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ENSEIGNEMENT & RECHERCHE YOGA LES CAHIERS DU Les 9 Gopi, avancent en groupe et en confiance vers l’an 2009 - Bekha © Numéro 1 Janvier - Avril 2009 12 CHF / 8 Édités par

LES CAHIERS DU YOGA - yoga7.com · Si vous connaissez Les Cahiers de Yoga 7, vous avez ... que l’on ne peut voir, et c’est pourquoi l’adepte en lui doit opérer un barattage

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ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

YOGALES CAHIERS DU

Les 9 Gopi, avancent en groupe et en confiance vers l’an 2009 - Bekha ©

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Impressum

Rédaction :Nicole Eraers

Ont participé à ce numéro :Malek DaoukGérard DucMichèle Grandclément LefèvreFrançois LedermannR.D.S.Lysiane RogivueAnoula SifoniosWilly Van Lysebeth

Couverture et dessins :Béatrice Kilchenmann – Bekha

Photos :Romeo Dos SantosCatherine van DykInternet, Divers

Maquette / Composition :

Maquette: Michel BarrasComposition: Michèle Lefèvre

Adresses :Nicole EraersCase postale 461256 Troinex076 337 69 [email protected]

Secrétariat : Aarbergergasse 213011 BerneTél. 031 311 07 17 Fax 031 311 07 11Permanence tél. lundi et vendredi [email protected] : www.yoga.ch

Délai :Dernier délai de rédaction du prochain numéro: 15.03.09

Abonnement :3 numéros par an :30 CHF/22euros + frais de portCCP 17-304838-7

Sommaire

Editorial  3

PhilosoPhieCes cinq kosha qui nous enveloppent...  4

Vibrations : son et matière  8

PratiquePratique de yoga matinale  14

Fiche posture : Simhasana  16

Silences  17

Au cœur du corps sonore : le yoga de la vibration  �1 

Yoga et problèmes de dos : hernie discale   3�

sagesse de vieDe la relation : parole et écoute  10

De corps et d’âme  34

tradition0.1.�.3. : Le monde  �9

MythologieNarashima, l’homme-Lion  40

téMoignagesBabaji  �4

J’ai enseigné le yoga en métropole chinoise  �8

santé - Bien-êtreManger serein  37

CuisineTchaï indien, un excellent thé au lait et aux épices  38

Kitchari, un plat vite fait  38

yoga suisseContacts au sein de Yoga Suisse  39

Ecoles de formation d’enseignants en Suisse Romande 39

Agenda  39

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editorial

Si vous connaissez Les Cahiers de Yoga 7, vous avez

sans doute remarqué un chan-gement sur la couverture… En effet, votre revue s’appelle dorénavant Les Cahiers du Yoga. Pourquoi ce chan-gement ? Parce que Les Cahiers ont l’honneur d’être devenus la revue de tous les membres franco-phones de Yoga Suisse (ancienne-ment Fédération Suisse de Yoga). C’est pour nous la preuve d’une recon naissance très stimulante de la qualité de notre journal, qui res-tera tel que vous l’avez toujours connu, dans l’es-prit comme dans la forme.

A toutes les personnes qui découvrent Les Cahiers, nous souhaitons la bienvenue. Notre désir est de diffuser le plus largement possible, et d’approfondir, la connaissance du Yoga sous ses différents

aspects: pratiques, philosophie et sagesse, mais de nous ouvrir aussi à d’autres traditions spi-rituelles. Comme vous le ver-

Editorial

sité. Vous aussi, vous pouvez apporter votre contribution, en écrivant des articles, ou en envoyant des dessins, des

caricatures, des pho-tos, des témoignages, des commentaires. Par ailleurs, si vous êtes enseignant(e), peut-être pouvez-vous encourager vos élè-ves à s’abonner aux Cahiers, comme com-plément aux cours que vous leur dispensez, car ils s’adressent aussi à eux ?

Les Cahiers ont tou-jours été, et reste-ront, conçus et réa-lisés avec amour et enthousiasme. Dédiés au Yoga et à tous les chemins qui mènent à un élargissement de la conscience, à la joie d’être et à la paix, ils constituent un trait d’union entre nous

tous, qui sommes ouverts à la Vie, dans son expression au quotidien, comme dans son mystère.

Je vous souhaite bonne lecture!

