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1 LES CADRES STRATÉGIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ par Carine LALMANT stagiaire au HCCI, sous la responsabilité d'Emile-Robert Perrin, septembre 2001 Sommaire Introduction I. La vision des IFI : les CSLP constituent la réponse adéquate aux obstacles à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté 1. Une démarche et une stratégie au service des pauvres: a) Reflet de la nouvelle démarche des IFI en matière de lutte contre la pauvreté b) Stratégie de réduction de la pauvreté plus efficace 2. Le profil des CSLP et les attentes des IFI : a) Un cadre non rigide b) Les cinq paramètres communs : 1. Diagnostic des obstacles 2. Objectifs et politiques 3. Mécanismes de suivi 4. Assistance extérieure 5. Processus participatif 3. Processus d'élaboration et d'approbation des CSLP 4. Les IFI face l'élaboration des CSLP : une profonde collaboration 5. Un préalable à l'obtention de nouveaux prêts et à l'allègement de la dette 6. Entre donateurs bilatéraux et institutions multilatérales : un partenariat nécessaire II. Des ONG critiques face aux CSLP 1. L'ajustement structurel : toile de fond des politiques macroéconomiques et structurelles des CSLP : a) Avant les CSLP : l'ajustement structurel b) Les CSLP : un changement plus rhétorique que pratique 2. L'appropriation des CSLP par le pays : un leurre 3. Du CSLP au Cadre Stratégique de Développement Durable : des propositions III. La réalité des CSLP à travers les cas du Burkina Faso, de la Mauritanie et de la Tanzanie 1. Le processus participatif : une présentation formelle ? a) Une description détaillée b) Le processus participatif : une illusion ? c) Le poids prépondérant des IFI 2. Un diagnostic de la pauvreté complet ? 3. Des objectifs trop ambitieux ? 4. Les stratégies de réduction de la pauvreté : continuité ou dépassement des Documents Cadre de Politique Économique ? a) Exemples des grands principes b) Éléments similaires c) Un dépassement des DCPE ? 5. Financement de la stratégie de réduction de la pauvreté et aide extérieure 6. Suivi et évaluation de la stratégie conformes aux attentes des IFI Conclusion Bibliographie sommaire (Les annexes auxquelles se réfèrent l'étude sont accessibles en pdf) Introduction En septembre 1999, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) dévoilent, à travers la Stratégie de Réduction de la Pauvreté, leur nouvelle conception des programmes de prêts aux pays pauvres. Cette approche stratégique de lutte contre la pauvreté constitue une réponse à l'appel lancé par les pays créanciers du G7 afin de déterminer une méthode liant l'allègement de la dette à la réduction de la pauvreté (1) . En raison de cette nouvelle approche, tous les pays à faibles revenus sont désormais requis de produire un Cadre Stratégique de Réduction de la Pauvreté ou Poverty Reduction Strategy Papers (CSLP / PRSP) afin d'obtenir de la Banque mondiale ou du FMI soit un allègement de la dette, soit de nouveaux prêts. Plusieurs traits distinguent les CSLP des précédentes approches menées par les Institutions Financières Internationales (IFI). En premier lieu, la réduction de la pauvreté est maintenant l'objectif clé de tous les programmes de prêts des IFI aux pays à faibles revenus et la mise en œuvre de cet objectif doit être mesurée par des indicateurs concrets. Deuxièmement, le cadre des CSLP spécifie que les gouvernements des pays emprunteurs ne doivent éditer leur document qu'après une consultation et une participation de leurs concitoyens. Enfin, tous les bailleurs de fonds publics sont censés coordonner leur aide et leur politique avec les CSLP. Le développement des CSLP fait suite à une phase d'examen critique des programmes antérieurs menés par les IFI. Ces dernières ont ainsi successivement réagi en attribuant une importance de premier plan à

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LES CADRES STRATÉGIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

par Carine LALMANT stagiaire au HCCI, sous la responsabilité d'Emile-Robert Perrin,

septembre 2001

Sommaire Introduction I. La vision des IFI : les CSLP constituent la réponse adéquate aux obstacles à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté

1. Une démarche et une stratégie au service des pauvres: a) Reflet de la nouvelle démarche des IFI en matière de lutte contre la pauvreté b) Stratégie de réduction de la pauvreté plus efficace

2. Le profil des CSLP et les attentes des IFI : a) Un cadre non rigide b) Les cinq paramètres communs : 1.Diagnostic des obstacles 2.Objectifs et politiques 3.Mécanismes de suivi 4.Assistance extérieure 5.Processus participatif

3. Processus d'élaboration et d'approbation des CSLP 4. Les IFI face l'élaboration des CSLP : une profonde collaboration 5. Un préalable à l'obtention de nouveaux prêts et à l'allègement de la dette 6. Entre donateurs bilatéraux et institutions multilatérales : un partenariat nécessaire

II. Des ONG critiques face aux CSLP 1. L'ajustement structurel : toile de fond des politiques macroéconomiques et structurelles des CSLP : a)

Avant les CSLP : l'ajustement structurel b) Les CSLP : un changement plus rhétorique que pratique 2. L'appropriation des CSLP par le pays : un leurre 3. Du CSLP au Cadre Stratégique de Développement Durable : des propositions

III. La réalité des CSLP à travers les cas du Burkina Faso, de la Mauritanie et de la Tanzanie

1. Le processus participatif : une présentation formelle ? a) Une description détaillée b) Le processus participatif : une illusion ? c) Le poids prépondérant des IFI

2. Un diagnostic de la pauvreté complet ? 3. Des objectifs trop ambitieux ? 4. Les stratégies de réduction de la pauvreté : continuité ou dépassement des Documents Cadre de Politique

Économique ? a) Exemples des grands principes b) Éléments similaires c) Un dépassement des DCPE ? 5. Financement de la stratégie de réduction de la pauvreté et aide extérieure 6. Suivi et évaluation de la stratégie conformes aux attentes des IFI

Conclusion Bibliographie sommaire

(Les annexes auxquelles se réfèrent l'étude sont accessibles en pdf)

Introduction En septembre 1999, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) dévoilent, à travers la Stratégie de Réduction de la Pauvreté, leur nouvelle conception des programmes de prêts aux pays pauvres. Cette approche stratégique de lutte contre la pauvreté constitue une réponse à l'appel lancé par les pays créanciers du G7 afin de déterminer une méthode liant l'allègement de la dette à la réduction de la pauvreté (1). En raison de cette nouvelle approche, tous les pays à faibles revenus sont désormais requis de produire un Cadre Stratégique de Réduction de la Pauvreté ou Poverty Reduction Strategy Papers (CSLP / PRSP) afin d'obtenir de la Banque mondiale ou du FMI soit un allègement de la dette, soit de nouveaux prêts. Plusieurs traits distinguent les CSLP des précédentes approches menées par les Institutions Financières Internationales (IFI). En premier lieu, la réduction de la pauvreté est maintenant l'objectif clé de tous les programmes de prêts des IFI aux pays à faibles revenus et la mise en œuvre de cet objectif doit être mesurée par des indicateurs concrets. Deuxièmement, le cadre des CSLP spécifie que les gouvernements des pays emprunteurs ne doivent éditer leur document qu'après une consultation et une participation de leurs concitoyens. Enfin, tous les bailleurs de fonds publics sont censés coordonner leur aide et leur politique avec les CSLP. Le développement des CSLP fait suite à une phase d'examen critique des programmes antérieurs menés par les IFI. Ces dernières ont ainsi successivement réagi en attribuant une importance de premier plan à

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la croissance économique ainsi qu'aux politiques de redistribution et de lutte contre les inégalités, puis en essayant progressivement d'abandonner le concept de conditionnalité au profit de celui de sélectivité : seuls les pays qui entreprennent réellement des réformes permettant une meilleure croissance et une réduction de la pauvreté devraient être financés. Les autres recevraient des conseils. Les CSLP jouent donc un rôle primordial puisqu'ils doivent refléter la détermination du pays à entreprendre de telles réformes et celle des IFI à améliorer la réussite de leur politique et de leur aide. Toutefois, ces CSLP sont sujets à de vives critiques de la part de nombreuses ONG. Il s'agit de ce fait de voir dans quelle mesure les CSLP répondent ou non aux objectifs qui leur sont associés et si les positions des ONG à leur égard sont ou non justifiées. Pour ce faire, il est intéressant d'évaluer comment et en quoi les CSLP incarnent une réponse adéquate aux obstacles empêchant la croissance économique et la réduction de la pauvreté pour les IFI. Ces dernières attendent en effet beaucoup des CSLP. Or, les ONG prennent à bien des égards le contre-pied des positions des IFI. Pour elles, le changement qu'incarnent les CSLP est un leurre auquel il serait souhaitable de remédier. Les CSLP ne constitueraient pas la solution requise pour mettre fin aux problèmes des pays pauvres, au contraire. Face à l'opposition des IFI et des ONG quant au bien fondé des CSLP, l'analyse, bien que non exhaustive, du contenu des CSLP, en prenant les exemples du Burkina Faso, de la Mauritanie (2) et de la Tanzanie, permet de déterminer si ces CSLP sont à la hauteur des espoirs des uns et des autres.

I. La vision des IFI : les CSLP constituent la réponse adéquate aux obstacles à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté En raison de leur originalité et des leçons tirées des expériences passées, les CSLP apparaissent pour la Banque mondiale et le FMI comme une réponse adéquate à leurs préoccupations ainsi qu'aux problèmes des pays pauvres. Ils sont en effet en adéquation avec la nouvelle approche de la pauvreté, et avec la stratégie transversale qui en découle, adoptée par les IFI (3). Par ailleurs, les innovations qu'ils contiennent sont censées leur donner une efficacité sans précédent pour réduire la pauvreté et améliorer la croissance. Enfin, les IFI, donateurs bilatéraux et institutions multilatérales qui exigent désormais la rédaction d'un CSLP préalablement à leur aide ont un véritable rôle à jouer vis-à-vis de ces documents, afin d'aider le pays à rédiger sa stratégie et à la mettre en œuvre mais aussi afin de contrôler ce qui est fait, présenté,... 1. Une démarche et une stratégie au service des pauvres Les IFI pensent d'une part que les CSLP sont efficaces du fait de leur adéquation avec l'analyse qu'elles ont faite de la pauvreté et de la stratégie requise pour y mettre fin et, d'autre part, que leurs principes constitutifs permettent de mieux servir les pauvres. Par ailleurs, elles considèrent que les actions entreprises en vue de réduire la pauvreté contribuent directement à la réduction des inégalités. Les luttes contre la pauvreté et les inégalités seraient donc intrinsèquement liées.

a) Les CSLP : reflet de la nouvelle démarche des IFI en matière de lutte contre la pauvreté

Les CSLP : l'aboutissement d'un consensus

La Banque mondiale et le FMI ont proposé d'adopter une approche plus dynamique de lutte contre la pauvreté par le biais des CSLP. Cette nouvelle démarche reflète un large consensus sur la façon de rendre plus efficaces les interventions effectuées au niveau des pays ainsi que les concours des partenaires du développement pour réduire de manière durable la pauvreté. Il s'agit par exemple de s'assurer que l'allègement de dette au titre de l'Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés / Heavily Indepted Poor Countries Initiative (PPTE / HIPC) soit intégré aux efforts de la lutte contre la pauvreté.

Cette démarche nouvelle entre dans un contexte favorable. Divers pays, donateurs et organisations internationales s'efforcent en effet depuis plusieurs années d'élaborer et de mettre en œuvre des stratégies plus efficaces de lutte contre la pauvreté, principal objectif des CSLP. Ainsi, certains pays à faible revenu ont instauré des consultations élargies visant à évaluer les politiques publiques en place. La Banque mondiale s'applique, au moyen du cadre de développement intégré, à diffuser ces enseignements

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et à les appliquer dans ses efforts d'aide aux pays membres et dans le cadre du partenariat international. Au FMI, la création de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance / Poverty Reduction and Growth Facility (FRPC / PRGF) traduit cet effort. Dans ces conditions les CSLP apparaissent comme l'aboutissement d'une démarche soutenue par tous, et notamment par la Banque mondiale.

Dans le sillage de la nouvelle stratégie transversale de la Banque mondiale

Cette nouvelle approche, adoptée par les IFI et à l'origine de la création des CSLP, s'appuie sur l'hypothèse suivante : une réduction durable de la pauvreté nécessite une croissance économique rapide et diversifiée, mais celle-ci ne suffit pas en soi (4). En effet, le recul de la pauvreté est lié aux schémas de croissance, aux orientations de la politique gouvernementale et aux aspects sociaux et institutionnels. De plus, les caractéristiques et le niveau de la croissance dépendent de facteurs structurels et sociaux ainsi que des orientations macroéconomiques. Par conséquent, les CSLP doivent tenir compte du caractère pluridimensionnel des facteurs à l'origine de la pauvreté et des efforts à entreprendre pour la combattre

En reconnaissant de la sorte le caractère pluridimensionnel de la pauvreté, les CSLP sont en totale adéquation avec la nouvelle conception de la pauvreté que la Banque mondiale présente dans son Rapport sur le développement dans le monde 2000/2001 : Combattre la Pauvreté. Conformément à l'abandon par la Banque de l'approche sectorielle de la lutte contre la pauvreté au profit d'une approche transversale, le défi pour les CSLP consiste à passer d'analyses et d'interventions sectorielles à un cadre d'ensemble centré sur la réduction de la pauvreté. Ainsi, les axes sur lesquels les CSLP insistent sont ceux de l'approche transversale de la Banque :

- augmenter les opportunités économiques pour les pauvres et améliorer l'accès et la fourniture des services essentiels,

- accroître la prise de responsabilité et la participation, notamment en améliorant la gouvernance et en incluant des programmes d'éducation des filles et de lutte contre la discrimination,

- garantir la sécurité et réduire la vulnérabilité des pauvres.

b) Une stratégie de réduction de la pauvreté plus efficace

Une stratégie élaborée localement

Pour les IFI, les CSLP doivent être élaborés par les pays eux-mêmes afin de donner la priorité aux pauvres. Le développement durable et la réduction de la pauvreté passeraient en effet par une transformation de la société soutenue par les pauvres et inspirée par les pays, en consultation avec la société civile et le secteur privé.

