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39 L’Âge du Bronze couvre, en âge réel (Calibrated Before Christ pour le C14), la fin du troisième millénaire et le deuxième millénaire avant notre ère dans sa totalité. Ce constat peut être approfondi et permet d’affirmer un certain consensus général dans la France du sud, même si selon les sites et les régions des ajustements sont ou seront imposés du fait de révisions culturelles. L'Âge du Bronze ancien en France méridionale (on peut par- courir de Bailloud 1961 et 1962 à Gallay 1976, 1990) se situerait entre le 23° siècle et le 18° avant notre ère. Il se substitue au Campaniforme durant le 22 ou 23 e siècle (on trouvera des bibliographies dans Guilaine 1984; Voruz 1996; Bailly Salanova 1999; Lichardus-Itten 1999). L’Age du Bronze moyen qui lui succède se ter- minerait vers 1300 avant notre ère. Ces deux périodes couvrent donc chacune près 600 ans. Leur chronolo- gie absolue n’est pas affinée au - delà de deux à trois siècles dans le sud de la France, faute de documents appropriés (dendrochronologie). Les différences régio- nales qu’enregistrent ces datations absolues expriment en outre des évolutions locales mais elles sont souvent aussi à mettre au compte de questions de définition et de vocabulaire. A en croire la terminologie employée, l’Âge du Bronze en France du Sud est essentiellement marqué par l’ac- centuation des phénomènes d’uniformisation des cul- tures régionales. Ce qui est mis en avant est le résultat d’un accroissement des relations et échanges entre communautés, en volume et en qualité, mais aussi l’aboutissement de leur perfectionnement après plu- * Centre d’Anthropologie UMR 8555 CNRS. EHESS - Collège de France - Université Toulouse Le Mirail – Université Paul Sabatier - Tou- louse, France LES COMPOSANTES DE L'AGE DU BRONZE, DE LA FIN DU CHALCOLITHIQUE A L’AGE DU BRONZE ANCIEN EN FRANCE MERIDIONALE Bronze ancien, sud de France, ceramique, metallurgie. Jean Gascó * Aquest article tracta de l’edat del bronze antic al sud de França dins el context geogràfic que va de l’Atlàn- tic als Alps. Les qüestions que plantegem són les següents: els problemes cronològics i les perioditza- cions; el medi i els hàbitats, els modes metal·lúrgics i ceràmics, les relacions entre els grups. Bronze antic, sud de França, ceràmica, metal·lúrgia. Este trabajo trata de la Edat del Bronce antiguo en el sur de Francia dentro del contexto geográfico que se extiende desde el Atlántico hasta los Alpes. Los problemas que planteamos son los siguientes: problemas cronológicos y periodizaciones, el medio y el habitat, los modos metalúrgicos y cerámicos, las relaciones en- tre grupos. Bronce Antiguo, Sur de Francia, cerámica, metalurgia. This article raises some realities concerning Early Bronze Age of Southern France, (Alpine regions to At- lantic zone). Problems treated are: chronology and propositions of periodisation, environment and settlement, metal-works and ceramic productions, trans communities relations. Early Bronze, South of France, pottery, metallurgy.

LES COMPOSANTES DE L'AGE DU BRONZE, DE LA FIN DU … · 2017. 8. 25. · CYPSELA 15, 2004. 39-72 Il est en fait bien question, dans chaque approche, d’échelles particulières

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    L’Âge du Bronze couvre, en âge réel (Calibrated BeforeChrist pour le C14), la fin du troisième millénaire et ledeuxième millénaire avant notre ère dans sa totalité. Ceconstat peut être approfondi et permet d’affirmer uncertain consensus général dans la France du sud, mêmesi selon les sites et les régions des ajustements sont ouseront imposés du fait de révisions culturelles. L'Âgedu Bronze ancien en France méridionale (on peut par-courir de Bailloud 1961 et 1962 à Gallay 1976, 1990)se situerait entre le 23° siècle et le 18° avant notreère. Il se substitue au Campaniforme durant le 22 ou23e siècle (on trouvera des bibliographies dans Guilaine1984; Voruz 1996; Bailly Salanova 1999; Lichardus-Itten1999). L’Age du Bronze moyen qui lui succède se ter-minerait vers 1300 avant notre ère. Ces deux périodes

    couvrent donc chacune près 600 ans. Leur chronolo-gie absolue n’est pas affinée au - delà de deux à troissiècles dans le sud de la France, faute de documentsappropriés (dendrochronologie). Les différences régio-nales qu’enregistrent ces datations absolues exprimenten outre des évolutions locales mais elles sont souventaussi à mettre au compte de questions de définitionet de vocabulaire. A en croire la terminologie employée, l’Âge du Bronzeen France du Sud est essentiellement marqué par l’ac-centuation des phénomènes d’uniformisation des cul-tures régionales. Ce qui est mis en avant est le résultatd’un accroissement des relations et échanges entrecommunautés, en volume et en qualité, mais aussil’aboutissement de leur perfectionnement après plu-

    * Centre d’Anthropologie UMR 8555 CNRS. EHESS - Collège de France - Université Toulouse Le Mirail – Université Paul Sabatier - Tou-

    louse, France

    LES COMPOSANTES DE L'AGE DU BRONZE, DELA FIN DU CHALCOLITHIQUE A L’AGE DUBRONZE ANCIEN EN FRANCE MERIDIONALE

    Bronze ancien, sud de France, ceramique, metallurgie.

    Jean Gascó *

    Aquest article tracta de l’edat del bronze antic al sud de França dins el context geogràfic que va de l’Atlàn-tic als Alps. Les qüestions que plantegem són les següents: els problemes cronològics i les perioditza-cions; el medi i els hàbitats, els modes metal·lúrgics i ceràmics, les relacions entre els grups.Bronze antic, sud de França, ceràmica, metal·lúrgia.

    Este trabajo trata de la Edat del Bronce antiguo en el sur de Francia dentro del contexto geográfico que seextiende desde el Atlántico hasta los Alpes. Los problemas que planteamos son los siguientes: problemascronológicos y periodizaciones, el medio y el habitat, los modos metalúrgicos y cerámicos, las relaciones en-tre grupos.Bronce Antiguo, Sur de Francia, cerámica, metalurgia.

    This article raises some realities concerning Early Bronze Age of Southern France, (Alpine regions to At-lantic zone). Problems treated are: chronology and propositions of periodisation, environment and settlement,metal-works and ceramic productions, trans communities relations.Early Bronze, South of France, pottery, metallurgy.

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    sieurs millénaires néolithiques. Ce sont ces points quiont été les premiers observés. Comme pour les autresgrandes périodes culturelles d’Europe, ils ont conduità la définition d’ensembles culturels (civilisation ou cul-ture) à l’échelle de macro - régions, dont l’homogénéitéa été cependant peu à peu contestée. Ils ont conduitaux classements chronologiques les plus larges et dontcertains sont encore utilisés (Age du Bronze ancien,moyen et final). Ainsi par exemple le terme de «civili-sation du Bronze ancien européen» a-t-il été parfoisavancé au sens d’une nébuleuse de peuplementschrono-culturels. Les points communs des sociétés du Bronze ancien denos régions sont nombreux; on peut retenir: L’agriculture et l’élevage stabilisés, même si l’on affirmelocalement des modifications du pastoralisme, voire sonrôle déterminant des Pyrénées au Massif central,La très large domination des sites de petite taille, ouverts,et le maintien des occupations de grottes, porches etd’abris sous roche qui traduisent un contrôle territoriallâche qui est mal exprimé par la trame des sites connus(l’archéologie préventive ne livre pas de sites nombreux),Le maintien puis l’abandon progressif de la taille du silex,l’emploi de la pierre polie qui perdure, la réalisation detrès beaux objets, La cohabitation initiale du cuivre arsénié et du bronzequi va rapidement le supplanter mais sans grande rup-ture,L’accroissement des productions d’objets métalliques(haches, épingles) et la constitution de régions de fabri-cation,L’apparition du poignard triangulaire allongé, et desépées d’apparat dès le Bronze ancien, accompagnantaussi l’éveil d’un nouveau symbole guerrier,L’intérêt croissant ou naissant pour les objets rares etexotiques (ambre, verre) et le commerce de l’or, signa-lant la dispersion des contacts humains,Le maintien des ossuaires collectifs mais également lamode grandissante des sépultures individuelles, tombesarchitecturées ou tumulus, confortant paradoxalementl’emprise de certains sur la collectivité,L’apparition de signes guère plus nets de la différen-ciation sociale ou dépassant la différenciation sexuelle.Dans le Sud de la France la grande unité stylistique desmobiliers du Bronze ancien, celle de la céramique ouplus encore celle des productions métalliques, vecteursdes relations entre groupes, sont d’autant plus surpre-nantes que l’éclatement des cultures du Néolithiquefinal ou du Chalcolithique est probant (même s’il est plusnet à l’Est qu’à l’Ouest). Seule l’apparente unité du mou-vement mégalithique ou sur un temps plus serré lesaventures «cosmopolites» (Roussot-Larroque 1987) duCordé et surtout du Campaniforme pouvaient annon-cer cette future unification sociale et quasiment cultu-relle à l’échelle de macro - régions européennes. Maisà y regarder de plus près cet aboutissement, frappé par

    une sorte de banalisation des modes de la culture maté-rielle, n’est sans doute réellement atteint dans le grandsud de la France que pendant l’Age du Bronze final(dans cette région un panorama général dans Gascó2000a). Et l’on constate qu’au Bronze ancien la richessedes cultures régionales s’accorde totalement avec lesmouvements unificateurs qui les parcourent. Notre pro-pos sera ici de développer ces paradoxes et d’illustrerles composantes des cultures locales.

    LES DONNEES CHRONO CULTURELLESCOMMUNES

    Durant l’Age du Bronze ancien, il a été longtemps etpartout constaté que les impacts culturels les plus fortsou les plus visibles proviennent des régions d’Europecentro-orientale (bibliographies par exemple dansBailloud 1966, 1985; Bill 1973; 1977; Goldmann 1979;essentiellement Mordant et Gaiffe 1996; Piningre 1989;Strahm 1991). En même temps, les dernières décen-nies d’étude ont prouvé que les grandes aires cultu-relles de l’Europe, et cela est valable pour le sud de laFrance tout particulièrement, n’avaient que progres-sivement adopté des caractères communs dans unlarge processus d’intégration. En minimisant lesapports directs de peuplement (possibles dans cer-taines régions pré méridionales, Loison 2003), l’évo-lution sur place des populations régionales les pluséloignées des centres émetteurs (les plus puissants)de changement a été peu à peu mise en avant; lesmoteurs de ces transformations sociales ont étérecherchés soit dans l’invention de nouvelles organi-sations sociales, soit dans de simples apports socio-culturels exogènes. Ils sont apparus activés par destransformations sociales amorcées depuis longtempset dont le point d’émergence était question de défini-tion (rôle social des élites) et, sans que cela ne soitincompatible, par les effets évidents et tangibles d’uneréelle progression technologique: la métallurgie dubronze après celle du cuivre (par exemple à des titresdivers Guilaine 1967; 1972; Briard 1987; Gallay 1976;1986c; Vital 1984; etc.).Ces échanges et ces changements complexes ont valudans les deux sens et différentes échelles ont égale-ment joué. Rythmes et chronologies ont diversementcompté. Du fait de l ’assimi lat ion réciproque decaractères régionaux distincts, il en a résulté aussi desindividualisations fortes, en terme de culture matérielleet parfois de traits socioculturels (faciès), et des mou-vements de domination ou d’influences variables desuns sur les autres. La complexité des données étantcumulatives, les différences sont ainsi devenues par-fois déterminantes dans les analyses sociales et cul-turelles du cœur de l’age du Bronze en France méri-dionale.

