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Jacques Sanchezavec la collaboration

de Cyril Montana

Les bonnes chansonsne meurent jamais…

De 36 Chandelles à The Voice,l’histoire des variétés à la télévision

Flammarion

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© Flammarion, 2015ISBN : 978-2-0813-6421-9

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À mon papa, mon ange-gardienÀ ma maman, qui rend ma vie plus belle

À mes enfants, Marine, Romain et Alexandre,indispensables à mon bonheur.

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Préface

À ceux qui croiraient encore qu’il faut être ami avecThierry Ardisson, Guillaume Durand, Michel Druckerou Laurent Ruquier pour « passer à la télé », ce livreapportera un démenti catégorique : « Non, il faut êtreami avec Jacques Sanchez ! » C’est lui qui a les clés pourvous ouvrir les portes des émissions que vous aimez,et, en vingt ans, il a su monter son trousseau.

« Quel parcours ! » pourrait résumer Michel Drucker.« Mais vous avez fait ça sans coucher ? » lui demande-rait Thierry Ardisson. « Personne ne le connaît, mespetits chéris, mais c’est un seigneur, tout le monde lekiffe grave parmi ceux qui taffent dans le poste », ajou-terait Cyril Hanouna. « Mais pourquoi vous aimez tantla télévision ? Vous nous répondrez, si on a le temps,après la pub, le Gorafi, la météo et le zapping », auraitpu lui demander Antoine de Caunes, si Vincent Bollorélui en avait laissé le temps.

« Mais ça veut dire quoi, monter un trousseau ? » me

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demande Alessandra Sublet. Cela veut dire que JacquesSanchez n’a pas un carnet d’adresses, mais carrémentun portefeuille à sa disposition pour inviter qui il veut,quand il veut, dans de nombreuses émissions de téléou de radio. D’ailleurs, précisons-le tout net : il n’est

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pas « programmateur », mot trop peu joli, qui fait pen-ser à une machine à laver. On peut juste estimer que lepère Jacquot connaît du beau linge et qu’il est un bien-faiteur pour Vedette. Évidemment, il en profite, aussi,aujourd’hui, pour inviter en couleur ceux qui l’ont faitrêver en noir et blanc.

Vous allez le comprendre en lisant Les bonnes chansonsne meurent jamais (il aurait dû me demander pour trou-ver un meilleur titre), car vous tenez dans vos mainsune sorte de bible, signée d’un cathodique intégriste,la bible des émissions de variétés, des années cinquanteà nos jours. Jacques Sanchez n’était pas né à l’époquede 36 Chandelles mais il a compris très vite qu’il n’avaitpas envie d’en tenir une et que, quitte à perdre sontemps à regarder la télé, il valait mieux la faire directe-ment ! Nourri au sourire d’Anne-Marie Peysson, bercépar Guy Lux, gardé l’après-midi par Aujourd’hui Madameet bordé par Jacques Martin, le petit Sanchez est passédu statut d’« Enfant de la télé » à celui de mémoirevivante du petit écran. Nombreux sont ceux qui peu-vent vous fredonner par cœur les chansons oumusiques génériques des émissions qui ont marqué leurenfance Jacques, lui, peut faire pire en vous donnant lenom du deuxième ou troisième assistant. À part peut-être Marc-Olivier Fogiel, Christophe Beaugrand, GuyCarlier ou Raphaël Mezrahi, je connais peu de gens quipourraient rivaliser avec lui dans un Quizz sur la télé etla radio. Encore aujourd’hui, on pourrait le laisser unesemaine devant Télé Melody et revenir le chercher sans

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qu’il s’en soit lassé. Mais comme il sait que la nostalgien’est pas toujours bonne conseillère et qu’aujourd’hui latablette a détrôné le téléviseur et Maître Gimms rem-placé Michèle Torr, si vous êtes en manque d’idées pourcompléter le jury du nouveau télé-crochet qui concur-

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Préface

rencera The Voice, vous pouvez tout autant faire appelà lui.

Afin de ne pas remplacer à mon tour certaines spea-kerines qui vous racontaient tout le contenu du pro-gramme avant même qu’il ait commencé, mieux vautpour moi vous laisser avancer vos pions sur le grandéchiquier de Jacques Sanchez – oui, j’ai bien dit « San-chez » et non pas « Sans Chaînes ».

Madame, mademoiselle, monsieur, bonne soirée avecla suite de notre programme.

Laurent RUQUIER

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Introduction

Une histoire de rencontres

La télévision est entrée un jour dans ma vie commeune maîtresse ou un amant. Sans prévenir. Et, pour êtretout à fait honnête, je ne sais d’ailleurs pas vraimentquel qualificatif correspond le mieux à ce que je pensede ce monde. Chaleureux, divertissant, enthousiaste,drôle, enrichissant, étonnant, surprenant, envahissantou émouvant ?

Pour le jeune provincial que j’étais, la télévision étaittout cela à la fois. J’adorais le poste Radiola en noir etblanc acheté par mes parents en 1966, l’année de manaissance (j’ai toujours cru en ces signes du destin quise sont faufilés dans ma vie ; un clin d’œil, pour mieuxnous rappeler que tout est peut-être écrit quelquepart). En vérité, la télévision a toujours fait partie dema vie, et je ne peux d’ailleurs pas séparer ma vie pri-vée de ma vie professionnelle, tant mon travail a tou-jours fait partie de ce que je suis, et m’a accompagnéau jour le jour. Voilà donc ce qui explique pourquoi,

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en guise d’introduction, je me permets de retracer monenfance et mes premiers émois télévisuels, qui ont faitnaître en moi cette passion toujours intacte après tantd’années.

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Ma mère et mon père faisaient partie d’une géné-ration qui considérait que la télévision devait êtreconsommée avec modération, à des heures précises, enlimitant l’accès à certains programmes pour les enfants.Le respect du petit carré blanc était alors de rigueur.

Ils avaient vécu toute leur vie au Maroc, avant devenir s’installer à Nîmes en 1964, alors qu’ils ne parlentqu’un peu le français. Mon père était carrossier, et mamère s’est d’abord occupée de nous avant d’acceptertous les petits boulots qui s’offraient à elle.

La priorité absolue était les devoirs, et nous n’avionspas le droit de regarder la télévision tant que nous neles avions pas terminés, ce qui limitait beaucoup montemps passé devant le petit écran.

Dès le début de mon adolescence, j’attendais patiem-ment que toute ma petite famille se soit endormie poursortir de ma chambre, en essayant de ne pas trop fairede bruit. Ce n’était pas toujours évident à cause desportes et du parquet qui grinçaient, sans même parlerdu bruit assourdissant du gros bouton, sur lequel il fal-lait appuyer pour mettre en marche le tube cathodique,qui trônait au beau milieu du salon, dans un décortypique années soixante, avec une table basse en verreaux pieds chromés et des canapés en cuir foncé. Je trem-blais réellement à l’idée de réveiller mes parents, dontla chambre n’était pas loin !

