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Chirurgie 1998 ; 123 : 148-53 0 Elsevier, Paris Article original Les cancers superficiels de l’estomac : expkrience chirurgicale et &de des facteurs de pronostic chez 102 patients C Cervi’, P BurtirG, P Pessauxl, JJ Tuech’, J Roncerayl, JP Arnaudl* ‘Dkpartement de chirurgie visc&ale ; ‘service de gastroente’rologie, CHU Angers. 4, rue Larrey. 49100 Angers, France RiSUMc Objectifs : Cette etude retrospective a pour but de rappor- ter les caracteristiques, le traitement et le pronostic des cancers superficiels de I’estomac dans une serie de 102 patients. M&hodes : De 1973 a 1994,102 patients (68 hommes, 34 femmes) ayant un age moyen de 65 ans, ont ete operes pour un cancer superficiel de I’estomac. La mediane de suivi a ete de 7 ans. La survie a ete calculee par la methode de Kaplan-Meier et le pronostic apprecie par une analyse unifactorielle et multifactorielle des facteurs pronostiques selon le modele de Cox. R&u/fafs : Le cancer etait limite a la muqueuse dans 57 cas (56 %) et etendu a la sous-muqueuse dans 45 cas (44 %). II existait un envahissement ganglionnaire dans 17 cas (16,5 %). La mortalite postoperatoire a ete de 5,8 % (n = 6). La mortalite par recidive du cancer gastrique a ete de IO,4 % (n = 10). La survie actuarielle non corrigee a 5 et 10 ans a ete respectivement de 84 % et de 68,6 %. Dans I’analyse univariee, la survie etait significativement lice a I’age (p = O,OOl), a I’extension sous-muqueuse (p = 0,03), a I’envahissement ganglionnaire (p = 0,0005) et au type d’exerese gastrique (p = 0,03). En analyse multivariee, I’Zrge avance du malade et I’envahissement ganglionnaire de la tumeur etaient les deux seuls facteurs independants ayant un effet pejoratif sur lasurvie (p = 0,0002 et p = 0,002 respectivement). Conclusions : Le pronostic du cancer superficiel de I’es- tomac est habituellement excellent. L’identification des pa- tients a haut risque de recidive est possible en fonction des facteurs de pronostic et surtout en fonction de I’envahisse- ment ganglionnaire. 0 1998 Elsevier, Paris *Correspondance et tirPs d part cancer gastrique superficiel I traitement / pronostic ABSTRACT Early gastric cancer: surgical experience and prognos- tic factors in 102 patients. Study aim: The aim of this retrospective study was to ana- lyze the characteristics, treatment and prognosis of early gastric carcinoma in a series of 102 patients. Methods: Between 1973 and 1994,102 patients (68 males, 34 females) with a mean age of 65 years, were operated on for an early gastric carcinoma. Mean follow-up was 7 years. Survival was calculated using the Kaplan-Meier method. Prognosis was determined with univariate and multivariate analysis according to Cox model. Results: The carcinoma was limited to the mucosa in 57 patients (56%) and extended to the submucosa in 45 (44%). There was a lymph node invasion in 17 patients (16.5%). The postoperative mortality rate was 5.8% (n = 6). Second- ary deaths occurred in relation with the gastric cancer in 10.4% (n = 10). The 5- and 1 O-year actuarial crude survival rates were 84% and 68.6%, respectively. Univariate ana- lysis of prognosis factors showed a significant survival dif- ference according to the age (P = O.OOl), submucosal ex- tension (P = 0.03), lymph node invasion (P = 0.0005) and type of gastric resection performed (P = 0.03). With multi- variate analysis of prognostic factors, advanced patient age and lymph node metastases were the only statistically sig- nificant independent prognostic factors (P = 0.0002 and P = 0.002, respectively). Conc/usions: Prognosis of early gastric cancer is usually excellent. Patients with high risk of recurrence may be identified in relation with prognostic factors and mainly with lymph node invasion. 0 1998 Elsevier, Paris early gastric carcinoma I treatment / prognosis