    JEAN GASCÓ

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    ANCIEN EN FRANCE MERIDIONALE

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    Il est en fait bien question, dans chaque approche,d’échelles particulières. Dans le cadre géographique, ilest en effet commun d’utiliser les notions d’unité cultu-relle de la façade atlantique, celle de France orientaleou continentale, parfois d’initier une composante médi-terranéenne, essentiellement italique ou ibérique.D’autres unités spatiales valent simplement par leur défi-nition au moment de la recherche et sont donc des enti-tés artificielles pour l’Age du Bronze ancien. C’est le casen partie pour le sud de la France que nous allonstraiter (de la Charente aux Alpes, au sud du 46° paral-lèle) bien que l’on puisse ainsi plus clairement exprimerle jeu des apports septentrionaux qui ont affecté lesrégions pyrénéo-languedociennes que nous étudieronsplus particulièrement. Selon les périodes, les unités pro-vençale, languedocienne, aquitaine, pyrénéenne ou celled’une composante Massif central, côtoient ainsi l’iden-tité d’une dominante bas – rhodanienne et circum-alpine.Mais durant le IIe millénaire, les peuples de ces régionspeu éloignées les unes des autres (en terme de quelquesjournées de déplacement, ne l’oublions pas), parfoisalliées, parfois individualisées et poursuivant des che-minements propres, ont été soumis aux effets différentsdes relations entre groupes qui tendaient selon lespériodes à les individualiser plus ou moins nettement. En France méridionale, l’importance du rôle des axesde circulation ou des zones d’échanges (et particuliè-rement des lieux de ruptures de charge) est dans cecontexte souvent mis en avant. Mais il est aussi vrai quela perméabilité des espaces régionaux conduirait à géné-raliser l’idée à l’ensemble de la macro - région et doncà la vider de son sens, qu’il s’agisse de considérer lesgrands axes fluviaux (vallée du Rhône, bassin de l’Audeou de la Garonne) ou les milieux de transition que for-ment par exemple les flancs et vallées des Pyrénées,les vallées alpines ou les Grands causses. A grandeéchelle (pavage en petits territoires) ce facteur a parcontre été une réelle contrainte de l’occupation spa-tiale.Avec ce constat on ne peut faire aussi l’économie d’évo-quer des apports possibles de populations nouvelles.Le temps de la «ronde des peuples» n’est plus d’ac-tualité et le concept de migrations des peuples indo -européens n’est pas une référence utilisée. Le consen-sus actuel veut que ces mouvements démographiquesaient été continus mais assez réduits et qu’ils n’auraientjoué que dans de petites dimensions territoriales, plusen terme d’ajustement de peuplement ou de conquêtesuccessive de terroirs qu’en terme d’immigration et dedéplacement de peuples, quelque en soit le moteur.Si certains ont été avancés (Riquet 1976), il sont désor-mais davantage mis au compte des peuplements liésà des relations entre groupes et globalement des sys-tèmes agropastoraux (Piémonts des Pyrénées del’ouest); Quelques indices anthropologiques et funé-raires restent indéniables (Duday / Guilaine 1975)

    mais délicats à apprécier. L'anthropologie montre ainsides individus supposés intrusifs, alpinoïdes et dina-roïdes, mais déjà fréquents dans les ultimes dolmensde l'Age du cuivre (Dolmen de Peyraoute, Roquefort-les-Pins, Alpes-Maritimes). La question a donc été poséede la venue de groupes brachycranes -dinariques- auBronze ancien: leur brachycranie à planoccipitalie estprononcée ; apparemment selon H. Duday ce carac-tère anatomique est intrusif depuis le Campaniformedans cette région, dans une population globalementanalogue à ce qu’elle pouvait être à la fin du Néolithique.Une situation identique est posée en Charente (grottedes Perrats, Agris, Gomez 1996, travaux Boulestin).Ces individus étaient aussi ensevelis dans des ossuairescollectifs (grottes Féraud et des Andrés à Beaucaire,grotte du Baptême à Saint-Privat-de-Champclos, Gard)ce qui indiquerait que les migrations ou enrichissementsdémographiques n’épousent pas nécessairement lerythme des apports culturels qui expriment d’autresnécessités. Les aspects économiques et culturels despopulations (voire idéologiques et symboliques) sontdonc actuellement le plus souvent mis en avant pourexpliquer la mise en place de l’Age du Bronze, ces fac-teurs étant plus conformes aux lentes mutations socialesgénéralement constatées; mais ils restent peu explici-tés. Les cadres chronologiques que nous utiliseront pour laFrance méridionale reposent sur plusieurs sources: lesséquences stratigraphiques documentées, les séria-tions de données mobilières, essentiellement céra-miques, et les datations absolues qu’il s’agisse de datesisolées ou en séries ou de dates compilées (Gascó /Guilaine 1987; Gascó 1989; 1990; Gascó et alii 1997;Voruz 1996 ; Gascó 2001). Ces dates sont expriméesen Age réel, 14C calibré.

    CHRONOLOGIES

    Il m’a semblé ici utile de dresser un tableau des cadreschronologiques utilisés dans le Sud de la France et deles mettre en perspectives avec ceux intéressant le Bas-sin du Rhône et une partie des régions d’Europe cen-tro-orientale proches (Fig. 1). On notera que les parti-tions les plus anciennement établies restent d’actualitéet souvent utilisées (chronologies s‘appuyant sur Rei-necke, Hatt). Le tableau traite par siècles de quelques périodisationsqui ont été proposées depuis vingt ans environ et quiprennent en compte les dates radiocarbones. Elles sontclassées géographiquement du Nord vers le Sud. L’at-tention doit être portée sur le fait qu’elles ont été défi-nies de manière très différentes selon des techniquesdiverses de sériation et de traitement, et sur des mobi-liers différents: les unes reposent sur des sériations intra-sites, d’autres sur des synthèses régionales; d’autresencore ne prennent en compte que des dates 14C cali-

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    brées disponibles ou triées et sélectionnées; toutesn’analysent pas les mesures statistiques avec le mêmedegré de fiabilité. Certaines n’avaient pas non plus l’ob-jectif de proposer une périodisation de l’Age du Bronzeancien. Des tentatives de regroupement de dates (Gascóet alii 1997) ou de traitement (Voruz 1996 et dans Mor-dant et Gaiffe 1996) ne peuvent ainsi répondre au mêmetype d’analyse que celle des dates d’une séquence stra-tifiée par exemple. Enfin certaines propositions repo-sent sur des dates fiables (Gascó 2001) qui peuventêtre cependant justement discutées comme celles duBronze ancien suisse l’ont été récemment (Lichardus-Itten 1999). Cela n’est pas notre propos ici. Remar-quons également que dans ces travaux spécifiques lesdonnées propres au Campaniforme ne sont pas tou-jours étudiées, ni celle de la phase initiale de l’Age duBronze ancien.La chronologie absolue régionale en années réelles dontnous disposons (bibliographie dans Delibrias et alii 1975-1987; 1976; Gascó 1990; Gascó et alii 1997; Gascó2001; Voruz 1996 et la banque de données BANADORAaccessible par Internet mais dont la dernière mise à jourdate de 1999 seulement) ne traduit pas la totalité decette période sur le plan des cultures. Quelques sitespermettent cependant d’éclairer ou d’encadrer cettepériode. Elle sera appréhendée selon un découpage engrandes entités régionales. Dans ce texte on lira lesdates mises en [[ ]] qui sont de l’ordre des probabilitésles plus fortes si l’on souhaite s’inscrire dans unedémarche d’hypothèse prospective (dans une autre butil est impossible de les cumuler sans tenir compte desmarges d’erreurs variables des statistiques, qui doiventêtre de 2 sigmas si l’on vise quelque crédibilité).

    L’âge du Bronze ancien du bassin moyen duRhôneLa phase la plus ancienne de l'âge du Bronze de lavallée du Rhône, du sud rhodanien et du sillon alpinest située à partir de 2300 avant notre ère (Voruz1996; Mordant Gaiffe 1996) ou 2100 avant notre ère sil’on considère les dates Campaniformes des régionspréalpines du 22° siècle comme une limite (Lichardus-Itten 1999). Mais la transition entre le Néolithique et laCéramique Cordée et l’Age du Bronze ancien n’est pasconnue dans les sites lacustres (type Clairvaux, Chalain,Auvergnier), et donc échappe à la mesure dendro-chronologique. Il existe là un hiatus dendro, une «périodeobscure» (Lichardus Itten 1999) entre 2400 et 1700 avantnotre ère. Une quinzaine de Cl4 fiables répartis dunord au sud de la région se répartit de - 2200 à - 1800avant J. - C. en probabilités maximales. Cette périodeconcerne un Bronze ancien proche des traditions néo-lithiques et chalcolithiques locales (aven Jacques à Lus-sas en Ardèche : - 2869 [ - 2178 - 2143] –1610). Onretiendra par exemple une date ancienne, celle de laMotte aux Magnins à Clairvaux - les - Lacs dans le Jura

    (- 2558 [ - 2200] - 1908) qui est à la marge de notrerégion ou celles de Gorge - de - loup à Lyon (- 2577 [ -2178 - 2143] - 1745) et des Cudières dans les Bouches-du-Rhône (– 2453 [-2190 –2160 – 2145] –1971). Durantcette phase ancienne, la perduration de la tradition Cam-paniforme qui domine est datée au serre de Roynac dansla Drome de - 2458 [ - 2172 - 2141] - 1898 comme aucamp de Laure au Rove dans les Bouches - du - Rhône(- 2317 [- 2026 - 1997 - 1985] - 1745 et - 1868 [ - 1843- 1776] - 1676). Cette phase s’achèverait à la grottede Sardières à Sollières en Savoie vers - 2122 [ -1887] - 1688) et à la grotte du Gardon à Ambérieux dansl'Ain vers - 2197 [ - 1892] - 1625. La phase moyenne ourécente de l’Age du Bronze ancien se terminerait au Ver-ger à Saint - Romain en Bourgogne vers - 2488 [ - 1881]- 1320. L'Abri de Coufin 2 à Chorange en Isère donnela date de - 2013 [ - 1734 - 1689] - 1442, confirmée parcelle de la succession imbriquée des dernières occu-pations de Roynac soit - 1874 [ - 1739] - 1637.

    Le Bronze ancien du Languedoc, des Pyrénéeset de la Provence L’âge du Bronze ancien du pourtour méditerranéen sedégage lentement de la tradition néolithique ou chal-colithique. Ainsi les sites de Mailhac, Moux (Aude) ouSaint-Amancet (Tarn) ont été classés parfois par leursfouilleurs dans le Vérazien tardif ou le Vérazien évoluéà inclusion du Bronze ancien vers 2200-1900 avantnotre ère (Gascó 1990). Ce sont en fait des ensemblesde la première phase de l’Age du Bronze ancien quilivrent d’ailleurs des céramiques dites Barbelées (voirinfra) (Guilaine 1984). Cette phase ancienne estinégalement datée mais on peut retenir dans les Pyré-nées pour un autre contexte les dates du Tumulus deLescar daté de – 2490 [ - 2285] –2034 et de la Grottedu Cézy à Laruns dans les Pyrénées - Atlantiques –2455[2132 – 2048] –1785. En Languedoc quelques sitespermettent de fixer la tradition épicampaniforme quis’exprime alors : Chambres d’Alaric à Moux dans l’Aude– 2324 [ - 2133 – 2050] – 1914, La Livinière - Parignoles(Aude) –2201[-1936]-1683, Grotte Tournié à Pardailhan–2201[-1936]-1683, le rocher du causse à Claret dansl’Hérault – 2278 [ - 2129 – 2046] - 1937. Dans cetterégion, rares sont les sites qui conjuguent séries strati-fiées et datations absolues. A la grotte de Montou dansles Pyrénées - Orientales 4 dates échelonnées de - 2285[ - 2011 – 1977] –1739 à – 1882 [ - 1740] - 1617 datentle faciès du Roussillon et du Littoral (Claustre 1996) l. Ilest de tradition chalcolithique et se met en place assezprécocement comme à Llo en Cerdagne où une dateancienne est de – 2455 [ - 2178 –2143] – 1934. Cellede la grotte de Bélesta (Pyrénées - Orientales), – 1876[1677] – 1513, correspond à sa terminaison (Claustreet al. 1992). En Provence les dates du Camp de Laureprotégé par un puissant rempart sont de –2317 [-2026-1985]-1745 et de –1967[-1868-1776]-1676.