En outre, des cadres élaborés localement sont supposés générer de nouvelles idées quant aux stratégies et aux mesures nécessaires à mettre en œuvre afin d'atteindre une meilleure croissance et de réduire la pauvreté.

Enfin, par ce biais, les pays deviennent maîtres de leur propre développement. Cela leur permet d'avoir une vision claire de leur avenir et d'assumer la responsabilité de la réussite de la stratégie qu'ils ont élaborée. Ainsi, sont en jeu l'appropriation par le pays de sa stratégie, la réussite de cette dernière et l'engagement du pays.

Pour les IFI, cinq principes permettent aux CSLP de mieux servir les pauvres

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Les cadres sont censés mieux servir les pauvres en raison des cinq éléments de base qui théoriquement doivent faire partie de leur composition :

- en optant pour une stratégie axée sur les résultats, les pays doivent cerner la nature de la pauvreté et déterminer les interventions qui ont le plus d'impact sur elle, - la pauvreté étant multidimensionnelle, les stratégies doivent être globales, - les stratégies énoncées doivent être adaptées à la situation propre à chaque pays, - les résultats doivent être vérifiables, - les gouvernements doivent faire preuve d'un engagement à long terme afin que les résultats soient tangibles.

2. Le profil des CSLP et les attentes des IFI A partir de ces différents principes et de l'exigence d'une élaboration locale, qui ensemble sont supposés donner naissance à une stratégie plus efficace de réduction de la pauvreté, les IFI ont tenté de préciser ce qu'elles attendent concrètement des CSLP. Du contenu de ces documents dépend en effet toute la réussite de la nouvelle approche et de la stratégie. De ce fait, elles ont mis en avant, point après point, les différents éléments qu'elles aimeraient trouver à l'intérieur de ces cadres, tout en notant qu'il s'agit de propositions, voire de recommandations, et non d'indications obligatoires.

a) Un cadre non rigide

Il n'existe pas de cadre rigide, ni de CSLP modèles. Au contraire, d'une part ces cadres doivent se fonder sur les stratégies de lutte contre la pauvreté en place et refléter les caractéristiques propres à chaque pays. D'autre part, ils ont un caractère évolutif. Tous les ans est élaboré un rapport sur l'état d'avancement de la mise en œuvre du CSLP. Les premières données d'expérience sont ainsi évaluées afin d'affiner à tout moment le processus d'application de la stratégie. Outre cette révision annuelle, tous les trois ans l'ensemble de la stratégie doit être mis à jour.

b) Les cinq paramètres communs

S'il n'existe pas de formule particulière, les IFI estiment qu'un certain nombre de paramètres fondamentaux doivent être communs à toutes les stratégies.

1. Diagnostic des obstacles à la lutte contre la pauvreté et à la croissance

Elles désirent que les CSLP débutent par une description de la nature et de l'incidence géographique de la pauvreté en transcendant les considérations de revenu et de patrimoine pour englober les aspects régionaux, sectoriels, environnementaux, géographiques et la ventilation par sexe de la pauvreté. Pour ce faire, il est recommandé de s'inspirer des données existantes (5) et d'indiquer les domaines où elles sont à améliorer.

La nature et le degré de vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs et l'impact de ces chocs sur les pauvres devraient aussi être évalués. Cette évaluation permettrait de mesurer les risques qui pèsent sur la stratégie de lutte contre la pauvreté et de jeter les fondements des politiques visant à atténuer ces risques.

A partir de cette description, les IFI souhaitent que les cadres analysent les obstacles macroéconomiques, structurels, sociaux et institutionnels à l'accélération de la croissance et au recul de la pauvreté. Les facteurs qui empêchent les pauvres de contribuer à la croissance économique et d'en recueillir les fruits (6) devraient être mis en évidence. A cet égard, les CSLP pourraient comprendre une évaluation du degré auquel les pauvres profitent des dépenses publiques et de l'incidence de la fiscalité sur eux. Ils devraient aussi évaluer les contraintes qui pèsent sur l'initiative privée, moteur de

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l'investissement, de la création d'emplois et de la croissance. Dans cette optique, un examen des facteurs limitant l'investissement étranger est souhaité.

2. Objectifs et politiques

A partir de cette description de la pauvreté et de ses causes, il est recommandé de fixer les objectifs à moyen et à long termes de la stratégie de réduction de la pauvreté. Deux types d'objectifs chiffrés sont à préciser :

- des échéances à long terme doivent être retenues pour certains objectifs-clés de réduction de la pauvreté. Les objectifs de développement internationaux (annexe 1) peuvent tenir lieu de repères pour ces objectifs spécifiques à chaque pays. Ces buts doivent notamment comporter des indicateurs du progrès économique et du dénuement matériel ainsi qu'un chiffrage des capacités humaines (indicateurs de la situation de la santé et de l'éducation).

- des indicateurs à court terme susceptibles de faire l'objet d'un suivi plus poussé, tels que les taux de croissance annuelle et de scolarisation primaire, doivent être établis.

Les IFI souhaitent que la liste des buts et critères figure en annexe des CSLP.

Les CSLP sont également tenus d'énoncer la stratégie globale permettant d'atteindre ces objectifs la lutte contre la pauvreté, l'accélération de la croissance étant à cet égard un des éléments déterminants. Ils doivent exposer les politiques macroéconomiques, structurelles et sociales à mettre en œuvre. Toutefois, dans certains cas, les mesures macroéconomiques et structurelles nécessaires pour accélérer la croissance et corriger les déséquilibres extérieurs et intérieurs sont susceptibles d'avoir, dans un premier temps, un impact négatif sur les groupes vulnérables. Les CSLP sont alors chargés d'apprécier l'ampleur de cet impact et de définir les mesures complémentaires conçues pour en amortir les retombées sur les groupes vulnérables, en prévoyant par exemple des dispositifs de protection sociale. Une partie de l'originalité des CSLP par rapport aux politiques antérieurement préconisées par les IFI se situe d'ailleurs à ce niveau : les CSLP visent à faire l'accompagnement social de l'ajustement structurel.

En ce qui concerne le contrôle des procédures budgétaires et des dépenses, les CSLP sont supposés analyser les mesures à prendre pour améliorer leur transparence ainsi que pour veiller à ce que les instances chargées de l'exécution du budget (ministères, collectivités locales ou régionales…) soient comptables de leur décision. Les CSLP devraient en outre contenir un calendrier des réformes institutionnelles visant à rendre l'ensemble des procédures budgétaires conformes aux pratiques optimales en s'inspirant par exemple du Code de transparence des finances publiques élaboré par le FMI.

Par ailleurs, les IFI souhaiteraient avoir un détail des actions et mesures ainsi qu'un calendrier de mise en œuvre en annexe. Plus les mesures énumérées dans cette liste sont détaillées, plus elles peuvent servir de base pour les prêts et les crédits des IFI. Enfin, elles insistent sur la nécessité d'évaluer le coût des réformes structurelles et institutionnelles requises dans un horizon de trois ans. L'estimation de la stratégie visant à atteindre les objectifs définis devrait en outre se faire dans le cadre du budget global du pays. A cet égard, les IFI notent que les dépenses doivent être compatibles avec la capacité d'exécution et être non inflationnistes. En ce qui concerne les pays bénéficiant de concours au titre de l'Initiative PPTE, il serait judicieux que les économies induites par l'allègement de la dette apparaîssent lorsque la question du financement de la stratégie est évoquée.

3. Mécanismes de suivi

Afin de maîtriser le lien qui existe entre les politiques et les résultats escomptés, un cadre de suivi des progrès est indispensable. Celui-ci devrait être décrit à l'intérieur du CSLP. Le document pourrait comporter des indicateurs intermédiaires chiffrés, correspondant aux différents buts à long terme de la stratégie de lutte contre la pauvreté, ainsi que des indicateurs à court terme . Le suivi de ces indicateurs de résultats doit

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permettre d'obtenir des informations sur l'impact réel des politiques et des programmes conçus en faveur des pauvres. Par ailleurs, les lacunes des données disponibles, ne permettant pas une analyse et un suivi adéquat, devraient être mentionnées dans le CSLP. Parallèlement, il devrait décrire les mesures prises afin d'améliorer la qualité, la couverture statistique et le degré d'actualité des données nécessaires au suivi des résultats. Il serait souhaitable que le coût de l'amélioration annuelle ces indicateurs intermédiaires soit mentionné.

Compte tenu du rôle des indicateurs de résultats, leur choix est une étape cruciale. Les institutions de Bretton Woods recommandent vivement d'utiliser un seuil de pauvreté national dans l'analyse, la fixation des objectifs et le suivi au niveau des pays. Cette nécessité est liée à la variation considérable des indicateurs de santé et d'éducation en fonction du pays. Elles souhaitent également que les données fassent état des moyennes dans la population et de la répartition entre les différents groupes socio-économiques. En effet, d'une part les pays ayant des moyennes comparables peuvent présenter des degrés d'inégalité différents et, d'autre part, les pays peuvent enregistrer des améliorations au niveau de leur moyenne tout en accusant des inégalités. Par ailleurs, elles voudraient accorder à la société civile un rôle de premier plan dans le choix et le suivi des indicateurs .

Enfin, afin d'évaluer les résultats obtenus, un rapport annuel sur l'état d'avancement de la stratégie devrait être établi et rendu public par les autorités nationales. Les conclusions de ce rapport sont essentielles : elles permettent de réorienter certaines politiques afin d'atteindre les objectifs fixés. Les CSLP sont donc fondés sur un processus dynamique dans la mesure où les résultats du suivi des interventions sont réincorporés dans l'analyse et dans la conception des futures interventions publiques.

4. Assistance extérieure

Les CSLP ont, entre autres, pour fonction d'améliorer l'efficacité et l'efficience de l'assistance des donateurs en déterminant le montant des concours extérieurs nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie. Les IFI estiment indispensable d'avoir une idée précise de ces concours. De ce fait, il peut être utile de dresser l'inventaire des concours extérieurs en place et leurs modalités d'acheminement. Le financement global de la stratégie devrait aussi tenir compte des apports financiers et de l'allègement de la dette (7). Par ailleurs, elles attendent des CSLP une évaluation de l'impact potentiel de tout surplus ou déficit de l'aide financière extérieure sur les objectifs programmés. Ils devraient tenir compte de la capacité d'absorption d'afflux plus importants de concours extérieurs.

Pour les pays ne bénéficiant pas de l'initiative PPTE, les cadres pourraient énoncer les principes généraux de la stratégie d'emprunts extérieurs et le degré de concessionalité dont ces emprunts doivent être assortis.

Enfin, ils devraient décrire les besoins en assistance technique et en matière de renforcement des capacités pour la mise en œuvre de la stratégie en précisant le rôle respectif des institutions multilatérales et des donateurs bilatéraux dans ces domaines.

5. Processus participatif

Pour les IFI, le processus participatif constitue un élément clé des CSLP. Une large participation de la société civile, des élus (notamment du Parlement) et de toutes les autres parties prenantes du pays devrait améliorer et appuyer la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté. La concertation avec les représentants des populations pauvres devrait en particulier permettre aux gouvernements de répondre à leurs préoccupations premières. Un tel processus favoriserait une plus forte adhésion à la stratégie et en accroîtrait donc les chances de succès.

Par conséquent, pour les institutions de Bretton Woods, il est primordial que les CSLP décrivent le processus participatif à partir duquel ils ont été élaborés. Une description de la forme, de la fréquence, des lieux de consultation et des principales parties prenantes devrait être visible à l'intérieur de chaque document. Les IFI souhaitent également qu'ils

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contiennent un récapitulatif des questions de fond que ces consultations ont soulevées et le point de vue des divers participants, notamment celui des couches défavorisées ainsi qu'un compte rendu de l'impact du processus de consultation sur l'élaboration de la stratégie.

S'il revient au gouvernement de prendre la direction des opérations, la Banque mondiale, le FMI, ainsi que d'autres institutions et les donateurs bilatéraux peuvent offrir leur aide dans le processus participatif. Les missions CSLP des IFI doivent être prêtes à modifier leur analyse des problèmes et des possibilités d'action à partir des conclusions tirées du dialogue avec la société civile, les élus, les représentants des pauvres… Par ailleurs, les IFI doivent faire en sorte que le dialogue intérieur prenne en considération leurs politiques de prêts, ainsi que les résultats de toute analyse des relations entre les actions publiques et la pauvreté.

Enfin, les IFI espèrent que le suivi des politiques menées se fasse lui aussi selon un processus participatif. Elles préconisent d'ailleurs qu'une analyse du rôle de la société civile dans le suivi ultérieur de la stratégie apparaisse à l'intérieur des CSLP. A cet égard, les IFI estiment que la participation des organisations non gouvernementales (ONG/NGO) au suivi peut prendre diverses formes. Souvent les ONG locales sont en mesure de contrôler la fiabilité des informations recueillies et de faire des vérifications indépendantes des résultats rapportés. Il est toutefois important qu'elles soient réellement représentatives de la population pauvre. Les ONG internationales ont elles-aussi la capacité de participer à l'activité de suivi qui n'est pas toujours fort différente des enquêtes sociales de base et des enquêtes de suivi qu'elles effectuent pour leurs projets. Les IFI ne limitent cependant pas le rôle de la société civile à celui des associations : il est souhaitable qu'une multiplicité de parties prenantes participe à cette activité de suivi, y compris les femmes et les hommes sans ressources.