Les programmes des années soixante-dix et quatre-vingt s’arrêtaient toujours avant minuit, pour reprendrele lendemain, au plus tôt à midi (avec des interruptions

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de programme l’après-midi). Mes fugues vers le salonse situant autour de 22 h 30-23 heures, je tombais doncsouvent sur la fin du journal de la nuit. Avec le reculet les années, je me demande encore aujourd’hui quelplaisir je pouvais bien prendre à regarder les fins de

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programme. Tant de frayeurs pour quelques instantsseulement à regarder la première ou la deuxièmechaîne…

Je m’amusais aussi à noter sur un cahier d’écolier lesnoms des présentateurs du journal : Hervé Claude,Philippe Harrouard pour Antenne 2 ou Florence Schaal,Alain Chaillou, Jean-Pierre Pernaut, Annick Beauchampsou Joseph Poli pour TF1, mais aussi les noms figurantsur le court générique de fin. À tel point que, desannées plus tard, quand je les croiserai dans ma vie pro-fessionnelle, je serai capable de me souvenir dumoindre chef d’édition ou réalisateur. C’est pour cetteraison, d’ailleurs, que je me verrai affublé du sobriquet,ô combien flatteur, d’« Encyclopédie de la télévision »par mon ami Laurent Ruquier !

Cette petite prise de risque quasi quotidienne de finde soirée m’a fait d’entrevoir très jeune à quel point latélé faisait monter en moi une véritable montée d’adré-naline. D’autant plus que celles qui m’ont vraimentdonné envie faire ce métier, et qui m’obligeaient à melever furtivement, pour les apercevoir une dernièrefois avant de m’endormir, étaient les speakerines. Cesfemmes, toujours belles et souriantes, incarnaientpour moi l’élégance et la modernité. J’aimais lesécouter annoncer les programmes du lendemain. J’enétais dingue. J’attendais fébrilement le moment où j’allaisles entendre me souhaiter bonne nuit, avec ce sentimentqu’elles s’adressaient à moi, et seulement à moi1. En unsens, elles venaient combler cet ennui qui m’habitait,

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1. Je veux parler d’Anne-Marie Peysson, Catherine Langeais,Jacqueline Caurat, Jacqueline Huet, Denise Fabre, Évelyne Dhéliat,Évelyne Leclercq, Fabienne Égal, Claire Avril, Virginia Crespeau,Dorothée, Martine Chardon, Brigitte Simonetta, Gilette Aho, Patri-cia Lesieur et toutes les autres qui m’ont procuré des émotionsfortes...

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malgré des journées bien remplies, car j’étais un élèvesérieux et studieux.

Ce qui est sûr, c’est qu’elles ont éveillé en moiquelque chose d’unique, un nouveau regard sur l’ave-nir, et la certitude que je voulais vivre avec elles, évo-luer dans leur univers. L’idée de faire ma vie à Parisa donc commencé à germer très tôt.

À cette époque, et contrairement à la plupart de mescamarades alors âgés de dix à douze ans qui ne pen-saient qu’à s’amuser, je préférais lire, étudier, réviser,me rendre à mes cours de catéchisme, à la messe dudimanche, mais aussi, et surtout, écouter la radio ou,bien entendu, regarder la télévision dès que j’en avaisla possibilité.

Avec le recul des années, je comprends que j’étaisrésolument différent. Réservé et discret, je m’ennuyaisavec les autres élèves, dont je n’aimais finalement pasvraiment la compagnie. Je ne partageais pas leursenvies de colonies de vacances, de sports collectifs oude sorties en groupe. Tout cela n’était pas fait pour moi.Moi, j’avais ce besoin de m’évader, d’aller ailleurs.

Quand nous avons déménagé début soixante-dix,notre nouvel appartement se situait dans un tout nou-veau quartier de Nîmes, appelé ZUP Nord, faitd’immeubles HLM destinés aux familles moyennes. Jerestais totalement allergique à tout ce qui pouvait avoirtrait, de près ou de loin, au sport. Et ce alors mêmeque nous vivions entourés de jardins et de terrains debasket ou de football. Ce que je détestais plus que tout,c’étaient les cours d’éducation physique et sportive !

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Cela m’angoissait même. D’autant plus que mon grandfrère Pascal était déjà la star du lycée en hand-ball.

Je n’avais pas du tout envie de sortir de chez moipour jouer avec les autres. Je ne courais pas plus aprèsles filles qu’après les garçons. Je préférais laisser galoper

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mon imagination en pensant à Paris et ses grandes ave-nues, ses beaux quartiers, la tour Eiffel, la rue Cognacq-Jay, la Maison de la Radio, les Buttes-Chaumont… ainsique ses vedettes, qui me donnaient envie de laisser monquotidien derrière moi.

En 1977, mes parents furent convoqués par le direc-teur de mon école primaire, Léon Vergnole, un vieuxmonsieur rondouillard avec les mêmes lunettes queLéon Zitrone et des cheveux blancs, qui leur annonçaqu’il serait bon que leur fils, un des meilleurs élèvesde l’école, intègre la première classe d’allemand enpremière langue au collège Diderot de Nîmes, dès larentrée suivante. J’acceptais volontiers, plutôt fier, cequi représentait ma première promotion, alors quej’étais âgé de onze ans. Nous étions seulement six danscette classe, et la seule vraie bonne nouvelle à mesyeux était que ce collège Diderot se situait à deuxminutes de chez moi. Quelle chance ! J’allais pouvoirrentrer le midi pour écouter l’enthousiasme débordantde Zappy Max, qui présentait Quitte ou double surRMC. Un jeu qui passait à la même heure que Le Jeudes mille francs sur France-Inter, et que mon père neratait pour rien au monde, où qu’il se trouve. C’estd’ailleurs grâce à lui que j’ai découvert la radio, qu’ilécoutait sans cesse.

À Nîmes, c’était aussi RMC avec Jean-Pierre Foucaultet Léon, un duo de stars à cette époque, ou CaroleChabrier et Julien Lepers, qui ont bercé mes jeunesannées. Je connaissais la grille des programmes par

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cœur, je m’amusais même à créer la mienne. Je faisaisla même chose pour toutes les autres radios, même lesplus difficiles à capter. Ma passion semblait animéed’une curiosité insatiable. Je collais ainsi mon oreille autransistor (un mot un peu désuet aujourd’hui), qui était

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posé sur une étagère dans la salle à manger, et tentais,tant bien que mal, d’écouter RTL et Europe 1.

Un beau jour, j’ai découvert Danièle Gilbert sur lapremière chaîne. J’étais tout excité à l’idée de la retrou-ver chaque midi entourée de ses invités, à Paris ou enprovince, avec son lot d’imprévus et d’événements inat-tendus. Je la trouvais sympathique, gaie – elle paraissaittellement heureuse de présenter son émission. Quandj’y repense, c’est une des personnes qui m’a donnéenvie de faire ce métier.

J’ai pleuré avec elle le jour de sa dernière, le 1er jan-vier 1982 à 12 h 30. Je la revois comme si c’était hier,avec ses cheveux blonds au carré, en larmes du débutà la fin, soutenue par ses invités, Michèle Morgan àsa droite, avec une veste simplement posée sur sesépaules, un chemisier en soie, et puis Sacha Distel, enveste, cravate bleue et chemise blanche à sa gauche.J’ai trouvé son licenciement terriblement injuste. J’étaistrès triste pour elle. C’est un de ces grands momentsde télévision que je n’oublierai jamais, je pense. J’y aivu sa sincérité, sa fragilité, et surtout la faiblesse d’unefemme proche des téléspectateurs, et qui ne demandaitrien d’autre que de continuer à présenter ses émis-sions.

Dans la deuxième moitié des années soixante-dix,il y avait trois chaînes de télévision. Je savais quec’était là que je voulais travailler, mais je ne me voyaispas devenir animateur, mais plutôt rester dansl’ombre. Vivre, m’évader, m’occuper et travailler avecles stars, voilà ce qui me faisait vibrer, sans savoir

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qu’il existait justement un métier fait pour moi : laprogrammation.

