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Michel Chaloult Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark SEPTENTRION La traversée d’un continent Extrait de la publication

Les « Canadiens… · 2013. 10. 31. · James Ronda, Michel LeBris, Annick Foucrier et s’est arrêté longuement à l’essai de Charles John Balesi sur la présence française

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  • Michel Chaloult

    Les « Canadiens »de l’expéditionLewis et Clark

    S E P T E N T R I O N

    La traversée d’un continent

    Extrait de la publication

  • Les « Canadiens » de l’expéditionLewis et Clark : 1804-1806

    Extrait de la publication

  • DU MÊME AUTEUR

    J’ai marché avec la Gaspésie, Septentrion, 1996.

    Extrait de la publication

  • Les « Canadiens » de l’expéditionLewis et Clark : 1804-1806

    La traversée du continent

    Michel Chaloult

    S E P T E N T R I O N

  • Mise en pages et maquette de couverture : Gilles HermanRévision : Solange DeschênesIllustrations de couverture : The Traper’s Bride, Alfred Jacob Miller, 1850, The JoslynArt Museum. À l’intérieur, carte géographique de l’Amérique du Nord, LibrairieGründ, Grand Atlas mondial, Paris, 1993, courtoisie de la bibliothèque Gabrielle-Royde Québec ; le Missouri à l’une de ses sources, au col de Lemhi, au Montana ; leMissouri près de son embouchure, à Saint-Charles, dans l’État du Missouri,photos Michel Chaloult. À l’arrière : Sacagawea et son bébé Jean-Baptiste Charbonneau eneffigie sur le golden dollar américain.

    Dépôt légal – 1er trimestre 2003Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-348-1

    © Les éditions du Septentrion, 20031300, avenue MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

    Diffusion au Canada :Diffusion Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

    Diffusion en Europe :Librairie du Québec30, rue Gay-Lussac75005 ParisFrance

    Si vous désirez être tenu au courant des publications desÉDITIONS DU SEPTENTRION,

    vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

    par télécopieur (418) 527-4978 ouconsulter notre site Internet

    www.septentrion.qc.ca

    Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société dedéveloppement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordéà leur programme d’édition, ainsi que le Gouvernement du Québec pour son Programmede crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons également l’aide financièredu gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement del’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

    Note de l’auteur :Les grandes qualités de précision et de clarté des cartes de John Logan Allen m’ont incitéà puiser largement dans son livre afin de mieux illustrer mon propos. Je l’en remercie,ainsi que Jacques B. Gélinas, Pierre Lavigne et Denis Vaugeois qui, par leurs conseils, m’ontpermis de mieux définir et orienter cette recherche et qui, de plus, ont revu le manuscrit.

  • Préface

    En introduction à son remarquable ouvrage consacré à Lewis et Clark,Undaunted Courage (1996), Stephen E. Ambrose raconte que, depuisvingt ans, il est hanté par cette expédition. À chaque été, depuis 1976, ilest retourné dans le Montana. De là, il a marché la Lolo Trail, campé àplusieurs reprises le long de la Lemhi Pass, affronté les rapides des diverscours d’eau, de part et d’autre des Rocheuses.

    Homme de la nature, marcheur infatigable, passionné de géographie,attentif à tout ce qui touche l’Amérique française, Michel Chaloult a aussiété happé par l’histoire de Lewis et Clark. Il avait commis l’erreur des’informer du sujet de mon prochain livre. C’était en 1998 ou en 1999.Depuis, il est retourné cinq fois sur les traces de Lewis et Clark. Le disciplea vite dépassé le maître. Michel Chaloult a en effet acquis une connais-sance quasi infaillible sur tout ce qui concerne les régions traversées parle corps expéditionnaire de 1804 à 1806.

