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LES CILS DE PORCELAINE Cent sonnets de volière Par le VICOMTE DE BELLOY Le gr o s goujat des Let t res I want to talk to you, par Cyril Rolando

LES CILS DE PORCELAINE - WebSelf CILS... · du crochet droit annulant tout ce que je viens de dire inconsidérément, au titre de l’écrémoir à vapeur ; après l’essorage et

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  • LES CILS DE PORCELAINE    

    Cent sonnets de volière  

      

    Par le  

    VICOMTE DE BELLOY  

    Le gros goujat des Lettres   

     I want to talk to you, par Cyril Rolando 

  •   

    À Jacques Jouet  

    Au nom le plus prédestiné du monde   

    Romancier et poète connu pour ses facéties oulipiennes, quoiqu’il se défende peut-être d’un esprit de potache inspiré que je lui prête néanmoins. 

     J’ai pour ma part, dans ce recueil de Voyant passé à la shampouineuse 

    automatique (la dire à roulettes n’avancerait pas à grand-chose),  

    Tenté de réconcilier divers aspects de la Littérature  

    Ainsi que ses diverses écoles revendiquées ou non :  Parnassienne, Symboliste, Surréaliste voire Oulipienne aussi. 

     Ceci s’inscrit dans un certain réalisme magique, au fond, si l’on cherche 

    absolument à nommer les choses, et tomber dans la réduction de têtes et cette pauvre simplification qu’elle entraîne nécessairement, au regard des pensées 

    que les Navajos écourtent tout autant,  

    Chaudron de sorcier bouillonnant dont je semble avoir jusqu’ici le secret   

    (en fait il semblerait plutôt que la Clef s’en soit perdue dans le puits du Vicomte). 

     

      

    Éditions des Trois Clefs,  5 avenue Cabrol 12300 Decazeville 

      FRANCE 

     

  •           Fausse épitaphe dédicatoire en forme de passoire à couvercle, très utile à toutes sortes de                             choses, comme de river un clou dans la fesse ou dire leur fait aux malotrus de toute espèce,                                   quand bien même l’on songerait à faire d’une pierre deux coups, par un ingénieux ricochet                             du crochet droit annulant tout ce que je viens de dire inconsidérément, au titre de l’écrémoir                               à vapeur ; après l’essorage et l’étrillement savoureux que vous venez de vivre ci-dessus, avec                             un certain étonnement, voire une déception féroce vous faisant refermer le cercueil à double                           tranchant de ce livre, passons donc opportunément, et sans même les transitions d’usage, au                           cirage de bottes, à la pompe à vélo, délice sub-lunaire que les érotomanes de la plume                               jalousent aux impubères, parmi lesquels nous comptons les bande-mou et les                     saintes-nitouches, grâce à un package très inclusif, astuce et volte-face qui ne peinent                         personne, dès lors que l’on remercie les bottiers, les chapeliers, les professions de bouche, les                             routiers, les grutiers, les doux dingues et les timbrés de la Poste universelle (celle qui permet                               de s’écrire à soi-même tout en payant l’affranchissement), que les demi-mondaines, les                       grosses badernes et les comiques inféodés au pouvoir tout ensemble vomissent au nom de                           la morale, des idéaux corrompus et tout le tintouin futile qu’on porte à l’attention du poète                               en mal de fantaisie : les drapiers, les troupiers, les croupiers, les croupières, les artichauts ainsi                               qu’au premier chef, les cruelles marionnettes que nos mains d’enfant confondaient                     pêle-mêle, à la pêche aux mots inhabile ; à tout ce qui me conforta dans mon rôle de                                 j’menfoutiste et d‘empêcheur de tourner en rond, je veux adresser mes plus vifs                         remerciements ici, autant du reste qu’à : Paul et ses amours, Tintin et Mouloud, tonton Alfred                               et son éternel molard, Bécassine et sa fièvre, Justine et sa petite vertu ; autant, bien                               évidemment, qu’aux c(h)asseurs de tout poil, qu’aux souvenirs d’ailleurs, qu’au cloaque                     inhumain, qu’à la vertu des prudes, qu’à la force des rudes,...  

    Qu’il me soit donc permis en ces quelques mots sans doute trop hâtifs ou mesquins,                             célébrant toute l’immonde beauté du monde dans la simple coquille de noix de ce                           recueil tout à fait inactuel, de dédier à tous les branleurs et beaux parleurs                           sus-nommés, adeptes du Karma Sutra de l’absurde ou du rodéo des cimes, les                         quelques verres de joie qui me virent m’envoyer au septième ciel littéraire, manu                         militari.   

    Votre rigoureux, vigoureux et très sérieusement fou Vicomte de B. 

  •  

  • 1.  

    Mon rêve a pris racine  

    L’imaginaire, en rêve, expire à votre cou : À sept pieds dans l’Extase, on le voit sous le coup 

    Des exactes visions de cet arbre au navire Revenu des Orients !... Oh combien ivre vire 

     L’exotique jardin qu’eût dénoncé Lenôtre : 

    Il me semble à plonger dans ce monde tout autre Que mon âme en revient trempée de mille cieux Sous la Transformation qui s’impose à ses yeux ! 

     Ma pensée soudain s’ancre en un sol sublimé 

    D’où l’Arbre à Caravelle, à l’orée du Grand Songe, Tourne sa ritournelle au Gardien d’un Mensonge 

     Par ses aubes plus vrai qu’un seul Jour allumé. Tombé dans le Miroir où se perd mon vertige, 

    J’adresse un signe au Cygne, en suspens sur sa tige !...  

    2.  

    Le pont-au-change  

    Ayant donné le change au pont qui m’attendait, Je sursois à l’impôt taxant la fantaisie. 

    J’en tartine à sou-hait toute ma poésie, Promouvant général des Gascons mon dadais. 

     Quand ce Don Juan s’escrime (entendez sous le dais), 

    Il ne jure que par l’amour de l’ambroisie ; Pour gagner la bataille, il rameute Zazie 

    Et lui bourre le crâne ; au bleu qui paradait,  

    L’Auvergne sous le coude, il offre une algarade Tel qu’un ivrogne fait dans la moiteur du rade. Il court, en quart de centre attaquant le ballon ; 

  • Il troque son fusil contre un sifflet de foot. Dans la trogne ennemie, il calibre trois shoot : 

    Prout cadet, prout cadet, en sonnant du tromblon !  

    3.  

    Sansonnets d’écritoire   

    J’ai près de cent sonnets à récrire ce soir. Après quoi je mettrai ma carrière de barde 

    De côté pour un temps : exeunt la guimbarde Et le vieux psaltérion, je veux ici surseoir 

     Aux honneurs désuets d’épicer la moutarde 

    Qui tous nous monte au nez ; je range ma bouffarde À rimes sans raison ; je quitte mon pressoir 

    Pour dans l’oubli de tout, ne jamais me rassoir !  

    Je vais me mettre au chant pour piéger la linotte. Voilà bien trop longtemps que je cherche et pianote, 

    Sur des airs abrutis, les gammes impassibles  

    Qui me viennent aux doigts sous la dictée d’un Vers Qui, pour des mots tordus, se frappe de bois vert ; C’est dit, je pare au col des oiseaux impossibles !... 

     4. 

     Les mains au balconnet 

     A-t-on lu ci-dessus, ce consternant sonnet 

    Que Charles Baudelaire eût certes peu goûté ? Qu’importe j’apprécie, même empapaouté Par sa mulâtre aux bains, ce poète à bonnet 

     De spleenétique nuit. Une odeur d’encornet 

    Sature l’air céans dans la pièce égoutté Où je prends vos paris. Mais Saturne a bouté 

    Ma requête sensée, jetant mon cartonnet 

  • En faveur du non-sens qu’il préfère de loin. Sa vigueur moribonde abonde dans ce coin. 

    C’est le pilier central du subtil cordonnet  

    Qu’on agite pour ouïr le rire de ma muse, Lugubre et désolé, qui de rien ne s’amuse ! 

    Saurais-je dérider le Sein qu’un bal connaît ?  

    5.  

    Sonnet à seize vers  

    L’esthétique fondée sur les contradictions Qu’en un sens je défends convoque des mirages 

    Qui naissent de l’Image aux magiques orages Délayant dans le ciel de vibrantes fictions. 

     Je donnerais à voir d’heureuses afflictions 

    Fournissant un modèle aux plus serrés virages. La consigne tiendrait au fiel des commérages 

    Dont feraient un dit vain de pentues addictions  

    Pourvu que quatre à quatre, on saute avec adresse Comme un escalier d’or, les paliers de l’ivresse. Ainsi mon troisième œil cravache sur Pégase 

     Dont le gris fondement dans un trou noir dégaze 

    Et je m’avoue content du contraste électrique Entre mes éclairs bleus et vos sots ascenseurs 

     Ne sachant du grabuge aux roulements farceurs 

    Que le tohu-bohu de l’étiage éthylique.  

    6.  

    Sur le fil, en équilibre  

    Beaucoup de pose et peu de talent, hein l’artiste ? Ton esprit de bureau distrait le populo 

  • Même si, chantournés, tes traits tombent à l’eau. Tu te voyais déjà gameller sur la piste 

     Avec Gad Elmaleh pour complice un rien triste 

    De voir cet art fardé avec lequel, falot, Tu tiques une bille, aux espoirs de calot, 

    Dérangeant de ton fil la Terre équilibriste.  

    Ainsi qu’un clone las de clown ou de Pierrot, Bien sûr tu peux aussi sortir du four ton rot 

    Tonitruant de joie, en évoquant l’amour  

    Depuis toujours que tu éprouves pour l’humour !... Tel qu’un livre assommant au bar de l’Écumoir, Ce portrait estropié, qu’en pense l’assommoir ? 

     7.  

    Le lac de la Martine  

    Mes regrets vont d’abord au lecteur assez fou Pour ouvrir un recueil supposé poétique  

    Qui sent le soufre à plein, dès qu’on crève la tique Que le titre dépeint par son côté foufou. 

     Des Cils de Porcelaine aux regards de kung-fu Exposent ma poupée au concours athlétique 

    Où se déchaîne, en diable, un danseur pathétique. Tel Benjamin Péret, je n’ai ni garde-fou 

     Ni remblai de soutien, sinon surréaliste. 

    Mon tercet je l’aiguise à l’ardeur si marxiste D’un idéal d’airain, mais très souple des reins. 

     Mon pote à moi c’est Dac, qui fait du tac au tac 

    Sa réponse à ma Vanne oubliée sur le lac, Tandis que je célèbre un vélo pour ses freins ! 

      

  • 8.  

    Martine à la montagne  

    Martine, à la campagne, en prise avec le lait Qui de partout sévit, à Montcuq ou Séville, 

    Dans les bourgs comme Anus, où le grésil grésille, Au nom de l’alphabet, fait son procès au laid ! 

     Les produits de la ferme, aux Oyes comme à Calais, 

    Ne sont plus que bio ; les canards en famille Répondent aux Échos d’une plume qui brille 

    Par son absence en tout ; des mioches gringalets  

    S’en vont grimper à l’arbre où se tord un pendu : L’agriculteur failli, au suicide rendu, 

    Qu’il étreint par fierté, s’affranchit de leur aide ;  

    Les vaches du troupeau, parmi les culs-terreux, Acquiesceront pour sûr à mon libelle, affreux 

    De ce qu’un Zèbre hirsute au froid brûlot concède.  

