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novembre - décembre 2012 n° 201 Les cahiers 2,60 Des liens pour aimer, partager, servir La zoothérapie : Aider l'animal pour soutenir l'homme Dossier // « Mon père était un Araméen errant » Xavier Emmanuelli, ancien ministre et fondateur du Samu social L’invité // Spi r itualité //

Les Cahiers Ozanam n° 201

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Dans les Cahiers Ozanam n°201 : - Un dossier spécial sur la zoothérapie : aidez l'animal pour soutenir l'homme. - Une interview exclusive du Dr Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social - Un reportage photos sur la retraite nationale à La Salette etc ...

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novembre - décembre 2012 n° 201

L e s c a h i e r s2,60 €

Des liens pour aimer, partager, servir

La zoothérapie : Aider l'animal pour soutenir l'homme

Dossier //

« Mon père était un Araméen errant »

Xavier Emmanuelli, ancien ministre et fondateur du Samu social

L’invité //Spiritualité //

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3n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam

L a générosité est souvent l’occasion pour nous de partager nos richesses,

qu’elles soient financières, matérielles, intellectuelles ou morales, avec ceux qui en sont plus ou moins démunis. Il s’agit de gestes spontanés qui contribuent à soulager diverses formes de pauvreté.

Et pourtant, ce n’est pas là la charité de proximité à laquelle nous invitent Monsieur Vincent, Sœur Rosalie Rendu et sur leur exemple Frédéric Ozanam.

La démarche vincentienne nous invite à établir une rela-tion d’échange avec les personnes en situation de précarité reposant sur la réciprocité. Cette approche suppose alors un renversement de perspective. Elle repose non pas sur les

MagazineL’événement : Rome, la charité en direct du Synode 4

Histoire : Aller au pauvre avec Sœur Rosalie Rendu 32

L’invité : Docteur Xavier Emmanuelli, ancien ministre et fondateur du Samu social 35

Courrier 38

SpiritualitéRéflexion : « Mon père était un Araméen errant » 24

L’invité : Père Vincent Clossais : « De l’amour défiguré à l’amour transfiguré » 27

Contemplation 28

Prier en Conférence 31

ServiceActus SSVP 12

Actualités juridiques et sociales 17

International 20

Carnet de route : Retraite nationale chez la « Belle Dame » de La Salette 21

Dossier La zoothérapie

Quand les animaux aident à remonter la pente 6

Entretien : Christophe Blanchard, maître-chien et sociologue 9

Reportage : Aider l’animal pour soutenir l’homme 10

édito //

La fragilité nous rapproche

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richesses que nous pouvons donner, accentuant ainsi une situation d’inégalité, mais sur nos fragilités qui sont un ter-rain d’échange plus accessible aux démunis et qui préserve toute leur dignité.

Nous avons tous des fragilités que nous nous attachons à maîtriser, à surmonter et à occulter dans la relation avec l’autre. Elles sont pourtant une occasion de rencontre dans les difficultés. Consciente du temps que cela nécessite, la relation vincentienne exige une approche personnalisée dans la durée.

à travers la démarche Diaconia, l’église de France met, elle aussi, l’accent sur les fragilités.

Bertrand Ousset Président national

Ce numéro comprend un encart d’abonnement entre les pages 2/3 et un bon de commande entre les pages 38/39.

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Magazine // L’événement

Nous sommes préoccupés, malgré quelques allu-sions pleines d'espoir à la charité, par le peu d'at-

tention accordée à l'action socio-caritative de l'église dans l'évangélisation telle que présentée dans les docu-ments préparatoires du Synode […].Nous constatons que n’y est pas reflétée la place du service de la charité dans le contexte et le processus d'évangélisation que l'église est appelée à mener à bien et qui est l’objet de ce Synode.Ce manque de considération pour le service de la charité nous amène à exprimer quelques préoccupations. Nous savons que l'évangélisation est en soi œuvre de charité, car nous reconnaissons que la charité ne se réduit pas à l’action socio-caritative de l'église, mais nous souhaitons que ce service de la charité soit pris en considération comme élément constitutif de la mission évangélisatrice de l'église.

Crise de crédibilitéDe plus, la crise de crédibilité de l'église et, par consé-quent, la faiblesse de sa mission dans la société actuelle, est un fait. Des enquêtes nous disent que les gens ne mettent pas leur confiance en l'église des vérités, de l'orthodoxie. Par contre, les institutions ecclésiales dédiées à la « diaconie de la charité » suscitent la confiance. Comme si la diaconie de la foi était diffé-

Lors du Synode sur « La Nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », Michel Roy, secrétaire général de Caritas Internationalis, a plaidé pour que la charité soit au centre de l’évangélisation. Son intervention n’est pas sans rappeler ce qui préoccupait déjà Frédéric Ozanam : le témoignage chrétien passe par la charité. Au nom de toutes les associations de charité, il appelle les pères synodaux à la rétablir comme premier moyen d’évangéliser nos sociétés. Résumé de l’intervention.

Rome, la charité en direct du Synode

rente de la diaconie de la charité. La nouvelle évangé-lisation doit permettre de voir qu'il s'agit d'une seule diaconie aux deux visages. Plus encore, la diaconie de la charité devrait être le moteur de la mission, la porteuse de la vision.Si le service de la charité n'est pas considéré comme évangélisateur et n'entre pas dans la réflexion du Synode comme élément constitutif de l'évangélisation, l'évangélisation s’appauvrit et le service caritatif est

Michel Roy, de Caritas, se fait l'avocat de la charité.

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2. Reconnaître le rôle central de la diaconie de la charité comme un moyen privilégié d'évangélisation.3. Miser sur une ecclésiologie de la charité qui évangé-lise du social dans le social.4. Considérer l'importance de l'exercice organisé de la charité dans le témoignage évangélisateur de l'église.5. Valoriser comme acteurs de l'évangélisation ceux qui exercent le ministère de la charité.6. Animer la spiritualité exigée par l'exercice de la cha-rité pour qu’elle soit évangélisatrice.7. Clarifier le fait que proclamer l'évangile dans l'exer-cice de la charité n'est pas faire du prosélytisme.

La question fondamentale dans la nouvelle évangélisa-tion n'est pas seulement de savoir comment annoncer l'évangile, mais de nous demander si l'évangile que nous annonçons est Bonne Nouvelle pour les pauvres, et si nous, comme église, rendons crédible cet évangile.La diaconie de la charité doit être le moteur de la mission et le signe de sa crédibilité. //

déformé et se réduit à une conséquence éthique de l'évangile et à une tâche assistancielle.Les documents présynodaux ne reflètent pas adéqua-tement l'enseignement du Magistère pontifical sur le sujet. Ils ne reflètent pas l'enseignement de Benoît XVI qui nous offre des affirmations claires et lumineuses sur la dimension évangélisatrice du service de la cha-rité qui ne peuvent être ignorées. Ils ne reflètent pas non plus des affirmations claires du Président du Conseil pontifical pour la Nouvelle évangélisation.Si ces lacunes étaient maintenues au Synode (un Synode consacré à l'évangélisation dans toutes ses dimensions, et non seulement à la catéchèse, à l'éducation ou à la pastorale familiale), nous perdrions une occasion unique de donner à la charité la place qui lui revient dans la mission évangélisatrice de l'église et d’apporter à l’annonce de l'évangile la signification et la crédibilité dont elle a besoin.

Sept propositions pour la charitéIl y a beaucoup de chrétiens dans le monde qui, comme bénévoles ou salariés engagés, offrent leur vie et leur contribution à l'église à travers des institutions et des œuvres caritatives. L’église perdrait un grand poten-tiel pour l'évangélisation si elle n’envisageait pas son engagement social comme un véritable instrument d'évangélisation et si elle ne leur donnait pas de mes-sages de reconnaissance, d’orientation et d'encourage-ment à ce service.Et serait perdue une occasion unique d'améliorer et de renforcer l’ecclésialité de Caritas et des institutions de l’église dédiées à la charité. En effet, le chemin pour renforcer l’ecclésialité de l’action socio-caritative consiste à donner à la charité la place qui lui revient dans la mission évangélisatrice de l'église et dans les structures pastorales de la communauté chrétienne.Prenant tout cela en compte et pour renforcer le dyna-misme de la nouvelle évangélisation, nous voulons faire au Synode quelques propositions :1. Présenter l’action socio-caritative de l'église comme une dimension constitutive de l'évangélisation.

L’action

caritative

et sociale

de l'église,

dimension

constitutive

de la nouvelle

évangéli-

sation

Benoît XVI pour la charité //

L’appel de Benoit XVI à une « nou-velle évangélisation » a fait l’objet d’un Synode sur le thème « La Nouvelle évan-gélisation pour la transmission de la foi chrétienne », du 7 au 28 octobre 2012. Parmi la centaine d’experts venus du monde entier, et qui ont participé aux travaux des 250 évêques choisis par les conférences épiscopales, figurent quatre laïcs français, dont Michel Roy.

Ce plaidoyer vient faire écho aux encouragements adressés le 21 septembre par Benoît XVI aux évêques français pour la démarche de Diaconia 2013-Servons la fraternité : « Je voudrais encore vous adresser mes encouragements pour la démarche Diaconia 2013, par laquelle vous voulez inciter vos communautés diocésaines et locales, ainsi que chaque fidèle, à remettre au cœur du dynamisme ecclésial le service du frère, particulièrement du plus fragile. »

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Dossier //

Les cahiers Ozanam n°201 - novembre-décembre 20126

La zoothérapie : Quand les animaux aident à remonter la pente

De nombreuses personnes sans-abri s'accrochent à la vie grâce à leur compagnon à poil. Plusieurs structures sociales ont compris la force de cette relation et s'ap-puient sur elle pour nouer des contacts, voire pour les guider vers une réinsertion. Texte et photos par Céline Marcon

- Illustrations Ambroise Meyer-Bisch

Sans Loulou*, son berger allemand, David* aurait sans doute perdu

espoir en la vie. Après la faillite de son entreprise, il a perdu son travail, sa maison et sa femme. Depuis quatre ans, il vit dans la rue. Loulou, lui, est resté fidèle malgré la galère. « Il ne me reste plus que mon chien. Ce n'est pas évident dans ma situation de m'en occuper, mais je ne pourrais pas m'en passer. Il sait m'écouter et me réconforter. Je l'aime comme une mère aime son enfant. C'est pour lui que je veux m'en sortir », confie le quarantenaire, les yeux émus et cernés. Comme David, de nombreuses per-sonnes sans domicile fixe, surtout depuis une vingtaine d'années, adoptent un ami à quatre pattes, généralement un chien et rarement un chat ou un rat. Ils trouvent en lui un compagnon de réconfort pour affronter la dureté de leur quotidien et en parlent souvent comme de leur « enfant ». Le mot est fort, car c'est un de leurs rares liens sociaux, voire le seul.

Un molosse pour se protégerMais cette relation est mal comprise dans notre société et aggrave leur mar-ginalisation. « Un centre de stabilisation m'a viré à cause de Togy, mon american staff [un pitbull, ndlr], car il le considérait comme dangereux. Pourtant, il est bien dressé », s'insurge Nicolas, 23 ans. Le bon

Plus qu'un ami : une mère, un défenseur, un enfant.

