Custarddir$& Land and PoUer in Latin ;merica& PeE Qor3[-ondres& 1970 explorent le terrain que constitue la 2olivie$

+our ce qui est du 6exique& l’introduction classique reste C$ 2ernaldo de uirs&  El Bandolerismo en Espa^a y

 'e7ico 6exico& 1959$ +$ NanderEood est le principal expert dans ce domaine& avec  =isorder and Progress > Bandits, Police and 'e7ican =evelopment   -incoln& 1971& mais l’ouvrage de 8$ at:& The Life and Times of Pancho Villa'tanford& 1999 est indispensable$ 'ur les liens entre révolution et banditisme& voir '$ 2run3& * Ahe sad situation of civilians and solidiers ; the banditr" of Rapatismo in the 6exican Tevolution ,  ;merican istorical NevieU& vol$101[U& avril 199B& p$ VV1V5V$ ?l n’est pas surprenant que l’histoire du banditisme ! Cuba ait intéressé les historiens$ -e patronage plus inattendu de ces études par les autorités des Zles Canaries 6$ de +a: 'anche:& )$ 8ernande: 8ernande: et

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 P$ -ope: Povegil&  El Bandolerismo en Cuba 2H[[12344,U vol$& 'anta Cru: de Aenerife& 199V&199W tien au fait que lesémigrés canariens on joué un rôle prépondérant ! Cuba$ %oir aussi le professeur de +a: 'anche:& * #l bandolerismosocial en Cuba 1771179V ,&  M `ornadas de Estudios Canarias1;merica > Las relaciones canario1cubanas  'antaCru: de Aenerife& 1979& p$ U950$ -’ouvrage de T$ 'chEart:&  LaUless Liberators > Political Banditry and Cuban

 ndependence (urham& PC[-ondres& 1979 est certainement plus accessible$ 'ur les plus célbres bandits cubains& voir 6$ +ournier Aachequel& Contribution - l’étude du banditisme social - Cuba > L’histoire et le mythe de 'anuel Garica! Ney de los Campos de Cuba D 82H5212H35: +aris& 197B$

-es études sur le banditisme en /frique ne sont gure avancées& mme si les études de C$ %an Mnselen sur lacriminalité urbaine en /frique du 'ud contribuent ! faire la lumire sur le problme$ ?l est probablement trop tôt pour 

espérer une étude exhaustive du continent subsaharien$-es études européennes sur le banditisme ont continué ! progresser$+our ce qui est de l’?talie& dont les banditi furent longtemps les plus célbres dans l’art et la littérature& la littérature

monographique reste certainement plus importante que pour n’importe quel autre pa"s$ -’essentiel porte sur les régionsclassiques du banditisme dans le sud du pa"s et dans les Zles$ +our les régions méridionales de la péninsule& 8$ 6olfese&(toria del brigantaggio dopo l’unit- 6ilan& 19BW& en particulier le chapitre V de la 1 re partie& S$ Cingari& Brigantaggio,

 proprietari e contadini nel (ud 82Z33123[[: Teggio Calabria& 194B& #$ (’/lessandro& Brigantaggio e 'afia in (icilia6essina[8lorence& 1959 ainsi que /$ 2lo3& The 'afia of a (icilian Village > ; (tudy of Violent Peasant Entrepreneurs2H6[1236[ Mxford& 194W restent des ouvrages importants$ Celui de Cingari contient six pages fondamentales sur le bandit calabrais 6usolino$ 'ur le maintien de la tradition régionale du banditisme& voir aussi /$ 'cirocco& * 8enomeni di persisten:a del ribellismo contadino ; il brigantaggio in Calabria prima dell’Onit! ,  ;rchivio (torico per le Provine Japoletane& >>& 1971& p$ UW5U49$ -’évolution du banditisme sarde& qui a connu une embrasée ! la fin des années