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    LES COMPOSANTES DE L'AGE DU BRONZE, DE LA FIN DU CHALCOLITHIQUE A L’AGE DU BRONZE

    ANCIEN EN FRANCE MERIDIONALE

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    Le Bronze ancien de l’Atlantique au sud ouest dumassif centralLa date la plus ancienne des Chateliers à Moulins -sur - Cèphons dans l’Indre, – 2318 [ - 2132 – 2048] – 1906, correspond au début de l’Age du Bronzeancien sur la façade sud occidentale de la France(bibliographie dans Gascó et al. 1997). Les dates duFiel du Chail de Port - d'Envaux en Charente - Mari-time (- 1968 [ - 1872 - 1781] - 1682) et de Champ -Durand à Nieul - sur - l'Autize dans la Vienne (- 1937[ - 1683] - 1442) illustreraient aussi cette phase. Dansle Sud - Ouest où la culture chalcolithique Artena-cienne forme le substratum socio culturel très pré-sent de l’Age du Bronze ancien, on peut retenir lesdates de - 2587 [ - 2285] – 1935 à la grotte du Noyer(Esclauzel, Lot) ou celle obtenue à la grotte des Bar-billoux à Saint –Aquilin en Dordogne (- 2121 [ - 1745]– 1461) qui montre la pérennité de cette traditionrégionale. L’autonomie de cet ensemble tend à s’af-firmer avec un appauvrissement des décors céra-miques qui préfigure une tendance affirmée au coursdu Bronze moyen atlantique. Une date obtenue surle site de Piédemont à Port - des - Barques en Cha-rente - Maritime (- 2129 [ - 1872 – 1781] – 1529) enest caractéristique. Conjointement la période voitl’émergence des premiers éléments du groupe duNoyer qui sera pleinement constitué au cours del’Age du Bronze moyen (grotte de Pégourié à Caniac- du - Causse, Lot: - 2859 [ - 2019, - 1981] – 1414)(Séronie-Vivien 1995). La grotte des Perrats à Agrisen Charente, qui est un complexe funéraire, peuti l lustrer une phase moyenne de l’Age du Bronzeancien (Gomez 1996). On retiendra les dates de -1973 [ - 1724] - 1520 et celle, plus récente, de -1684 [1522] - 1418. On considère la fin de l’Age duBronze ancien coïncider avec l’apparition des pre-miers traits céramiques de la culture des Duffaits del’Age du Bronze moyen. On peut retenir pour lacaractériser la date 14C des fosses de Sous - Clanà Jaunay - Clan dans la Vienne daté de - 1735 [1378– 1319] – 840.

    MODE DE VIE

    Quelques faits permettent de camper sommairement ledécor environnemental de l’Age du Bronze ancien dansle sud de la France (bibliographie dans Vernet 1980,1997; Galop 1998). La tendance générale depuis – 3000à – 2500 ans avant notre ère est à la fraîcheur généra-lisée mais avec des pluies inégalement réparties, desnébulosités fraîches et persistantes sur les mon-tagnes et des contrastes saisonniers marqués en plaine,peut-être la sécheresse estivale occasionnelle en Lan-guedoc.

    Des paysages modifiés par l’hommePins maritimes et sapins repeuplent la forêt pyrénéenne,les hêtres sont partout favorisés y compris à basse alti-tude dans les Alpes ou les coll ines des piémontspyrénéens. Dans le Massif central méridional (Velay,Aubrac, Cévennes) les hêtres occupent désormais delarges espaces. Dans les Corbières, l'Abri jean Cros(Labastide-en-val, Aude) livre du Bouleau, du Frêne etdu Hêtre. Ici encore en Pays de Sault (Pyrénées) ce der-nier arbre a trouvé des conditions favorables à sonimplantation dans les portions ombragées des versantscolinéaires aux environs de -2000 avant J.-C. En Ariègeles diagrammes polliniques de la caverne d'Enlène (Mon-tesquieu-Avantès) indiquent au début du Subboréal lemaintien de la chênaie accompagnée de pins avec l'ap-parition du hêtre, des aulnes et des saules durant leBronze moyen. Partout l’activité humaine modifie lemilieu végétal: à Choranche, en Isère, l’abri de Coufinexprime un exemple de déforestation important coupléà une mise en culture céréalière et l’arrivée d’espècesmessicoles. La limite altitudinale anthropique de la forêtest également soumise à l’intensité des pacages orga-nisés (à 2100-2300 m à l’Age du Bronze ancien au Serrade la Padrilla et à Maura dans les Pyrénées de l’Est).Chênes verts et buis poursuivent leur extension (Abride Font-Juvénal, Conques-sur-Orbiel). En Roussillon,Fenouillèdes et Aspres, la forêt dégradée évolue versune garrigue : Chêne vert, Chêne Kermès, Pistachiertérébinthe, Lentisque, Nerprun, Filaire, Bruyère arbo-

    Tableau 1. Limites des plages temporelles de la périodisation de l’Age du Bronze établies à partir des dates C14 fiables selon

    cinq domaines géographiques de la France méridionale. -- : Données régionales insuffisantes * Culture des Duffaits; **:

    Bronze vindo-médocain.

    Données en siècle Charente Quercy Roussillon et Languedoc Basse vallée

    avant J. -C. et Aquitaine Ariège du Rhône

    Début Fin D F D F D F D F

    Bronze ancien 22 14 23 18 23 17 22 17 22 19

    Bronze moyen 15* 10* 16* 14* 16 13 17 15 18 14

    16** 12 **

    Bronze final I -- -- -- -- 15 12 -- -- 14 12

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    rée, Ciste, Romarin et Olivier. Durant le Bronze moyencette garrigue basse correspond au maintien de l’habi-tat dans la grotte de Bélesta ou de Montou (Corbère-les-Cabanes, Pyrénées-orientales) et à la diversificationdes activités dans et autour des cavités (Claustre etal. 1992 Claustre 1996).Sur les Grands Causses, un climat assez humidemarquerait la fin de l’Age du cuivre (Clottes / Costantini1976). Puis le temps devenant un peu plus frais etsec aurait permis jusqu’au Bronze moyen l’extensiondu chêne vert. Le pin sylvestre aurait aussi gagné duterrain atteignant 600 m d’altitude. Le buis serait pré-sent à 800 m, le hêtre plus haut dans le nord-est desgrands Causses. Dans les Monts de Lacaune l'altitudeexplique en partie la présence des sapins et des hêtres.Au Mont-Aigoual, plus à l'Est mais toujours sur les mon-tagnes du Languedoc, les boisements sont désormaisclairsemés et les noisetiers étouffent les bosquets dechênes, d'ormes et de tilleuls. Mais en Quercy la forêtest encore assez fermée. Les chênes à feuillage caducy sont toujours largement dominants (85 % des taxonspolliniques d’arbres à la grotte de Pégourié, Caniac-du-Causse) et accompagnent quelques érables, noisetiers,néfliers, nerpruns, etc.En Provence (pollens de la grotte sous-marine de la Trè-mie, Marseille, Bouches-du-Rhône) le chêne vert s'im-pose au Subboréal et supplante la chênaie caduquesous l'effet de la pression humaine. Dans les régionsprè-alpines, dans l'arrière-pays, les épicéas et les hêtresse développent lentement ; mais des lambeaux de forêtde l'Atlantique ne disparaissent pas totalement des pay-sages aux reliefs très accentués. Encore faut-il être prudent dans ces descriptions. Laforte empreinte de l’activité humaine est depuis long-temps un paramètre déterminant. A l’Age du Bronzeancien, le travail de la terre, et le pacage des troupeauxqui s’intensifie dans nos régions sont toujours encause. Les spectres palynologiques comme les dia-grammes anthracologiques de l’abri de Coufin (Cho-ranche, Isère) traduisent ainsi l’ampleur de la défo-restation qui est opérés aux alentours de ce site. Lescéréales et les espèces messicoles d’accompagne-ment y sont en nombre, de rares arbres utiles (Noise-tier, Bouleau, Genévrier) colonisant des espacesproches ou étant favorisés pour des utilisations de bois(If) ou de feuillages éventuellement pour alimenter lebétail (Frêne).Cette érosion anthropique et les conditions climatiqueslocales ont préparé les effets spectaculaires de l’épi-sode orageux catastrophique qui a enfoui le site deLaval-de-la-Bretonne, à Monze. Ce petit habitat agri-cole a été littéralement enterré sous plus de 1,5 mètrede sédiments par la mise en mouvement d’un versantde la Montagne d’Alaric. L'extension du Buis et duChêne vert (Quercus Ilex) en Languedoc occidental (Abride Font-juvénal, Conques-sur-Orbiel, Aude) comme sur

    le Causse du Larzac favorise les taillis broussailleux auxabords des sitesLa durée de l’Age du Bronze ancien et probablementle mode d’occupation du territoire des communautésagropastorales (un point dans Gascó 2000a), peut-êtretout autant que l’état de la recherche qui ne néglige pascette période, créent le sentiment d’une méconnais-sance de ces populations. Les variations régionales deschronologies ne dénouent pas la situation. La situationvaut cependant pour une bonne part de l’Age du Bronzeet tient en partie, par exemple en Languedoc par la com-paraison implicite avec la durée et la forte individualitédes groupes du Néolithique final puis de ceux del’Age du Fer. Nous ne ferons que brosser rapidementquelques points acquis régionalement. Ils valorisent pro-bablement l’idée d’une communauté culturelle méri-dionale assez homogène qui gère avec peu de diffé-rences son territoire agropastoral sinon en adaptant sonmode de vie aux conditions locales. Les pratiques funé-raires de ces populations conduisent également àconforter ce sentiment.