Nicole Eraers Rédactrice

Bekha ©

On sait bien que le lait a toujours la même couleur quand les nombreuses vaches qui le donnent ont des robes d’aspects divers :

ainsi est une la Science tout comme est une la couleur du lait, alors que les doctrines sont multiples, comme le sont les couleurs des robes des vaches.

Et la connaissance est cachée en chaque individu, tout comme dans le lait le beurre que l’on ne peut voir, et c’est pourquoi l’adepte en lui doit opérer un barattage

intérieur constant, utilisant son propre esprit comme pilon à baratter. (1)

 (1) Amrta Bindu Upanishad – 18-20

rez, diverses personnes écri-vent, chacune dans leur style, sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Et c’est cette multi-plicité des apports, ces diffé-rents éclairages qui font toute la richesse du journal, créant une belle unité dans la diver-

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PhilosoPhie

Si le monde est qualifié d’« ir-réel » (cf. l’advaïta-vedanta), ce même monde, dans le relatif, existe bel et bien. Issue de l’ab-solu, la création s’est progressi-vement matérialisée, s’incarnant jusque dans les couches les plus denses de la matière. La manifes-tation (1) est donc présente partout, des niveaux les plus subtils aux niveaux les plus grossiers (terme non péjoratif). Les humains que nous sommes ne font pas excep-tion à cette manifestation et, dès lors, possèdent en eux plusieurs plans (ou « niveaux ») d’existence de qualité variable. Pour être plus simple, nous pourrions dire que chaque être humain est composé de plusieurs « corps » qui s’em-boîtent les uns les autres et dont la nature est différente, allant du plus dense au plus impalpable.

La Taittiriya Upanishad (2), dans sa deuxième partie,

décrit ce qui constitue l’homme, du plus matériel au plus spiri-tuel et examine ces kosha, ces « emboîtements », ces « enve-loppes » (3) « entourant » l’âme individuelle (atman). Elle en distingue cinq, dont l’ensemble constitue chacun d’entre nous, un peu comme des poupées russes dont les parois incertaines communi-

 (1) Tout ce qui est créé.

 (2) Les passages cités sont tirés de la traduction de M. Buttex, d’après la version anglaise de Swami Gambhirananda (publiée par Advaïta Ashram, Calcutta)

 (3) Ou « gaines », « fourreaux », « revêtements »… autant de termes équivalant à peu près au mot sanskrit.

quant entre elles, ne seraient pas des cloisons rigides mais des couches poreuses.

Ces « enveloppes » dérobent à notre perception l’identité de brahman (= le Divin, l’Absolu, le Soi). Pour « réaliser » que ce brahman (présent en nous et

alors appelé atman (4)) est notre seule et véritable nature, il convient d’éliminer peu à peu tout ce qui fait écran à notre conscience et qui procède de l’illusion (mâya) (5). Dès lors les « enveloppes » ne seront plus séparées les unes des autres: unifiées, elles nous apparaî-tront comme apparences faus-sement multiples d’une seule vraie Réalité. Précisons que chacune d’elles est le support d’un niveau de conscience dif-férent et d’un mode vibratoire particulier. Chacune se ratta-che à trois « corps » ou « for-mes » de plus en plus subti-les et constitue une transition entre la précédente et la sui-vante :

Examinons les caractéristi-ques de chacune de ces enve-loppes, de la plus superficielle à la plus intérieure :

 (4) Voir, dans le n° précédent, l’article concernant ces deux notions.

 (5) « A l’origine, tout ce qui nous entoure n’était que le non-manifesté, Brahman. De Cela émergea le mani-festé… » (op. cit. II, 7,1)

Ces cinq kosha qui nous enveloppent…

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PhilosoPhie

Annamaya-kosha, l’enveloppe de nourriture, le corps physique.

« [De la nourriture naquit] l’homme. Cet homme, tel que nous le connaissons, est véritablement un produit de l’essence de cette nourriture. » (II,1,1)

Il s’agit là de l’enveloppe cor-porelle physique, dense, mesu-rable, constituée des éléments qu’on trouve également dans la nature.

Prânamaya-kosha, le corps énergétique, à l’intérieur du précédent.

