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7/29/2019 Les critres de la bonne gouvernance
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O p t i m u m , L a r e v u e d e g e s t i o n d u s e c t e u r p u b l i c v o l . 3 0 , n o 2 43
Les pouvoirs et les responsabilits associs la
fonction de prsidente dun organisme parlementaire
indpendant et le rle jou, dans le pass, par les
titulaires du poste quon mavait confi dans lvolution
de lorganisme sont deux choses que jai apprises
lorsquon ma nomme prsidente de la Commission
de la fonction publique (CFP), en 1994. Javais dj
dcid de suivre la voie trace par John Carson, qui
avait assum la direction de la Commission du Service
civil comme on appelait alors la CFP entre 1965 et
1976, une priode agite, marque par la prise de
conscience de la dualit linguistique canadienne ainsi
que lmergence de lide dgalit entre les sexes.Rappelons que la Commission royale denqute sur le
bilinguisme et le biculturalisme a t tablie en 1963 et
que cest en 1969 que la CFP a publi son rapport sur
la situation des femmes travaillant au sein de la
fonction publique fdrale. Cest aussi durant cette
priode quon a commenc avoir recours la
ngociation collective dans la fonction publique ainsi
qu procder des examens de la gestion et de la
gestion du personnel.
John Carson a profit de son mandat pour faire
voluer les opinions au sujet de la fonction publique, enen assumant la direction de faon claire durant une
priode difficile. Cest pourquoi je suis particulirement
honore davoir t choisie, cette anne, pour donner la
confrence John Carson. Je suis aussi heureuse davoir
ainsi loccasion de faire part de mes rflexions sur
certains enjeux qui sont apparus au cours de mes cinq
annes la prsidence de la CFP et qui me proccupent
aujourdhui. Ces enjeux concernent la saine conduite des
affaires publiques au Canada.
On a longtemps considr la CFP comme un bureau
du personnel, dont le rle se limitait veiller ce que les
fonctionnaires soient recruts et promus selon leur
mrite. Sous la prsidence de John Carson, la CFP a
particip une rvolution au sein de la fonction
publique, en faisant comprendre aux gens quil fallait
que la fonction publique fdrale soit reprsentative de
la population quelle sert. Il a observ et compris
limportance de la langue et de lquilibre entre les sexes
et a contribu changer pour toujours lide que nous
avons de la fonction publique.La priode durant laquelle jai t prsidente de la CFP
(de 1994 1999) a aussi t agite, mais pour des raisons
Les critres de la bonne gouvernance
Ruth Hubbard La Confrence J.J. Carson 1999
Ruth Hubbard est conseillre principale au Bureau du Conseil priv.De mai 1994 juin 1999, elle a t prsidente de la Commission de lafonction publique, o elle a pris en main le dossier du renouvellementet du perfectionnement des fonctionnaires. Sous sa direction, le systmede dotation a t modifi et de nouvelles politiques dapprentissage, derecours et de recrutement ont t labores.
MmeHubbard, qui a entrepris sa carrire de fonctionnaire en 1963, aassum plusieurs postes comportant de plus en plus de dfis StatistiqueCanada et au Secrtariat du Conseil du Trsor. partir de 1988, elle arempli les fonctions de sous-ministre dans plusieurs ministres,notamment Approvisionnements et Services Canada, Emploi et
Immigration Canada, Revenu Canada Douanes et Accise, de mmequ la Monnaie royale canadienne.
MmeHubbard dtient une matrise en analyse mathmatique delUniversit Ohio State et un baccalaurat en mathmatiques, en chimieet en espagnol de lUniversit Queens. Elle a aussi suivi le programmede perfectionnement des cadres offert par lUniversit Harvard.
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bien diffrentes. La mondialisation tant de linformation
que des marchs tait en voie de se raliser une premire
dans lhistoire de lhumanit , tandis que le monde
devenait plus interconnect et plus complexe que
jamais, se transformant un rythme jamais vu. Plus prs de
nous, le Canada tait aux prises avec un dficit
considrable et, comme dautres pays, faisait face un
mcontentement de plus en plus grand de la population
lgard du gouvernement. Tout coup, le mtier de
fonctionnaire consciencieusement appris amorait une
importante mutation, qui ne pouvait pas se limiter une
simple orientation vers les rsultats.
Ce que jai pu constater au cours de cette priode,
cest que la CFP nest pas quun bureau qui assume un
certain nombre de fonctions lies la gestion des
ressources humaines dans le contexte de la fonction
publique fonctions par ailleurs importantes , mais
quelle est aussi une organisation qui doit avoir une
comprhension des choses et mener ses activits un
niveau global et qui fait partie des institutions qui ont un
rle jouer dans la saine conduite des affaires publiques
au Canada. John Carson savait que la langue et lquilibre
entre les sexes taient des lments importants du
contexte dans lequel il dirigeait son organisation, et quil
devait donc en tenir compte. De mme, dans ses rapports
annuels de 1995-1996 et 1996-1997, la CFP posait certainesquestions fondamentales au sujet de la fonction publique
et de ses valeurs traditionnelles, des questions que
personne dautre ne posait, mais qui devaient tre poses.
Pour que le Canada puisse continuer de prosprer
malgr certaines contraintes auxquelles il doit faire face,
nous devons revoir notre conception de la conduite des
affaires publiques. Nous devons en arriver un
nouveau consensus national sur ce que le Canada
reprsente et sa place dans le monde, et entretenir ce
consensus, tout en sachant quil voluera avec le temps.
Un tel consensus nous permettrait de faire des choixcollectifs ainsi que dexaminer ensemble et dorienter
les consquences de certains choix privs sur la socit,
la collectivit et lensemble de lhumanit. Cela exige
toutefois une saine conduite des affaires publiques, ce
qui signifie que nous devons penser diffremment.
Et je pense que la cl de cette nouvelle vision
rside dans lart de la rforme (ce que le
professeur Yehezkel Dror dsigne par le terme
reformcraft ).
Pourquoi sintressermaintenant la question de labonne gouvernance?Pourquoi nous proccuper maintenant de la question de
la bonne gouvernance? Dabord, une saine conduite des
affaires publiques est cruciale dans la priode de
bouleversements actuelle (priode qui risque de se
poursuivre dans un avenir prvisible). Le monde actuel
se caractrise par son agitation, sa complexit, son
interconnexion et sa vitesse de transformation. Notre
poque se caractrise en outre par la diversification des
choix qui soffrent lhumanit (surtout grce la
science et la technologie), les changements dans les
valeurs de la socit, laugmentation des niveaux de
scolarit, la progression des attentes et un meilleur
accs linformation (fiable ou non). En outre, nous
sommes de plus en plus confronts linimaginable
(certains diront linconcevable). Et, pour la premire
fois dans lhistoire, un second facteur entre en jeu
pour rendre encore plus complexe la situation : la
mondialisation ou, plus prcisment, la mondialisation
asymtrique, cest--dire la mondialisation de
linformation et des marchs, mais pas de la dmocratie.
Au Canada, ce nouveau contexte a de nombreux
effets proccupants : la ncessit de faire face
linimaginable; la multiplication de nouveaux problmes
pour lesquels il nexiste pas de solutions vritablement
satisfaisantes; le risque que le Canada perde de son
importance sur la scne internationale; la perte de
lgitimit de lappareil gouvernemental au Canada,
comportant non pas un risque daffrontement, mais un
risque bien rel de mise lcart des pouvoirs publics, ce
qui voudrait dire quon prendrait, sans lintervention desgouvernements, des dcisions qui exigeraient quon fasse
des choix de socit concernant limportance relative de
valeurs opposes dans de nombreux domaines des
dcisions qui auraient des consquences long terme qui
pourraient ne pas correspondre ce quon veut pour le
Canada ou ce dont notre pays a besoin, qui pourraient
ne pas tre le rsultat de choix clairs et pour lesquelles
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les dcideurs pourraient ne pas tre tenus de rendre des
comptes la socit canadienne.