3. Processus d'élaboration et d'approbation des CSLP En dehors du processus participatif, les autorités nationales peuvent s'appuyer sur des experts extérieurs lors de l'élaboration de leur CSLP. Les institutions multilatérales ainsi que les partenaires au développement pourraient aider les gouvernements à élaborer leur cadre, sans saper leur appropriation par les pays concernés. Les IFI souhaitent que la société civile et les autres partenaires au développement soient tenus informés des avis exprimés lors des réunions des autorités nationales et des services de la Banque mondiale et du FMI. Une fois le document élaboré, le pays est tenu de communiquer sa stratégie finale aux conseils d'administration de la Banque mondiale et du FMI. Ceux-ci reçoivent en même temps une évaluation conjointe des services de la Banque mondiale et du FMI. En théorie, cette évaluation analyse la stratégie et décrit le processus participatif sans jugement de valeur. Elle doit aussi comprendre une recommandation relative à l'appui qu'il convient d'apporter à la stratégie comme base des opérations des prêts concessionnels des IFI. A ce stade, des consultations informelles avec les conseils d'administration sont parfois nécessaires. La mission conjointe examine avec les autorités toute modification qui peut être nécessaire afin de recommander aux conseils d'avaliser le CSLP. En définitive, les autorités nationales risquent de ne demander l'examen de leur CSLP que lorsque les directions des IFI entendent recommander qu'il soit avalisé. Lors de la phase d'examen du CSLP par les conseils de la Banque mondiale et du FMI, leurs vues sur les actions prioritaires, si elles diffèrent de celles du CSLP, doivent être transmises aux autorités et prises en compte lors de révisions ultérieures du CSLP et dans le contenu des programmes de prêt. Il est prévu que le CSLP dans sa forme finale ainsi que le rapport conjoint des services des deux institutions soient publiés sur les sites Internet des IFI. 4. Les IFI face l'élaboration des CSLP : une profonde collaboration Contrairement à l'image de compétition qui se dégage souvent entre les activités du FMI et de la Banque mondiale, les CSLP nécessitent et mettent en place une collaboration à plusieurs niveaux entre ces deux institutions.

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a) Le partage général des responsabilités

Les CSLP exigent une collaboration étroite de la Banque mondiale et du FMI. Afin d'aider les autorités nationales à établir leur stratégie de lutte contre la pauvreté, les institutions de Bretton Woods sont censées leur présenter un point de vue commun, spécifique à chaque pays, sur les principaux obstacles à une croissance plus rapide et à la réduction de la pauvreté ainsi que sur les possibilités d'action pour résoudre ces problèmes. Cette vision commune n'a pas pour objet de déterminer la forme de la stratégie finale ni d'hypothéquer l'appropriation par le pays, mais de contribuer, en toute transparence, au dialogue sur les orientations. De la même manière, les services de ces deux institutions doivent être prêts à envisager une méthode d'ajustement et de réforme plus souple, définie par le pays, sans compromettre l'objectif de réduction de la pauvreté et de croissance rapide.

Dans le cadre de ce point de vue commun, chacune des deux institutions se concentre sur son domaine de compétence traditionnel. Il n'y a donc pas à proprement parler de leadership de l'une ou l'autre institution, mais un partage des tâches et une réelle collaboration. Le FMI veille à promouvoir l'adoption de politiques macroéconomiques prudentes et des réformes structurelles connexes, portant par exemple sur le régime de change et la politique budgétaire. Il s'occupe également des questions relatives à la gestion des finances publiques et à l'administration fiscale et douanière. Quant aux services de la Banque mondiale, ils sont en première ligne pour conseiller les pouvoirs publics dans la mise au point de stratégies sectorielles, dans l'instauration de réformes institutionnelles et de dispositifs de protection sociale ainsi que dans l'élaboration des stratégies de lutte contre la pauvreté, notamment en ce qui concerne le travail de diagnostic sous forme d'évaluations de la pauvreté et de suivi des indicateurs. Ils sont également chargés d'aider les autorités à évaluer le montant des dépenses prioritaires à engager dans la lutte contre la pauvreté. Les services de la Banque sont aux avant-postes pour donner des conseils sur certaines réformes structurelles et sur les moyens d'accroître l'efficacité des dépenses publiques et de mieux les orienter vers la lutte contre la pauvreté. Dans les domaines où le FMI et la Banque mondiale ont l'un et l'autre une expertise (8), leur action doit faire l'objet d'une étroite coordination.

Un tel renforcement de la coopération entre la Banque mondiale et le FMI est essentiel. Il permet de fournir une assistance plus efficace à court terme et de clarifier les rapports entre le cadre macroéconomique, la croissance et la réduction de la pauvreté à moyen et long termes. Cette collaboration permet en outre une complémentarité de leurs compétences respectives. Les IFI doivent s'assurer de la cohérence de leur appui et de leurs conseils, en tenant compte des contributions des autres parties prenantes, nationales et internationales.

b) Les missions communes : la collaboration sur le plan opérationnel

L'absence de leadership de l'une ou l'autre institution apparaît également à travers l'organisation de missions CSLP de la Banque mondiale. Leur caractère conjoint s'explique par deux éléments. D'une part, c'est lors de la préparation de ces missions qu'est défini comment les services des deux institutions peuvent aider les autorités dans l'élaboration des CSLP. Une répartition des tâches a donc lieu au niveau de la préparation de ces misions. D'autre part, l'existence d'un processus participatif, à la base de l'élaboration du CSLP de chaque pays, a des implications dans la nature des missions de la Banque et du FMI. La préparation des missions CSLP doit en effet faire preuve de souplesse afin de ne pas brider ce processus participatif alors même que la Banque mondiale et le FMI doivent commencer à accorder leur point de vue sur l'analyse de la pauvreté et des obstacles à la croissance.

Ainsi, les principales missions CSLP sont conjointes. La chaîne de commandement peut permuter d'un pays à l'autre, le chef de mission étant dans tous les cas issu d'une institution et son adjoint de l'autre. Au début du processus, les services de deux institutions doivent chercher à définir un point de vue commun et informer leur direction

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des domaines où leurs vues sont différentes et comment ils proposent de les rapprocher. Le point de vue commun ne doit pas être considéré comme une position de négociation mais servir de cadre de référence pour un dialogue.

Cependant, les missions ultérieures ne doivent pas nécessairement être conjointes, notamment lorsqu'elles effectuent des travaux techniques sur des sujets appartenant à leur domaine de compétence. Toutefois, les informations doivent être régulièrement et totalement partagées avec l'institution partenaire. Par ailleurs, lors de l'évaluation commune du CSLP par les services des deux institutions, de nouvelles missions conjointes peuvent voir le jour (9).

5. Les CSLP : un préalable à l'obtention de nouveaux prêts et à l'allègement de la dette

a) Opérations de l'Agence Internationale de Développement (AID/ IDA)

La communauté internationale exige que tous les pays à faible revenu bénéficiant de prêts concessionnels de l'AID/IDA élaborent des stratégies de réduction de la pauvreté dont ils aient la maîtrise. La rédaction d'un CSLP devient de ce fait le préalable à tout prêt de ce type. Les mesures contenues dans les cadres doivent être utilisées par la Banque mondiale afin de déterminer les affectations des prêts. Les documents, une fois avalisés par les conseils d'administration des IFI, doivent fournir un cadre de référence pour les prêts.

b) Opérations de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance (FRPC / PRGF)

Pour bénéficier de prêts du FMI au titre de la FRPC (10), les pays à faible revenu sont désormais tenus d'avoir au préalable élaboré un CSLP. Les programmes appuyés par la FRPC doivent en effet découler de ces cadres.

Comme les décisions sur les accords FRPC sont parfois prises plusieurs mois après que les conseils des IFI ont donné leur aval au CSLP, la direction du FMI risque d'être amenée à ne recommander l'approbation des accords FRPC que si elle juge la mise en œuvre du CSLP satisfaisante. En cas de déception, le FMI peut subordonner sa recommandation à l'adoption de mesures correctives crédibles, remettant la stratégie de réduction de la pauvreté sur la bonne voie.

c) L'Initiative PPTE / HIPC

L'allègement de dette consentie au titre de l'initiative en faveur des PPTE/HIPC est lié à la mise en place de stratégies nationales de réduction de la pauvreté conçues par les gouvernements. Il s'agit de la sorte de s'assurer que les ressources dégagées par l'allègement de la dette soient utilisées au profit de la réduction de la pauvreté. En principe, les pays qui sollicitent une aide au titre de l'initiative PPTE ont mis en place une stratégie de réduction de la pauvreté au point de décision (point auquel les créanciers participants s'engagent à alléger la dette) et ils doivent avoir réalisé des progrès dans son application au point d'achèvement "flottant" (point auquel l'allègement total de la dette est accordé de manière irrévocable) (annexe 2) .

Cependant, le lien établi entre les CSLP et l'initiative PPTE peut retarder la prise de décision. Conscients de cette situation, les conseils de la Banque mondiale et du FMI ont accepté, à titre transitoire, que l'étape de la prise de décision puisse être franchie par un pays sans qu'il ait adopté un CSLP, à condition qu'il manifeste sa volonté de lutter contre la pauvreté et d'élaborer ce document à brève échéance. Cet engagement apparaît normalement dans le CSLP intérimaire (11). Celui-ci doit avoir été mis en place au moment de la prise de décision par les pays candidats au bénéfice de l'initiative PPTE.

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6. Action des donateurs bilatéraux et des institutions multilatérales : un partenariat nécessaire Pour atteindre un degré de réussite optimal, les CSLP doivent bénéficier de l'appui des partenaires au développement. Par conséquent, il est souhaitable que les donateurs et les institutions multilatérales de développement, notamment les banques de développement, contribuent à l'élaboration des CSLP, qu'ils précisent les modalités de leur participation et qu'ils engagent des ressources en début de programme pour appuyer cette participation. Les donateurs pourraient, entre autres, aider les autorités nationales à améliorer leurs statistiques économiques et financières, fournir une assistance technique… Les IFI ont par ailleurs pour mission d'encourager les autorités nationales à associer tous leurs partenaires à l'élaboration des CSLP. Ces derniers doivent également tenir lieu de cadre aux programmes d'assistance et aux politiques de prêts des donateurs bilatéraux et des banques multilatérales de développement. Les institutions de Bretton Woods soulignent la nécessité de renforcer les CSLP par une action des pays industrialisés. Ces institutions préconisent un accroissement des flux d'aide, notamment sous forme de dons, et une harmonisation des procédures d'aide. Il est souhaité que les pays industrialisés répartissent équitablement l'aide disponible sur l'ensemble des pays, en fonction de leur efficacité dans la réduction de la pauvreté. Une ouverture sans restriction de leurs marchés aux produits d'exportation des pays à faible revenu, essentiellement des matières premières et des produits agricoles, devrait également avoir lieu. Il faudrait enfin limiter les crédits commerciaux à l'exportation consentis aux pays les plus pauvres dans la mesure où certains prêts de ce type leur sont accordés à des fins militaires. Pour les institutions de Bretton Woods, les CSLP constituent une réponse nouvelle aux maux dont souffrent les pays pauvres. Cette stratégie de réduction de la pauvreté est atypique par ses axes, ses mécanismes et son mode d'élaboration participatif. Cette nouvelle approche permet d'encourager les pays à faible revenu à réduire la pauvreté en privilégiant la relance de la croissance. Or, c'est à ce niveau que les CSLP doivent affronter les plus vives critiques, notamment de la part d'ONG. Si pour les IFI ils représentent une réponse nouvelle et adéquate aux obstacles empêchant une croissance rapide et une réduction de la pauvreté, cette position est loin d'être partagée. II. Des ONG critiques face aux CSLP La plupart des associations expriment un sentiment de méfiance vis-à-vis des CSLP. Dénonçant le maintien des politiques d'ajustement, elles s'insurgent également contre l'illusion d'appropriation que représente le processus participatif et énoncent un certain nombre de propositions en vue d'aboutir à la mise en place de cadres stratégiques de développement durable. 1. L'ajustement structurel : toile de fond des politiques macroéconomiques et structurelles des CSLP Dans la mesure où les CSLP sont supposés apporter une réponse aux critiques des ONG vis-à-vis de l'ajustement structurel, il est intéressant d'étudier ce qui caractérise les programmes de l'ajustement structurel préconisés par les IFI et les principales critiques que leur adressent les ONG. Toutefois, afin de saisir pleinement la portée d'une telle analyse, il est impératif de garder à l'esprit que, pour les IFI, les CSLP visent à faire l'accompagnement social de l'ajustement structurel et non à remettre en question les mesures macroéconomiques et structurelles jugées nécessaires. Cette remarque n'empêche cependant pas les ONG de mettre en cause ces politiques.

a) Avant les CSLP : l'ajustement structurel

Généralisation des programmes d'ajustement structurel

A partir de la fin des années 1970, la Banque mondiale commence à diriger des prêts jusque là destinés à financer des projets vers des programmes d'ajustement structurel visant à restructurer l'ensemble de l'économie ou un secteur spécifique dans les pays en voie de développement. Pour bénéficier de ces prêts, les gouvernements de ces pays doivent réaliser des changements politiques et institutionnels afin d'améliorer leurs performances économiques.

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Les politiques d'ajustement structurel soutenues par la Banque mondiale et le FMI reposent sur la théorie économique des marchés compétitifs (12). Par conséquent, les objectifs à court terme de l'ajustement structurel cherchent à stabiliser l'économie par le contrôle de l'inflation et l'équilibre tant du budget que de la balance des paiements. Leurs objectifs à long terme sont la promotion d'une croissance économique durable et la réduction de la dépendance vis-à-vis de l'aide extérieure. Aujourd'hui encore, avec les CSLP, atteindre une croissance rapide apparaît comme le principal moteur de réduction de la pauvreté. Par ailleurs, au-delà de l'aspect théorique, les politiques d'ajustement sont aussi venues de la nécessité de rétablir la stabilité macroéconomique, préalable au développement, notamment avec les évolutions des cours des matières premières et la hausse des taux d'intérêts de la FED.