    Les habitatsDans le sud de la France les sites du Bronze ancien lesmieux connus ont été longtemps des cavités tradi-tionnellement occupées durant le Néolithique (parexemple Grotte du Gaougnas à Cabrespine, Aude;grotte du Travès à Montclus, Gard, etc.) (Guilaine 1972;Roudil 1972). Les surplombs rocheux des falaises sontalors également utilisés dans la tradition néolithique (LaRoche-Dumas à Arsac-en-Velay, Haute-Loire) (Cré-milleux 1974). Dans la zone des garrigues orientales duLanguedoc certaines petites grottes ou avens, peu favo-rables, sont utilisés: c’est le cas à l’Aven 2 des Vautesà Saint-Gély-du-Fesc, Hérault où l’on a découvert unvase en S très ouvert à panse biconique munis de per-foration à l’embouchure (vase communément associéau Campaniforme) et des vestiges de céramiques déco-rés (triangles incisés proche de ceux trouvés aux Ira-gnons à Codognan, Gard en contexte Bronze ancienévolué) (Timsit / Escallon 2003). On investit durant cetteépoque les sites anciens et récents du groupe de Font-bouisse situés à peu de distance (Le Rocher du Causseà Claret, Conquettes au Rouet (Hérault), etc.). Ledocteur Arnal pensait qu’il s’agissait de là simplesbivouacs de véritables «nomades jamais astreints à sefixer». On a véhiculé ainsi l’idée de conditions difficiles de l’ha-bitat karstiques. Mais il est délicat d’apprécier ce quesignifie l’inhospitalité ou l’inaccessibilité des cavités,parfois perchées au-dessus des vallées (35 m au des-sus du Lot à la grotte du Noyer en Quercy), ou avec desentrées étroites (grotte de l’Ado à Salviac, Lot). La Grottede Peyroche II à Auriolles (Ardèche) est ainsi jugée assezpeu accueillante hormis sa bonne situation au-dessusde la Beaume, affluent de l'Ardèche. A Montclus (Gard)

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    la salle profonde de la grotte du Travers, également obs-cure et très humide, abrite malgré cela une occupationdurable du Bronze ancien. A la grotte du Hasard (Tha-raux, Gard), les conditions réunies par l'habitat parais-sent tout aussi défavorables (Roudil 1972). Mais cescavités avaient été sinon occupées du moins fréquen-tées, dans des conditions proches, depuis le NéolithiqueMoyen. Parfois les grottes semblent de simples refugesvolontaires et on les considère comme des haltes debergers (La Baume Saint-Amans à Millau) (Boutin et alii1994) ou de chasseurs parfois spécialisés (Doline deRoucadour, Thémines, Lot) (Dardignac 1997; Gascó2000 b; 2004 à paraître). Sur les grands causses (Thau-vin-Boulestin 1996) si les avens-citernes mal commodessont encore largement utilisés pour se ravitailler en eau,d’autres puits naturels sont surtout des lieux de stoc-kage (Aven de Merdeplau à Creissels, Aveyron). L’avend’Alteyrac (La Roque-Sainte-Marguerite, Aveyron) (Bou-tin 1994) livre également une zone d’habitat très reculé:on y confectionnait de la céramique (carrière d’argile,réserves, stalagmites brisés pour confectionner de lacalcite pilée destinée aux pâtes des vases, poinçonspour les décorer, etc.) (Boutin 1994; Thauvin-Boulestin1996).En réalité il existe aussi de nombreuses cavités dont lesconformations ou les emplacements restaient favorablesà l’habitat des paysans-éleveurs tel que l’on peut leconcevoir encore de nos jours. C’est le cas de la plu-part des grandes grottes ou des puissants abris du Sud

    de la France qui ont livré des traces d’occupationsdepuis le Néolithique (parfois antérieurement). La proxi-mité de terres cultivables, des espaces de parcours etde la forêt dans des zones topographiquement contras-tées comptaient alors tout autant que la qualité phy-sique du site. En Aquitaine, sur le rebord sud-ouestdu massif central (Gascó 2000 a; 2000 b) et la régiondes grands Causses les exemples sont nombreux :grotte de la Borie basse, à Livers-Cazelle, dans le Tarn,grotte de Sargel à Saint-Rome-de-Cernon, aven desCorneilles à Prades, en Aveyron, etc. En Quercy (Séro-nie-Vivien 1971) les cavités s’ouvrant au fond de dolines,comme à la grotte de la Bergerie (Caniac-du-Causse)ou à Roucadour (Thémines, Lot) étaient recherchées;dans ce dernier cas un habitat de plein air étant aussiétabli dans la longue dépression du causse de Gramat(Gascó 1998; 2004 à paraître). La maison incomplèteque l’on y trouve est à plan rectangulaire. Elle est enbois, les parois de branches et de terre, avec despoteaux porteurs fichés dans le sol et simplement caléspar des pierres. De nombreuses meules sont alignéescontre une paroi supposée du bâtiment encombré d’unamas de détritus.En fait la trame de l’occupation du sol est mal connuedans le sud de la France. C’est le cas en Languedocpour les sites de plein air malgré le Puech des Mailles(Poussan, Hérault) sur une hauteur naturelle ou Les Ira-gnons Perrier (Vergèze, Gard) en plaine qui attestentd’installations agropastorales pérennes (Habitations fai-

    Figure 1. Tableau chronologique pour l’Age du Bronze ancien et moyen en France méridionale, mis en perspective avec

    les données principales du Bassin du Rhône. Le tableau récapitule les différentes propositions chronologiques faites de-

    puis environ vingt ans et établies selon diverses méthodes et sources.

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    blement excavées, ovalaires, et fosses) (Roger / Valette1981). A Laval de la Bretonne (Monze, Aude) après uneforte exploitation des zones de plateaux et une activedéforestation néolithiques, les effets d’un ou plusieursépisodes climatiques exceptionnels sur les flancs de laMontagne d’Alaric ont été décrits. Une crise érosive enpartie comparable est connue à la même époque dansle bassin de Montélimar (Berger et al 2000) (comme enGrèce ou en Espagne du Sud-est). Ces faits montre-raient dans les Corbières que durant cette période leréajustement des finages villageois aurait conduit à uneréoccupation des plaines et des vallées (Gascó / Carozza/ Wainwright 1996) malgré une certaine déprise humaine(Vital 2001). Les sites ouverts semblent souvent de petite étenduemais il peut s’agir d’un simple état de nos connaissances.Un exemple fouillé sur 4 hectares à Dallet-Marchal(Puy de dôme) illustre un type de découvertes d’uneautre importance. Près de 400 fosses (et une trentainede sépultures) ont été conservées sur ce site, leur nombreinitial pouvant être estimé à plus d’un millier disséminésur une dizaine d’hectare. Il est vrai que cette occupa-tion couvre la majorité de la période du Bronze ancienet correspond à des successions d’installations durantplusieurs générations (Loison 2003). Les emplacementsqui sont connus paraissent toujours répondre au soucide la proximité des terres cultivables. Mais souvent ils’agit aussi d’une recherche des points d’eaux ou deszones humides favorables au développement desprairies. Ce sont également des lieux de circulation etde franchissement. Certains hameaux sont en effet ins-tallés à proximité de gués, comme ceux placés à laconfluence des gaves pyrénéens. En Médoc et dans lesLandes (Merlet 1996) les abords des zones humides (Lalède du Gurp), les lagunes (La Hubla à Canenx-et-Réaut)et les chenaux des cours d’eau (Saint-Rémy, Maillères)sont occupés. Vers l’est, dans la plaine du Tricastin, dessites de plein air sont également installés à proximité descours d’eau (Le Lez et le Lauzon) : on les retrouve enfouissous près de 2 mètres d’alluvions. Le statut social par-ticulier des territoires que parcouraient les animaux aurait-il été aussi en cause ? Est-ce le cas pour les installationshumaines dans la dépression humides de Tras-le-Puy(Roquemaure, Gard) ? Ce rapport à l’eau est-il un déno-minateur social et culturel ? Il semble qu’il soit assezgénéralisé. Cette propension à l’installation en bordurede zone humide semble assez générale (Roussot-Lar-roque 1987; 1996), et on l’a rapprochée de l’importanceque représentaient alors les troupeaux dans l’alimen-tation ou la charge sociale. Mais elle pourrait aussirépondre pour les hommes à une nouvelle manière deconsidérer le besoin en eau en terme d’accès, de stoc-kage et d’usage. On pourrait ainsi insister sur la géné-ralisation des fonds plats, les jarres en tonnelets, descruches, etc. Elle serait désormais vécue comme unecontrainte à l'établissement humain.

    En effet dans la zone de confluence Saône-Rhône etdans la moyenne vallée du Rhône l’économie des popu-lations du Bronze ancien reposerait davantage sur uneforte diversification de l’agriculture avec l’extension del’Orge nue, le développement du Millet et des légumi-neuses (Bouby 2000). Qu’il s’agisse de fermes-établespolyvalentes, des édifices réduits, peu hiérarchisées,(proches de modèles européens septentrionaux) avecdes batteries de silos et parfois des enclos (boulevardpériphérique de Lyon (Martin / Gesler 1988) ou desregroupements pré-villageois plus marqués (Roynac leSerre, Vital et alii 1999) une attention particulière auxstructures de stockage semble partout partagée. Cer-tains par ailleurs accueilleront des sépultures (ChabrillanSaint-Martin, Drôme, Vital 2001; Dallet-Marchal (Puy dedôme, Loison 2003). A partir de si peu, il est délicat d’af-firmer une tendance générale agglomérante des habi-tats agropastoraux, (elle a pu exister auparavant danscertaines régions), mais elle est bien enregistrée à Roy-nac le Serre (Vital et alii 1999) comme à Sévrier (Billaud/ Marguet 1999) où un établissement en bordure de lacest circonscrit d’une double palissade, chemin de ron-dins et constructions structurées. Cette tendance géné-rale serait peut-être preuve de la réactivation desinfluences des cultures du nord-est des Alpes. Une autre forte constante pourrait être la pérennité fré-quente de certains emplacements depuis la fin du Néo-lithique. Le phénomène rencontré dans le cas desgrottes d’habitat existe aussi en plein air. En Langue-doc occidental quelques sites (Station de la Condamine,Ladern-sur- Lauquet, Aude ; stations des Peyrals, Vil-leveyrac, Hérault) sont à l'emplacement d'occupationsdu Néolithique final, du Chalcolithique fontbouisse (sta-tion du creux de Mièges, Mireval, Hérault), vérazien ouépi-Campaniforme (les Campellanes, Le Soler, Pyré-nées-Orientales). De nombreux cas de réoccupationsde sites fontbouisse sont connus dans les garriguesmontpelliéraines. Souvent des emplacements de sitesperchés seront durablement utilisés au cours de l’Agedu bronze ou de l'Age du Fer : les traces du Bronzeancien sont fréquemment signalées dans des niveauxdétruits par les occupations d’oppida languedociens.Au Mas Carbonnier-Les Cauquillous (Montpellier) dessilos du Bronze ancien sont placés sur un large inter-fluve, sur un site à longue occupation et à vocation funé-raire (Néolithique final-I er siècle après J.-C.).En fait, les sites présentent régulièrement des carac-tères communs qui s’apparentent à un souci d’indivi-dualiser et de protéger leurs emplacements (la Carrei-rasse à Mailhac, Aude). Dans le cas de la Provence, larégion du revers septentrional des Alpilles a livré deshabitats dont la durée ou le rythme d'occupation nesont pas connus ; mais ces sites répondent à quelquesprincipes : positions de contrôle de voie de circulation(Col de Sainte-Anne, Mimet) lieux stratégiques par leurenvironnement (le Fortin-du-Saut, Châteauneuf-lès-Mar-

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    tigues), ou leur emplacement dans une région (Saint-Blaise, Bouches-du-Rhône). S’il ne s’agit pas d’un réelsouci défensif, on note une volonté de contrôle desabords du site et un certain désir de protection. Lesfermes ou les hameaux peuvent être alors perchéssur de véritables éperons rocheux (Baou Rous, Simiane,Bouches-du-Rhône ; Château-Viran, La Fare, Bouches-du-Rhône) ou situés à l'extrémité de serres dominantdes bassins ou des glacis-versants (Baou Majour, Grans,Bouches-du-Rhône). Dans la chaîne de la Nerthe (alti-tude de 145 m), à proximité de l'Etang de Berre, LeCamp de Laure (Le Rove, Bouches-du-Rhône) estexceptionnel du fait de son puissant rempart qui pro-tège un éperon bordé de trois falaises. L’occupation dessites perchés est alors fréquente même si elle ne révèlepas de semblables aménagements défensifs (Montfo,Hérault ; Nages, Roque de Viou à Saint-Dionisy, Gard ;Saint-Blaise à Saint-Mitre-les-Remparts, Bouches-du-Rhône, etc.) (Bibliographie dans Courtin 1974, 1975;d’Anna et al. 1989; Lemercier 2000).