On observe au Canada des signes inquitants dun
profond mcontentement de nos concitoyens. On dirait
que nos dirigeants ne sont plus capables de sadresser
la population dans une langue quelle peut comprendre,
et la mondialisation na rien fait pour arranger les choses
ce chapitre. Une saine conduite des affaires publiques
exige le consentement des administrs. Or, il est la fois
beaucoup plus difficile et plus important dobtenir ce
consentement aujourdhui quau cours des annes 1960
et 1970. En 1999, Ekos Research Associates sest servi de
diffrentes mthodes pour grouper des opinions
tmoignant des caractristiques et des perceptions
courantes des Canadiens, tablissant ainsi un cadre
danalyse de certaines des principales divergences
dopinions de ces derniers concernant le rle du
gouvernement. Cette tude a permis de rpartir les
Canadiens en cinq groupes et a rvl que 60 p. 100
dentre eux se sentaient apparemment alins,
dconnects ou inquiets de leur avenir et espraient de
laide de la part de leurs gouvernements1. Ce qui est
proccupant au sujet de ces rsultats, cest ce quils nous
apprennent au sujet des difficults quil faudra surmonter
pour assurer une meilleure conduite des affaires
publiques au Canada. Pour sassurer lappui dun plus
grand nombre de citoyens, il faudra avoir recours des
mesures diversifies, et cela prendra du temps. Il faut
donc se mettre au travail sans tarder.
Peut-tre plus inquitante encore est cette tendance
que semblent avoir de plus en plus les Canadiens (les
gens daffaires et les dirigeants politiques aussi bien que
les simples citoyens), lorsquils font face la tche
apparemment impossible damliorer la conduite des
affaires publiques au pays par les moyens traditionnels,
de contourner les difficults. La conduite des affaires
publiques au Canada est devenue comme un rocher dansune rivire, autour duquel leau coule de plus en plus
vite. Le rocher reste en place, mais il perd graduellement
de son importance. Ce nest rien dautre quun rocher
dans un courant de plus en plus puissant. Cependant, il
faut utiliser le rocher pour aller dans la bonne direction
dans une socit dmocratique. Nous navons donc
dautre choix que de mettre en place un systme de
conduite des affaires publiques adapt au monde dans
lequel nous vivons, si nous voulons exercer un contrle
sur lvolution de notre propre socit, plutt que de
laisser ce contrle quelques personnes (aussi bien
intentionnes quelles puissent tre) ou de sen remettre
la somme des dcisions prises par chacun (ce qui
revient nexercer aucun contrle).
DfinitionJutilise les expressions gouvernance ou conduite
des affaires publiques dans le sens trs large, quoique
gnralement accept, de la capacit dune socit de
se diriger elle-mme. Selon moi, cette dfinition
englobe les ides de mouvement (volution dans
le temps) et de diffrence socitale2. Je ne suis pas
la seule penser que la bonne gouvernance est
essentielle, comme vous en conviendrez si vous
connaissez les principes que dfendent des
organisations comme les Nations Unies, lOCDE et la
Banque mondiale, lorsquelles insistent sur limportance
des valeurs et du consentement ainsi que dune assise
dmocratique (mme si le mot dmocratie est utilis
dans un sens large). Il convient de signaler que je parle
dune dmocratie reprsentative librale , cest--dire
le modle particulier de dmocratie qui prvaut dans
les pays industrialiss comme le Canada. Cest donc
dans ce contexte quil faut considrer mes rflexions sur
les caractristiques de la bonne gouvernance3.
La bonne gouvernance est le rsultat de rapports
complexes. On pourrait la comparer un tabouret trois
pieds : les trois pieds (le secteur priv, le secteur public
et la socit civile) devant tre sains et en tension
constructive, la gouvernance assurant lquilibre entre
ces trois lments, au fur et mesure des
transformations. De fait, comme vous le verrez, cette
ide de trois secteurs sains se respectant mutuellementsera prsente plus loin comme un lment du premier
des critres de succs exposs, un critre selon moi
indissociable dune dmocratie durable. Je tiens toutefois
prciser que je ne dis pas que le pouvoir coercitif (dans
le meilleur sens du terme) quexerce le secteur public
lgard des autres secteurs (et des membres de la socit
en gnral) devrait tre exerc par dautres.
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Le statu quo nest pas unesolution, il faut penserdiffremmenttant tabli que nous avons besoin dune bonne
conduite des affaires publiques pour nous diriger, quel
sera le plan daction? Je crois quil est avant tout essentiel
de penser autrement. Albert Einstein disait que les
problmes qui ont leur origine dans notre faon de
penser ne peuvent tre rsolus quen changeant cette
faon de penser. Ainsi, la faon dont nous avons appris
penser ne nous permet peut-tre pas de comprendre et
dexprimer les ides relatives la bonne gouvernance
dans le contexte actuel et dans lavenir. De plus, le fait
que nous soyons de plus en plus souvent confronts
linimaginable exige une transformation radicale de nos
concepts cognitifs et de nos schmas de pense. Ce nest
pas tonnant que nous ayons du mal bien comprendre
cette notion particulire, malgr son importance et mme
si nous sommes en train de faire de la gouvernance la
nouvelle expression la mode. Je me suis donc tourne
vers la science, tout dabord vers la pense systmique,
puis vers les modes de pense holistiques plus rcents
qui ont caractris lenvironnementalisme et le
fminisme, une faon de penser selon laquelle la
comprhension des choses ainsi que la connaissance et
lapprentissage constituent le seul avantage durable.
Avant de dcrire les effets dune faon de penser
diffrente sur les systmes de conduite des affaires
publiques, je dois prciser trois choses. En premier lieu,
mes propos concernent essentiellement les fonctions de
conduite des affaires publiques de niveau lev (ce qui
concerne la situation globale). Les autres fonctions de la
conduite des affaires publiques sont aussi trs
importantes, mais il nen sera pas question dans le
prsent article. En deuxime lieu, je suppose que mes
critres de succs sappliquent aux problmes de tous
niveaux (du plus haut au plus bas niveau), de laphilosophie politique (qui va plus loin que lidologie
politique, qui se proccupe des questions pratico-
pratiques et des personnes, mais pas de la nature des
choses) jusqu la prestation des services, en passant par
les conflits de valeurs et ltablissement des politiques. En
troisime lieu, jenglobe dans le mot dirigeants toutes
les personnes (quel que soit leur travail ) qui dirigent
par leurs actions, ce qui comprend toutes les personnes
investies dun pouvoir, mais aussi beaucoup dautres.
Lart de la rforme , cestpenser diffremmentSelon moi, lart de la rforme (cest--dire une faon
diffrente denvisager la conduite des affaires publiques)
englobe sept critres de succs qui dcoulent de la
ncessit damliorer les choses au chapitre des valeurs,
du consentement, du facteur humain et du potentiel de
gestion, en sappuyant sur une assise dmocratique. Jai
aussi circonscrit trois moyens daction quil faudrait
commencer utiliser ds maintenant.
Les sept critres de succs de lart de la rforme sont
les suivants :
Assurer et protger la dmocratie.
Sappuyer sur les valeurs.
Faire preuve dune ouverture sur le monde.
Assurer une participation claire.
Sappuyer sur le consentement de la population.
Tenir compte explicitement du facteur humain.
Apprendre et favoriser lapprentissage.
Les trois moyens daction associs ces critres sont
les suivants :
Analyse du contexte.
Innovation institutionnelle fonde sur les rseaux.
Intervention de la classe politique pour aider
comprendre.
On trouvera dans les pages qui suivent une brve
description de chacun de ces lments, de mme
quun certain nombre dexemples et de questions pour
le Canada.
Assurer et protger ladmocratieMon premier critre concerne lassise dmocratique (du
type dmocratie reprsentative librale). Jentends par l
quil faut prendre les moyens pour permettre et garantir
un quilibre constant entre le march, ltat et la socit
civile, de faon assurer ltablissement et le maintien
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dun gouvernement juste et honnte. Cest la base sur
laquelle sappuient les autres critres de succs. Je ne
mtendrai pas sur ce critre, faute de temps et despace,
mais je souligne quun de ses lments revt de plus en
plus dimportance dans beaucoup de dmocraties (et pas
uniquement dans les dmocraties reprsentatives
librales) : le contexte dans lequel les trois secteurs
mentionns prcdemment peuvent se dvelopper.
Les facteurs permettant de mesurer ce premier
critre sont, notamment, le degr et ltendue de la
reconnaissance mutuelle explicite des trois secteurs, la
nature et lutilisation du processus de changement de
leadership ainsi que lexistence et le respect de la
primaut du droit (y compris une ferme volont
dliminer la corruption).
Pour le Canada, on pourrait essentiellement se
demander si les trois secteurs sont effectivement considrs
comme tant sains et sils se respectent mutuellement.
Sappuyer sur les valeursPour la premire fois dans lhistoire de lhumanit, nous
avons les moyens de nous dtruire et mme de dtruire
toute la plante. Il est donc plus urgent que jamais de
renforcer nos valeurs. La conduite des affaires publiques
dans un pays dmocratique a toujours t associe
lapparition de priorits relatives pour des valeurs
opposes, mais au Canada, cette fonction sest surtout
exerce de faon cloisonne, implicite, en tenant pour
acquis le consentement des intresss. Cela doit changer.