    9.  

    Hommage à la satire  

    Ma foi comme l’OM, moi je vais droit aux buts. La tergiversation, rien de tel pour attendre 

    Que Bagdad tourne au beau, que le roc tourne au tendre ; L’atermoiement futile aux déflagrants obus 

     Pour l’heure est dans mon dos. Aux couleurs d’un Cabus, 

    De clocher en clocher, je tire pour m’y pendre Des fils que la luciole aux lueurs sait suspendre ; 

    Comme lui, par erreur, je m’égaie des abus.  

    Mais l’horreur, ainsi faite, est trempée de vrai sang Quand la farce imparfaite exauce à cent pour cent 

    Les vœux d’un monde libre en butte à l’irraison. 

  •  Si la causticité se perd parfois gratuite, 

    Du moins que l’on tolère et l’accroc et la fuite Dans la tuyauterie des maux en oraison. 

     10. 

     Sancho Panza la gloire 

     Je prise l’improbable au picaresque flou 

    D’un Don Quixote sourd à la lance pédante Dont le chef est coiffé d’un plat à barbe, ô Dante ! 

    Il est bas de plafond et maigre comme un clou.  

    Son rêve de moulin joue pour lui son andante Qui berce des géants les appétits de loup. Tandis que l’Illusion lui montre son igloo, Dulcinée voit en lui la muse décadente 

     Qui convient à sa mule accorte, Rossinante 

    Sur laquelle on poursuit sa route hallucinante. En Chevalier Raté que la bravoure anime, 

     Il mène à contre-emploi, pour une idiote gloire, 

    Dans une joute obscure au très grand champ de foire, Comme en butte aux excès, sa folle pantomime !... 

     

  •  

  • 11.  

    Désolé pour la blague  

    Nous avons fait l’amour pour la centième fois. Ce fut intense et sage. Or ma Belle repose 

    À cet instant doré dans le lit où je pose Mes yœufs sur ses seins blonds. Le bonheur est parfois 

     Si frêle qu’il dérive en l’onde par les bois. 

    Fasciné par l’épine où se complaît sa Rose Purpurine et nacrée - telle l’Huître où dépose Le baiser de ma bouche une Perle aux abois, 

     Le Foutre ne veut voir que les grossiers ébats Où l’acte très bestial ne souffre pour débats 

    Que les questions du Sexe où chine la luxure.  

    Quoique Arthur ait loué l’œillet du trou du Cul, Je ne veux pour ma part que lorgner, convaincu 

    Des risibles amours, l’exquise salissure !...  

    12.  

    Dans quelle expectative ?  

    Je crains bien qu’un douzième exercice de style Se présente ici-bas sans que la gibecière 

    Aux poissons fantasmés ne tire à la rivière Plus qu’un bouchon bredouille à la touche inhabile. 

     Les pieds dans l’eau je pèse, au poli de la pierre 

    Que je vois s’écrouler, ma molesse infertile. Oui la prise me fuit qu’une étreinte érectile 

    Rive aux fonds ensablés. Tel l’orant en prière,  

    Qu’un vide existentiel nourrit de poudrière, Hagard, parti, je rêve au recueil incendiaire 

    Que j’aimerais produire, où le rire en sa larme 

  • S’excuserait du peu qu’il sut prendre aux plaisirs, Aussi fluide que l’ombre où, tapis, nos désirs 

    Vivraient du seul Secret de la Mer qui désarme.  

    13.  

    Les Arcanes du Ciel  

    Qui saura retrouver de qui est ce tableau ? Le brochet suspendu à ma drôle de canne, 

    Par l’enfant sur la branche, attiré hors de l’eau, Laisse voir de Dali, ainsi qu’un clair lucane, 

     Le regard illusoire où brille, offerte en lot, 

    La main folle du peintre ; un panier sert l’Arcane Par lequel mon feu prend : la lune mégalo, En bandoulière étire un œil dans la lucarne, 

     Annonçant, en l’aubade, un confondant croissant, 

    Que le fil de l’eau tend, en ce seau saisissant,  Tandis qu’elle se penche, à ma cueilleuse d’onde !... 

     Je sais l’acrobatie que la peinture ordonne ; 

    Je voudrais en mes vers en (r)égaler le monde Et changer quelque peu, par mes visions, la donne. 

     14. 

     L’Ourse à la belle étoile 

     L’argot éditorial nomme mon œuvre une ourse, 

    En somme un tapuscrit qui passe de maison En maison, parfois lu, suivant chaque saison : 

    Hiver, printemps, été, mais sans finir sa course.  

    J’ai fait de l’ours une ourse, à cause de ma bourse Qui ne sait dépenser, et ne veut pour raison 

    Que l’heure du sonnet, que l’or d’une oraison Dans lesquels, après tout, mon vieux mal se ressource. 

  • Malgré quelques faux bonds, depuis longtemps j’écris Et rêve d’un miroir qui me dise les cris 

    Que nul ne sait entendre à moins d’avoir l’oreille,  

    Tel un bourdon pugnace au calice, au pétale, Dans le sainfoin qui cède à la salsepareille Pour conjurer l’oubli de sa mâchoire étale. 

     15. 

     Nihilisme de farce 

     « Il fait, ce zigue-là, un singulier métier. 

    Ne voulant plus “causer” ni des ineptes fleurs, Ni du pigeon ramier, ni des sources en pleurs, 

    Il entend sur la Pie lancer ses chiens ratiers.  

    La souffleuse a sifflé sa note du fumier Qu’il trouvait fort jolie en dépit des râleurs. La voilà qui s’envole en l’air que ses voleurs 

    Postent sur la portée des divas à châtier.  

    Car le zigue aujourd’hui ne croit plus qu’au Néant. Il commande à Dieu même, à son travail géant, 

    Pour qu’il régisse enfin l’amour et la clarté,  

    Qu’il mette à mort la Vie, en ôte tous les Vers Qu’il entend remplacer par des clous de travers 

    Sur des murs toujours blancs ! », me dis-je en aparté.  

    16.  

    Dandysme du Crapaud en dix-huit trous à pic  

    Voici bien quatre-vingt, tel qu’un nombre fétiche, Fois que je traite à chaud le sonnet élégant, 

    Et qu’il me rend, à froid, et l’audace et le gant Que je relève enfin, sûr de chaque potiche 

     

  • Que l’étagère compte, où je place, fortiche, Tel qu’un carburateur au pétard arrogant, 

    En jolis rangs d’oignon, que je me vais léguant, Le canard, le pastiche, le gri-gri, l’acrostiche, 

     Qui sont autant de mots que ton vieux dictionnaire 

    Contient apparemment, vrai révolutionnaire !... J’ai mis un Château Rouge au-dessus de ces Livres 

     Que je fais visiter à Gogol, à Hugo 

    Non sans une hyperbole, ouverte en mon Frigo, Au pastis de l’été que ma fronde couronne : 

     Tandis que je me presse, et que toi tu t’enivres, 

    À finir un recueil plein de testostérone, Il me faut bien oser ce qu’en mon arrogance 

    Je nomme du Brasier de crapaudière, ô ganse !  

    17.  

    Mais quid de l’infâme i ?  

    Halpagué, le monsieur s’étonne du grillage Qu’on voit en couverture et du petit garçon Pissant sur les rosiers, qui ne sait sa leçon 

    Ni d’aujourd’hui, ni d’hier, montrant son cul de rage  

    Sur la plage de Garde aux férus de barrage Qui moquent le narcisse au décevant pinçon, 

    Les sabots, la tulipe où vient mordre un poinçon Et ne savent causer que de chiffres : « Orage 

     Et belle poire, amen ! N’a-t-on jamais vécu 

    Que pour cet infâme i ? » Il n’est pas convaincu Que les vers enterrés par l’inculte lettriste 

     Aient encore un message à livrer à l’enfant. Aux mots de fin cristal, que pète l’éléphant, 

    Il passe le bonsoir ; la casse, “c’est bien triste”. 

  • 18.  

    Quid de l’appeau d’Éphèse ?  

    La confrontation voulue par la diérèse N’aura donc pas eu lieu ; mon livre a fait chou-flanc ; 

    Je me sens comme Alice après le lapin blanc !... Cul nu, le bec dans l’eau, je lâche le ré dièse 

     D’un pet gargantuesque, à l’haleine de braise, 

    Au nez de notre élite intellectuelle et vlan ! Tous les fesse-mathieu qui croquent dans le gland, 

    Ce gâteau de standing, goûtent peu l’aphérèse  

    D’un Privilège aimé. Vous qui boudez la prose Comme le vers au fond pour le pamphlet qui pose, 

    Je vous salue bien bas ! Vous tirez mon chapeau  

    D’une pogne insolente, et je vous ris au pif ! Le beignet sur l’oreille, à la gueule mon pif : 

    Vive le Beaujolais des clichés noirs de peau !...  

    19.  

    Sainte-Anne sur son âne  

    Ta charge au vitriol, l’ami, est sans effet, Tu faillis à servir la cause du vers bleu 

    Par trop d’attachement à cette queue-leu-leu Que quatrains et tercets, sur un air stupéfait, 

     Dansent à la façon d’un quadrille défait. 

    Ta carmagnolle absconse est un défi que le Strasbourgeois se rappelle à l’aune, sacrebleu, 

    De la transe mystique où la nonne se fait  

    Engrosser par l’évêque, à l’heure séraphique Où le clocheton sonne, à l’ombre maléfique D’une Sardanapale, un Minuit de santal !... 

  • Sous une lune hilare, on croit apercevoir Sainte-Anne sur son âne, au cri fondamental Pour la peste dansante où le mal se fit voir !... 

     20. 

     Baron, sauvez-nous vite ! 

     N’entendez-vous le cri de l’orage étranglé 

    Qui décède au tonnerre, alors que mon chien gronde Au roulis d’outre-tombe ? Aucun homme à la ronde 

    Ne brave le spectacle, à l’horizon cerclé 

    Par le grand tintamarre au tam-tam déréglé, Ailleurs que par la vitre où passe, à queue d’aronde, 

    L’étrier conséquent du cheval-ballon-sonde Du baron Munchausen qui vient au déboulé 

    De se tirer ! L’humour expédie son boulet 

    Dans les éthers du Diable, où commence un ballet Jamais vu nulle part. La sorcière Scorbut 

     Accueille dans ses bras, à renfort de bisous 

    Suivis de coups de fouet, le sorcier Belzébuth Connu jusque sur Terre où nuisent ses zazous. 

     

  •   

    21.  

    Les mondes imaginaires  

    La furie collective est une saine chose. La conscience, aiguillée, hallucine à bon droit, Voit l’éléphant qui vole, évidemment morose, 

    Dans le ciel rosifié, intense et maladroit,  

  • D’une Barbe-à-Papa ! Un réel eau-de-rose Meurt aux pieds de cet ange : un steamer du détroit D’Ormuz qui, sur les flots, semble dormir tout droit 

    Tel qu’un fantôme à quai. L’atout de la névrose  

    Est de passer le pas vers ce monde caché À l’intérieur du Mot, où le rêve ensaché 

    Superbement ignore, au cachot de son havre,  

    La consonne d’appui d’une règle accessoire ; Son navire a viré, mais sur sa balançoire, 

    La folie subjuguée veut encor croire au Havre !  

    22.  

    Le chaudron du poème ?  