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tre d'hébergement à ouvrir ses portes aux chiens, avec vingt-cinq places pour eux et cinquante pour les hommes. Des consulta-tions vétérinaires sont aussi offertes. Pour le directeur, Joseph Jouffre, cette ouverture va de soi : « La mission de l'Ordre de Malte est de s'occuper de tous les plus faibles, sans exclure personne. En plus, les chiens ne nous ont jamais posé de problèmes car, au contraire des préjugés, ils sont souvent bien dressés. Nous avons aussi instauré des règles, par exemple, ils n'ont pas le droit d'aller dans les parties communes. »

Se détacher de son binômeUn projet qui ne pourrait fonctionner sans la centaine de bénévoles réguliers. Il a fait des émules dans toute la France, notamment à Nantes ou à Avignon. Mais

sens admet que dans la rue un molosse protège plus des dangers qu'un caniche. L'exemple de Nicolas n'est pas un cas isolé. La majorité des structures sociales refu-sent les animaux parce qu'elles craignent leur éventuelle agressivité, les contrain-tes d'hygiènes et le coût supplémentaire. Leurs maîtres préfèrent alors rester dans la rue. Comment pourraient-ils se séparer de l'être qui les raccroche à la vie ?Certains lieux, encore rares, l'ont bien compris et, au lieu d'exclure l'animal, s'en servent comme d'un tremplin pour l'aide. Amarrée sur un quai parisien, la péniche le Fleuron Saint Jean, de la cou-leur verte de l'espoir, est un des pionniers dans ce domaine. Inaugurée en 1999 par l'Ordre de Malte France et la Fondation 30 Millions d'Amis, elle est le premier cen-

actuellement, seulement une centaine de lits sont disponibles dans la capitale pour les propriétaires d'animaux, et les villes de province sont moins bien loties. L'accueil de ce public particulier pose, il est vrai, des problèmes. L'association parisienne Les Enfants du Canal, qui accompagne des personnes en situation précaire, arrive à les contourner : « La rela-tion des maîtres avec leurs chiens est si fusionnelle qu'ils ont du mal à leur impo-ser des contraintes, comme la muselière. Nous essayons de leur faire comprendre qu'elles sont indispensables dans les lieux publics et qu'il faut savoir se détacher de son binôme pour la liberté de l'un et de l'autre », explique Cédric Lautard, respon-sable de l'accueil de jour. Et d'ajouter : « Le chien peut nous servir d'outil de reliance,

à lire //

Un gUidE POUr L'AccUEiL dE PUBLic AvEc chiEnSLe guide Des maîtres et des chiens, publié par la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale), encour-age les structures d'aide à ouvrir leurs portes aux personnes accom-pagnées de chiens. Pratique et concret, il fourmille d'informations sur la règlementation et donne des pistes pour l'organisation au quo-tidien. Il est disponible sur le site www.fnars.org.

« L'animal peut nous servir d'outil de reliance »

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Dossier //

le chien ni pour son propriétaire. Après une évaluation de leurs potentiels et de leurs freins, l'axe de travail est de mener de front l'éducation du premier et la pro-gression du second, comme le détaille Nathalie Simon : « J'enseigne au maître la communication positive, qui fonctionne mieux que les engueulades pour se faire obéir. Il apprend en même temps lui-même à communiquer en société. Et il progresse dans sa démarche d'insertion, car il est motivé par son chien, pour le mettre à l'abri. »Autre expérimentation à Strasbourg, dans un village d'insertion d'Adoma. Depuis 2010, les résidents peuvent assister une fois par mois à des ateliers avec leur chien. Animés par l'association Lianes, ils alternent exercices d'éducation canine et temps de discussion. Sa directrice, Sabine Roubire, en explique les objectifs : « Notre but est de créer du lien et d'apprendre à

connaître les personnes par le biais indirect du chien. Nous essayons aussi de leur redonner confiance en elles, en valorisant la réussite des exercices. Par ailleurs, les animaux ont un effet apaisant et créent de la convivialité. J'ai constaté que des personnes, au début renfer-mées, sont arrivées à se détendre et à s'ouvrir aux autres. » Des pre-miers pas encourageants sur le chemin de l'insertion. //* Les prénoms ont été modifiés.

quatre pattes disposent de leurs propres banques alimentaires (Croquettes du cœur, Gamelles pleines...), de services de soins gratuits, (Vétérinaires pour tous, Sapah...) et de « nounous », dans des che-nils sociaux, pour libérer leur propriétaire lors de démarches administratives, profes-sionnelles ou médicales.

Un compagnon pour l'insertionD'autres initiatives vont encore plus loin : elles placent la relation de l'homme et de l'animal au cœur de l'accompagnement social. C'est le cas du programme « Le chien, un compagnon pour l'insertion », lancé en 2008 à Nantes par le centre d'hé-bergement et de réadaptation sociale de Saint-Benoît et par Nathalie Simon, vétéri-naire comportementaliste. L'adaptation à un nouveau mode de vie, avec un emploi et un logement, n'est une évidence ni pour

(de l'anglais rely : s'appuyer sur, faire confiance), notamment pendant les marau-des. Les personnes parlent parfois plus facilement de leur situation par le biais du chien, sans s'impliquer elles-mêmes. »Des associations se consacrent aussi à l'aide des animaux des personnes les plus démunies. Leur but premier ? Les sortir de l'isolement, car elles demandent plus facilement du soutien pour leur compa-gnon que pour elles-mêmes. Ainsi, les

Contacts //

La péniche le Fleuron Saint Jean (Paris). Tél : 01 45 58 35 35

Les Enfants du Canal (Paris)Tél : 01 53 62 06 65

Centre Saint-Benoît (Nantes)Tél : 02 51 82 28 66

Lianes (Strasbourg)Tél : 09 50 22 34 93

Sur la Seine, la péniche le Fleuron Saint Jean : des pionniers dans un bateau vert espoir.

CéLINE MARCoNjournaliste, pigiste pour la SSVP.

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Entretien

n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 99

L'animal représente-t-il une aide ou un frein à l'in-sertion dans la société ?Les personnes sans-abri tis-sent souvent une relation très fusionnelle avec leurs animaux, entre autres parce qu'ils vivent 24 heures sur 24 avec eux. D'un côté, elle peut être un support fort de médiation pour l'aide sociale. D'un autre côté, elle isole car elle rend diffi-cile une séparation, même pour quelques heures. Actuellement, elle entraîne une marginalisation accrue de ce type de public, non à cause d'un manque de volonté de leur part, mais parce que la majorité des structures ne sont pas adap-

tées à l'accueil des animaux. Par exemple, comment ces personnes peuvent-elles effectuer des démarches administratives ou professionnelles si elles ne disposent pas de lieux pour faire garder leur chien ? Il est urgent que les pouvoirs publics et les professionnels du social prennent plus sérieusement en compte cette problémati-que et proposent de vraies solutions. //

christophe Blanchard : « Les personnes sans-abri tissent souvent une relation très fusionnelle avec leurs animaux » Maître-chien et doctorant en sociologie, Christophe Blanchard termine actuellement une thèse sur les jeunes en errance accompagnés de chiens. Il plaide pour une intégration de l'animal dans l'aide sociale. Propos recueillis par Céline Marcon

Quel est le portrait-type des personnes sans domicile accompagnées d'ani-maux ?La majorité sont des jeunes hommes dits « zonards », qui vivent avec deux à trois chiens. Ils sont surnommés les « punks à chien », mais si leurs tenues vestimentai-res évoquent un peu les punks des années 1970, ils se différencient d'eux au niveau idéologique. Leur nombre a vraiment explosé il y a une vingtaine d'années, en lien avec l'émergence du mouvement free party [fêtes de musiques électroniques dans un cadre assez libre, ndlr] et les prémi-ces de la crise économique. Ils sont souvent tombés dans la précarité après une adoles-cence chaotique, marquée par des ruptures familiales et des abandons. Il n'existe pas de chiffres officiels, mais certaines études estiment que la France compte de 30 000 à 50 000 jeunes en errance.

Pourquoi acquièrent-ils des animaux ?D'abord, parce qu'ils sont des compagnons de galère fidèles, quoi qu'il arrive, et des substituts affectifs qui compensent un manque important d'amour. Ce sont des véritables soutiens pour mieux survivre dans un univers urbain hostile. Ils assurent aussi des fonctions pragmatiques, comme protéger leur maître pendant leur sommeil

ou le réchauffer en période d'hiver. Dans la rue, l'animal de compagnie est souvent un chien, car il est assez obéissant et maî-trisable dans un espace public, contrai-rement à d'autres espèces. C'est aussi une sorte d'éponge affective : il redonne immédiatement la tendresse qu'on lui manifeste et il est assez expressif dans sa manière d'être.

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Maître-chien et sociologue, il regrette que ces compagnons isolent les SDF.

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Dossier // Reportage

Gamin, Choubaka et Coupdepelle, trois trésors affamés.

Intégrer l’animal qui apporte tant de réconfort au maître.

Aider l'animal pour soutenir l'hommeOffrir des croquettes aux animaux des personnes sans domicile fixe. L'idée simple mais originale de l'association Gamelles pleines a aidé des structures sociales à renouveler leur approche de ce public particulier. Reportage à Caen. Texte et photos par Céline Marcon

E n ce vendredi d'octobre, le froid commence à se faire sentir dans les rues de Caen, en Normandie.

à La Boussole, un centre d'accueil de jour, des plats chauds sont servis à des personnes en grande précarité, mais pas seulement. Leurs compagnons à poil, souvent des chiens, ont aussi droit de régaler leurs papilles. Les croquettes sont offertes par l'association Gamelles plei-nes et son président, Yohann Sévère, vient aujourd'hui ravitailler le lieu. Gamin, Choubaka et Coupdepelle, de magnifiques chiens de taille imposante, ont flairé la nourriture et manifestent leur joie. à voir le regard ému de leur maîtresse Fred, on comprend que l'initiative n'est pas si anodine qu'elle en a l'air. Au-delà du soulagement financier, la quarantenaire, qui vit dans un squat, est touchée qu'on donne de la considération à ses « tré-sors » : « Ils représentent toute ma vie et me donnent beaucoup de tendresse ».

Prendre en compte l'humanitéIntégrer l'animal dans l'aide sociale revient en fait à prendre davantage en compte l'humanité de son maître. Yohann en a pris conscience pendant l'hiver 2008, alors qu'il assurait des maraudes pour la Croix-Rouge : « Les personnes sans-abri considèrent leur animal comme leur famille et lui donnent la moitié de leur repas. Certains pensent qu'elles s'en sortiraient mieux en s'en séparant. Mais il leur apporte tant de réconfort qu'il faut plutôt les aider à s'en occuper. » Gamelles pleines est ainsi née et s'est développée, grâce aux dons de particuliers et d'entreprises, dans sept autres départements. L'année dernière, plus de vingt tonnes de croquettes ont été

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 11

distribuées à des partenaires, comme La Boussole ou le Samu social. Autres missions : participer à des maraudes alimentaires et veiller à la santé des bêtes, avec l'aide de Vétérinaires pour tous. « L'hiver dernier, une épidémie a frappé nos chiens. Sans le soutien de Gamelles pleines, il y aurait eu plus de morts », raconte Fred.

L'animal comme médiateurCet après-midi, la salle principale de La Boussole est bondée. Plusieurs chiens sont sagement couchés au pied de leur maître. Les croquettes, mine de rien, ramè-nent des gens qui n'osaient pas venir avant dans ce type de structure, comme le confirme la directrice Valérie Morange : « Ce n'est pas facile de demander de l'aide. Beaucoup de personnes entrent chez nous parce qu'elles sont motivées par le bien-être de leur animal. C'est une première prise de contact pour leur proposer ensuite des services pour elles-mêmes. » L'animal est un médiateur pour instaurer une relation, comme en témoigne aussi Yohann : « S'occuper des chiens nous a permis de créer

des liens avec des personnes, car elles se sont senties mieux comprises. »Cet après-midi, Yohann rend aussi visite à La Cotonnière, un centre de stabilisation et d'hébergement d'urgence géré par Adoma. à l'entrée, il croise une femme qu’il connaît bien : « Mon chien me cause des soucis », sou-pire-t-elle. Après avoir connu la rue, elle est aujourd'hui dans une phase d'insertion et n'arrive pas à adapter son chien à sa nouvelle vie. Yohann l'écoute et lui prodigue des conseils. C'est aussi un de ses rôles de répondre à ce genre de situations. Il rejoint ensuite Nathalie Charles, directrice de La Cotonnière, très satisfaite du partena-riat avec Gamelles pleines : « L’association nous aide à accueillir les animaux en nous fournissant la nourriture et en répondant à nos questions, par exemple, sur la vaccination. » Et Yohann de renchérir : « Notre but est de réduire les contraintes par rapport à l'animal pour faciliter l'accompagnement des hommes. » //

Fred est recon-naissante envers Gamelles pleines, d'avoir sauvé ses chiens.