    Les sépulturesCristallisant peut-être davantage que les habitats lesréelles affinités culturelles des populations, les modesde sépultures de l’Age du Bronze ancien du sud de laFrance paraissent localement diversifiées. S’opposentalors des pratiques collectives comme dans le domainerhodano méditerranéen et des choix individuels qui rom-pent avec des traditions néolithiques assez générali-sées. Les populations du Languedoc conservent la pratiquedes sépultures collectives en cavités naturelles ou abrissous roche (dans l’Aude, la Grotte de la Treille à Mail-hac, la Grotte de las Claousos à Auriac un très grandnombre de grottes funéraires du Narbonnais) (Guilaine1972). Les défunts sont parfois inhumés avec un grandnombre de parure sans que l’on puisse affirmer qu’ils’agisse là de la preuve de l’existence d’une élite socialequi s’affirmerait alors (Guilaine 1996): des centaines deboutons prismatiques à Usson (Clottes Guilaine 1989),une cinquantaine de boutons, perles et pendeloques àBelcaire dans la Haute vallée de l’Aude (Clottes Clottes1989). Des couteaux de silex chalcolithiques côtoientsouvent les nouvelles céramiques du Bronze ancien(Grotte des Chataigniers, Vingrau, Pyrénées-Orientales).Dans la grotte de Montou (Corbères-les-Cabanes, Pyré-nées orientales) une salle pourrait constituer un véritablecaveau familial. Elle semble partagée entre les mortdéposés contre les parois, et les vivants qui y prati-quaient des repas peut-être funéraires. Les inhumationsen cavités naturelles sont aussi connues dans les Pyré-nées atlantiques (grotte de La Perdigadère à Serres-Castet, Barthe et alii 1985), comme en Périgord, enAuvergne (Abri du Chevalier de Vichel, Puy de dôme)ou en Provence (Aven de Gage à Allauch, Bouches-du-Rhône; La Montade près de Marseille, grotte de la Sar-

    rée à Magagnosc dans les Alpes-Maritimes). Les pra-tiques funéraires locales semblent très variées et com-plexes. A la grotte des Perrats (Agris, Charente) desdépôts de pièces de bois brûlées, des «mise enreprésentation» d’ossements humains parfois décarni-sés et des aires cloisonnées ou livrant des vases ins-tallés forment un ensemble funéraire original (Gomez1996). En Lozère, l’aven des Corneilles (Prades) avaitservi de chambre sépulcrale pour une douzaine decorps; leurs réductions avec des os longs entassés (par-fois mêlant les individus) et un soin particulier pour lescrânes sont-elles une indication sur les pratiques funé-raires en vigueur (Thauvin-Boulestin 1996)?Durant cette période les ossuaires mégalithiques sontégalement la règle, avec des réutilisations ou des utili-sations continues de dolmens de toute nature. Le dol-men du Méandre-de-Gen (Ruoms, Ardèche) est un desrares exemples où l’on a pu ainsi mettre en évidenceau moins trois phases d’activité funéraire, la premièreau Néolithique final, une autre au Chalcolithique puisune ultime près de 1000 ans après l’édification du monu-ment à l’Age du Bronze ancien. Le dolmen B Taillan (Ger,Pyrénées-Atlantiques) en est un autre exemple où l’onobserve un dépôt sépulcral du Bronze ancien respec-tant les inhumations antérieures (Marembert 2000). Maissi le dolmen de Peyroulié-nord (Penne, Tarn) est bienutilisé pour placer une sépulture individuelle du Bronzeancien, ses orthostates ont été au préalable arrachéset sa chambre pourvue d’une couche de cailloutis (Pajot2000).C’est une période également où coexistent la réalisa-tion de cistes insérés dans des tertres (Pyrénées)voire des construction tardives à l’instar de nombreusestombes mégalithiques du Quercy, de cas alpins (Isère)ou provençaux (Ciste des Gouberts à Gigondas, Vau-cluse). Du Bordelais aux Pyrénées les tumulus funérairesponctuant des itinéraires montagnards sont nombreux.Ils forment des nécropoles de coffres de pierres ren-fermant 2 à 3 corps. Ce sont des massifs de galets par-fois maçonnés d’argile (tumulus de Lamarque-Pontacq)ou ennoyant des pierres volontairement dressées. Ilsont de 10 à 20 m de diamètre, parfois 3 m de hautsur le plateau de Pont-Long (Marembert 2000). Lestertres à coffre de pierre (plateau de Ger, Artix) sont par-fois entourés d’un cercle de pierre qui ennoient desorthostates volumineux (Puyo Espy à Pontacq). Cer-tains entourages sont ouverts (Tumulus des deux men-hirs de Ger) ou parfois multipliés et concentriques (Oey-regave, Landes). Il en existe qui forment d’épais amas(Ossun, Bartrès dans les Pyrénées-Atlantiques) qui cein-turent également les tertres. Les tumulus masquent par-fois des massifs de pierres (comme en Allemagne) oudes pavages de galets supportant ou masquant desdépôts de céramique. Les inhumations de ces tertrespeuvent être individuelles (tumulus S du Taillan maisavec au moins trois corps à l’extérieur), mais le plus sou-

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    vent regroupées pour quelques individus (Bartrès).Quelques découvertes d’incinération, avec dépôt descendres en dehors des urnes, existent dans les pié-monts des Pyrénées (bibliographie dans Roussot-Lar-roque 1996; Marembert 2000).Toutes ces formes collectives paraissent dominer lesrares cas de sépultures individuelles comme cellesdu Colombel (Laudun, Gard) ou de Canteperdrix (Beau-caire, Gard). Son squelette appartient à un individu detype dinarique, de grande taille, la face étroite et mar-qué par une brachycranie à occiput vertical. Il se trou-vait en position fléchie reposait sur le coté droit, unetasse à anse coudée et un poignard à deux rivets à sescotés ; derrière la tête se trouvait une épingle à têteglobuleuse perforée. Aux Angles (Gard), la tombe deBellevue est comparable ; elle renfermait trois corpsdont deux appartenant à des individus moins typés,alpino-dinaroîdes (Duday / Guilaine 1975). Les petitsregroupements de corps dans les sépultures semblentfréquents. Les exemples de sépultures individuelles(grotte de Beauregard à Marsa, Lot) ou avec un nombretrès restreint d'inhumations sont de plus en plus nom-breux. Sur les grands Causses on abandonne pro-gressivement les grands regroupements sépulcraux(Le Pousouet à la Malène) au profit de sépultures d’ unou deux individus (Les Gardes à Montjaux) (ThauvinBoulestin 1996). Dans les Pyrénées nord-occidentalesle même phénomène est constaté (4 corps dans lesgrottes de la Perdigadère (Barthe et alii 1985) et d’El-zarreko Karbia (Ebrard Courtaud 1996), 1 à celle duCézy) mais cette idée est justement relativisée par ladiversité des modes funéraires (Marembert 2000). ABédeilhac (Ariège) dans une région où les popula-tions restent là aussi très attachées aux traditions chal-colithiques plusieurs sépultures individuelles d'enfantset d'adultes datent de la fin de l'Age du Bronze ancien.A Fleury (Aude) la grotte du trou des Morts abritait aussiune sépulture en position accroupie, les mains rame-nées vers la face, dont l'épingle à tête globuleuse etperforée assied la datationEn Auvergne les tombes individuelles architecturéesconstituent une forte composante régionale (Loison 2003)même si des tombes multiples existent (Chazal, et Chan-temerle où sept enclos, 72 tombes et 83 individus for-ment un cimetière ancien). Dans cette région il sem-blerait que les tombes en ciste recouverte d’un cairn sesoit généralisé au cours du Bronze ancien. D‘autres pra-tiques existent, comme les dépôts funéraires de corpsd’enfants, morts en bas-âge, dans des jarres (Dallet/Mar-chal, Beauséjour) et les sépultures en silos près desespaces domestiques qui sont interprétées comme desprocédures de relégation (Tourteix, Beauséjour). De nom-breux arguments (Loison 2003) conduisent à valoriserdes similitudes existant entre les pratiques auvergnateset celles des groupes du Bronze ancien centro européen(nécropole de Singen, de Straubing, etc.).

    ORIGINE DE L’AGE DU BRONZE ANCIEN

    Traitant du Sud de la France, l’Age du Bronze ancienpeut sembler assez homogène, poursuivant des modesde vie agro pastoraux assez proches d’une région à uneautre et assimilant lentement des pratiques sociales dif-férentes mais dont on pourrait aussi retrouver les pre-miers signes dans leurs propres histoires. Pourtant ilconvient de prendre en compte l’existence conjointed’un substratum socioculturel parfois hétérogène, avecdes groupes néolithiques ou chalcolithiques et Cam-paniformes variés et des apports continus d’influences,voire de groupes, essentiellement d’Europe continen-tale. Cette période participe dès lors de trois fortes ten-dances évolutives dans la constitution et le développe-ment des cultures régionales. L’une traite de déplace-ments de populations, l’autre de phénomènes d’ac-culturation et d’assimilation, une dernière d’évolution etde transformations locales. Leur appréciation respec-tive est sans doute surévaluée du fait de la nature destémoignages, ceux de la culture des objets, qui sontalors considérés. Dans de nombreuses régions, l’ab-sence presque totale de milieux clos en est la premièredifficulté.Ces trois ensembles explicatifs se sont en fait aussi

    succédés dans l’histoire de la recherche méridionale,même si dans l’analyse les emprises des divers conceptsont pu souvent se chevaucher avec des recouvrementsvariables selon les sous-ensembles régionaux et la chro-nologie.

    RECURRENCES ET PROLONGEMENTS«CAMPANIFORMES» ET «CORDES»

    Au nord est de la zone étudiée, dans le Valais suisse, l’ap-port des cultures continentales rhodano - rhénanes etparticulièrement la composante Campaniforme locale ontété largement décrits à partir de l’histoire reconstituée dela nécropole du petit - Chasseur à Sion pour la mise enplace des groupes culturels locaux du début de l’Age duBronze (Gallay / Chaix 1984; Gallay 1990). Les chrono-logies terrestres et celles des sites lacustres ont été com-mentées (Gallay 1979, 1986a, 1988a, 1988b). Sur le planchronologique il est admis désormais la succession tem-porelle suivante: Néolithique final et culture à vases Cor-dés, Campaniforme, Bronze ancien Dans la vallée du Rhône moyen les données du bou-levard périphérique nord de Lyon (Jacquet 1998) etde Roynac Le Serre 1 (Vital et alii 1999) soulignent éga-lement leur harmonie avec différents faciès Campani-formes d’Europe centrale et danubienne ainsi qu’avecdes productions antérieures des groupes Cordés (ins-tallés dans les grottes de Gonvillars, Haute - Saôneou de Courchapon dans le Doubs, Pétrequin et Pétre-quin 1978) ou communes à chacun d’entre eux. Danscette région mais aussi jusqu’à la plaine Padane occi-