Les cancers superficiels de l'estomac: expérience chirurgicale et étude des facteurs de pronostic chez 102 patients

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Page 1: Les cancers superficiels de l'estomac: expérience chirurgicale et étude des facteurs de pronostic chez 102 patients

Chirurgie 1998 ; 123 : 148-53 0 Elsevier, Paris

Article original

Les cancers superficiels de l’estomac : expkrience chirurgicale et &de des facteurs de pronostic chez 102 patients

C Cervi’, P BurtirG, P Pessauxl, JJ Tuech’, J Roncerayl, JP Arnaudl* ‘Dkpartement de chirurgie visc&ale ; ‘service de gastroente’rologie, CHU Angers. 4, rue Larrey. 49100 Angers, France

RiSUMc Objectifs : Cette etude retrospective a pour but de rappor- ter les caracteristiques, le traitement et le pronostic des cancers superficiels de I’estomac dans une serie de 102 patients. M&hodes : De 1973 a 1994,102 patients (68 hommes, 34 femmes) ayant un age moyen de 65 ans, ont ete operes pour un cancer superficiel de I’estomac. La mediane de suivi a ete de 7 ans. La survie a ete calculee par la methode de Kaplan-Meier et le pronostic apprecie par une analyse unifactorielle et multifactorielle des facteurs pronostiques selon le modele de Cox. R&u/fafs : Le cancer etait limite a la muqueuse dans 57 cas (56 %) et etendu a la sous-muqueuse dans 45 cas (44 %). II existait un envahissement ganglionnaire dans 17 cas (16,5 %). La mortalite postoperatoire a ete de 5,8 % (n = 6). La mortalite par recidive du cancer gastrique a ete de IO,4 % (n = 10). La survie actuarielle non corrigee a 5 et 10 ans a ete respectivement de 84 % et de 68,6 %. Dans I’analyse univariee, la survie etait significativement lice a I’age (p = O,OOl), a I’extension sous-muqueuse (p = 0,03), a I’envahissement ganglionnaire (p = 0,0005) et au type d’exerese gastrique (p = 0,03). En analyse multivariee, I’Zrge avance du malade et I’envahissement ganglionnaire de la tumeur etaient les deux seuls facteurs independants ayant un effet pejoratif sur lasurvie (p = 0,0002 et p = 0,002 respectivement). Conclusions : Le pronostic du cancer superficiel de I’es- tomac est habituellement excellent. L’identification des pa- tients a haut risque de recidive est possible en fonction des facteurs de pronostic et surtout en fonction de I’envahisse- ment ganglionnaire. 0 1998 Elsevier, Paris

*Correspondance et tirPs d part

cancer gastrique superficiel I traitement / pronostic

ABSTRACT Early gastric cancer: surgical experience and prognos- tic factors in 102 patients. Study aim: The aim of this retrospective study was to ana- lyze the characteristics, treatment and prognosis of early gastric carcinoma in a series of 102 patients. Methods: Between 1973 and 1994,102 patients (68 males, 34 females) with a mean age of 65 years, were operated on for an early gastric carcinoma. Mean follow-up was 7 years. Survival was calculated using the Kaplan-Meier method. Prognosis was determined with univariate and multivariate analysis according to Cox model. Results: The carcinoma was limited to the mucosa in 57 patients (56%) and extended to the submucosa in 45 (44%). There was a lymph node invasion in 17 patients (16.5%). The postoperative mortality rate was 5.8% (n = 6). Second- ary deaths occurred in relation with the gastric cancer in 10.4% (n = 10). The 5- and 1 O-year actuarial crude survival rates were 84% and 68.6%, respectively. Univariate ana- lysis of prognosis factors showed a significant survival dif- ference according to the age (P = O.OOl), submucosal ex- tension (P = 0.03), lymph node invasion (P = 0.0005) and type of gastric resection performed (P = 0.03). With multi- variate analysis of prognostic factors, advanced patient age and lymph node metastases were the only statistically sig- nificant independent prognostic factors (P = 0.0002 and P = 0.002, respectively). Conc/usions: Prognosis of early gastric cancer is usually excellent. Patients with high risk of recurrence may be identified in relation with prognostic factors and mainly with lymph node invasion. 0 1998 Elsevier, Paris

early gastric carcinoma I treatment / prognosis

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Cancers supeficiels de l’estomac 149

