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It[ 1983, 65, n ° 8-9. Les compartiments cellulaires : Comment sont-ils organis6s ? Comment fonctionnent-ils ? L"usage du microscope photonique puis dlectronique a permis de rdv~ier I'organisation comp/exe des ce/lules eu- caryotes. Les structures subcellu/aires impliqu~es darts cette organisation peu- vent arbitrairement ~tre c/ass6es en deux groupes de structures organisdes : los organelles intracel/ulaires, gdn6ralement d~limit#s par une membrane (noyau, mito- chondrie, rdticu/um endoplasmique, lyso- somes...) et los structures microfilamen- taires ou microtubu/aires qui ont dr6 re- groupies sous le terme de cytosquelette. Los organelles d~limit~s par une mem- brane sont .des co,mipa,r~im.enl:s au sein desquels s'effectuent diverses rdactions enzymatiques. Chaque organe/le poss~de une panoptie de protdines qui n'existent en abondance que dans un soul organelle (ou compartiment). C'est grace ~ cette situation que Ch. de Duve a pu dlaborer, it y a presque vin~[t ans, le concept d'en- zymes marqueurs sur lequel reposent los techniques de fractionnement cetlu- taire [ I ]. L'apparence morphologique et la corn- position mol~culaire spdcifique de chaque organelle soul, vent plusieurs questions fondamentales puisque /'on a mis en ~vi= dence des mouvements de protdines d'un organelle donneur vers un organe/le rece- veur. Cos mouvements s"effectuent principa- lement dans deux directions opposdes correspondant ~ deux fonctions cel/u- /aires distinctes. La voie centrifuge fait intervenir les compartiments cellulaires participant ~ /a biosynth~se des pro- t~ines : r6ticutum endoplasmique et com- plexe de GolgL La voie centrip~te, ou route de communication avec I'environ- nement, est 6troitement associ#e aux ph~nom~nes d'endocytose, dont la princi- pale fonction est d'importer ~ partir du milieu ext~rieur des molecules vers Fin- t~rieur de la cellule. Cette route met en ]eu I~ surface cellulaire, des v~sicules sp~cialis~es form6es ~ partir de la mem- brane plasmique et le compartiment lyso- soma/. Etant donnd que /a vole biosynthdti~tue implique un nombre limitd de comparti- ments communs aux protdines membra- naires et secr~t6es, comment s'effectue le tri des constituants destines ~ diff6- rents compartiments col/u/aires ? Le flux des protdines export6es ou import~es provoque ndcessairement le d@placement des protdines sp6cifiques des structures qui /es transportent favori- sant ainsi une composition uniforme des membranes cellulaires. Comment los dif- fdrents organe//es peuvent-ils conserver .une composition sp~cifique en prot6ines ? Au cours de .la derni~re d~cennie, de nombreux iaboratoires ont ddcrit /'exis- tence d'interactions sp~cifiques entre los compartiments membranaires et los struc- tures formant le cytosquelette. Ces .observations rendent compte d'un sch6ma d'organisation de I'espace cyto- plasmique commun ~ la. plupart des cel- lules eucaryotes.

Les compartiments cellulaires : Comment sont-ils organisés? Comment fonctionnent-ils?

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Page 1: Les compartiments cellulaires : Comment sont-ils organisés? Comment fonctionnent-ils?

It[

1 9 8 3 , 65, n ° 8-9 .

Les compartiments cellulaires : Comment sont-ils organis6s ?

Comment fonctionnent-ils ?

L" usage du microscope photonique puis dlectronique a permis de rdv~ier I'organisation comp/exe des ce/lules eu- caryotes. Les structures subcellu/aires impliqu~es darts cette organisation peu- vent arbitrairement ~tre c/ass6es en deux groupes de structures organisdes : los organelles intracel/ulaires, gdn6ralement d~limit#s par une membrane (noyau, mito- chondrie, rdticu/um endoplasmique, lyso- somes...) et los structures microfilamen- taires ou microtubu/aires qui ont dr6 re- groupies sous le terme de cytosquelette. Los organelles d~limit~s par une mem- brane sont .des co,mipa,r~im.enl:s au sein desquels s'effectuent diverses rdactions enzymatiques. Chaque organe/le poss~de une panoptie de protdines qui n'existent en abondance que dans un soul organelle (ou compartiment). C'est grace ~ cette situation que Ch. de Duve a pu dlaborer, it y a presque vin~[t ans, le concept d'en- zymes marqueurs sur lequel reposent los techniques de fractionnement cetlu- taire [ I ] .