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    dentale (Nord de l’Italie) les composantes culturelles desgroupes régionaux (mobiliers et mode de vie agropas-toral) paraissent très précocement polygéniques: desapports rhénans, bavarois, suisses ou italiques se ferontsentir par la suite et des relations à grande distance(Grande-Bretagne) à la fin de la période conforterontcette situation (Vital / Bintz 1991). Cette présentations’appuie par exemple sur les données de Roynac LeSerre 1 et Chabrillan Saint Martin 3 (Drôme). Dans cetterégion les apports des groupes Campaniformes d’Eu-rope centrale et de Transdanubie qui sont évoqués (Vitalet al 1999) minimisent l’idée d’une seule continuité desproductions céramiques néolithiques et Bronze ancien.En Auvergne, la situation semble assez comparable oùdans un premier temps (Le Pont - du Château / Cha-zal) le faciès régional de l’Age du Bronze ancien «puiseses composantes non seulement dans le complexeCampaniforme récent mais également dans les mani-festations des traditions de l’Europe centrale» (Loison2003) avec des productions en provenance du Rhinsupérieur ou de la vallée du Danube (Loison 1998; 2003).En Aquitaine, où l’Artenacien semble conserver ses traitsde type néolithique jusqu’au début du Bronze ancien(Roussot-Larroque 1984), l’apport Campaniforme dansla genèse de l’Age du Bronze ancien n’est pas aussiexplicite du fait d’une présence discrète (Treinen 1970).L’appréciation reste cependant assez proche, même sile poids de la tradition néolithique est surtout affirmé(Roussot - Larroque 1996). Dans cette région le Cam-paniforme et l’Artenacien sont nettement dissociés pourdes raisons de chronologie (Les loups à Echiré, deux- Sèvres: La Lède du Gurp à Grayan, Gironde) etl’Epicampaniforme en tout lieux mal représenté. Seulsquelques sites dans les Landes (Canenx - et - Réau)possèdent une céramique d’accompagnement (Gelli-bert / Merlet 1992) et un Campaniforme tardif. Les Cam-paniformes, jusqu’aux plus récents, ont une répartitionessentiellement côtière et îlienne (l’Ecuissière à Dolus,Ile d’Oléron, Charente - Maritime). Ils sont établis sur-tout sur les rives vendéenne (site de la République à Tal-mont - Saint-Hilaire, Vendée) et charentaise jusqu’enGironde (la Lède-du-Gurp, Grayan, Gironde). Lessites d’habitat ne dépassent pas la dizaine. Pour la céra-mique régionale, il demeure cependant que les pichets,les tasses ou les polypodes sont bien des formeshéritées de cette mouvance (on pourrait citer des tassesnon décorées au dolmen E145 de Taizé dans les Deux-Sèvres et du Tholos du Peu Pierroux ou une coupe poly-pode du même site). Ces formes sont peut-être parentesdes longues relations avec les groupes Cordés sep-tentrionaux qu’annonçaient au Néolithique final les expor-tations de silex du Grand - Pressigny vers la Suisse occi-dentale ou les Pays - Bas.Sur les grands Causses il est délicat de périodiser l’Agedu Bronze ancien et de mesurer l’intervention Cam-paniforme (très rares sur le Causse du Larzac ou du

    Méjean) (Costantini 1984). Cependant se dégagentquelques sites ou horizons anciens où les mobiliers tra-ditionnels chalcolithiques perdurent mais en s’appau-vrissant (Thauvin-Boulestin1996): la parure en os et entests tendrait par exemple à être abandonnée (l’intro-duction des boutons plan-coniques à perforation cen-trale, de mode ancienne dans l’Age du Bronze de l’Estde la France, mais qui peuvent résulter de contacts méri-dionaux, et qui sont assez fréquents sur les grandscausses, ne peut être datée). Parfois la céramique ini-tiale du Bronze ancien proche de la dernière phase dugroupe des treilles (aven d’Altayrac, La Roque-Sainte-Marguerite, Aveyron) peut être distinguée par des fondsplats, des profils en S et des jarres globulaires à cordondigité. Une jarre à cordons digités en résille de la BaumeSaint-Amans (travaux Boutin) porte ainsi une anse encroissant qui évoquerait également un emprunt (peut-être très éloigné) à une tradition Campaniforme (Thau-vin / Boulestin 1996; Gomez 1995). Ces rares ensemblesqui favorisent des profils céramiques biconiques et caré-nés, se dégagent cependant difficilement des compo-sitions plus classiques où domineront tasses et pichetsou jarres rhodaniennes. Des gobelets peut-être d’ins-piration Campaniforme (dolmen de la Bresse, Peyre-leau, Aveyron) un vase biconique Barbelé à motifs sca-lariformes (Grotte de Sargel), conforme à des exem-plaires des régions bas-rhodaniennes (Bill 1973; 1977)sont des indices probablement anciens. Le métal n’ap-porte pas d’informations probante éventuellement dufait d’une grande autonomie de production (épingles)même si un bracelet de l’Aven des Corneilles (Prades,Lozère) peut évoquer des productions du groupe deStraubing (Fages 1979). En Languedoc méditerranéen il est admis que l’Age duBronze ancien s’est «sans doute développé sur unebase exclusivement locale à partir du substrat Campa-niforme pyrénéen comme le montre bien le fonde-ment constitué par la céramique d’accompagnementde ce complexe» (Guilaine 1996) comme à Médor -Ornaisons dans l’Aude (Guilaine et al i i 1989). Lacontinuité de certains lieux sépulcraux légitimerait l’exis-tence d’un fond culturel autochtone qui aurait selon leslieux diversement évolué sous l’effet de différentesinfluences extérieures et de leur interactions. En Lan-guedoc occidental dans une trentaine de sites (Médor,Embusco III à Mailhac, Aude), la céramique d’accom-pagnement du Campaniforme constitue, dès –2400–2300 avant notre ère, un des fondements du mobi-lier de l’Age du Bronze ancien régional (Fig. 2). Après ladernière phase de la périodisation Campaniforme,une grande partie de la France méridionale livre des pro-ductions décorées de lignes barbelées réalisés aupeigne, avec une continuité moindre des décors inci-sés ou estampés. L’importance des affinités au genreCampaniforme (diversement appréciée), la pérennité deleurs traditions (durables ou ré alimentées à Dallet /

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    Figure 2. Céramique inornée du complexe campaniforme, gisement de Lapeyrère, Muret, Haute-Garonne (Jolibert 1988).

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    Machal en Auvergne), durant plusieurs siècles, tradui-sent ainsi le rôle prédominant de ce substrat sociocul-turel (avec localement ses faciès rhodano provençalet pyrénaïque) dans la constitution de l’Age du Bronzeméridional au même titre que les cultures de la fin duNéolithique et celle(s) du Bronze ancien extra régio-nal. En Provence le style Barbelé Epicampaniforme du Camp- de - Laure (Gignac - le - Rove, Bouches - du - Rhône)est placé aux environs de –2000 –1800 (Courtin1975; 1976; Gutherz 1995). Il pourrait s’agir d’une per-duration (Guilaine / Gascó 1989, Treinen Claustre 1989,Vital 1990). Le métal qui circule en premier temps seraitle cuivre puis le bronze, même s’il reste rare. Dans laGrotte sépulcrale de Perpetairi (Mollans, Drôme), unehache rhodanienne est associée à la céramique Bar-belée; au col Saint - Anne (Simiane - Collongue, Bouches- du - Rhône) ce sont quatre petites alênes de bronze.

    LA CERAMIQUE BARBELÉE

    A la fin de la période Campaniforme plusieurs facièsrégionaux tardifs paraissent donc couvrir le sud médi-terranéen de la France, ils reposent sur des styles céra-miques dont l’importance est repoussée jusqu’aux

    limites de la définition approximative de supposésdomaines sociaux. L’usage de l’incision et de l’impres-sion domine alors pour réaliser les céramiques. Legroupe ou style pyrénéen s’étend du nord de la Cata-logne, les Pyrénées centrales au le Languedoc occi-dental. Sa manière imprègne quelques productions pro-vençales. Un deuxième faciès stylistique rhodano - pro-vençal occupe du Languedoc oriental la basse valléedu Rhône et la Provence avec des affinités en Italie sep-tentrionale. Vers le Nord, la vallée du Rhône s’indivi-dualiserait en un troisième faciès. Durant un temps lesvases décorés, qui n’abandonnent pas les décors aupeigne et les modes Campaniformes, comptent alorsune céramique d’accompagnement non décorée maistrès diversifiée.Héritant de cette phase tardive du Campaniforme, sedéveloppe une ornementation de la céramique parti-culière, sans abandonner les décors au peigne et à l’in-cision : le style Barbelé (Bill 1973). Elle est réalisée parde fines lignes horizontales qui semblent tailladées decourts traits horizontaux plus ou moins espacés. Lestechniques décoratives et les motifs font bien référenceà la phase récente des Campaniformes régionaux (Fig.3 et 4). Il existe des lignes faite par traînées d’un poin-çon avec l’imposition d’incisions piquées verticales

    Figure 3. Céramique d’accompagnement et du complexe campaniforme; 1, 3 à 8, Médor-Ornaisons, Aude; 2, Grotte du

    Cimetière, Chateaurenard, Bouches-du-Rhône; 9, 10, Grotte Murée, Montpezat, Basses-Alpes (Guilaine et al. 1989; 9,10,

    d’après Courtin 1976).

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    courtes. D’autres empreintes linéaires d’outils (peignecranté ou roulette) reproduisant le même effet, ou dessil lons (en fuseaux) crantés existent (Jallot et al.1996). Des motifs au peigne dans le style internationalCampaniforme, des décors de sillons ou incisions encroisillon leurs sont associés également.Le style de Laure (Gignac-le-Rove, Bouches-du-Rhône)organisent des décors complexes de grilles, croisillons

    ou triangles incisés à la manière du Campaniforme rho-dano provençal (Calvisson-Maupas, Gard). PleinementBronze ancien (Courtin 1975) ces décors Barbelésornent des formes Campaniformes (tasses) et des vasesproches de celles de la céramique d’accompagnementdu Campaniforme rhodano - rhénan, comme les tassesansées (Aven de Gage) et les cruchons o u pichets(grotte Tournié à Pardailhan, Hérault). Les jarres plus

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    Figure 4. Céramique à décor barbelé. 1,4, Camp de Laure, Le Rove, Bouches-du-Rhône; 2, Grotte de Gourtaure, Sain-

    te-Anastasie, Gard; 3, Village de la Couronne, Martigues, Bouches-du-Rhône; 5, Le Rocher du Causse, Claret, Hérault; 6,

    Orcet-le-Tourteix, Puy de Dôme ; 7, Abri de Font-Juvénal, Conques, Aude; 8, Village de Fontbouisse, Villevieille, Gard. (1,3,

    4, Courtin 1978; 2, Gutherz 1980; 5, 7, Guilaine 1989; 6, Loison 2003; 8, Bill 1977 d’après Arnal).

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    volumineuses s’insèrent généralement dans une tradi-tion plus ancienne.Dans le Midi de la France, des décors estampés et desimpressions proches du style pyrénéens perdurent,également. Des bols, des gobelets ou des écuellessont ainsi décorés. On ne peut que souligner l’appa-rente correspondance entre le style des vases à sillonscrantés et la région pyrénéo languedocienne qui s’op-poserait au style proprement Barbelé davantage uti-lisé en Languedoc oriental et Basse-Provence. Maisl’existence de groupes Epicampaniformes (prochesdu style de Las Caounos ou associant Barbelé etformes de facture Campaniforme) ou simples facièsBarbelés, avec d’ailleurs des interconnexions entre lesdeux styles ou modes décoratifs, est également pro-bable, sans que l’on ne puisse en mesurer la portéesociale.