Le pronostic des cancers gastriques n’a pratiquement pas variC durant ces demikes d&ekes et la survie B 5 ans, aprks exCr&se B vi&e curative, n’exckde pas 30 %. Ce chiffre ne reflkte toutefois qu’imparfaite- ment la rCalitC car une rksection prktendue << cura- tive >> n’est possible que chez moins de 50 % des pa- tients presentant un cancer gastrique, ce qui amkne la survie B 5 ans aux environs de 10 % pour l’ensemble des patients atteints d’un cancer de l’estomac [ 11.

Le seul moyen d’amkliorer le pronostic des cancers gastriques consiste B traiter des l&ions encore super- ficielles. Dks 1939, Gutmann et al [2] avaient montrC l’existence d’une Ctroite relation entre le de& de PC- n&ration tumorale dans la paroi gastrique et le pro- nostic, et insistaient sur la nCcessitC de diagnostiquer prkcocement les << petits cancers B. En 1962, la SociC- tC japonaise d’endoscopie a dkfini le cancer prkoce (early gastric cancer) comme un cancer limit6 aux couches muqueuses et sous-muqueuses de l’estomac, sans envahissement de la couche musculaire, indC- pendamment de l’extension en surface et de l’enva- hissement ganglionnaire.

Le but de cette etude ktrospective portant sur 102 patients op6Cs d’un cancer gastrique superficiel (ou cancer gastrique prkoce) a CtC : de prkciser les carac- tkristiques cliniques, endoscopiques, anatomopatho- logiques de ces cancers ; d’analyser les ksultats im- mkdiats et B distance du traitement chirurgical ; de prkiser par une Ctude mono- et plurifactorielle les facteurs de pronostic.

PATIENTS ET Ml?THODES

Patients

De 1973 2 1994, 102 patients ont CtC opCr& d’un cancer superficiel de l’estomac. Cette sCrie reprCsente 14 % de tous les cancers gastriques opCr& pendant la m&me p&ode (730 cas). Les cancers superficiels associks ti une polypose gastrique diffuse ou g un cancer gastrique invasif ont CtC exclus. Aucun traitement adjuvant postopkratoire n’a CtC rkalisk.

Le diagnostic et la classification macroscopique des can- cers gastriques superficiels ont &C Ctablis selon les critkres et les rkgles de la SociCtC japonaise d’endoscopie [3] rCpar- tissant les l&ions en cinq types (I : l&ion polypoi’de, II a : l&ion surClevCe, II b : I&ion plane, II c : l&ion dCprimCe, III : l&ion ulctrke). L’examen histologique de la pike d’exCr&,e gastrique a tenu compte de l’extension locale

(muqueuse, sous-muqueuse), de l’envahissement gan- glionnaire et du degrk de diffkrenciation. Ce demier a Ctk formu selon la classification de 1’OMS [4] en trois sta- des : bien diffkrencib, moyennement diff&enciC, peu dif- f6renciC avec ou sans cellules en bague B chaton.

Tous les patients opCr& ont CtC contr616s 1 mois aprks l’opkation et ensuite annuellement. Aucun patient n’a Cchappt 2 la surveillance. Le recul a CtC de 4 2+ 14 ans avec une mtdiane de 7 ans.

Tests statistiques

La survie B 5 et 10 ans a &C calculke selon la mkthode de Kaplan-Meier et le pronostic par analyse unifactorielle, puis multifactorielle, des facteurs pronostiques selon le modble de Cox. Les facteurs de pronostic analysk ont ttC l’ige, le sexe, la topographie tumorale, l’extension par%- tale, l’envahissement ganglionnaire, le type d’extkkse, la taille de la tumeur, le degr6 de diffkenciation et l’existence d’une mktaplasie associke.