L'apparence morphologique et la corn- position mol~culaire spdcifique de chaque organelle soul, vent plusieurs questions fondamentales puisque /'on a mis en ~vi= dence des mouvements de protdines d'un organelle donneur vers un organe/le rece- veur.

Cos mouvements s" effectuent principa- lement dans deux directions opposdes correspondant ~ deux fonctions cel/u-

/aires distinctes. La voie centrifuge fait intervenir les compartiments cellulaires participant ~ /a biosynth~se des pro- t~ines : r6ticutum endoplasmique et com- plexe de GolgL La voie centrip~te, ou route de communication avec I'environ- nement, est 6troitement associ#e aux ph~nom~nes d'endocytose, dont la princi- pale fonction est d'importer ~ partir du milieu ext~rieur des molecules vers Fin- t~rieur de la cellule. Cette route met en ]eu I~ surface cellulaire, des v~sicules sp~cialis~es form6es ~ partir de la mem- brane plasmique et le compartiment lyso- soma/.

Etant donnd que /a vole biosynthdti~tue implique un nombre limitd de comparti- ments communs aux protdines membra- naires et secr~t6es, comment s'effectue le tri des constituants destines ~ diff6- rents compartiments col/u/aires ?

Le flux des protdines export6es ou import~es provoque ndcessairement le d@placement des protdines sp6cifiques des structures qui /es transportent favori- sant ainsi une composition uniforme des membranes cellulaires. Comment los dif- fdrents organe//es peuvent-ils conserver .une composition sp~cifique en prot6ines ?

Au cours de .la derni~re d~cennie, de nombreux iaboratoires ont ddcrit /'exis- tence d'interactions sp~cifiques entre los compartiments membranaires et los struc- tures formant le cytosquelette.

Ces .observations rendent compte d'un sch6ma d'organisation de I'espace cyto- plasmique commun ~ la. plupart des cel- lules eucaryotes.

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IV

I1' existe un $norme foss$ entre les re- marquables observations faites par les morphologistes et ranalyse des mbca- nismes mol$culaires permettant aux cel- lules d" acqu$rir et de maintenir cette orga- nisation dont ta finalit~ est ~videmment dirig$e vers raccomplissement de fonc- tions essentielles et communes aux cel- lules eucaryotes.

Les biologistes cellulaires disposent maintenant d'un ~ventail de techniques faisant appel & [a biochimie, ~ r immuno- Iogie et & la biologie mol$cutaire pour ten- ter de r$pon'dre aux questions que so ul~ve I" organisation fonctionnelle des cellules.

Le but de cet article est de rapporter quelques r$sultats r$cents de travaux r$a- f ists afin d'analyser en ~ermes mol$cu- laires les m$lcanismes cfui gouvernen,t rexportation et I' importation des pro- t$ines, ainsi q, ue les interactions entre les compartiments cellulaires et le cyto- squelette.

I,a rou~e d 'exportat ion des p~o~6i,n,es.

La voie biosynth#tique est globalement bien connue ; on doit ~ G. Palade et ses collaborateurs ta mise en #vidence des diff#rentes #tapes qui conduisent une pro- t$ine synth#tis#e sur les polysomes li#s aux membranes du r#ttculum endoplas- mique rugue'ux (RER) jusqu'# la surface cellulaire oO les pro t#ines s#cr#t#es sont d#vers$es ~ I'ext#rieur de la cellule par exocytose aprbs a voir travers# rappareil de Golgi [ 2 ] . Cette voie, d" abord mise en $vidence dans les ceflules pancr#atiques, a par la suite pu #tre g#n$ralis#e ~ de nombreuses autres cellules exocrines et endocrines. Plus r#cemment, plusieurs groupes ont montr$ que des prot#ines membranaires empruntaient un trajet similaire [3, 4 ] .