    Avec un œil critique, il a parcouru les journaux de Lewis et Clark etde leurs officiers, de même que les innombrables documents recueillis parDonald Jackson et Abraham Phineas Nasatir. Il a dévoré les ouvrages deJames Ronda, Michel LeBris, Annick Foucrier et s’est arrêté longuementà l’essai de Charles John Balesi sur la présence française au cœur del’Amérique du nord entre 1763 et 1818, puis à la remarquable étude deJohn Logan Allen et à ses précieuses cartes. Toutes ces lectures ont étéentrecoupées de longues excursions qui l’ont conduit sur les rives duMissouri, depuis Saint-Louis jusqu’aux Trois Fourches, puis à travers lesRocheuses, et enfin le long de la Snake, de la Clearwater et du majestueuxColumbia. Il a parcouru en tout sens l’État du Missouri, le Nebraska, lesdeux Dakotas, le Montana, l’Idaho, l’Oregon et la partie sud de l’État deWashington, puis il a élargi son cercle tantôt vers le Minnesota, tantôt versle Wyoming avant de descendre le Mississippi et de renouer avec les Étatsdu sud jusqu’à la Nouvelle Orléans.

    Plusieurs aspects de Lewis et Clark fascinaient Michel Chaloult. Ilbrûlait de partager ses observations, ses enquêtes et ses vastes connais-sances.

  • 8 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    Il fut vite convenu entre nous que la présence « française », tantcanadienne que créole, avait été trop peu traitée. La littérature à proposde Lewis et Clark est abondante, très abondante, mais le rôle desCanadiens et leur contribution à la toponymie de ces régions sont desaspects qui ont été négligés. Chaloult en fait le sujet du présent ouvrage.Il colle tellement au trajet suivi par le corps expéditionnaire dirigé parLewis et Clark que son essai devient un excellent guide pour quiconqueveut se lancer sur la Lewis and Clark Trail (voir l’annexe E).

    Grâce à ses précieux conseils, voici le trajet que j’ai moi-même suivià l’été 2001 et que je recommande fortement.

    Au départ de Montréal, prendre la route des voyageurs d’autrefois quilonge la rivière Outaouais et filer vers Sault–Sainte-Marie, de là gagner laBaie des Puants (Green Bay) puis rejoindre la rivière des Renards avantd’obliquer résolument vers l’ouest à travers le Wisconsin et le Minnesotaen direction de Pierre, capitale du Dakota du Sud.

    L’arrivée à Pierre est particulièrement émouvante. D’abord, pour lapremière fois, on se trouve là où sont passés jadis Lewis et Clark, devantnous le Lilly Park du Fort Pierre[Chouteau], l’île Laframboise et surtout,sur une colline qui surplombe les environs, un monument qui rappellele passage des LaVérendrye en 1738. Outre un petit musée appeléLaVérendrye, on peut s’attarder au Museum of the South Dakota StateHistorical Society où une belle exposition permanente nous introduit àla vie des Indiens Lakotas. Enfoncé à flanc de colline, l’édifice qui abriteégalement une bibliothèque et des archives, fait corps avec le paysage. Laprochaine étape sera Bismark au Dakota du Nord qu’on peut atteindrepar les routes 1805 ou 1806 qui longent l’une ou l’autre des deux rives duMissouri et conduisent à Fort Mandan, lieu du premier hivernement. Toutà côté, il ne faut pas manquer le Centre d’interprétation de Washburn quiprésente un intéressant survol de l’expédition.

    Comme il n’est plus possible de naviguer sur le Missouri, on essaiede le longer le plus possible par voie terrestre vers Great Falls au Montanaoù se trouve ce qui est sans doute le meilleur Centre d’interprétation surLewis et Clark, lequel est doublé d’une remarquable bibliothèque priseen charge par la Lewis and Clark Foundation. L’endroit est magnifique etplusieurs excursions s’imposent vers les diverses chutes ou la sourcesulfureuse qui a contribué à la guérison de Sacagawea en 1805.

    Puis c’est la route vers Dillon. Peu après cette petite ville, il fautsurveiller sur sa droite un chemin de terre qui mène au Clark CanyonReservoir, il conduit aussi à Camp Fortunate et à la Lemhi Pass dans laquelle

    Extrait de la publication

  • 9Préface

    on s’engage avec précaution si le temps est beau. En cas de pluie, cettepiste est impraticable. Après quelques kilomètres, on se trouve aux sourcesdu Missouri. Elles sont situées à moins d’un kilomètre des petits filetsd’eau qui alimentent les tributaires du Columbia. Nous sommes à la lignede partage des eaux.