Dans les politiques d'ajustement structurel élaborés par les IFI se dégagent globalement et hormis quelques exceptions les traits suivants :

- une dévaluation de la devise, afin d'augmenter les exportation et de diminuer les importations ;

- une promotion des exportations, notamment en supprimant les taxes à l'exportation ;

- une libéralisation du commerce, en supprimant les restrictions aux flux de biens et services;

- une réduction des restrictions imposées aux investissements étrangers ;

- une privatisation des entreprises d'État ;

- une réforme fiscale, afin d'équilibrer le budget ;

- une réforme du secteur financier, afin de permettre au marché de déterminer les taux d'intérêt en encourageant le développement de nouveaux instruments de crédit et de nouvelles institutions

- et une réforme du travail, afin de supprimer les règlements augmentant le coût du travail.

Selon les ONG, la part des prêts d'ajustement structurel a progressivement augmenté parmi les différents types de prêts de la Banque mondiale et, en même temps, le nombre de conditions à remplir par un pays pour en bénéficier augmentait.

La Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (FASR/ESAF), créée en décembre 1987 par le FMI (13), occupe une position particulière au sein des programmes de prêts à l'ajustement structurel. Elle donne au FMI une position puissante vis-à-vis des gouvernements dépendants de l'aide des bailleurs de fonds et de l'investissement privé. D'une part, ce programme se caractérise par des réformes économiques particulièrement rigoureuses auxquelles le pays candidat doit se soumettre pendant trois années consécutives. Si ce n'est pas le cas, le FMI peut suspendre son prêt FASR et son allègement de dette. D'autre part, la plupart des prêts et donations accordés aux pays les plus pauvres, ainsi que l'allègement de dette dans le cadre de l'initiative en faveur des PPTE(14), dépendent du jugement du FMI quant à l'adoption fidèle ou non des politiques FASR, renommée FRPC en novembre 1999, par les pays.

Toutefois, bien que les politiques d'ajustement structurel aient été adoptées par les IFI et que leur application se soit généralisée, celles-ci n'en demeurent pas moins vivement critiquées.

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L'ajustement structurel dénoncé par les ONG

Les ONG adressent de virulentes critiques aux politiques de l'ajustement structurel en raison de leurs conséquences sur la population. Ainsi s'insurgent-elles contre :

- l'insuffisance du processus participatif. Les politiques d'ajustement structurel sont généralement négociées par un petit nombre d'agents des IFI avec le chef d'État et le ministre des Finances du pays emprunteur. Or, non seulement le Parlement, la population ou encore la société civile sont exclus, mais le gouvernement du pays emprunteur cherche souvent à satisfaire les agences extérieures plus qu'à servir les priorités de leurs citoyens. De plus, l'ajustement structurel a parfois été imposé alors que certains pays s'engageaient sur la voie des démocraties multipartites, ce qui a eu pour effet de saper les démocraties et les économies fragiles.

- leur manque de transparence : peu nombreux sont ceux qui reçoivent une information complète sur les conditions d'ajustement structurel liées aux prêts et ni la Banque mondiale ni le FMI ne rendent publics les documents relatifs à ces prêts.

- les effets pernicieux que les politiques d'ajustement structurel ont sur les pauvres. En témoignent les privatisations d'entreprises publiques qui ont entraîné une hausse du chômage, une diminution des salaires et une augmentation des prix des biens et services. Les réformes financières et les mesures anti-inflationnistes ont fait augmenter les taux d'intérêts, limitant de la sorte l'accès des petits producteurs au crédit, en sont un autre exemple. Quant à l'adoption de "droits d'usage" (15) ils ont, entre autres, eu pour conséquence le retrait des filles des écoles lors de l'imposition de frais de scolarité.

- le préjudice que les mesures de libéralisation commerciale ont porté aux producteurs locaux. A titre d'exemple, des réductions brutales des tarifs douaniers sur les importations peuvent submerger les économies par des produits bon marché, subventionnés, en provenance du Nord, ce qui a des effets catastrophiques pour les petits producteurs locaux. De même, la promotion des exportations peut favoriser les exportateurs de matières premières au détriment des industries nationales de transformation ou contribuer à remplacer les productions vivrières par des productions pour l'exportation.

- les conséquences de ces politiques sur l'environnement. La promotion des exportations peut en effet conduire à une intensification des industries extractives et de l'exploitation de la terre, d'où un phénomène d'érosion des ressources naturelles. Or, du fait des coupes dans les dépenses publiques et des pressions visant à diminuer la réglementation, la capacité de l'État à faire respecter les règlements relatifs à l'environnement est faible.

- l'absence de prise en compte des conditions politiques, économiques et culturelles particulières à chaque pays par les IFI.

- l'incapacité des politiques d'ajustement structurel à réaliser la croissance tant recherchée (16).

Face à ces critiques, la réponse de la Banque mondiale et du FMI a évolué. Après avoir accédé à la présidence de la Banque mondiale en 1995, M. James Wolfensohn a lancé une série de changements, dont les CSLP. Ces derniers vont en théorie plus loin que les réformes précédentes en abordant les principales préoccupations que les ONG ont exprimées. Cependant, ils ne sont pas épargnés par les critiques, notamment en raison du maintien au sein des CSLP des politiques macroéconomiques et structurelles relevant de l'ajustement structurel.

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b) Les CSLP : un changement plus rhétorique que pratique

Comme en conviennent les IFI, les CSLP ne remettent pas en cause la logique d'ensemble de l'ajustement structurel alors que, pour les ONG, celle-ci maintient et engendre la pauvreté. Les ONG dénoncent donc l'attitude des IFI qui continuent d'affirmer le bien fondé de la "recette" politique promue par leur programme d'ajustement structurel. Ainsi, pour les institutions de Bretton Woods, les CSLP visent uniquement à faire l'accompagnement social de l'ajustement structurel. C'est à cette vision de la Banque mondiale et du FMI que les ONG s'opposent.

Elles constatent que dans les CSLP, conformément au souhait des IFI, les mesures des plans d'ajustement sont maintenues en même temps que sont augmentés les moyens pour compenser leurs effets négatifs sur les pauvres. Il s'agit notamment de la mise en place de filets de sécurité, de l'augmentation des dépenses de santé et d'éducation... Les ONG déplorent que la réduction de la pauvreté se limite à ces quelques mesures, et elles s'insurgent contre le maintien de l'ajustement structurel. Pour certaines d'entre elles, prétendre maintenir la cohérence du cadre macroéconomique de l'ajustement structurel en y intégrant une véritable lutte contre la pauvreté est aberrant (17). La lutte contre la pauvreté nécessite en effet une redistribution des richesses, un renforcement de l'État et des services publics… Or, ces éléments sont en contradiction avec les mesures de l'ajustement structurel évoquées précédemment.

Nombreuses sont les ONG qui attribuent la persistance de ce modèle au désir du gouvernement d'éviter tout conflit avec le FMI et/ou la Banque mondiale menaçant l'allègement de dette et les prêts. Cette persistance serait aussi due à la souscription d'une partie des élites gouvernementales aux politiques d'ajustement structurel, dont elles tireraient des bénéfices matériels (18). Par ailleurs, certaines ONG estiment que l'appropriation des réformes économiques que les CSLP doivent permettre est une manipulation : les institutions de Bretton Woods auraient persuadé les politiciens, les parlements et la société civile de la nécessité de mettre en œuvre ces réformes (19).

En définitive, les ONG regrettent le peu d'inclination des IFI à réévaluer, en fonction des répercussions sur la pauvreté, les conseils de politique économique qu'ils dispensent aux pays. Elles regrettent également que la lutte contre la pauvreté soit considérée comme un simple "ajout".

2. L'appropriation des CSLP par le pays : un leurre Les ONG remettent donc en question le bien fondé d'une partie des mesures contenues dans les CSLP, mais elles ne limitent pas leurs critiques à ce point. Pour elles, le processus participatif, dont l'importance est essentielle, est constamment mis en avant par les IFI alors qu'il s'agit d'un leurre en raison des faiblesses du processus en lui-même et du poids toujours prépondérant des IFI.

a) Les limites du processus participatif

Pour de nombreuses ONG, le processus participatif décrit dans les CSLP et à partir duquel ces derniers doivent être élaborés est insatisfaisant. Elles déplorent le manque de représentation de certains groupes ou secteurs sociaux et se posent un certain nombre de questions (20) :

- Qui va garantir que les groupes opposés au gouvernement vont pouvoir exprimer leur point de vue ?

- Comment s'assurer que ce ne sont pas les ONG ou les groupes les plus puissants économiquement qui vont se faire le mieux entendre ?

- Qui va recevoir des fonds pour avoir les moyens de participer ?

- Qui représente la société civile ?

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Selon les ONG, dans la plupart des pays, la participation est largement limitée à l'élite (21) des grandes villes, ce qui exclut les groupes marginalisés comme les populations pauvres du monde urbain ou rural. Il y aurait donc à ce niveau une profonde contradiction avec la volonté des IFI de créer un système de concertation avec les représentants des populations pauvres. Une autre contradiction est relevée par les ONG : contrairement à ce que souhaitent les institutions de Bretton Woods, les parlements nationaux, et donc les élus, sont insuffisamment associés à l'élaboration et à la validation des stratégies définies (22).

Si les ONG posent la question de la représentation adéquate de tous les intérêts de la société civile, elles s'interrogent également sur les modalités de sa participation. Dans certains pays, les populations ont été amenées à élaborer des "contre-CSLP" (23). De plus, trop souvent, les autorités nationales et les IFI ont peu fait la distinction entre la "consultation" de la société civile, où les vues sont simplement sollicitées, et la "pleine participation", dans laquelle la société civile aide à définir la stratégie (24). Plus encore, si les acteurs de la société civile s'expriment sur la nature, voire sur les causes de la pauvreté, ils sont tenus à l'écart des discussions économiques. Or, c'est de ces dernières que dépend l'éradication de la pauvreté et des inégalités. Par ailleurs, les ONG constatent que le processus participatif, notamment la participation de la société civile, a pu être entravé dans certains cas par des problèmes tels que l'accès aux documents clés et à l'information en langue locale.

La qualité du processus participatif souffrirait également d'un autre mal : la contradiction de fait qui existe entre l'urgence de l'allègement de dette pour le pays en difficulté et les exigences d'une élaboration réellement participative (25). Les IFI lient ici deux mécanismes complexes.

b) Poids direct et indirect des IFI dans l'élaboration des CSLP

Malgré l'engagement des IFI à promouvoir une "appropriation nationale", le concept des CSLP contient, pour la plupart des associations, un défaut considérable : le FMI et la Banque mondiale continuent de se réserver le droit d'accepter ou de rejeter le CSLP qui leur est présenté. Cette exigence entre en contradiction avec les principes démocratiques et participatifs que les CSLP entendent promouvoir. Dans de telles conditions, les gouvernements, qui ont un urgent besoin des ressources financières en théorie libérées suite à l'approbation de leur CSLP, sont incités à produire une stratégie acceptable par les IFI (26). Ils sont donc tentés de se conformer à leurs exigences, notamment au niveau des politiques macroéconomiques et structurelles préconisées. De nombreux gouvernements et ONG s'aperçoivent que les CSLP sont donc plus un document à réaliser afin d'obtenir les prêts du FMI et de la Banque mondiale qu'un processus permettant aux pays de déterminer leurs priorités budgétaires et de réduction de la pauvreté. En outre, comme évoqué précédemment, l'appropriation peut être faussée lorsque les IFI ont, préalablement à la rédaction des CSLP, persuadé les acteurs locaux du bien fondé de la politique qu'elles souhaitent . Dans ces conditions, l'appropriation par le pays de sa stratégie est à relativiser.

Plus encore, l'appropriation peut tout simplement être annulée. Dans certains pays, l'engagement direct de la Banque mondiale et du FMI dans le processus d'élaboration des CSLP est tout simplement déclaré (27).

Les ONG dénoncent donc de façon unanime et radicale les maux et effets pervers contenus dans les CSLP. Or, elles ne se contentent pas de critiquer les CSLP mais formulent aussi des propositions.

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3. Du CSLP au Cadre Stratégique de Développement Durable / Sustainable Development Strategy Papers (CSDD / SDSP) : propositions des ONG pour améliorer les CSLP A travers leurs propositions, les associations visent à mettre fin aux insuffisances et aux défauts que les CSLP contiendraient. Il s'agit notamment de favoriser l'appropriation du pays de sa stratégie, d'aller au-delà des politiques généralement préconisées par les IFI, et de mettre en place une conception européenne du développement afin de transformer les CSLP en Cadres Stratégiques de Développement Durable.

a) Favoriser l'appropriation de sa stratégie par le pays

Afin de renforcer l'appropriation des stratégies présentées dans les CSLP, les ONG considèrent impératif d'établir une certaine transparence. Il faudrait diffuser sur la place publique l'ensemble des documents relatifs aux CSLP et aux prêts d'ajustement structurel avant leur adoption (28). La persistance du secret dans les négociations entre un gouvernement et ses créanciers va en effet à l'encontre du processus participatif. Il serait également souhaitable de favoriser l'exercice du contrôle démocratique lors de l'élaboration des CSLP par la pleine participation des parlements nationaux et de la société civile. A cet égard, faire de la participation de la société civile et de l'importance de sa contribution un des critères-clés de l'approbation des CSLP est vivement demandé (29). Intégrer une description à l'intérieur des CSLP des points de vues et avis des représentants de la société civile sur la qualité du processus participatif devrait en outre être envisagé.

La communauté des bailleurs de fonds internationaux peut elle aussi jouer un rôle dans l'amélioration de l'appropriation de la stratégie par le pays (30). Investir dans des programmes afin d'améliorer la capacité des gouvernements et de la société civile à planifier et mettre en œuvre les CSLP renforcerait très certainement le sentiment du pays d'être maître de son avenir. Son engagement en serait accru.