    Le chaudron du poème est un point de départ. Si je savais en tout où l’affiche me mène, 

    Aurais-je autant de soin à voir ce qui l’amène ?... Le titre suffit-il, du fait d’un faire-part, 

     À provoquer l’image où bondit le guépard ?! Je cherche à m’étonner du libre phénomène Qui se produit au bris du pot de Philomène. 

    Je suis tombé dedans depuis lors pour ma part ;  

    Oui dans le pot à fruits que peint l’imaginaire, À défaut du chaudron de confiture amère. 

    Qui voudrait ne manger que d’un plat à la fois  

    Quand il peut varier (c’est la diérèse encor Dont avec le hautbois, on oit le chant du cor) 

    Sinon chaque couvert, de chaudron toutefois ?      

  • 23.  

    Hip-hop contre sonnet  

    Le flexing, le sonnet, n’auraient rien de commun. Cette forme très fixe, au viseur qu’elle avise, Ne devrait que le tir, non le trait qu’elle vise ; 

    Il faudrait pour bien faire éviter le “comme un”  

    De peur d’aller trop loin (le rapt du sac à main). Son lyrisme assassin n’aimerait que Venise. 

    La révolte sociale est ce que préconise Mon chanteur de hip-hop, aux lourds bijoux carmin. 

     En adepte du Flot, il croit d’abord aux Rimes 

    Dont il jongle, pécheur, soutenant tous leurs crimes. Le sonnettiste aussi s’en remet à sa dope ; 

     Du mumbling rap il dit tout le mal qu’il en pense. 

    Il fait cingler sa chaîne, affalée sur sa panse, Et répond en tercets au beef d’Hang Off My Rope. ¹ 

     ¹ “Dépends-toi de ma corde”. Le beef n’est pas du beaf en l’espèce, même si les échanges 

    peuvent s’avérer saignants. 

    24. 

    Réclame au fil à beurre 

    Désolé mais voilà, je vise l’excellence. Mon art dorénavant sera de ce seul bois. Je suis las de vomir ce qu’avec foi je bois. 

    Mon endurance au plat, nourrie de somnolence, 

    S’est trop accommodée du putain de silence Dont on méprise un vers s’il ne tire les rois 

    D’une impasse admirée ; pardon si je déçois ! J’entends, du seul sonnet, écraser la balance ; 

  • Je ne veux plus tomber dans les travers de forme Et les fossés du style où bruit la norme énorme. 

    Je veux un beau lavis que flambe l’horizon ; 

    Du vu définitif, ce soupirail de bagne Fait de Terre et de Soif, au futur de cocagne ; L’idée puissante et sûre où s’élit la raison !... 

    25. 

    Un ogresque appétit 

    La tactique du temps, c’est de faire tic-tac 

    En coupant la seconde aux ciseaux de l’angoisse Dont l’heure-chirurgien, aimant à ce qu’on passe 

    L’inénarrable attente auprès du bric-à-brac 

    Des souvenirs gouttant, traite en un ciel ricrac Sa sableuse matière, invitée dans l’espace 

    Dont fourmille l’ennui quand la page vous froisse Par l’intraitable oubli qui se plaît au trictrac 

    Comme aux trous de grenouille où végète l’espoir. 

    De la saillie cocasse, entre fromage et poire, Chronos, peu coutumier, appelle à l’abattoir 

    Les détours éreintants, visibles dans l’Art-Moire Que son décompte honni décapite au battoir. Son ogresque “apathie” pèse sur ta mémoire. 

     26. 

    Le syndicat des cons 

    Le syndicat des cons défend, en la bêtise, Une coquetterie dont sait s’enorgueillir, Dans le stoïque idiot, la bêtise à cueillir ! Cette situation fait que l’on sympathise 

  • Avec le bord couché et le rare cytise Tandis qu’un ciel-de-lit vient bon prince accueillir, 

    Au plafond de l’amour (où fondre et tressaillir), Les hauteurs d’un “génie” qui transige et pactise !... 

    Cette disposition pour la gaffe si drôle, 

    À force d’esprit niais, fait qu’on affûte un rôle Qui se paye d’humour mais à contre-courant 

    Du farcesque bon mot. Il faut être un expert 

    Pour goûter ces gadins dont le tour même perd Tout sens à demeurer à l’excès dans le rang. 

    27. 

    La poésie lettriste 

    La poésie lettriste a beaucoup trop de goût. Sitôt sa confection achevée dans le chiotte, On aspire sa moelle, on croque sa griotte, De manière à chier ce liquéfiant bagout. 

    N’allez donc point médire en daubant cette crotte, Plaît au ciel qu’elle inspire à d’autres nos dégoûts ! 

    Nous disons que les rats ne sont bons qu’aux égouts. Vous, partisans frustrés de l’idiote litote, 

    Permettez que je dise en quoi vous eûtes faux : 

    De la Mort vous prenez la destructrice faux En guise de serpette aiguisant la culture ; 

    C’est dire assez quel snob recours à l’inculture (Fort d’un songe crétin) l’on fait en retranchant 

    À la langue son cri, au poème son chant.      

  • 28. 

    Les Expirations de Leo Porfilio 

    Le seul tort du recueil, c’est qu’il est trop parfait. À force de vous suivre, aux crêtes du génie, 

    La lassitude en somme, et sa lourde aile unie, S’installent à la longue et l’on bâille (si fait !). 

    Vous seriez inspiré de saisir en effet 

    De l’azur contingent - ce n’est pas ironie ! - La diaprure un peu lâche, en général bannie 

    Dont l’artisan drapier fait un ciel imparfait. 

    Irréprochable en somme, en sa bonne fortune, Votre livre confine aux grâces du cothurne 

    Qui s’observe jouer sur la planche idéale 

    D’un tréteau perverti par le penchant qu’il soigne Pour le sérieux toujours : nul humour dont témoigne 

    Le sonnet mal léché par un ours en cavale. 

    29. 

    Un poisson-lune au soleil 

    Un poisson-lune glose aux côtés du soleil Qu’il trouve peu causant : « La voûte maritime Fait une belle nappe ! » explique-t-il, intime ; 

    Or l’astre bas s’essuie, comme pris de sommeil 

    (Alors qu’il se met à gratter son gros orteil), Un coin plissé de bouche où glisse un air sublime ! 

    Sur la serviette d’eau, un friselis ultime Passe insensiblement. On entend le réveil 

    Qu’il règle chaque nuit pour ne point se lever 

    Trop tard : il se connaît ! Il viendra relever Demain la Sentinelle, après son tour de garde !... 

  • Et comme d’habitude, on le verra briller De l’Est à l’Occident, non sans vous éveiller 

    Vous-même de ses feux ; mais que faire s’il tarde ?  

    30.  

    Le livre-lièvre 

    Le bouquin¹ est un lièvre et le livre un bouquin. Dans la rase-campagne, il galope et détale. 

    Si vous vouliez un jour que pour vous il s’étale, Il le ferait pour sûr dans l’album d’un Franquin. 

    Le grand zèbre à ma gauche est flanqué d’un coquin 

    Rêvant de s’envoyer la Thérèse Raquin ! Voilà l’humour non-stop, sans une seule escale, 

    Qu’il pratique, innocent, au gros port de Cancale. 

    Qui rote ? Don Quixote, à bord de l’Oulipo, Un navire marchand où monte sur le pot 

    D’un trône de fortune, une enfant trop gâtée ;  

    Où désaxé Queneau claque de la quenotte Et mon pianiste ému cherche un ciel pour sa note. 

    Ah ! vive le bouquin à la course ratée !  

    ¹ Mâle reproducteur au Canada  

  •  

    31. 

    Bilan de vacances 

    La mère se retire (au ressac du voyage). Son objectif atteint (un hâle de bronzage), 

    Elle reprend la route (au bel embouteillage) Pour retourner chez elle (oublions le rasage). 

    Il semble qu’un bilan (de vacances précoce) 

    Montre l’inanité d’un repos aussi plat ; On reste là sur place (à surveiller le gosse) 

    En lisant un roman de plage sans éclat. 

    Avec moi visitez la campagne profonde Du hameau désolé qu’un heureux ennui fonde. La campagne est profonde à cause de l’esprit

  • Y rampant à la ronde avec l’art des ragots Qui sont frais à entendre : ô Reine des Bigots, Viens là nous divertir de nos maux à bas prix ! 

     32. 

    Les héritiers d’Isidore Izou 

    Au nom du modernisme, on tombe dans l’absurde 

    Et la fatuité du lettriste amateur Qui tâche de bleuir, masque d’usurpateur, 

    Le vert-de-gris d’un casque au front du soldat kurde. 

    Un Danois l’apostrophe, et lui dit : « Du burde  Besøge ham ! ¹ - Pardon ? », répond-il en acteur, 

    Jouant à l’offensé face à son détracteur Qui prétend lui voler, d’un ton quelque peu rude, 

    Cette onomatopée dont il créa la bombe. Aussi fait-il entendre un aperçu de tombe, 

    Ce genre de silence à l’affront épatant ;  

    S’il inventa le son d’un nouveau poil à frire, En caquetant d’ardeur avec des couacs à rire, 

    Il paraît importun beaucoup plus qu’important. 

    ¹ ”Tu devrais lui rendre visite”.  

    33. 

    Sonnet aux bouts-rimés 

    Sur ce coup-là, ma foi, en berne, mon moral Me montrait le pari comme perdu d’avance. 

    Il s’agissait d’abord de prendre un pot par l’anse D’un geste tout à fait, tout à fait théâtral ! 

      

  • Ouf ! le premier quatrain semble fait, caporal ! Vous attendez, je sais, la belle rime en transe : 

    Je vous la donne aussi, au terme d’une errance Qui, sans l’avoir cherché, me fit trouver le Graal !... 

    C’est juste un pot au lait que Perrette cassa 

    Comme un œuf sur le plat. Mais que dire à part ça ?... Que la chevalerie, truffée d’invraisemblance, 

    Voudrait voir redorer son éculé blason ?... 

    Parlons en bouts-rimés ; vantons-en la Raison Que le Rêveur, au Puits, traite à sa ressemblance. 

    34. 

    Comment faire un sonnet 

    Commencez par choisir cette rime de base 

    Que par quatre l’on place ; attention, complétez- La par sa sœur de lait. Au besoin complotez 

    Pour faillir à la règle ; mais pour courser la hase 

    Jusqu’au trou de souris de la prochaine case, Il faut de l’endurance ; si vous ne respectez L’alternance promise, et biaisant, blablatez, 

    Ne soyez pas surpris que le lecteur qu’on rase 

    Prenne aussitôt congé. Après vos deux quatrains, Passez donc aux tercets et leurs rigoureux trains 

    Dans lesquels on embarque en songeant à la Faim  

    Qu’il nous faut bien servir ; alors l’ultime rime Se dédouble bientôt, pourvu qu’un sens l’arrime ; 

    Puis il s’agit de clore avec un mot de fin !     

  • 35. 

    Pont-levis et marelle 

    Le Pont-levis des mots te mène au Château fort Qu’en ton for intérieur, - oyons l’ambre en l’ombrelle ! - 

    Tu fantasmes sans fin. Tu aimes la Marelle Et sa Rêverie, du Ciel le Coffre-fort 

    Qui s’offre aux yeux de l’âme. En un suprême effort, 

    Tu tailles ton Crayon pour qu’il dise l’airelle Au sol halluciné. La terre intemporelle 

    Où tu poses le pied est ton seul réconfort ;  

    Dans les Douves du doute, on écoute Ophélie Dériver sans un trouble à l’heure de Clélie. 

