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Presses Universitaires du Mirail L'invention politique: Bolivie, Equateur, Pérou au XIX° siècle by DEMELAS Marie-Danièle Review by: Michel BERTRAND Caravelle (1988-), No. 61, LES CULTURES DU CAFÉ (1993), pp. 239-243 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40853431 . Accessed: 15/06/2014 09:03 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.41 on Sun, 15 Jun 2014 09:03:54 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Presses Universitaires du Mirail

L'invention politique: Bolivie, Equateur, Pérou au XIX° siècle by DEMELAS Marie-DanièleReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 61, LES CULTURES DU CAFÉ (1993), pp. 239-243Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40853431 .

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port des administrateurs coloniaux à l'argent a considérablement évolué après la main-mise étatique de Colbert.

Enfin, l'essor de la plantation pris en compte à travers l'étude de sa structure, de l'évolution des technologies et des transferts de capitaux depuis les Antilles françaises. Les comptes de la sucrerie Fleuriau sont ainsi le prétexte à une "analyse de la rentabilité d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle" (Jacques de Cauna), rentabilité fré- quemment mise en cause par les colons mais qui présente une contradic- tion certaine avec l'opulence que connaissent ces derniers. Les méca- nismes de constitution des fortunes sont à nouveau évoqués à travers "les affaires Van Hoogverff à Saint-Domigue de 1773 à 1791" et la figu- re incontournable du négociant-négrier (Jean-Michel) ou encore le pano- rama des "habitations, sucreries et usines centrales à la Martinique au XIXe siècle" (Michèle de Lacourt-Léonard). Les facteurs d'instabilité de ces mêmes fortunes trouvent leur place en revanche dans l'étude d'Alain Yacou, qui s'attache plus particulièrement à l'"essor et déclin du systè- me esclavagiste des habitations sucrières à Cuba et en Guadeloupe", mettant en valeur l'évolution différentielle des deux systèmes considé- rés, Pablo Tornero insistant plus particulièrement sur les coûts de pro- duction dans les ingenios cubains.

Dernier volet de ce riche ensemble thématique: les exposés traitant de modalités particulières du système de plantation. Ainsi des nouvelles extensions commerciales, en l'occurrence de négociants allemands, com- pagnies et représentants divers installés à Haïti au XIXe siècle (Michael Zeuske); ou encore de l'évolution de la production de canne à sucre et la commercialisation du rhum dans le Venezuela du XIXe siècle (José Angel Rodríguez).

C'est donc une approche comparée mais extrêmement complète du système de la plantation tropicale esclavagiste et de ses implications au XIXe siècle qui nous est présentée dans cet ouvrage. Il reste à espérer que ce type de publications ne reste pas une initiative isolée mais consti- tue une incitation à poursuivre le débat engagé à propos de cette écono- mie originale, non seulement dans sa forme insulaire mais également - on l'oublie souvent- continentale.

Frédérique LANGUE.

Marie-Danièle DEMELAS: L'invention politique: Bolivie, Equateur, Pérou au XIXo siècle, Paris, Editions Recherches sur les Civilisations, 1992,620 p.

Le travail publie par M.D. Démelas est une vaste, solide et souvent brillante synthèse sur le monde andin, fruit d'une profonde connaissance

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de ses réalités politiques. Au fil d'une lecture toujours agréable malgré l'austérité d'un sujet difficile, on y découvre la familiarité, ou mieux l'intimité de son auteur avec des réalités historiques, politiques, humaines si particulières et banales tout à la fois. On saura d'abord gré à l'auteur d'avoir fui les simplifications aux travers desquelles est trop régulière- ment appréhendée, tout particulièrement encore par l'historiographie latino-américaine, l'histoire politique du XIXo siècle. Car tel est bien prioritairement le sujet de ce livre. Un peu comme F.X. Guerra l'avait fait avec le porfirisme mexicain, M.D. Démelas prétend ici disséquer la nature profonde des divers régimes politiques s'étant succédé dans un espace politique composé de 3 pays andins -Pérou, Bolivie, Equateur- et dont la mémoire ne retient le plus souvent que le fracas des armes, celles brandies lors des guerres civiles ou celles accompagnant les coups d'Etat.

L'étude s'organise autour de 2 parties correspondant à un découpage chronologique rigoureux. A la séduction de la modernité débouchant sur les insurrections américaines de la Io partie répond le nécessaire compromis entre les diverses composantes contribuant à la construction des Etats andins dans la 2° partie de l'ouvrage. L'analyse de cette séduc- tion est menée dans 2 chapitres introductifs offrant une excellente syn- thèse de l'histoire andine du XVIIIo siècle. L'auteur y insiste tout parti- culièrement sur le fonctionnement de cette société, sa souplesse, sa flui- dité et la recherche permanente du compromis qui l'habite. Elle montre aussi combien la pénétration des idées européennes des Lumières suppo- sa une acclimatation aux réalités locales, quitte bien souvent à les détourner de leurs objectifs originels. Certes les Lumières arrivèrent pré- cocement en Amérique, contribuant à la formation de l'identité améri- caine. Mais cette imprégnation aux idées nouvelles s'accompagna de leur adaptation aux aspirations, aux exigences d'une élite créole nourrie des vieilles conceptions politiques. Aussi, le recours à ces idées nouvelles servit-il bien souvent de simple cadre général, voire de simple discours, n'empêchant pas de continuer à rêver avec nostalgie à un âge d'or idéali- sé. C'est donc bien de l'élaboration d'une synthèse politique et intellec- tuelle totalement originale que se révélèrent capables les élites andines du dernier siècle colonial et non pas d'une simple imitation d'un modèle européen proprement "étranger".