19B0& est le sujet d’un débat parmi les historiens& les anthropologues et d’autres chercheurs$ %oir +$ 6arongiu& ntroduione allo studio del banditismo sociale in (ardegna 'assari& 194V& )$ (a"& * 2anditisme et société pastorale en'ardaigne ,& in 2$ %incent dir$& Les 'arginau7 et les e7clus dans l’histoire p$ 147U1V et ($ 6oss& * 2andits and bondaries in 'ardinia ,&  'an& P$ '$ 1W&1949& p$ W44W9B$ 'ur le caractre central de la dette de sang dans le banditismesarde& voir /$ +igliaru& La vendetta barbaricina come ordinamento giuridico 6ilan& 1945 et& pour la Corse voisine& '$Nilson& Yeuding, Conflict and Banditry in Jineteenth1Century Corsica Cambridge& 1977$ -a principale nouveauté avu les études sur le banditisme s’étendre depuis le sud et les Zles en direction de l’?talie centrale& voire septentrionale&comme c’est le cas avec les études rassemblées dans  stituto ;lcide Cervi’;nnali& U[1&1970& en particulier la Ue partiep$ UVVV9B ; * 2rigantaggio& ribellione e devian:a sociale nelle campagne dell’?talia centrale ,$ +our les régions del’?talie du Pord& voir les différents articles dans S$ Mrtalli& op+ cit+: -e recueil d’études qui ne se limitent pas ! la seuleCalabre sur le fol3lore juridique écrites et éditées par -$ -$ -ombardi 'atriani et 6$ 6aligrana&  =iritto egemone ediritto popolare > La Calabria negli studi di demologia giuridica %ibo %alentia& 1945 présente un intért particulier$

+our l’#spagne& C$ 2ernaldo de uirs et -$ /rdila&  El Bandolerismo ;ndalu 19VV& réimpression 6adrid& 1947couvre les faits de la tradition dans les principales régions de banditisme& mais les sections pertinentes de )$ /$ +ittTivers& People of the (ierra Chicago& 1941 et )$ Caro 2aroja& Ensayos sobre la Leteratura de Cordel  6adrid& 19B9en proposent des interprétations$ Court et sophistiqué& >$ Aorres ? 'ans&  Els bandolers 8s+ MV1MV: %ic& 1991complte désormais )$ 8uster& El bandolerisme catal- 2arcelone& 19BU19BV$ (es monographies portant sur d’autresrégions d’#spagne sont mentionnées dans les notes de bas de page$

#n Srande2retagne& la littérature sur Tobin des 2ois continue de se développer$ -e traitement le plus influent estcelui de )$ C$ Dolt&  Nobin ood  -ondres& 197U$ -e travail du professeur /$ Tees sur les horslaloi et les banditsgallois n’a pas encore été publié$ Mn ne trouve pas de littérature comparable sur les bandits de grand chemin$ -e travaille plus intéressant sur la 8rance porte aussi sur l’évolution des légendes et de la tradition du banditisme K il est cité plusloin& dans la section portant sur ce thme$ -’ouvrage le plus complet&  'andrin par 8$ 8unc3 2rentano +aris& 1907& est

ancien et limité dans son approche$ Cependant& divers travaux de P$ et Q$ Castan sur la délinquance et son traitementdans le -anguedoc du >%???e  sicle sont fiables et justes$ -es écrits de T$ Cobb sur la période révolutionnairecontiennent des observations intéressantes$ -es études sur le banditisme ont connu un fort développement en/llemagne& stimulées par les thses controversées de C$ _ther& Nuber und Gautner in =eutschland > das organisierte

 BandenUesen im 2H+ un frShen 23+ `ahrhundert   Sttingen& 194B$ -a principale contribution est celle d’O$ (an3er& Nuberbanden im ;lten Neich um 2Z[[ I Ein Beitrag ur Geschichte von errschaft un riminalitt in der YrShen Jeueit  8ran3fort& U vol$& 1977$ +our l’anal"se d’une bande fameuse en /utriche& voir 6$ +ammer& * Rur )ohannSeorg Srasslischen Tuber Complicitt ,  istoricum& 'al:burg& 7[1977& p$ U9VV$ +$ Dugger& (oialrebellen und 