    Puis viennent les Lolos Hot Springs, la merveilleuse rivière Lochsa–avec son mémorial dédié à DeVoto – qui permet de rejoindre la rivièreSnake laquelle croise le Columbia qui nous conduit au Pacifique et à FortClatsop, lieu du second hivernement. Comme il se doit, une réplique dufort a été érigée ; des animateurs fort compétents s’occupent des visiteurs.De l’autre côté du Columbia dont l’embouchure peut être franchie parun énorme pont de cinq ou six kilomètres de long, se trouve un muséedédié à la mer près de Cape Disappointment.

    Après un détour à Oregon City et une visite au musée de l’Oregon Trail,le retour peut s’amorcer sensiblement par la même route avec un arrêtau Columbia Gorge Discovery Center and Wasco County Historical Museum.L’endroit est magnifique et nous apprend beaucoup sur le fleuveColumbia, ses cascades géantes situées à proximité et sur les habitants deces régions au moment du passage de Lewis et Clark. Par goût, nous avonschoisi de longer à nouveau la Lochsa avant de nous engager dans leféérique parc du Yellowstone au sortir duquel on retrouve l’Oregon Trailjusqu’à Omaha où le Joslyn Museum attend les visiteurs avec sa magnifiquecollection des oeuvres de Karl Bodmer.

    Le voyage se termine par un arrêt à Saint-Charles et sa jolie ruecommerciale à l’ancienne, puis à Saint-Louis qui a perdu beaucoup deson charme, mais cherche à impressionner avec son arche géante souslaquelle se cache d’intéressantes boutiques et un magnifique Centred’interprétation consacré au Far West.

    À tous égards, un voyage sur les traces de Lewis et Clark est certes undes plus beaux et des plus instructifs qu’on puisse effectuer. La natureest sublime et l’histoire d’une extrême richesse. C’est celle des Indiens etdes pionniers de l’Ouest des États-Unis, dont quelques milliers deCanadiens français.

    Quand il s’agit d’interpréter le passé ou la nature, les Américains sontimbattables. Un voyage sur la Lewis and Clark Trail peut devenir uneexpérience inoubliable. Puisse le livre de Michel Chaloult vous en donnerle goût.

    Denis Vaugeois

    Extrait de la publication

  • Le Bas-Missouri, par George Catlin.

  • Avant-propos

    Du 14 mai 1804 au 23 septembre 1806, une expédition militaireaméricaine explora le cours du fleuve Missouri, de son embouchurejusqu’à sa source, franchit les montagnes Rocheuses et atteignit lePacifique par le fleuve Columbia. Elle était commandée par les capitainesMeriwheter Lewis et William Clark. Parmi les voyageurs se trouvaient troismétis de père canadien et deux Canadiens dont l’un était accompagné desa femme indienne ainsi que de son enfant en bas âge. De plus, neufbateliers francophones furent engagés pour la première partie du voyage.Dans le titre de cet ouvrage et tout au long de ce récit, j’emploie le mot« Canadiens » pour désigner les participants d’expression française1. J’aiposé des guillemets à « Canadiens » parce que certains francophonesoriginaires de la Louisiane n’avaient probablement jamais mis les piedsau Canada. À strictement parler, plusieurs étaient devenus soit desBritanniques en 1763, soit des Américains en 1783 ou en 1803 ; mais onles qualifiait quand même de « Canadiens » en raison de leurs origines.(Voir carte, page 13.)

    Cette épopée marqua le début de la conquête de l’Ouest. Lebicentenaire du voyage de Lewis et Clark, et ses conséquences dans laformation de la nation, seront certes soulignés avec enthousiasme par lesAméricains. Ils célébreront la réussite de ces voyageurs déterminés quiaffrontèrent la traversée du centre de l’Amérique du Nord et glorifierontla mémoire du président Thomas Jefferson, un chef d’État visionnaire àl’origine de cette expédition. Ils insisteront sur le « destin manifeste » dela race anglo-saxonne en Amérique et dans le monde.

    1. À cette époque, on nommait « Canadiens », par opposition aux « Français » deFrance, tous les habitants d’expression française nés en Amérique, à l’exception deceux nés en Louisiane du Sud ou dans les Antilles, que l’on qualifiait de « Créoles ».Lewis et Clark ne font pas cette distinction et appèlent « Frenchmen » tous lesfrancophones, y compris les métis. Remarquons aussi que les délimitationsterritoriales, sous le régime français, évoluaient rapidement et que la précision desappellations « Canadiens » et « Créoles » en souffrait.