Favoriser l'appropriation d'un programme va aussi de pair avec la renonciation des institutions de Bretton Woods à être les seuls juges des CSLP qui leur sont présentés. Pour décider ou non de les appuyer, les IFI devraient accepter d'avoir un statut identique à celui des autres bailleurs de fonds (31). Enfin, délier l'initiative PPTE du CSLP est vu comme un impératif par de nombreuses ONG. Sur cette question, elles proposent différentes solutions : pour certaines, les créanciers devraient accorder un allègement aux pays capables de démontrer que les fonds transférés bénéficieront à des programmes de lutte contre la pauvreté, pour d'autres une annulation immédiate de la dette des pays pauvres devrait être entreprise tout en réservant les mécanismes d'allègement aux autres pays. Entreprendre de tels changements permettrait de mettre un terme à la contradiction entre le besoin d'un allègement immédiat de la dette et le temps nécessaire à l'élaboration d'un CSLP de qualité. Cela permettrait également d'éviter les allégeances des gouvernements aux IFI. Celles-ci ne pourraient donc plus imposer le modèle de l'ajustement structurel.

b) Développer des politiques allant au-delà des orthodoxies de la Banque mondiale et du FMI

Exiger des institutions de Bretton Woods qu'elles cessent d'imposer l'ajustement structurel implique la limitation de leur rôle au simple conseil politique et leur ralliement à une nouvelle approche (32). Les modèles et les types de croissance les plus favorables aux pauvres devraient impérativement être recherchés et appliqués. Pour ce faire, il serait souhaitable d'accorder la priorité à des mesures de lutte contre la pauvreté allant au-delà des revenus pour explorer des questions telles que l'équité, la sécurité, l'accès aux ressources et aux biens. Les gouvernements devraient être autorisés à mettre en place des réformes différentes de celles que les IFI ont jusque là prônées comme, par exemple, l'instauration de taux d'intérêts multiples afin d'étendre l'accès des pauvres au

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crédit. Il pourrait être intéressant de réaffirmer le principe des politiques de redistribution et de taxation progressive reposant sur une identification préalable des groupes socio-économiques clés. Par ailleurs, d'autres stratégies que la seule libéralisation économique pourraient être élaborées. Il serait notamment judicieux d'envisager pour les marchés en développement des stratégies fondées sur l'analyse des différents échelons du développement, national, régional, local. Il serait souhaitable d'abandonner la perception de droits d'usage dans les domaines de la santé et de l'éducation puisqu'ils pénalisent en premier lieu les pauvres. Des instances indépendantes devraient procéder à une évaluation de l'impact des politiques macroéconomiques et structurelles sur les pauvres et sur l'environnement avant leur adoption.

Par ailleurs, se démarquer des orthodoxies des IFI implique des changements d'une autre nature. La plupart des ONG estiment impérative la prise en compte des contraintes extérieures pesant sur l'économie de ces pays (33) tels que : les prix des matières premières, la faible quantité d'investissements directs étrangers dans les PPTE, la volatilité des capitaux, le protectionnisme des pays riches… Les ONG insistent aussi sur l'adoption d'une définition des recettes gouvernementales incluant l'aide des bailleurs de fonds (34). En effet, jusqu'ici, les objectifs du FMI à l'égard des déficits budgétaires étaient restrictifs, c'est-à-dire qu'ils excluaient l'aide étrangère des recettes étatiques, ce qui contraignait les dépenses gouvernementales.

De nombreuses associations insistent également sur la nécessité d'accorder une attention particulière à la situation des femmes. Elles réclament des mesures reconsidérant la représentation de la femme dans la société et prônant la scolarisation prioritaire des filles.

c) Pour une conception européenne du développement

Au-delà de leurs propositions visant à améliorer les CSLP et à réformer l'approche de la Banque mondiale et du FMI, certaines ONG françaises s'intéressent à la façon dont d'autres bailleurs de fonds pourraient agir afin d'aider les populations et les pays en grande difficulté. L'ouverture d'un débat en France et en Europe avec les pays pauvres sur les politiques françaises et européennes au sein des IFI est recommandée (35). Il s'agit de permettre à la France et à l'Union européenne d'acquérir une plus grande indépendance vis-à-vis des IFI et de leurs politiques ainsi que d'être à même de réagir efficacement face aux problèmes des pays pauvres. Leurs choix en matière d'aide au développement ne doivent pas être subordonnés à l'appréciation portée sur les CSLP par les IFI. Au contraire, une conception européenne d'aide au développement, à l'écoute des propositions des associations, devrait voir le jour.

d) Le Cadre Stratégique de Développement Durable (CSDD / SDSP) : l'objectif-clé

Nombreuses sont les ONG qui établissent une profonde distinction entre la lutte contre la pauvreté et les inégalités d'une part et, la lutte pour le développement d'autre part. La notion de lutte contre la pauvreté est perçue comme étant plus restrictive que celle de lutte pour le développement. Lutter contre la pauvreté ne permettrait que de faire de petites avancées et délaisserait la question du développement, pourtant essentielle. Les IFI, par les CSLP, chercheraient à lutter contre la pauvreté, et non pour le développement. Elles manqueraient donc la cible essentielle. Les diverses propositions des ONG, évoquées précédemment, visent à remédier à cette situation en transformant les CSLP en véritable CSDD (36). Ces cadres doivent, entre autres, prendre en compte la pleine participation des Parlements nationaux, des gouvernements et des différentes composantes de la société civile, y compris dans la définition d'orientations macroéconomiques. Ils doivent aussi promouvoir les droits humains fondamentaux, le respect de l'environnement et la réduction des inégalités… Pour la plupart des associations, il est essentiel que les IFI et l'ensemble des acteurs de l'aide internationale au développement adhèrent aux objectifs de développement humain durable.

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Les ONG critiquent donc de façon virulente les CSLP et, par ce biais, elles attaquent les politiques préconisées par les IFI. A leurs yeux, les CSLP ne sont que la continuation des politiques d'ajustement structurel qu'elles ont tant dénoncées, et les accompagnements (filets de sécurité, augmentation des dépenses de santé..) proposés par les IFI sont jugés insuffisants. Par-delà la lutte contre la pauvreté, c'est le développement durable qui doit être recherché. Les associations et les institutions de Bretton Woods adoptent donc des positions antagonistes face aux CSLP et à leurs conséquences. Si leurs analyses respectives semblent à bien des égards fondées, seule l'étude directe des CSLP permet leur validation. Analyser les CSLP du Burkina Faso, de la Mauritanie et de la Tanzanie peut très certainement nous éclairer quant au contenu réel de ces documents, même si, une fois encore, la réalité peut être différente de la théorie. III. La réalité des CSLP à travers les cas du Burkina Faso, de la Mauritanie et de la Tanzanie Étudier les CSLP de ces trois pays (37) permet de vérifier si les critiques que certains leur adressent sont justifiées et si les exigences et attentes des IFI et des ONG sont remplies. Un bilan du contenu de ces cadres, en reprenant point après point leur plan quasi identique et en les comparant avec les critiques et attentes des ONG et des IFI, permet en effet de prendre pleinement conscience de la teneur des CSLP. Une telle évaluation, à la fois analytique et comparative, risque de présenter un certain nombre de répétitions, pourtant nécessaires, avec les points précédemment développés. Cependant, analyser le contenu des CSLP ne permet pas de savoir ce qu'il en est de leur mise en pratique, ni de la réalité du processus participatif, mais seulement d'évaluer si ce qui est présenté est conforme à ce qui est attendu de ces plans. 1. Le processus participatif : une présentation formelle ? Le processus participatif est présenté comme un élément fondamental des CSLP tant par les IFI que par les ONG. Ces dernières relativisent toutefois fortement le bon déroulement de ce processus et ne manquent pas d'indiquer ses faiblesses. Or, l'analyse des CSLP de ces trois pays permet de faire la part des choses entre ce qui est souhaité et ce qui aurait lieu : si d'une part les pauvres sont consultés et que le contrôle démocratique est réel, d'autre part, le processus participatif serait parfois illusoire et l'influence réelle de la société civile sur le contenu de la stratégie semble être fortement limitée.

a) Une description détaillée dans chaque CSLP

Une description conforme au souhait des IFI et des ONG

Dans chacun des trois CSLP le processus participatif qui a donné lieu à la rédaction de ce dernier est décrit. Cette description se fait tant dans le corps du texte que dans les encadrés ou dans les annexes. Les étapes principales sont expliquées et les différentes parties qui sont intervenues sont indiquées. Aucun gouvernement rédigeant un CSLP n'a donc sous-évalué l'importance qu'attribuent les IFI et les ONG à ce processus.

Consultation de la société civile et des pauvres : un impératif pris en compte

Conformément aux vœux des IFI et des ONG, une attention particulière est attribuée à la consultation des pauvres. En Tanzanie, notamment, les pauvres ont donné leur point de vue au cours d'une enquête réalisée en mai 2000 : le Zonal Workshops. Cette enquête a permis à 804 personnes, à savoir 426 villageois, 215 conseillers généraux, 110 directeurs exécutifs de districts et 53 membres d'ONG de s'exprimer sur ce qu'ils estiment être les domaines prioritaires sur lesquels il faut se concentrer pour réduire la pauvreté dans leur pays. Néanmoins, si cette enquête est présentée comme étant un moyen adéquat pour consulter l'opinion des pauvres, elle semble aussi, et surtout, permettre à la société civile de s'exprimer.

La société civile de ces trois pays a en effet été consultée. En Tanzanie, le Zonal Workshops ainsi que le National Workshop en témoignent : des représentants d'ONG, d'organisations du secteur privé, des bailleurs de fonds ainsi que des institutions

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multilatérales se sont réunis afin d'examiner le projet de CSLP. Au Burkina Faso, le processus participatif décrit présente quatre niveaux de dialogue dont un est consacré au dialogue avec la société civile. Deux enquêtes régionales ont été organisées afin que les représentants de la société civile, des institutions décentralisées, du secteur privé, de groupes de producteurs puissent donner leurs avis et indiquer leurs priorités pour combattre la pauvreté. Quant à la Mauritanie, des représentants de la société civile, d'organisations socio-professionnelles, de l'association des maires, de collectivités locales ou encore d'universités ont participé à l'élaboration des CSLP. Parallèlement à cet éventail large qui se veut représentatif des divers intérêts de la société, des consultations interrégionales ont été organisées, afin de discuter du projet du CSLP, dans le souci de prendre en considération les intérêts et les problèmes régionaux. Dans le cas ce pays, d'après la mission conjointe Banque mondiale-FMI, les ONG, récemment créées, ont dû faire face dans un premier temps à des difficultés qui ont limité leur contribution dans l'élaboration du CSLP. Cependant, l'élaboration du CSLP a favorisé la mise en place d'un meilleur dialogue entre le gouvernement et la société civile en même temps que cela a permis aux ONG de gagner en expérience et en crédibilité et donc de jouer un plus grand rôle dans le processus participatif. Ainsi, la société civile a été consultée lors de l'élaboration des CSLP et, dans certains cas, cette dernière a permis une meilleure reconnaissance, consultation et participation de la société civile.

Un contrôle démocratique bien réel

Les critiques des ONG stipulant que les parlements nationaux ne sont pas associés à l'élaboration et à la validation de la stratégie, et donc dénonçant l'absence de contrôle démocratique, semblent infondées. Au Burkina Faso, avant que le CSLP soit transmis aux IFI, il fut présenté à l'Assemblée nationale et à la Chambre des représentants et approuvé par ces deux chambres. Il en est de même en Mauritanie où le Parlement a été consulté une première fois en décembre 1999 afin d'examiner et d'approuver les principales orientations de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et une seconde fois à la fin du processus afin de valider le CSLP. Un contrôle démocratique des CSLP a donc bien eu lieu dans ces deux pays.

b) Le processus participatif : une illusion ?

Si le processus participatif qui nous est présenté dans chaque CSLP semble complet, certains éléments viennent relativiser cette conclusion.

Dans le cas du CSLP de la Mauritanie, les pauvres ne sont pas consultés, ou que très indirectement. Or, la prise en compte des avis et des intérêts des pauvres est une condition essentielle à remplir par tout CSLP afin que ce dernier puisse être approuvé par les IFI. Par ailleurs, contrairement à ce que souhaitent certaines ONG, il n'y a pas toujours de différenciation entre les pauvres. A cet égard, les rédacteurs du CSLP de la Tanzanie expriment eux-mêmes le regret de ne pas avoir différencié les jeunes chômeurs et les sous-employés dans leur enquête.

Si la consultation des pauvres est imparfaite, la participation de la société civile est elle aussi à revoir. Elle est en effet peu consultée sur les questions et les politiques relatives aux réformes macroéconomiques. La mission d'évaluation conjointe de la Banque mondiale et du FMI en fait le triste constat à propos du CSLP de la Mauritanie où la société civile n'interviendrait réellement que sur les travaux relatifs aux questions sociales. On retrouve ici l'une des principales critiques que les ONG adressent au processus participatif. Par ailleurs, contrairement à ce que préconisent les IFI, les questions de fond que ces consultations ont soulevées, le point de vue des différents participants et l'impact des consultations sur l'élaboration des CSLP ne sont pas systématiquement mentionnés, notamment dans les CSLP du Burkina Faso et de la Mauritanie (38). Cependant, en ce qui concerne ce dernier, si ces différents éléments sont absents, la mission conjointe d'évaluation du CSLP stipule que celui-ci reflète la plupart

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des recommandations de la société civile. Il demeure donc difficile de savoir comment la mission conjointe a pu aboutir à cette conclusion alors que le point de vue des divers participants n'est pas mentionné dans le CSLP.

Enfin, parallèlement à la distinction qu'opèrent les ONG entre "consultation" et "pleine participation", la société civile en Tanzanie, les pauvres au Burkina Faso et en Tanzanie et le Parlement de la Tanzanie s'expriment sur les domaines jugés prioritaires pour lutter contre la pauvreté et non sur les CSLP. A titre d'exemple, la participation des membres du Parlement de la Tanzanie s'est limitée à un avis : ils n'ont eu que la possibilité de s'exprimer sur les résultats du Zonal Workshops, à partir duquel ils ont néanmoins émis quelques remarques, notamment sur la nécessité de prendre en compte les différences régionales au niveau de la pauvreté. En ce qui concerne la préparation directe des CSLP, et non plus la définition des domaines prioritaires sur lesquels il est nécessaire de se concentrer afin de réduire la pauvreté, les intervenants sont d'une autre nature.

c) Dialogue avec les institutions du gouvernement central et avec les partenaires du développement : le poids prépondérant des IFI dans l'élaboration des CSLP

Alors que le processus participatif semble parfois n'être qu'une illusion (pauvres non consultés, absence de différenciation, consultations sans impact, société civile exclue des questions macroéconomiques…), le constat est encore plus sombre si l'on prend en compte l'influence des acteurs sur les CSLP.

