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1 LES DEFIS DU MANAGEMENT : RETROSPECTIVE ET PROSPECTIVE Luc BOYER, Juin 2007 Ce texte est en partie tirée des ouvrages suivants: Boyer L., Management des hommes, Editions d’Organisation, Paris 2006 ; Boyer L., 50 ans de Management des organisations, Editions d’Organisation, Paris 2005 ; Boyer L. et Scouarnec A., Les nouveaux Marchands, EMS, Caen, 1999

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LES DEFIS DU MANAGEMENT :

RETROSPECTIVE ET PROSPECTIVE

Luc BOYER,

Juin 2007

Ce texte est en partie tirée des ouvrages suivants: Boyer L., Management des hommes,

Editions d’Organisation, Paris 2006 ; Boyer L., 50 ans de Management des organisations, Editions d’Organisation, Paris 2005 ; Boyer L. et Scouarnec A., Les

nouveaux Marchands, EMS, Caen, 1999

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INTRODUCTION Toutes les fois que les hommes – on pourrait dire d’une façon plus générale les êtres vivants – se trouvent réunis, ils commencent à « s’organiser », c’est à dire à mettre en place un certain ordre, une structure, des procédures, des règles de vie en commun. Chaque groupe d’hommes, et cela est plus particulièrement vrai dans le monde du travail, va ainsi caractériser de façon spécifique son fonctionnement social. L’histoire de l’Organisation –celle du Management*-se confond ainsi avec celle de l’homme. Nous allons rapidement la parcourir ensemble en l’éclairant de diverses façons, au gré des inventions ou innovations, découvrant que nous avons agi plus par sédimentation, ajouts d’expérience que par véritables ruptures (celles là sont très rares) L’avenir s’est toujours construit à partir du passé avec son lot de hasard, de nécessité et de volonté. Des hommes de tout profil et de toute origine ont façonné les grands courants de la pensée organisationnelle et les modèles qui se sont imposés dans la gestion des Institutions. Aux philosophes, militaires, religieux, scientifiques, se sont ajoutés les entrepreneurs ou managers, les ingénieurs ou consultants, les enseignants ou chercheurs, les politiques ou syndicalistes. Tous ont, plus ou moins, été confrontés de façon caricaturale au dilemme classique :

- mettre en place une organisation pour atteindre les objectifs de l’entreprise - définir une stratégie en fonction de ce que l’organisation peut réellement apporter.

*Nous utiliserons, par la suite, indifféremment le terme d’Organisation et de Management

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RETROSPECTIVE

L’organisation et le management pendant l’antiquité

Pendant la longue période de l’Antiquité, l’agriculture resta prédominante : si l’industrie existe, elle est limitée à trois produits principaux : les outils, les vêtements et la poterie. Il n’existe aucune force motrice hors celle de l’homme employée en abondance et à bas prix. Les mines et les grands chantiers relèvent d’entreprises d’Etat. L’exemple de l’Egypte est éclairant : en Egypte, l’influence des crues du Nil a favorisé très tôt l’émergence des terres cultivables et l’allocation de l’eau nécessaire. L’un des traits fondamentaux de cette civilisation était l’absolutisme étatique : le pharaon (et son administration) était le fondement du système, avec une légitimité à la fois religieuse, politique et économique. L’administration gérait le territoire et les gouverneurs des nômes (les districts), fonctionnaires à la fois judiciaires et administratifs, défendaient les intérêts du pouvoir central. Depuis l’époque la plus ancienne, l’administration a toujours été fortement centralisée et hiérarchisée. Ce schéma sera bouleversé pendant le Nouvel Empire qui remplacera les gouverneurs et la vieille noblesse par un corps de fonctionnaires royaux. Une importante armée royale est mise sur pied et son développement est à l’origine d’une ingérence de plus en plus vive dans les affaires de l’Etat. Le clergé suivit la même évolution. Une des toutes premières écoles d’administration pour les fonctionnaires sera créée avec, comme programme, l’apprentissage de l’écriture, des principes et des lois régissant la nation. Tout fonctionnaire devait avoir été élève de cette école dans laquelle il apprenait notamment, qu’en

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Egypte, tout devait être justifié par un écrit pour avoir une valeur légale ou officielle.