«Notre but est de réduire les contraintes par rapport à l'animal pour faciliter l'accompagnement des hommes. »

Contact

Gamelles

pleines :

7 bis rue

Neuve Bourg

l'Abbé

14000 Caen.

www.gamel-

lespleines.fr.

mail :

federation

@gamelles-

pleines.fr.

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Service // Actus SSVP

ter à faire des projets et des choix. Car quiconque n’est pas en mesure de choisir sera toujours pauvre.

« Je vois Jésus »Par la force de la prière et en toute humilité, il faut tenter d’avoir le geste ou la parole qui permettra à l’autre de se sentir aimé et digne de pendre sa vie en main.« Je me sens bien ici, car le matin je vois Jésus », confia un jour Mohammed aux bénévoles, tout en désignant du doigt le crucifix qui surplombe la salle à manger.

Habitué aux traditionnelles com-plaintes vincentiennes sur le déclin

inéluctable de notre Société, j’ai été heu-reux d’apprendre que tous s’accordaient à penser que sous cette cendre tiède chauffaient des braises qui ne deman-daient qu’à rayonner. Que de bonnes surprises depuis le lan-cement de ce projet ! La première étant l’accueil réservé à Ozanam 2015 dès la

Ozanam 2015 : « Rapport d’étonnement »

Les pauvres ont faim, mais aussi soif de repères.

convention de mars qui fit salle pleine. La deuxième fut la réaction très positive des AG 2011 et 2012 aux propositions de réflexions, d’actions et de fonctionnement du projet. Comme si cette démarche allait de soi et que la mobilisation de tous s’im-posait. Enfin la troisième surprise fut celle de l’implication des membres dans les tra-vaux proposés dans cette phase de l’im-mersion. Les réunions décentralisées ont

Michel Rouzé, président du projet Ozanam 2015, nous propose un rapport très encourageant pour le renouveau que nous engageons.

Tout l’hiver, trois jours par semaine, la Conférence de Pantin (93) organise des petits-déjeuners pour les personnes SDF ou en situation de précarité.

jusqu’à maintenant réuni plus de partici-pants que prévu ! Et les travaux complé-mentaires que vous réaliserez pourraient bien constituer une surprise supplémen-taire. Cette mobilisation autour d’Ozanam 2015 doit être pour tous un grand récon-fort. Le seul élan que cette démarche aura suscité nous rendra plus pertinents et unis dans notre engagement auprès des dés-hérités. // Michel Rouzé

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Dans la tradition vincentienne, ces repas permettent aux bénévoles

et aux personnes accueillies de nouer des liens privilégiés. Chacun est accueilli comme il est et pour ce qu’il est, quelle que soit sa croyance ou sa galère. Sourire, écouter, un geste ou un regard, cela redonne un peu de courage et de force pour ne pas baisser les bras ! Mais au-delà des problèmes matériels, les Vin-centiens sont le plus souvent confrontés à des misères morales et spirituelles. Parce que « l’amour est inventif à l’in-fini », comme aimait à le rappeler saint Vincent, le rôle des bénévoles est aussi d’éclairer, pour donner des repères, por-

Petit-déjeuner pour bien commencer la journée

Depuis, chaque matin, une bougie est allumée et réunit Vincentiens et hôtes sous le regard bienveillant de Dieu. //

Jérôme Soprano, Président de la Confé-

rence de Pantin

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 13

«T ous les mardis soir, par équipe de deux ou trois, nous partons à la

rencontre des personnes dormant dans la rue. Nous retrouvons souvent les mêmes personnes lors de nos circuits. Au fil de ces rencontres, de véritables amitiés se nouent avec certains et les langues se délient. Nous apprenons à nous connaître, nous partageons les joies et les peines de cha-cun : un contrat décroché, un deuil…

Les plus beaux visagesD’autres fois, les rencontres sont plus éphémères, mais ce sont toujours des sou-rires, des visages, des mots échangés, qui nous marquent parfois pour longtemps. Les plus beaux visages et les plus beaux

x 29/09/2012La SSvP lors de la Journée internationale des personnes âgéesLe 1er octobre, à l'occasion de la Journée internationale des personnes âgées, de nombreux bénévoles des petits frères des Pauvres et de la SSVP ont sillonné gares, places, hôpitaux, maisons de retraite dans plus de 100 villes de France pour donner une fleur aux passants, qui l'offriront à leur tour à une personne âgée souffrant de solitude. //

x Nov-déc 2012 Bertrand Ousset lance un « appel aux dirigeants-serviteurs »« à la SSVP, nous offrons aux dirigeants, dans le cadre du bénévolat, de réunir ces deux notions : diriger et servir. […] Nous appelons les dirigeants-serviteurs à nous rejoindre pour une mise en prati-que concrète, enthousiasmante qui nous dépasse tous. » //

x 11/10/2012Témoignage d’Adélaïde, bénévole de 23 ans« Je rends visite à des personnes âgées dans une maison de retraite. Avec les autres bénévoles de la Conférence jeunes, nous finissons la soirée par un temps de prière et nous étudions un texte, biblique ou autre. Cela m'a fait beaucoup de bien de rencon-trer du monde et de me sentir utile. » //

Brèves //

AnnETTE BirETnOUvELLE PréSidEnTE dU cd 2668 ans, 2 enfants

et 5 petits-enfants. à la suite d'une présentation de la SSVP par Bruno Dardelet, cette jeune retraitée a décidé de se mettre au service de notre association. Annette souhaite avant tout rompre la solitude des personnes âgées, tout en continuant d’assurer aides alimentaires et admi- nistratives auprès des plus démunis.

JEAn-nOëLchAPELLEnOUvEAU PréSidEnT dU cd 61

55 ans, 3 enfants. Cet ancien agricul-teur, très investi dans l’aide à la per-sonne, fait partie du réseau « Vocare » où il se forme pour devenir conseiller en orientation professionnelle. Son objectif premier est de rajeunir et de multiplier les Conférences locales.

2 La presse parle de nous

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Témoignage d’une maraudeuse

regards, je les ai croisés lors de ces marau-des : des visages dont la profonde dignité malgré la situation vous rendent d’un seul coup tout petit. » // Stéphanie Vallerent,

bénévole vincentienne

La Conférence jeunes de Saint-Jean-Eudes (75) organise des ma-raudes, auxquelles Stéphanie participe depuis un an et demi.

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Service // Face à face

Marie-France est chargée de la gestion d’une épicerie sociale et des relations

avec la Banque alimentaire à Montpellier. « La spécificité de cette épicerie solidaire, c’est que, pendant le temps de leurs courses, les SDF qui ont un animal domestique ont la possibilité de le laisser dans un chenil », explique la bénévole. Avec son équipe composée de six autres Vincentiens, elle accueille les mardis, jeudis et vendredis des sans-abri parfois accompagnés de leurs chiens, des étrangers en situation irrégu-lière, des chômeurs, des personnes âgées, des femmes battues, des familles sans res-sources et mêmes des étudiants.

Une confidence« Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le contact humain avec ceux que j’aide », confie Marie-France. « La rencontre avec une personne fragilisée par les difficultés de la vie. » Cette rencontre est le plus souvent furtive : « Un regard, quelques mots échan-gés, un sourire, un conseil, parfois une confi-dence, une complicité qui peut quelquefois s'étoffer de semaine en semaine lorsque la confiance grandit. Souvent, le plus impor-tant, c'est de savoir écouter. »En plus de recevoir un accueil chaleureux, les personnes trouvent ici toutes les den-rées alimentaires de base, ainsi que des

jours compter ! Généralement, les sans-abri soignent bien mieux leur animal qu’ils ne se soignent eux-mêmes. Ce qui leur revient vite cher ! » souligne-t-elle. Enfin, dans cette même démarche, le Conseil départemen-tal de l’Hérault fait régulièrement venir un vétérinaire pour une séance de soins et de vaccination des animaux accueillis. Mais le CD 34 ne s’arrête pas là et envisage de nouveaux projets. De son côté, Marie-France aimerait augmenter le temps de présence à l’épicerie sociale : « Nous vou-drions pouvoir ouvrir un après-midi supplé-mentaire par semaine. Mais pour ça, il nous faudrait recruter plus de bénévoles ! » Elle travaille pour finir à l’acquisition d’un nou-veau local, qui permettrait aux SDF d’être hébergés dans de meilleures conditions en période de grand froid. //

A la retraite depuis peu, Marie-France Mani consacre la majeure partie de son temps libre à aider les plus démunis. Bénévole vincentienne au sein du Conseil départemental de l’Hérault (CD 34), cette ancienne pharmacienne au tempérament dynamique gère une épicerie sociale, jouxtée d’un chenil. Propos recueillis par Mathilde Rimbault

Marie-France : « Les sans-abri soignent mieux leur animal qu'ils ne se soignent »

produits d’hygiène. Les produits sont ven-dus à 10 % du prix réel de leurs achats, afin d’éviter aux bénéficiaires de tomber dans l’assistanat. Mais Marie-France s’ef-force également de récupérer un maxi-mum de produits alimentaires destinés aux animaux, vendus eux aussi à 10 % de leur prix.

La dureté de la vie « Un chat ou un chien, c’est d’abord un lien social, un moyen de défense contre la dureté de la vie dans la rue. C’est une source de chaleur dans la nuit qui réconforte et une responsabilité. Mais un animal, c’est surtout un compagnon sur lequel on pourra tou-

Chiffres //

L’épicerie sociale de Montpellier, c’est en moyenne :

4 000 à 5 000 kilos de nourriture distribués par mois, et 100 kilos de croquettes par trimestre,

600 à 700 personnes aidées, Accueil d’une dizaine d’animaux

par jour : 98 % de chiens, 1 % de chats, 1 % furets.

La spécificité de cette épicerie fait la fierté de Marie-France Mani.

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 15

entrer et sortir quand j’en ai envie : on n’est plus des gamins ! » explique Bertrand*, droit et assuré. « Il y a quelque temps, j’ai invité mon frère, j’étais fier de lui montrer ma maison, ajoute Jean-Michel. Ça res-ponsabilise, on fait attention à tenir son appartement propre, le ranger, en faire un lieu accueillant. » Certains, malades ou affaiblis, bénéficient d’une aide à domi-cile. Pour d’autres, c’est la présence d’un personnel soignant qui est essentielle. « J’ai eu des problèmes cardiaques », témoigne Paul, « je me suis senti en sécurité ici, car il y avait toujours quelqu’un à qui parler, et les infirmières passent tous les jours. »C’est là que se situe l’essence de l’asso-ciation Issue de Secours : être autonome mais jamais seul, vivre sa vie mais croiser du monde, tisser des liens, retrouver la dignité et l’estime de soi. //

* Les prénoms ont été modifiés.

Les résidents sont des hommes de plus de 50 ans, aux parcours de vie fractu-

rés : accidents, maladie, alcoolisme, suren-dettement. Des hommes qui viennent se poser, car ici, à la différence des foyers, on est chez soi et on peut s’installer de façon pérenne.« Après un divorce difficile, j’étais débous-solé, j’ai vite perdu mon emploi, puis mon logement, tout s’est enchaîné et je me suis rapidement retrouvé à la rue. L’alcool, la manche, sont devenus mon quotidien. Dans la rue, j’ai appris la vie, j’ai connu les foyers, mais ici c’est différent, c’est cha-leureux, et puis je suis chez moi », raconte Jean-Michel*, la cinquantaine, barbe et cheveux longs, les yeux bleus pleins de lucidité. « Moi, c’est la spirale du surendet-tement qui m’a conduit ici, ajoute Paul*, un autre résident. Jamais personne ne voudrait me faire confiance et me louer un appartement. Sans cet endroit je serais à la rue. » Chacun des résidents arrive avec son parcours, cabossé, mais on n’en parle pas au quotidien ; le res-pect de l’intimité est une valeur fonda-mentale de cette maison-relais. « Je ne veux pas parler du passé. Je préfère vivre le présent », ponctue Jean-Michel, qui trouve son bonheur dans l’entretien du jardin, les travaux manuels, ou les cours d’informatique proposés.