  • 12 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    Ce petit livre, à travers la saga du Corps de la Découverte2, commeLewis et Clark nommaient eux-mêmes la troupe, entend mettre enlumière les faits et gestes de ses membres d’origine canadienne. Il y a placepour bien d’autres écrits, plus globaux, car ce voyage ne constitue qu’unépisode de la pénétration de l’Ouest. Premiers à atteindre la grande Plaine,Français et Canadiens participèrent à toutes les étapes de l’exploration,même après la défaite de la France en 1759-1760. Ne citons commeexemple que les grandes expéditions d’Alexander Mackenzie et de DavidThompson pour la North West Company, de Wilson Price Hunt pourl’American Fur Company, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles. Cesgrands explorateurs parvinrent à atteindre le Pacifique, en partie grâceaux Canadiens, sans lesquels la valeur des chefs n’aurait pas suffi à vaincreles énormes difficultés d’une traversée du continent. Ils avaient pournoms : Dorion, Charbonneau, Saint-Michel, Drouillard, Turcotte,Delaunay, Lachapelle, Landry, Bruguière, Labiche, Cruzatte, Lepage, etc.

    Instruit par l’historien Denis Vaugeois de l’intérêt de l’expéditionLewis et Clark pour illustrer le fait français dans le Nord-Ouest des États-Unis, je me suis laissé attirer sur les traces des explorateurs. De 1999 à 2002,cinq voyages en campeur motorisé m’ont conduit, par étapes, de Saint-Louis sur le Mississippi à Astoria sur le Pacifique. J’ai suivi au plus près lapiste des « découvreurs » le long du Missouri jusqu’à la ligne de partagedes eaux au col de Lemhi dans les Rocheuses, puis descendu le versantouest en longeant le Columbia vers l’océan. Lewis et Clark voyageaientsur les chemins d’eau. J’ai parcouru les routes à proximité des fleuves, quiforment aujourd’hui sur de vastes étendues des lacs retenus par desbarrages. Ces lacs artificiels altèrent l’apparence du Missouri et duColumbia fréquentés par Lewis et Clark, mais ne diminuent nil’immensité, ni la luminosité des paysages, ni le sentiment de plénitudequ’ils nous communiquent. Le plus souvent possible, j’ai campé auxmêmes endroits que l’expédition, sous les étoiles. Je comprendsaujourd’hui pourquoi Audubon nommait le Montana The Big Sky State ;pourquoi Lewis, selon l’expression de Clark, ne s’est jamais réadapté à la« civilisation » à son retour du « Grand Voyage ».

    Pour rappeler et raconter le parcours de leurs héros, les Américainsont construit une riche infrastructure de centres d’accueil et de centres

    2. Nous utiliserons cette expression au cours du récit, puisqu’elle est celle de Lewiset Clark, mais précisons tout de suite qu’elle a quelque chose d’incongru pour lesIndiens, qui ont découvert et exploré le continent des milliers d’années auparavantet l’habitent depuis lors.

    Extrait de la publication

  • 13Avant-propos

    Carte des trois Louisianes, selon les époquesCarte des trois Louisianes, selon les époquesCarte des trois Louisianes, selon les époquesCarte des trois Louisianes, selon les époquesCarte des trois Louisianes, selon les époques :::::a) La Louisiane. La grande Louisiane française, entre les Appalaches et les

    Rocheuses, des origines à 1763, quand la rive est du Mississippi futcédée à l’Angleterre (qui la céda aux États-Unis, en 1783, lors del’Indépendance américaine) et la rive ouest à l’Espagne.

    b) Louisiana Purchase. La Louisiane espagnole à l’ouest du Mississippijusqu’aux Rocheuses, de 1763 à 1800, année de la rétrocession à laFrance, qui la vendit aux États-Unis en 1803 (le Louisiana Purchase).

    c) Louisiana. La Louisiane américaine, État créé par les États-Unis en 1812.