Sur ce terreau fertile, les élites américaines vont construire leur parti- cipation spécifique au mouvement révolutionnaire métropolitain avant de mettre en avant leurs propres revendications. L'auteur aborde d'abord la question des élections américaines dans le cadre des institutions révo- lutionnaires espagnoles. Il permet de mettre à jour des pratiques électo- rales dont le XIXo siècle se révélera friand: fraudes diverses plus ou moins brutales ou sophistiquées, poids des factions, pressions exercées

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par les potentats locaux au travers de leurs párenteles. L'auteur achève enfin cette première partie en proposant une analyse des causes défen- dues par les insurgés américains. L'analyse de 3 exemples permet de faire surgir certes des particularités propres à tel ou tel espace choisi, mais aussi et surtout des constantes parmi lesquelles la plus suggestive est le constant mélange entre passé et modernité. De Quito au Cuzco, en pas- sant par Huanuco, l'Eglise et les croyances parfois les plus archaïques jouèrent un rôle déterminant dans ces épisodes insurrectionnels. C'est dire combien ces insurrections censées faire entrer dans la modernité l'Amérique se libérant du joug colonial se développèrent en partie sur des valeurs du passé on ne peut plus éloignées de cette modernité: superstitions, religiosité populaire traditionnelle, résurgences indi- gènes... Cette complexité andine est incarnée avec bonheur et richesse par le guérillero Vargas, tambour major de son état et auteur d'un jour- nal véhiculant ses aspirations, ses représentations, ses frustrations par- fois. Baignant dans un univers religieux orthodoxe, ce combattant à l'âme d'écrivain se révèle être un vecteur des croyances syncrétiques andines. Bien que vivant dans un monde en révolte contre la métropole et combattant lui-même au nom de la Liberté, il reste essentiellement imprégné d'un esprit providentialiste. Tout particulièrement, il conçoit la révolte dont il est un des acteurs comme l'expression de la volonté divine, surtout pas comme une manifestation de l'émergence de citoyens se libérant de la gangue du sujet.

Cette première partie du travail de M.D. Démelas apporte la confir- mation de l'absence d'une réelle et profonde coupure de part et d'autre des Indépendances. Par bien des aspects, les fondements de ces révoltes se trouvent autant dans la vieille idéologie construite par les clercs médiévaux que dans les idées des Lumières. Par ailleurs, le simple déroulement événementiel en Amérique suit bien plus qu'il ne précède les événements métropolitains, c'est-à-dire une situation qui leur est presque étrangère. A terme, l'Indépendance fut bien moins arrachée que concédée par une métropole incapable de s'y opposer. Aussi, loin d'entrer dans une modernité identifiée, à partir d'un modèle nord-amé- ricain ou français, en terme de "libéralisme", de "centralisme" ou d'"uni- fication", ces "révolutions" hispano-américaines signifièrent bien plus l'affirmation des formes traditionnelles d'organisation politique dont le caciquisme va se révéler la plus durable.

La 2° partie de l'ouvrage est donc consacrée à l'adoption des nouvelles formes institutionnelles dans les Etats andins et à leur adaptation aux réalités locales sous l'égide du compromis. Cette analyse s'ouvre sur l'étude des 3 éléments considérés comme fondateurs dans ces nouveaux Etats: l'espace national, l'américanité et la souveraineté populaire. A

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l'originalité de l'espace bicéphale équatorien, correspond l'affirmation volontariste de la Bolivie. C'est là l'étude de la difficile émergence d'une géographie nationale, aux frontières mal établies et soumise à des anta- gonismes internes déchaînant bien souvent des forces centrifuges vio- lentes. L'americani té apparaît comme un deuxième élément fondateur de ces jeunes Etats. Elle s'alimente d'abord aux sources de l'anti-européa- nisme avant de prendre, vers la fin du siècle, une coloration plus fami- lière à nos esprits du XXo siècle sous la forme de l'anti-impérialisme visant les Etats-Unis. Enfin, c'est à la souveraineté populaire qu'est dévolu le dernier rôle fondateur de ces nouveaux Etats construits sur les principes des Lumières. La difficulté dans son affirmation réside cepen- dant dans l'absence d'une définition claire du "peuple". Il garde dans ces Etats un contenu flou, polysémique, freinant par là-même la stabilisa- tion politique. L'ambiguïté ainsi maintenue favorise la juxtaposition de 2 "peuples" -celui des représentants accaparant le pouvoir et celui des représentés devenant des électeurs dépossédés de tout réel pouvoir- et la transformation du pouvoir en simple dispensateur de bienfaits. Cette situation ramène alors ces Etats vers un fonctionnement politique d'Ancien Régime, où le clientélisme garde une fonction dominante. Enfin, la perpétuation du passé n'empêche pas, bien au contraire, l'émergence de nouvelles croyances, expression purement idéologique des changements prétendus. Dans ce domaine, un rôle essentiel est alors joué par la constitution de mythes nationaux et républicains dont l'école se voit charger d'assurer la transmission.