Marre des conflits« Dans les foyers que j’ai connus, les repas étaient collectifs, les salles de bains et toilettes communes, on n’avait pas d’in-timité. Et puis, on était avec des jeunes, j’en avais marre des conflits de générations, des problèmes de drogue et de violence. Ici, c’est différent : dans cette maison-relais, on peut cuisiner chez soi, mais aussi déjeuner ensemble dans la salle à manger trois fois par semaine. On est auto-nome, il n’y a pas de violence. J’aime surtout avoir mes clés, ma boîte aux lettres, pouvoir

Dans la pièce lumineuse malgré la pluie, un lit, une petite table, un coin cuisine. à côté, une salle de bains équipée. Tout est simple, propret. C’est l’un des vingt-cinq studios que propose l'association Issue de Secours, à Grenoble. Texte et photos par élise Chardonnet, pigiste

Paul et Jean-Michel : « Sans cette "issue de secours", on serait à la rue »

Avant Jean-Michel, déboussolé par son divorce, vivait dans la rue.

Paul a été pris dans une spirale de dettes.

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Service // Initiatives

« Je vais chercher mes participants dans le vivier de la Cellule RSA de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (Paris VIIIe)», accueil qui reçoit de très nombreuses personnes de la rue en entretien quoti-diennement. « Pour ce qui est de la sélection, je dirais que mon choix se fait en deux temps. Il y a un pre-mier aspect rationnel dans lequel j’étudie leur CV, leurs motivations et l’envie dont ils font preuve.

Une petite lumière dans les yeuxDans un second temps, je fais aussi confiance à mon intuition. J’essaie de reconnaître ceux qui ont une petite lumière dans les yeux… » Jusqu’à maintenant, cela semble fonctionner puisque les vingt-cinq premiers stagiaires ont tous confirmé leur potentiel en trouvant un emploi ! « Lorsqu’ils terminent le stage, les CV et les lettres de motivation des bénéficiaires sont à jour, ils touchent le RSA et ont bien souvent un ou plusieurs entretiens d’em-bauche à venir. » Avec l’aide du Samu social, la Deuxième marche leur fournit également un logement pour deux mois.

Ils ont donc des conditions de vie correc-tes, de nouveaux vêtements, des contacts professionnels, et deux mois pour redeve-nir autonomes financièrement. « Enfin, je les mets en contact avec des parrains qui les suivront dans leur démarche. Ce sont des dirigeants d’entreprise qui ont le désir de se rendre utiles, "une bande de cathos en action", comme j’aime les appeler avec mon associé Thierry Bizot. C’est lui, produc-teur de télévision et de cinéma (Elephant & Cie), qui est mon fournisseur de parrains », s’amuse-t-elle. Elisabeth Tiberghien, loin de se reposer sur ses lauriers, a encore de nouveaux projets pour l’année 2013 : « Grâce aux dons reçus, je vais bientôt pou-voir proposer des ateliers hebdomadaires d’informatique et de recherche d’emploi, et un cours mensuel de théâtre ! » //

«P our des personnes SDF, la domi-ciliation administrative est une

première marche pour sortir de la préca-rité. Avoir une adresse leur permet d’avoir accès aux aides sociales et aux papiers administratifs. Mais si on en reste là, leur situation stagne ! Voilà pourquoi j’ai voulu créer une Deuxième marche, qui donne à ceux qui le veulent vraiment, des clefs essentielles à leur réinsertion », expli-que en souriant la fondatrice.

Des séminaires pour personnes SDF « J’organise des stages composés de divers ateliers, sorte de séminaires de retour à l’emploi pour personnes SDF. » Elisabeth Tiberghien décrit avec passion les trois types d’activités qui composent ces ses-sions. Soins de la personne d’abord : des exercices physiques, comme de la relaxa-tion, pour « recréer le lien avec son corps » ; des exercices de développement person-nel, avec des cours de théâtre, un « reloo-king » et une coupe de cheveux ; ensuite le retour vers l’emploi : rédaction de CV et de lettres de motivation, atelier infor-matique et simulations d’entretien d’em-bauche. « Je suis aidée par des généreux intervenants extérieurs, reconnus dans leur domaine, qui donnent gracieusement de leur temps ! », s’enchante-t-elle.

La Deuxième marche : tremplin pour une seconde chance

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Elisabeth Tiberghien a fondé l’association « Deuxième marche », pour donner à des personnes SDF une chance de se réinsérer par l’emploi. Cette retraitée, juriste de formation, s’active et sa Deuxième marche, créée en octobre 2011, a déjà servi de tremplin à vingt-cinq personnes pour sortir de la rue ! Propos recueillis par Capucine Bataille

Elisabeth (au centre) étudie les CV et les motivations.

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Actus juridiques et sociales©

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La dématérialisation des papiers pour personnes SdF

Le don en nature

I l peut prendre de très nombreu-ses formes : des produits offerts

par les commerces du quartier ou les supermarchés (allant de la viennoiserie à l’ampoule électri-que), la location de camionnette offerte pour un déménagement, les conseils gratuits d’un informaticien, etc. N’hésitez pas à solliciter les personnes autour de vous qui, trop souvent, ignorent la possibilité des dons en nature !Pour ces dons, l’émission d’un reçu fiscal n’est pas obligatoire. Toute-fois, à la demande de l’entreprise donatrice, l’association bénéficiaire pourra délivrer un reçu.Celui-ci peut comporter unique-ment une description physique des biens reçus sans préciser aucune valorisation, comme il peut aussi en mentionner une. Celle-ci doit tenir compte du coût de revient du bien donné et non de son prix de vente.Les éléments mentionnés sur le reçu relèvent de la responsabilité de l’association. Si la valorisation est donnée par le donateur lui-même, et afin de dégager la responsabilité de l’asso-ciation, celle-ci doit indiquer claire-ment sur le reçu fiscal la mention : « Valeur des biens reçus – information fournie par l’entreprise donatrice ». //

Par Sophie Rougnon

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site officiel : http://vosdroits.service-public.fr/associations/F3177.xhtml

Pour une personne qui vit dans la rue, conserver ses papiers est bien diffi-

cile, voire impossible. Comment les ranger dans un endroit à l’abri et au sec pour éviter de les abîmer ? Comment ne pas les égarer lorsqu’on n’a même pas un toit pour dormir ?Pourtant ces papiers – qu’ils soient jus-tificatifs d’identité ou de droits à faire valoir – sont essentiels pour nombre de démarches. Et celles-ci seront d’autant plus longues s’il faut d’abord reconstituer ses papiers…L’arrivée des techniques numériques per-met de tester des services de dématéria-lisation des papiers pour les SDF. Voici deux exemples d’initiative :1. La fondation Abbé Pierre teste depuis un an dans la région PACA un dispositif de Bagagerie administrative sécurisée électronique (BASE). Il s’agit d’une borne

avec une tablette et un scanner reliés à internet : le titulaire numérise le papier original (CNI, passeport…) et dépose le fichier correspondant sur un site sécurisé ; il pourra alors à tout moment accéder à ce document, à partir de n’importe quel lieu lui permettant un accès internet.2. Le service public (mon.service-public.fr) expérimente un système similaire pour permettre aux personnes sans domicile fixe et aux associations les accompagnant de stocker les documents administratifs indispensables de ces personnes.Cependant, un problème subsiste quant à la valeur du fichier numérisé. En effet, le scan n’est en fait qu’une copie, et non pas un original. Dès lors, un tiers — travailleur social, agent d’état civil — devra se por-ter caution pour certifier que le scan est valide, c’est-à-dire issu d’un authentique original. // Par Bertrand Decoux

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Service // Actus juridiques et sociales

Quand la précarité aggrave l’état de santé

Quelle aide médicale pour les migrants ?

L e s mauvaises conditions de

vie ont deux effets négatifs : aggraver les problèmes de santé et en générer.

Les problèmes de santé repérés par les médecins intervenant auprès des person-nes démunies concernent en premier lieu les infections respiratoires (près de 22 % des diagnostics), les pathologies diges-

tives (18 %) et les pathologies ostéoar-ticulaires (16 %). Plus d’un patient sur dix souffre d’une pathologie qui peut devenir grave, comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’asthme, l’épilepsie, un cancer ou encore une psychose. Une pathologie psychique ou psychiatrique a été également repérée pour près de 11 % des patients reçus en 2011. Enfin, l’état bucco-dentaire des personnes rencontrées est particulièrement dégradé, comme le

L'AME à titre humanitaireEn dehors de ces situations, il est possi-ble de bénéficier exceptionnellement de l'AME à titre humanitaire. La décision d'une éventuelle admission à l'AME à titre humanitaire ne relève pas de l'Assurance Maladie, mais appartient au ministre chargé de l'Action sociale. Il ne s'agit donc pas d'un droit mais d'une possibilité. Très peu de dossiers sont admis chaque année dans ce type de dispositif.

Articulation entre l'AME, la CMU et la CMU complémentaireSi quelqu’un est admis à l'AME et que, par

montre le nombre moyen de dents cariées et absentes. Les pathologies infectieuses se développent d’autant plus que les per-sonnes atteintes n’ont pas les moyens ou le réflexe de se faire dépister. Pour le VIH et les hépatites, il est constaté que moins d’un tiers des patients connais-sent leur statut sérologique. Chez les per-sonnes démunies qui viennent se faire dépister dans les centres de Médecins du Monde en Île-de-France, le taux de cel-les atteintes par le VIH est de 2,3 %, soit près de onze fois le taux national. Pour les hépatites B et C, il est 10 et 6 fois supérieur au taux moyen de la population générale. // Par Benoit Pesme

la suite, sa situation de séjour en France se régularise, son dossier sera transféré à la Couverture maladie universelle (CMU) de base et/ou complémentaire. à l'in-verse, s’il est bénéficiaire de la CMU et qu’il s’avère ne plus être en situation régu-lière, il pourra bénéficier de l'AME. Dans certains cas, même si une personne n’est plus en situation régulière, elle peut béné-ficier d'un maintien de droits au titre d'un régime obligatoire d'Assurance Maladie. Ainsi, il est possible de bénéficier de l'AME pour la part complémentaire, tout en res-tant cependant soumis au dispositif du médecin traitant. // Par Benoit Pesme

L’Aide médicale de l’état (AME) pour les personnes en situation irrégulière.Une personne en situation irrégulière et ne disposant d’aucune couverture sociale peut bénéficier de l’AME, à condition de résider en France depuis plus de trois mois. Les personnes qui sont à sa charge peuvent aussi bénéficier de l’AME. Si un ressortissant étranger est en ins-tance de reconduite à la frontière dans un Centre de rétention administrative (C.R.A.), il peut également en bénéficier.

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de santé publique et sur l’accès aux soins des plus précaires.

Quelles sont les évolu-tions que vous atten-dez en matière d’accès aux soins pour les plus démunis ?Nous demandons plus de solidarité dans les politiques publiques et nous le dirons lors de la conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions des 10 et 11 décembre1 : le gouver-nement doit, de toute urgence, prendre ses responsabilités et enga-ger de façon concrète des politiques sanitaires

et sociales en faveur des plus démunis. Médecins du Monde proposera plusieurs choses, dont la révision des politiques res-trictives à l'encontre des migrants pour les protéger et favoriser leur intégration. //

1. La conférence de lutte contre la pauvreté et

les exclusions annoncée par le président de la

République se tiendra les 10 et 11 décembre

2012 au palais d’Iéna (CESE) à Paris.