    Sous l’eau, ton embuscade attentive à l’oiseau 

    Répond à l’onde vue des dessous du roseau. Le miracle, toujours, est à réitérer 

    Qu’un flamant rose en vol aux yeux semble étirer. 

    36. 

    Mon lourd chamboule-tout 

    Mais toi tu fais pipi sur la pépite d’or, Ignoble cénobite, à la barbe de plume ! 

    Quand l’amertume folle en ton œil se rallume, Qu’espếrer de tes mains sinon ce loir qui dort ? 

    Quant à la pipistrelle où tu vois un condor, 

    Que répondre à l’honneur que tu fais à l’enclume Par ta tête plus dure, en sa porte à bitume, Sinon que tes valeurs sont celles du cador ? 

    Dans ton babil à nœuds que le vide révoque, 

    Dont le trait incompris flatte toute équivoque,  Dis-moi donc ce qu’il reste au passionné des mots ?

  • Le renouveau qu’en fait j’appelle de mes vœux Ne peut pas être aussi tiré par les cheveux. 

    Permets donc que je brûle au feu tes chaluts-mots. 

    37. 

    Du grand n’importe quoi ? 

    On inventa jadis, pour mesurer le temps, Un genre de plat d’eau, qui fut nommé clepsydre. 

    On eût, tout aussi bien, pu déverser du cidre Sur l’ingénieux système au calcul compétent. 

    Plus tard vint la pendule, et son décompte autant 

    Cliquetant et mondain qu’imprécis au philydre. Quant à moi je vous vends un type de chersydre 

    En remontrant en mer au serpent lesothan 

    (Du Lesotho d’Afrique où plus d’un mythe naît Tel l’apartheid au fond, que Rosa méconnaît) ; 

    De l’Aspic il possède un sexe fuselé 

    Qui s’ajuste au grand poêle ansé de la femelle. Comme en la bosse d’eaux utile à la chamelle, 

    Il nous vend sa sébile au lapsus muselé.

    38.  

    Un cocktail Molotov  

    J’ai fait un vœu secret, même un secret vœu pieux, Celui de conjuguer le vampire à la mode Avec non seulement, la cheville d’Hérode, 

    Mais aussi le manga, aux moteurs ennuyeux ;  

    La gabegie du prince aux décrets oublieux Avec la Fantasy, le Steampunk bien commode 

    D’une foire à neuneu dont un gars malcommode Inventa le concept pour éblouir ses vieux. 

  • Il s’agit, croyez-moi, d’affiner les recettes De tout ce qui fonctionne en prenant des pincettes 

    Et, se pinçant le nez, de décréter qu’ici  

    Réside le secret d’un tour de main joyeux Qui fait la pipelette et le cromlech soyeux : 

    Goûtez-moi ce cocktail et cessez d’être assis !  

    39. 

    Le complexe de l’inconnu 

    C’est littérairement très fort mais nul ne voit Peut-être le travail que son soin nécessite. 

    La précision formelle à laquelle il excite N’est pourtant point dantesque, à celui qui prévoit 

    Ses pièges de rigueur. Le drôle d’abat-voix 

    Dont il mouche son cierge, et cette appendicite Gonflante sous ta plume : est-il plus explicite 

    Tour de cloche fêlée chantant à Courbe-Voie ? 

    À moins d’avoir un prix, personne ne remarque Qu’À l’ouest rien de nouveau d’Erich Maria Remarque 

    Fera date en un mot ; bon c’est une exception ;  

    Mais feriez-vous confiance au recueil d’un auteur Dont nul n’eût entendu jusqu’au nom : quelle hauteur 

    Lui accorderiez-vous, sans insinuation ? 

    40.   

    Ma baleine à ressorts 

    Venez sans faille voir ma baleine à ressorts Exposée depuis hier au musée de la ville. 

    Comme monstre marin, Moby Dick de Melville Est un poil en retrait par rapport aux ressorts 

  • De la peur qu’il éveille, au diapason des sorts Que l’autre harponneur lance à sa poursuite : vile À nos yeux, cette quête est comme un vaudeville 

    Sans placard, sans amant : l’intrigue nous laisse hors 

    De tout entendement !... Regardez donc l’évent De mon orque à présent ; n’entend-on point le vent 

    Passer dans ses cheveux, bien mieux qu’à Moldy Beak ? 

    Le musée est ouvert jusqu’à la Saint-Glinglin. Je vous ferai savoir, par mon bugle malin, 

    Quand rire de mon art à la gomme arabique.  

      

  • 41. 

    Sonnets contre sonnettes 

    Huit sonnetteaux par jour, cinq fois multipliés, Cela fait bien quarante : oh venez çà nous mordre 

    Au sac les vipéreaux ! Amusez-vous à tordre Leurs anneaux dans les airs ! Tous les camions pliés 

    Dans mon carambolage, aux jeux de mots liés À l’entrelacs de tôle où l’étonnant mot d’ordre Semble de fracasser, sans jamais en démordre, Le nid des vieux coucous, aux larcins oubliés ; 

    Tous ces camions ringards, démolis en beauté, 

    Qu’une illusion fatale a pris au chat botté, Me roulent sur les nerfs !... C’est pourquoi nous disons 

     Aux serpents de tout poil qu’au phare aux métaphores 

    Où nous les balayons par des lueurs d’amphores, Leur sonnette à crochets n’effraie que les bisons ! 

    42. 

    L’idéalisme est mort 

    Je tomberais d’accord, bien sûr, quoiqu’à regret, 

    Avec ce point de vue en tous points réaliste Qui voudrait qu’aujourd’hui le fier idéaliste 

    N’ait plus guère de grain à moudre au Malingret. 

    Ce lieu-dit de légende est versé dans le grès Du vase inénarrable où penche, casuiste, 

    La Rose d’un Remords en partie masochiste Que je veux tempérer d’un recours à Maigret ! 

     Le Mobile du Meurtre, en l’assassin du Rêve, 

    Quel est-il en ce siècle, où tout finit en grève ? Quelle est l’échappatoire abîmée de ma sonde  

  • Qui ne conduit qu’au Trouble, immatériellement ? Le lyrisme, perdu, s’accroche mollement 

    Au dernier parapet d’onirisme en ce monde.  

    43. 

    Quand la nuit sut le soir 

    Dans la boîte à bijoux, une aiguille trottine Sertie dans son gousset. Comme en une comptine, 

    La montre au cliquetis conte le temps qui passe ; La seconde surgit, l’instant d’après trépasse. 

     La comtoise, au salon, est toute de patine. 

    Son bois de palissandre, enduit de brillantine, Du globe du cadran, comme de guerre lasse, 

    Distrait l’évanescence, où bat de place en place  

    Le siècle qu’il compta. La pièce est dans le noir. L’ancêtre, du tableau, veille sur mon sommeil ; Mon songe est tout empli de neige et de soleil. 

     Le tic-tac de la Mort, à ce concert se joint, 

    Égrenant en silence, au point d’un ciel disjoint, La fable millénaire où la nuit suit le soir... 

    44. 

    L’as de la cambriole 

    Je suis passé d’un coup du talent au génie Sans nulle transition. Hier encor je troussais 

    Mes vers aux pieds de lune, après quoi je poussais Ce landau plein de gnards pondus par l’Eugénie, 

     Ma Dulcinée de classe, ô mon épiphanie ! Oui, encor à “verser” de côté, je toussais ; 

     

  • La quinte me venait, l’as de cœur se mussait Alors que je brûlais cent pipiers d’Arménie. 

     Nous avions lu tous deux Liliane est au lycée, 

    Et de Marcel Pagnol : La pièce coulissée. Il se peut que mordu par la mouche tsé-tsé, 

    Je présente un symptôme étrenné par Dogman ? 

    Pourtant mon Rossignol, tel qu’à ce gentleman Que dépeignit Leblanc, est des plus effacé !... 

    45. 

     Sonnet à seize pis 

    Aussitôt commencé, aussi vite fini, 

    Mon poème, à ce rythme, écrit coûte que coûte, Me décrit un chemin que l’espoir prend en route 

    Se gaussant des faux-pas troublés par l’infini. 

    Lui donnant à becter d’un os indéfini, Près de mon sansonnet, je me poste à l’écoute ; La pipette à pipeau distille un goutte à goutte 

    Qui suffit à distraire, en lui, son cœur uni.  

    Il chante à pleine gorge en dépit de sa geôle. Comme heureux de son sort, il suçote la gnôle 

    Que je lui donne quand il vient de moduler 

    Quelque gentil brin d’air, à sa suite noté Sur mon calepin sec. Non sans déambuler 

    Moi-même tout le jour, je me couche, invité À reproduire en rêve, une à une les voix 

    Dont mon sonnet m’aide à hisser tous les pavois.  

       

  • 46.  

    Sansonnet vire-vole  

    Sansonnet vire-vole à travers un gros vent. La volière d’azur qu’il a pour territoire 

    Lui suffit amplement, comme la patinoire Aux patineurs sur glace, où ils s’en vont rêvant 

     Aux figures qu’au ciel, ils font dorénavant. 

    Les oiseaux, les enfants, ensemble dans l’histoire, Saoulés de liberté, songent au saint-ciboire 

    Qu’ils lâcheraient sur ceux, cachés d’un Paravent,  

    Auxquels tel Dieu profite, agonisant sur croix. L’Adversaire ricane, à bon droit s’il m’en croit, 

    Puisque l’Église fit ce vieux mythe assassin  

    Pour moquer jusqu’au chœur un Jésus détourné De sa mission par eux : ainsi fut contourné Son message d’éveil tout à fait à dessein. 

     47. 

     Le Secret d’un Voyage 

     Monsieur l’Amour à gauche et madame la Mort 

    Ont pris part au menu qui se sert à ma table. Et chaque plat défile au fumet délectable. Et l’enfance commence à la jetée du port. 

     Votre naissance en mer, dans la main qu’une Eau mord, 

    Vous vit venir de loin. Vous alliez, imbattable, Dans cet habit de chair, ouvrant votre cartable Aux missions, aux périls, rectifier tous les torts. 

       

  • Le plat de résistance a un drôle de goût ; Vous doutez du hors d’œuvre autant que du ragoût. 

    Vous allez au charbon, pourtant, comme prévu.  

    Le souvenir revient, peu à peu de l’Étoile Dont procède votre âme ; et bientôt se dévoile 

    Le Secret d’un Voyage, encore que mal vu.  

    48.  

    La flamberge des Fous  

    À l’asile de fous, j’ai fait un long séjour Pour savoir si les psys ont le sens de l’humour. 

    Napoléon blasé, je fis mon numéro Qui me valut trois fois les lauriers du héros. 

     Certains en sont contents ; d’autres y voient le jour. 

    Cependant nul n’y sert le vin de l’apéro. Je dois admettre ici que son tour fit un four 

    Lorsqu’il y permuta ses douleurs en euro.  

    Il est des internés qui n’ont pour obsession Que de sortir enfin de la folle session 

    Qu’ils ont ouvert en ligne au plus fort de leurs jeux  

    Et de quitter ce cercle à tous égards nocif Qui leur fit voir Sisyphe en monstre décisif 

    (Si tout repose en vrai sur les pouvoirs du JE).  