 Nechtsbrecher in der (chUei  Rurich& 194B touche au sujet inattendu du banditisme social qui a pu exister en 'uisse$/$ 2lo3&  =e Bo00eri)ders > Noversbanden en geheime Genootschappen in de Landen van Avermaas 2Z4[12ZZ9/msterdam& 1991 offre le traitement le plus complet de ces bandes dans le cas des +a"s2as$

-e banditisme d’#urope de l’#st fait l’objet d’une anal"se comparative dans 8$ /danir op+ cit+: et dans ?$ Tc:&

Couches militaires issues de la paysannerie libre en Europe orientale du MV e  au MV e  si%cles  (ebrec:en& 19BW$* (imensions de la révolte primitive en #urope centrale et orientale , dans le bulletin du Sroupe de travail sur l’#uropecentrale et orientale& 6aison des sciences de l’Domme& +aris ; <uestions et =ébats sur l’Europe centrale et orientale &n W& décembre 1975& p$ 751V5 ne se trouve pas dans toutes les bibliothques& mais reste extrmement pertinent pour laSrce& la Toumanie& et l’/rménie$ ?l semble qu’il " ait bien peu de littérature en langues étrangres sur la Tussie depuis(enise #ec3houte& * -es brigands en Tussie du >%??e au >?>e sicle ,  Nevue d’istoire 'oderne et Contemporaine&

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U[19B5& p$ 1B1U0U$ +our la 2ulgarie& on peut consulter S$ Tosen&  =ie Bal0an1aidu0en -eip:ig& 1747& ancien maisutile& ainsi que 2$ Asvet3ova& * 6ouvements antiféodaux dans les terres bulgares ,  $tudes istoriques& 'ofia& 19B5$)’ai trouvé /$ %$ 'chEeiger-erchenfeld& Bosnien %ienne& 1747 utile pour l’ancienne Qougoslavie& de mme que S$Castellan&  La Vie quotidienne en (erbie au seuil de l’indépendance +aris& 19B4$ +our la Srce& il semble que lesexperts principaux soient ($ '3iotis& * 8rom bandit to +asha ; the first steps in the rise to poEer of /li of Aepelen , `ournal of 'iddle Eastern (tudies& 1941[U& p$ U19UWW et '$ ($ /sdrachas& * uelques aspects du banditisme social enSrce au >%???e sicle ,  $tudes Bal0aniques& 194U[W& 'ofia& p$ 9411U$ )e ne connais aucune étude du banditisme polonais ou slovaque qui ne soit rédigée en langue slave& mais pour la région carpathou3rainienne& on peut se référer aureportage d’?$ Mlbracht& Berge und `ahrhunderte 2erlin #st& 195U& qui rassemble le matériau de son extraordinaire

roman voir cidessous$-’/mérique du Pord fait l’objet d’une vaste littérature et d’un corpus de films et de récits plus étendu encore$ )e mecontenterai de mentionner N$ 'ettle& `esse `ames &as is Jame Columbia& 19BB& '$ Aatum& nventing Billy the id >Visions of the AutlaU in ;merica, 2HH2123H2 /lbuquerque& 197U et T$ Nhite& * MutlaE gangs of the 6iddle /merican2order ; /merican social bandits , &estern istorical <uarterly& 1U oct$ 1971& p$ V74W07$ )$ T$ Sreen& Grass1Noots(ocialism > Nadical 'ovements in the ;merican (outhUest 2H3512394 2aton Touge& 1947 est irrempla<able$ $ -$'tec3messer& * Tobin Dood and the /merican MutlaE ,  `ournal of ;merican Yol0lore& 49&19BB& p$ VW7V55 offre une base ! partir de laquelle les comparaisons sont possibles$ +$ M’6alle"& * Ahe suppression of banditr" ; train robbers inthe O' 2order 'tates and bushrangers in /ustralia , Crime and (ocial `ustice& n 1B& hiver 1971& p$ VUV9 fait le lienentre les =tatsOnis et l’/ustralie& pa"s pour lequel on peut se référer ! +$ M’6alle"& * Class conflict& land and social banditr" ; bushranging in PineteenthCentur" /ustralia , (ocial Problems& UB&1949& p$ U41U7V$ %oir la postface pour sa critique de DobsbaEm$ 'ur le plus fameux bandit australien& voir 8$ )$ 6cquilton& The elly Autbrea0 2HZH12HH[ >