à l’hiver 2012, quelle est la situation en matière d’accès aux soins ?Tous les indicateurs sont dans le rouge. Dans le bilan annuel que nous avons éta-bli, nous constatons, de façon générale, une dégradation des conditions d'accès aux soins des plus démunis. La fréquenta-tion des centres de Médecins du Monde est en croissance constante et rapide. Or, pour les plus démunis – dont plus de 98 % vivent en dessous du seuil de pauvreté — il faut faire un vrai parcours du combattant pour se soigner. Résultat : un tiers d’entre eux retarde ses soins. Un autre constat alar-mant concerne les mineurs reçus dans nos centres : leur nombre a augmenté de 48 % depuis 2008. 89 % des enfants reçus pour la première fois par Médecins du Monde l’an dernier ne disposaient d’aucun droit ouvert à l’assurance-maladie. La loi leur garantit pourtant en principe un accès inconditionnel au système de soins, mais ils ne peuvent en bénéficier faute d’infor-mations, faute de moyens.

Quel est l’impact de la crise sur ces populations ?La crise économique accroît la précarité et augmente les besoins. De « nouveaux exclus » apparaissent. Ce sont des citoyens français, en situation de grande préca-

rité. Trop riches pour accéder à la CMU-C (couverture de maladie universelle com-plémentaire) et trop pauvres pour avoir une mutuelle. Par ailleurs, comme le système de santé est de moins en moins solidaire, il y a de moins en moins de rem-boursements, donc le reste à charge est de plus en plus conséquent. Cela a indé-niablement un impact sur les dispositifs

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Entretien avec le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde : l’association s’inquiète de la dégradation de la situation qui frappe les personnes les plus démunies pour lesquelles l’accès aux soins est de plus en plus difficile. Les plus touchés sont les femmes seules et les mineurs en forte augmentation. Propos recueillis par Benoît Pesme

dr Jean-François corty : « Pour les plus démunis, se soigner est un parcours du combattant »

Directeur à Médecins du Monde, il veut protéger la santé des pauvres et des migrants.

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Service // International

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SVPTreize présidents nationaux

en formation à douala

Je me suis rendu à Douala du 30 août au 2 septembre pour co-animer le pre-

mier séminaire vincentien de formation des présidents nationaux de l’Afrique francophone. Ce séminaire a été rendu possible grâce à une importante aide financière de la SSVP France, que tant de liens unissent déjà à nos confrères du grand continent. Treize pays francophones étaient repré-sentés lors de cette rencontre. Nous avons été chaleureusement accueillis par la pré-sidente nationale du Cameroun, Marie-Grâce Biyag. Les débats ont été remarquablement conduits par Basile Ondigui Fouda, res-ponsable au niveau mondial de cette par-tie de l’Afrique. Basile était secondé par le Rwandais Maximilien Usengumuremyi et par l’aumônier national du Cameroun, le père Armand Frédéric Olanguina. Ce dernier était en charge de l’animation spirituelle, qui culmina avec la réception de la délégation par l’archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda et par le cardi-nal Christian Tumi.Au cours des ateliers, j’ai été frappé par la motivation des participants. Ils étaient très attentifs aux rappels des principes et valeurs de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, notamment aux références à la

Jean-Noël Gallois, animateur de la Commission internatio-nale, raconte son séjour au Cameroun à l’occasion du premier séminaire des présidents nationaux d’Afrique francophone.

Règle internationale qu’ils doivent mainte-nant restituer auprès de leurs bénévoles.La présence de la SSVP est très inégale en Afrique, allant d’une poignée de Confé-rences pour quelques pays (Togo, Tchad, Sénégal) à un réseau dense comme au Bénin (190 Conférences), au Rwanda (216 Conférences) ou en République cen-trafricaine (222 Conférences). N’oublions pas la République démocratique du Congo, territoire immense, où survit dans des conditions très difficiles un maillage d’un millier de Conférences.Les problèmes auxquels les Vincentiens africains doivent faire face, eux, sont sou-vent identiques : communications diffici-les, insécurité, absence de siège national

permanent, manque d’argent, etc. Mais les solutions se dessinent, sous-tendues par la prière et une foi inébranlable. Une exceptionnelle coopération Sud-Sud se met de plus en plus en place. Elle vient compléter l’aide que les Vincentiens d’Europe leur apportent par le biais de jumelages, dont le principe fondateur est l’échange sur un pied d’égalité entre les membres de la grande famille vincen-tienne. // Par Jean-Noël Gallois

Marie-Grâce Biyag, Pdte SSVP-Cameroun et Jean-Noël Gallois.

Groupe du séminaire avec l'archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda.

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Carnet de CampagneCarnet de route

à l’occasion de la retraite nationale, de nombreux Vincentiens ont pris le temps de se retrouver pour une halte spirituelle de trois jours. Au cœur du magnifique sanctuaire de La Salette, ils ont redécouvert le message bouleversant laissé par la Sainte Vierge aux petits pâtres. Par Maryse Giraud-Renucci - Photos SSVP (sauf mentions)

retraite nationale, autour de notre conseiller spirituel, le père Jérôme Delsinne.Nous étions cent vingt-quatre retraitants, venus des quatre coins de France, avec une forte participation des sudistes : quarante Varois, accompagnés du père Théodore, conseiller spirituel de la Conférence Saint-Georges de Toulon, et onze Marseillais. Les Provençaux seraient-ils les plus téméraires dans leurs pérégrinations ou plus ardents dans leur spiritualité ?

à 1 800 mètres d’altitude, la basilique Notre-Dame de La Salette se dresse, majestueuse, au milieu

d’alpages déserts en Pays de Corps, à mi-chemin entre Gap et Grenoble. C’est en cet endroit isolé que le 19 septembre 1846, une « Belle Dame » apparaît à deux enfants, Maximin et Mélanie, qui gardaient leurs trou-peaux. Depuis 1872, des pèlerins venus du monde entier n’ont cessé d’affluer en ce lieu. C’est dans ce sanctuaire que nous nous sommes retrouvés pour une

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Retraite nationale chez la « Belle Dame » de La Salette

Le magnifique sanctuaire Notre-Dame de La Salette.Notre groupe de 124 retraitants.

MARySE GIRAUD -RENUCCI membre du CA de la SSVP.

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Les cahiers Ozanam n°201 - novembre-décembre 2012 22

Service // Carnet de Service // Carnet de route

Dans une hôtellerie confortable avec une excellente et copieuse restauration, nous avons vécu deux jours et demi d’intense activité spirituelle : liturgie des heures (laudes, vêpres, complies), Eucharistie, conférences.

Cinquantième anniversaireNotre séjour à Notre-Dame de La Salette coïncidait avec la date du 50e anniversaire de l’ouverture du 21e Concile : le célèbre Concile de Vatican II. Aussi, les cinq conférences animées par le père Delsinne nous ont permis de mieux comprendre cette période qui fut si importante dans l’évolution de l’église. Elles furent appréciées de tous.Le père Jérôme détailla et expliqua les chapitres les plus importants des constitutions élaborées par les membres conciliaires : Lumen Gentium, constitution dogmatique sur l’église ; Dei Verbum, constitution dogmatique sur la révélation divine ; Sacrosanctum Concilium, constitution sur la sainte liturgie ; Gaudium et Spes, constitution pas-torale sur l’église dans le monde de ce temps. Il précisa enfin que ce Concile avait regroupé des pères de l’église catholique, des membres d’autres églises chrétiennes, mais aussi des laïcs, dont des femmes, ce qui était une grande première.Nos activités spirituelles étaient entrecoupées de temps de silence, de méditations et de quelques promenades pédestres qui permirent aux participants de goûter à la beauté de la nature environnante. Beaucoup d’entre nous ont emprunté les chemins

abrupts, découvrant un splendide panorama sur les vallées du Champsaur et sur le parc national des écrins. Cette retraite fut un véritable temps de

ressourcement tant spirituel que physique.

Les paroles de la « Belle Dame »

L’aube du samedi s’est levée, lumineuse, découvrant la beauté des alpages où l’automne teintait les espa-

ces boisés d’ocre et de pourpre. L’église du sanctuaire émergeait au milieu d’un lac de brume cotonneuse, qui s’effilochait au fil des heures.Au soir, nous étions nombreux dans la fraîcheur de la

Messe dans le sanctuaire et conférence sur le concile de Vatican II.

Procession aux flambeaux autour des lieux d'apparition.

Père Jérôme Delsinne

Bertrand Ousset, Président

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 23

« Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle. Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis plus le maintenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Pour vous autres, vous n’en faites pas cas ! [...](La Vierge termine son discours en patois) Ah ! Mes enfants, il faut bien la faire [sa prière], soir et matin, ne diriez-vous seulement qu’un "Notre Père" et un "Je vous salue". Et quand vous pourrez mieux faire, dites-en d ava n ta ge . [ … ] Allons, mes enfants, faites-le bien passer à tout mon peuple ! »

nuit pour une procession aux flambeaux autour des lieux des apparitions. Ce moment magique fut partagé avec des pèlerins polonais et italiens. Mais même les meilleures choses ont une fin. Les Vincentiens se sont finalement séparés dimanche après-midi. Chacun est rentré chez soi, emportant dans son cœur les dernières paroles que la « Belle Dame » avait dites aux petits pastoureaux : « Eh bien, mes enfants, vous le [le message] ferez passer à tout mon peuple ! » Ces paroles étaient un envoi en mission. Elle nous exhorte tous à vivre ce que nous avons compris et appris durant cette retraite, bien au-delà de ces trois jours, dans nos départements, Conférences et Associations spécialisées. //

Beaucoup de Vincentiens ont découvert le superbe panorama.

La « Belle Dame » apparaît à deux enfants en 1846.

Extraits du message de la « Belle Dame » //

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Spiritualité // Réflexion

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L ’errance peut relever du déplacement physique, d’un cheminement intellectuel, ou encore d’une

pathologie mentale : errance de la pensée, errance de la recherche, de l’écriture, de l’imagination vagabonde. L’errance en réalité, sous ce dernier aspect, nous est à tous familière. La vie peut aussi comprendre des erran-ces occasionnelles, voire être une longue errance. Ainsi elle intrigue, fascine ou au contraire, inquiète. On s’y jette, on y tombe, on y résiste ou encore on s’en préserve. Mais à quoi renvoie-t-elle ?

Un double sensLe verbe « errer » possède un double sens. Le premier venant du latin errare signifie « aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure. » Verbe qui, au figuré, signifie s’égarer. Référence à la pensée qui ne se fixe pas, qui vagabonde. Mais ce verbe renvoie aussi à se tromper, avoir une opinion fausse, s’écarter de la vérité. Par le passé, l’errant était celui qui errait contre la foi, c’était le mécréant, l’infidèle, le pécheur, l’hérétique. Ici, l’errance qui est un éloignement conduit à l’erreur. Mais ce verbe errer ne doit pas être confondu avec un autre, qui se trouve dans l’ancien français et qui signifie aller, voyager, cheminer (du bas-latin iterare). C’est ce verbe qui est usité pour envoyer le peuple à la fin de la messe – Ite. Missa est –, pour parler de la présence

érémitique des chrétiens géorgiens et aluaniens au Ve siècle marchant sur la trace des Hébreux, du cheva-lier partant pour Jérusalem, des ordres mendiants, du « Jacquet », du « Romieu » ou encore du pèlerin russe2, figures qui renvoient toutes à celle du Juif errant, figure historique et prototypique mais également personnage imaginaire tant peint par Chagal. L’errance peut donc s’envisager au moins sous deux aspects. D’ordinaire, elle est associée au mouvement, souvent à la marche, à l’idée de fuite, d’égarement, à l’absence de but. On la décrit comme une obligation à laquelle on succombe sans trop savoir pourquoi, qui nous jette hors de nous-mêmes et qui ne mène nulle part. Elle signifie échec pour ne pas dire danger. L’errance, vue sous cet angle, s’accompagne d’incertitude, d’in-quiétude, de mystère, de solitude, d’angoisse et de peur. C’est une épreuve. Elle est perte de soi-même.