En 1981, Georges Fillioud, qui deviendra plus tardun de mes amis proches, est ministre de la Communi-cation sous François Mitterrand et lance les radios

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libres. La France voit alors fleurir des milliers de petitesradios un peu partout, y compris dans les campagnes.Je décide de profiter de l’occasion pour proposer messervices à une radio nîmoise, RFN (Radio FréquenceNîmes). J’ai 15 ans, et j’envoie un courrier au directeurde la radio, Jean Orsi. Je me souviens d’une grandegueule très sympathique, comme j’en croiserai beau-coup par la suite dans ce métier…

Monsieur le directeur,

Je me permets de vous écrire car ma passion dévorantepour la radio m’oblige à le faire.

J’ai toujours pensé que rien ni personne ne pouvaitm’empêcher de croire à mon rêve, peut-être inaccessible pourcertains, mais certainement pas pour moi, car ma volonté,ma pugnacité et mon courage sont indestructibles.

De plus, votre radio a choisi de ne diffuser que de la chan-son française et je n’écoute que cela. Et j’ai envie de mieuxla connaître et la faire partager à vos auditeurs.

Je reste convaincu que vous m’aiderez dans ma démarche.Je me tiens à votre disposition et disponible jour et nuit

pour travailler et apprendre à vos côtés.

Jacques Sanchez

Touché par cette lettre, il me convoque le jour même.Je fus reçu dans ses modestes locaux de la rue du cirqueromain, où il me proposa de faire de l’antenne dès ledimanche matin suivant.

Et me voilà donc animateur sur une petite radio

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nîmoise ! J’allais ensuite vite me retrouver à animer éga-lement la tranche du samedi soir. Bien que n’étant paspayé, j’étais fou de joie. Je quittais la radio à deuxheures du matin pour reprendre quatre heures plustard, le dimanche matin. Très vite, j’ai aussi présenté

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les mercredis après-midi. Bref, tout mon temps libreétait consacré à RFN.

Pendant les vacances scolaires, je faisais de l’antennetous les jours. La radio est alors devenue ma secondefamille. J’étais le plus jeune de toute l’équipe et aussile plus heureux.

L’aventure RFN va durer trois années, trois annéesde bonheur, pendant lesquelles je me suis senti pousserdes ailes.

Je me souviens également d’avoir rencontré, pour lapremière fois, Jean-Pierre Foucault lors de son passageà Nîmes. C’était en 1981, j’avais quatorze ans et je suisallé le voir pour l’interviewer pour RFN. En cinqminutes, je lui ai retracé tout son parcours. À cet ins-tant, je remarque que Jean-Pierre est subjugué. Nousdeviendrons très proches par la suite.

Puis, j’ai décidé d’écrire à des gens qui comptaientdans l’univers des médias. Non pas pour demander desphotos dédicacées aux stars de l’époque, comme le fai-saient bon nombre de jeunes gens, mais plutôt aux puis-sants directeurs de la télévision et de la radio. Je nesais plus exactement comment m’est venue cette idée,mais elle n’était pas si mauvaise, puisqu’au final monsouhait le plus cher a fini par être exaucé un beaujour…

Jacqueline Joubert et Aujourd’hui Madame

L’histoire qui suit amuse beaucoup Laurent Ruquier

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qui n’a cessé pendant des années, et aujourd’hui encore,de raconter cette anecdote au cours de nos soirées entreamis.

Je me souviens très précisément de ce jeudi après-midi de mars 1984, j’ai 17 ans et suis en pleine prépa-

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ration de mon baccalauréat. Il est 13 h 50, je regardeAntenne 2. Jacqueline Alexandre, la speakerine deve-nue journaliste, propose chaque jour Face à vous, unprogramme d’une dizaine de minutes consacré auxcoulisses de la télévision, diffusé entre le journalAntenne 2 Midi, présenté en alternance par PatrickLecoq et Daniel Bilalian, et Aujourd’hui Madame. C’est,il faut le noter, la première émission quotidienne quis’adressait aux femmes.

Je suis souvent en retard à mon cours de 14 heuresà cause de la très élégante Jacqueline, que je ne peuxm’empêcher de regarder avec admiration.

Le jeudi était un jour sacré pour moi, car c’était aussicelui de Vonny, La célèbre voix d’Europe 11 qui annonce,avant le début du magazine Aujourd’hui la vie2, maga-zine féminin de référence dans les années soixante-dix,les thèmes abordés dans les prochaines semaines.

Au cours de chaque numéro d’Aujourd’hui la vie, destéléspectateurs sont sélectionnés par courrier pour venirdonner leur avis sur un sujet.

Or, en ce jeudi de mars 1984, Vonny annonce uneémission avec Michèle Torr, grande vedette de la chan-son dans les années soixante-dix et quatre-vingt, etinterprète des célèbres « Emmène-moi danser ce soir »et « J’en appelle à la tendresse »…

Michèle Torr fait tilt dans ma tête, et le jeune ado-lescent timide que je suis se décide alors à écrire à larédaction du magazine, avec l’espoir secret d’être l’undes téléspectateurs choisis pour lui poser des questions

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sur le plateau.

1. Elle sera aussi la partenaire de Gérard Majax dans le jeud’Antenne 2 Y’a un truc dans les années soixante-dix.

2. Anciennement Aujourd’hui Madame.

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Je dois avouer que ce n’était pas ma chanteuse pré-férée. Je n’en avais pas, d’ailleurs, même si j’aimaisbeaucoup Joe Dassin. Disons plutôt que je connaissaisbien ses chansons, qui passaient à la radio et à la télé-vision.

Aujourd’hui encore, je pense avoir été le seul adoles-cent de 17 ans présent devant sa télé ce jeudi demars 1984 à avoir osé écrire à Antenne 2 pour fairecroire qu’il était un fan de Michèle Torr ! J’ai dû trouvertous les arguments possibles pour séduire la productionde l’émission dans un courrier posté l’après-midimême. J’avais très envie d’y arriver, et toutes les occa-sions étaient bonnes pour cela.

Nîmes, le 25 février 1984

Chère Vonny,

Votre annonce concernant la prochaine venue de MichèleTorr sur le plateau d’Aujourd’hui la Vie m’encourage for-tement à vous écrire car je suis un grand fan de MichèleTorr et de votre émission.

J’écoute régulièrement Michèle Torr ; je connais presquetoutes ses chansons. Par cœur, de « Emmène-moi danser cesoir » à « J’en appelle à la tendresse » en passant par « Unepetite Française » et « Le pont de Courthezon ».

Je rêve bien évidemment de la rencontrer et peut-êtrem’offrirez-vous ce bonheur…

Et je ne serais pas tout à fait honnête, si je n’avouais pasmon admiration pour vous, chère Vonny. Je rêve de vous

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rencontrer mais aurai-je cette chance ?J’espère que ces quelques lignes ne vous laisseront pas

indifférente…Très sincèrement,

Jacques Sanchez

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Une histoire de rencontres

Contre toute attente, mon vœu le plus cher s’estconcrétisé bien plus rapidement que je ne l’imaginais,puisque quelques jours plus tard, je reçus un appeld’une certaine Gilberte Collet, une journaliste qui meproposa de venir participer à l’émission. Ma joie futimmense. J’avais du mal à croire ce qui m’arrivait.L’émotion allait m’empêcher de dormir durant plu-sieurs nuits. Je n’en parlais à personne, sauf à mesparents qui furent fous de bonheur pour moi.