    49.  

    Petit sonnet d’eau douce  

    Le sonnet, voyez-vous, se prête à tout sujet : Banal, libre, empesé, même choquant ou naze, 

    On peut lui faire dire, au regard de ce jet Qui baigne ma Fontaine, avec l’eau vive en phase, 

     

  • À peu près ce qu’on veut ; ainsi n’est-ce une hase Que le b(r)ouillon dessine à l’ombre du rejet Inscrit sur ce coin-ci, en prenant à sa base 

    L’onde qu’anime un vent ?... Quant au contre-rejet,  

    Il se révèle utile à notre homme de lettre Substituant les valeurs de l’avoir et de l’être. 

    Du moment qu’on accorde au vieux schéma des rimes  

    Une neuve attention, tout s’avère possible : Ainsi la Flèche d’Or, qui vient frapper la cible, 

    Peut partir d’Angelo ou des chasseurs de primes.  

    50.  

    Cinquantième sévice  

    C’est le balancement qui fonde le sonnet Et son rythme seyant. Dès lors que l’on chantonne 

    Sous cette scansion-là, qu’on beugle ou qu’on entonne L’élégie constipée, il vient, sous le bonnet, 

     Des amours en partance, où l’âme reconnaît Son parcours idéal !... La forme que festonne Une rime jouasse est un jeu dont s’étonne 

    Le philistin comblé. Alors qu’il ricanait  

    À gorge déployée en ouvrant la plaquette De ces vers à Butin, je lui pris la quéquette 

    Pour la mettre à bouillir avec des écrevisses.  

    Ce traitement sévère eut l’étonnant effet De le faire pleurer tandis qu’il dégrafait 

    Sa chemise fleurie pour mieux vivre ses vices. 

  • 51.   

    Sonnet à la Byron  

    Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je m’éclate Me commande un sonnet qui fait mon désespoir. 

    Il me faudra pourtant tourner le dévidoir À sa demande à l’eau, content que mon Pilate 

     Ne m’eût point assigné de faire à la baratte 

    Un leurre de saison ; heureux que mon heurtoir Se limite à la porte à quoi toque un dortoir 

    Que je connais trop bien. La lyre, qui me gratte, 

  • Lui offrira là-bas toute satisfaction. Fignolant ma rimaille, où des pieds de faction 

    Martyrisent le vers, ma muse tout à coup  

    Lui servira d’un plat qui plaît à la novice Du couvent que couve, en traînant là dans l’office, 

    Le cuistot endiablé apprêtant son coucou !  

    52.  

    Tourbillons méphitiques  

    Un moine défroqué vient sans cesse insister Pour qu’on fasse à sa charge un bréviaire imagé. 

    Il en a tant soupé de ce dogme enragé Qu’il veut que je m’en paie, afin de persister 

     Dans son rôle frondeur. Près de me désister, 

    Je tourne en ma cellule, aussitôt engagé Dans un combat mental où Jésus, outragé, Me prend par le colbac. Il me faut résister 

     À la peur des Enfers tenaillant le Croyant 

    Qui se croit en dehors de ce lieu foudroyant. Tournant le dos au doute, une frénésie frustre 

      Me saisit un instant : tel qu’un mécréant rustre, 

    Je trace en pointillés la jambe de Marie Qu’une jarretelle offre à l’œil du bain-marie ! 

     53. 

     Alice au Roi des Rois 

     Alice en l’échiquier, où se joue son destin, 

    Parle à la Reine ainsi, qu’un cavalier protège : « Pardon la Majesté, mais je me suis fait tège En venant dire au roi, d’un mot l’autre matin, 

     

  • Qu’il est temps de donner sa chance au lamentin ; Le voilà qui s’exclame et joue d’un sortilège, 

    Brocardant mon désir éhonté, sacrilège, De rendre à la Beauté sont art adamantin. 

     Il fulmine en sa barbe, la proie d’une indicible 

    Envie de me pousser, de son sceptre insensible, Dans les orties du Vide où rôde le vautour. 

     Du Saint-Laurent des mots, vertement il se moque, Comme du lapin blanc, comme du bébé phoque. 

    - De quoi donc te plains-tu ? Il me biaise en sa Tour ! »  

    54.  

    Sonnet à seize pistes  

    C’est à Quentin Mouron, que je ne connais pas, Que j’ose dédier mon plus curieux bonnet. 

    Bizarrement peut-être (oublions ce faux-pas), Il fut la cause, en l’air, d’un maigreux sansonnet 

     Auquel il apparut, tandis qu’il ramonait 

    Ses cheminées de style, à l’heure du repas, Porteur de ce mouron qui pousse, pour appât, 

    Hors de vue des barreaux de ma cage à sonnet.  

    On dit de toi, Quentin, que tu es le Houellebecq De la blagouze à froid. Moi qui n’ait d’Où est l’bec 

    Lu que la mise à feu d’un critique borné,  

    Je n’irais pas jusqu’à voir là ce compliment Qu’on prétend t’adresser, même si, poliment, 

    Je dirais de Michel, ce phénix adorné Des péchés de Clitho, qu’il file un vieux coton 

    Que notre filandière eût repris à Caton.    

  • 55.  

    Une ombre à tequila  

    Cinquante-cinq sonnets. Voilà ce nombre d’or Qui me pousse à trouver les rimes téméraires 

    Où Charle à temps eût mis, en guise d’honoraires, La somme très modique, à l’égard de qui dort, 

     D’une roupie, pas plus. Toutefois le condor, 

    D’un piqué sur falaise, accueille aux cinéraires Des fourrés parsemés de splendeurs funéraires, 

    L’obèse musaraigne aimée du picador.  

    Le rapace diurne, au sud de l’Amérique, Fait aux canyons de fou son planton chimérique. 

    Son œil ébouriffé remarquerait l’abeille  

    Butinant le cactus. La nuit qui descend là, Très graduellement, place dans la corbeille 

    Du désirt engourdi une Ombre à tequila.  

    56.  

    Sonnets à seize coups  

    Il me reste à fourbir mes Trophées hérédiens (Moi qui ne vins d’Igney, par la route des Vosges, 

    Que pour mettre en bascule autrui dans l’or des bauges). Accepte simplement, comme aux cieux hégéliens, 

     Mes traits de vantardise, obscurs et hugoliens. Achevant Heredia par mes lauriers de sauges, Je tire à hue, à dia, mon cochon de ces auges 

    Que boudent les ronchons dans les parcs tyroliens.  

    Il m’agrée… de canard de répondre à José Que moi, son challenger, par mes vins de rosé, 

    Entends prendre aux Trophées, culotté que je suis, 

  • La palme et la carotte, ainsi que le couteau Que l’huître lui ravit, quand chantant au coteau, 

    Écaillant de la mer la palourde légère,  

    Il retenait son souffle au pied de la congère Qui bleuissait d’azur la neige qui me suit !... 

     57. 

     À quel chef écrit-on ? 

     Je ne déroge à rien qu’un plaisir ne me dicte. 

    Sans bouger de chez moi, j’exécute un portrait Qui meurt de n’être fait. Servi par un gros trait, 

    Il rejoint le tiroir où se tait sa vindicte.  

    Il aurait bien voulu briller sous le ciel picte En dépit du lego dont mon autoportrait Se flagelle l’ego, comme s’il se castrait À force de fierté de nature trop stricte. 

     Mais voilà mon recueil, tel qu’il est en lui-même, 

    Contradictoire et fou. Si tu vois un problème À ce que je m’éreinte en flattant derechef 

     Mon salaud d’amour-propre oh si mal dégrossi, 

    Que du moins, à me lire, on rit six fois aussi ! Mon orgueil y tient plus qu’à son glorieux chef. 

     58. 

     Un amour de bagnole 

     Ouverte à tous les vents, extérieurs, intérieurs, Ma bagnole a du chien comme décapotable Aboyant aux crétins qui mangent à ma table 

    En s'étonnant de voir, à mes côtés, rieurs,   

  • Ses deux phares de verre. Ouvrons donc aux parieurs, Comme à leurs pronostics, la porte confortable 

    Débouchant sur la chambre, au lit de connétable Que je partage, à suivre ici nos apparieurs, 

     Avec les thons en boîte et les marlous en or 

    Qui fondent sur Paris à la gare du Nord. J'aime l'odeur de l'huile et ses pneus à talon. 

     Quand nous couchons ensemble, on croit l'entendre jouir 

    De son gros coffre arrière ouvert à mon violon Que j'enfourne dedans jusqu'à la voir gémir. 

     59. 

     Pour faire contrepoids aux Cent sonnets d'Agnès 

     Je serais bien ingrat si je ne composais 

    Un sonnet en l'honneur de la motte de beurre. Quel sujet, moussaillon, digne du jambon-leurre 

    Auquel je mets un terme aussitôt. Si j'osais,  

    Je bénirais plutôt le timide hameçon Qui ne veut point blesser l'inoffensif poisson. 

    À moins que je ne “choise”, à noter d'ex-crémants, De sabler un champagne affublé d'excréments ! 

     Bien sûr, nos trains à l'heure ont toujours du retard, 

    Et naissent du Lotus, non moins que du Têtard Que sur son nénuphar, ma grenouille expédie 

     Deux par deux pour Gérard ; cochon qui s'en dédie ! 

    S'il me reste un seul vers, qu'aussitôt je le boive En l'honneur de la marde où je mets des cols verts !... 

         

  • 60.  

    La flûte de PANPAN  

    Je m’avise qu’il manque à ma sacoche à vers Pour Biches et pour Buis, cette panique flûte Taillée dans le roseau qu’en guise de turlute 

    Où s’achève l’amour, le satyre, au revers  

    Des sources aux oiseaux, des fourrés trop ouverts, Prend du bord de sa Lèvre. Au ciel une volute Monte tranquillement... Poète, prends ton luth 

    Et dis la voie lactée qu’à torts et à travers  

    Chante un Soleil en panne au fond de ce qu’il glane De Sommeil et de Feu !... N’entends-tu point en l’âne 

    Le rut des naufragés condamnés à saillir ?...  

    Échoués dans la ville, au titre très obscène De ce qu’il pend aux culs qu’ils viennent d’assaillir, 

    Ils meuglent à voix basse aux sous-bois de Vincenne.  

     

  • 61.  

    Une mousse pour le mousse  

    Pour me moquer j'emprunte au sonnet son beau moule. Aussitôt que lancé à l'abordage j'ois 

    Les marins pleins de bière, aux cent filles de joie, Conter leurs maux d'amour, dans mon cœur je rémoule 

     Le tranchant de mes vers à la langue des Bois. 

    De fait, je joins aux chants qui débordent parfois Mes cent bocks sur le doc(k), que le touriste foule, 

    Tandis que tout autour la grosse mère roule  

    Ses flots libidineux aux salves d'opérette. Il me faut bien pourtant alerter la Pérette 

    Qui suce un sucre d'orge éveillant, très sereines,  

    Des notes de houblon. Car la pipe d'écume Fait du gras matelot s'exalter l'amertume ; 

    N'entends-tu point mugir du mousse les sirènes ?  

    62.  

    Le loup et tous ses masques  

    Quand il tombe, il découvre, au mitan du logis, La chaumière isolée qu’abrite la campagne. 