Comportement déviant ou quêteCe premier aspect de l’errance envisage l’errant comme un être égaré, désœuvré, à la dérive, tel le possédé géra-sénien errant dans les tombeaux, sorte de SDF de notre période contemporaine qui ne sait plus qui il est. Bref, elle est considérée comme relevant d’un comportement déviant. Ainsi est-elle en effet parfois vécue. Mais l’er-rance est-elle toujours l’expression d’une crise ? Faut-il

« Mon père était un Araméen errant »1 L’errance a de nombreux visages. Marque de l’élection du peuple hébreu dans la Bible, qui fonde le devoir d’accueil de tout « errant » ou étranger, elle reste le signe d’une fuite en avant, d’une épreuve. Mais elle figure aussi la démarche de l’âme humaine, assoiffée de Dieu, la traversée du désert de celui qui n’a pas d’attaches. Par Jérôme Delsinne, c.m.

JéRôME DELSINNE c.m., conseiller spirituel national de la SSVP.

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Pourtant, le problème principal de l’errance n’est rien d’autre que celui du lieu acceptable. L’errant en quête du lieu acceptable se situe dans un espace très particulier, l’espace intermédiaire. […] L’errance est certainement l’histoire d’une totalité recherchée. Car l’errance n’est ni le voyage ni la promenade, etc. Mais bien : Qu’est-ce que je fais là ? » 3

Cette recherche du lieu acceptable distingue l’errance du voyage. Voyager, c’est quitter son domicile ordinaire pour l’inconnu, mais il y a un retour. On ne cherche pas

n’envisager que les affres de l’errance ? Sans doute pas, car elle possède de nombreuses autres facettes et peut porter en elle les prémices d’une démarche créatrice. Le peuple d’Israël a fait cette expérience de l’errance : d’esclave, il est devenu, en fuyant en toute hâte l’égypte, libre en recevant la Loi et en traversant le désert pen-dant quarante ans. En référence au second verbe errer – iterare –, être errant c’est être, à un moment donné, sans attache particulière, allant d’un lieu à un autre, en apparence sans véritable but. En apparence seulement, car l’errance – c’est son deuxième aspect – peut être une quête. Une quête d’autre chose, une quête identitaire quelquefois mais, bien souvent une quête d’un ailleurs qu’Alexandre Laumonier appelle le « lieu acceptable » : « L’errance, terme à la fois explicite et vague, est d’or-dinaire associé au mouvement, et singulièrement à la marche, à l’idée d’égarement, à la perte de soi-même.

« L’errance est la quête incessante d’un ailleurs où je serai enfin accueilli, où je pourrai enfin m’arrêter. »

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Le Passage de la mer Rouge,de Nicolas Poussin, 1634.

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Spiritualité //

un autre lieu où vivre. C'est un éloignement momentané de la mère patrie. Le plaisir de voyager dont a parlé Ernst Bloch dans Le Principe Espérance n’existe que si ce voyage est volontaire et souhaité, s’il relève d’une décision et d’un projet 4. Il exprime un désir d’horizons nouveaux, d’aventure, d’émancipation vis-à-vis d’un monde jugé étriqué. Voyager, c’est vouloir s’affranchir momentanément du connu.

S’affranchir pour devenir libreLa marche guidée des Hébreux dans le désert fut donc un long périple à la recherche de ce lieu acceptable et promis dont l’inattendu, l’inconnu, l’errance, le doute, la soif et la faim sont les composantes. Dans cette errance sinaïtique, l’objectif n’est pas de se perdre – rester escla-ves – mais au contraire de s’affranchir – devenir un peuple libre avant même d’arriver en terre promise. Être « Araméen errant », c’est faire le long apprentissage à la fois de la Loi, nouvelle de liberté, et d’une attache particulière avec le Seigneur, Dieu de nos pères, « Celui qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de ser-vitude » (Deutéronome 5, 6).L’errance est la quête incessante d’un ailleurs où je serai enfin accueilli, où je pourrai enfin m’arrêter. Du

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fait de cette quête, il n’est pas envisagé de retour en arrière. Car l’errance relève de la nécessité intérieure, nécessité de partir, de porter ses pas plus loin et son existence ailleurs. Le retour serait la marque de l’échec de l’errance parce qu’expression de l’inaccessibilité de la quête. L’errance peut avoir une fin. L’Alliance marquera la fin de la séparation et de cette errance. « Maintenant, notre marche prend fin, devant tes portes, Jérusalem ! » (Psaume 121, 2). //

1. Deutéronome 26, 5.

2. Récits d’un pèlerin russe. Cet ouvrage anonyme paraît en 1870.

Il rapporte des récits d’un pèlerin russe à son père spirituel.

3. Alexandre Laumonier, « L’errance ou la pensée du milieu »,

Le Magazine littéraire, n° 353, « Errance », avril 1997, p. 20.

4. Ernst Bloch, Le Principe Espérance I, traduit de l’allemand par

Françoise Wuilmart, Paris, Gallimard, 1976, pp. 439-440.

La Fuite en égypte, de Giotto, 1305.

Livre //

Le Principe Espérance est un livre monumental, le plus important d’Ernst Bloch, philosophe « révisionniste » marxiste. L’auteur revient sur le concept d’utopie concrète où les potentialités individuelles aboutissent à l’actualisation, non dans la transcendance d’un ciel inaccessible, mais par le progrès de l’Histoire. Il présuppose que l’être des hommes est inachevé et que cet inachèvement appelle la recherche d’autres modulations de l’être : l’homme tel qu’il peut et tel qu’il doit être n’a pas encore existé jusqu’à présent et il doit advenir. L’homme est tendu vers l’avant. Il ne peut avoir de repos dans un immobilisme satisfait ou inquiet. Il a l’espoir chevillé au corps que la recherche d’un monde meilleur n’a jamais lieu en vain, qu’elle a toujours des prolongements et quelque chose d’irrépressible.

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Témoignage

n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 27

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Note //

La Mission de France a été créée en 1941 par des évêques catholiques, sous l’impulsion du cardinal Suhard pour « abattre le mur » qui sépare l’église d’une partie de la société. C’est un diocèse rassemblant des prêtres, des diacres et des laïcs engagés pour vivre l’évangile en milieu professionnel.http://catholique-mission-de-france.cef.fr

Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler auprès des gens de la rue ?Tout petit, j’ai été marqué par l’expé-rience de mes parents, engagés auprès des personnes handicapées qu’ils rece-vaient dans leur ferme. Après des études agricoles, j’ai suivi une formation d’édu-cateur en parallèle de l’enseignement du séminaire, pour entrer dans la Mission de France. Mes activités de bénévolat auprès de personnes fragilisées (porteurs de han-dicaps, femmes prostituées…) m’ont alors conforté dans ce désir de m’orienter vers un travail social. En terminant mes études théologiques, j’ai présenté un mémoire sur les person-nes prostituées : « De l’amour défiguré à l’amour transfiguré ». Ordonné diacre puis prêtre, je suis maintenant le répon-dant, à Grenoble, d’une équipe de la Communauté, dont tous les membres sont engagés auprès des personnes en préca-rité. Je suis travailleur social dans trois maisons-relais pour l’accueil et l’accom-pagnement de personnes ayant connu de grandes difficultés matérielles et morales : gens de la rue, prostituées, couples…, voire « gens à la rue » rencontrant des problè-mes psychiques et psychiatriques !

En tant que prêtre, comment vivez-vous cet engagement ?Les gens qui viennent de la rue ont suivi

Le père Vincent Clossais, prêtre de la Mission de France, à Grenoble, témoigne de son engagement auprès des prostituées et des personnes à la rue. Propos recueillis par Juliette Asta

Père vincent clossais : « De l’amour défiguré à l’amour transfiguré »

un parcours chaotique. Ils arrivent cassés, fragilisés. Ils se sentent considérés comme des objets et non plus comme des person-nes. Avant même de traiter les problèmes d’addiction qui les concernent souvent (alcool, drogue...), il faut les aider à recons-truire leur propre image, faire émerger en eux les éléments positifs restés étouffés par les difficultés rencontrées. Pour moi, c’est chercher à faire mourir en eux ce qui fait la précarité de leur vie et faire renaître tout ce qui est confiance en soi, dignité, désir, plaisir. Leur redonner « le souffle de Dieu ». à chaque rencontre, je suis replongé dans la signification de mon baptême et dans celle de la mort et de la résurrection du Christ.

La reconstruction d’une personne qui a connu la galère demande de la patience, du temps, comme l’a mon-tré le Christ qui a su prendre le temps d’expliquer sa mission. J’ai aussi appris à ne pas juger ceux que j’accueille, car ils peuvent me toucher sur mes propres faiblesses et fragilités. Je retrouve avec eux l’humilité, la simplicité de cœur. « Laissez venir à moi les petits enfants. » (Marc 10, 14), car le Royaume de Dieu rassemble ceux qui ont gardé un cœur d’enfant. Nous cherchons à révéler en eux ce qu’il y a de positif et, en réalité, ce sont eux qui viennent nous révéler

qui nous sommes vraiment et tout ce qui nous habite ! Comme l’a si bien dit saint Vincent de Paul : « Les pauvres sont nos maîtres » ! //

Faire mourir ce qui fait la précarité de leur vie.

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Spiritualité // Contemplation

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Repos pendant la fuite en égypte, de Adam Elsheimer, 1609 - huile sur cuivre, Alte Pinakothek, Munich.

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 29

De quoi demain sera fait ?

Dis-moi, Seigneur,

de quoi sera fait demain,

mon demain à moi,

celui de ceux que j'aime ?

Tous ces demains semés d'espérances

qui attendent de germer,

les vois-Tu, Seigneur ?

Les vois-tu ces espérances enfouies

au plus profond de nos jardins secrets,

là où personne n'entre

sinon Toi et Toi seul ?

Dis, les feras-tu éclore un jour

nos espérances en graines,

nos rêves, nos projets ?

De quoi sera fait demain ?

Après tout, qu'importe,

puisque Ta présence, Seigneur,

m'accompagnera au cœur de mes déserts,

comme au plus fort de mes joies.

Ta présence qui m'invite déjà

à vivre aujourd'hui

comme pour mieux réaliser demain.

Non, ne me dis pas Seigneur

de quoi demain sera fait.

Dis-moi seulement que Tu es là.

Robert Ribert

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Spiritualité // Parole de Dieu

Les cahiers Ozanam n°201 - novembre-décembre 2012 30

«L a présence aimante de Dieu, à travers sa Parole, est une lampe qui dissipe les ténèbres de la peur et qui éclaire

le chemin, même dans les moments les plus difficiles. » Ainsi s’est adressé Benoît XVI aux jeunes lors des JMJ de 2006. à la suite des disciples qui ont été nourris par la Parole de Jésus, laissons-nous éclairer au quotidien par cette Parole, à la lumière de l’enseignement de l’église. Apprenons à redécouvrir par la lecture et la méditation des textes bibliques et religieux, la lectio divina, la richesse de cet enseignement pour être à notre tour une Lumière pour les autres. Souvenons-nous que cette Lumière ne vient pas de nous, mais de Dieu et que nous pouvons, à tra-vers notre témoignage de vie, chacun à sa manière et avec ses talents propres, refléter le vrai visage du Seigneur. //

M ais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste,

car il avait de grands biens. »

J e suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, je suis celui qui

est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant. »

T a parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. »

I l nous est facile de nous comparer au jeune homme riche qui désire obtenir la vie éternelle, mais ne peut se résoudre à

se détacher de tout ce qu’il possède pour suivre Jésus. Dans la culture religieuse juive, la richesse était considérée comme une bénédiction de Dieu. Et, à la réponse de Jésus, ce jeune homme à la vie irréprochable voit s’écrouler sa conception de la religion et de sa relation à Dieu. Il voulait tout obtenir mais aussi tout conserver. Il est ainsi placé devant un choix : tout garder ou tout quitter. Et nous, aujourd’hui ? Jésus ne condamne pas la richesse, mais ceux qui s’en font des esclaves. Être chrétien, c’est accepter de suivre Jésus, même si l’on n’est pas parfait, on fait ce que l'on peut ! Cependant le Christ nous appelle tous à apprendre le détachement, certes des biens matériels, mais aussi et surtout, à faire le vide intérieur pour mieux L’accueillir et accueillir les autres. Tout simplement, Il nous demande d’aimer. à nous de faire le bon choix et de ne pas choisir la tristesse ! //

L ’Apocalypse de saint Jean est le livre dit de la Révélation. Dieu s’est révélé à nous en nous envoyant son Fils, Jésus-

Christ. La tradition chrétienne assimile souvent Jésus à l’alpha et à l’oméga, première et dernière lettres de l’alphabet grec classique, ce qui symbolise l’éternité de Jésus et, par là même, l’éternité de Dieu. L’alpha nous ramène à la création du monde, l’oméga tourne nos yeux vers l’avenir. Dieu est le Tout-Puissant, Il a nos vies entre ses mains, Jésus nous révèle que c’est Lui qui nous cherche : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Avec Lui, nous pouvons vivre en toute plénitude, mais Il nous laisse libres de choisir. Si nous Le suivons, nous connaîtrons la vie éternelle : en fait, n’est-ce pas ce que nous redisons à chaque Credo ? //

Par Juliette Asta

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 31

Prier en Conférence

« Si, ai-je répondu à Antonio. Nous allons faire une célébration à l'église. »« O.K., mais on n'a plus son corps ! », regretta-t-il.