L’aventure parisienne dont je rêvais allait pouvoirenfin commencer…

J’avais écrit également à la directrice des programmesjeunesse d’Antenne 2, Jacqueline Joubert, celle-là mêmequi découvrit Dorothée au milieu des années soixante-dix, pour faire d’elle la star de Récré A2, programmeculte de la deuxième chaîne entre 1978 et 1987. Pour-quoi Jacqueline Joubert ? Ce n’est pas un hasard, ellefut la première speakerine de la télévision et, étant ungrand amoureux des speakerines, cela m’a paru tout àfait naturel de lui écrire.

Ma lettre débordante d’enthousiasme a dû la toucher.Je me souviens comme si c’était hier du son de sa voixchaleureuse à l’autre bout du fil. J’étais tétanisé par letrac lorsque son assistante Germaine m’a dit : « Ne quit-tez pas. Je vous passe Jacqueline Joubert. » Je n’ycroyais pas. La conversation a duré quelques minutes,le temps de me proposer de venir la voir à Paris.

Deux lettres, et déjà deux réponses positives. C’étaitpresque trop. J’avais cette sensation que mes pieds ne

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touchaient plus le sol, de vivre un conte de fées. Je nepouvais pas imaginer que ce n’était là que le débutd’une très belle histoire…

Je quittais alors Nîmes pour « monter à Paris », unjour d’avril 1984, c’était un mercredi matin. Je prenais,

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pour la première fois de ma vie le tout nouveau TGV,inauguré trois ans plus tôt par le président de la Répu-blique, François Mitterrand, et me retrouvais l’après-midimême dans le bureau de la très élégante et très sourianteJacqueline Joubert, qui me reçut avenue Montaigne,l’adresse d’Antenne 2.

Je fus sous le charme de cette femme à l’élégance rare,tout en étant très intimidé. Ma voix tremblait. Je tentaisde répondre sans trop bafouiller aux différentes ques-tions qui concernaient mes études, mes parents et mapassion pour la télévision.

Je ne l’oublierai jamais, ce mercredi d’avril 1984.À l’issue de cette première rencontre, Jacqueline me

proposa d’aller voir toute l’équipe de Récré A2, Doro-thée, Jacky, Corbier, Ariane, Cabu et Willy, aliasWilliam Leymergie, tous installés dans le studio 4 autroisième étage du 15, rue Cognacq-Jay. Je n’avais qu’àtraverser la Seine et le pont de l’Alma pour me retrou-ver dans le temple de la télévision française.

C’est là que j’assistai, pour la première fois, à une émis-sion de télévision en direct, et que je découvris cetteadresse mythique où les plus grandes personnalités de latélévision ont démarré : Léon Zitrone, Michel Drucker,Pierre Tchernia, Catherine Langeais, Yves Mourousi…

Coincé entre d’imposantes caméras sur pied et destechniciens qui s’affairaient, j’aperçus Dorothée et sesamis qui couraient partout entre deux séquences et undessin animé. Il y avait beaucoup d’agitation dans cetout petit studio. Je me sentais alors déjà dans mon élé-ment, la magie opéra tout de suite.

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Le lendemain, comme prévu, je fus convoqué aux stu-dios de Montmartre, rue Francœur, pour participer àAujourd’hui la vie, à quelques minutes de la basilique duSacré-Cœur et de la butte Montmartre. C’est dans ce lieuque beaucoup de films d’après-guerre ont été tournés.

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Une histoire de rencontres

Je ne savais pas encore que j’y retournerais en 1990 à lademande de Pascal Sevran afin de le rencontrer.

J’étais tétanisé, glacé par le trac et l’émotion. Meretrouver assis à côté de Michèle Torr et des animateurs-journalistes Nicole André et Dominique Verdeilhan meterrorisait.

Je n’ai jamais revu cette émission, mais il me sembleavoir été particulièrement mauvais. Je répondais auxquestions posées avec une toute petite voix, à peineaudible, en disant qu’à la maison tout le monde écoutaitMichèle Torr, ce qui n’était pas tout à fait vrai !

Ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, et contrairementaux autres téléspectateurs sélectionnés, essentiellementdes téléspectatrices, d’ailleurs, je n’étais pas un incon-ditionnel de Michèle Torr. Mais je dois reconnaîtreavoir tout de même été séduit. Elle fut très attentionnéeavec moi. Autre bonne surprise, son mari producteuret elle m’ont invité à dîner le soir même dans un trèsgrand restaurant parisien, le célèbre Drouant, où j’ai,pour la première fois de ma vie, mangé des oursins.J’ai dû penser, à ce moment-là, que c’était la plus bellejournée de ma vie… Une des plus belles, en tout cas,cela ne fait aucun doute aujourd’hui.

Quand je suis rentré à Nîmes, quelques jours plus tard,bien qu’ayant le cœur serré, je savais, au fond de moi, quece n’était que le début de mon aventure avec la télévision.

Quelques mois passèrent, le temps d’obtenir mon bacavec mention bien, et de m’installer à Toulouse avecma cousine, pour poursuivre mes études de langues

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étrangères. Répondant à une annonce, je participe aussià un jeu télévisé en tant que candidat, Tournez manège !,jeu que je gagnerai et cela me paiera le billet de train.Quant au rendez-vous et au dîner avec la concurrentele lendemain, j’ai passé mon tour !

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Les bonnes chansons ne meurent jamais…

Réalisant que mes deux premiers courriers avaientété couronnés de succès, j’ai réitéré en écrivant à deuxpoids lourds de l’industrie télévisuelle française. Deuxhommes qui compteront beaucoup pour moi par lasuite, Jacques Rigaud et André Holleaux, respective-ment présidents de RTL et de FR3.

L’étonnant conte de fées s’est poursuivi, puisqu’unan après la rencontre avec Jacqueline Joubert, je me suisretrouvé successivement dans le bureau de deux prési-dents de chaîne, la même semaine d’avril 1985.

Jacques Rigaud, qui avait alors fait passer RTL devantEurope 1, et André Holleaux, qui avait fait revenir GuyLux à la télévision, m’ont successivement, tous deux,pris sous leur aile.

Ma rencontre avec André vaut le détour. Je lui avaisdonc adressé une longue lettre en 1985, suite à quoi ilm’avait appelé en personne avec sa voix d’homme mûrpour m’informer que son conseiller personnel, Mon-sieur Sulgere-Buel, passait par Nîmes, et qu’il seraitbien que je le rencontre. C’est ainsi que nous avonspassé une heure ensemble au Grand Café de la Bourse,face aux Arènes de Nîmes, pour savoir qui j’étais, d’oùje venais, et ce que je voulais.

Le rapport qu’il a rendu à André Holleaux a dû êtrepositif, puisque je fus convoqué dès la semaine suivanteà Paris, dans son grand bureau au huitième étage dela Maison de la radio, face à la Seine. J’étais émerveillé,et ne savais pas trop quoi dire devant ce monsieur quisavait déjà pas mal de choses sur moi…

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RTL ou le début d’une nouvelle vie

Le jour même ou le lendemain, je suis arrivé au 22,rue Bayard devant la radio de mes idoles, Anne-Marie

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Peysson, Évelyne Pagès, Patrick Sabatier, Sophie Garel,Fabrice et tous les autres. Je n’en menais pas large, trèssincèrement.

Jacques Rigaud m’a reçu au dernier étage de ce bâti-ment décoré par Vasarely. Nous sommes restés deuxheures à discuter tous les deux, et à l’issue de cette ren-contre où je lui ai raconté ma vie et ma passion pourla radio et la télévision, il s’est engagé à m’embaucherdès l’été prochain. Il s’est alors pris d’affection pourmoi, un peu comme un père pour un fils.