En Tanzanie, ni la société civile ni le Parlement n'ont eu un rôle dans l'élaboration du CSLP. C'est un Comité composé de douze ministres et de l'administrateur de la Banque mondiale pour la Tanzanie ainsi qu'une équipe d'experts venant de différents ministères qui l'ont préparé. De plus, avant la version définitive du document, des rencontres avec les bailleurs de fonds, auxquelles une mission conjointe de la Banque mondiale et du FMI a assisté, ont permis à ces derniers de donner leur avis sur le projet de CSLP. Au Burkina Faso et en Mauritanie les bailleurs de fonds et les IFI jouent aussi un rôle dans l'élaboration des CSLP.

Ainsi, la société civile est certes consultée mais ce sont les IFI, les bailleurs de fonds et les gouvernements qui décideraient réellement du contenu des CSLP. Ne s'exprimant que sur les domaines prioritaires, la société civile semble être reléguée à un rôle de second plan. L'affirmation du Secours Catholique et de la CIDSE (39) selon laquelle "(…) en Tanzanie, les équipes de la Banque mondiale ont écrit et préparé la majeure partie du CSLP (…)" semble de ce fait des plus plausibles, bien qu'elle ne soit pas vérifiable à travers ce document et que la société civile ainsi que les pauvres aient été consultés. La critique des ONG relative au poids des IFI dans l'élaboration des CSLP ne serait donc pas inopportune et le processus participatif s'apparenterait donc, dans ces conditions, à un exercice formel servant à légitimer les CSLP.

2. Un diagnostic de la pauvreté complet ? Le diagnostic de la pauvreté établi par les pays est un élément essentiel des CSLP. Toute stratégie de lutte contre la pauvreté doit être élaborée à partir de ce diagnostic. Celui-ci a donc pour fonction de légitimer le bien fondé de la stratégie mise en avant par le CSLP afin de réduire la pauvreté. De ce fait, chacun des trois CSLP consacre une de ses parties à la description de la pauvreté du pays concerné.

a) Un tableau de la pauvreté relativement exhaustif

D'une part, le diagnostic de la pauvreté que contient chaque CSLP est composé d'un tableau de la pauvreté. Conformément à ce que souhaitent les IFI, ce bilan de la pauvreté est effectué à partir d'enquêtes préexistantes. Au Burkina Faso l'analyse est faite à partir de deux enquêtes et d'études relatives à la perception que les pauvres ont de leur pauvreté alors qu'en Tanzanie ce diagnostic s'appuie sur six enquêtes. En Mauritanie, le tableau de la pauvreté est également établi à partir de données préexistantes. Par ailleurs, on retrouve l'exigence des IFI selon laquelle la description de la nature de la pauvreté doit transcender les considérations de revenu et de patrimoine

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pour englober d'autres aspects de la pauvreté tels que : la nutrition, l'espérance de vie, les aspects régionaux, la ventilation par sexe, l'accès aux services de base (éducation, santé, eau potable…). Ainsi, les trois CSLP établissent un diagnostic de la pauvreté par rapport au revenu, puis un diagnostic lié aux services sociaux (éducation, espérance de vie…). Une typologie régionale est également dressée dans les trois CSLP étudiés. A titre d'exemple, le CSLP de la Tanzanie met en avant le phénomène essentiellement rural de la pauvreté, dresse une typologie régionale de la pauvreté, décrit la situation des pauvres par rapport au reste de la population en ce qui concerne l'espérance de vie, la nutrition, l'accès à l'eau potable et à l'éducation…

Quant à la question du genre, elle bénéficie d'une attention particulière dans ces diagnostic de la pauvreté, conformément aux attentes des IFI et des ONG. La condition des femmes est clairement mise en avant dans les CSLP de la Tanzanie et du Burkina Faso. Là, un lien est établi entre les conditions socio-économiques et culturelles du Burkina et la faible participation des femmes à la vie économique et publique du pays, d'où l'importance de la pauvreté parmi les femmes seules. Ce CSLP dénonce en outre la discrimination dont sont victimes les femmes. La Mauritanie évoque elle aussi la question du genre dans son CSLP, même si cela est évoqué brièvement, et ne manque pas d'établir un lien entre la pauvreté et les foyers dirigés par des femmes.

b) Une évaluation large des obstacles

D'autre part, le diagnostic de la pauvreté est composé d'une évaluation des obstacles à la croissance et à la réduction de la pauvreté. Cette évaluation contient une partie sur la perception que les pauvres ont des causes de la pauvreté. En Tanzanie, cette évaluation résulte de deux travaux, le premier fut effectué par la Banque mondiale en 1995 (" la Voix des Pauvres") et le second par le PNUD en 1997. Le conseil des IFI selon lequel les pays pourraient s'inspirer des évaluations, participatives ou non, de la pauvreté effectuées par la Banque mondiale semble ici avoir été écouté. Toutefois, à la différence des CSLP de la Tanzanie et du Burkina Faso, celui de la Mauritanie ne comporte pas d'évaluation de la pauvreté établie à partir de l'avis des couches de population les plus défavorisées.

Conformément au type d'analyse poussée et complète que préconisent les IFI, les causes énoncées par les CSLP sont de nature très diverse. Les obstacles mis en avant sont d'ordre macroéconomique, structurel, social et institutionnel. A titre d'exemple, certaines causes expliquant l'échec de la réduction de la pauvreté et d'une croissance rapide se retrouvent à travers ces trois CSLP, à savoir : les politiques macroéconomiques, la structure des investissements publics, la petitesse des exploitations agricoles, le manque d'infrastructures, l'accès difficile aux services sociaux, le taux de croissance de la population, la dégradation de l'environnement… Ces trois pays voient également dans leurs conditions géographiques et climatiques particulières une cause de leurs difficultés.

c) Quelques oublis…

Le diagnostic de la pauvreté est donc relativement complet puisqu'il satisfait à la plupart des exigences des IFI et qu'il n'est que peu critiqué par les ONG. Ces diagnostics sont toutefois en porte à faux à un niveau : ils ne prennent pas en considération les contraintes extérieures. Alors que les IFI et les ONG souhaitent que la nature et le degré de vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs et que l'impact de ces chocs soient évalués dans les CSLP , il n'en est rien ou presque. Certes, le CSLP de la Mauritanie évoque le fardeau de la dette ainsi que la vulnérabilité aux chocs extérieurs et celui du Burkina Faso dénonce le manque de coordination de l'aide extérieure, mais ils ne vont pas plus loin et ne font qu'énoncer ces questions sans les développer. En outre, les CSLP ne répondent pas à une autre recommandation des IFI : ils ne comprennent pas d'évaluation du degré auquel les pauvres profitent des dépenses publiques.

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A partir de ce diagnostic, qui demeure malgré tout relativement complet, il devient possible de déterminer les objectifs à atteindre afin de réduire la pauvreté et d'arriver à des niveaux de croissance rapide.

3. Des objectifs trop ambitieux ? La définition des objectifs est étape importante. S'ils ne sont pas, à proprement parler, critiqués par les ONG, on peut toutefois s'interroger sur la capacité des États à les réaliser en raison de leur caractère peut-être parfois trop ambitieux et des risques susceptibles d'entraver le bon déroulement de la stratégie.

a) Des objectifs conformes aux attentes des IFI

Conformément aux exigences des IFI, le Burkina Faso et la Mauritanie (annexe 3 , annexe 4) consacrent une partie de leur CSLP à la fixation d'objectifs. La Tanzanie énonce quant à elle ses objectifs dans ses annexes, sous la forme d'un tableau particulièrement clair. Les objectifs généraux évoqués sont en adéquation avec les objectifs de développement internationaux (annexe 1). Afin de réaliser ces objectifs généraux, des objectifs de long terme et de moyen terme sont déterminés. Ces objectifs concernent chaque élément essentiel expliquant la pauvreté et l'insuffisance de la croissance : l'éducation, la santé, l'eau potable, la gouvernance… Les principaux obstacles à une croissance rapide et à la réduction de la pauvreté sont ainsi couverts par des objectifs afin de remédier à la situation du pays. La pauvreté étant multidimensionnelle, les objectifs sont multiples et ne manquent pas d'ambition.

b) Des objectifs réels ou un faire valoir ?

Selon la mission conjointe (Banque mondiale-FMI) d'évaluation du CSLP de la Mauritanie, certains objectifs de long terme dépasseraient les objectifs de développement internationaux. Cette constatation vaut notamment pour les objectifs suivant : réduire le taux d'incidence de la pauvreté, qui était de 50% en 1996, à 39% en 2004, puis à 27% en 2010 et 17% en 2015 ; rendre l'inscription à l'école primaire universelle pour 2004 ; mettre fin à l'analphabétisme pour 2015 ; réduire la mortalité infantile de 118 pour 1000 en 1998 à 30 pour 1000 en 2015 ; et améliorer l'accès aux services médicaux et à l'eau potable. Une telle énonciation étant jugée exagérée par les équipes des IFI elles-mêmes, on peut s'interroger sur la capacité de la Mauritanie à atteindre ces objectifs. Dans la mesure où l'équipe conjointe juge ces objectifs trop ambitieux, il est possible que la Mauritanie fasse ici preuve de zèle. Peut-être que le gouvernement mauritanien, conscient du caractère démesuré des objectifs énoncés, chercherait par ce biais à montrer qu'il adhère totalement aux vues des IFI afin de profiter de l'initiative en faveur des pays PPTE.

La même constatation vaut globalement pour le CSLP du Burkina Faso qui indique que les objectifs visés sont en adéquation avec ceux de l'initiative PPTE. Si un tel constat paraît normal, du fait que pour bénéficier de l'Initiative PPTE il faut un CSLP, la mise en exergue de cette adéquation au sein même du CSLP peut sembler inopportune, voire exagérée. En effet, on peut dès lors se demander dans quelle mesure le contenu de ce CSLP reflète véritablement les besoins du pays ou a pour but de répondre aux exigences des IFI afin de bénéficier de l'initiative en faveur des PPTE.

c) Une réalisation des objectifs des plus incertaines

Alors que, d'une part, les objectifs peuvent dans une certaine mesure apparaître comme un faire valoir dont l'énonciation aurait pour seule finalité la participation à l'initiative PPTE, d'autre part, certains éléments fragilisent la probabilité de réaliser ces objectifs. L'hypothèse selon laquelle les objectifs énoncés sont trop ambitieux serait donc doublement justifiée.

Le premier risque est lié à l'extrême sensibilité de l'économie de ces trois pays aux chocs extérieurs affectant le volume et les prix des produits d'exportation. Ce risque est

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notamment énoncé dans le CSLP de la Mauritanie (40). Une diminution du prix et/ou du volume d'exportation de ces produits aurait des conséquences désastreuses pour l'économie de ces pays et leur capacité à réaliser ces objectifs en serait limitée. Tout dépend en effet de la croissance économique. Si elle n'est pas aussi forte que prévu, la réalisation des objectifs est menacée. A cet égard, en cas de déficit budgétaire, les CSLP ne prévoient pas d'autres moyens de financement de la stratégie envisagée. De ce fait, les objectifs énoncés ne pourraient pas être atteints. La dépendance de ces pays envers l'aide extérieure est elle aussi source de problèmes dans la mesure où tout surplus ou déficit de cette aide a un impact direct sur les objectifs programmés.

D'autres risques liés à la situation interne de ces pays peuvent aussi être notés. La résistance d'une partie de la population favorisée aux politiques préconisées pourrait affecter la réalisation de la stratégie. Les CSLP de la Mauritanie et du Burkina Faso mettent respectivement en exergue une difficulté d'un autre type : le succès du CSLP dépendrait principalement de la capacité du gouvernement à rendre effectif avec assiduité la stratégie. Or, la faiblesse des capacités d'intervention étatique permettrait d'envisager le pire. Enfin, la mauvaise gestion des ressources publiques, à moins qu'elle ne change réellement, laisse craindre quelques difficultés dans la réalisation de ces objectifs.

Les risques pouvant empêcher la pleine réalisation de ces objectifs sont donc relativement nombreux. Or, ils ne sont pas toujours pris en considération par les CSLP. Seule la Mauritanie en évoque réellement certains. Ce constat accrédite encore un peu plus l'hypothèse selon laquelle ces objectifs seraient peut-être trop ambitieux par rapport aux possibilités et à la situation de ces pays. Quoi qu'il en soit, une fois ces objectifs définis, une stratégie peut être élaborée.

4. Les stratégies de réduction de la pauvreté : continuité ou dépassement des Documents Cadre de Politique Economique / Policy Framework Paper (DCPE / PFP) ? En ce qui concerne les stratégies présentées dans les CSLP, un net désaccord apparaît entre les IFI et les ONG. Or, sans revenir sur le bien fondé ou non du maintien des politiques d'ajustement, l'étude des stratégies des trois pays choisis permet de mettre en avant les points sur lesquels les critiques des ONG sont peut-être trop virulentes. Les CSLP représenteraient en effet un certain dépassement des DCPE.

a) Exemples des grands principes qui sous-tendent la stratégie de réduction de la pauvreté

Le CSLP du Burkina Faso donne un bon exemple des principes et points qui sous-tendent les stratégies de réduction de la pauvreté des CSLP. Il énonce sept grands principes, à savoir :

- redéfinir le rôle de l'État,

- maintenir le juste milieu entre les besoins de la population et la bonne gestion des ressources naturelles,

- promouvoir un nouveau partenariat avec les bailleurs de fonds,

- promouvoir la bonne gouvernance,

- prendre en compte la question des genres

- réduire les disparités régionales,

- et continuer le processus d'intégration dans l'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine / West African Economic and Monetary Union.