A u cours de leur mouvement dans les cellules, chacun des compartiments im- pliqu$s est le si~ge de modifications post-traductionnelles. Les prot#ines mem- branaires ou s~cr~t~es sont, par opposi- t ion aux prot#ines destin#es ~ s#journer dans le cytoplasme, synth#tis#es sur des polysomes ti#s aux membranes. Apr~s avoir travers# la memt~rane du r#ticulum endoplasmique rugueux, la chalne poly- peptidique naissante est lib#r$e dans la lumi#re des citernes du r#ticulum.

Ce m$canisme encore appel~ i~nsertion co1~ra,d,u,c,tiqo,n~n,el~le, e st analys6 dans cet article. II existe un autre m6canisme d'in- sertion des prot~ines membranaires appe- I~ par opposition :i~n.sert'i~o~n po~t-traduc- ti~on,nEe[l:e. Les prot$ines des mitochondries ou des chloroplastes sont in,t$gr$es clans les membranes de ces organelles par ce second m~canisrrre qui ne sera pas envi- sag$ dans cet article.

La glycosylation des glycoprot$ines commence dans le r$ticulum en#optas- mique rugueux par addition d'un poly- saccharide riche en mannose. Apr~s avoir quitt$ le r$ticulum endoplasmique, la pro- t$ine se retrouve dans rappareil de Golgi ob la partie sucre initialement ajout6e dans le r6ticulum endoptasmique est mo- difi$e. La partie glycanne est d'aborc[ rac- courcie puis modifi$e par addition suc- cessive d'autres r$sidus (galactose, acide sialique, gtucosamine) pour aboutir fina- lement & la structure gtycosyt6e ramifi~e habituellement observ$e sLrr les glycopro- t~ines secr~t$es ou pr$sentes ~ la surface cellulaire [5 ] . Des prot$olyses m$nag~es peuvent avoir lieu au cours du transport de .la prot$ine depuis son site, de syn- thbse (RER) jusqu'~ la surface cellulaire. Ce type de modification intervient surtout lersque la prot$ine mature est constitute de plusieurs sous-unit$s traduites & partir d'un seul messager [6 ] .

Le transport intracellulaire des pro- t$ines synth6tis$es fonctionne par Conse- quent comme une cha]ne r$actionnelle le long de laquelle la prot$ine est manu- factur~e. L'avantage d'une organisation compartiment~e est $vidente puisqu'elle permet d'effectuer simplement les r~ac- tions de modification de mani~re s$quen- tielle en maintenant les systbmes enzy- matiques de maturation constamment fonctionnels. Le seut facteur l imitant est Fappart du substrat ~ un enzyme de ma- turation sp~cif~que g$n$ralement s$ques- tr$ dans un seul compartiment ~ la lois. Le mouvement de la prot$ine dans la chaTne assure & lui seul la r~gulation de la production de la prot~ine mature.

S6or~i.o~n darts Ila I,um:iJ~re d'u r~ti~cu, l um en~d'o,pla,sm~i.q:ue .r.ug.uleux (R~ER).

La premiere ~tape qui permet de s$pa- rer les prot~ines cytoplasmiques des pro- t$ines membranaires s'effectue au niveau du r6ticulum endoplasmique rugueux. Le

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principe fondamental qui gouverne cette s~grdgation est maintenant connu. Les prot~ines cl#s ndcessaires ~ r insert ion sp~cifique des polypeptides dans les membranes du r~ticulum ont ~t# r~cem- ment caract~ris~es.

Les premiTres observations ont ~t~ faites il y a une dizaine d'ann#es ~ la suite de la mise en ~vidence d'un peptide hydrophobe ~ I'extr~mit~ NH~ terminale d'un grand nombre de prot~ines s~cr~- t~es. En raison de son r61e, cette extr~- mit~ NH~ absente clans la prot~ine ma- ture, a ~t~ appei~e (( peptide signal )~ [1- ~].