RhXJLTATS

Soixante-huit patients ktaient des hommes et 34 Ctaient des femmes. L’bge moyen ktait de 65 ans (ex- trCmes : 3 1 - 88 ans). Les circonstances de dkcouverte ont CtC dans la majoritk des cas un syndrome doulou- reux kpigastrique (n = 82 soit 80,5 %), une hkmorra- gie digestive (n = 7) sous forme d’une hkmatkmkse de faible abondance dans quatre cas ou d’un melaena dans trois cas (cinq de ces patients &ant sous anticoa- gulants), une anCmie isolke (n = 3), une asthknie (n = 1) et une dkouverte fortuite (n = 9). Dans ce der- nier cas, la l&ion gastrique a CtC dtkouverte au tours d’une exploration endoscopique motivke trois fois pour un &at nauskeux, deux fois pour des troubles dyspeptiques Cvoluant depuis plusieurs mois chez des sujets anxieux, une fois pour des prkordialgies et trois fois dans le cadre d’un bilan pour une affection extradigestive. La duke moyenne des symptBmes avant le diagnostic a CtC de 13,3 mois. Dix-sept pa- tients prksentaient dans leurs ant&dents un uldre gastrique et/au duod6nal trait6 midicalement, et sept patients avaient CtC opCrCs d’un cancer extragastrique (u&us, sein, rein, cblon et rectum). Un transit barytC ceso-gastro-duodCna1 pratiquC systkmatiquement au debut de notre expkrience, a CtC rkalid chez 70 pa- tients ; 16 fois il a mis en Cvidence une niche ou une rigidit pariCtale localike, 40 fois il n’a pas permis

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150 C Cervi et al

de conclure et 14 fois il a CtC considere comme nor- mal. Une fibroscopie gastrique avec de multiples biopsies a CtC effect&e chez tous les patients ; elle a permis le diagnostic dans tous les cas : 78 fois au tours d’une premiere fibroscopie, 22 fois au tours d’une deuxieme fibroscopie et deux fois au tours d’une troisieme fibroscopie. La tumeur Ctait situee au niveau du tiers suphieur de l’estomac chez dix pa- tients (quatre localisations sous-cardiales), au niveau du fundus 30 fois et au niveau de la region antrale 62 fois.

Tous les patients ont CtC operes. Seize fois la lesion tumorale n’etait pas retrouvee a la palpation peropb- ratoire ou a l’examen apres gastrotomie ; l’exerese gastrique Ctait alors pratiquee sur les donnees de la fibroscopie et des biopsies preoperatoires. Les inter- ventions realisees ont CtC deux ceso-gastrectomies po- laires superieures par voie abdominale et thoracique droite, 26 gastrectomies totales, 73 gastrectomies subtotales et une exe&se locale. Le curage ganglion- naire a CtC dans tous les cas de type Dl selon la clas- sification japonaise.

L’examen macroscopique des lesions a permis de les repartir selon la classification de la SociCte japo- naise d’endoscopie en 17 lesions de type I, 49 de type II et 36 de type III (tableau I>. Le diametre moyen de la tumeur etait de 2,6 cm (extremes : 0,4 - 10 cm). La taille du cancer superficiel Ctait inferieure a 2 cm dans 47 cas, entre 2 et 5 cm dans 43 cas et superieure a 5 cm dans 12 cas. A l’examen histologique, 57 fois (56 %) la lesion Ctait strictement muqueuse, tandis que 45 fois (44 %) elle interessait la muqueuse et la sous-mu- queuse. 11 existait un envahissement ganglionnaire dans 17 cas (16,5 %) : une fois dans un cancer intra- muqueux et 16 fois dans un cancer sous-muqueux. Le cancer Ctait bien differencie chez 60 patients (59 %), moderement differencie chez 19 et peu differencie chez 23 (dont 16 cas avec cellules en bague a chaton) (tableau Zr). L’examen de la muqueuse gastrique re- velait par ailleurs dix fois une gastrite atrophique et 35 fois une metaplasie intestinale. Un cancer bifocal Ctait observe dans cinq cas (5 %).