Dans son bureau très spacieux, les murs étaientrecouverts de livres et de disques classiques. Il fut lepremier à me faire découvrir et apprécier cette musique,notamment lors de voyages en voiture. Avant de sortir,il m’a offert des disques classiques et son livre LaCulture pour vivre, qui est toujours resté en bonne posi-tion dans ma bibliothèque.

Ce livre fut pour moi un véritable déclic et me permitde comprendre que la culture, sous toutes ses formes,pouvait et devait être accessible à tous, et pas seulementà une certaine élite. Pour cela, il faut être curieux. J’aiappris aussi que la culture rend la vie plus belle.Jacques est le tout premier à m’avoir invité à une expo-sition : c’était au Grand Palais, pour voir des œuvresde Manet, et ce fut un enchantement.

Ce livre a provoqué une véritable révolution en moi,en m’incitant à être plus curieux, plus attentif et plusouvert. Cette phrase le résume si bien : « La culture estce qu’il faut pour qu’une journée de travail soit une

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vraie journée de vie. »Jacques était un homme chaleureux, très à l’écoute,

toujours disponible. Après seulement quelques minutesde discussion, il m’a proposé de revenir l’été suivantdurant deux mois à RTL.

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Grâce à lui et à ses précieux conseils, j’ai senti queje devais impérativement poursuivre mes études etavoir un bagage pour me préserver de ce milieu artis-tique globalement… très peu reconnaissant. Il en feralui aussi les frais lorsqu’il quittera la présidence de RTLaprès vingt ans de bons et loyaux services. Ils seronttrès peu nombreux à prendre des nouvelles de ce jeuneretraité, toujours très actif. Il me confia, à juste titre,que le monde de la culture était un monde beaucoupplus fidèle que celui de la communication ou desmédias. J’en pris bonne note.

Après deux mois à Toulouse où j’ai retrouvé les bancsde la fac du Mirail, le temps me paraissait long et mescamarades ennuyeux. Comme convenu avec Jacques,j’ai à nouveau poussé les portes du 22, rue Bayard dèsle mois de juillet 1985, et découvert ainsi les coulissesde cette grande maison. Nombreux furent ceux qui vin-rent à mon aide parmi ses animateurs, journalistes oucollaborateurs, tels que Julien Lepers, Fabrice, PatrickSabatier ou encore André Torrent, animateur vedette àl’époque, à qui je dois beaucoup. J’ai de la chance car,cet été-là, sa femme et son fils sont descendus envacances dans le bassin d’Arcachon, et il a pu prendrele temps de me raconter l’histoire de cette radio,m’emmener au restaurant, au cinéma et au théâtre.Quelle vie ! Il est à noter d’ailleurs qu’il est resté àl’antenne jusqu’en juin 2015.

Au cours de mes premiers jours passés à RTL, j’ai

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rencontré des speakerines, dont Anne-Marie Peysson,devenue par la suite une star de la radio. Mais aussiÉvelyne Pagès, surnommée « la voix d’or de RTL », quime séduira et deviendra aussi une amie chère. Il estindéniable qu’elles ont marqué discrètement mais à leur

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façon les programmes de variétés à la télévision durantles années soixante, soixante-dix et quatre-vingt.

Lors de ces premières années, je faisais tout : j’étaisl’assistant des animateurs, des programmateurs musi-caux, et je travaillais aussi aux côtés de Monique LeMarcis, patronne des variétés et de la programmationmusicale de RTL. Une grande dame de la radio et dela chanson, à l’origine de nombreuses carrières – JohnnyHallyday, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman et JulioIglesias, cet ancien joueur de foot madrilène (dont per-sonne ne voulait au départ !) –, lui doivent beaucoup.Grâce à elle, j’ai pu cerner ce qu’était la programmationmusicale, et voir en quoi c’était un métier passionnant.J’ai rencontré attachés de presse, producteurs dedisques et certains chanteurs, que je croisais dans lebureau de la programmation aussi bien que dans legrand studio de RTL où Fabrice présentait chaque jouren direct à 11 heures Casino Parade.

André Torrent enregistrait dans ce même studio lemercredi après-midi en public une grande émission devariétés qui s’appelait Studio 22 et était diffusée leweek-end. J’y ai vu et côtoyé Sheila, Dalida, Jane Birkinou encore Thierry Le Luron un an avant sa mort.

Les attachés de presse des maisons de disques, char-gés de promouvoir les artistes produits par le labelpour lequel ils travaillaient, étaient des personnageshauts en couleur, souvent dans l’hystérie ou la carica-ture, mais toujours débordant d’humour, tout en restantentièrement dévoués à leurs artistes. Ce qui m’impres-sionnait le plus était de les entendre parler au nom de

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l’artiste. Je les sentais investis d’une mission qu’ilsavaient envie de mener à bien. Ils étaient capables derester une journée entière dans nos bureaux à défendrele titre de leur artiste pour qu’il soit mis en avant àl’antenne.

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Je ne savais pas encore que je les recroiseraisquelques années plus tard, lorsque je deviendrais untout jeune programmateur chargé de choisir lesartistes dont ils s’occupaient pour décider s’ils allaientêtre invités ou non dans les émissions qu’on meconfierait. Je n’envisageais pas non plus que le métierallait changer et que ces personnages rocambolesquesallaient disparaître au profit de jeunes gens plussérieux et forcément moins amusants, issus des écolesimprobables. Je les trouve bien moins curieux aujour-d’hui, moins passionnés, et avec un manque d’enthou-siasme flagrant ; cette génération semble d’ailleursmarquée par une absence d’envie de se battre évi-dente…

Dans le grand bureau de la programmation musicale,dans lequel je passais le plus clair de mon temps,j’observais chaque programmateur qui était chargé deplusieurs émissions sur RTL, pour lesquelles il devaitsélectionner les disques qui allaient passer à l’antenne.

Dès le matin, les nouveautés étaient sélectionnées enprésence de Monique Le Marcis. C’est lors de ces réu-nions que le nombre de passages hebdomadaires étaitfixé pour chaque morceau choisi. Une place était, bienentendu, laissée aux nouveautés, censées devenir destubes, qui alternaient avec des succès confirmés. Ainsiune chanson de Johnny, vedette maison et véritable starpopulaire, pouvait, par exemple, être diffusée jusqu’àdouze fois par semaine, ce qui était beaucoup.

Il faut vraiment se rendre compte que les radios dites

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« périphériques » de l’époque, RTL, RMC, Europe 1 etSud Radio, avaient le pouvoir de fabriquer des tubes,mais aussi de faire ou défaire des carrières. La télévi-sion ne faisait finalement que suivre le travail accomplipar les radios leaders.

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Jacques Rigaud me proposa de revenir travailler àRTL l’été suivant. C’est un samedi après-midi dejuillet 1986 que j’ai fait la connaissance de Sophie Garel,speakerine sur Télé Oran, qui formera un duo très drôleavec Fabrice durant des années sur RTL, puis RTL Télé-vision.

Sophie, que j’appelle affectueusement Lucienne,puisqu’il s’agit de son véritable prénom, n’était alorsplus que la voix du week-end de RTL. Elle s’y ennuyaitterriblement. À tel point que, dans le studio où elleannonçait Les Grosses Têtes de Philippe Bouvard, je pou-vais parfois l’observer se limer les ongles pendant unextrait de l’émission !

Durant cet été 1986, une chanteuse, Graziella deMichele, fit un beau succès avec son Pull-over blanc. Or,Sophie, ne la connaissant pas du tout, ne parvenait pasà dire son nom, pas plus que la chanson qu’elle devaitinterpréter à l’antenne quelques minutes plus tard. Àcet instant, c’est avec un grand plaisir que je l’ai sortiede ce mauvais pas en lui soufflant les infos dansl’oreille.