La presence de (( peptides sigwaux }~ permet de ctasser les prot~ines en deux cat#gories : celles pourvues d'un peptide et celles qui en sont d~pourvues. Ce cri- t&e est uti l is~ par la machinerie cellu- laire pour effectuer la premiTre phase d'un tri qui se r~pTtera £~ mesure que la prot~ine progressera en direction de sa destination finale.

L'~tude d~tail/~e de la s#quence de pep- t[des signaux a montr# qu'i ls poss&dent en commrun un nombre dlev# d'acides amines hydrophobes flanquds de rdsidus basiques.

Cependant, la structure primaire de la portion hydrophobe des peptides signaux varie consid#rablement d'une prot~ine I'autre [9 ] .

II n'est pas possible aujourd'hui par le simple examen d'une sdquence primaire de conclure ~ priori si I" on est en presence ou non d" une (( s~quence signal )). D" autres critTres essentiellement fonctionnels ou topofogiques sont en g~n~ral n~cessaires pour identif ier les (< peptides signaux >).

La reconnaissance de <( signaux )~ con- tenus dans la s~quence primaire des pro- t~ines n'explique pas de quelle mani6re le signal est utilis~ ni comment s'effec- tue le tri des pro d'uits de synthTse.

II y a moins de deux ans, les groupes de G. Blobel et de B. Dobberstein ont simultan~ment identifi~ de mani~re ind#- pendante deux constituants cellulaires qui participent ~ la reconnaissance des peptides sign~ux.

Le premier appeld ~ signal recognition particle )) (SRP) est un hdt~rocomp/exe

nucl#oprot~ique form6 de 6 prot~ines diff~rentes et d'un petit RNA (7S) (10) ; 30 % du complexe est associ# aux mem- branes de la fraction microsomale tandis que le reste est retrouv# dans le surna- geant cytoplasmique. Le RNA a # t # pr~- pa,r~ ~ partir d'tme preparation de ribonu- cl#oprot#ines bru.te. Sa s#quence a #t# d#duite de la s~quence de cDNA corres- pondants clon~s [11]. Les travaux struc- turaux r~alis#s sur ce RNA ont pr#c~d# les #tudes fonctionneltes faites sur le <( SRP }> ; celles-ci ont d" ailleurs #t# effec- tu~es ind#pendarnment par des groupes qui ne s'#taient pas eoncer,t#s au pr#a- lable

Le SRP en se liant & la cha?ne pofypep- tidique naissante interrompt la traduction des protTines contenant un peptide signal (s#cr#t#es ou membranaires). II n'a pas d'effet sur la traduction des messagers codant pour des prot#ines cytoplasmiques (d#pourvues de sTquence signal). C" est le premier facteur connu capable d'agir s#lectivement sur la synth6se d" un groupe de prot#ines (s#cr#t#es ou membranaires / cytoplasmiques).

Le second constituant est une prot#ine membranaire int#grale (72 Kd) pr#sente exclusivement dans la membcane du rTti- culum endoplasmique rugueux. Cette pro- t#ine joue le rdle d'un ¢#cepteur pour le complexe form# entre les polysomes et le SRP [12]. C'est grace ~ cette prot#ine ((( docking protein ))) que peu, t s'effectuer I,attachement sTleCtirf des polysomes sur la membrane du r~ticulum endeplas- mique.

Line ~utre fonction du rTcepteur est de /ever / ' inhibition de la traduction et de permettre la d~charge de la prot~ine naissante clans la lumi~re du r~ticulum. Simult~mTment le SRP est l ib&d dans le cytop/asme. Les avantages d'un m~c'a- nisme de reconnaissance en deux ~t~pes sont multiples et part icul i&ement ~cono- miques pour la cellule. L'arr~t de la syn- thTse des protdines naissantes jusqu'& ce qu'une interaction avec la prot~ine r~cep- trice ((< docki~tg protein ))) ait eu lieu garantit /'absence de liberation des pro~ t~ines s~cr~t~es ou membranaires dans le cytoplasme. La iocalisation de cette prot~ine dans un seu/ compartiment cel- lulaire (le RER) implique que la premi6re ~tape de s~r~t ion ne peut s'effectuer qu'& partir d'un seut et unique Organelle.