« … différent de ce soi qui consiste en l’essence de la nourriture, bien que situé à l’intérieur de la gaine de celui-ci, se trouve un autre soi intérieur qui, lui, est fait de souf-fle, d’énergie vitale. » (II, 2, 1)

Ce revêtement est en lien avec le corps physique. C’est la gaine de la force vitale provenant du souffle vital (prâna) qui cir-cule dans les nadi, l’énergie qui meut le corps, pousse à agir. En constante résonnance avec les énergies émanant de l’envi-ronnement immédiat (person-nes, lieux, objets…), le corps prânique protège le corps physique en lui transmettant l’énergie dont il a besoin pour bien fonctionner. Tout ce que nous appelons « vivant », les plantes et les animaux possè-dent ce revêtement.

Manomaya-kosha, l’enveloppe mentale.

« … différente de ce soi qui consiste en l’essence de l’énergie vitale, bien que situé à l’intérieur de la gaine de celui-ci, se trouve un autre soi intérieur qui, lui, est fait de conscience, de matière mentale, manas… » (II, 3, 1)

Ce « lieu » est celui des émo-tions, des sentiments (tou-jours contradictoires : j’aime – je n’aime pas), des mémoires

(chitta) qui agissent sur les sens. Agités par les peurs, le doute et les désirs, ce que nous perce-vons à ce niveau est faussé car très subjectif. Plus ce champ

relationnel sera équilibré, plus les vibrations émises sont bien reçues par autrui et donc apaisantes. A contrario, si nous sommes gonflés de colères plus ou moins refoulées, les autres s’éloignent de notre champ énergétique.

Vijnânamaya-kosha, l’enveloppe d’intelligence, de connaissance supérieure.

« … différent de ce soi qui consiste en l’essence de la matière mentale, bien que situé à l’intérieur de la gaine de celui-ci, se trouve un autre soi intérieur qui, lui, est fait d’intellect, de connaissance valide, vijnâna. » (II, 4, 1)

Reflet de l’Intelligence absolue (chit), capable de discriminer le vrai du faux par une prise de conscience supérieure ou par l’intuition, cette enveloppe ren-ferme ahamkara (principe d’in-dividuation) et buddhi (intelli-gence supérieure, faculté per-mettant l’éveil). Si l’ego mani-pule le mental pour satisfaire ses besoins, buddhi transcende ce même mental et permet le discernement. C’est le premier pas vers l’éveil (donc la fin de la tyrannie de l’ego), la décou-verte du vrai Moi et de son identité avec le Soi suprême. L’intensification de ce champ vibratoire est ouverture au monde suprasensible : elle transforme le sujet et ceux qui l’entourent.

Ânandamaya-kosha, l’enveloppe de félicité.

« … différent de ce soi qui consiste en l’essence de l’intellect, bien que situé à l’intérieur de la gaine de celui-ci, se trouve un autre soi intérieur qui, lui, est fait de féli-cité, ânanda. » (II,5,1)

A ce niveau, nous accédons au corps de béatitude, supé-rieur à tous les conditionne-ments. Le sujet se sent alors partie intégrante et non sépa-rée de la création. Il acquiert une qualité d’être qui lui per-met de guider les autres et de les inciter à abandonner leurs

Bekha ©

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PhilosoPhie

limitations égocentriques. Pro-che du Divin, non affecté, il reste néanmoins contenu dans la manifestation formelle : le sage qui veut atteindre la Libé-ration doit renoncer à ce corps de félicité – et au désir même de franchir ce dernier seuil…

La lumière du Soi, même si nous ne la percevons pas, est présente dans ces cinq gai-nes et non seulement dans la dernière. Insistons sur le fait qu’elles ne sont pas étanches et communiquent en s’inter-pénétrant. Leurs vibrations, de fréquences plus ou moins subtiles, peuvent entrer en harmonie. C’est ainsi qu’une sensation purement physique peut vibrer à d’autres niveaux et nous amener au seuil d’une « enveloppe » moins « gros-sière » que celle du corps maté-riel, car – nous l’avons déjà dit - ces enveloppes sont aussi des « niveaux de conscience ». Dès lors, il est patent que, par elles, nous sommes aussi mis en relation avec les envelop-pes des êtres qui nous entou-rent et avec qui nous commu-niquons à des niveaux dif-férents, de manière plus ou moins consciente.