L’ensemble des moyens de production était la propriété de l’Etat : si la propriété individuelle n’était pas inconnue, la terre était au pharaon. A certaines époques, le roi était, de plus, propriétaire de tous les métiers : chacune des administrations possédait ses propres artisans et ses propres ouvriers, répartis en équipes à la tête desquelles se trouvait un chef. Ce principe de forte hiérarchisation se traduisait par la production périodique d’inventaires, de cadastres, de déclarations et de recensements mettant en évidence une gestion financière élaborée (comme on peut en juger en lisant les tablettes funéraires retrouvées) Il en allait de même de la gestion des terres du clergé. L’Egypte antique a eu un rôle majeur dans l’élaboration de la pensée managériale dans la mesure où elle a illustré, pour la première fois (dès 3000 ans avant Jésus-Christ), la trilogie « planification-organisation-contrôle) dans une définition de fonction qui a fait la preuve de son efficacité dans les grands travaux.

On a pu observer, par ailleurs, que, deux mille ans avant Jésus-Christ, le roi Hammourabi(Babylone) a fait mention de la notion de salaire minimum. Le concept de responsabilité-culpabilité était la règle (ainsi, par exemple, on coupait la main du chirurgien maladroit) Sous le règne de Nabuchodonosor, on utilisait des techniques de contrôle de la production en échange de salaires variables et stimulants.

L’organisation et le management sous l’ère romaine.

La première royauté romaine fut construite sur les restes de l’Etrurie qui avait développé une économie pastorale où les entreprises domestiques regroupaient, autour du père de famille, sa femme, ses enfants et quelques esclaves. L’expansion économique et militaire de Rome a totalement modifié le schéma ancien de répartition des terres. Au départ, les nouvelles terres conquises étaient distribuées aux vétérans, sous forme de colonies (du latin colere, cultiver), ce qui répondait à la fois à des objectifs stratégiques et à des intérêts alimentaires. Mais, rapidement, la concentration des propriétés (en raison d’une distribution non équitable), leur mode d’exploitation par une main d’oeuvre servile obtenue à bas prix et la ruine des petits propriétaires ont favorisé le développement de latifundia (vastes propriétés) qui deviendront l’un des traits caractéristiques de la civilisation romaine.

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Souvent, les Romains vainqueurs se livrèrent à une exploitation brutale des vaincus. L’immense patrimoine immobilier pris sur l’ennemi devenait ager publicus, propriété de l’Etat. Celui-ci conservait généralement les entreprises à valeur stratégique (les mines par exemple) et les faisait exploiter en régie directe par des esclaves. Les terres de culture étaient divisées selon deux modes de production : • les unes, les moins nombreuses, étaient données, en pleine propriété, à

titre individuel ou à titre de colonie à des Romains, • les autres, étaient donné en bail (contre redevances) à ceux qui

étaient, le plus souvent, les anciens propriétaires du sol. La conquête militaire a ainsi totalement transformé leur condition juridique de liberté en dépendance. Bien plus, Rome imposait parfois aux pays conquis une réglementation économique à son profit exclusif : par exemple, en Gaule narbonnaise, elle a longtemps interdit la culture de la vigne et de l’olivier pour protéger la production romaine.

Ces schémas furent rompus quand l’empereur concentra tous les pouvoirs entre ses mains, avec pour souci principal de trouver les moyens de gérer efficacement l’immense empire qu’il cherchait à constituer. Sa puissance militaire était renforcée par une puissante organisation administrative. En raison de l’importance des communications, des corps spéciaux tels que le service de la poste impériale furent créés. L’essor industriel reste le fait le moins remarquable de cette civilisation. Même s’ils furent réels, les progrès techniques restèrent faibles, préférant souvent employer des esclaves plutôt que d’avoir recours à des innovations. Quand une exploitation industrielle existe, elle est surtout de type artisanal et fabrique des produits de bas de gamme destinés à l’exportation. Deux siècles de pax romana en Gaule n’eurent pas pour conséquence de créer la concentration agricole qu’on aurait pu imaginer : le nombre des hameaux se développent plus que celui des villas-villages, un prolétariat intérieur se constitue avec les paysans à la campagne et les esclaves dans les villes. Un système de type féodal se met déjà en place, dissolvant politique pour certains, usurpation de pouvoir pour d’autres. On dispose pour suivre l’évolution de cette époque de nombreux témoignages d’auteurs qui, parfois entrent dans le détail de la gestion : ainsi Caton (200 ans avant Jésus-Christ) qui décrit avec précision les fonctions d’agent de maîtrise.