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Ce m#canisme est tr6s bien co nserv# au cours de I'#volution puisque les m~mes constituants ont #t# retrouv#s chez les eucaryotes inf~rieurs (levures). Des (~ s~quences signal )~ ont ~t~ caract~ri- s$es sur les pr#curseurs des produits de s#cr#tion des bact#ries [9 ] . Le (( SRP )> e t la ~{ docking protein )) n'ont pas encore $t$ isol#s chez les procaryotes mais sur la base d'arguments g#n#tiques plusieurs groupes pensent que des prot$ines ayant des fonctions $quivalentes existent chez les bact#ries [13] .

Traf ic v6sicu~l:alilre.

Les organelles qui participent au transport intracellulaire sont en com- munication Jes uns avec los autres par I' interm$diaire de v$sicules qui bour- geonnent ~ partir d'un organelle donneur puis fusionnent a~ec un organelle rece- veur. Cette hypothbse, qui n'est pas nou- velle, pr$vaut aux E$pends d'une autre qui stipule une co,mpl6te contirruit~ entre les membranes des divers o~g~nelles. Le concept de v$sicules transporteuses est essentief, lement fond# sur des observa- tions faites en microscopie #lectronique. En effet, ~ I'exception des << v#sicules recouvertes (coated vesicles), ces hypo- th#tiques v#sicules n'ont pas pu #tre iso- I#es de telle sorte qu'elles #chappent encore ~ I'anatyse du biochimiste. En simplifiant # I'extr#me, i l en existe au moins deux classes :cel les qui se forment entre le RER et le Complexe de Golgi et celles qui transportent los prot#ines vers la surface cellulaire. Les an'alyses essen- tiellement morphologiques (autoradiogra- phie, cytochimie, immunocytochimie) ont en fait r#v~l# I'ex~r#me vari#t# des $chan- ges entre les compartiments cellulaires. La description d#taill#e du flux de mem- brane le lo'ng de la voie biosynth#tique ou au cours de I'endocytose d#passe le but de cot article, le [ecteur int#ress# est invit$ ~ se reporter ~ I'excellente revue r$cemment put~li#e par R. Steinman e~ al. [14 ] .

La question qui reste sans r#ponse aujourd'hui c~ncerne le m#canisme par lequel s'effectue le tri des constituants (membranaires ou s$cr#t#s) destines migrer d'un compartiment vers un autre. On n'explique pas .non plus comment los membranes intracellulaires adoptent une composition sp#cifique en enzymes ou en ~ntig6nes membranai~es [1§].

V6sioules ,receuvertes.

A la surface de la plupart des cellules eucaryotes, on observe des in vaginations de la membrane plasmique pr~sentant une couche dense aux ~lect~ons du c6t~ cyto- plasmique. A proximit6 de la surface cel- lulaire, on observe des v#sicules ayant une couche dense d" apparence sem- blable ; des v#sicules iden, tiques sont ~galemen,t tr6s abondantes ~ proximit~ des saccuies formant I'a~ppareil de Golgi.

A I'aide des techniques du fractionne- ment cellulaire, B. Pearse a pu obtenir une pr#paration homo gbne de v6sicu,les recouvertes (coated vesicles). L'analyse sur gel de polyacrylamide en presence de SDS r#v#le une composition relati- vement simple en chalnes polypeptidiques analogues quelle que soit I'origine de la preparation (foie, cerveau, placenta).

Un polypeptide de masse mol#culaire de 180 Kd est le plus abondant, cette prot#ine a#t# no mm$e Clathrine. E n solu- tion dans des tampons non d#natu'rants, chaque polypeptide de 180 Kd (cha~ne Iourde) est associ# par des liaisons non covalentes ~ un polypeptide d'environ 30 Kd (chaine 16gbre). De plus, ~i~n viSro, cette prot$ine est constitute d'unit#s tri- m$riques cornpos#es de trois chaines Io'ur- des et de trois chaines I#g6res appel~es trilskeliion,s [16] . Chaque t#i,skelion pout former r$versiblement une en, veloppe pro~ t$ique autour d'une v#sicule membranaire I'enfermant comme dan.s une cage. Cette cage est constitu6e d'un r$seau tr#s r#gu- lier form# d'hexagones et de pentagones.