La mortalite postoperatoire a Cte de 5,8 % (six cas). Les causes de de&s ont CtC : une fistule anastomoti- que avec peritonite apres gastrectomie totale (n = 2), un cedeme aigu pulmonaire (n = l), une pancreatite aigue necrotico-hemorragique (n = l), un accident vasculaire cerebral (n = 1) et la decompensation cede- mato-ascitique d’une cirrhose chez un ethylique

Tableau I. Aspects macroscopiques des lesions selon la classification de la SociCtC japonaise d’endoscopie.

Type 1 Type II

IIa IIb IIC

Type III

Aspect macroscopique

-

Nombre de patients

17

8 22 19 36

Tableau II. Aspects microscopiques des lesions selon le degre de differentiation.

Nombre de patients

Bien differencie 60 (59 %) Moyennement differencie 19 (18.5 a) Peu differencit 23 (22,5 %)

Avec cellules en bague a chaton 16 Sans cellule en bague a chaton I

Tableau III. Complications postoperatoires.

Nombre Nombre de de patients r&interTentions

Fistules anastomotiques apres gastrectomies totales 3

Abces pa&al 1 Evisceration 1 1 Hemoperitoine 1 1 Complications thrombo-emboliques Atelectasies pulmonaires :

chronique (n = 1). La morbidite postoperatoire, resu- mCe sur le tableau III, a CtC de 12,7 % (13 cas).

Dans cette serie Ctalee sur une periode de 23 ans, 38 patients sont d&Cd& (32 si l’on exclut la mortalite postoperatoire). La mortalite par recidive du cancer gastrique a CtC de 10,4 % (n = 10). Nous avons obser- ve Cgalement neuf decks secondaires a un cancer ex- tragastrique (9,3 %) : leucoses (n = 2), cancers du poumon (n = 3), cancer ORL (n = l), cancer renal (n = 1), cancer colique (n = 1) et cancer cesophagien (n = 1). Cinq decks ont CtC secondaires a des causes medicales (accidents vasculaires cerebraux, n = 2 ; accidents cardiovasculaires, fl = 3). Enfin, pour huit patients, l’enquete n’a pas permis d’etablir la cause exacte du decks (patients ages de plus de 75 ans).

Le taux de recidive neoplasique a Cte de 11,4 % ( 11 patients) : metastases hepatiques (n = 6), metastases hepatiques et recidives locales (n = 2), metastases

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Cancers superficiels de I’estomac 151

hepatiques et peritoneales (n = 1) et recidive locale (n = 1). Cette derniere est survenue chez un patient age, qui n’avait eu qu’une exerese gastrique localisee. La recidive locale a 6tC objectivee par fibroscopie 3 ans apres l’intervention ; une gastrectomie totale a alors ete effectuee et a decouvert un neoplasme T 2 No. Le patient est en vie 6 ans apres l’intervention. Les dix autres patients ayant presente une recidive neoplasique sont d&Cd&.

La w-vie globale non corrigee a CtC de 84 % a 5 ans et de 68,6 % a 10 ans figure 1). Elle etait plus Clevee dans les lesions limitees a la muqueuse (respective- ment 90,9 % et 70,6 %) que dans les lesions etendues a la sous-muqueuse (respectivement 73,9 % et 68,9 %). La survie a 5 ans etait Cgalement plus &levee en l’absence d’envahissement ganglionnaire (88,4 %) qu’en presence d’envahissement ganglion- naire (605 %) (/igure 2).

Dans I’analyse univariee, la survie etait significati- vement like a l’age (p = O,OOl), a I’extension sous- muqueuse (p = 0,03), a l’envahissement ganglion- naire (p = 0,OOOS) et au type d’exerese en faveur de la gastrectomie totale (p = 0,03). En revanche, la sur- vie ne dependait pas du sexe, du type macroscopique, de la taille, du type histologique et de la topographie tumorale. Dans l’analyse multivariee, deux facteurs independants avaient un effet pejoratif statistique- ment significatif : I’bge avance du malade (p = 0,0002) et I’envahissement ganglionnaire de la tumeur (p = 0,002).