Et en pratique ?L’atman est comme englué dans ces fourreaux par les identifi-cations qui me font croire que je « suis » ce que j’« ai » ! C’est ainsi que, sans cesse, non seu-lement dans ce que je dis mais ce que je sens, je m’identifie…

- à mon corps, à son bien-être, à sa souffrance, à ses apparences (« Je suis gros, bronzé, laid… »). Anna-maya-kosha me retient pri-sonnier.

- … à l’agitation incessante ou à la passivité qui me caractérisent, à l’énergie qui m’anime (ou non), à mes sensations sans cesse variables (« Je suis affamé », « Je suis en forme »…) Prâ-namaya-kosha me retient prisonnier.

- … aux sentiments fluc-tuants (« Je suis enthou-siaste, déprimé, impa-tient »…), aux émotions perturbantes, aux désirs incessants : acheter une maison, séduire ma voi-sine… Manomaya-kosha me retient prisonnier. Tant que mon mental n’arrive pas à

faire silence, tant que les souvenirs remontent en moi – y compris, bien sûr, les pulsions inconscientes, tant que cette machine à produire de l’émotion, des regrets et des projets fonc-tionne, je lui suis soumis. Je suis constamment en réac-tion (alors que je me crois dans l’« action »)

Et puis je m’approche de Vijnâ-namaya-kosha qui m’aide à per-cevoir ces trois prisons et à me libérer de leur pouvoir… Si j’ai vraiment accédé à ce niveau, je peux faire cesser les « fluctua-tions du mental » (donc le cours des pensées) ; je ne m’identifie plus aux émotions, aux peurs. Je deviens témoin : j’observe ce qui se passe en moi sans en être affecté. Je vois enfin ce qui « est » et non ce que je pro-jette… Certes, j’aurai aussi à me libérer de cette enveloppe et de la suivante, la plus subtile, mais en attendant, avoir rejeté les trois premières constitue déjà un immense progrès !

Si j’arrive à me désidentifier, à me « désengager » (A. Des-jardins) de l’ensemble, si je ne me limite plus à « être mon corps », à « être mon mental », mon regard traverse ces enve-loppes et accède au cœur où brille la Lumière que rien ne fait plus jamais vaciller. C’est la fin des illusions et l’accession à la vérité concernant mon iden-tité: atman – brahman.

L’individu qui « pénètre » la dernière enveloppe connaît le samâdhi, état de conscience supérieur, source d’une béati-tude indescriptible. Sans parler de cet état somme toute assez peu fréquent (que l’on peut cependant avoir expérimenté très fugacement, de façon tota-

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PhilosoPhie

lement inattendue), qui n’a pas le souvenir de la joie hors norme éprouvée devant une œuvre d’art, picturale, musi-cale ou autre ? ou devant un coucher de soleil, un ciel étoilé, etc. ? C’est l’être entier qui est alors submergé et non seule-ment telle ou telle zone précise de l’être… Il convient donc de se faire attentif à certains signes qui nous aident à nous repérer sur le chemin, à pres-sentir ce que peut être l’atman et sa plénitude...

Que faire alors ?Ce parcours (très mental pour l’instant !) que nous achevons dans ces dernières lignes peut aboutir à une question : que faire – ou comment faire ? Tou-tes les traditions offrent des « techniques » et le yoga en particulier. Les postures de yoga vont agir sur le corps physique, les techniques res-piratoires sur le corps prâni-que ; pratiquer le prânâyâma, c’est pouvoir intervenir sur ses émotions (niveau de mano-maya-kosha), se libérer peu à peu du petit moi étriqué - et ainsi de suite… Observation de soi, concentration, médita-tion purifient les corps subtils:

les outils sont tous à notre portée ! N’oublions pas que, ces envelop-pes étant reliées, travailler à met-tre plus d’harmo-nie dans le corps, c’est aussi tra-vailler à mettre plus d’harmonie dans le mental. Tous les exerci-ces en lien avec le yoga (âsana, prâ-nâyâma, mudra, bandha) visent à cette « purifi-

cation ». Mais il convient de développer parallèlement une qualité de conscience toujours plus affinée, plus globale, déga-gée des impressions passées, des empreintes psychiques per-turbantes, de l’ego et de ses exigences inces-santes (y com-pris des pro-grès qu’il consi-dère comme un juste retour des efforts accom-plis !) Il convient avant tout d’ob-server, autant et aussi souvent qu’on le peut, ce qui se passe en nous, sur les plans physique (sensations cor-porelles), prâni-que (respiration), mental (émo-tions). Observer sans juger, sans refuser. Fixer son atten-tion sans se crisper, sans viser un quelconque dépassement. C’est simple mais nous n’y sommes pas habitués…