    La céramique inornée dite d’accompagnement indi-querait que des influences, en provenance surtout dubassin du Rhin moyen, de Bohème et de Moravie, seseraient matérialisées sur une partie du territoire fran-çais et jusqu’en Italie. Dans ces ensembles la céramiquecommune qui est rattachée au complexe Rhodano -Rhénan (Gallay 1986c; Besse 1992) livre des vases tron-coniques à fond plat et des jarres à profil en S à cor-dons péri-orificiels et perforations en ligne. Elle se seraitpropagée avec les vases Campaniformes décorés aupeigne vers la Suisse vaudoise (Bavois, Rances) et jus-qu’à la côte atlantique française en Vendée (Talmont-Saint-Hilaire, La Tranche sur Mer, Saint-Hilaire-de-Riez,et en Charente-Maritime (Ecuissière à Dolus, sur l’ïled’Oléron). Sa propagation serait allée aussi vers le sud.Cette céramique est peut-être ainsi à l’origine de la céra-mique inornée des sites méridionaux (Médor), mais l’hy-

    Figure 5. Céramique de la première phase de l’Age du Bronze ancien en Languedoc occidental et Pyrénées de l’Est, 1 à

    3 grotte des morts, Usson, Aude; 4, 7, grotte de Gardouch, Belcaire, Aude; 5, 6, 8, 9 grotte du Rec, Gruissan, Aude (1à

    3, Clottes -Guilaine1989; 4-7, Clottes 1989; 5, 6, 8, 9, Guilaine 1972).

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    pothèse ne peut être confirmée. A l’Est, les dernierséchanges Campaniformes en contact avec cette aireorientale (la part italique serait importante selon O.Lemercier et J. Vital) seraient aussi à l’origine du pichetnon décoré à anse, forme caractéristique du Bronzeancien, des bols à fond plat et des vases polypodes.Des jarres à cordons et perforations traduiraient uneautre composante Rhin - Rhône. Ces productionsbanales sont cependant variées et fréquemment adap-tées aux aires culturelles régionales, présentes parexemple pour les vases à bord perforé dans le Néoli-thique final de Bretagne.

    DES ELEMENTS REGIONAUX PRECOCES DEL’AGE DU BRONZE ANCIEN

    Quels sont les ensembles régionaux qui se consolidentau début de l’Age du Bronze ancien?De l’Auvergne (Orcet - Le Tourteix, Puy de dôme) auxgrands Causses (grotte de Sargel III à Saint - Rome -de - Cernon, Aveyron) à l’Aude (grotte de la Treille,Las Caounos) et la Provence (Camp de Laure) l’en-semble à récurrences Campaniformes, l’horizon à céra-mique Barbelée, manifeste donc le premier temps de l’Age du Bronze ancien. Les sites à céramique Barbeléesont cependant encore peu nombreux, souvent pour-suivant des occupations de la fin du Néolithique ou duCampaniforme. Quelques sépultures en cavités côtoientdes tombes individuelles (Les Juilléras à Mondragon,Vaucluse).En Languedoc occidental, i l est possible d’isolerquelques ensembles appartenant à cette phase ini-tiale du Bronze ancien: grottes III de Las Claousos(Auriac, Aude) et de Gardouch (Usson, Aude), caissonII de Fontjoncouse (Aude) (Fig. 5). Les mobiliers de cespetits ensembles sépulcraux peuvent être considéréscomme contemporains des sites à poterie Barbelée(grotte de La treille, Camp de Laure). Ces productionsseraient accompagnés de production locales de diversobjets en bronze comme certaines alênes losangiquesou haches courtes et tranchants souvent assez éta-lés. Dans les Pyrénées, à la Grotte de Montou (Corbères -les - Cabanes), un ensemble sépulcral, et accessoire-ment d’habitat livre vers –2000 une céramique à décorspoinçonnés ou incisés proche des thèmes épi Campa-niformes régionaux (Narbonnais) et de la “céramique dunord - est” de Catalogne (style Boquique). Une autrecéramique originale (Fig. 6) enduite d’un crépi rus-tique d’argile (Claustre 1996) est également un mar-queur important en Catalogne (des documents assezproches dans leur aspect mais réalisés différemmentexistent dans les Pyrénées ou en Quercy à la mêmeépoque). La métallurgie locale est aussi en pleine crois-sance On serait tenté de lui attribuer, pour une phaseancienne, quelques épées ariégeoises très rares (Le

    Vernet à Saverdun, Lafage à Pamiers). Ces pièces encuivre d’inspiration Campaniforme sont connues de partet d’autre des Pyrénées (groupe de Ciempozuelos enEspagne) et dateraient du Bronze ancien, quand cer-tains savoir - faire anciens étaient à leur apogée. Vers l’Ouest pyrénéen, le Bronze ancien du piémont(Séronie Vivien 1986, Roussot-Larroque 1987) en conti-nuité avec le Néolithique est connu pour une phaseancienne, peut-être vers – 2300 – 2000 avant notre èreIl compte pourtant des vases biconiques à fond platdécorés de coups d’ongle ou des jattes carénées déco-rées souvent richement d’incisions, d’applications deficelles, avec des boutons ou des cordons. Une large façade atlantique incluant les bas contre-forts du pays basque (Merlet 1996; Gardes 1996;Marembert 1997) tiendrait alors de l’Aquitaine quands’individualiserait le groupe du Pont-Long (Grotte duCézy à Laruns, Pyrénées Atlantiques; Abri de laGourgue à Asques, Hautes-Pyrénées).Une partie deson répertoire céramique et des décors réalisés pour-raient dériver sur un substrat autochtone encore malconnu d’une réelle implantation Campaniforme (grottedu phare de Biarritz, grotte d’Urio Gaina, dolmen d’Ithé,etc.) (Marembert 2000). Dans ce groupe certains vasesplus récents sont polypodes (Urdanarre à Saint-Michel,tumulus de Lescar, ou Taillan à Barzun dans les Pyré-nées-atlantiques), toutes indications qui pourraient tra-duire aussi des influences épi Campaniformes large-ment assimilées. Du Pays basque en France à la Dor-dogne, jusqu’à Angoulême vers le Sud, les popula-tions chalcolithiques de l’Artenacien sont donc encontact avec des horizons de tradition Campaniforme.Mais les deux groupes culturels paraissent assez dis-tants et conserver leur propre spécificité. A la Lède duGurp (Grayan, Gironde), la stratigraphie du site confir-merait la distinction des Campaniformes et des arte-naciens. Ces groupes Campaniformes (gobelets nondécorés et décors riches et variés, souvent dérivés dustyle maritime) possèdent une «céramique d’accom-pagnement» simple, locale, que l’on peut approcherpourtant peut-être du style Rhin-Rhône comme pourles sites Campaniformes tardifs landais (Le grand Séou-guès, Canenx-et-Réaut; Saint-Rémy, Maillères) : ony recense des vases à cordon lisse proche du bord,(Bernet, Saint-Sauveur, Gironde), des bols, des mar-mite à cordon préoral ou languettes sous le bord etperforations en ligne, etc. Au Bronze ancien, les tasses,les pichets et même les polypodes de cette région,vases absents du registre artenacien, paraissent tirerleurs origines des céramiques Campaniformes. Lesjarres à cordons simples ou superposés semblent éga-lement provenir d’une évolution des jarres du Néoli-thique final ou du Chalcolithique régional, éventuelle-ment du complexe Campaniforme en Centre - Ouest.En Dordogne il existe quelques cas de vases Artena-ciens à cordons cupulés (La Fontaine-aux-demoiselles).

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    A Roucadour des exemples comparables existent éga-lement dans l’ensemble Bronze ancien (Fig. 7). Ce sontdes exemplaires de cordons scandés d’incisionscourtes (comme au tumulus 2 de Pomiès à Puylaroque,Tarn et Garonne, à la grotte de Pégourié à Caniac-du-Causse, Lot ou aux Escabasses à Thémines, Lot): cescordons sont également connus dans des ensemblesplacés au Bronze moyen (grotte de l’Ado à Salviac,Lot).

    LA COMPOSANTE CONTINENTALE

    L’Age du Bronze ancien du sud de la France ne peutêtre séparée des impacts des évolutions propres auxrégions continentales et particulièrement de ceux, attes-tés, de la «civilisation du Rhône» (Gallay 1976). C’estvers -2300 - 2200 avant notre ère que dans le bassinsupérieur du Rhône (Valais, Jura, Alpes françaises) etdans sa moyenne vallée, des groupes actifs propagent

    Figure 6. Céramique de la grotte de Montou, Pyrénées-orientales (Claustre 1996).

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    Figure 7. Céramique de l’Age du Bronze ancien du Quercy. Mobilier provenant de la doline de Roucadour à l’exception

    de: 8, dolmen de Lapeyrière, Brengues, Lot; 11, 15, grotte de la Borie Basse; 12 à 14, 16, grotte de la Nougairède, Espi-

    nas, Tarn-et-Garonne (Gascó 1998, 2000 b et inédit; 8, Clottes 1982; 1 à 14, 16, Pajot 2000).

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    la métallurgie du bronze mais aussi répandent des stylescéramiques et des comportements sociaux renouvelés

    LE METAL

    L’écoulement de la production des premiers objets debronze d’origine continentale est d’abord limitée dansla France méridionale puis elle augmente sensiblementen diversité aux environs de -1900-1800 av. J.-C.(Fig. 8). Les produits régionaux rapidement concurrentsrestent tributaires des approvisionnement en étain quisont peut-être encore mal organisés. En Languedoc, ledépôt de Centeilhes (Siran, Hérault) avec 15 lingotsfaçonnés en hache plate sans aiguisage ni travail desrebords ou des talons est probablement d’origine locale.Ces pièces sont à faible part d’étain. Dans cette région,la première production locale est tournée vers la confec-

    tion de parures et d’objets qui nécessitent de faiblesinvestissements matériels (peu de matière en fusion) ettechnologiques. L’alêne losangique, copiée sur desmodèles d’Europe centre-orientale, est produite engrand nombre au cours du Bronze ancien. Elle est unattribut qui accompagne le mort jusque dans sa tombe,ossuaire ou dernier dolmen, particulièrement en Lan-guedoc oriental et sur les Grands Causses. Les rela-tions entre ateliers indigènes et ceux de l’Europe nord-alpine sont sans doute étroites car ils paraissent contrô-ler fabrication et commerce ; des importations de bijouxou de moindre pacotilles, quelques pièces plus presti-gieuses irriguent la région méditerranéenne : ce sontdes épingles à tête sphérique percée, des pièces tré-flées plus rares, des tiges à cabochon ou à palettes.Elles sont rapidement copiées. En Provence où lesdécouvertes sont moins nombreuses, les objets pro-

    Figure 8. Mobilier métallique de l’Age du Bronze ancien. 1, Hache spatule du Caroulet, Montségur, Ariège; 2, Prov. In-

    connue, Carcassonne; 3, 4, hache plate, dépôt de Ceinteilles, Siran, Hérault; 5, hache à rebord, Quarante, Hérault; 6,

    épingle à tête perforée, dolmen 2 d’Aumelas, Aumelas, Hérault; 7, épingle à tête perforée, grotte du creux de Miège, Mi-

    reval; 8, épingle, dolmen I des Lacs, Minerve, Hérault; 9, 10, alènes, dolmen des Gamasses, Saint-Pierre-de-la-Fage,

    Hérault; 11, hache à rebord, dépôt de Blaye, Gironde; 12, Environs d’Agen, Lot-et-Garonne; 13, poignard de Cissac ,

    Gironde; 14, poignard, Castelnau-Médoc, Gironde; 15, épée de Cissac, Gironde; 16, 17, 18, 19, Dépôt du domaine des

    Ruscats l’Equarissage, Solliès-Pont, Var; 20, hache à rebord, brute de coulée, Mas d’Andos, Villeneuve-lès-Maguelonne;

    21, Dolmen de coulet, Saint-Maurice-de-Navacelle, Hérault; 22, poignard, grotte de Nizas, Hérault (1 à 5, 8, Guilaine

    1972; 6, 7, 9, 10, 20 à 22, Roudil 1972; 11 à 15, Coffyn 1976; 16 à 19 Bill 1973).