Le r61e de cette cage est double: elle participe au bourgeonnement de la v6si- cule qui se forme ~ la surface cellulaire ou aux extr6mit#s des citernes du r#ti- culum ertdoplasmique et de I'etppareil de Golgi. Cette cage emp#che aussi la v#si- cule de fusionner aussit6t avec la mem- brane qui I'a produite.

La v#sicule recouverte est alors trans- po<t6e dans la cellule vers un autre com- par, t iment ; .la cage pout at, ors se disso'cier et permettre ~ la v~sicule fie fusionner avec un compartiment t i t le . Le fonction- nement des v6sicules recouvertes est d#- pendant ,de propri~t~s r~versibles d'auto- assemblage des triskelrions. Ces pro- pri#t#s ont #t# d#crites ,i,n vitro, la v ivo on pense que des prot$ines cellulaires pourraient contr61er l'assemblage et le

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d~sassemblage des cages de clathrine. A /'aide d'anticorps polyclonaux et mono- clonaux, notre Laboratoire a r~cemment d~montr~ i'exristence d'au moins deux formes de clathrine dans la cellule. Un premier pool correspondanrt ~ la forme assembl~e de clathrine est Iocalis~ pros de la surface cellulaire et clans i'appareil de Golgi. Un deuxi~me pool <( soluble )) ou clathrine d~sassembl~e est r~parti uni- form~ment dans le cyteplasme [11].

La participation des v~sicules recou~ vertes dans los processus d'endocytose induits par la fixation de ligands (hor- mones, facte~r de croissance, to~ine, virus, etc...) sur des r~lcepteurs ~ la sur- face des cellules est tr~s largement docu- ment~e [14] [18]. Leur r~le de commu- nication entre los organeHes pour effec- tuer le transport des produits export~s n'a pas encore ~t~ d~montr~ directement et sans ambiguitY. La raison de cette lacune est li~e ~ des probl~mes tech- niques : celle-ci ne remet pas en cause la participation probable des v~sicules recouvertes au transport intracellutaire.

D'au~res pepl:i~d,es s igna~ux peL=r "~ri~,r los p~o~i~n,es ?

Nous avons Fu da,ns le paragraphe pr~- c~dant que los compartiments cellulaires ~changent des prot~ines par I'interm~- diaire de v~sicu!es qui font la navette entre eux. Les v~sicutes recouvertes peu- vent s~lectionner des r~cepteurs asso~i~s & des ]igands ~ la surface des cell~es. Les param~tres mol~culaires qui permet- tent de distinguer los r~cepteurs com- plexes par des ligands des r~cepteurs libres ne sont pas ~vidents si I'on consi- d~re ]a gra~de diversit~ de r#cepteurs qui peuvent ~tre in~ernalis~s [14] [18]. En I" absence d'informa~tio,n structurale pr~clise su~ le(s) site(s) d'intera~tion(s) de la c/athrine avec la membrane et sur les r~cepteurs e~tx-m~mes, il est dffficile de faire plus aujourd'hui que de sp~culer.

Une g~n~ralisation de I'hypoth~se du peptide signal a conduit de nombreux laboratoires ~ postuler l'existence de motifs strLtcturaux qui joueraien,t le r~le de (( signal de transport )). Cette hvPo- th~se revient ~ dire que dans la s~quence de la prot~ine, plusieurs ~tiquettes (ceci n'est pas sans analogie avec le code po~- tal !) permettraient ~ la machinerie cellu-

laire d'acheminer correctement les pro- t~ines vers tour destination.