La difficile élaboration du concept de peuple posa très vite, dans des Etats composés de populations indigènes importantes sinon dominantes, le problème de la place à leur accorder. Dans l'étude de la question indienne face à la formation de la nation, M.D. Démelas offre une dense synthèse des différentes approches auxquelles cette problématique essen- tielle donna lieu. De la "re-indianisation" à la marginalisation, de l'indi- génisme créole à l'exaltation du métissage, véritable "solution finale" à ce qui est perçu comme un "problème", l'auteur analyse avec finesse et justesse la complexité des attitudes et des stratégies plaçant l'Indien au coeur des problèmes de la nation pour mieux le détruire ou le contrôler.

Les 2 derniers chapitres sont enfin consacrés à l'étude des hommes et à celles des pratiques politiques. Après une présentation des 2 types poli- tiques rencontrés - le caudillo et le dirigeant civil -, M.D. Démelas offre 3 portraits d'hommes d'Etat à titre d'illustration: Rocafiierte le civilisa- teur, Garcia Moreno le dictateur convaincu de s'offrir en sacrifice pour le bien de la nation et Aniceto Arce, le conservateur soucieux de moderni- sation. Quant aux pratiques politiques, l'auteur en étudie les spécificités à travers deux critères significatifs. Le mécanisme des candidatures, très éloigné du césarisme bonapartiste auquel on aurait tendance pourtant à

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le rapprocher, se révèle un bon outil permettant de saisir la spécificité du système mis en place. Quant aux élections, étudiées ici non pas tant pour s'attarder sur leur aspect quantitatif, peu significatif ici faute de véritables registres, mais pour en comprendre les pratiques déviantes au service du vote forcé, elles jouent en fait la même fonction de révélateur.

Dans ce fonctionnement politique spécifique, le rôle déterminant revient bien au clientélisme qui assure une véritable privatisation du pouvoir politique. Par ailleurs les recours aux coups d'Etat deviennent de fait des réponses à des ruptures de légalité, conçus qu'ils sont comme un moyen d' élaborer un pacte social rompu par le tyran en place. C'est dire combien dans ces Andes du XIXo siècle dominent des pratiques dont les inspirations sont on ne peut plus éloignées de la modernité que l'on prétendait instaurer.

La solide étude de M.D. Démelas offre donc une synthèse des réalités politiques andines au XIXo siècle. Elle met en relation des phénomènes, certes connus pour nombre d'entre eux auparavant, en cherchant à déterminer pour chacun leur place et leur rôle dans la formation des Etats nés de la disparition de l'empire espagnol. On regrettera cepen- dant la trop faible place accordée aux réalités autres que politiques, et notamment à la conjoncture économique dont l'auteur affirme peut-être trop rapidement l'absence de rôle dans cette histoire politique du XIXo siècle (p. 249). On peut également s'interroger sur la validité et la représentativité sociales de représentations politiques construites par quelques théoriciens soucieux avant tout d'offrir dans leurs écrits leurs propres conceptions. Peut-on alors les considérer comme de véritables porte-paroles et de qui? En complément à cette étude des théoriciens politiques, une analyse des acteurs ne se limitant pas aux seuls chefs d'Etat ou à leurs rivaux immédiats aurait été ici fort utile. Ces remarques amènent à s'interroger sur l'utilisation prépondérante de sources relevant plus de la philosophie politique et de l'histoire des idées -libelles, pamphlets, mémoires, études- que de l'histoire politique au sens strict. Mais se pose alors l'éternel problème des sources dispo- nibles pour l'historien: existe-t-il pour les Etats andins des sources per- mettant de répondre à ces questions?

M.D. Démelas offre avec son travail une mise au point que l'on ose qualifier, sans grand risque d'erreur, de définitive sur l'histoire des idées, des théories et des comportements politiques opérant dans le monde andin au XIXo siècle. Sur ce solide socle, on peut souhaiter que vien- dront se greffer des études complémentaires permettant alors d'affiner, de nuancer et d'approfondir parfois une histoire politique andine dont l'auteur a su démontrer avec un bonheur d'écriture certain l'originalité, la spécificité et finalement l'intérêt.

Michel BERTRAND

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