    Si par quelque hérésie l’on y voyait un pagne, L’Afrique reste loin de ce dont il s’agit. 

     Si je te dis : “Au loup !”, soudain tu réagis 

    Et comprend que ce loup a pour vieille compagne La Mère-Grand dodue. Non loin de l’Allemagne 

    Où le Chaperon Rouge essuya des orgies,  

    L’Ogre, plus d’une fois, aura fait irruption Dans les contes de fée en mal d’animation. Qui suis-je pour ouvrir la porte au Souvenir 

  • D’une simple demeure ? Ouvre bien ton quinquet ! Dans les bois fort lointains aux dangers à venir, 

    Baissons-le, regardons : je parle du loquet !...  

    63.  

    La Palice à Lapalisse  

    Quand la rime est trop grasse, il faut un démêloir Pour lui lisser les poux : je sais que c’est étrange ; Quand la chaise est bancale, il faut un ébarboir ; 

    Quand le sonnet est plat, il faut pour qui l’arrange,  

    Lui faire un peu la barbe au pied des ponts de Loir. Quand la pâte est trop molle, il lui faut un mélange 

    Plus compact tels des clous de giroflées (à voir) ; Quand l’athlète s’ennuie, il fait un saut de l’ange 

     Dans le baquet de plonge et rit à la malice Autant qu’à la limace ; et lorsque La Palice 

    Vous soumet un truisme à l’altruisme infâme,  

    Sauvez-vous en courant : l’assiette que Judith Vers Holopherne tend effraie le piaf d’Édith 

    Comme un cliché de trop sur les rancœurs de femme.  

    64.  

    Sonnet à seize freins  

    J’eusse aimé que Rimbaud continuât d’écrire Donnant au Bateau Ivre et son maelstrom épais 

    Des coussins par alliance, assis aux parapets De l’ivresse et du vide, et qu’il vînt à décrire 

     De ces vertiges clos qu’un Rêve sait inscrire 

    Dans des têtes d’ampoule ! Ou qu’il se plût, suspects, Aux pacifiques pets dont plus d’un se repaît Quand le soldat oisif, toujours à circonscrire, 

  • S’épuise à ruminer son inaction bizarre. Reviens, Rimbaud, chère Âme ! On t’attend au Bazar D’où Paupaul, au comptoir, vient de fonder sa secte ; 

     Il veut une statue qui dise son statut 

    De poète absenté, sur lequel on statue, Pour donner au Critique, et son gosier d’insecte, De quoi moudre le groin d’une gaule gauloise. 

    L’Absinthe que tu bus pousse encore dans l’Oise !  

    65.  

    L’Or du Septième Jour  

    Cent sonnets en dix jours : voilà le dur défi Auquel ma verve aspire à la façon d’un filtre 

    Qui viendrait soutirer, et de l’amoureux philtre Et du sombre elixir, ces moûts dont je fais fi !... 

     Ne voulant lors garder du vers qui stupéfie 

    Par l’image cherchée dans les boissons qu’infiltre Mon faiseur de trésors, qu’une énigme à la vitre 

    Ou ces cartes du Jeu qu’un Signe magnifie,  

    Que vous dire en un mot ? Pressez-moi cette vigne, Puis votre vin tiré, revenez à la ligne !... 

    Je n’aurais las ! de cesse, au Ciel où rien ne nuit,  

    Que de boire et reboire, et puis encore boire Les rimes sur la Treille, où se donne en pourboire 

    La floraison d’Amour se cueillant à la nuit.  

    66.  

    L’escouade avalée  

    Pas un mot de banal : le sonnet ainsi veut Que vous nous l’écriviez avec circonférence. 

     

  • Il n’admet pour Saindoux aucun beurre trop rance. À la Fée Tarde honnête, il exprime son vœu : 

     Pas question de ruser en prenant pour “cheveu” L’écheveau des chevaux dans la soupe garance ; 

    Halte au surréalisme incitant à ce qu’âtre Finisse dans le feu sa marche quatre à quatre ; 

     La rime équivoquée doit être en tout bannie !... 

    S’il croque le marmot avec sa sœur Annie, Il en va, chers amis, de sa réputation ; 

     Par sa soutache à poils, ses palmes, ses galons, 

    Le Sonnet peut prétendre à la députation ; Avec aplomb servez l’escouade des gars longs ! 

     67. 

     Au Pays de l’Enfance 

     Auriez-vous oublié comment l’enfant en vous Naguère s’amusait au bateau blanc qui vogue Sur la flaque éblouie ? De votre mémé rogue 

    Insultant l’art du jeu, par quelque garde-à-vous  

    Que la sagesse enseigne, où est passé le “vous” ? Si tu m’en crois viens faire un retour au prologue ; 

    Souviens-toi de l’Amour caché dans la pirogue Qui s’envolait au ciel du dernier Rendez-vous ; 

     Que reste-t-il, dis-moi, de l’Enfance invincible 

    Qui promettait toujours une nouvelle cible Plus haute et plus sacrée, vers laquelle fonçait 

     Comme aimantée par l’Or, la flèche qui cassait ? 

    Le Bonheur tient colloque aux replis des jours tendres ; De ces temps enfouis, que ne vois-tu les cendres ?... 

      

  • 68.  

    PAN  

    À travers les halliers, par les chemins secrets Qui se perdent au fond des libres avenues 

    Le Chèvre-pied, tardif chasseur de Nymphes nues Se glisse, l’œil grivois, sous les hautes forêts. 

     Il est doux d’écouter les soupirs, les bruits frais 

    Qui montent à midi des sources inconnues Quand le Soleil, du char étincelant des nues, 

    Dans la mouvante nuit, darde l’or de ses traits.  

    Une Nymphe s’égare. Hésitante, elle écoute Les larmes du matin qui pleuvent goutte à goutte 

    Sur la mousse. L’ivresse emplit son frêle cœur.  

    Mais, d’un seul bond, le Dieu du noir taillis s’élance, La saisit, frappe l’air de son rire moqueur, 

    Disparaît… Puis les bois retombent au silence.  

    69.  

    Canardage et cancans  

    Il faut au populo Un joyeux rigolo 

    Qui tienne du prolo Mais bastonne au polo 

     Tandis que le sang pisse D'une fausse écrevisse Qu'il dévisse et revisse En se tapant la cuisse. 

     Ah ! quid du rond-de-cuir 

    Qui canarde pour fuir Quand il voit s'amuïr 

  • Son courage à deux balles Dès lors que tu déballes Tes guitares navales ? 

     70. 

     Tartarin par Daudet 

     Il sied qu’à Tartarin de Tarascon l’on fasse Un croquis élogieux digne de ses folies ; 

    Qu’aux plafonds d’écuries on jette sa godasse Pour signifier très haut, en ce temps d’aboulies, 

     La pochade adoubée que fauves et rapaces 

    Exhortent à flétrir, en leurs mélancolies, Le monde comme il va (vers d’inertes impasses) 

    Entre serres et griffe, au val des ancolies.  

    Le champion du piolet a fait de l’Everest, Non moins, à tous égards, que les caves de Brest, Un tout petit MONT-BLANC qu’il vient arraisonner 

     Dans sa grande gaîté, comme un ours en Ariège ; 

    Ignorant crânement les refuges s’il neige, Il pointe à l’horizon les Cieux à raisonner !... 

     

  •   

    71.  

    De la cave à la cuve  

    Le labeur d'écrivain s'écorche en la biffure Qui ternit le feuillet impitoyablement. 

    L'opiniâtre animal, qui fait notre tourment, Se reproduit tout seul, usant de sa griffure. 

  • L'Estafilade noire engendre une rayure Que nous envie le zèbre interminablement. La rayure, elle, entraîne, inexpugnablement, Ce sentiment de faux affectant sa nervure ; 

     On devine en la Feuille un espoir de poirier Qui se rebiffe à voir, comme ineffablement, 

    Le silence gagner, mordiller le cellier  

    Jusqu'à la cuve à vin, presque fatalement ; Alors la féerie des termes reconnus 

    Dans l'azur assassin, s'attaque aux Dieux cornus !  

    72.  

    Un salon dans le Lac  

    Moi qui depuis longtemps voyais des murs au lac Et réciproquement, je me tais et je rêve 

    À la nacelle en feu d'un Sommeil sur la grève Qui conduit en secret au galactique sac 

     Ouvert de tous côtés d'un céleste trictrac 

    Qui semble imaginé. Moi qui touillais sans trêve Dans l'exécrable soupe où la cuillère crève, 

    Je commence mon compte et le finis, cric, crac !  

    La joute des aïeux qui me sait mal armé Comparativement au géant Mallarmé 

    Nullement ne m'empêche, en tout cas je le pense,  

    Sous des cieux cramoisis, d'être un porteur d'emblème. Le lyrisme impeccable où se couche un poème Me coûte trop de maux, j'ai l'âme sur la panse ! 

         

  • 73.  

    Sonnet à seize choux  

    Dans mon recueil joueur, je prouve qu’un sonnet, Avec trois fils de fer, une gare au garage, 

    Les crues du LiN sur l’île où tu cries au naufrage, Peut encore coiffer, ainsi qu’un gros bonnet, 

     La coupe hirsute et rase édifiant mon benêt. 

    Mordu par le renard, qui souffre de la rage Se portant à ses dents, sinon l’Oie d’un Orage 

    Qui craque dans le ciel que l’humour reconnaît ?  

    Bon à tout, le sonnet recrute ses armées Jusqu’à ces colonies qu’on trouve désarmées Par son intempestif retour, du moins croit-on ; 

     Allons tous au charbon étriller le bougnat 

    Noir de suie dans sa bauge, où reluit ce gougna- Fier qui, contre nous, prit la pique d’un bâton ; 

     Crénom, c’est reparti : mes vers, comme en Quatorze, 

    Saluent leur bataillon de seize ou de quatorze.  

    74.  

    Sonnet à seize pattes  

    Est-ce une innovation ? Ma foi, qui s’en soucie ? J’eusse pu faire aussi des sonnets à dix-huit 

    Trous, des quatrains de cinq vers noirs sous la duite ; Je vous aurais coupé des tercets à la scie 

     Que le bois incendie, ô bécasse roussie ! 

    Il m’eût plu davantage, en ces ors qu’adoucit Un nuage en coton, d’éterniser la cuite Que je m’eusse pris à brutaliser la nuit 

     

  • Dans ce trou de montagne où vit une souris. Car le Saint-Bernard boit sa fiolasse de rhum, 

    Bien plutôt qu’il n’aboie, quand l’avalanche choit ;  

    Il n’est pas difficile, en termes de paris, De porter la contrainte au niveau du quorum Des jurés à convaincre, au regard des Anchois 

    Dont ma pizza se couvre, outre ces ingrédients : Préférez-vous le bar au lieu des expédients ? 

     75. 

     Sonnet à seize fronces 

     Apprends à réfléchir, mon vieux, en hexamètre 

    Et farcis ce sonnet où je suis passé maître Après avoir bûché longtemps sur le rasoir 

    Et son fil angoissant où pêche l’arrosoir.  

    Cent fois par jour au moins, il faudra te remettre En question. Le recul peut parfois, à la lettre, 

    Être d’un grand secours quand tu pends au saloir Tes bourgeois de jambons cachés sous le couloir 

     Par Jambier ou Janvier dans la Traversée culte. 