Le principe du renforcement des valeurs mamne
aborder trois ides trs bien exprimes par le
professeur Dror : la reconnaissance de limportance de la
conduite des affaires publiques pour faonner le futur 4
(une vision normative plutt que dterministe de lavenir);
les choix de valeurs explicites, tenant compte du contexte
global, dans tous les domaines (autrement dit, unchangement de valeurs aussi difficile et lent que ncessaire);
et le renouvellement dune philosophie politique pluraliste,
fonde sur les valeurs, pour orienter le plan daction.
Je suis galement daccord avec le professeur Dror
lorsquil affirme que pour que tout fonctionne bien dans
un contexte mondial, il faut accepter que certaines valeurs
soient communes toute lhumanit, au-del des frontires
des tats-nations (la raison dhumanit supplantant, dans
une certaine mesure, la raison dtat, comme mission du
gouvernement). La conduite des affaires publiques des
pays doit favoriser et respecter ces valeurs, quon pourrait
un jour ou lautre faire appliquer lchelle internationale.
Ce principe, qui dcoule de lide que lhumanit dans son
ensemble a des besoins et des aspirations que la conduite
des affaires publiques devrait favoriser, est troitement li
au concept de philosophie politique. Ce principe est la
base de la pense de spcialistes comme le
professeur Dror et il est aussi dfendu par des leaders sur
la scne internationale tels que Vaclav Havel.
Cest pourquoi mon deuxime critre concerne le
renforcement des valeurs et englobe ltablissement et
lapplication dun ensemble de valeurs obligatoires. Quatre
lments constituent la substance de ce critre : assurer la
visibilit des conflits de valeurs et trouver un quilibre
moyen terme dans tous les domaines; renforcer les valeurs
morales en politique et au sein des gouvernements; dfinir
et adapter une philosophie politique pluraliste; assurer la
crdibilit des choix de valeurs.
En premier lieu, donc, il faut disposer de moyens
explicites bien compris, accessibles et efficaces de rendre
visibles les principaux conflits de valeurs dans tous les
secteurs et de faire des choix moyen terme en matire
dtablissement de politiques, de manire assurer la
crdibilit de ces choix auprs dune majorit de
Canadiens. Cela englobe, selon moi, lide que nous
devons repenser les valeurs dans un contexte
dinnovation (afin dintgrer dans la rflexion tout un
ventail dides nouvelles telles que la biothique) et que
nous avons besoin de processus et de mcanismes
appropris pour intgrer les fruits de cette rflexion dans
la prise de dcisions. Une telle tche nincombe pas aux
gouvernements. Les processus viss peuvent trs bien ne
pas tre gouvernementaux (mais ils font, de fait, partie
de la conduite des affaires publiques). Il est important debien comprendre que les choix de valeurs volueront
avec le temps, mais quil nen faut pas moins les faire
moyen terme (de trois cinq ans).
En deuxime lieu, il est essentiel de raffermir les
valeurs morales en politique et au sein des
gouvernements, parce quil importe de se rappeler le
caractre la fois hautement moral et crucial de la vie
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politique et des gouvernements, et aussi parce que,
comme le dit le professeur Dror, il faut quil existe une
base normative pour faire en sorte que la politique et la
conduite des affaires publiques remplissent leurs
fonctions, malgr les conditions difficiles, les incertitudes
et les ralits inconcevables du vingt et unime sicle 5.
De plus, comme dautres lon dj dit, on dirige avec des
valeurs et un sens de la collectivit. Pour avoir un tel
sens de la collectivit, il faut tre guid par des valeurs
et des principes moraux. Le leadership doit sappuyer sur
des convictions, sans quoi il quivaut suivre.
En troisime lieu, il faut dfinir et adopter une
philosophie politique pluraliste fonde sur les valeurs pour
orienter la faon dont on faonnera lavenir (ce qui
englobe ltablissement dun ensemble obligatoire de valeurs).
En quatrime lieu, les choix de valeurs que nous
faisons doivent tre acceptables et considrs comme
tels par la plupart des Canadiens.
Dans le cas de ce deuxime critre, nous pourrions
mesurer trois lments : la mesure dans laquelle on a pu
rendre les conflits de valeurs visibles et trouver un quilibre
moyen terme; les progrs raliss quant ltablissement
dune philosophie politique renouvele axe sur les
valeurs; et ltendue et lutilisation des mcanismes destins
permettre aux personnes qui veulent et qui peuvent
contribuer ce travail mental complexe de le faire.
Au Canada, cest dans le secteur social que nous
avons essay le plus souvent et peut-tre depuis le plus
longtemps de rendre les conflits de valeurs visibles.
Nous avons utilis diffrents moyens avec un succs
limit pour faire participer les Canadiens aux
discussions, mais nous navons mme jamais envisag
dtablir explicitement une nouvelle philosophie politique
pour le pays ou de discuter de lide et dadopter lide
quune des fonctions de la conduite des affaires
publiques pourrait tre de faonner lavenir (malgr
les risques que cela comporte).
Faire preuve dune ouverturesur le monde
Ce troisime critre a acquis plus dimportance et un
caractre durgence dans le contexte actuel. Il doit tre
examin avec la plus grande attention.
En premier lieu, il faudrait tablir des critres clairs,
connus de la population, ainsi quune stratgie propre
donner forme un rgime mondial de gouvernance
appropri (permettant notamment dassurer lquit pour
tous) qui, long terme, servira les intrts de toute
lhumanit aussi bien que des tats-nations eux-mmes.
Je parle de rgime mondial de gouvernance appropri
parce que je tiens ce quil soit bien clair que je ne
prconise pas le remplacement du rgime de conduite
des affaires publiques des tats-nations par un rgime
supranational. Je considre toutefois ladjonction dun ou
de plusieurs paliers transnationaux comme des mesures
mondiales de gouvernance. Je suis par ailleurs ouverte
lide de renforcer lquit mondiale, condition que
cela ne se limite pas greffer tels quels des principes des
dmocraties librales occidentales un chelon
suprieur : la diversit des cultures et des ensembles de
valeurs travers le monde pourrait rendre vaine une telle
tentative. Je ne suis pas convaincue non plus,
contrairement certains, que les dmocraties librales
occidentales seraient prtes accepter lapplication du
principe dune personne, une voix un chelon
suprieur o elles seraient en minorit numrique. La
notion mme dquit mondiale mriterait dtre
examine plus fond, mais cela va au-del de lobjet du
prsent article.
En deuxime lieu, il devrait exister une grille
explicite dexamen des consquences globales de
lensemble des travaux excuts et des dcisions prises
en rapport avec la conduite des affaires publiques tous
les chelons des administrations concernes. Comme je
lai mentionn prcdemment, il ne sert plus rien, tout
simplement, de considrer les facteurs mondiaux
sparment des facteurs internes, comme sils ntaient
significatifs quaux chelons de conduite des affaires
publiques nationaux et supranationaux. On est peut-tre
de plus en plus conscient de cette ralit, mais il faudraque cette prise de conscience se traduise par une gestion
systmatique vraiment efficace et constructive de
linterdpendance des systmes de conduite des affaires
publiques que cela suppose au sein des tats-nations.
Les facteurs permettant de mesurer ce critre sont,
notamment, lengagement public des leaders, ltendue
des stratgies et des plans tablis ainsi que la qualit et
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le rythme de la mise en uvre de ces stratgies et de
ces plans.
Il existe quelques bons exemples de la faon dont
le Canada se sert de son influence pour promouvoir
des intrts mondiaux (par exemple dans le cas du
G-206 et, peut-tre, dans celui de la pche hauturire).
Il y a aussi certains exemples (notamment dans le
domaine de lenvironnement) de situations o on a
tenu compte des consquences mondiales des
dcisions. Au Canada, cependant, on ne semble pas
encore comprendre ou reconnatre gnralement
limportance stratgique dune ouverture sur le monde,
non plus que la ncessit dappliquer systmatique-
ment les principes qui en dcoulent.
Mes questions pour le Canada seraient les mmes
que pour le critre prcdent, savoir trouver la faon
de dterminer quels sont les principaux obstacles qui
nous empchent de progresser, puis de trouver des
moyens de sattaquer ces obstacles.