Un appel bouleversantDans l'église du quartier de la gare, là où se trouve le Point chaud, Antonio est arrivé avec une douzaine des copains. Des accueillants se sont également joints au petit groupe. En cercle, autour du cierge pascal allumé, nous avons lu la parabole de l'enfant — ou du père — prodigue (Luc 15, 11 à 32). Les uns et les autres ont témoigné de leur histoire personnelle : rupture avec les parents, abandon de la

maison, la route, la rue, la galère :« J'ai multiplié les bêtises. Mais au fait, dit Jacques, si Dieu est comme le dit cette histoire, alors malgré ce qu'on a pu faire, il nous accueille ? »« Pierre était un chic type. Il partageait avec moi ses cigarettes, raconte Jean-Paul. Moi je crois que maintenant il a trouvé le bonheur qu'il cherchait. »à mon tour, j'ai pris la parole et essayé d’expliquer que, même si nous ne som-mes pas toujours reconnaissants envers Dieu, Jésus nous a dit qu'Il était venu

pour que tous les hommes aient la vie en abondance. Soudain, dans le silence de l'église, Gérard a lancé un appel bou-leversant : « Allez, les gars, on passe pour des pauvres types aux yeux de beaucoup. Mais on s'en fout – ce qui compte, il y a un père qui nous aime ! »

Interpelés en tant que VincentienVoilà simplement la petite expérience d'un temps de prière avec les pauvres. Mais nous sommes interpelés en tant que Vincentiens, car saint Vincent de Paul nous invite à prendre en charge les pau-vres « corporellement et spirituellement. »Nous faisons souvent de notre mieux pour soulager le corps. Mais si nous nous décidions dans nos Conférences et nos paroisses à y inviter « nos seigneurs et nos maîtres les pauvres » pour dire ensemble – et en vérité – le Notre Père ? //

Prier avec les pauvres

J’entends quelqu’un me héler dans la rue et me retourne pour aperce-

voir Antonio, un garçon que je connais depuis quelques années. Il fréquente l'accueil de jour, le Point chaud, lancé voici vingt-huit ans par la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le Secours Catholique et l'église réformée de la Dordogne. Antonio me dit : « Est-ce qu'on ne peut pas faire une prière pour Pierre qui est mort ? Ce n'est pas un chien. C'est quand même un homme, il mérite une sépulture. »

Un accident qui reste un drameDe bonne heure à la rue, sans attache familiale, Pierre habitait un minuscule squat, non loin de la rivière qui traverse Périgueux. Il était devenu le compagnon d'infortune de la bande des jeunes fré-quentant le Point chaud, venant chaque matin pour boire un café, se laver et se raser. Et voici que la bande de copains, ne le voyant pas un matin, ni le jour sui-vant, apprend que Pierre a été retrouvé mort sur la route au bord de l'eau. Les pompiers et la police sont venus. Il a été question de mort subite. Sans doute, une rupture d'anévrisme. Un accident qui pour les copains reste un drame. Mais le pire, c'est que le corps de Pierre a été inhumé discrètement, chez « les indigents ». C'est là qu'est intervenu Antonio me lançant : « Ne peut-on pas prier pour Pierre ? »

Par Jean-Claude Peteytas

Jean-Claude Peteytas, Vincentien et diacre du diocèse de Périgueux, témoigne de son expérience de la prière avec les pauvres, à l’occasion de la mort d’un ami, Pierre.

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Magazine // Histoire

Lors de la création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, Frédéric Ozanam avait le désir de venir en aide aux plus démunis. Il sut pour cela s’entourer des bonnes personnes, et particulièrement de Sœur Rosalie, qui avait ce don de savoir aller au-devant des personnes exclues, d’« aller au pauvre ». Par Gérard Cholvy

Aller au pauvre avec Sœur Rosalie Rendu

Le 23 avril 1833, dans

les locaux du journal la Tribune catholique, 18 rue du Petit-Bour-bon-Saint-Sulpice [aujourd’hui au 38 rue Saint-Sul-pice, une plaque sur l’immeuble rappelle l’événe-ment], six jeunes étudiants retrou-vent un aîné,

M. Emmanuel Bailly qui a 40 ans. Les jeunes gens souhaitaient former une « réunion toute consacrée à la charité… affirmer par des œuvres la vitalité de notre foi » alors que celle-ci, dans le Paris universi-taire de ce temps, est contestée. M. Bailly qui avait participé, avant 1830, à une Société des Bonnes Œuvres, ne fut pas pris au dépourvu. Au demeurant, son épouse, associée à l’apostolat de Sœur Rosalie, au quartier Mouffetard, visitait, avec une amie, les indigents de son quartier. Insultée lors de l’une de ses visites, elle aurait dit à son mari : « Ce n’est point l’affaire de femmes que d’aller ainsi chez les ouvriers. Vous devriez y envoyer vos jeunes gens.1»

M. Bailly partageait ce point de vue. M. Bailly pré-sidait donc la première séance, ouverte par le Veni Sancte Spiritus, et une lecture de l’Imitation, le best-seller du monde catholique du XIXe siècle. Elle se terminera par le Sub Tuum, prière à la Vierge Marie, une façon de renouer avec les traditions de la Société des Bonnes Œuvres.Visiter les familles pauvres, les étudiants en étaient bien d’accord, mais comment ? Aucun d’entre eux ne connaissait de pauvres, ou pas assez. Il fut donc convenu d’aller demander une liste à la « Providence » du quartier Mouffetard, rue de l’épée-de-Bois, dans le XIIe arrondissement (le V e actuellement). C’est M. Devaux – les étudiants d’alors se donnaient du mon-sieur – un étudiant en médecine, qui fut chargé de la visite. Il fut aussi décidé que les secours ne seraient pas donnés en argent.

Conséquences sociales désastreuses Fille de la Charité, Sœur Rosalie Rendu, était à Paris depuis 1802. Sa formation s’était faite sous la direc-tion de la Supérieure de la maison de secours de la rue des Francs-Bourgeois-Saint Marcel, Sœur Tardy. Le quartier était en pleine expansion démographique avec ses conséquences sociales désastreuses. Depuis 1815, Sœur Rosalie était la supérieure de la maison de la Miséricorde, une charge qu’elle allait conserver

GéRARD CHoLVy professeur émérite à l’université Paul-Valéry, Montpellier-III.

Image pieuse de Sœur Rosalie dans sa jeunesse.

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 33

jusqu’à sa mort, en 1856 : cabinet de consultation, pharmacie, vestiaire, cuisine économique, école. La récente épidémie de choléra de 1832 avait révélé le sens exceptionnel de l’organisation de la jeune supé-rieure. Elle devint « l’âme de ce faubourg » où, en 1803 déjà, selon son témoignage, il était difficile de « trou-

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ver une femme qui se rappelât ses prières ». Déchristia-nisé le faubourg ? Non, il était non-christianisé, une distinction utile à faire, car pour être déchristianisé… il faut avoir été, au préalable, christianisé. Sœur Rosa-lie vit de l’esprit du fondateur de la Compagnie des Filles de la Charité, M. Vincent. Elle en a les méthodes,

Vitrail de l'église Sainte-Rosalie (Paris XIIIe). Saint Vincent de Paul (à gauche) et Soeur Rosalie (en bas à droite).

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Magazine // Histoire

Les cahiers Ozanam n°201 - novembre-décembre 2012 34

ceux qui commencèrent cette œuvre ardue : comment faire face à « une ignorance complète des notions élémentaires de la religion, […] à une impiété déjà raffinée chez quelques-uns ? » Ils virent « des athées de quinze ans […] qui répondent à une question de catéchisme par une plaisanterie de Voltaire 2». Une expérience de deux années restée sans beaucoup de récompenses.En 1835, non sans mal, la division en sections (deux au départ) intervint. Il est possible que les conseils de Sœur Rosalie aient pesé dans la décision 3.

Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien. Aussi l’historien se trouve bien en peine de saisir les relations nouées entre les Confrères et Sœur Rosalie. On sait qu’en 1856 une controverse surgit à la mort de la sœur. Les adversaires d’Ozanam contes-tèrent alors son rôle de « fondateur » de la Société : 1. Sœur Rosalie a été « un des principaux instruments dont la Providence s’est servi ». 2. S’il fallait proclamer un fondateur, ce serait… M. Bailly 4.Depuis, une connaissance plus exacte des circons-tances de la naissance et du contexte, de nouvelles sources, ont permis de voir en Frédéric « le principal fondateur » de cette œuvre commune. Ce qui unissait Sœur Rosalie et Ozanam : un sens aigu du service efficace des déshérités, une constante souplesse dans ce service, un esprit surnaturel, une volonté délibérée de préserver l’indépendance de l’action charitable. Ajoutons, chez Frédéric, une claire perception de la question sociale, de la justice, à distinguer de la cha-rité, et le désir d’y faire face 5. //

1. E. Lacoste, Le père Vincent de Paul Bailly, Paris, 1913, p. 22,

tradition recueillie par ce fils de M. Bailly.

2. « Origine de la Société », Manuel, 1845, p. 187-188.

3. Témoignage de Claudius Lavergne en 1874.

4. L’Univers, 11 février 1856.

5. Cf. notre Frédéric Ozanam, Fayard, 2003, et, maintenant, pour

une approche plus facile et actualisée Frédéric Ozanam (1813-

1853), Le christianisme a besoin de passeurs, Artège-éditions 2012.

n’hésitant pas, comme lui, à entrer en relation avec les personnes susceptibles de l’aider. Elle espère ainsi les rendre attentives au problème du paupérisme urbain. Comme M. Vincent, elle visite et prend en charge les familles. Elle fait face aux urgences. Comme lui, elle pense que ce sont les pauvres qui évangélisent les riches, une leçon que Frédéric n’oubliera pas. L’influence de Sœur Rosalie est fondamentale pour l’esprit de la Conférence de Charité, puis Société de Saint-Vincent-de-Paul (1835).

éducation religieuse de détenusLa sœur fit bon accueil à Jules Devaux. Elle devait céder des bons contre leur valeur en argent, valeur donnée par les étudiants. Les ressources viennent d’une quête faite à la fin de chacune des séances du mardi. Ainsi la sœur Rosalie put poursuivre sa distribution de bons de vivres, alors même que le recrutement de la Conférence s’accroissait.Le 6 mai 1834, c’est à la demande de la sœur que des jeunes gens acceptèrent de prendre en charge l’instruction de trois jeunes ouvriers du quartier de Vaugirard. Vient ensuite la proposition concernant l’éducation religieuse de jeunes détenus enfermés dans la maison de correction de la rue des Grès, dans le quartier des écoles. M. Le Prévost, un nouveau membre plus âgé, s’y imposa vite et Ozanam fut de

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Sœur Rosalie

Rendu fait

partie des

quelques

saints qui

marquèrent

l'histoire de

la capitale.

Nef de l'église Sainte-Rosalie (Paris XIIIe).