Au néophyte choisissant de faire confiance à ses facultés

« naturelles » - donc bien sou-vent à ses ressources de pure volonté - nous formulerons une mise en garde : pour dépasser nos limites (physiques, énergé-tiques, mentales…) il convient d’abord de les accepter. On est libre de ce qu’on accepte, pri-sonniers de ce qu’on refuse. Refuser les limitations de son corps (trop raide, pas assez beau, etc.), de son mental (paresseux, etc.), c’est se cris-per, rendre les kosha herméti-ques, empêcher la circulation d’énergie entre eux. En revan-che, accepter son corps et ses limitations, physiques mais aussi mentales, permet d’en-trer dans un état de détente, donc d’accéder au deuxième fourreau (prânamaya-kosha), lié au corps subtil.

Unifier le corps, le cœur et la tête, cela peut nous mener, sinon vers la Libération, en tout cas vers l’exercice de cette liberté rare à laquelle chacun de nous peut prétendre sans être exagérément optimiste.

Gérard Duc

Bekha ©

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Postures

PRATIQUE DE YOGA MATINALE (~10-1� min.)Michèle Grandclement Lefèvre

Tadâsana Quelques instants debout, corps aligné, respiration complète : abdominale, thoracique, haute.

Alternatives

Ardha Chandrâsana Allonger le corps vers le hau-Contracter les fessiers. Flexion, le regard tourné et le torse ouvert vers le haut.

Plusieurs respirations immobile

G / D - Plusieurs respirations immobile

Parivritti UtkatâsanaPieds et genoux joints, mains en Namaste.Idéalement, amener le coude sur la cuisse opposée.

G / D - Plusieurs respirations immobile

Pieds et genoux joints, mains sur les hanches. Torsion.

PârshvakonâsanaUne main au sol, derrière la jambe pliée. Tronc tourné vers l’avant et le haut.

G / D - Plusieurs respirations immobile

S’il n’est pas possible de mettre la main au sol, tout en gardant le tronc ouvert vers l’avant et le haut, prendre appui sur la cuisse avec l’avant-bras.

PâdottanâsanaJambes tendues, sommet de la tête au sol. Mains au sol entre les pieds, doigts dirigés vers l’avant. Ne pas arrondir le dos Diriger les ischions (som-met des fesses) vers le haut.

Plusieurs respirations immobile

Mains sur les cuisses, jambes tendues, dos plat. Ne pas arrondir le dos, sinon, remonter un peu le tronc. Diriger les ischions (sommet des fesses) vers le haut.

UttanâsanaJambes tendues. Ne pas arrondir le dos.

Plusieurs respirations immobile

Si les mains ne touchent pas le sol, plier les jambes ou demi-posture, dos à plat, menton rentré.

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Pratique

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SIMHASANA : La posture du Lion (1)

Nicole Eraers

Sanskrit : SIMHA = le lion / ASANA : posture

 

Description : Assis, jambes croisées, mains posées sur les genoux, ou bras tendus en avant, doigts écartés, bouche grande ouverte, langue tirée, yeux écarquillés, regard sur la pointe

du nez ou sur un point loin devant soi, ou encore vers le point entre les sourcils. Il y a plusieurs attitudes, notamment aussi assis sur les talons, genoux très écartés.

Effets du point de vue symbolique et psychologique : Le lion est considéré universellement comme le roi, le plus puissant des animaux, mais

c’est un animal dangereux dont les forces doivent être domptées. En chacun réside une part de violence, que cette posture nous permet d’extérioriser de façon inoffen-

sive. « Le pratiquant trouvera dans cette posture la force psychique, morale et intellec-tuelle lui permettant de s’élever contre les forces brutales et les passions égoïstes » L’or-

gueil diminue et l’amour se développe, nous discernons mieux le vrai du faux.