Plusieurs laboratoires ont essayd de ti[er pattie des possibilit~s offertes par los techniques de g~nie g~n~tique pour modifier 'i~n Vitro =la structure de prot~ines transmembranaires virales. Des d~l~tions ou des modifications des domaines c~to- plasmiques ou intramembranaires situds

t'extr~rni~ CO,OH terminale ont ~t~ obtenues, Le DNA codant pour cos pro- tdines ai~si modifi~es, introduit dans un vecteur d'exl~ession a permis de trans- former des cellules cibles. L'expression des prot~ines virales modifi~es et leur transport intraceHulaire ont ~t~ ~tudi~s. Bien qu'extr~mement ~l~gantes, los expe- riences effectu~es ~ ce )our n'on~ pas encore perrnis de ~omprend~e los bases mol~culaires d~t tri ni de confirmer ou d'infirmer l'existence de (( sdquence de tri)~ [19].

Le pH : pa,ram~tre die s~__,gr~gafc~,n.

Quelques d~vetoppements r~cents issus des recherches consacr~es ~ rendocy- tose sont venus appo~te~ de mavTi&re inat- tendue des informations importantes dans ce doma~e.

A raide de sondes fluorescentes, Max- field et sos collaborateurs d~couvrent que les v~sicules d'endocytose ont un pH interne acide (pH 5-6) [20]. D. Branton et ses collaborateL/rs ont montr~ que le con,tenu des v~si~tules recouvertes s'aci- difie en presence d'ATP [21]. Une H ÷- A TPase a ~t~ raise en ~vidence dans des preparations en~ichies d'er~dos~mes [22]. Los endosomes sont des vacuoles situ~es

proximit~ de ,la surface cellulaire r~sul- tant de ~la fusion des v~sicules d'endo- cytose. La preparation et la caract~risa- tion partielle de ce nouvel organelle dans lequel les r~cepteurs s'accum,~lent ont ~t~ r~alis~es r~cemmenf par plLts, ieurs ~quipes [23-24-26].

L'observation que los structures qui participent ~ I'endocytose ont un pH interne acide, ouvre des perspectives nouvelles. JLtsqu'& present, on recon- naissait que les lysosomes, organelles dans lesquels s'effectuent los d~grada- tiens avaient ,un pH interne acide. A pH acide de nombreux complexes ligan,d- r~cepteur se dissocient. Da~s les endo- somes, d6pourvus d'enzymes de d~gra-

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VIII

dation, le ligz~nd se s#pare du r#cepteur. Le ligand fait a/ors pattie du contenu de I'endosome tandis que le r~cepteur reste int#gr~ dans /a membrane.

Les endosomes sent des structures form#es de r~gions sph#riques pro/on- g#es de r#gions tubu/aires. L'organisatioo t~idimensionnelle d#taill#e de cet orga- nolle reste ~ ~tudier. La forme de I'endo~ some est favorab/e ~ /a r#cup#ration du r&cepteur qui tend' ~ s'accumu/er dans la partie tubulaire de /'organe/le oh /a sur- face membranaire y es t pr#pond#ra#te par rapport au contenu. Le ligand tend rester dans la partie sph#rique de I'endo- some ob /e contenu y est quantitative- ment preponderant par rapport ~ /a mem- brane [~6] . Le m#canisme qui contr61e la, forme des endosomes de m#me que celui qui permet I'accumu/ation de r#cep- teurs dans /es portions tubu/aires de I 'em dosome sont i~nconnus.

Une lois s#par#s de /ours tigands, les r~cepteurs peuvent &tre recycles vers /a surface cellulaire pour y ~tre r#utilis#s, tandis que los /igands sont a,chemin#s vers ies /ysosomes ob ils seront d#grad~s [14-18-2" / ] . Le principe de s#gr#gation est simp/e puisqu'i l met ~ profit la stabilit# du complexe ligand-r#cepteur en fonc~ion du pH. En recyclant los r#cepteurs, la ce]- /ule fait l'#conom,ie de synth6se de pro- t~ines membr~naires (lentement renou- vel#es ,i~n vivo). En se d#barrassant du /igand, ce m~canisme permet rapidement le retour ~ I'#tat intia/ corresponden,t au r#cepteur inoccup# ~ la surface cel/u- laire ( * ) .

Los m'ioro~ub~les et l'orga.r~i~a.ti,o,n, des o=rga=nellt!es.