Assurer une participationclaireLe quatrime critre, concernant la participation claire
de la population, comprend deux volets : dune part,
sassurer de lexistence de lieux ou espaces publics
ainsi que de moyens efficaces et fiables dy accder et,
dautre part, aider les gens comprendre leurs
responsabilits en tant qutres humains et que citoyens
autrement dit, les dirigeants devraient prendre tous les
moyens quils peuvent pour faire lducation civique de
la population. Dans un monde satur dinformation (dont
le degr de fiabilit varie), qui se caractrise par
lencombrement des espaces publics et la transformation
radicale de nos modes de vie, nous devons repenser la
faon daider les gens, y compris ceux des prochaines
gnrations, apprendre quil existe des responsabilitslies lintrt commun et sentir le poids de ces
responsabilits. Cette tche est aussi importante
quurgente. Certains pensent que si les populations des
socits dmocratiques participent aujourdhui beaucoup
moins aux processus dmocratiques traditionnels , ce
nest pas par manque dducation civique, mais plutt
parce quune population bien informe, estimant quune
rforme politique tarde depuis bien trop longtemps
tre ralise, est peu intresse participer, tant que les
institutions nauront pas rattrap leur retard. Je crois,
quant moi, que les deux arguments se valent pour
expliquer le manque dintrt de la population pour ses
responsabilits civiques et quil faut sattaquer aux deux
facteurs avec la mme urgence.
Dans le contexte actuel dencombrement non
planifi rsultant de la mondialisation asymtrique et de
laffaiblissement des mcanismes traditionnels, il
importe que les dirigeants prennent les moyens
dassurer ltablissement, le soutien et la protection
despaces publics, tous les chelons de la collectivit
et du voisinage sociaux et au-del. Lexprience mene
par le directeur du Walt Whitman Center for the Culture
and Politics of Democracy de lUniversit Rutgers,
Benjamin Barber, en rapport avec la revitalisation de
centres commerciaux ayant fait faillite est un excellent
exemple dun leader qui prend prcisment ce genre
dinitiative lchelon dune collectivit. Il est
apparemment frquent que des mails commerciaux
linaires fassent faillite aux tats-Unis. ce quil
semble, lide de M. Barber est fondamentalement de
travailler avec les collectivits concernes la
transformation de ces mails en lieux publics
dimportance modeste (petites bibliothques locales,
galeries dart, autres lieux dactivits pour la socit
civile), afin de redonner aux gens des endroits o se
runir en tant que citoyens (plutt quen tant
qulecteurs ou que consommateurs). galement
linitiative de Benjamin Barber, le Walt Whitman Center
a cr un forum de discussion autorglement sur la
gouvernance dans Internet, notamment pour
dmontrer comment un tel projet peut tre men bien
sans quon ait besoin des mthodes de contrle qui
auraient autrefois caractris une telle entreprise.
Le second volet de ce critre concerne laresponsabilit des leaders de prendre tous les moyens
ncessaires pour amliorer lducation civique de la
population cest--dire aider les gens comprendre
leurs responsabilits en tant aussi bien que membres de
lhumanit dans son ensemble que de citoyens dun pays
particulier , galement en tenant compte de tous les
aspects du problme.
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Jajoute toutefois quil existe une condition
importante la ralisation de tous ces objectifs. On a des
raisons de croire que les gens ne participent pas
lexercice du pouvoir politique dans une dmocratie
(mme si, ironiquement, un tel exercice pourrait donner
des rsultats), lorsquils nont pas le sentiment davoir
personnellement une capacit dagir, autrement dit tant
quils nont pas limpression davoir la scurit physique,
financire et sociale requise7. Il reste encore beaucoup
de travail faire en ce qui concerne les conditions
mentionnes prcdemment, conditions apparemment
ncessaires, mais pas suffisantes, pour assurer la
participation. Do limportance de sattaquer la
question de la scurit de lensemble de la population, si
on veut vraiment favoriser une plus grande participation.
Les facteurs permettant de mesurer ce critre
seraient, notamment, lexistence et le maintien de lieux
publics accessibles ainsi que de formules efficaces
dutilisation de ces lieux; ltendue des stratgies et des
plans des leaders destins amliorer lducation
civique de la population, le rythme et la qualit de leur
mise en uvre de mme que le degr de sensibilisation
des gens leurs responsabilits en tant que citoyens du
monde et dun pays en particulier; le degr de
connaissance des moyens de sengager (autrement dit,
lutilisation des processus de participation); et le degr
de connaissance et de comprhension des enjeux, dans
une perspective dengagement.
Au Canada, on a commenc rflchir des
moyens damliorer les processus de participation, mais
on ne peut pas vraiment dire que cette amorce de
rflexion sest concentre sur une participation
claire . Il existe de nombreux exemples de cration
et de revitalisation de milieux publics au niveau des
voisinages et des collectivits (nous connaissons la
vitalit et le dynamisme du secteur bnvole, organis et
non organis, au Canada). Linitiative
Un Canadabranch est aussi un excellent moyen dtablir des
milieux publics pour ceux qui choisissent de lutiliser
cette fin. Cependant, on ne sait pas trs bien si
nous travaillons vraiment ltablissement ou au
rtablissement systmatique de milieux publics
lchelon socital (cest--dire le Canada en entier), non
plus que si nous employons bien la technologie cette
fin. Lencombrement des milieux publics lchelle
nationale sacclre et, comme Benjamin Barber8, je
pense que cela menace la dmocratie. De plus, je me
demande si, au Canada, nous pouvons tenir pour acquis
la scurit de chaque citoyen, qui est la condition
pralable une participation tendue de la population.
Sappuyer sur leconsentement de lapopulationCe cinquime critre comprend trois volets :
lengagement des citoyens (sentiment dappartenance); la
transparence (obligation de rendre des comptes, mesure
du rendement et rapports publics opportuns); et
lobtention du consentement appropri des intresss.
Ce critre soulve certaines questions intressantes,
auxquelles personne nest apparemment capable de
rpondre pour le moment9. Par exemple, la
confidentialit fait traditionnellement partie intgrante
des processus dcisionnels privs et publics. Dans quelle
mesure sommes-nous prts faire des entorses cette
rgle par souci de transparence? Est-il utile de rpartir la
prise de dcisions, si cette rpartition ne saccompagne
pas dun partage appropri de lobligation de rendre
compte et de la responsabilit? Et qui peut dire ce que
serait un partage appropri?
Le consultant amricain bien connu dans le domaine
de la pense systmique, Russell Ackoff, affirme quil est
beaucoup plus grave de pcher par omission que de se
tromper en faisant quelque chose. Il ajoute que les
systmes comptables utiliss partout dans le monde
servent reprer et signaler uniquement les erreurs,
si bien que les omissions, plus graves, passent
inaperues10. Il rappelle aussi la formule de
Peter Drucker selon laquelle il vaut beaucoup mieux de
mal faire la bonne chose (parce quil est toujourspossible de mieux la faire) que de bien faire la mauvaise
chose (parce quelle nen devient que plus mauvaise)11.
Devrions-nous faire quelque chose face ce
dsquilibre? Et par o commencer?
En ce qui concerne lobligation de rendre des
comptes, il convient de signaler les passionnants travaux
mens l Institut europen de ladministration publique,
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Maastricht12, par le directeur du programme de
matrise, le professeur Les Metcalfe. Ce dernier tudie
diffrents genres de rapports (entre administration et
administrs, professionnel et clients, systme de
conduite des affaires publique et citoyens) lis divers
aspects de lobligation de rendre des comptes et de la
structure de cots. Il sera intressant de voir si ces
travaux feront progresser la rflexion au sujet de
lobligation de rendre des comptes dune manire qui
profitera tout le monde.
Lobtention du consentement appropri signifie
quil faut sassurer que tout le monde comprend bien la
nature du ou des compromis qui rsulteront
invitablement de latteinte de lquilibre entre les
valeurs divergentes dans tous les domaines concerns. La
socit doit voluer lentement, dans le respect de ses
membres et avec compassion. Un des lments de
lobtention du consentement appropri est le choix
des bons mcanismes de prestation de services. Ackoff
fait observer que les gens qui participent aux processus
dlaboration dcouvrent en discutant ce quils veulent,
alors quils ne savaient pas vouloir ces choses
auparavant. Ce genre de dmarche semble toutefois
difficile appliquer au Canada, notamment, je pense,
parce que de la mfiance et des questions de pouvoir
teintent invitablement les stratgies et les plans relatifs
aux choix en question.
Le plus rcent rapport du prsident du Conseil du
Trsor sur le rendement intitul Une gestion axe sur les
rsultats 1999 , tout comme la communication
dinformation sur les rsultats et le rendement en Alberta,
montrent que nous faisons certains progrs au Canada.