À RTL, Fabrice et Julien Lepers me faisaient beau-coup rire. Julien animait l’émission musicale Challengerentre 18 h 30 et 20 h 30. Certains soirs, en direct surl’antenne de RTL, sans me prévenir, il me présentaittout d’un coup et me demandait par exemple commentj’allais, entre deux combats de chansons. J’essayais dene pas répondre à côté, si c’était possible ! J’ai aussi ren-contré Patrick Sabatier au début et à la fin de cet été1986… mais j’étais tellement impressionné que je n’ai

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pas vraiment su quoi dire. J’ai eu grandement l’occasionde me rattraper depuis.

Depuis quelques mois, la France s’était enrichie dedeux chaînes privées, La Cinq, le 20 février 1986, etTV6, le 1er mars 1986. Cette dernière, essentiellement

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musicale, ne vivra que quelques mois. Par la suite, laCLT (Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion),dont RTL faisait partie, fut candidate au rachat de cettesixième chaîne, et obtiendra le canal avec le projetMétropole Télévision, plus connu sous le nom de« M6 ».

Jacques me demanda de m’intéresser au sujet, etm’installa à l’étage de la présidence, tout près de sonbureau.

J’y découvrais alors une ambiance différente, plusstudieuse. Il y avait moins de légèreté qu’au troisièmeou quatrième étage, où se trouvaient les équipes artis-tiques, mais l’ambiance restait tout de même trèsagréable.

J’ai appris des choses primordiales à ses côtés aucours de cet été-là : la rigueur, le respect et l’honnêteté.Il est par la suite devenu un ami précieux et il fut pré-sent comme un deuxième père. Il m’a accompagné dansma vie jusqu’à ce 7 décembre 2012, où j’ai appris sondécès en écoutant sa radio, RTL. Il est mort brutalementet discrètement en se rendant au théâtre. Jusqu’au bout,la culture aura été le moteur de sa vie.

Auprès de gens aussi différents que Jean Drucker,numéro deux de RTL, ou Philippe Labro, nomméquelques mois auparavant directeur des programmes,j’ai commencé à vraiment comprendre la profession etses enjeux ou ses mécanismes. L’élégance naturelle deLabro m’a immédiatement séduit. Malgré tout, je n’aijamais osé lui dire que j’aimais sa façon très moderne

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et très américaine de présenter le journal de la mi-journéesur Antenne 2 en 1981.

J’aimais aussi entendre Monique Le Marcis ou RogerKreicher, directeur artistique de la station, me parler deleur métier et des rencontres qui avaient ponctué leur

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carrière. Je redevenais un petit garçon lorsqu’ils meracontaient anecdotes et souvenirs.

Un autre homme me fascinait également : Henri Ago-gué, dont la porte du bureau était constammentouverte. Je pouvais l’observer écouter sa radio, RTL. Ilétait le directeur de l’antenne, par là même chargéd’écouter RTL toute la journée. Il surveillait et contrôlaittout. Rien ne lui échappait, les fautes de français ou deprononciation, les erreurs ou les bugs techniques. Iln’hésitait pas à se lever avec son pied-bot pour alleradmonester les contrevenants.

De cette période je garde des souvenirs émus, ceuxd’un jeune homme qui découvre sa vocation, mais aussiune nouvelle famille. Cette vie devait être la mienne,et rien ni personne ne pourrait m’empêcher de pour-suivre cette existence que je touchais déjà du doigt.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Les chaînesde télévision n’ont plus besoin de s’inspirer de la pro-grammation musicale des radios historiques qui diffu-sent de moins en moins de musique. C’est le casparticulièrement de RMC, Sud Radio et Europe 1, quimisent davantage sur l’information et le sport. SeulesRTL et France-Inter continuent de « passer desdisques », mais sans que l’on puisse affirmer qu’ellesjouent un rôle de découvreurs de talents, sauf peut-êtreparfois France-Inter, qui fait figure d’exception.

Quant aux radios dites musicales, NRJ, Skyrock, Fun,même s’il leur arrive encore parfois de fabriquer unsuccès, c’est sans commune mesure avec la force de

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frappe des radios à cette époque. Un passage sur RTL,c’étaient des centaines de milliers de disques vendus etl’assurance de passer à la télévision dans la foulée.

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Sud Radio

Après quelques années entre Paris et Toulouse, où jepoursuivais mes études, je découvris une autre radiodurant l’été 1989 : Sud Radio, la grande radio du Sud-Ouest.

Je ne pensais qu’à travailler à cet âge-là. Ainsi queje l’avais fait précédemment, j’ai écrit à la directrice desprogrammes, Marie-Ange Roig, dont j’avais lu le nomdans un des articles que je dévorais dès lors qu’il s’agis-sait de radio ou de télé – à l’époque, le terme « médias »n’existait pas. Je fus engagé comme programmateurmusical l’espace d’un été, avant de reprendre mesétudes et d’entamer ma dernière année à l’universitédu Mirail. Je ne me doutais pas un seul instant queMarie-Ange Roig désirait m’engager dès septembre…

Dès mon arrivée, j’ai bien commencé en repérantdeux chansons qui deviendront les tubes de l’été 1989,« Hélène », interprétée par le Québécois sexy Roch Voi-sine, et « Cœur de loup », du Belge Philippe Lafontaine.

La dynamique Marie-Ange Roig, grande prêtresse decette radio numéro un dans le quart Sud-Ouest de laFrance à la fin des années quatre-vingt, organisaitchaque matin une réunion avec tous les programma-teurs, réunion de travail à laquelle j’avais la chance departiciper. Nous écoutions ensemble les nouveautésenvoyées par les maisons de disques, et chacun donnaitson avis. J’y croisais, géographie oblige, beaucoupmoins d’attachés de presse et d’artistes qu’à Paris.

Les programmateurs, contrairement à ceux de RTL

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qui vivaient presque en communauté, étaient enferméschacun dans leur petit bureau. L’ambiance y était moinschaleureuse, mais il y avait fort à faire et l’ambiancegénérale était inspirante pour le jeune homme quej’étais.

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Pour ce qui est de mes études, je m’apprêtais àdémarrer mon année de maîtrise, toujours en languesétrangères appliquées, lorsque Marie-Ange me proposade m’engager comme programmateur musical. J’étaisfou de bonheur, mais je lui demandais tout de mêmeun temps de réflexion, et finis par refuser, pour termi-ner mes études sereinement.

Je n’imaginais absolument pas que le destin allaitdécider qu’il en serait tout autrement !

RMC, TMC, MCM et la concrétisation d’un rêve

Novembre 1989. Comme prévu, mon année de maî-trise avait démarré depuis un peu plus d’un mois àl’université du Mirail. Je décidai de passer quelquesjours à Paris durant les vacances de la Toussaint. C’étaitdevenu comme une tradition depuis quelques années.

Marie-Ange Roig, avec qui j’étais resté en contact, etqui croyait en moi, me proposa de rencontrer son amieAnnie Amsellem, directrice de la programmation deRMC. Je connaissais ce nom, que j’avais vu au géné-rique de certaines émissions, celles que je ne pouvaism’empêcher de noter sur mes petits carnets, et notam-ment celui de Platine 45, que présentait Jacky le mer-credi après Récré A2.