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En Grèce, Xénophon, l’un des élèves préférés de Socrate,

écrit l’Anabase qui, en racontant la campagne de Cyrus

contre Artaxerxés et la « retraite des 10 000 » (400 ans

avant Jésus-Christ) donne de précieuses indications sur

l’organisation d’une armée en campagne et sur les

différents modes de commandement -parfois

démocratiques- appliqués dans l’armée grecque.. Dans sa

« République », Platon trace les premières esquisses

d’une science économique et pose la spécialisation comme

source du rendement.

L’organisation et le management au Moyen-Age

On peut considérer, en occident, que la notion d’Etat est absente pendant la période allant du Vè au Xè siècle. L’ordre romain étant détruit, un nouvel ordre parvint à s’établir en cinq siècles : l’un spirituel, la foi chrétienne, l’autre temporel, la féodalité fondée sur la puissance de l’homme de guerre. Le système mis en place consacrait l’importance des relations humaines.

L’exploitation du sol -le modèle domanial- a marqué toute la première partie du Moyen-Age. Il semble être le résultat de problèmes d’exploitation posés au maître par un esclavage en déroute et des possessions dispersées et l’on observera plusieurs solutions, notamment en Gaule du Nord. Stabilisé, le système durera quatre siècles : l’idée, assez répandue, d’anarchie féodale est sans doute fort exagérée : l’autorité, dans ces espèces de principautés, était d’autant plus réelle et efficace qu’elle correspondait aux structures sociales, techniques et mentales de l’époque. Bien qu’on puisse se représenter cette période comme un ensemble d’entités socio-économiques produisant, avant tout, les denrées nécessaires à leurs propres besoins, le féodalisme n’a pas empêché les échanges commerciaux : l’époque en a connu de très importants. Dès le XIIè siècle, l’Europe Occidentale était parvenue au stade de la consommation indirecte et ce, pour deux raisons : • d’une part, grâce à l’amélioration des conditions de production

agricole et à l’extension des zones cultivées qui créaient des surplus en nature qui, pour être rentables, devaient être vendus,

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• d’autre part, du fait du développement concomitant des villes qui abritaient les artisans prêts à acheter ces denrées.

Une nouvelle classe de marchands se formait ainsi ayant principalement deux origines : ce pouvaient être des agents du seigneur (ou ses paysans) qui représentaient ses intérêts ou qui s’installaient à leur propre compte et les agents des commerçants spécialisés. Au fur et à mesure que les villes grandissaient, elles offraient aux paysans une possibilité nouvelle d’emploi, même précaire, tout en contribuant à une modification importante des rapports au sein des domaines seigneuriaux : les villes, fortes de leur importance et de leur nouveau rôle économique, eurent vite assez de puissance pour se doter d’une organisation particulière : les Communes ou les Franchises.

L’organisation comme les rapports entre les différentes parties prenantes du régime féodal ont, paradoxalement, des résonances très modernes, à une époque où des formes très variées de maillage, d’artisanat plus ou moins intégré à l’entreprise se développent.

L’organisation et le management à la période moderne

Le XV° siècle est marqué par l’arrivée au pouvoir de Louis XI en France, d’Isabelle de Castille en Espagne et de Henri VII en Angleterre qui, tous, rétabliront l’ordre intérieur. Cette convergence de l’arrivée d’un pouvoir central fort n’est pas du au hasard : des innovations de la plus haute importance modifient profondément les rapports entre individus et pouvoir central, donnant à celui-ci la possibilité, la nécessité d’agir comme entrepreneur, régulateur, médiateur…Il en fut ainsi pour la généralisation de l’imprimerie(dont on ne dira jamais assez l’importance), les modifications de la forme des bateaux(les caravelles) et les instruments de navigation(astrolabe…), les armes à feu bien utiles pour favoriser le commerce… L’Etat, c’est désormais un roi dont la légitimité est de nouveau forte, une bureaucratie chargée de la gestion du royaume et, enfin, divers corps consultatifs que le pouvoir met en place pour être assisté dans l’établissement et l’application de la législation fiscale. Le nouveau système est fondé sur un mécanisme de marché international fonctionnant avec l’aide de l’Etat sans que ce dernier en ait véritablement le contrôle.

Trois conditions ont été nécessaires à cette évolution : • un agrandissement du monde géographique concerné,

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• la mise au point de méthodes de travail et de contrôle de ce travail, différentes selon les types de production et les régions,

• la mise en place d’appareils étatiques puissants. Le Portugal a joué un rôle pionnier dans cette évolution. C’est le développement urbain qui permettra les premières manifestations du capitalisme, en premier lieu sous une forme commerciale. On les voit apparaître essentiellement dans deux régions économiquement favorisées : les Flandres et l’Italie du Nord. Le commerce maritime avec l’Orient a doté les républiques italiennes d’une grande masse de capitaux et les Pays-Bas ont été l’un des principaux entrepôts entre l’orient et l’Europe du Nord.