Effets du point de vue physique et physiologique : Développe la force des bras et la cage thoracique, renforce les muscles de la nuque

et du cou, assouplit les chevilles, hanches et genoux. La position de la cage tho-racique, des omoplates et des clavicules favorise l’équilibre respiratoire. La thy-

roïde, parathyroïde, et le nerf optique sont stimulés. Cette posture est favo-rable en cas de difficultés d’élocution (p.ex. bégaiements), d’enrouement.

Préparation : Préparez et chauffez les chevilles, la ceinture scapulaire, les poignets et les mains.

Prise de la posture : Asseyez-vous sur les talons joints, genoux largement écartés, ou en tailleur. Les mains sont posées à plat sur les cuisses sur lesquelles elles

exercent une pression, poids du buste sur les bras. Les épaules sont soulevées vers l’avant, les coudes légèrement écartés du corps. Inspirez à fond et, poumons pleins, laissez

monter l’énergie de la colère; expirez : cambrez le dos, ouvrez largement la bouche et sortez la langue en la tirant vers le menton, écarquillez les yeux, montrez les dents,

contractez tous vos muscles faciaux pour avoir un air terrifiant, tendez vos bras vers l’avant, les doigts en forme de griffes, rugissez (2). Si vous le faites jambes en tailleur, sur l’expira-tion, les mains se placent au sol devant les genoux, les fessiers décollent du sol, le poids

du corps bascule sur les bras, poignets, mains (3). On peut placer les trois bandha.

Respiration : rugissement sur l’expiration. On peut aussi rester dans la posture pendant 30 secondes à 3 min. en respirant de façon

régulière, sans effort, par le nez, même si de l’air sort par la bouche (3).

Concentration : Fixez un point devant vous. Portez l’attention sur votre poitrine, centre solaire du cœur, « lieu où s’échangent les rythmes respiratoire et circula-

toire, dont l’équilibre réalise l’union des substances physique et spirituelle ».

Contre-indications : Problèmes de genoux.

 (1) Cette fiche est inspirée de Yoga et Symbolisme, Shri Mahesh, p.153-157 ; Editions du Rocher, France, 1996

3)

3)

2)

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Pratique

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Pratique

Silences d’enfanceDe prime abord, « silence » s’en-tend au négatif : ne pas faire de bruit, ne pas parler. Pour l’en-fant, faire silence c’est se retenir. Mais, autrefois, le maître d’école exigeant le silence n’était pas vrai-ment répressif. Ecouter c’était obéir, certes, mais surtout appren-dre. Accueillir pour grandir. Ce silence-là complétait le calme, l’immobilité. Il incarnait la récep-tion attentive.

Par-delà le silence scolaire, il y avait le

« chut » du grand-père - doigt sur la bouche et yeux grands ouverts - invitant à écouter les chants d’oiseaux, les rumeurs du vent dans les arbres. Parfois, l’en-fant croyait entendre sa comptine préférée. Mais, si le grand-père bûcheron s’éloignait trop et se perdait de vue, alors les bruits de la forêt devenaient énig-matiques, voire mena-çants ! Ecoutant au loin les coups de hache bien rythmés et les « han » rassurants du souffle au travail, l’enfant redeve-nait capable de s’émer-veiller des bruissements de la forêt. Chaque lieu chan-tait selon les heures et les sai-sons, selon les aléas du vent. En même temps, il captait les senteurs de l’air, les émana-tions de la terre. Tout cela don-nait chair à d’évanescentes lumières. Elles sont devenues la moelle des sens. Cet enfant pouvait se fondre dans l’écoute au point de s’effacer, de rêvas-ser en silence.

Comment ne pas évoquer ici les silences sublimes, paisi-bles et partagés, de l’adulte ? Ils adviennent sans la moindre invite explicite. Emerveillés, contemplatifs d’un paysage, d’un visage, d’un objet ; ces silences ont des relents sacrés. D’ailleurs ne fait-on spontané-ment silence à l’entrée de lieux de culte, d’une bibliothèque ou d’un musée ?

Que de silences !

Feuilles blanches  et silencesLe yogi maîtrise la voix, la parole. Son art, sa recherche, libèrent et accomplissent.

Le silence précède et reçoit la musique. L’orchestre, l’inter-prète, les trois coups du lever de rideau demandent l’écoute

silencieuse. Tout silence est réceptacle. Il « contient » la musique, comme la feuille blanche le dessin et l’écriture.