    Sur l’autel de la forme, il te faut sacrifier À la règle donnée, que tu peux cocufier 

     À condition d’avoir aussi la faculté 

    De cuire ton poisson, par l’œuf catapulté, Dans les règles de l’art ou de la catapulte ; 

    Et qu’il donne à l’oreille, un frisson respecté Plaisant aux sourds d’oreille autant qu’à l’ausculté. 

          

  • 76.  

    Sonnet à seize plis  

    Je me pris un gadin à vouloir lui rouler Un écumeux patin à la petite école. 

    Le dirlo notifie qu’il me met à la colle À Bouche-d’Ombre au ciel pour avoir fait bouler 

     Mon jeune sang près d’elle. Or je vis s’enrouler 

    Le serpent laid du Stupre autour de ma guibole ; Or ma Bête de foire, au concours agricole 

    Des chastes sentiments, venait de s’ampouler   

    D’une grosseur tenace au fond du pantalon Qui surprit la pudeur, en un long pentathlon, 

    Du jeune écolier au regard bleu rêveur.  

    Je suis à la copie pour ma copine Fleur Mais je n’ai pas cherché, ô promesse ô douleur, Autrement qu’en couleur à pousser sa ferveur 

    Jusqu’au point de Sculpture, où moi, son Prométhée, Devrait lire l’Enfer que vous me promettez ! 

     77. 

     Sonnet à seize pointes 

     On me conseille, en somme, un sonnet de prestige 

    Qui mette tout le monde absolument d’accord. Le sujet est fourni et, si je suis raccord, 

    Je devrais aussitôt prendre un gros coton-tige  

    Pour récurer la poêle, où dort dans un vertige Le frisson des fafiots accommodés d’un cor 

    Au pied que j’ai moulu, en écoutant mon corps Répondre par l’envie au condiment que fige 

      

  • Un soupir étonné... Pardon, quoi, la varice ? Vous voulez un sonnet, sur quoi, sur l’avarice ? 

    Prêt à tout coup, voici ce satané sonnet  

    Qu’on lit en tout pays sur l’amour de l’argent Que n’aimerait pas moins le superbe indigent 

    S’il pouvait en avoir, du flouze ou du Grisbi Qui fît fondre la cage, comme à coup de cornet, 

    Où s’énerve un Grizzli barbouillé par bibi !...  

    78.  

    Sonnet à dix-huit bourses  

    Hélas, c’est contrariant, mais je crains cette fois Qu’il ne faille aller loin, plus loin que de coutume, 

    Pour traire un puceron, sans ardeur sous l’enclume,  Que l’atroce fourmi, par sa faim toutefois, 

     Le pauvre, esclavagise ; on ne donne, ma foi, Que très peu de crédit à ma fierté qu’allume 

    Un défi, quel qu’il soit, en pensant que mon foie Supporterait fort mal ce réveil de ma plume 

     Hors des sentiers battus, pour la raison qu’il faille 

    Tout à coup regarder sous l’énorme tenaille Que prodigalité met comme entre les crocs 

     De l’épargnant modèle, au trouble habitué, 

    Qui sauve ses radis en réparant ses brocs De bric et de broc ! Oui ! Le coût du brocoli¹ 

     Qu’on cuisine à Paris, après l’avoir tué 

    Dans un sanglant saccage, est tout sauf aboli ; Car bien qu’il ait monté d’un euro ce mois-ci, 

    Il a bien trop de prix pour s’effacer ici.  

    ¹ Terme d‘argot américain désignant le pétard qui se roule.  

  • 79.  

    Un sonnet et l’addition  

    Soit, tu veux un sonnet, tu vas l’avoir, ma belle ! Déjà, tu vas LA voir, ma quéquette à sonnets Qui comme le serpent, sonnettes et bonnets, 

    Siffle et souffle et grandit, quand tu fais ta rebelle ;  

    Tu voulais que je clame, à grands cris de poubelle, Que l’amour éternel, qu’on cuit à l’encornet, Tout en bâfrant la frite, au succulent cornet, Ne se jette qu’au ciel d’une grande Marelle ; 

     Tu voulais que je fisse, en ton honneur, ma belle, 

    Un sonnet sur l’extase à vivre, mirabelle, Dans ce monde violent que la bêtise étrangle ; 

     Tu voulais que j’atteigne à des sommets orange En peignant le bourdon que l’abeille dérange. 

    Mais dis-moi que sais-tu des Anges et de l’angle Sous lequel l’expérience, en t’assommant, t’apprend 

    Que l’amour le premier se donne et se reprend ?  

    80.  

    “Où est l’bec ? Houellebecq !”  

    J’ai bien mille sonnets dans ma sacoche à vers. Quelques-uns furent bons ; le reste est à jeter. Dans un siècle exigeant, où l’on veut n’acheter 

    Que ce dont on est sûr, les rimes de travers  

    Ont d’autant moins leur place, écrites au revers D’un livre à peine ouvert, que pour vous appâter 

    Ô lecteurs du Jeudi, il nous faut arrêter (C’est là notre mission, notre Sonnet d’Arvers) 

      

  • Un pur plan de bataille, où l’on prenne en otage L’amateur d’Où est l’bec ? au recoin de l’étage. 

    Il s’agit de piéger sa main dans le rayon  

    Au bas de l’étagère où LE volume est mis Depuis une heure au moins ; n’avait-il pas émis 

    Le soupir ahuri du courroucé crayon ?...  

      

    81.  

    Sonnet à seize trucs  

    Je porte une œuvre en moi dont je pressens la force. Pardon, si c’est banal, comme nous dit Rimbaud. 

    Voici qu’un siècle ou presque est passé sur le Beau Et qu’on conspire, en tout, à la perte d’écorce 

  • Que l’arbre du poème (en ce Temps qui divorce De la Forme et des Jeux où s’abat le rabot) 

    Subit à mon avis lorsqu’un pas de sabot Enfonce pour exorde, au pont de Mirabeau, 

     La Seine qui trépasse, ô rivière d’absinthe, 

    À la façon d’un film dont ma Veille est enceinte, Quand plus rien ne fait sens du flair abdominal, 

     Et que Paris me tente, ainsi qu’un doux pari, 

    Et que pourtant l’attente, où s’enfonce, marri, Le désir de bien faire, au sas subliminal, 

    Est une tentation, dont la tente, bergères, Accueille l’allumeur qui dîne de fougères. 

     82. 

     Soleil marteau-piqueur 

     Sur la berge de Cannes, 

    Que puis-je bien manger Quand glougloutent les canes 

    Et qu’on vient s’arranger  

    Un coin de table chaud Sur le sable affalé 

    Face à la mer de chaux Où nos sens ont calé 

     Après le tapis rouge Et l’hôtel à cent sous 

    En remontrant au bouge Comme au bourge en-dessous ? 

     Réponse saugrenue : des grains de canneberge Que la Croisette vend à ma très simple auberge. 

       

  • 83.  

    Sonnet à seize points  

    Certains le veulent blanc, d’autres plus violacé. Le vers est un œillet que je mets dans ma poche ; 

    S’il orne mon veston, me piquant de sa broche Qui me donne un vieil air de noceur enlacé, 

     Je tombe de fatigue au lacet déplacé 

    Qu’un futile tournant met à l’eau sous la roche, Quoiqu’il semble au plus loin, mais paraisse très proche, 

    Quand je le mets au pas, d’un coup de corne en c ;  

    La danse affriolante où fuse le bouchon Que l’on trouve à Paname, au pied d’un vrai cochon 

    Qui se vautre en son auge, est-ce en l’oursin qu’accroche  

    Désappointée, l’anguille au chas de son aiguille ? Soudainement jaillie du ciel d’une espadrille, Ma clef de sol, tordue, plante sur l’anicroche 

    D’une note étoilée ce fa bécarre ou dièse Dont mon désir module un ton de Marseillaise !... 

     84. 

     D’Edmond Rostand à Cyrano 

     « Les vers d’un virtuose », a-t-on écrit sur moi. 

    La formule était belle et oui, je la décline ; Dirais-je la raison, en partie sibylline, 

    De ce colloque obscur, au balcon de l’émoi ?  

    C’est que, de Cyrano, j’ai le cœur et j’ai l’arme, Que j’étreins un flambeau dans le ciel d’une larme ; 

    Que l’existence étant cet impérieux théâtre, Il faut jeter ces fleurs plutôt que d’en débattre. 

      

  • De fait j’ai maintes fois mis le pied sur la Lune. À cheval, dans l’éther, sur l’espiègle comète, J’ai présidé, grandiose, au bal de la planète 

     Où mon âme a grandi, bercée de mille flots. 

    Ma tâche est sans pareille, on la voit de la hune ! Cependant, à l’Amour, sont dédiés les hublots Par lesquels je regarde au clairon qui s’amorce Le tir de l’arquebuse et la Femme, et ma Force. 

     85. 

     Un viril traquenard 

     « Porté sur le massage aux dépens de la chose Qui m'excite fort peu, chaque fois que j'arrose 

    Au balcon de l'anus le clito qu'elle a rose, Je veille sur sa fleur avec mon quelque chose. 

     Ne dites pas pourtant que je défends, par cause, Des beaux causeurs d'amour, la libido forclose ; 

    Le sexe platonique est une belle rose Dont l'épine a tout vu : je banderai, si j'ose ! 

     Dans ma tenue d'Adam, je ne suis que masseur, Car petit Popol fuit sous le lit... - Et ta sœur ? » 

    ..................................................................... « Je ne tomberai pas dans ce grand pot-aux-poses 

    Qu'un séducteur idiot cultive à forte dose. Je sais bien qu'en tout homme un cochon fait ses proses 

    Pour mettre dans mon lit la bébête qui cause. »  

    86.  

    Trois pifs de sacristie (ce con fessé) 

     C’est le neuvième jour ; il n’en reste que dix. 

    Ma victoire, assurée, je me montre et pavane 

  • Comme un ”hommard” à rostre, au port de la Havane Où je fume mon pet¹ ; j’irai bien jusqu’à six 

     Exceptionnellement. Bien que la rime en -x 

    Me tienne la dragée haute, je vais au Fix Fêter ma délivrance. Ainsi que Balavoine, 

    Je ne suis qu’un zéro : pourtant, je bats l’avoine  

    Au jeu de l’herbe folle ! Écoutez-moi chanter Sur l’air du Fondango qu’on danse au pays Basque 

    Avec Louis Mariano ; c’est si fin, si fantasque  

    Qu’à guincher tout le soir nul ne sut s’arrêter. S’il nous vint au matin l’idée de confesser 

    Quelques cons concubins, le prêtre, à se gausser Des pécheurs à rafiots très légers de la fesse, Ne nous vit, sapristi ! voler ses vins de messe. 

     ¹ Abréviation désopilante de pétard 

     87. 

     Se pendre à la misère 

      Le sujet casse-gueule est de causer d’amour. Sur cet écueil doré, combien, mon capitaine, N’avons-nous pas perdu de héros à mitaine ? 

    Combien de souffreteux, combien de laissés-pour-  

    Compte que le Poète, hermétique à l’humour, A laissés sur le mât se pendre à la misaine ? 

    Combien de suicidés ? Pas moins d’une quinzaine ! Nous ne sommes, enfin, plus en ces temps de cour 

     Que la flatterie, la morgue et l’ambition 

    Marquaient de leur fer rouge : oh quelle exhibition Sous la perruque altière ! Il fallait du talent 

      

  • Pour la feinte et l’astuce ; il fallait un penchant Pour l’hypocrisie ; du vieux soleil couchant 

    À la voile trop lente, écoutez le violent Appel métamorphique ! Allons, laissons l’amer ! 