The Geographical =imension of (ocial Banditry 6elbourne Oniversit" +ress& 1947& )$ D$ +hilips& The Trial of Jed  elly  '"dne"& 1974 et ($ 6orrisse"& * Ped ell"’s s"mpathisers ,  istorical (tudies  17&1947& Oniversité de6elbourne& p$ UU7U9B$

/ujourd’hui& les bonnes biographies de bandits sont en général écrites par des historiens voir les travaux cités plushaut& mme s’il arrive que ce soit par quelque écrivain& en particulier S$ 6axEell& God Protect 'e Yrom 'y Yriends-ondres& 1954& qui raconte la vie du bandit sicilien Siuliano$ (ans la mesure o\ il est presque certain que les proposautobiographiques des bandits nous arrivent par l’intermédiaire d’une tierce partie& il convient de les traiter avec précaution& comme c’est le cas pour +ana"ot Ditov& le haWdouc bulgare in S$ Tosen op+ cit+: et plus encore pour le brigand Crocco dans l’?talie du 'ud in 8$ Cascella&  l brigantaggio, ricerche sociologiche e antropologiche& /versa&1904$ -’ouvrage de #$ 6orello et '$ de 'anctis& Biografia di un bandito > Giuseppe 'usolino di fronte alla psichatria ealla sociologia+ (tudio medico1legale e consideraioni  6ilan& 190V est un autre produit de la mme école decriminologie italienne$ -es propos de premire main que l’on trouve dans la bibliographie sur le banditisme sarde ou sur les canga.eiros brésiliens doivent faire l’objet des mmes précautions$

-es études universitaires sur la tradition et sur la légende du bandit ont fait des progrs notables$ Mutre les travauxde A$ ? 'ans et O$ (an3er déj! cités& voir l’importante introduction de T$ Chartier dans  Yigures de la gueuserie > Te7tes

 présentés par Noger Chartier   +aris& 197U& notamment p$ 7V10B& ainsi que ($ 2lanc et ($ 8abre&  Le Brigand deCavanac > le fait divers, le roman, l’histoire =ditions %erdier& -agrasse& 197U$ -inda -eEin& * Mral Aradition and elitem"th ; the legend of /ntônio 'ilvino in 2ra:ilian popular culture ,  `ournal of Latin ;merican Lore& 5[U&1949& p$ 154U0W est un exemple remarquable de ce t"pe de travaux$ 'ur les ballades et les compositions en vers ellesmmes& voir T$ (aus& =er epische Xy0lus der Canga.eiros in der Vol0spsie Jordostbrasiliens 2erlin& 19B9$ +our l’#spagne& voir )ulio Caro 2aroja& op+ cit+ /$ (o:on& Chansons populaires bulgares inédites +aris& 1745 et /$ 'traus:&  BulgarischeVol0sdichtung  %ienne[-eip:ig& 1795 fournissent une sélection raisonnable de ballades sur les haWdoucs$ -’essentiel dece dont l’ignorance linguistique nous prive se trouve indiqué dans le résumé en anglais de )$ Dora3 et $ +lic3a&

 Xbo)nic0e piesne sloves0oho l’udu 2ratislava& 19BV qui contient 400 chants sur les bandits& tous slovaques$+armi les nombreux romans de bandits& le meilleur que je connaisse& et de loin& est celui d’?$ Mlbracht&  =er Nuber  Ji0ola (chuha)  2erlin #st& 195V$  'ehmed 'y aU0   de Q$ emal -ondres& 19B1 F une autre figure littérairecommuniste F est excellent$ -e roman de bandits classique reste bien entendu le (hui u Xuan  chinois dans latranslittération moderne& traduit par +$ 2uc3 sous le titre ;ll 'en ;re Brothers PeE Qor3& 19V4 et en fran<ais sous letitre ;u bord de l’eau +aris 1947 # /bout Le Noi des montagnes est la fresque désenchantée du brigandage grec