Cette jeune femme charmante a changé le cours dema vie. Nous avons passé deux heures d’un entretientrès agréable, où je lui ai raconté mes expériences esti-vales à RTL, puis à Sud Radio, et surtout mon envie

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de poursuivre dans cette voie. Malgré le fait que je luiai bien précisé que, contrairement à beaucoup d’autres,je souhaitais rester dans les coulisses des studios, ellem’a tout de même proposé d’aller passer un casting àMonaco.

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Je me voyais mal refuser cette proposition, d’autantplus que je restais persuadé que je ne serais jamaissélectionné. Le lendemain matin, je me suis rendu àNice par le premier avion et un hélicoptère m’attendaitensuite pour me conduire dans la principauté moné-gasque… rien que ça !

Je fus émerveillé quand je suis arrivé dans l’immeublemythique de RMC au 16, boulevard Princesse-Charlotte. Une adresse que je connaissais par cœur,car j’avais été un auditeur fidèle de RMC durant monenfance et mon adolescence. Je me réjouissais à l’avancede croiser les vedettes de la station : Jean-PierreFoucault, Léon, Carole Chabrier, José Sacré, FrédéricGérard…

Je fus accueilli par Joël-Pierre Dupuis, un des respon-sables de la première chaîne musicale, MCM, qui émet-tait depuis le Rocher, car elle appartenait au groupeRMC-TMC. Joël-Pierre – un proche d’Hervé Bourges,ancien président de TF1, président du groupe RMC etfutur patron de France Télévisions – était un hommeau physique singulier – en quelques mots, il ressemblaitau professeur Tournesol ! –, qui savait se montrer trèsattentionné. Lui aussi, il eut la bonté de veiller sur macarrière pendant quelques années en me protégeant duqu’en-dira-t-on.

Étrangement, ce jour-là, je n’ai pas passé de casting.Et, contrairement à ce que j’avais envisagé, je me suisretrouvé à animer, sans jamais rien avoir demandé, dèsle lendemain de mon arrivée, une émission musicale endirect de 18 heures à 19 heures : Monte-Carlo Musique.

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Un rendez-vous fut rapidement organisé dans uneboutique monégasque pour m’habiller. Au départ,j’avais simplement prévu de passer quelques jours àParis avant de regagner la Ville rose, pour reprendresagement mes études ! Honnêtement, c’était assez

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surréaliste ce qui m’arrivait, je n’arrivais pas à réaliser.Ce que je ne savais pas encore, c’est que la suite seraitquelque peu entachée par des jeunes gens férocementjaloux, qui avaient tout misé sur cette nouvelle émis-sion…

Novembre 1989, me voilà donc aux commandes dela seule émission de la toute jeune MCM. Pour me faci-liter la tâche, nous étions en direct.

Je fus tout d’abord surpris de découvrir le studio,grand comme un placard à balais. Les techniciens yavaient installé un pupitre avec plein de boutons quis’allumaient pendant le direct, à tel point que je nesavais même plus ou poser mes mains. Je devais lancerdes clips, et donner quelques informations sur les chan-teurs de l’époque qui faisaient la une des magazinespeople, OK, Salut ou Podium. Ces revues devinrent deslectures quotidiennes, grâce à quoi, entre deux clips, jefaisais une petite mise à jour sur les amours de RochVoisine ou le nouvel album en préparation de FrancisCabrel. Les clips étaient, à peu de chose près, toujoursles mêmes. Jean-Jacques Goldman, Sinead O’Connor,Roch Voisine, Philippe Lafontaine, Jeanne Mas, TheChristians ou encore Elton John étaient programmésplusieurs fois par semaine, et les nouveautés plutôtrares. C’est le tout début de la génération clip.

Je devais en présenter une douzaine chaque jour, etdonner autant de news sur ces artistes, chose qui n’étaitpas évidente à dénicher. Du coup, je travaillais énor-mément, week-end compris. Je faisais aussi des voix off

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pendant la journée pour annoncer ce qui allait passersur l’antenne de MCM. Une petite chaîne, certes, maisavant tout une véritable source inépuisable de clips !

Maurice, cadreur de TMC en fin de carrière, étaitmon compagnon de direct. Il ne pensait qu’à une chose

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pendant l’émission : que tout cela se termine, et vite !Il se trouvait seulement à quelques centimètres de moiet pilotait une caméra lourde et imposante, sortie, elleaussi, d’un vieux placard poussiéreux. Il s’endormaittrès souvent pendant le direct, ce qui provoquait ins-tantanément chez moi des fous rires que je ne pouvaispas expliquer à l’antenne. Dans ces cas-là, la réalisatricelançait le clip suivant, le temps pour moi de retrouvermon état normal, avant de réveiller Maurice.

Ma direction se réjouissait et en redemandait. Joël-Pierre Dupuis, mon bienfaiteur, me rappelait qu’il fal-lait avant tout sourire, le plus souvent possible.

De leur côté, mes amis nîmois et toulousains, quej’avais quittés précipitamment sans jamais les revoir,me voyaient sur MCM, TMC ou encore Télé Toulouse,la chaîne locale qui émettait aussi les programmes deMCM. Je reçus de nombreux messages par Minitel.

Mais tout n’est pas toujours rose et les jalousies àmon égard m’ont valu d’être mis rapidement à l’écart.Ils en avaient rêvé, tous les petits jeunes qui tra-vaillaient à la radio, de ce poste d’animateur sur la nou-velle chaîne du câble et du satellite. Ils avaient mêmepassé des castings… Et voilà que leur rêve s’effondraità cause d’un illustre inconnu. Les bavardages allaientbon train. On me soupçonnait d’être pistonné, et pro-tégé par les hautes sphères de la chaîne. Avec le recul,je dois avouer que ce n’est pas faux, mais, en toute sin-cérité, je n’en étais absolument pas conscient. J’avaisgardé une grande part de naïveté en moi, que j’assume

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totalement, parce qu’elle m’est propre et fait partie demon caractère. Malgré tout, les journées au studios’avéraient parfois assez dures : quasi aucune des per-sonnes que je côtoyais la journée ne m’adressait laparole. Mon attitude devait les agacer, car je choisissais

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de ne pas répondre aux commentaires et autres bruitsde couloir.

Ce sentiment violent, je ne l’ai pas vraiment vu venir,mais il existait déjà en substance au cours de mes étéspassés à RTL et, notamment lors de l’été 1986, lorsqueje me retrouvais à l’étage de la présidence. Les com-mentaires désagréables se multiplièrent… Tout allaitpeut-être trop vite pour moi ?

Pourquoi donc ai-je été choisi au détriment de cesjeunes qui ne pensaient qu’à cela depuis des mois, voiredes années ? Le facteur chance est-il le seul argument ?J’ai tendance à considérer que mon enthousiasme et maconnaissance de la télévision y étaient peut-être pourquelque chose dans le choix qui venait d’être fait parMCM.

Il se peut que mon sourire aussi ait pu aider, souriredont je découvrais qu’il plaisait beaucoup, puisqu’onme demandait d’en user et même d’en abuser àl’antenne !

Mettant de côté tous ces ragots, je restais concentrésur ce que je souhaitais et espérais, c’est-à-dire croiserles vedettes de RMC. Rapidement, je les ai vus défilerdans les couloirs de la station. J’ai aussi croisé KarineLe Marchand. Je n’ai pas beaucoup vu la véritable star,Jean-Pierre Foucault, qui ne venait que très rarement àMonaco. Il était soit à Paris, soit à Marseille. La radiodu Sud avait, en effet, une antenne parisienne rue deMagellan dans le VIIIe arrondissement, et des antenneslocales dans le sud de la France.