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A côté de ces grands principes, le CSLP du Burkina Faso expose les quatre volets principaux de sa stratégie. Il s'agit :

- d'accélérer une croissance fondée sur l'équité : en maintenant un cadre macroéconomique stable, en augmentant la compétitivité de l'économie, en réduisant les coûts de transaction, en accélérant le développement du secteur rural…Il est aussi préconisé de renforcer les réformes judiciaires, la décentralisation, le rôle de la société civile…;

- de garantir l'accès des pauvres aux services sociaux de base, notamment : en promouvant leur accès à l'éducation, aux services de santé et à l'eau et en améliorant l'environnement dans lequel les pauvres vivent ;

- d'augmenter les possibilités d'emploi et d'activités génératrices de revenus pour les pauvres, notamment : en réduisant la vulnérabilité des activités agricoles ainsi qu'en les intensifiant et les modernisant, en augmentant et en diversifiant les revenus agricoles (en facilitant notamment leur accès au crédit), en construisant des routes afin d'ouvrir les espaces ruraux sur l'extérieur, en protégeant les ressources naturelles…;

- et de promouvoir la bonne gouvernance, cela implique le renforcement de la décentralisation, l'amélioration de l'information, la mise en place d'une réforme du système judiciaire, l'intensification de la lutte contre la corruption...

Ces grands principes et volets se retrouvent, d'une façon ou d'une autre, dans les autres CSLP. A titre comparatif, les quatre grands points sur lesquels le CSLP de la Mauritanie (annexe 4) se concentre sont : l'accélération et la redistribution de la croissance ; la promotion de la croissance dans l'environnement des pauvres ; le développement des ressources humaines et l'obtention d'un accès universel aux infrastructures de bases et aux services ; enfin, le renforcement des capacités institutionnelles et de la gouvernance.

b) Éléments similaires aux CSLP et aux DCPE / PFP (41)

Dans les trois cas et conformément à ce qu'attendent les IFI, il n'y a pas de différences majeures entre ces deux documents au niveau des politiques macroéconomiques et structurelles. La promotion d'une croissance rapide demeure une constante et une priorité, d'où les mesures similaires préconisées en la matière. Ainsi, dans le CSLP de la Mauritanie, renforcer la compétitivité de l'économie, notamment en diversifiant les produits destinés à l'exportation, stimuler le développement du secteur privé, mettre en place une politique fiscale ayant une base plus large, favoriser le monde des affaires, libéraliser le système commercial, renforcer les privatisations ou encore mettre en place une politique monétaire rigoureuse sont des points que l'on retrouve tant dans ce document que dans le DCPE. En outre, la même volonté d'améliorer les capacités de la fonction publique et la gestion des ressources publiques, de mettre en place une bonne gouvernance, de renforcer le rôle du Parlement et des élections, d'accélérer la décentralisation transparaît à travers ces deux documents. Dans les CSLP du Burkina Faso et de la Tanzanie (42) un constat similaire peut être dressé.

Dans les CSLP et les DCPE s'observe également une préoccupation identique vis-à-vis de l'amélioration des conditions de vie des pauvres, de la gestion de l'environnement, du développement des infrastructures et de la mise en place de politiques sociales. L'accès à l'éducation, à la santé, à l'eau et la volonté de combattre les discriminations dont sont victimes les femmes sont aussi à compter parmi les centres d'intérêts de ces deux documents.

Enfin, les CSLP et les DCPE de ces trois pays mettent l'accent sur les mêmes secteurs. A cet égard, la pauvreté étant essentiellement rurale, le secteur agricole

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bénéficie d'une attention particulière. Faire participer les pauvres à la croissance économique est une priorité commune aux deux documents. Il s'agit de lutter contre la pauvreté en favorisant une meilleure productivité et la croissance économique dans les secteurs où les pauvres sont majoritaires.

Les similitudes entre ces documents sont donc très nombreuses. Les CSLP eux-mêmes insistent parfois sur la continuité entre les politiques préconisées et celles en place. Celui de la Tanzanie explique clairement que les mesures contenues dans les anciens programmes visant à promouvoir la stabilité macroéconomique et à accélérer la croissance doivent être maintenues. Cette continuité apparaît aussi dans le CSLP du Burkina, comme en fait état la mission conjointe Banque mondiale-FMI : elle constate que la stratégie de développement rural proposée par le CSLP est déjà exposée dans le Document d'Orientation Stratégique de 1998. Ce type de remarque ne fait qu'alimenter la critique couramment faite par les ONG contre les CSLP selon laquelle ils ne font que reprendre ce qu'il y avait avant. Toutefois, certaines évolutions peuvent être relevées.

c) Les CSLP : un dépassement des DCPE ?

Derrière ces similitudes transparaissent de nombreuses différences si l'on regarde plus en détail certaines mesures préconisées. Ces différences n'affectent pas les domaines macroéconomique et structurel mais les réformes sociales et la façon dont la lutte contre la pauvreté est appréhendée. A la différence des DCPE, les CSLP tentent constamment d'établir un lien entre les politiques envisagées et la lutte contre la pauvreté. De ce fait, la structure de ces deux documents est fondamentalement différente : le CSLP axe un certain nombre de ces développements sur des thèmes directement liés à la lutte contre la pauvreté alors que les DCPE, se concentrant principalement sur les questions économiques et structurelles, se contente de les évoquer en sous-parties. Ainsi, les CSLP développent plus que les DCPE les questions relatives au développement rural, à l'intégration urbaine, à la santé et à l'éducation, à l'eau, aux infrastructures…

Plus concrètement, des différences apparaissent au niveau des politiques préconisées. Les CSLP s'étendant plus largement sur certaines questions que les DCPE, comme l'éducation ou la santé, les propositions faites en la matière sont plus nombreuses, plus poussées et davantage orientées en direction de la réduction de la pauvreté que celles faites dans les DCPE. D'ailleurs, les CSLP ne se contentent pas de formuler des recommandations générales en matière de santé et d'éducation, comme le prétendent certaines ONG, mais prennent directement en compte la question du monde rural et de l'amélioration des conditions de vie des petits paysans. Contrairement à certaines critiques formulées par les ONG, l'équité, l'accès aux ressources et aux biens font parties des préoccupations affichées des CSLP.

En ce qui concerne la question de l'égalité des femmes, le DCPE souhaite uniquement améliorer leur participation dans la vie économique alors que les CSLP souhaiteraient mettre fin aux inégalités dans d'autres domaines, dont l'éducation.

Enfin, dans les DCPE il n'est aucunement question de la société civile ou de son éventuel poids dans la définition de la stratégie. Il en va tout autrement des CSLP, et il y a là sans aucun doute un grand progrès, qui mettent en avant la participation et la prise en compte de la société civile, tant dans l'élaboration de la stratégie que dans son suivi et son évaluation.

Compte tenu de ces évolutions, les critiques des ONG sont-elles fondées ? Si comme elles le prétendent, les CSLP ne diffèrent des DCPE qu'en raison des filets de sécurité qui y sont proposés, on ne peut considérer que ces nouveaux documents vont réellement plus loin que les politiques d'ajustement structurel. L'accompagnement social que les CSLP sont supposés permettre, et que les IFI souhaitent, serait dans ces conditions une chimère. Or, un constat s'impose : les CSLP proposent un certain nombre de mesures qui devraient faciliter la participation des pauvres à la croissance économique et donc réduire leur pauvreté. En témoignent les mesures visant à faciliter l'accès des pauvres au

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crédit ; la volonté affichée de soutenir le développement de l'agriculture, de l'élevage et du secteur rural dans son ensemble ; l'affirmation du rôle de redistributeur de l'État, notamment dans les secteurs sociaux par le biais de la fiscalité ; l'accent mis sur l'amélioration de l'éducation et le développement des infrastructures afin de permettre aux pauvres et aux régions pauvres de participer à la croissance et, par-là même, d'améliorer la compétitivité de l'économie, et la croissance… Cependant, d'une part, certains de ces éléments étaient déjà présents dans les DCPE et, d'autre part, pour que les CSLP puissent être considérés comme un véritable accompagnement social des politiques d'ajustement structurel, et non résumés à des filets de sécurité, il faudrait qu'ils contiennent des dispositifs de protection sociale.

A cet égard, les CSLP, notamment ceux de la Mauritanie et du Burkina qui sont plus développés que celui de la Tanzanie, énoncent un certain nombre de mesures qui peuvent former la trame de dispositifs de protection sociale. A titre d'exemple, afin de lutter contre le chômage, le CSLP de la Mauritanie prévoie la mise en place d'un programme facilitant l'intégration des nouveaux diplômés dans le monde du travail, la création d'un fond pour la formation et l'intégration des jeunes, l'établissement permanent d'un fonds finançant la formation et l'intégration professionnelle. Afin d'assurer la sécurité alimentaire, le CSLP de la Mauritanie propose, entre autres, l'instauration dans le long terme de mécanismes permettant d'assurer l'accès de la population aux produits et la disponibilité de ceux-ci (infrastructures, transports…). Pour éviter les crises alimentaires, et donc répondre aux situations d'urgence, des stocks de produits doivent être créés et des fonds doivent être bloqués. Dans le domaine de la santé, des dispositifs de protection sociale s'inscrivant dans le long terme apparaissent également. Afin de limiter les coûts des soins médicaux pour les pauvres, il est par exemple proposé : de fournir des traitements gratuits et/ou de pratiquer une vaccination gratuite pour certaines maladies, de diminuer les coûts des interventions de santé préventives pour les enfants, d'établir un cadre légal pour le développement des associations assurant la couverture maladie… Des dispositifs de protection sociale existent donc, même s'ils peuvent être jugés insuffisants ou imparfaits, ce qui permet de relativiser les critiques des ONG. Toutefois, certains éléments de ces dispositifs étaient déjà présents, dans une certaine mesure, dans les DCPE (43). Il y aurait donc un dépassement des DCPE mais celui-ci serait mesuré et à relativiser.

5. Financement de la stratégie de réduction de la pauvreté et aide extérieure Une fois la stratégie énoncée par le CSLP, il est nécessaire d'évoquer la question de son financement. Conformément à la demande des IFI, les documents consacrent une partie de leur développement au financement.

a) Éléments conformes aux attentes des IFI et des ONG

Les CSLP dressent une estimation détaillée du coût des mesures envisagées. L'annexe 3 du CSLP de la Mauritanie donne ainsi une estimation du coût de chaque mesure pour un horizon de trois ans. Comme le préconisent les institutions de Bretton Woods, le coût de l'amélioration des indicateurs intermédiaires (comme le nombre d'enseignants supplémentaires à recruter, l'investissement dans la construction d'écoles…) est lui aussi estimé.

Par ailleurs, le financement global de la stratégie tient compte de l'allègement de la dette. Les CSLP indiquent clairement la nécessité de bénéficier de l'aide extérieure, et notamment de l'initiative en faveur des pays PPTE (annexe 5). L'estimation du coût global de la stratégie dissocie ainsi la part couverte grâce aux fonds libérés par l'initiative PPTE de celle couverte par le budget national. Le montant de l'aide extérieure requise afin de mener à bien cette stratégie est lui aussi précisé.

Parallèlement aux revendications des ONG, les CSLP insistent sur la nécessité d'une meilleure coordination des bailleurs de fonds ainsi que sur le besoin d'intégrer l'aide extérieure au budget. Par ailleurs, dans le cas de la Tanzanie, le gouvernement s'est engagé à abolir les frais de scolarité, ce qui pèse sur le budget national et donc sur les ressources disponibles pour financer la stratégie définie. Cette mesure est vivement

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réclamée par les ONG qui dénoncent son absence des autres CSLP ainsi que le maintien de la perception de frais dans la santé.

b) Lacunes et risques

Contrairement à ce que souhaitent les institutions de Bretton Woods, les CSLP ne dressent pas l'inventaire des concours extérieurs en place ni leurs modalités d'acheminement. Autre lacune : ils ne décrivent pas les besoins en assistance technique et en matière de renforcement des capacités pour la mise en œuvre de la stratégie.

Par ailleurs, l'impact potentiel de tout déficit de l'aide extérieure sur la mise en application de la stratégie n'est pas évalué. Or, il en va de son financement et donc de la réussite ou de l'échec de la stratégie.

Enfin, contrairement à ce que souhaitent le FMI et la Banque mondiale, les principes généraux de la stratégie d'emprunt extérieur et le degré de concessionalité dont ces emprunts doivent être assortis ne sont pas décrits à l'intérieur des CSLP. Il y a là un véritable enjeu pour les pays non catalogués comme PPTE. Il faudrait donc peut-être préciser la stratégie d'emprunts extérieur qu'ils devraient adopter. Pour les pays PPTE le problème ne se situe pas à ce niveau puisqu'ils ne peuvent pas s'endetter au-delà du seuil de soutenabilité ou en termes non concessionnels. La difficulté principale pour les pays PPTE réside dans la dépendance des niveaux de la balance des paiements envers des facteurs incertains tels que le volume des exportations ou les perspectives des prix pour les matières premières exportées. Or, les niveaux de balance de paiement à atteindre déterminent en partie le taux de croissance économique du pays. Dans ces conditions, la réussite de la stratégie semble profondément fragile.