Nous avons vu dans los paragraphes pr#c#de'nts que ,respace cytoplasmique est compartiment# et que los divers compartiments cellulaires sont reli#s entre eux par des v#sicules assurant los communications. Darts quelques cas on commence ~ comprendre los bases mold- culaires des m~canismes d'exportation et d'irnportation des prot~ines. Mais comment s'effectue le mouvement des v#sicules ? Comment los compartiments sont-ils organ is~s los ~Jns par rapport aux autres ? Des experiences spectac~la~res,

(*) Un cyole complet peut 6tre effectual en une vingtaine de minutes [2"/].

d6j~ anciennes, effectudes sur des cel- lules vivantes, au microscope optiqu, e en contraste de phase ont ddcrit los mouve- ments salCat~i~res des mitochondries et des tysosomes dens tes cellules animales ou v~g~ales. R~cemment ~ I'aide du microscGpe ~ fluorescence et de tech- niques de visualisation tr6s sensibles et d'enregistrement ~id~o, des experiences analogues ont ~t6 conduites. L'endocy- tose de #gands fluorescents et le mouve- ment de v~sicules d'endocytose (endo- somes) ont ~t~ observes sur des prepa- rations vivantes de cellLrles en culture. Les endosomes se d~ptacent rapidement darts la cellule par bonds successifs (mouvement saltatoire) et le plus sou- vent solon des trajectoires rectilignes ( ~ 10 ~). Ces mouvements s'effectuent g6ndralement depuis ia p6rtph~rie cellu- laire en direction d'un p61e situ~ pr6s du noyau et qui co:incide avec le centre cel- lulaire (centriole) [28 ] .

Ces observations sugg6rent fortement rexistence d'un mouvement dirigd des v6sicules vers leur cible. Cette cible est represent6e par u,n compartiment avec lequel elles fusionnent pour d~livrer leur contenu. Nous ignorons comment et quelles structures soot respo~sables de cos d~placements ~#ig~s.

A plusieurs reprises, de nombreux auteurs ont proposd que le cytosquelette pourrait participer ~ ces mouvements ordonnds. Bri~vement, I'hypoth6se for- mul~e est la suivante : les v~sicules pour- raient glisser le tong des microfitaments ou des microtubules qui guideraient los organelles da~s leur parcours solon des trac~s pr6~tablis.

Le groupe dirigd par S. J. Singer a 6tudi~ au cours de cos cinq der- ni6res an~es la distribution de p[u- sieurs organelles pal rapport ~ I'or#ani- sation des structures formant le cytosque- lette. II a d'abord dt~ montrd, par des m~thodes de double immunoftuores- cence, que les mitochondries et les lyso- somes ~tafent rdpartis prdf~rentiel, lement le long des micro~ubules [ ~$ -30 ] . Los a utres structures filamentaires : microfi- laments et filaments interm~diaires sem- blent ne pas participer d,frectem~nt rorganisation de cos orga~elles. Cette analyse effectude sur des cellules fixdes n'apporte pas d'informations sur la parti- cipation active des microtubules au d#pla-

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Page 7: Les compartiments cellulaires : Comment sont-ils organisés? Comment fonctionnent-ils?

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cement ; elle ind'ique seulement qu' i l existe ~ un moment donn6 une correlation spatiale, dans la distribution des struc- tures ~tudi~es.

Le centre cellulaire, vers lequel con- vergent les mtcrotubules coincide avec la position de rappareit de. Golgi. Pendant la mitose I'appareil' de Gotgi se fragmente mais son organisation reste associ&e celle des microtubules [ I §-I 1-31 ] .

Au cours de leurs d6placements sur une lame. de. verre, les fibrobfastes orien- tent leur appareil de Golgi dans I'axe de migration de 14 celt~,le [81 ] . Les relations entre orga~neiles ne sont pas seulement statiques mais ~g~lement dynamiques. Les bases mol$cu/aires de ces associa- tions nous $cha,ppent encore.

Daniel Louvard, U, nit6 de Biologie des Membranes, Dbpartement de Bio,logie Mol~culaire, Institut Pasteur, 25, Rue du Docteur Roux, 75724 Patis Cedex 15,

T6/. : 306.19. 19. Poste 3396,

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