Des progrs importants ont notamment t raliss sur le
plan de lamlioration de lapproche consensuelle par
tous les ordres de gouvernement, laccent tant mis sur
le sentiment dappartenance, lobligation de rendre
compte et lobtention du consentement appropri. Lesefforts continuent toutefois de se limiter, dans une large
mesure, au niveau des services offerts, et on ne se
proccupe pas beaucoup des autres aspects du dossier,
o le problme est avant tout labsence dun dialogue
public continu . Malgr tout, du point de vue de la
rflexion relative de nouvelles institutions, il sagit
dune amorce intressante, qui fournit quelques leons
utiles apprises loccasion dimportants projets tels que
le Rgime dassistance publique du Canada lis la
prparation de lunion sociale.
Les facteurs permettant de mesurer ce critre
seraient, notamment, ltendue et les rsultats du
sentiment dappartenance, le degr de transparence et,
en ce qui concerne lobtention du consentement
appropri, lengagement public des leaders, ltendue
des stratgies et des plans ainsi que la qualit et le
rythme de la mise en uvre des stratgies et des plans.
Les questions gnrales qui se posent pour le
Canada sont les mmes que pour les autres critres,
savoir dterminer quels sont les principaux obstacles, et
trouver les moyens de sy attaquer. En ce qui concerne
plus particulirement le prsent critre, il faut essayer de
dcouvrir comment les blocs dopinions devraient
orienter ltablissement des stratgies et des plans
destins obtenir le consentement de la population et
comment on peut sengager de faon constructive
lorsquon choisit le mcanisme de prestation de services
qui convient (dissocier la question du pouvoir et la
mfiance des autres aspects du dossier).
Tenir compte explicitement du
facteur humainOn dit que ce qui est le plus difficile pour un systme,cest davoir le courage de se regarder bien en face. La
dngation est une faon dviter de faire face la
ralit. Le rejet de la responsabilit sur les autres en est
une autre. Jai choisi daborder la question du facteur
humain sous trois angles diffrents. Le premier est li
lopinion de certains spcialistes qui affirment que
chaque personne a son schme explicite particulier
(fond sur son histoire, sa culture, sa religion, ses
expriences, etc.) de quelques valeurs dominantes,
quelle utilise pour simplifier la ralit qui lentoure. Ledeuxime concerne les efforts mentaux considrables
quexige la vie notre poque postmoderne, et notre
capacit dy faire face. Le troisime aspect, enfin, est
lide quil existe une faon particulire, indpendante
du langage ou de la culture, de dfinir la complexit
dun travail, et la thorie selon laquelle chaque
personne possde un capital de capacit de
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traitement mental, qui tablit des limites quant ses
moyens dexcuter des tches de telle ou telle
complexit maintenant et dans lavenir.
Mon sixime critre concerne donc le soutien, les
moyens et les encouragements fournir aux leaders
qui agissent en tenant compte des capacits et des
comportements humains, qui acceptent et qui prennent
les moyens de changer leurs faons de faire en
fonction de lvolution des choses, qui font en sorte
quon reconnaisse les russites et quon sy appuie,
et prsentent les ides de telle manire que les
gens puissent les comprendre et comprendre quelles
les concernent.
Les facteurs permettant de mesurer ce critre
seraient, notamment, lengagement public des leaders, la
mesure dans laquelle on tient compte explicitement des
capacits et du comportement humains dans les
stratgies et les interventions ainsi que la mesure dans
laquelle on tient compte explicitement des blocs
dopinions dans ces mmes stratgies et interventions.
Les questions qui se posent pour le Canada sont les
mmes que pour les autres critres, savoir notamment
quil faut dterminer quels sont les principaux obstacles
et trouver les moyens de sy attaquer.
Apprendre et favoriserlapprentissageIl importe de renforcer notre potentiel de gestion, parce
que dans le monde agit daujourdhui, il ne suffit pas de
se concentrer sur les rsultats. Russell Ackoff affirme quil
ne suffit pas, pour amliorer le rendement dun systme,
den amliorer les lments. Ce qui compte avant tout,
cest ladaptation de ces lments13. Cette mme ide se
retrouve dans les travaux de Les Metcalfe14, qui a pouss
plus loin les travaux innovateurs de Emery et Trist15, en
les appliquant lUnion europenne. Llment essentielde ces travaux est quil faut apprendre grer les risques
et les incertitudes dans un contexte dinterdpendance.
Cest un mode de gestion diffrent, qui exige de
nouvelles capacits. Cest ce que jappelle une gestion
densemble . Lide selon laquelle lapprentissage serait
lunique avantage durable est troitement lie ce qui
prcde. Les leaders doivent savoir tirer profit de
linnovation et de la crativit pour grer lincertitude,
amliorer ladaptabilit et rduire les temps dexcution
(cest--dire mettre en place les conditions dune saine
gestion publique).
Ce critre concerne un systme de conduite des
affaires publiques fond sur lapprentissage et la
crativit, qui permet et favorise lapprentissage tous
les niveaux, de la personne la socit et au-del. Je
crois que cela est essentiel dans le monde
daujourdhui. De fait, il sera impossible dinfluer sur
lvolution de lquilibre entre les trois secteurs (le
secteur priv, le secteur public et la socit civile), si la
socit et les systmes de conduite des affaires
publiques eux-mmes nont pas la capacit explicite
dapprendre. Cest pourquoi jestime que le prsent
critre comprend deux volets.
Le premier de ces volets concerne le fait que les
leaders doivent permettre aux gens de comprendre ce
quest lapprentissage, du point de vue de ce dont il faut
tenir compte de faon explicite. mon avis, cela signifie
dfinir des objets dapprentissage (afin quon puisse sen
servir pour apprendre). Cela signifie faire des erreurs
(nous apprenons davantage de ce qui ne fonctionne
pas comme prvu que de ce qui fonctionne comme
nous nous y attendions). Cela signifie observer
(lapprentissage lui-mme) et utiliser les rsultats de cette
observation pour amliorer les choses pour la prochaine
fois. Cela signifie aussi mettre largement en commun
lapprentissage. Cette dernire condition est essentielle.
En exprimant cette ide autrement, il sagit de dire la
vrit , une condition qui nest pas souvent remplie,
cause de cette obsession gnralise, propre
lOccident, de blmer.
Le second volet concerne la responsabilit des
leaders de faciliter lapprentissage et de montrer par leurs
actions quils sont eux-mmes ouverts lapprentissage,
ainsi que la mise en place dinstitutions et de processusaxs sur lapprentissage plutt que sur les reproches et
peut-tre mme de lois axes sur lapprentissage (et je ne
parle pas dune simple utilisation de la rglementation)
et de nouveaux rles pour les reprsentants des
membres dune socit dmocratique.
Plusieurs facteurs pourraient permettre de mesurer
ce critre. Le premier est lengagement public des
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leaders et linvestissement dans lapprentissage.
Skandia Insurance de Sude nous a montr quil peut
tre rentable pour des socits cotes en bourse
de mesurer explicitement les investissements en
capital intellectuel et den faire rapport, plutt que
de se limiter au bilan traditionnel (mme si ce bilan
reste important). Noublions pas que la Socit des
comptables en management du Canada a acquis une
rputation internationale pour ses recherches de
mthodes permettant de faire rapport de ce genre
dinvestissements. Chose intressante, certains pays,
ma-t-on dit, publient des tableaux de rsultats
relatifs au capital intellectuel. On pourrait aussi
mesurer ltendue et les rsultats de lapprentissage
explicite et systmatique, notamment les facteurs
lis au fait de faire des erreurs et de dire la
vrit, lapprentissage tous les niveaux ainsi
que lapprentissage issu de nouveaux modles de
conduite des affaires publiques, et la visibilit de cette
forme dapprentissage.
Au Canada, cest au chapitre de lapprentissage que
les rsultats se rapprochent le plus du discours.