    Source : Véronique Deplanne, Legacies of a French Empire in NorthAmerica, the Donning Company Publisher, 1999.

    d’interprétation, de musées, de monuments et de forts. Ils ont jalonné laroute d’inscriptions et de plaques historiques permettant de suivrepresque de mille en mille les aventures de l’expédition. En plus de cessources, la fondation Lewis and Clark Trail Heritage soutient la productiond’une littérature abondante sur les divers aspects du voyage : les relationsavec les Indiens, la géographie, la faune et la flore, etc.

    Parmi les membres du Corps de la Découverte, sept officiers et soldats,tous des Américains, rédigèrent leur journal, soit des milliers de pages.Pour préparer le condensé qui suit, j’ai utilisé quelques livres clés : leJournal de la première traversée du continent nord-américain 1804-1806,de Michel LeBris ; Undaunted Courage, de Stephen E. Ambrose ; Lewis and

    Extrait de la publication

  • 14 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    Clark among the Indians, de James P. Ronda ; Lewis and Clark and theImage of the American North West, de John Logan Allen ; Lewis and ClarkPioneering Naturalists, de Paul Russel Cutright, Along the Trail with Lewisand Clark, de Barbara Fifer et Vicky Soderberg ; l’édition la plus récenteet la plus connue des journaux :The Journals of the Lewis and ClarkExpedition, publiée par Gary E. Moulton, de même que celle publiée parR. G. Thwaites : The Original Journals of the Lewis and Clark Expedition.

    La meilleure façon de souligner le rôle des francophones m’a parude raconter le voyage des explorateurs. Outre l’attention portée auxhommes et à la toponymie française, j’ai mis l’accent sur les relationséconomico-politiques entre Blancs et Indiens, ainsi que sur la géographie.Deux aspects du voyage, pourtant richement documentés dans lesjournaux des officiers, sont demeurés à l’arrière-plan : ce sont les travauxd’ethnologues et de naturalistes des capitaines, surtout de Lewis.

    Ce pays si riche en beautés naturelles et en événements historiquesm’a incité à la photographie. Pour les fins de cet ouvrage, je n’ai retenuque quelques photos de sites historiques et de plaques commémoratives.J’ai privilégié les cartes géographiques pour aider à la compréhension decette incroyable traversée.

    M. C.

    Village de «petits chiens », par George Catlin.

    Extrait de la publication

  • 15Introduction

    INTRODUCTION

    Le contexte historique

    Sans leur absence de préjugés envers les Indiens, lesFrançais n’auraient jamais pu contrôler pendant plus d’unsiècle un territoire allant du Canada au golfe du Mexique.Les Espagnols écrasèrent les Indiens, les Anglais lessurveillèrent et les négligèrent, tandis que les Français leurouvrirent les bras.

    Charles J. Balesi,The Time of the Frenchin the Heart of North America, p. 244.

    Le partage de l’Amérique par les puissances colonialesÀ la suite de la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb en1492, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre et la France se partagèrent leNouveau Monde. Pendant qu’Espagnols et Portugais exploitaientrapidement les richesses du continent, de la Floride à la Terre de Feu,Anglais et Français, arrivés dans la course près d’un siècle plus tard,occupaient le Nord chacun à sa façon.

    Les Anglais s’installèrent sur la côte est de l’Amérique du Nord où ilsprirent solidement pied en cultivant les terres entre l’océan et lesmontagnes (les Appalaches). Dans l’espoir d’y découvrir une voie depassage vers l’Asie, ils explorèrent aussi l’extrême nord du continent. Ilss’avancèrent vers une grande mer intérieure s’enfonçant profondémentà l’ouest (la baie d’Hudson). Ils y établirent des comptoirs que leurdisputèrent les Français. Ces derniers se dispersèrent toutefois dans toutesles directions, prenant pied surtout dans la vallée d’un grand fleuvetraversant le continent vers le sud-ouest (le Saint-Laurent). Ils ypratiquèrent l’agriculture mais, attirés par le commerce des fourrures, ilspoussèrent toujours plus loin l’exploration en utilisant les voies d’eau qui

    Extrait de la publication

  • 16 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    pénétraient au cœur du continent. Ils débouchèrent dans une région degrands lacs s’ouvrant sur de vastes plaines en direction de l’ouest et dusud. Arrivés au sud de ces grands lacs, ils remontèrent les rivières affluentesjusqu’à leurs sources, « portagèrent » leurs canots et descendirent d’autresrivières qui débouchaient dans un fleuve puissant (le Mississippi) sedirigeant vers la mer du sud (le golfe du Mexique) que Cavelier de La Salleatteignit en 1682.