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 35

Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social de Paris, co-fondateur de Médecins Sans Frontières et ancien secrétaire d’état chargé de l’action humanitaire d’urgence, nous livre son regard sur l’exclusion. Propos recueillis

par Capucine Bataille

comment vous est venue l’idée de fonder un « Samu social » ?Xavier Emmanuelli : Lorsque j’ai été médecin-chef à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, j’ai compris ce qu’était la grande exclusion. Une maison d’arrêt, c’est le dernier hébergement des personnes exclues, délabrées. J’ai voulu créer le Samu social pour faire autre chose que de ramasser les gens avec coercition, pour apporter une réponse autre que l’ordre public. C’était un autre moyen d’aborder les gens de la rue et de leur rendre leur dignité. Pour moi, cela commence par une attitude : dès que vous êtes exclu, vous ne bénéficiez plus des codes, du vouvoiement, du « monsieur, madame », etc. On vous donne des ordres ou on vous infantilise. Les rituels sont oubliés. Lorsque l’on veut travailler auprès des person-nes exclues, la première chose à faire, c’est rétablir ces codes, ces approches, ces attitudes, ces gestes, ces mots habituels. On le fait naturellement, mais on ne sait plus faire face à une personne précaire ou fragile. Rendre à l’autre sa dignité, c’est simplement faire que ma propre attitude leur fasse se dire « Tiens, ce gars me considère comme appartenant à la famille humaine. »

Dr Xavier Emmanuelli « Rendre à l’autre sa dignité par ma propre attitude »

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L’invité

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Magazine // L’invité

Pour vous, qu’est-ce que la charité ?Xavier Emmanuelli : La vieille définition de la charité, c’est l’amour surnaturel. On a laïcisé le mot, pour parler aujourd’hui de bienfaisance qui vient de haut en bas, de celui qui a une place sociale plus élevée vers un plus faible. Elle ne vient plus en transverse… Or je pense qu’il faut avoir l’utopie de dire qu’on est tous de même rang et de même statut sur la Terre. C’est un postulat : il n’y a pas de surhommes, ni de sous-hommes. Certaines sociétés ont véhiculé cette idée… Nous savons comment cela s’est terminé. Donc si nous sommes de même rang, il nous faut faire attention à ce que personne ne soit traité comme « en dehors » de cette définition. Souvent, quand on parle « des exclus », c’est comme si on faisait de l’anthropologie : « Vous savez, cette tribu des gens de la rue. » Il est extrêmement dur de ne pas chosifier ceux qui sont très différents, sales, repoussants, qui puent… C’est un exercice difficile, mais il faut apprendre : « L’autre n’est pas mon pareil. C’est vrai. Mais c’est mon semblable ! »La charité, c’est comprendre que son devoir d’homme, et encore plus pour nous chrétiens, est d’admettre que nous faisons partie de la même famille. Et ce sera pour chaque exclu un premier pas vers la réinsertion.

La réinsertion dépend-elle vraiment de notre regard sur l’autre ?Xavier Emmanuelli : Connaissez-vous cet adage : « Quand on est exclu, on est excluant » ? La citoyenneté sur le modèle de 1789, signifie que l’on naît tous libres et égaux en droit. Si vous ne reconnaissez pas implicitement sa place dans la communauté à cha-cun, vous participez à l’exclusion ! Lorsque vous croisez quelqu’un qui est « déchu » dans la rue, dans le métro, vous vous tenez à distance. Parce que vous craignez obs-curément que les autres vous considèrent comme étant l’un d’entre eux. Vous ne craignez pas tant l’odeur ou un coup, vous craignez pour votre image. Socialement, nous n’existons que dans le regard des autres. Nous cher-chons donc à construire et à préserver une image, pour protéger notre place dans la société. Nous faisons atten-tion à notre apparence et à notre comportement. Nous

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1987 : co-fondateur de Médecins Sans Frontières 1987 à 1993 : médecin-chef à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis 1995 : fondateur du Samu social de la Ville de Paris1995 à 1997 : secrétaire d'état auprès du Premier ministre, chargé de l’action humanitaire d'urgenceDepuis 1997 : Président du Haut comité pour le logement des per-sonnes défavorisées1998 : fondateur du Samu social International et actuellement son président.2005 : Commandeur de la Légion d'honneur et actuellement mem-bre du conseil de l’ordre national de la Légion d'honneur.

Biographie //

essayons de donner une image réconfortante. D’ailleurs, lorsqu’on les écoute, ces personnes seules tentent, elles aussi, de donner une image valorisante. Comme nous tous. Et ce n’est pas un mal. C’est cela qui renforce le lien social. Mais quand on n’a plus cette possibilité de se valoriser parce que les autres nous évitent, alors le lien social se brise.Dans la parabole du Bon Samaritain, la première per-sonne qui passe près de l’homme blessé est un religieux, qui craint de se rendre impur en touchant du sang. Il est coincé par ses principes, comme nous le sommes souvent aussi... Le second reste indifférent. Mais le troisième se sent concerné. Voilà la première attitude à avoir : se sentir concerné. Ce n’est pas si facile ! Il y a beaucoup d’obstacles. D’abord, l’image de soi, très forte dans notre civilisation du paraître. Ensuite, il y a ce sentiment que les exclus n’appartiennent pas vraiment au réel. Nous avons du mal à les percevoir dans leur individualité, à considérer leur personne. Enfin, nous sommes aussi rebutés par leur apparence, par notre pro-pre maladresse, par le temps qui nous presse…

Pensez-vous, comme le disait notre fondateur Frédéric Ozanam, qu’il sera un jour possible d’éradiquer la misère ? Xavier Emmanuelli : Si vous n’êtes pas convaincu que c’est possible, pourquoi se lancer ? Même si ce n’est pas pour tout de suite, nous devons être en

Xavier

Emmanuelli

raconte ses

mémoires.

Un bilan

émouvant,

rédigé avec

la simplicité

de l'oral.

éditions

Les échappés-

Charlie Hebdo,

286 p., 17 €

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n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam 37

futilité qui va disparaître un peu. L’éradication de la misère n’est sûrement pas pour maintenant, mais nous devons être en marche.

Saint vincent de Paul affirmait : « Les pauvres sont nos maîtres ». Avez-vous découvert cette même vérité au contact des pauvres ?Xavier Emmanuelli : Nous sommes pris par la vie, par son va-et-vient, la vie de tous les jours. Mais les pauvres, eux, sont dans un autre temps, dans une autre espérance. Ils sont dans une quête. « Heureux les pauvres », dit l’évangile. Heureux les gens qui sont au premier degré, comme les enfants, qui sont en contact direct avec la misère, mais aussi et surtout avec l’Espé-rance. Le monde appartient aux pauvres, parce qu’ils n’ont pas le superflu. Les pauvres, ils ont leur cœur et leurs talents. //

marche et y croire. C’est ça, la communion des saints ! Sur Terre, chacun de nous, de sa naissance à sa mort, réclame implicitement : « Aime-moi ! » Et si on s’appro-che de ceux qui sont en mal d’amour, on a souvent peur de se faire happer par ce trou noir, cette demande de temps et d’affection. Alors on s’éloigne… Pourtant cela s’apprend : gérer ses maladresses, garder un juste équi-libre dans la relation. Il ne faut pas être trop ambitieux. Chacun exploite ses talents à son niveau. On donne ce qu’on peut. Mais cela peut commencer par un sourire lorsque l’on croise quelqu’un qui se sait exclu.Je pense également que la crise va changer les choses en profondeur. Quand chacun de nous ne pourra plus obtenir des objets, petit à petit nous réduirons nos vies à l’essentiel. Dans la douleur, la crise simplifiera nos rapports sociaux. Il existe de vraies souffrances dues à cette crise, mais il y a aussi le côté positif de cette

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« L’autre n’est pas mon pareil. C’est vrai. Mais c’est mon semblable ! »

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Magazine // Courrier

à propos des abandons de fraisDans le n°199 des Cahiers Ozanam, à la rubrique Service/Actus sociales (p.18), vous avez rappelé la réglementation concernant les abandons de frais dans une association et ses éventuelles conséquences fiscales.N'aurait-il pas été utile de préciser que l'engagement des frais pour une action entrant dans l'objet de l'association nécessite l'accord des dirigeants ?Par ailleurs, en ce qui concerne les frais kilométriques, le renoncement exprès du bénévole n'est-il pas assujetti au droit au remboursement établi par une décision du Conseil d'administration ? Comment renoncer à se faire rembourser des frais kilométriques que l'association n'est pas en mesure de rembourser ou n'a pas décidé de le faire ?Cordialement,Simon Boissarie, trésorier départemental 24

Quelques paroles de donateursChers amis,Ce petit chèque donné avec amour. Je suis une mamie de 90 ans qui poursuit sa retraite en solitaire. Mais bientôt, le tournant et peut-être la surprise au tournant ?… Je vous embrasse tous.Mlle D.

Bien chers frères de Saint-Vincent, Je suis restée 40 ans en communauté des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul […]. Je ne peux rien vous donner, souvent je n’ai pas assez pour joindre les deux bouts…Par contre je continue ma vie de religieuse si bien que pour vous c’est tous les jours dans mon chapelet que je prie […]. Comptez sur mes prières pour le Seigneur et à Notre-Dame. Sœur Marie-JosephBien chers amis,

Je ne savais pas qu’il existait encore des personnes avec un grand cœur, pensant à ceux qui souffrent, démunis de tout, souffrant du froid, de la faim ou vivant dans la rue. […]M. Fernand V.

Bon courage à tous les bénévoles et que ce message touche le cœur de vos destinataires !M. Marcel B.

Agenda1er décembre Réunion décentralisée à Limoges

1er et 2 décembre Comédie musicale ozanam

7 et 8 décembre Formation des présidents de CD

8 décembre Rencontre des présidents des AS

12 janvier 2013 Réunion décentralisée à Paris pour les CD 75, 77, 93 et 94

17 janvier 2013 Bureau

1-2 février 2013 Conseil d’administration

22-23 mars 2013 Conseil d’administration

23-24 mars 2013 Comédie musicale ozanam

Les cahiers Ozanam, revue de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120, avenue du Général Leclerc, 75014 Paris www.ssvp.fr directeur de la publication : Bertrand Ousset // rédactrice en chef : Capucine Bataille // rédacteurs : Juliette Asta, Capucine Bataille, Elise Chardonnet, Gérard Cholvy, Bertrand Decoux, Jérôme Delsinne, Jean-Noël Gallois, Maryse Giraud-Renucci, Céline Marcon, Benoît Pesme, Bertrand Ousset, Jean-Claude Peteytas, Mathilde Rimbault, Sophie Rougnon // Ont collaboré à ce numéro : Valérie Grabé, Clotilde Lardoux, Michel Rouzé, Jérôme Soprano, Stéphanie Vallerent, Christian Verheyde // illustrations : Ambroise Meyer-Bisch // Service abonnements : Clotilde Lardoux, 01 42 92 08 17 // Photo de couverture : Gamelles pleines // Fabrication/ production : CLD, 33 avenue du Maine, 75015 Paris // graphisme : Florence Vandermarlière. // impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres // numéro c PPAP : 310G79517 // dépôt légal : Novembre 2012 – n°201 – 11/2012 // iSn : 1965 2917 // Abonnement 1 an, 5 numéros : 13 €Toutes vos informations et photos sont à envoyer à la rédaction huit semaines avant la date de parution (édition sous réserve d’espace) à [email protected]

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La Comédie musicale OzanamLes 23 et 24 mars 2013, à Notre-Dame de Passy (Paris)

70 jeunes acteurs, chanteurs, danseurs vous présenteront

un spectacle sur la vie du bienheureux Frédéric Ozanam :

sa foi, la fondation de la SSvP, sa rencontre avec Amélie.

“De la charité envers les plus pauvres à une formidable histoire d'amour.”Un spectacle à voir en famille !

par révélateur Production, en partenariat avec la SSvP

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renseignements : 06 78 66 57 63www.ozanam-lespectacle.fr

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