Pourtant, il est facile de dcouvrir ce qui nous empche
damliorer encore la situation. Beaucoup de choses ont
t crites et dites au sujet de limportance de
lapprentissage, tous les niveaux et sous toutes sortes
de formes. Cependant, comme la plupart des autres
pays de lOccident, nous avons une tendance blmer
plutt que de favoriser lapprentissage, tendance qui
imprgne nos vies et qui se manifeste dans
linformation spectacle (qui englobe une bonne
partie de ce quon nous prsente la tlvision). Cette
tendance fait en sorte quil est extrmement risqu, aussi
bien pour une personne que pour une entreprise, de
privilgier le vritable apprentissage, qui occasionne des
erreurs et exige quon dise la vrit (afin de mettre en
commun les connaissances).Cest pourquoi beaucoup de fonctionnaires
fdraux disent maintenant en priv quon les
encourage innover et prendre des risques, mais
condition de ne pas sy faire prendre. Il semble parfois
que les comparutions devant les comits parlementaires
soient davantage loccasion de marquer des points
que de fournir des renseignements prcis. On dit parfois
que les politiciens pensent quils doivent viter de dire
les choses telles quelles sont (et mme induire la
population en erreur), sils ne veulent pas tre mis
publiquement au pilori (peut-tre une version moderne
des combats quon prsentait dans les amphithtres de
la Rome antique) par beaucoup de Canadiens
ordinaires , ces mmes Canadiens ordinaires qui
dplorent amrement le manque de franchise de la
classe politique. Je confesse que je suis moi-mme tout
fait une Canadienne ordinaire cet gard, prompte
et volontiers prte blmer dans des cas en particulier,
si ce nest dune faon gnrale.
Le systme parlementaire canadien est de type
antagoniste, mais il ne semble pas que nous voulions
essayer de rivaliser sur le terrain de lapprentissage plutt
que de sen tenir aux reproches (je crois pourtant quune
telle rivalit relative lapprentissage pourrait donner de
bons rsultats, au moins dans certains cas).
Il y a tout de mme quelques lueurs despoir. Ainsi,
il arrive parfois quun ministre Ottawa ou que le
premier ministre dune province dise publiquement que
telle ou telle chose tait une exprience qui na pas
donn les rsultats attendus. Je sais quun ministre
fdral nhsitait pas parler des checs de son ministre
dans ses discours, la condition toutefois quil puisse
annoncer un plus grand nombre de russites que
dchecs dans un discours donn. Dintressants progrs
ont aussi t raliss quant la diffusion de rsultats et
de mesures du rendement, mme lorsque les rsultats en
question ne sont pas trs bons. Ce sont l des raisons
dtre modrment optimistes.
Si on narrive pas trouver comment faire
progresser systmatiquement une culture de
lapprentissage et se dbarrasser de lhabitude de blmer,
toutes les tentatives visant assurer une saine conduite
des affaires publiques se solderont par des checs.
Moyens daction dcoulant delart de la rformeSelon moi, trois moyens daction associs lart de la
rforme, propres donner forme une gestion
densemble , devraient tre mis en uvre ds
maintenant. Je les ai choisis en fonction de leur utilit
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pour nous faire progresser dans la voie de la bonne
gouvernance. Chacun permet dintervenir dans des
secteurs diffrents, mais dgale importance. Le premier
de ces moyens, lanalyse du contexte (fonde sur la
collecte dinformation), vise informer la fois les
personnes tenues de nous rendre compte de leurs
dcisions et la population canadienne en gnral. Le
deuxime, linnovation institutionnelle fonde sur les
rseaux, fait intervenir les notions dinnovation et de
crativit. Le troisime de ces moyens concerne le fait
que les politiques doivent poser les bonnes questions et
dfinir correctement les enjeux, parce quil importe que
nous comprenions les situations et que les politiques
jouent un rle de tout premier plan dans notre systme
de conduite des affaires publiques.
Analyse du contexteLe premier de mes moyens daction est lanalyse du
contexte. Jappelle les organisations concernes les
entits chercheuses , une dsignation inspire de mon
observation de ce qui se passe dans lUnion europenne,
ainsi que dune formule utilise par le prsident dune
importante socit de haute technologie amricaine
durant un discours auquel jai assist il y a quelques
annes. Ce dernier expliquait que son entreprise
choisissait quelques-uns de ses clients (de taille
diffrente et travaillant dans des secteurs diffrents)
qui utilisaient des procds la fine pointe de la
technologie. En examinant attentivement ces entreprises
(par lentremise dune personne assez proche pour bien
en comprendre les besoins), sa socit pouvait suivre au
jour le jour lvolution des besoins pour de nouveaux
produits et mettre ces produits sur le march avant la
concurrence. Il appelait ces entreprises ses clients
phares . Je men suis inspire pour crer lexpression
entits chercheuses , que jutilise pour dsigner les
organisations qui analysent les contextes, recueillent desrenseignements, dfinissent les enjeux et tablissent leurs
rpercussions sociales, puis font part des rsultats de
leurs analyses et de leurs observations la socit et
ses leaders.
Jai trouv deux exemples intressants d entits
chercheuses : le Nuffield Trust, au Royaume-Uni16, et
le Conseil scientifique de la politique gouvernementale
des Pays-Bas17. Le premier un organisme tabli en
1940 pour participer la conduite des affaires
publiques, mais qui ne fait pas partie de ladministration
gouvernementale intervient dans le secteur de la sant.
Son rle consiste analyser les recherches fondes sur
lexprience menes dans le secteur de la sant, cerner
les nouveaux enjeux et communiquer linformation
(pour linstant, au moyen de forums sur Internet et dun
bulletin de trois pages au premier ministre, qui est rendu
public). Lorganisme dploie des efforts considrables
pour tablir les nouveaux enjeux politiques dintrt
public qui se posent dans le secteur de la sant, au
Royaume-Uni, soumettre les rsultats aux discussions au
moyen dInternet, puis communiquer linformation. Ces
temps-ci, lorganisme sintresse particulirement un
dossier quil estime trs important, savoir ltat de
sant relativement mauvais des travailleurs de la sant
du Royaume-Uni par rapport celui de lensemble de la
population du pays. Autre exemple dentit chercheuse,
le Conseil scientifique de la politique gouvernementale
des Pays-Bas, qui rend compte au premier ministre du
pays, mais qui prsente ses rapports lautorit
lgislative. Un de ses rapports les plus rcents, intitul
Les gouvernements en perte de vitesse : examen des
consquences administratives des technologies
de linformation et des communications, traite des
effets de la technologie et des communications sur
les gouvernements.
Les socits ont besoin de ce genre dorganismes
dans lesquels elles peuvent avoir confiance. Ces
organismes ont, quant eux, besoin dun soutien
constant, dun accs aux leaders en temps utile ainsi
que de moyens dtablir un dialogue avec les citoyens.
Comme ils font partie du systme de conduite des
affaires publiques, il peut aussi tre ncessaire
quils conservent une certaine indpendance par
rapport au gouvernement.Au Canada, il existe aussi des organisations comme
les Rseaux canadiens de recherche en politiques
publiques de Judith Maxwell qui pourraient devenir des
entits chercheuses. Dailleurs, Mme Maxwell a dj
exprim des ides allant dans ce sens. Nous devons tout
de mme rflchir la forme que pourraient prendre ces
entits au Canada, voir sil en existe dj (mme sous
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forme embryonnaire) et nous demander comment nous
pourrions en assurer ltablissement et la croissance.
Innovation institutionnelle fondesur les rseauxLe deuxime de mes moyens daction est linnovation
institutionnelle fonde sur les rseaux. Il sagit en
loccurrence dinstitutions qui soccupent de la
conception, de ltablissement et du dveloppement des
capacits des rseaux, plutt que de la direction directe
des rseaux. Elles font appel aux spcialistes en la matire
du monde entier pour les aider apporter rapidement des
solutions acceptables, judicieuses et point nomm aux
problmes auxquels elles font face. Lorganisme de
dpistage des drogues de lUnion europenne (dont le
sige est au Royaume-Uni)18 et la Commission dHelsinki
pour la protection de lenvironnement marin de la mer
Baltique19 sont deux exemples dinstitutions de ce genre.
Lune et lautre soccupent de concevoir, dtablir et de
dvelopper la capacit des rseaux, plutt que de les
diriger elles-mmes.
Ainsi, le directeur de lorganisme de dpistage des
drogues de lUnion europenne, plutt que de diriger
son propre rseau de spcialistes, a tabli un rseau
dont font partie les organismes de dpistage des
drogues des pays de lUnion europenne et dautres
pays comme les tats-Unis et le Canada. Lorsquil faut
prendre des dcisions concernant des drogues, le
directeur utilise des listes de travailleurs scientifiques,
qui jouissent tous dun certain crdit sur le plan
scientifique auprs des membres du rseau. Ainsi, la
qualit, lopportunit et la fiabilit scientifique des
interventions sont assures. De plus, comme il sagit
dun rseau dorganismes de dpistage des drogues, qui
ne peut tre considr comme tant en concurrence
avec lun ou lautre des organismes concerns, ces
derniers semblent tous accepter les travaux que ralisele rseau. Pour diriger une organisation de ce genre, il
faut des comptences en gestion diffrentes de celles
requises pour diriger mme efficacement une
organisation dune faon plus traditionnelle.