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    viennent-ils dans un premier temps davantage deséchanges avec l’Italie du Nord, la Suisse et le Jura ?Dans les Alpes les productions des ateliers liés aux mineslocales sont réduites au début du Bronze ancien.Mais la Cluse de Chambéry et le sillon alpin permettentla circulation de pièces rhodaniennes et valaisannes :haches spatules, haches de type Neyrutz, poignards àmanche massif (Taburles-en-Avançon). Parmi les objetsnouvellement introduits dans les régions du Sud de laFrance, les poignards à manche massif (cachette desRuscats, Soilliès-Pont, var) aux lames décorées de finstracés sont plus rares. L’un provient de Nîmes où il aété découvert avec une lame nervurée proches de cer-taines hallebardes figurées au Mont-Bego.En domaine atlantique, la métallurgie du Bronze ancienn’est pas très abondante dans les habitats ou les sépul-tures. Les influences orientales se font alors sentir, plusfortes en Quercy où des parures et des pacotilles(épingles, alênes losangiques) sont prisées. Mais denombreuses trouvailles isolées de haches à légersrebords (Landes, Pyrénées-atlantiques) puis plus tar-dives de quelques types orientaux en bronze arsenié(haches-ciseaux dans le dépôt de Martillac en Gironde,hache à talon encoché de Begaar dans les Landes) éga-lement connus dans le Massif-central, annoncent lamise en place d’ateliers spécialisés dans la produc-tion de pièces lourdes et massives en Médoc. Les pre-mières productions indiquent une rapide intégration àun ensemble métallurgique plus vaste qui assimile dansune grande partie du sud de la France les créations oules modèles du centre européen et des régions péri-phériques. Par exemple, la production de haches,comme les haches suisses du type des roseaux oude Neyrutz, puis leur diffusion des Alpes provençales àla lagune narbonnaise sont étroitement liées à des arti-sanats locaux. En Aquitaine les haches, surtout connuesen Gironde (Roussot-Larroque 1987) sont assez dis-parates. Seules les secondes, dans une phase récentedu Bronze ancien, influent sans doute plus directementles productions locales. Ces marchandises supplantentles haches plates antérieures dont un très petit nombrecontient un peu d’étain (Saint-Selve, Saint-Jean d’Illac,Gironde). Des ateliers locaux existent probablementaussi pour les poignards aux formes assez ubiquistes(Eynesse, Coux-et-Bigaroque en Dordogne, Roucadourà Thémines, Lot). Les apports continentaux et rhodaniens (objets etmodèles que l’on adopte) sont surtout importants lorsde la phase récente de l’Age du Bronze ancien lan-guedocien, en Auvergne ou en Quercy (bracelets spi-ralés, épingles à tête en cabochon, poignards massifset haches à rebords mais aussi pour la céramiquepichets, jarres rhodaniennes, etc.). Ils sont cepen-dant devancés d’apports plus discrets lorsque leshaches de type Neyruz précédent dans le bassin duRhône les modèles dits des roseaux (Bocquet / Vital

    1989). Une étude des haches rhodaniennes (Rimbault1993) met en évidence encore plus clairement troisphases de production/consommation avec une mul-tiplication des types à la fin de la période mais qui inté-resserait alors essentiellement le domaine funéraire oules dépôts. Pour autant l’essentiel des apports de pro-ductions métallurgiques sont plus des marqueurs dutemps commun et continu que des indices de phasagemajeurs.

    LA CIVILISATION DU RHONE

    Le rôle de la métallurgie du bronze est primordial. Et aucentre des réflexions se trouve la question de «la cul-ture du Rhône». A. Gallay a exposé clairement les étapesde conceptualisation de cette culture et il en a présentéles premiers repères historiques et participé à son évo-lution (Gallay 1990). Les objets de bronze ont été d’au-tant plus vite acceptés qu’une métallurgie du cuivre étaitlargement implantée dans le sud de la France. A Saint- Véran, l’un des sites miniers les plus anciens et lesplus hauts des Alpes occidentales est exploité à la findu Chalcolithique et au début du Bronze ancien avecune tranchée à ciel ouvert à 2500 - 2700 mètres d’alti-tude. Dès 2200 avant notre ère les chantiers d’abat-tage, la préparation et la production du minerai, carac-térisé par une absence totale d’arsenic et d’antimoine,étaient organisés pour approvisionner les populationsétablies sur les deux versants des Alpes méridionales. En Languedoc les productions des mines de Cabrières(Hérault) (Ambert Barge-Mahieu 1991) ont concouru àla même réunion de circonstances favorables alors que,dans une région s’étendant de la Ligurie aux Pyré-nées et au - delà, la métallurgie du cuivre est un faitacquis probablement dès les environs de 3000 avantnotre ère après peut - être deux siècles de préparationsous des influences d’origine balkanique persistantes(Guilaine 1996). A Cabrières, à la Mine - de - la - Viergesur le Pioch - Farrus, une grande jarre à cordon et despercuteurs ou maillets datent du Bronze ancien et attes-tent de la poursuite de l’activité minière. En Languedoc,à la production de haches plates succèdera une acti-vité bronzière dont les dépôts de haches inachevées deMontfrin ou de Théziers (Gard) sont de bons exemplesde production.Dans le sud ouest, la métallurgie artenacienne ou Cam-paniforme (avec des poignards à languettes) est éga-lement très active. Près de 200 haches plates en cuivrearsénié ou en bronze pauvre en étain ont été ainsi recen-sées par J. Roussot - Larroque de la Gironde à la bassevallée de la Dordogne, et au pied des Pyrénées ger-soises. Ces haches plates aux proportions générale-ment assez allongées révèlent un “techno - complexeatlantique” (Gomez 1980; 1989). Les types de hachesplates sont assez banaux. Mais ils n’excluent pasquelques exceptions d’inspiration britannique (Mont-

    JEAN GASCÓ

    CYPSELA 15, 2004. 39-72

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    LES COMPOSANTES DE L'AGE DU BRONZE, DE LA FIN DU CHALCOLITHIQUE A L’AGE DU BRONZE

    ANCIEN EN FRANCE MERIDIONALE

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    Hache

    Epingle à títe globuleuseperforéeEpingle cruciforme

    Poignard à manche massif

    Hache de typeRousson-Peyroche

    Hache de type Neyruz

    N

    Mer Méditerranée

    0 km 100 EpinglePoignard à manche massif

    Hache

    Hache de typeRousson-Peyroche

    II

    I

    I

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    A B

    C D

    ? ?

    Prod

    uctio

    n loc

    aleProdu

    ction

    locale

    ?

    Pôle attractif (peuplement, valeurs d'échanges, production de minerai, métallurgie) ou lieu de rupture de charge

    PRODUCTIONS METALLIQUES

    ?

    ?

    Epingle à tête trêflèe Epingle à tête discoïde

    zone d'approvisionnement

    Z A

    Figure 9. Distribution des découvertes d’objets métalliques de la culture du Rhône dans le sud de la France (cartographie J.

    Gascó complétant Mordant et Gaiffe 1996). Les schémas A à D proposent d’illustrer quelques scénarii possibles de propaga-

    tion des productions métalliques (à partir de zones d’approvisionnement ou de production), mettant en valeur le rôle des axes

    de circulation naturelle, celui des zones de minerai (C, D) comme valeur d’échange et des pôles attractifs de toute nature.

  • 60

    caret et Saint-Capraise-de-Razac, en Dordogne,Rau-zan, Saucats, Saint-Emillon Rouilledinat en Gironde) ouibérique (grotte d’Isturitz). Cette métallurgie du cuivre est ancienne. Sa pratiqueest datée sur le site d’Al - Claus (Varen, Tarn - et -Garonne) de –2448 [-2303] –2175 avant notre ère(Carozza / Valdeyron 1997). Elle aurait utilisé des cuivresgris méridionaux plutôt que le minerai du sud - ouestde la Péninsule ibérique (oxydes arséniés des Asturiesexploités au moins au bronze final) ou du Portugal(exploités à Zambujal avant –2900). Plusieurs districtsminiers potentiels en Périgord, en Quercy méridional,dans les Pyrénées Occidentales ou en Limousin sontconnus. Par ailleurs des arguments existent aussi d’unpoint de vue technologique: J. Briard et J.R. Bourhisont montré que des minerais carbonatés disponiblesrégionalement (azurite, malachite, chalcopyrite) peuventdonner des cuivres arseniés. Et l’hypothèse d’une pro-duction réfléchie d’un alliage de cuivre et d’arsenic nepeut être écartée.Le rôle initiateur des Campaniformes ibériques (appro-visionnement et divulgation des techniques métallur-giques) et l’unité d’une province métallurgique unissantles Îles britanniques, via les régions côtières françaises,à la Péninsule ibérique ont été longtemps défendus.Ces hypothèses sont encore discutées pour l’Age duBronze ancien. Il existe en effet en Aquitaine durant cettepériode des pièces de prestige qui signalent des pro-ductions britanniques: hallebarde d’Eysines (Bordeaux)d’un type irlandais, pectoral ou diadème losangique enor décoré au poinçon provenant d’une sépulture à Paul-hac (Gers) comparé à des parures du Wessex britan-nique (mais aussi à la production de l’ orfèvrerie centre- européenne). Les armes en cuivre arsénié de Cissac(Médoc) ne permettent pas plus de valider l’existenced’une métallurgie d’origine ibéro - atlantique ou centreeuropéenne voire d’une production locale. La lame depoignard de Cissac est de type rhodanien mais le glaiveà rivets d’argent qui l’accompagne serait une arme d’as-cendance ibérique comme le glaive de Cuevallusa (Ogar-rio, Santander) à la poignée également rivetée d’argent.D’autres objets pourraient aussi être d’ascendance his-panique comme les spirales de coll ier de Saint -Aubin - de - Cadelech (Dordogne) ou celle de Singley-rac (Dordogne). D’autres pièces paraissent illustrer desmodèles orientaux également rhodaniens. Ce sont despoignards (La Lède du Gurp ; Coux-et-Bigaroque, Dor-dogne; Singleyrac, Dordogne) et des épingles à têteaplatie en disque (Martiel, Aveyron), à tête globuleuseperforée (Roucadour, Lot) à cabochons (Cazals, Tarn-et-Garonne) etc. Pour le Sud, le Centre et l’Est de la France méridionale,la nouvelle métallurgie d’alliage du bronze est donc aucœur de ce que l’on a appelé en son temps la Culturedu Rhône (Bail loud 1966). Celle - ci a été parfoiscomparée à une école métallurgique. On peut mettre

    en relation ces faits avec la notion de Metallikum (Strahm1982, 18) et l’interprétation proposée pour les régionsnord alpines qui a précisé l’importance déclenchantedes apports (avec la céramique Cordée) de la nou-velle industrie métallique à partir du domaine d’Unetice.Notre collègue a proposé l’extension de ce modèle pourla genèse de la culture du Rhône (Strahm 1996). Sonacception ancienne la dit résultée du dynamisme desgroupes de Singen, Straubing et Unetice établis en Alle-magne et Europe centrale. L’Allemagne du sud - ouestet le plateau suisse sont alors particulièrement touchés.Cette culture rhodanienne a été circonscrite à l’origineà partir de cartes de répartition de différents types deproduction (Fig. 9). Les épingles tréflées bilobées ou àtête aplatie en disque, les alênes losangiques côtoientalors des productions de haches ou de poignards àmanche massif. Plus encore les céramiques « rhoda-niennes » (jarres décorées de cordons cupulés, tasseset pichets à anse) assurent une cohérence culture