Le silence du gesteL’immobilité incarne un silence. Elle suspend le bavar-dage des automatismes nous tirant hors de nous-mêmes. En animation suspendue, le geste instaure l’écoute de l’ « ici-maintenant ». L’absence totale

de changement, de varia-tion, crée une lisse conti-nuité des sens - elle fil-tre les impulsions et les sollicitations. Elle est un silence (comme le ron-ronnement régulier du frigidaire que l’on cesse d’entendre).

La constance des sensa-tions (articulaires, ves-tibulaires, musculaires, etc.) ouvre une perspec-tive dans laquelle aper-cevoir de subtils et ténus stimuli. Alors, l’« événe-ment corporel » délicat, enfoui - et radicalement nouveau - éblouit d’évi-dence !

Le silence du geste se trouve aussi dans le domaine viscéral. Le

rythme respiratoire exprime un fond, le « blanc » où s’im-priment les formes et couleurs inaperçues jusque-là.

Une expérience d’être ... L’assise méditativeL’assise est au yogi ce que l’art de la barre est au danseur : une ascèse toujours recommencée.

Silences

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Bekha ©

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Pratique

Le corps, articulé comme  un langage

Toujours à propos de l’ossa-ture, notez qu’elle n’est pas un monobloc : ses éléments s’ar-ticulent. Chaque jointure a une marge de manœuvre – un « degré de liberté ». Le corps est articulé comme un langage. Ses dizaines d’unités interagis-sent. Elles ont d’innombrables compositions possibles. L’éven-tail des gestes, attitudes, posi-

tions et mouvements poten-tiels est pratiquement illimité. Jamais un humain, aussi créa-tif fût-il, ne réalisera l’ensem-ble des gestes concevables, réalisables. De même, n’épui-serons-nous jamais l’ensem-ble des combinaisons possi-bles des phonèmes et des mots d’une quelconque langue ! Qui dira le dernier mot prononça-ble ? Qui clôturera la gestuelle humaine ?

Assis immobiles, nous pres-sentons cet espace immense des gestes possibles …et n’en effectuons aucun. L’immo-bilité du méditant est riche d’une infinité de gestes vir-tuels. Ce silence du geste n’a rien de forcé, ni de figé. Il se vit comme un silence d’écoute attentive, disponible, capable

de mouvement, d’expression, de jeux multiples et variés.

Une stabilité rythmée

Autre chose touchant aux join-tures et articulations : leur fine observation révèle qu’elles transmettent le moindre mou-vement (tels ceux de la respi-ration). Autrement dit, le tra-vail des côtes appuyant sur les vertèbres dorsales donne un prolongement vertébral aux

mouvements rythmés du diaphragme. Il fait égale-ment bou-ger les épau-les et les bras. Ainsi, les poignets d é t e n d u s reçoivent-ils de légères i mpulsions r y t h m é e s émanant du diaphragme. Bref, l’im-

pulsion centrale se prolonge dans les mains (immobiles, relâchées, ouvertes, douce-ment posées sur les genoux

Ressentons, imaginons l’ossature 

Les os vivent (jusqu’à la moelle!). Ressentons-les inti-mement, sans les réduire à une mécanique inerte. Une

position bien charpentée fixe le mental par son lien avec la terre. Ainsi prenons-nous racine et sommes-nous littéra-lement prolongés dans le sol. Le ferme ancrage assure la sta-bilité et fonde la sécurité. Plus nous nous sentons en sécurité,

plus nous pouvons accueillir la nouveauté, l’inconnu. Or, la méditation ouvre au « tout autre », à ce qui n’a jamais été perçu ni pensé. Cette capacité de prendre le large n’est pas banale car, pour la plupart, nous sommes extrêmement frileux et, même, un brin soup-çonneux. L’inconnu devient vite étrange, inquiétant, mena-çant. L’enseignant accompa-gnera ces personnes agitées. Il les habituera délicatement à l’immobilité dont l’apprentis-sage ressemble parfois à une cure de « désintoxication ».

Catherine van Dyk ©

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toucher (… d’où sa parenté avec les mudras). Quelles for-mes nous attendent silencieu-sement sous la peau ?

Une mélopée silencieuse 

Les cris et gémissements poten-tiels sont sublimés en ondes silencieuses par la transforma-tion du souffle. Le yogi sait que l’œil du cyclone émotionnel est calme lorsqu’il s’aborde sans « peur de la peur » au travers du souffle (la pause expiratoire et les rythmes réguliers de la respiration abdominale).