La Commission pour la protection de lenvironne-
ment marin de la mer Baltique a, quant elle, t tablie
pour soccuper des problmes lis lenvironnement de
la mer Baltique. Tous les pays du littoral de la mer
Baltique y sont reprsents. Chaque pays a le pouvoir
dagir, mais la Commission, en tant quorganisme de
gestion publique (et non pas que gouvernement), fournit
moyens et soutien lensemble des pays membres, afin
quils puissent, en tant que rseau, acqurir la capacit
de sattaquer aux problmes qui relvent de la
responsabilit de la Commission. On aurait pu, bien sr,
tablir une structure plus traditionnelle pour remplir le
mme mandat.
De telles innovations de la part des institutions
exigent une nouvelle mentalit; un nouveau potentiel
de gestion, la permission dessayer de mettre
systmatiquement en commun lapprentissage ainsi que
le mandat ncessaire (autrement dit, le soutien requis).
Au Canada, trois exemples intressants dinitiatives
axes sur linnovation viennent lesprit. La premire est
quipe Canada Inc., qui se caractrise par son intgration
et son accessibilit. La deuxime est une initiative
denvergure limite, mais non moins importante, dans le
domaine de la cartographie (donnes gospatiales). La
troisime est la proposition du Centre dtudes en
gouvernance de lUniversit dOttawa concernant le
projet huit municipalits/une ville , visant assurer
une meilleure conduite des affaires publiques dans
lagglomration dOttawa.
Intervention de la classe politiquepour aider comprendreMon troisime moyen daction est lintervention des
politiciens pour aider comprendre, en posant les
questions pertinentes et en dfinissant correctement les
enjeux. Dans notre monde agit, marqu par la
mondialisation asymtrique, il semble que lessentiel soit
de savoir et de comprendre, do limportance de poser
les questions pertinentes et de bien circonscrire les
enjeux (synthse et analyse). Et si nous voulonsreprendre en main le contrle de notre socit, nous
avons besoin de politiciens capables de le faire. Nous
avons aussi besoin dun vocabulaire commun, qui nous
permettra de participer aux dbats en vue den arriver
aux invitables compromis entre les valeurs divergentes.
Nous lisons les politiciens pour quils jouent un
important rle de mdiation dans latteinte de ces
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compromis. Or, cest en posant des questions pertinentes
et en dfinissant clairement les enjeux que nous
pourrons tablir ce vocabulaire commun. Les politiques
doivent utiliser ce vocabulaire dans lexercice du pouvoir
dont nous les avons investis. Ils peuvent aussi (comme,
en gnral, tous les leaders) nous aider comprendre les
enjeux associs aux diffrents dossiers et domaines.
Inversement, sils ne sont pas en mesure de sacquitter de
cette responsabilit, les politiciens ne pourront pas servir
comme il se doit les intrts de la socit canadienne
face lincertitude.
Il est important dexaminer lincidence de ce qui est
propos sur nos institutions et nos processus politiques,
sur la faon dont nous choisissons les politiciens ainsi
que sur les moyens mis la disposition de ceux-ci et de
leurs conseillers professionnels pour sacquitter de leurs
fonctions. Pour que les politiciens puissent nous aider
comprendre, il faut dabord quils comprennent eux-
mmes. Cest l une question qui mrite quon lexamine
dun peu plus prs.
Dans certains cas, des ministres de pays membres
de lUnion europenne se runissent pour conclure des
accords dans leurs sphres de responsabilit communes,
sachant que sils ne le font pas, les reprsentants (non
lus) de lUnion, Bruxelles, le feront leur place. Ces
derniers estiment quil leur appartient dassurer la
mdiation entre les citoyens de leurs propres pays et les
besoins de la collectivit de lUnion. Pour assumer ce
rle, ils apprennent poser les questions pertinentes et
dfinir clairement les enjeux. Ainsi, ils aident leurs
citoyens comprendre et prendre des dcisions. Chez
nous, le G-20 et Un Canada branch sont de bons
exemples de ce genre dinitiatives. Malheureusement, les
politiques de nombreux pays ont laiss chapper
loccasion de mettre en pratique ce genre dhabilits aux
pourparlers de lOrganisation mondiale du commerce
qui ont eu lieu Seattle, en 1999. Au Canada, nousdevons nous demander comment nous pourrions
appliquer ce genre de dmarche plus efficacement et
plus souvent.
Les facteurs permettant de mesurer ce critre
concernant les trois moyens daction seraient,
notamment, ltendue et lutilisation de ces moyens ainsi
que la mesure dans laquelle leur utilisation donne les
rsultats souhaits, cest--dire amliorer la prise de
dcisions (qualit, opportunit, acceptabilit).
Les questions qui se posent au Canada concernent
la dcouverte des principaux obstacles lutilisation des
moyens daction en question et la recherche de moyens
pour sy attaquer.
Il importe de rtablir sanstarder une saine conduite desaffaires publiques au CanadaOn ma affirm que tout rgime de saine conduite des
affaires publiques devra tenir compte dun certain
nombre de proccupations essentielles pour les
Canadiens : la capacit (linfluence de ltat-nation), la
comptence (de nous tous), lintgrit (de ceux que nous
avons choisis pour nous diriger) de mme que
linformation et la comprhension (afin de ne pas
tre dphass par rapport ce qui se passe). Je crois
que le rgime que je propose rpond toutes
ces proccupations.
Les lments de lart de la rforme sont varis et
abstraits, et il faudra des annes, et plus probablement
des dcennies, avant quon apporte toutes les
amliorations requises. Qui plus est, les ides qui sont
parfaitement senses aujourdhui ne le seront peut-tre
plus demain. Le Canada ne sera pas en mesure, en
agissant seul, damliorer les choses lchelle mondiale.
Les concepts en cause se rattachent la philosophie, la
science politique, la thorie de lorganisation de mme
qu certains aspects des capacits et des comportements
humains, et ils exigent quon y rflchisse en profondeur,
notamment pour en comprendre les consquences dans
la vie quotidienne. Certains et peut-tre mme
beaucoup diront que tout cela est trop abstrait, trop
peu raliste, que cest folie de perdre son temps
rflchir ce genre de choses. Je crois malgr tout quenous avons le devoir dessayer. Comme les choses
voluent, il y a aussi des consquences ne rien faire. Si
nous essayons, nous chouerons peut-tre dans notre
tentative damliorer la conduite des affaires publiques,
mais ce qui est certain, cest que si nous nessayons pas,
nous namliorerons rien. Je ne prescris pas les moyens
prendre pour assurer une saine conduite des affaires
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publiques. Jen serais dailleurs incapable. La tche est
monumentale et elle exige la participation dun grand
nombre de personnes, notamment de spcialistes et
autres intervenants concerns.
La bonne gouvernance, savoir une conduite de
haute qualit des affaires publiques, est importante au
Canada et partout ailleurs dans le monde. Dans le monde
agit daujourdhui, face la mondialisation asymtrique,
la saine gestion des affaires publiques au Canada au
cours des vingt ou trente prochaines annes est une
gestion dmocratique, axe sur lvolution et
lapprentissage, pense et applique en tenant compte
du facteur humain, et sappuyant sur une dmarche
globale , fonde sur les valeurs et une ouverture
mondiale (y compris les valeurs qui dpassent les
frontires et rapprochent tous les tre humains).
Le statu quo nest pas une solution. Il faut penser
diffremment. Cest sur cette ide que sappuie lart de la
rforme, qui nous fournit sept critres pour mesurer les
progrs raliss ainsi que trois moyens daction mettre
en uvre ds maintenant.
Je crois que nous allons probablement survivre de
toute faon, je veux dire mme sans lart de la rforme.
Mais quel prix? Voulons-nous btir nous-mmes notre
avenir (malgr les difficults et les risques que cela
implique) ou voulons-nous que dautres, ailleurs, le
fassent pour nous? Quel prix sommes-nous prts payer
(en personnes qui se sentent marginalises au Canada et
pour bien des gnrations encore et bien dautres cots,
dont certains seraient irrversibles) parce que nous
refusons dessayer?
Jespre avoir russi jeter un nouvel clairage sur
des enjeux importants pour le pays et la fonction
publique canadienne et plus particulirement sur la
question de la conduite des affaires publiques , en
mappuyant sur le contexte institutionnel de la
Commission de la fonction publique et en suivant la voie
trace par John Carson.