    Trois-quarts de siècle après avoir pris pied à Québec, les Françaisreliaient, par l’intérieur du continent, le golfe Saint-Laurent au golfe duMexique. De ce fait, une immense Nouvelle-France encercla progres-sivement les colonies anglaises établies sur la côte est. La rivalité entre laFrance et l’Angleterre, déjà engagée en Europe et sur les océans, seprolongea dès lors en Amérique.

    Si la France métropolitaine du XVIIIe siècle était plus peuplée quel’Angleterre, ce fut le contraire en Amérique : crises et révolutions avaientjeté des milliers d’émigrants britanniques sur les côtes atlantiques. En1756, la France et ses colonies d’Amérique s’engagèrent donc dans unconflit avec un désavantage de 1 contre 20, soit environ 60 000 versus 1200 000 habitants. Un important réseau d’alliances avec les Indiens permitaux Français de tenir jusqu’en 17603.

    Le Traité de Paris de 1763 cédait à l’Angleterre l’est et le nord del’Amérique du Nord, dont les terres à l’est du Mississippi et au sud desGrands Lacs. Mais l’immensité du territoire et la révolte des Américainscontre la mère-patrie l’empêchèrent d’occuper ces régions nouvellementacquises. De leur côté, les Espagnols, qui avaient reçu de la France, en 1762,les terres à l’ouest du Mississippi, administrèrent ces vastes espaces sanss’y implanter. Aussi colons, missionnaires, coureurs des bois, commerçantset explorateurs d’origine canadienne et créole continuèrent-ils pendantlongtemps leurs activités, sans être trop affectés par les effets de ladomination espagnole.

    À la fin de la guerre d’Indépendance américaine, en 1783, l’Angleterrecéda à ses colonies d’Amérique, victorieuses en partie grâce à l’aide de laFrance, tout le territoire au sud des Grands Lacs et à l’est du Mississippi.Les Britanniques mirent des années à évacuer des places comme Détroitou Michillimackinac, situées en territoire appartenant aux Américains,

    3. Denis Vaugeois, La fin des alliances franco-indiennes, Boréal, 1995. Puis vinrentles affrontements de Trafalgar en 1805 au large du Portugal, et de Waterloo en 1815sur le continent européen. Ces défaites de la France scellèrent définitivement le sortdes colonies françaises d’Amérique du Nord.

    Extrait de la publication

  • 17Introduction

    Étapes de la vente de la Louisiane aux États-UnisÉtapes de la vente de la Louisiane aux États-UnisÉtapes de la vente de la Louisiane aux États-UnisÉtapes de la vente de la Louisiane aux États-UnisÉtapes de la vente de la Louisiane aux États-Unis

    1682 : découverte de la Louisiane par Cavelier de La Salle.1718 : fondation de la Nouvelle-Orléans par Jean-Baptiste de Bienville.1762 : cession de la Louisiane occidentale à l’Espagne par le Traité de

    Fontainebleau.1800 : rétrocession à la France par le Traité de San Ildefonso.1802 : préparatifs pour une expédition française à Saint-Domingue, puis

    en Louisiane.1802-1803 : échec de l’expédition de Saint-Domingue et abandon par

    Napoléon du projet d’occupation de la Louisiane.1803 (avril) : arrivée à Paris de James Monroe, envoyé par le président

    Jefferson.1803 (30 avril) : signature de l’acte de vente de la Louisiane aux États-Unis

    pour 15 millions de dollars, entre Monroe et l’ambassadeur RobertLivingstone pour les États-Unis et François Barbé-Marbois, ministredu Trésor, pour la France.

    1803 (20 décembre) : remise officielle de la Louisiane aux États-Unis, à laNouvelle-Orléans.

    1804 (9 mars) : remise de la région de Saint-Louis au capitaine américainStoddart, « agissant au nom de la France ».

    1804 ( 10 mars) : passation des pouvoirs aux États-Unis, par le capitaineStoddart. C’était deux mois avant le départ de Lewis et Clark.