L’organisation nouvelle, qui annoncera plus tard la grande industrie, est de type « industrie domestique » caractérisée par l’importance des corps de métier et la parcellisation des unités de production. Les artisans, surtout dans les métiers de l’alimentation, du bâtiment et du vêtement disposent eux-mêmes de leurs moyens de production. Ils travaillent seuls ou avec un ou deux compagnons et vendent directement leur production. Le régime corporatif -l’organisation des communautés de métier- tend à maintenir l’artisan dans une situation assez humble, en s’opposant à la concurrence, en limitant le nombre d’apprentis et en assurant à tous la main d’oeuvre mais en quantité limitée. Dans l’immense majorité des villes, les corporations ont maintenu le régime de la petite industrie. C’est en tout cas dans ce contexte de structuration des métiers que vont, petit à petit, se développer les premières industries. Pourtant, s’il existe quelques entreprises que l’on puisse qualifier de privée, elles sont largement soumises au contrôle et à la réglementation étatique.

Le plus curieux est que, pendant cette période d’initialisation, l’idéologie dominante n’était pas celle de la libre entreprise ou de l’individualité. L’idéologie est celle de l’étatisme ou de la Raison d’Etat. Sauf peut-être aux Pays-Bas (les Provinces Unies), cette omniprésence de l’Etat intervient selon deux schémas tout à fait différents : • soit, il s’agit de protéger les commerçants et les producteurs et de

créer des conditions favorables à leur développement, • soit, il s’agit, de façon résolue et autoritaire de créer une industrie. Ces deux schémas simplifiés peuvent être ceux qu’ont connu respectivement les villes italiennes et la France de Colbert.

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Cependant, au-delà de ces différences, l’exigence croissante d’une production de masse, le recours à un salariat important mais varié quant à son statut, nécessitent pour l’Italie comme pour la France la mise en place d’une organisation et d’une gestion des hommes complexes.

Le modèle vénitien

Venise avait bâti sa renommée sur son commerce avec

l’Orient dont elle avait le quasi-monopole. Ce commerce

s’effectuait par voie maritime. Très rapidement les

marchands décidèrent de construire leurs propres navires,

en plus d’être armateurs.

Pendant quelques 150 ans, la construction navale fut

l’apanage des maîtres-artisans aidés de leurs compagnons

: cette forme plutôt inefficace (manque de capitaux,

incapacité à suivre le rythme de la demande,...) n’a

rapidement plus répondu aux exigences des marchands.

Après être intervenu en donnant des aides aux

constructeurs, l’Etat est devenu lui-même producteur en

créant l’Arsenal qui compta rapidement 2000 ouvriers.

L’organisation était assez souple mais semblait suffisante.

Des agents de l’Etat avaient pour tâche de transmettre les

ordres du Sénat à l’Arsenal. Le Sénat avait même créé des

commissions consultatives pour résoudre certains

problèmes d’importance : elles avaient une mission de

type stratégique. La gestion était assurée par des

conseillers politiques.

Le processus de production était divisé en trois

départements :

• le premier avait la charge de la construction de

l’infrastructure du navire,

• le second, la mise en place des planches sur

cette infrastructure,

• le troisième, la finition.

Dans les deux premiers travaillaient des maîtres-artisans,

encadrés dans une forte organisation corporative. La

puissance de cette dernière faisait que, d’une part, le

Sénat leur avait maintenu certains privilèges liés à leur

métier (par exemple, le droit de garder les retailles de

bois pour leur usage personnel), et, d’autre part, que ces

artisans profitaient de leur corporation pour tenter de

travailler moins durement. Il en résultait une discipline

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assez relâchée. Les contremaîtres et les superviseurs que

le Sénat avait essayé de mettre en place étaient mal

acceptés, les artisans ne reconnaissant que la compétence

technique.

Les essais de standardisation des tâches furent peu

nombreux. Il est intéressant de constater que c’est dans le

troisième département, celui où les artisans étaient les

moins nombreux, que l’organisation était la plus

structurée.

Le problème de la gestion comptable s’est très vite posé.

Curieusement, pour ce concerne les stocks de bois, si

essentiels pour une telle industrie, le laisser-aller était la

règle. En revanche, le système comptable, au sens strict,

était très développé : un italien du nom de Pacioli an avait

établi les grands principes.