Ma rencontre avec Carole Chabrier, une des plus

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célèbres voix de RMC et un des visages de la mi-journéesur TF1 dans les années soixante-dix, fut un vrai bon-heur. Elle présentait Réponse à tout avec la voix deFrance-Inter, Louis Bozon. Elle prendra le temps, cer-tains soirs, de me maquiller avant mon passage à

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l’antenne, car les moyens étaient si modestes que jen’avais pas de maquilleuse.

Malgré ma réussite et les rencontres, il y a tout demême un vrai problème qui commençait à me peser :Monaco. Je trouvais le temps long dans cette ville tristeet déserte l’hiver. Après quelques mois sur le Rocher,je pris ma décision avec l’aval de mes parents et quittaicette région ensoleillée mais si ennuyeuse pour le jeunehomme impatient que j’étais. Je pris donc congé deMonaco, MCM et TMC pour m’installer définitivementà Paris. C’était en juin 1990. J’avais, en moi, l’espoir devivre enfin la vie dont je rêvais depuis l’âge de 10 ans.

Installation dans la capitale

À peine installé à Paris, au pied de la butte Mont-martre, dans un immeuble de la rue Carpeaux, celui-làmême où j’avais vécu durant les étés 1985 et 1986, jem’empressai de reprendre contact avec la divine Jac-queline Joubert et les fidèles Jacques Rigaud et AndréHolleaux.

Dans son nouveau bureau de la rue de l’Université,Jacqueline Joubert était en fin de carrière. Ève Ruggieri,directrice des programmes d’Antenne 2, l’avait chargéede recruter de nouvelles speakerines. Elle me ferad’ailleurs passer un casting, chose que j’ai faite pourm’amuser, tout en continuant à être très intimidé parJacqueline, qui supervisait la chose.

Je repris aussi contact avec André Holleaux, qui

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m’avait reçu cinq ans plus tôt dans son grand bureaude la maison de la radio. Le jour même il me présentaitAlain Simon, un de ses anciens collaborateurs, devenule numéro deux de l’INA, l’Institut national de l’audio-visuel, chargé de protéger les archives de l’audiovisuel.

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Une histoire de rencontres

Grâce à Alain et aux précieux conseils de notre amicommun André Holleaux, je me suis retrouvé, à 23 ans,jeune assistant dans cette maison installée depuis peuà Bry-sur-Marne, tout près des mythiques studios de laSFP, où Patrick Sébastien enregistrait encore ses diver-tissements du samedi il y a peu de temps.

Dans cette grande maison qu’est l’INA, créée en 1975après l’éclatement de l’ORTF, en même temps que TF1,Antenne 2 et FR3, j’apprenais à comprendre le fonc-tionnement d’un service de presse. Je n’y ai rien fait detrès passionnant, si ce n’est remettre à jour un fichierde journalistes, vieux et poussiéreux. Une tâche a priorirébarbative, mais qui s’avérait au bout du compte pas-sionnante, car elle me permettait de prendre contactavec les différentes rédactions qui travaillaient avecl’INA, et surtout de visualiser et mémoriser tous lesnoms des journalistes qui comptaient…

Je m’enrichissais au contact d’Alain Simon et de YannCotten – le directeur de la communication de l’INA –,et pouvais leur poser toutes les questions qui mevenaient à l’esprit, tant leur disponibilité, à mon égard,était grande. Ce dernier avait été particulièrement bien-veillant avec moi, sans même se douter qu’une des ren-contres qu’il allait organiser, avec le producteurFrédéric Lepage, allait être déterminante pour la suitede ma carrière. Ce sera véritablement lui qui fera demoi un futur programmateur d’émissions de radio etde télévision.

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Programmateur artistique, un vrai métier…

Je suis devenu programmateur artistique en sep-tembre 1990. Plus de vingt-cinq années que cela dure,et toujours le même enthousiasme ! Tout cela grâce à

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un homme qui a cru en moi, et m’a donné toute saconfiance.

Frédéric Lepage, président d’une jeune société deproduction, XL Productions, et heureux producteurd’émissions de divertissement et de documentaires ani-maliers, choisit de me confier, au bout de quelquessemaines seulement, la programmation de son émissionDessinez, c’est gagné ! animée par Patrice Laffont, tousles soirs puis tous les midis sur Antenne 2.

J’étais si fier de travailler avec Patrice, que j’avaislongtemps regardé sur Antenne 2 dans Des chiffres etdes lettres ! C’était un homme que je croyais plutôtsérieux, mais il était en réalité tout le contraire, joyeuxet infiniment drôle. Frédéric Lepage me confia égale-ment des émissions pour la jeunesse sur TF1 pro-duites par le groupe Disney, dont Disney Club, pourlaquelle j’étais chargé d’inviter des artistes, écrivainsou chanteurs. D’ailleurs, il y avait sans cesse une per-sonne de chez Disney sur le plateau, pour surveillertout ce qui se passait. Une dame d’un certain âge quin’était pourtant pas si vieille, avec des kilos en trop,des lunettes rondes et un tailleur strict assez peu eni-vrant, pour tout dire… Tout un programme pour notreprogramme !

Je me suis parfois retrouvé dans des situations déli-cates vis-à-vis d’elle, car il est arrivé qu’on me demandede rallonger les jupes des filles pour ne pas choquerles enfants qui nous regardaient, ou, pire, qu’on merefuse certains artistes en raison de la couleur de leurpeau. La diversité n’était pas encore à la mode au début

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des années quatre-vingt-dix…Je me suis aussi vu confier d’autres rendez-vous pour

la jeunesse, dont Cekanon sur France 2, animé par ÉricGalliano et Valérie Pascale, « Miss Téléshopping » surM6 depuis de nombreuses années.

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Une histoire de rencontres

Le programmateur est un élément central dans le dis-positif d’une émission. Il est chargé par le producteuret l’animateur, voire, le plus souvent, le producteur etanimateur, comme c’est le cas pour Thierry Ardisson,Michel Drucker ou Patrick Sébastien, de choisir, contac-ter, puis convaincre les invités qui vont participer àl’émission dont il a la charge. Une lourde responsabilité,car on lui demande souvent de relever des missionsimpossibles. J’ai dû batailler, au tout début, pourconvaincre les Mireille Darc, Henri Salvador ou AlainSouchon à venir dans Rien à cirer sur France-Inter.Autres missions difficiles : faire venir des invités quin’aiment pas la télévision, des invités rares commePatrick Modiano ou Jean-Jacques Goldman, ou desartistes qui ne faisaient aucune promotion. Des rêvessouvent irréalisables.

Les invités, artistes, intellectuels, sportifs ou poli-tiques, choisissent de s’exprimer dans les médias seu-lement ou presque en période de promotion : unchanteur lorsqu’il vient de sortir un disque, un écrivainquand il publie son nouveau livre, un comédien pourdéfendre la nouvelle pièce ou le dernier film danslequel il joue. Les hommes politiques aujourd’hui ontd’ailleurs adopté le même mode de fonctionnement queles artistes, ils ne s’expriment que pour faire desannonces ou réagir à une proposition faite par le campadverse.

Aujourd’hui, les producteurs, animateurs ou direc-teurs de chaînes sont de plus en plus présents dans le

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choix des invités. Ils ne s’intéressent d’ailleurs que trèsmodérément à l’actualité du spectacle et de la vie poli-tique. Leur seul but est de recevoir des stars dans leursdifférents rendez-vous pour faire monter l’audimat, etdonc les recettes publicitaires de la chaîne, qui les en

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les meilleurs souvenirs des plus grands !