DISCUSSION

La prevalence du cancer gastrique superficiel n’a pas change dans notre experience au tours des 20 demie- res annees (14 %). Les progres de l’endoscopie n’ont pas modifie cette prevalence qui reste stable aussi bien dans les etudes europeennes [5,6] que nord-ame- ricaines [7, 81. Ces resultats suggerent que le deve- loppement de I’endoscopie a peu contribue a amelio- rer le stade de diagnostic du cancer de l’estomac. Plusieurs etudes avaient deja souligne ce fait [9, lo]. Ces resultats decevants peuvent s’expliquer parce que le cancer gastrique est souvent deja avance lorsque apparaissent les symptomes. A I’oppose, le pourcen- tage de cancers gastriques superficiels se situe entre 30 et 40 % dans les series japonaises [ 11, 131. Ces differences sont probablement expliquees par les pro- grammes de depistage, mais aussi par des definitions

W-vie globale

SUM

Fig 1. Courbe de survie globale selon la mkthode de Kaplan-Meier.

Survie selon N

I SUM adenopathies ---- oui ; adenopathies - non

Fig 2. Analyse multifactorielle de la survie en fonction de l’envahis- sement ganglionnaire.

differentes des criteres histologiques de malignite [ 141. Les anatomopathologistes japonais etablissent le diagnostic de cancer gastrique superficiel sur les modifications cytologiques et l’alteration de l’archi- tecture glandulaire, alors que les occidentaux ne re- tiennent ce diagnostic qu’en cas d’envahissement du chorion.

L’bge moyen des patients de cette serie est sembla- ble a celui rapporte dans les series occidentales, mais il est superieur d’une decennie a celui des patients japonais [ 11, 151. Dans toutes les series, on retrouve la predominance masculine classique du cancer de

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152 C Cervi et al

I’estomac, en dehors d’une serie japonaise qui rap- Porte une predominance feminine chez les sujets de moins de 30 arts [16].

Les signes cliniques d’appel sont rarement Cvoca- teurs de cancer. Les douleurs Cpigastriques restent le principal symptome rev&ant une fois sur deux le mas- que d’un syndrome uldreux typique. Le diagnostic repose sur la fibroscopie avec biopsies multiples qui confirme la malignite dans plus de 90 % des cas [ 171. Le bilan d’extension preoperatoire conditionne les choix therapeutiques. En dehors de l’examen micro- scopique de la piece d’exerese, il reste difficile de predire le degre d’extension par&ale [ 181. L’echo- endoscopie est un examen prometteur dans le bilan preoperatoire des cancers gastriques superficiels, mais les sondes de 20 megahertz ne permettent pas de differencier les tumeurs limitees a la muqueuse des tumeurs envahissant la sous-muqueuse [ 191. L’utili- sation de sondes de 20 megahertz semble donner de meilleurs resultats [20], mais ce type de sonde reste encore peu utilise en pratique courante.

Un envahissement ganglionnaire est decrit dans 10 a 20 % des cas ; il semble plus Cleve dans les series rapportees par les auteurs realisant des lymphadenec- tomies Clargies [21]. L’atteinte ganglionnaire se li- mite dans la major-S des cas aux ganglions proxi- maux, mais un envahissement des relais lymphatiques distaux a Cgalement CtC rapporte [22]. Cette atteinte est d’autant plus frequente que la tu- meur est etendue en surface, qu’il existe une exten- sion sous-muqueuse, et, de man&e moins constante, que la lesion tumorale est peu differenciee. Le risque d’envahissement ganglionnaire est pratiquement nul dans les cancers limit& a la muqueuse et mesurant moins de 2 cm de diametre, et dans les cancers poly- poi’des envahissant la sous-muqueuse mais de diame- tre inferieur a 1 cm [23].

Les cancers multiples synchrones sont frequents - leur frequence variant de 7,8 a 21 % [24, 25]- mais ils sont souvent decouverts a l’examen histologique de la piece operatoire [26].