Nous y chantons la mélopée silencieuse du souffle (ajapa-japa) et dansons ses rythmes « non frappés » (anahâta).

L’ultime

Quand le « dernier son » est absorbé dans l’Akshâra (immobile, immuable), un silence absolu révèle Shabda-brahman, l’expression vibratoire de l’Etre.

L’expérience des man-tras présuppose une capacité de silence. La sensibilisation aux vibrations sophis-tiquées de la voix émane des tréfonds.

Cette « gestuelle » tra-vaille le corps tout entier. Les mantras sont l’équivalent vibratoire des yantras et manda-las (ces dessins et dia-grammes sont quasi-ment magiques, telle-ment ils contiennent de « conscience-énergie »). Cependant, les uns

émanent du silence, les autres de l’invisible.

Willy Van Lysebeth

de l’étroite interaction entre les mouvements respiratoires et les flux d’air dans la gorge. Ce lien souple et fluide, toujours intime, donne valeur expres-sive aux inflexions du respir. Il chante une mélopée silen-cieuse.

Sans la moindre tension pho-natoire, les ondes abdomina-les sont « chantées-dansées » (si le diaphragme et la colonne vertébrale titillent ensemble la sensibilité vestibulaire). Cet étrange « geste vocal » pose la pensée.

Vies silencieuses

Les organes sont des êtres pour lesquels « mon » corps est

« leur » milieu de vie. Le yogi apprend le dialogue imagé, intuitif avec eux. Ce langage des organes est une sorte de

Pratique

ou superposées dans le giron). Apaisées, les mains n’agrip-pent rien, ne veulent saisir ni accrocher ni retenir. Elles s’abandonnent aux fines sen-sations (la caresse de l’air entre les doigts, d’infimes pulsa-tions, la chaleur de la pulpe, etc.).

En résumé : la source de stabi-lité, de ferme soutien est aussi le siège d’impressions ryth-mées.

Autrement dit : le dur et ferme est ouvert et rythmé. Il n’a rien de figé. Il ne disqualifie nul-lement la danse et l’action ! N’oublions pas que la figure mythique – l’emblème du yoga – n’est autre que Shiva Nata-raja, le seigneur de la danse. Le méditant immo-bile vit et ressent maints rythmes. Il danse.

L’immobilité du penser

L’immobilité des yeux et le relâche-ment de l’appareil vocal complètent le dispositif d’at-tention. Le mono-logue de la pensée se dissout dans le corps. A l’exem-ple des yeux, le méditant contrôle l’appareil vocal. La détente pho-natoire est telle qu’aucune forme ne peut s’énon-cer. Elle résulte du port de tête (en équilibre), de l’ouverture du ventre, de la détente des mâchoires et, last but not least,

Hommage au Silencieux

Hommage au Maître dont – en une trentaine d’années de rencontres –

je n’ai jamais entendu le son de la voix :

Sri Sri Sri Satcitananda,le Mouni yogi

Madras, décembre 1974

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Mythologie

La légende de Narashima, l’homme-lion

Illustrations Béatrice Kilchenmann-Bekha

Narashima, l’homme-lion, est l’une des incarnations de Vishnu. Le roi des démons, Hiranya Kasipu avait obtenu de Brahma la faveur de n’être tué ni de jour, ni de nuit, ni dans sa maison,

ni en dehors, ni sur terre, ni sur l’eau, ni par un dieu, ni par un homme, ni par un animal. Ce démon persécutait les dieux, les hommes, et même son fils Prahlada, ardent dévot de Vishnu.

Il avait plusieurs fois essayé de le tuer mais Prahlada était protégé par Vishnu dont il prêchait l’omniscience, l’omnipotence et l’omniprésence. Hiranya Kasipu demanda à son fils pourquoi il

ne pouvait pas voir Vishnu dans l’un des piliers de son palais puisqu’il était partout et, furieux, il fendit un pilier en deux. Une créature terrifiante en sortit : un homme à tête de lion.

Narashima projeta le roi des démons en l’air, alla s’asseoir au seuil du palais, plaça Hiranya Kasipu sur sa cuisse et le mit en pièces. Ce n’était pas le jour, ni la nuit, c’était le crépuscule.