6. Suivi et évaluation de la stratégie conformes aux attentes des IFI Le suivi et l'évaluation de la stratégie est le dernier élément développé par les CSLP. Conformément à la volonté des IFI, il est indiqué à plusieurs reprises que la coopération qui a eu lieu pour leur élaboration entre le gouvernement, la société civile et les partenaires du développement doit être maintenue afin de contrôler l'exécution de la stratégie. La société civile doit en effet jouer un rôle de premier plan dans le processus d'évaluation. La volonté d'améliorer les informations sur l'état de la pauvreté se retrouve elle aussi dans les CSLP. A cet effet, la Mauritanie propose un plan permettant d'avoir accès à de meilleures informations. La description de mesures visant à améliorer la couverture et la qualité statistique de telles données correspond totalement aux recommandations de la Banque mondiale et du FMI. Par ailleurs, la mise à jour annuelle de la stratégie est une donnée qui a été intégrée dans les CSLP, toujours suivant le souhait des IFI. Pour ce faire, les indicateurs définis doivent jouer un rôle de premier plan. Ces indicateurs sont d'ailleurs décrits à l'intérieur des CSLP. L'annexe 7 du CSLP de la Mauritanie donne une bonne vision de ce travail de remise à jour du CSLP . Conclusion Ainsi, les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté représentent une amélioration par rapport aux politiques d'ajustement structurel : la lutte contre la pauvreté y est réellement mise en avant, des dispositifs de protection sociale sont prévus, la participation des pauvres à la croissance économique et l'amélioration de leur accès aux services de base sont une priorité… En outre, la mise en place d'un processus participatif est une nouveauté dont la portée est indéniable. Toutefois, les critiques des ONG à l'égard de ces cadres demeurent. Désireuses de mettre en place des Cadres Stratégiques de Développement Durable, la plupart des ONG souhaitent aller au-delà des CSLP. Les progrès qu'ils induisent sont à leurs yeux insuffisants et le maintien des politiques d'ajustement structurel jusque là préconisées par les IFI constitue une erreur. Cette question concentre d'ailleurs la quasi totalité de l'incompréhension qui sévit entre les deux parties.

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Pourtant, l'étude des cadres du Burkina Faso, de la Mauritanie et de la Tanzanie montre que les critiques des ONG sont parfois décalées par rapport au contenu réel de ces documents. L'existence de dispositifs de protection sociale, bien qu'insuffisants et imparfaits, en est un exemple. Néanmoins, les CSLP comportent un certain nombre de lacunes que les associations ne manquent pas de mettre en évidence. La fragilité de leur réussite en est une illustration : les conditions requises pour permettre la mise en application de ces stratégies sont en effet aléatoires (prix et volumes des prix des produits d'exportation, problèmes en cas de déficit budgétaire…). Enfin, le poids toujours prépondérant des institutions de Bretton Woods dans l'élaboration et l'acceptation de ces cadres demeure fortement problématique et minimise la portée des changements contenus dans les CSLP. Il est par ailleurs très difficile de faire la part des choses entre ce que le gouvernement présente, à travers le CSLP, afin de s'attirer les faveurs des IFI et la réalité. Si les CSLP sont loin d'être inintéressants du fait des nouveautés qu'ils comportent et du progrès qu'ils représentent, il semble nécessaire de les améliorer et, pour ce faire, peut-être faut-il prendre en compte une partie des revendications des ONG. Enfin, le contenu des CSLP est aussi fonction de la capacité d'un gouvernement à négocier avec les institutions de Bretton Woods. Dans les trois exemples retenus, elle était plutôt faible. Mais il existe d'autres situations, que l'on n'a pas évoquées, où c'est bien le gouvernement qui impose ses choix : c'est, par exemple, le cas du Vietnam.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE CSLP

1) Burkina Faso - Poverty reduction strategy paper, 25 mai 2000 - Joint Staff Assessment of the Poverty Reduction Strategu Paper, 7 juin 2000

2) Tanzanie - Poverty reduction strategy paper, octobre 2000 - Joint Staff Assessment of the Poverty Reduction Strategu Paper, 2 novembre 2000

3) Mauritanie - Poverty reduction strategy paper, 13 décembre 2000 - Joint Staff Assessment of the Poverty Reduction Strategu Paper, 12 janvier 2001

Position du FMI et de la Banque mondiale Voir les sites de la Banque mondiale et du FMI

1) Sur les CSLP - Forger des stratégies pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, services de la Banque mondiale et du FMI, 22 septembre 1999 - Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté -- Questions d'ordre opérationnel, services du FMI et de la Banque Mondiale, 10 décembre 1999 - Concluding Remarks by Chairman of the IMF's Executive Board -- Poverty Reduction Straregy Papers -- Operational Issues and Poverty Reduction and Growth Facility -- Operational Issues, Executive Board Meeting 99/136, 21 décembre 1999 - Partenaires dans la transformation du développement : nouvelles perspectives de l'élaboration de stratégies de réduction de la pauvreté maîtrisées par le pays, Groupe de la Banque mondiale, mars 2000 - Rapport d'avancement sur les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, services de la Banque mondiale et du FMI, 13 avril 2000

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- Rapport sur le développement dans le monde 2000/2001 : combattre la pauvreté, BIRD - Banque mondiale - Poverty Reduction Strategy Papers - Progress in Implementation, services de la Banque mondiale et du FMI, 20 avril 2001

2) Sur l'Initiative PPTE - site de la Banque Mondiale : http://www.worldbank.org/hipc/french/french.html - Initiative PPTE -- Rapport d'avancement, services de la Banque mondiale et du FMI, 14 avril 2000 - Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) : renforcer le lien entrel'allègement de la dette et la résorption de la pauvreté, services de la Banque mondiale et du FMI, 17 septembre 1999

3) Sur la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) - The IMF's Poverty Reduction and Growth Facility (PRGF), services du FMI, mars 2001 - Prêts du FMI aux pays pauvres - Qu'est-ce qui distingue la FRPC de la FASR ?, services du FMI, avril 2001

Position des ONG - La nouvelle proposition des institutions de Bretton Woods : les Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (ou Poverty Reduction Srtategy Papers). Document de positionnement des associations françaises de solidarité internationale, de défense des droits humains et de protection de l'environnement, Agir ici - AITEC - CRID, mars 2000 - Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, Globenet, mars 2000 - Treize questions et treize réponses sur les réductions annoncées de la dette du tiers monde, Solidarités-info n°106 - Guide citoyen du Fonds Monétaire International à l'attention des militants et des ONG, Carol Welch, Amis de la Terre, 2000 - Pour une réforme des Institutions financières internationales ! Agir ici, l'AITEC et le CRID - SRP - Stratégies de Réduction de la Pauvreté ou Stratégies de Relations Publiques ?, CIDSE et Caritas Internationalis, septembre 2000 - Institutions financières internationales et lutte contre la pauvreté : du discours à la réalité. Positionnement d'organisations de la société civile française sur les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP), Solagral, mars 2001 - An independent guide to PRSP, Eurodad, été 2000 - De la dette à l'éradication de la pauvreté : quel rôle pour les cadres stratégiques de réduction de la pauvreté ?, Kathleen Selvaggio, Caritas Internationalis, CIDSE, juin 2001

NOTES (1) A Cologne, les chefs d'État et de gouvernement du G7 ont décidé un plan d'annulation de la dette, d'accélérer les allègements de dette dans le temps et d'annuler toutes les dettes bilatérales dans le cadre de programmes d'aide au développement. Ils ont exprimé le lien entre l'annulation de la dette et la lutte contre la pauvreté et ont affirmé l'importance de la participation de la société civile dans le développement ainsi que celle de la transparence et de l'ouverture des budgets. Cependant, lors du G7, les mécanismes garantissant que l'allègement de dette bénéficie réellement aux pauvres n'ont pas été définis. Il a été décidé que cette tâche revenait à la Banque Mondiale et au FMI, d'où la création des CSLP. (2) A cet égard, certains documents reproduits en annexes sont issus du CSLP de la Mauritanie. Les CSLP n'étant disponibles qu'en anglais, les textes joints le sont aussi. (3) Dans le présent rapport, le terme IFI est entendu dans un sens restreint, il désigne uniquement le FMI et la Banque mondiale.

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(4) Il existe, par ailleurs, un lien à double sens entre la croissance et la pauvreté : si une croissance rapide est essentielle pour lutter contre la pauvreté, la persistance de cette dernière et des inégalités peut amoindrir le potentiel de croissance. (5) A cet égard, les IFI mettent en avant la possibilité de s'inspirer des évaluations de la pauvreté et des évaluations participatives de la pauvreté de la Banque Mondiale qui reposent sur une méthodologie conçue pour recueillir directement l'avis des couches de population défavorisées. (6) Il s'agit par exemple de la lenteur de la croissance du secteur agricole et de l'économie rurale, du faible accès aux services essentiels, des obstacles institutionnels empêchant les pauvres de donner leur avis et d'exercer la moindre influence sur les services qui leur sont soumis… (7) Cela comprend les crédits de l'Agence Internationale de Développement ou International Development Agency (AID / IDA), l'utilisation des ressources de la FRPC / PRGF et les engagements d'autres institutions multilatérales et bilatérales. (8) Exemples de domaines de compétences partagées : la gestion des finances publiques, l'exécution du budget, la transparence budgétaire, l'administration des impôts et des douanes… (9) A titre d'exemple, c'est une mission conjointe qui prépare la présentation du CSLP aux conseils d'administration de la Banque mondiale et du FMI. (10) La FRPC remplace la Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée (FASR / ESAF). (11) Dans cette étude, les CSLP intérimaires ne sont pas analysés. Toutefois, ces derniers sont nombreux : on en dénombre 37. (12) Cette théorie considère que le libre marché devrait présider à la fourniture et à la demande de biens et services en fonction du nombre et de la compétence des travailleurs, de la technologie, des fonds de capital d'investissement et des autres moyens de production économique. C'est la concurrence qui doit assurer l'utilisation la plus efficace des ressources et des bénéfices. (13) La FASR remplace la FAS. Cette dernière avait été créée en mars 1986 afin, notamment, d'apporter aux pays en développement à faible revenu une aide à des conditions concessionnelles en matière de balance de paiements. La FASR est quant à elle destinée à fournir des ressources aux pays membres à faible revenu qui adoptent des programmes macroéconomiques et structurels efficaces, d'une durée de trois ans, en vue de surmonter leurs difficultés en matière de balance des paiements et d'encourager la croissance. (14) L'Initiative en faveur des PPTE est en effet liée à la FRPC qui remplace la FASR en novembre 1999. La FRPC a pour objet d'encourager une croissance durable afin d'améliorer le niveau de vie et de réduire la pauvreté dans les États membres du FMI les plus pauvres et admis à bénéficier de cette facilité. (15) Il s'agit de frais qui obligent la population à s'acquitter de droit afin d'avoir accès aux services des centres de santé et des écoles. (16) En effet, d'après l'Evaluation externe de la FASR : un rapport d'un groupe d'experts indépendants, FMI, Washington, 1998 : la moyenne des taux de croissance par habitant dans les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine sous programme FASR a baissé au cours de la période 1981-1985. (17) Cette position est notamment mise en avant par Solidarités, voir Treize questions et treize réponses surles réductions annoncées de la dette du tiers monde. (18) Cette supposition est notamment mise en avant par le Secours Catholique. De la dette à l'éradication de la pauvreté… op. cit. (19) Ibidem. (20) La plupart de ces questions sont relevées par Globenet, voir Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, mars 2000. (21) Voir De la dette à l'éradication de la pauvreté… op. cit. Secours Catholique. (22) Cette critique est faite par la plupart des ONG, dont le Secours Catholique (De la dette à l'éradication… op. cit.), Solagral (Institutions financières internationales et lutte contre la pauvreté : du discours à la réalité… op. cit)… (23) A titre d'exemple, Kathleen Selvaggio indique qu'au Honduras et au Cameroun, comme des groupes de la société civile n'avaient pas participé pleinement à l'élaboration des CSLP, ils en ont produit leur propre version. Voir De la dette à l'éradication de la pauvreté : quel rôle pour les cadres stratégiques de réduction de la pauvreté ?, Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité (CIDSE), Caritas Internationalis, juin 2001. L'élaboration de "contre-CSLP" est également mentionnée dans le rapport de mars 2001 Institutions financières internationales et lutte contre la pauvreté : du discours à la réalité. Positionnement d'organisations de la société civile française sur les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP), Solagral.

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(24) Voir De la dette à l'éradication de la pauvreté… op. cit. Secours Catholique (25) Cet élément est dénoncé par la quasi-totalité des ONG, dont Agir ici, l'AITEC, le CRID (La nouvelle proposition des institutions de Bretton Woods : les CSLP, mars 2000), le Secours Catholique, Solagral… (26) Voir la position du Secours Catholique, de Solagral, de Globenet... (27) D'après Kathleen Selvaggio, au Nicaragua et en Tanzanie, les équipes de la Banque mondiale ont écrit et préparé la majeure partie du CSLP. Voir De la dette à l'éradication de la pauvreté… op. cit. (28) Le Secours catholique insiste particulièrement sur cette proposition. (29) Voir, entre autres, les positions du Secours Catholique, de Solagral... (30) Voir notamment les propositions du Secours Catholique. (31) Ibidem. (32) Voir notamment les positions de l'association CIDSE (SRP - Stratégie de Réduction de la Pauvreté ou Stratégies de Relations Publiques ?), Agir ici, AITEC, CRID. (33) Voir les positions de Globenet sur cette question. (34) Ce point est notamment défendu par l'association CIDS. (35) Cette proposition est particulièrement mise en avant par Agir ici, l'AITEC, le CDID, Solagral. (36) Ibidem. (37) Les CSLP du Burkina Faso, de la Tanzanie et de la Mauritanie datent respectivement de mai 2000, d'octobre 2000 et de décembre 2000. (38) Le CSLP de la Tanzanie répertorie quant à lui les préoccupations des différents groupes de la population. (39) Voir, De la dette à l'éradication de la pauvreté… op. cit. (40) Les principaux produits d'exportation de la Mauritanie sont le fer et le poisson. (41) Les Documents Cadre de Politique Economique (DCPE) sont désormais remplacés par les CSLP. Les prêts consentis dans le cadre de la FASR se fondent sur un DCPE global, établi pour une durée de trois ans par le FMI, la Banque Mondiale et les autorités du pays emprunteur. Le DCPE définit explicitement les mesures de politique macroéconomique et structurel qu'un pays doit suivre. (42) Là aussi l'accent est mis sur la diminution de l'inflation, la limitation des dépenses budgétaires, les privatisations, la restructuration du système financier, l'élargissement de la base fiscale, l'orientation des secteurs pauvres vers l'exportation… (43) Par exemple, le DCPE du Burkina Faso préconisait pour la santé le développement de mutuelles d'assurances,…