    Il nous reste à écrire un Poème à la mer !  

    88.  

    Le pow wow  

    Que je donne à propos mes secrets d’écriture ? Chaque matin je bois, en guise de café, 

    Une petite goutte où mon cœur paraphé Se rend à la Vigueur. À la fausse fracture, 

     Je fais accueil par jeu ; après m’être esclaffé Des blagues du journal, j’écris à l’empaffé 

    Qui me tient lieu d’a(r)gent. Je vais dans la nature Tirer le caribou, fâché de la facture 

     Sociale que nul paie ; s’il me reste du temps, 

    Je trais mon sansonnet, qui me la trait d’autant ; Puis coupant par les bois, je recherche la bûche 

     Dont je dormirai, tard, d’un lourd sommeil de plomb ; 

    Alors, quand je suis las, dans mes bottes d’aplomb, Je cours pour un pow wow près de mon arbre à ruche. 

     89. 

     Parodie houllebecquienne 

     Ni gloire, ni fortune, en elle je rêvais 

    De l’amour défendu du sonnet à la coque ; Alors je mis à l’eau sa surprenante coque : 

    Le navire, interdit, qu’en somme j’entravais,  

    Soudain me rappela que l’œuf est aux navets Ce qu’à la vérité, du point de vue du nioque, 

  • L’oursin est à la poche ; alors ma fille, en cloque, Me rendant à mon rôle, où mordent les orvets, 

     Me fit sortir, en hâte, adieu moule et cochons, 

    De ma retraite classe avec mes vieux torchons ; Je lui fis la morale : est-il permis d’y croire ? 

     Je bus à sa santé ; où est donc le grand con ? J’en remis une couche après quelques Picon. 

    Peut-on lui voir la tronche ? Où est la Générale ?  

    90.  

    Trouvez pourquoi la Poule  

    Pour parfaire un sonnet il faut être feignant. À pied, au lit, sur l’eau, que partout il te vienne 

    La Magie de l’Image en sa terre de Sienne Capable d’émouvoir l’épée de Dartagnan. 

     Prends tes rimes par huit, ainsi fait le gagnant 

    Du gros lot : la timbale est à qui prend la sienne ; Avec cet attirail de facture oulipienne 

    Que ton second quatrain rappelle Lusignan ;  

    Oui la fée, tu sais bien ; il faut un peu d’effet. Dès qu’un distique mou s’impose à ton Préfet, Le tercet apparaît : prends ton cornet à rimes 

     Et puis lance au tapis ton dé, qu’il roule-boule ! 

    Il te suffit voilà de marier à tes dreams La sûreté du geste et le goût de la... Poule ? 

     

  •   

    91.  

    Levée de boucliers  

    De Michel Houellebecq : “Il me rosse le gosse”. D’Alexandre Jardin : “Voilà un pur chié d’œuvre”. 

    Du grand Raymond Queneau : “Où est ma soupe au coing ?” Du fort Hervé Bazin : “La vipère est mon poing.” 

     Du très bon Roland Marx : “Mon frère Groucho l’aime !” 

    Et d’Anna Karénine : “Un rire de bohème”. Catherine Millet : “À la mer qui est grosse”. 

    De Paul-Loup Sulitzer : “Pour la sépia de pieuvre”.  

    Les critiques, en masse, applaudissent au Loup Dont ma face se couve. Alerté par le clou 

    Du spectacle “Pour rire”, à savoir Loup Durand,  

    Je rétorque à la fronde, ourdie par une claque S’ouvrant la Jalousie qui vient claquer ma Claque, 

    Que « c’est l’humour seul qui peut sortir Loup du rang ». 

  • 92.  

    Un concert unanime  

    De Julien Sansonnens : “Sa muse est au plafond”. Et d’Ève Ruggieri : “ Je rougis à ces mots”. 

    D’un blogueur anonyme : ”On n’en voit pas le fond”. De Lio sur la BrUne : “Il n’a que deux marmots”. 

     Du fou Léo Ferré : “La Foir’Fouille a du bon”. 

    De Depardieu soi-même : “Où est donc mon jambon ?” De maître Capello : “Il a de qui tenir”. 

    De ses cousins bretons : “Nul ne l’a vu venir”.  

    De Mère Thérésa : “Il a compris Jésus”. John Baez a capella : “Il déteste la braise”. 

    De Depardieu encore : ”Où donc est mon jésus ?” ¹  

    De Michel éméché : “L’amour à l’encaustique”. ……………….. 

    Ce fut un vrai plaisir à tous que vous écrire. Vos tonnes de courrier sont dans ma poêle à (f)rire ! 

    Qui a dit que j’étais ce vicomte impudique Seulement occupé aux cieux profonds de baise ?... 

     ¹ Notre reporter littéraire atteste que cette caustique scène se déroulait à Lyon. 

     93. 

     Le dard de Frédéric 

     De ma Blanche Gaudin, qui caracole en tête 

    Aux soirées de Montreux, je retiens la formule Qui fait mouche à tout coup, quand on monte la mule 

    Qu’elle rosse à tout-va dans un esprit de fête :  

    « Prends donc un chausse-pied mais fous-la-moi dedans ! » C’est digne de Prévert, autant que des pervers 

     

  • Jubilant au gros Dard ; Mémère en perd ses dents !... « La queue est endurante », galèje auprès des Verts 

     Le parti survolté par l’humour princier De la gamine qui, plus dure que l’acier, 

    Prend un air de nunuche a priori coincée  

    Afin qu’entre autre chose, on rie de ces clichés Sur la fellation, les œufs qu’on a léchés 

    Les prenant pour des yeux dont la prunelle joue  

    Et non des Fabergé que l’on aurait en joue. Quant à ce que j’en dis, je me LA suis coincée !... 

     94. 

     Ne tirez pas sur l’humoriste 

     « La salope elle est bonne ! » exprime Montagnier, Non pas Gilbert mais Luc, le chercheur émérite, 

    Prix Nobel de l’Humour, qui souffre d’une arthrite À force de subir le climat montagnier 

     De la Farce ennemie qui craint pour son Hunier 

    Quand il prend position, ce dont elle s’irrite, Sur les vaccins truqués, ordonnance prescrite, 

    Que place l’OMS du haut de son Prunier,  

    De sorte que le corps s’empoisonne à bon compte Pour mieux se libérer, ainsi conte le comte, 

    Grâce à quelque antidote invisible en l’espèce  

    Du poids pharmaceutique et ses flores d’herpès. On s’inquiète à bon droit, tandis que Blanche glose 

    Sur un sujet majeur dont le complot explose.     

  • 95.  

    Le mot dudit Cambronne  

    Faut-il dire “bandage” au lieu de “bandaison” Quand l’atroce procès finit en pendaison ? 

    Il est un mot exclu de nos grands bavardages, Contrôlés de plus haut par de vrais brigandages, 

     C’est un mot à tout-faire, à tout dire commode Qui dispense, à la fin, secouant ma Commode, 

    De même réfléchir aux causes d’un débat Tellement, en l’état, manipulé du “bas”, 

     Qu’il suffit d’écouter - Quoi ? - la Vox Populi ; 

    Ce mot qu’à tout propos, on nous sert jusqu’au bourg, Ce terme qui, de fait, semble presque impoli, 

     Qui coupe le sifflet d’un seul bam de tambour, Qui vous cloue là le bec comme “constipation”,  

    Oui je le dis enfin, c’est la “conspiration” ; Vous passez pour un gus que de tomber dedans 

    Comme au Puits d’un Jargon prisé des Décadents !  

    96.  

    La toupie d’une valse  

    Ma Blanche cause un max de la pipe d’écume Comme monnaie d’échange, auquel votre amant cède, 

    Partant votre mari, même Gérard de Sède, Votre fils, votre frère, tous dont la rage écume 

     À se faire enculer par l’intox de latex, 

    Le grandiose mensonge, et néanmoins discret, Que l’on souffre longtemps, tant qu’il reste secret 

    Ou qu’une volte-face, au surprenant vortex,   

  • Voire un raz-de-marée, si le public le gagne, Bousculant tout sous eux, comme on part en campagne, 

    N’éclatent au grand jour : mes caïds, repentis,  

    Disent alors son fait à l’hydre tricéphale De l’Herne, en ces cahiers que publient les Titis 

    Parisiens d’à côté, de leur jouet d’Omphale  

    Qui tourne dans le vide, à moins que dans ta hargne Tu n’arrêtes, pour fous, les Princes de l’Épargne. 

     97. 

     Dans le chenil des servitudes 

     Ces six saucisses-ci sont très mal asséchées ; 

    Les bites qu’on vous fourre ont même, desséchées, Des airs d’épagneuls cons, menés du bout du nez, 

    Que l’on piège au Chenil, une fois par année.  

    Vois ces pantins ouvrir une bouche mal née En veine d’orifice, où Guitou met René : 

    À la parade gaie - dont rêve quel marmot ? -,  On danse tous en rond, on est sur dynamo ; 

     La plus grosse, pourtant, qu’on se prend dans le cul, 

    C’est la bite extatique, autant qu’elle a vécu, C’est la bite étatique, et sa Bourse invaincue, 

     Que l’Anarchiste boude, autant dire le mot, 

    Avec l’arme d’émaux, tant elle est convaincue, La Souillon de Putain, que vous aimez ça, oui ! D’être à sec et foutu : « Vois comme j’ai joui ! » 

          

  • 98.  

    C’est Jojo qui régale  

    C’est Jojo qui régale, au bistrot aujourd’hui, Sa grille de loto s’est avérée saignante. 

    Il plastronne, beau joueur, comme derrière l’huis D’un asservissement, dans sa version gagnante. 

     Tel qu’un queutard vénard bourré derrière lui, 

    Il rivalise d’airs de famille régnante Tandis qu’il sort les bif’ tout près de l’enseignante, 

    De son larfeuille à poil, pour dire comme ont lui  

    Dans son cœur de poupon, féru de batelage, L’amour qui galvanise et la mort qui transcende Le béjaune en son slip-bateau qui nous la fait ; 

     Le chantre du troquet, dans son monde refait, 

    Qu’on voit à l’apéro citer du Georges Sand Croit exciter la prof, avec son attelage 

    De cent bœufs de labour prêts aux sillons du ciel Qu’hélas vient castrer Jeanne en ses mots gros de fiel. 

     99. 

     Double neuf pour ma boule 

     J’approche du poteau d’arrivée sous les cris 

    D’une foule en délire, ayant usé ses crocs À mordre, par folie, dans les moindres accrocs Que mes vers, aguerris, livraient à ces proscrits 

     Qui n’ont pas la parole, à cause des écrits 

    Qui n’énoncent que ça, pondus par des escrocs, Et bouillent de pleurer, sous les bandes Velcro 

    De leur cheville enflée, ces larmes de conscrits ;   

  • Pourtant Pierrot rayonne : “Amis de la molette !...” Quand le Jacquot s’étonne : “Où est ma mimolette ?” 

    Une experte en turlute : “Et la pompe à vélo ?”  

    Blanche toujours à l’œuvre : “Et le vit mégalo ?” Cependant, néanmoins, la vie, oui, b