Le traitement du cancer superficiel de l’estomac est chirurgical, mais ses modalites restent debattues [27]. La discussion concemant l’etendue de l’exerese gas- trique persiste, ainsi que celle de l’etendue du curage ganglionnaire. Le type d’exerese gastrique varie en fonction de l’etendue et du siege de la lesion neopla- sique : gastrectomie subtotale pour les lesions du tiers inferieur, gastrectomie totale pour les lesions du tiers

moyen et du tiers superieur. Certains auteurs preco- nisent une gastrectomie totale G de principe B quelle que soit la localisation tumorale, a cause de la possi- bilite de lesions multifocales et du risque accru de recidive sur estomac restant [28]. Le choix du curage ganglionnaire est encore discute par beaucoup d’au- teurs ; certains et notamment les Cquipes japonaises [ 13,291 preconisent l’ablation en bloc des ganglions regionaux (curage D2) ; d’autres [6] estiment cette attitude trop agressive surtout lorsque les facteurs de risque sont limit& : cancers purement muqueux, type I ou IIa, de petite taille, et lorsque l’histologie est celle d’un adenocarcinome bien differencie. Ces demieres an&es ont ete marquees par le developpement des resections endoscopiques [30,3 11. Leurs indications, encore discutees, sont reservees, pour les auteurs qui preconisent cette technique, aux tumeurs limitees a la muqueuse, bien differenciees, mesurant moins de 2 cm de diametre dans la for-me sureIevCe, et moins de 1 cm dans les autres formes macroscopiques. Ces indications peuvent concemer plus de 20 % des can- cers gastriques superficiels au Japon, et les taux de survie sont cornparables a ceux obtenus par la gas- trectomie. Chez des patients inoperables, des lesions atteignant 3 cm de diambre ont pu etre resequees completement par voie endoscopique [32]. Mais cette methode a ses limites et expose au risque de mecon- naitre une extension en profondeur, un envahissement ganglionnaire, une tumeur synchrone et de laisser en place des foyers de dysplasie.

Le pronostic des cancers gastriques surperficiels est remarquablement bon, compare a celui des cancers gastriques invasifs. Dans la plupart des series, la sur- vie a 5 ans avoisine les 90 % et dans les series japo- naises les 100 % [33, 341. Dans notre serie, la survie a 5 et 10 ans est moins bonne que celle rapportee dans les series japonaises. Ces resultats s’expliquent par 1’8ge des patients superieur d’une dkennie a celui des patients japonais et par la prise en compte dans le calcul de la survie des de&s lies a l’intervention et g des pathologies autres que le cancer gastrique. Plu- sieurs auteurs ont d&it les facteurs pronostiques du cancer gastrique surperficiel en mode univarie [13, 15, 17, 21, 35-371, mais peu d’auteurs I’ont fait en mode multivarie [35-371. Dans notre serie, l’analyse multivariee a montre, en dehors de l’age, un seul fac- teur independant ayant un effet pejoratif sur la survie : l’envahissement ganglionnaire. Ces resultats sont re- trouves par la plupart des auteurs [35,37], en dehors

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Cancers superficiels de l’estomac 153

de l’etude met-&e par le registre des tumeurs digesti- ves du Calvados [36] ou seul l’aspect macroscopique polypo’ide de la tumeur Ctait retenu par l’analyse multifactorielle comme un facteur independant de mauvais pronostic. L’atteinte sous-muqueuse est de- trite par beaucoup d’auteurs comme un facteur pejo- ratif mais seulement en analyse univariee, une seule etude ayant montre son caractere pronostique inde- pendant en analyse multivariee [35].

En conclusion, l’extension ganglionnaire a une va- leur pronostique pejorative m&me dans les formes su- perficielles du cancer gastrique, d’oti la necessite d’un curage ganglionnaire. L’etude des facteurs de pronostic permet d’identifier les patients a haut risque de recidive qui necessitent une surveillance clinique et endoscopique.

RItFkRENCES

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