Notes
1. Dans le cadre de sa recherche intitule RethinkingGovernment V (1999), Ekos Research Associates a tabli unetopologie de la population canadienne la fois clairante et
alarmante. Ekos sest servi de diverses mthodes pour grouper lesopinions tmoignant des caractristiques et des opinionscourantes des Canadiens, tablissant ainsi un cadre danalyse decertaines des divergences fondamentales dopinions de cesderniers concernant le rle du gouvernement. Les rsultats de ceclassement sont prsents sous forme de graphique et analyss defaon sommaire dans le rapport de recherche. Les principauxpoints qui ressortent de cette analyse sont les suivants :
Il existe dimportantes divergences dopinions entre les nantis(favoriss du point de vue conomique et de lducation) etles dmunis.
Prs du quart des Canadiens sont inquiets etmcontents/dsengags (21 p. 100). Ils nont plus confiance dansles gouvernements. De plus, 13 p. 100 des personnes interrogesse sentaient rejetes et dconnectes/alines. Ce groupe sedistingue des autres par un soutien moindre lgard des valeurset un moins grand sentiment dappartenance leur monde, leurpays, leur province et leur origine ancestrale. On y trouve aussiune plus grande proportion de jeunes (de 16 24 ans).
Plus du quart (28 p. 100) des personnes interroges voientdans le gouvernement une source de salut et font plus que les autresgroupes de laction politique, particulirement dans le domaine social.
Une proportion importante de Canadiens semblent soitdsengags ou alins soit dconnects par rapport augouvernement, et il est trs probable quils aient perdu tout intrtdans la conduite des affaires publiques. Ils ont peur de la socit
dominante canadienne et se sentent marginaliss par elle. Unpourcentage tout aussi important de citoyens continuent demettre tous leurs espoirs dans le gouvernement (ou le systme de
conduite des affaires publiques), mais ils le font un peu contrecur et sans grande conviction. Quelles sont les chancesque nimporte quel systme de conduite des affaires publiques auCanada puisse continuer de rpondre leurs besoins dans labourrasque de changements laquelle tous les pays font face? Cestrois groupes reprsentent ensemble plus de 60 p. 100 desopinions exprimes. Ce serait une tche norme que dessayer delutter contre un tel courant dopinion.
2. Je me fonde sur la dfinition propose par Steven Rosell, selonqui la gouvernance est le processus par lequel une organisationou une socit se dirige (S.A. Rosell, d., Gouverner dans une
socit de linformation, Institut de recherche en politiquespubliques, Montral, 1992). Il est utile dajouter cette dfinitionde base les ides de mouvement (volution dans le temps) et dediffrence socitale. Comme lexplique Gilles Paquet, leprocessus est complexe et il change, mais il sarticule autour de ladynamique de la communication et du contrle (...) si bien queles modles de gouvernance varient (dune socit lautre) .(G. Paquet, Governance Through Social Learning, UniversitdOttawa, Ottawa, 1999.)
3. Je me suis inspire ici dun excellent document de base sur ladmocratie : David Held, Models of Democracy, 2e dition,Stanford University Press, Standord (Californie), 1996. Lesdescriptions de lvolution des ides au sujet de la dmocratie etdes diffrents modles de dmocraties, qui y sont trs clairementexposes, mont t extrmement utiles.
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4. Dans son ouvrage prcurseur, The Capacity to Govern: Report tothe Club of Rome, Barcelona, Circulo de Lectores, 1994. Droraffirme ce qui suit : Il est extrmement tonnant quon seproccupe actuellement aussi peu damliorer les moyens quontles gouvernements dinfluer sur les tendances futures, paropposition aux rformes axes sur les conomies, lefficience, lerapprochement des citoyens, la dmocratie participative et ainside suite. On crit abondamment sur les problmes auxquels nousfaisons face laube du vingt et unime sicle et on organise unefoule de confrences, de runions, de sminaires et autresactivits consacrs aux faons de sy attaquer. On discutebeaucoup de la ncessit de changer le systme mondial degouvernance, par exemple dans le contexte de lUnioneuropenne. Cependant, de trs rares exceptions prs, ilmanque un lment crucial, savoir comment donner aux tats-nations qui continuent de jouer des rles essentiels, notammentdans la dfinition dun systme de conduite des affaires publiquessupranational et mondial les moyens dexcuter les tchesnouvelles et exigeantes qui orienteront lvolution de leurssocits et de toute lhumanit, autrement dit qui faonnerontlavenir .
5. Ibid.6. Le Groupe des 20 est un nouveau groupe de vingt pays et
organisations internationales qui coordonnera les efforts dployspar les pays industriels et en dveloppement pour formuler etmettre en uvre des rformes financires globales. Les membresdu G-20 sont lArgentine, lAustralie, le Brsil, le Canada, la Chine,la France, lAllemagne, lInde, lItalie, le Mexique, la Russie,lArabie saoudite, lAfrique du Sud, la Core du Sud, la Turquie,la Grande-Bretagne, les tats-Unis, lUnion europenne, le Fondsmontaire international et la Banque mondiale (daprs TermiumPlus, le 21 fvrier 2000).
7. On trouvera de solides arguments lappui de la ncessit dedonner en priorit des pouvoirs la population dans le documentaussi convaincant que facile lire publi en septembre 1999 parla Fondation du Commonwealth et CIVICUS sous le titre :
Citizens and Governance: Civil Society in the New Millennium.On y dcrit les besoins et les attentes de citoyens ordinaires, decertains de leurs dirigeants et de citoyens occupant des postesdautorit au sein du Commonwealth, qui ont t invits donnerleur opinion au sujet de ce quest une bonne socit, des rlesque les citoyens, les institutions politiques et les autres secteurssont les mieux en mesure de jouer ainsi que de ce qui permettraitaux citoyens de jouer leurs rles le plus efficacement. Les attentesexprimes par les personnes interroges peuvent tre classes entrois catgories : les besoins fondamentaux, lassociation despersonnes et la participation. Chaque catgorie constitue unebase essentielle pour la suivante. On peut consulter le document
ladresse suivante : www.commonwealthfoundation.com/information/infosheet23.html (consult le 25 avril 2000).
8. Benjamin R. Barber, Democracy at Risk: American Culture in aGlobal Culture , World Policy JournalXV, 2 (t 1998).
9. Ces questions ont t poses dans le cadre dune sance dediscussion sur la conduite des affaires publiques organise parlInstitut sur la gouvernance, qui a son sige Ottawa, la fin de1999, Hull (Qubec).
10. Russell L. Ackoff, Recreating the Corporation: A Design ofOrganizations for the 21stCentury, New York, Oxford UniversityPress, 1999.
11. Peter Drucker, tel que mentionn par Ackoff, ibid.12. LInstitut europen de ladministration publique, qui a son sige
Maastricht, est une organisation internationale sans but lucratif, dontle financement est assur par les administrations nationales des paysmembres de lUnion europenne et de la Commission europenne.On peut obtenir plus de renseignements en consultant le site delInstitut (www.eipa.nl consult le 15 fvrier 2000) ou en luicrivant (adresse lectronique : eipa-nl.com).
13. Ackoff,Recreating the Corporation, 1999.14. Les Metcalfe et Sue Richards, Improving Public Management,
2e d., Maastricht (Pays-Bas), Institut europen de ladministrationpublique, 1990.
15. Frederick Emery et E.L. Trist, The Causal Texture ofOrganizational Environments , Human Relations 18, 1 (1965),p. 21-32.
16. The Nuffield Trust for Research and Policy Studies in Health,59 New Cavendish St., Londres (Royaume-Uni), W1M 7RD (siteWeb en voie dlaboration, fvrier 2000).
17. On trouvera une histoire de cette intressante organisation dansla publication anniversaire du Conseil scientifique de la politiquegouvernementale (WRR 1999) intitule Wise before the Event.
18. LAgence europenne pour lvaluation des mdicaments a tcre en 1993. Elle a son sige Londres. Cette organisation enrseau est le centre de coordination du systme europen.On trouvera de plus amples renseignements en consultant
le site de lorganisation : www.eudra.org/emea.html (consultle 10 fvrier 2000).
19. La Commission pour la protection de lenvironnement marin dela mer Baltique (la Commission dHelsinki) est lorganisme chargde faire appliquer la (nouvelle) Convention sur la protection dumilieu marin dans la zone de la mer Baltique signe en 1992 partous les pays du littoral de la mer Baltique et par la Communautconomique europenne. On trouvera plus de renseignementsen consultant le site de lorganisme : www.helcom.fi (au10 fvrier 2000, on ny trouvait quun organigramme).
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