    Sources : Michel Garnier, Bonaparte et la Louisiane, Kronos, 1992.H.R. Lamar, The New Encyclopedia of the American Ouest, YaleUniversity Press, 1998.

    car ces derniers commençaient seulement à occuper les terres à l’ouestdes Appalaches. Après 1783, la vague d’immigration s’accentua et exerçaune pression croissante sur les habitants francophones du pays des Illinoiset de la vallée du Mississippi. Une partie d’entre eux passèrent en territoireespagnol où ils rallièrent Saint-Louis et Sainte-Geneviève sur la rive ouestdu Mississippi ou Saint-Charles sur le Missouri. Quelques uns restèrenten territoire américain dans des places telles que Kaskaskia, Cahokia, Prairie-du-Rocher, Prairie-du-Chien, où les Américains les assimilèrent peu à peu.

    Selon l’historien français Michel Garnier, Napoléon croyait que laFrance avait eu raison de renoncer au Canada, mais avait eu tort de céderla Louisiane4 , c’est-à-dire la côte est du Mississippi à l’Angleterre et la

    4. Michel Garnier, Bonaparte et la Louisiane, Kronos, 1992, p. 39.

    Extrait de la publication

  • 18 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    côte ouest, plus la Nouvelle-Orléans, à l’Espagne. À l’époque, on neconnaissait pas très bien l’étendue des terres à l’ouest du Mississippi. Enfait, elles couvraient tout l’espace de la grande plaine du centre ducontinent entre les Rocheuses et le grand fleuve. Or, par le Traité de SanIldéfonso, signé en 1800, l’Espagne rétrocéda secrètement ses terreslouisianaises à une France napoléonnienne expansionniste.

    Compte tenu de la barrière des Appalaches, le port de la Nouvelle-Orléans constituait un lieu de passage obligé des produits des nouveauxterritoires du Nord-Ouest des États-Unis.5 Lorsque le président américain,Thomas Jefferson, ancien ambassadeur des États-Unis en France etfrancophile, apprit la signature du Traité de San Ildéfonso, il déclara quela Nouvelle-Orléans était le seul endroit sur Terre dont les maîtresdevenaient automatiquement les ennemis de son pays. Napoléon fitquelques préparatifs pour occuper la Louisiane6, mais devant les énormes

    5. C’était avant la construction du canal Érié.6. Nominations d’un capitaine général de la Louisiane, le général Victor et d’un

    préfet, Laussat.

    Plaque historique, en l’honneur de Cavelier de La Salle,située à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane.Photo : Michel Chaloult.

    Extrait de la publication

  • 19Introduction

    difficultés de l’armée du général Leclerc7

    pour reconquérir Saint-Domingue, trem-plin pour débarquer à la Nouvelle-Orléans,il se ravisa et songea dès lors à la vendre auxAméricains. Le 30 avril 1803, la France cédacet immense territoire aux États-Unis pour15 millions de dollars. Les Américainsdoublaient l’étendue de leur pays et laFrance renonçait au partage de l’Amériqueavec les autres puissances coloniales. Maisles Canadiens, installés depuis plus d’unsiècle dans cette région, continuèrentpendant longtemps à y exercer leur métierde commerçants, de voyageurs, de guides,de trappeurs et d’interprètes des languesindiennes.

    L’exploration de la Louisianepar les FrançaisL’Espagnol Hernando de Soto avait exploréle Bas-Mississippi et son embouchure de1539 à 1543. Premier Européen à naviguersur le Mississippi, il atteignit la rivièreArkansas, rencontra les Indiens des Plaines,entendit parler d’une autre mer à l’ouest etde l’existence d’un immense troupeau debisons, mais il ne trouva pas l’or qu’ilcherchait8. Il est étonnant qu’aucun autreEuropéen ne se soit intéressé à la vallée duMississippi avant plus de 130 ans.

    En 1673, Joliet et Marquette, par le lac des Illinois [Michigan] et labaie des Puants [Green Bay], remontèrent la rivière au Renard,descendirent la rivière Wisconsin et le fleuve Mississippi jusqu’àl’embouchure de l’Arkansas. Neuf ans plus tard, en 1682, Cavelier de LaSalle, après plusieurs tentatives, atteignit le golfe du Mexique.

    7. Marié à Pauline, la sœur de Napoléon.8. William H. Goetzmann et Glyndwr Williams, The Atlas of North American

    Exploration, University of Oklahoma Press, 1992, p. 34.

    Détail d’un monument situé devantle Capitol de Jefferson City,capitale de l’État du Missouri.Signature du traité de 1803, parlequel la France vend la Louisianeaux États-Unis, entre JamesMonroe, représentant du présidentJefferson, Robert Livingstone,ambassadeur des États-Unis enFrance et François Barbé-Marbois,ministre du Trésor de Napoléon.Photo : Michel Chaloult.

    Extrait de la publication

  • 20 Les « Canadiens » de l’expédition Lewis et Clark : 1804-1806

    Les Français, qui voulaient occuper le territoire entre Espagnols etAnglais, progressèrent rapidement dans l’exploration de la vallée et dubassin du Mississippi. En 1689, le Français LaHontan affirmera avoirnavigué sur le Missouri jusqu’au pays des Osages.9 Au début du XVIIIe siècle,plusieurs coureurs des bois, à la recherche des mines du Nouveau-Mexique, remontèrent le Missouri et ses affluents sud sur de très longuesdistances.

    En 1714, Louis XIV ordonna la construction de cinq postes sur leMissouri. Les rapports sur ce fleuve décrivaient un paradis terrestre,

    Marquette et JolietMarquette et JolietMarquette et JolietMarquette et JolietMarquette et Joliet

    Le voyage de Jean Nicolet, en 1634, le mena jusqu’au lac des Illinois [Michigan],la baie des Puants [Green Bay] et la rivière au Renard. Il rencontra les Indienswinnibagos, entendit parler des Sioux vivant plus à l’ouest et surtout d’unpuissant fleuve se dirigeant peut-être vers la mer de Chine. Mais les attaquesdes Iroquois sur la huronie et sur les voies de communications françaisesralentirent l’exploration à l’ouest.

    Au printemps 1673, le commerçant en fourrure Louis Joliet, envoyé parFrontenac à la recherche de la grande rivière de l’Ouest, et le père Marquette,« portagèrent » leur canot de la rivière au Renard à la rivière Wisconsin, unaffluent du Mississippi. Les Indiens leur avaient indiqué les voies de passageet les auraient prévenus de l’existence de monstres qui les dévoreraient, dela chaleur intense qui les tuerait et surtout des dangereuses tribus qui semontreraient sans merci avec eux. Les explorateurs passèrent avec difficultél’endroit où le Missouri en pleine crue se jetait dans le Mississippi. Plus ausud, ils rencontrèrent une grande rivière en provenance de l’est. On lanommera plus tard la Belle Rivière, puis l’Ohio. Arrivés à la hauteur de larivière Arkansas, ils s’arrêtèrent, croyant pénétrer en territoire espagnol etcraignant la mémoire des descendants des Indiens arkansas massacrés parl’expédition de Hernando de Soto, en 1543, plus d’un siècle auparavant. Àen juger par la direction du Mississippi, Joliet et Marquette conclurentqu’il débouchait dans le golfe du Mexique plutôt que dans l’océan Pacifique.

    À leur retour, ils explorèrent une route différente et s’engagèrent sur larivière des Illinois qu’ils remontèrent presque jusqu’à sa source. Ils effectuèrentun court portage jusqu’à la rivière Chicago pour atteindre le lac des Illinois.

    Sources : William H. Goetzmann, Glyndwr Williams, The Atlas of NorthAmerica Exploration.H.R. Lamar, The New Encyclopedia of the American Ouest.

    9. Selon Nasatir, dans Before Lewis and Clark, cette affirmation fut considéréecomme une vantardise par le géographe Villier du Terrage.

    Extrait de la publication

  • Extrait de la publication

  • composé en minion corps 11 et oxalis corps 10selon une maquette réalisée par gilles herman

    et achevé d’imprimer en février 2003sur les presses de agmv-marquis

    à cap-saint-ignace, québecpour le compte de denis vaugeois

    éditeur à l’enseigne du septentrion

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    PréfaceAvant-proposINTRODUCTION: Le contexte historique