Pendant la même période, dès le XV° siècle, en Italie du Nord, les familles marchandes avaient recours à des manufactures disséminées dans les provinces (F. Braudel, 1984), tout comme Benetton cinq siècles plus tard. Au XVI° siècle, lorsque les coûts de la main d’oeuvre locale devinrent trop élevés, les familles firent appel à de la main d’oeuvre étrangère venant de Grèce, de Chypre et de Dalmatie, voire des Flandres et d’Angleterre où la main d’oeuvre était meilleur marché et la réglementation plus souple.

Les chantiers navals de Venise représentaient le plus grand ensemble industriel du monde à cette époque. Ils savaient distinguer les coûts (fixes, variables, extraordinaires), tenir une comptabilité matières et financière et des inventaires. La productivité reposait sur la spécialisation. A peu près à la même époque, lors d’une guerre contre l’Angleterre, les chantiers navals hollandais pouvaient produire un vaisseau par jour, si on leur donnait trois mois pour s’organiser, ce qui n’est pas sans rappeler la performance des chantiers Kaiser qui lançaient un liberty ship en cinq jour pendant la seconde guerre mondiale.

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Le modèle français

Sous Colbert (entre 1660 et 1690), l’intervention de l’Etat dans les affaires économiques était justifiée par la volonté de créer une industrie en France. Colbert était persuadé que seul l’Etat était capable de rétablir la grande industrie. Les particuliers n’étant pas en mesure d’avancer les capitaux nécessaires à la création des manufactures, l’état devait s’en charger.

Par le jeu des concessions de monopoles de fabrication, l’Etat se donnait les raisons d’intervenir, en particulier par voie réglementaire, pour lever toute incertitude quant aux approvisionnements et aux débouchés. De leur côté, les ouvriers devaient se soumettre à des codes de conduite précis : Colbert avait mis au point un système de contrôle de leur application. Au sommet de la pyramide se trouvait le superintendant-général, c’est-à-dire le ministre même.

Il nommait les inspecteurs qui avaient pour mission de veiller au travail dans les manufactures et de surveiller les gardes et jurés chargés de faire appliquer les règlements par les Municipalités où étaient situées les fabriques. Les intendants devaient régler les conflits entre inspecteurs et gardes et renseigner le pouvoir sur l’état des manufactures. Tout était prévu et planifié par des règlements trop nombreux pour permettre une quelconque initiative personnelle en cas de problème. Il fallait dans ce cas remonter au niveau le plus haut de la hiérarchie (celui de Colbert) qui récrivait le règlement pour tenir compte de la nouvelle situation. Ce système, très lourd, freinait toute évolution.

L’objectif du producteur n’était pas la production à faible coût mais celui d’une production de très haute qualité. Les ouvriers étaient surtout des artisans, payés cher et à qui l’emploi était presque garanti à vie. Ce nouveau mode de production, mal admis par les maîtres-artisans travaillant en usine -lieu clos auquel ils n’étaient pas habitués et soumis à un contrôle strict- n’a pas facilité les relations sociales de sorte que de nombreuses grèves éclatèrent. Le système s’effondra assez rapidement sans que l’on sache trop si la cause de la chute était la surprotection de l’Etat, le manque de dynamisme des producteurs ou l’indiscipline des ouvriers.

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A la même époque, l’organisation de « La Ferme » générale par Sully et Colbert pour collecter les impôts avec efficacité peut être considérée comme un exemple dont on peut noter la modernité.

Très centralisées, strictement stratifiée, les administrations des impôts indirects de l’Ancien Régime correspondent tout à fait à ce que M. Crozier appellera le modèle bureaucratique français.

Dans un autre domaine, celui des fortifications et des grands travaux, il est intéressant de rappeler, qu’au XVIII° siècle, Vauban recommande de clarifier la raison d’être d’un projet, de procéder à un diagnostic de la situation, d’élaborer des plans d’actions, de budgéter à partir des crédits alloués, d’exécuter et de contrôler : avant l’heure, c’était déjà Fayol. Il conseille de « rémunérer les ouvriers non au temps mais d’après le volume de terre enlevée et la nature du terrain. En France toujours, Jacques Savary publie en 1675 « le parfait négociant » qui indique à celui qui investit dans les usines de production trois stratégies possibles : • soit, se lancer dans une production courante, • soit inviter une fabrication étrangère, • soit créer un produit nouveau. Il décrit les emplois et identifie les compétences associées en notant que l’évolution des moeurs crée beaucoup de soucis au manager : « Les apprentis devraient aussi suivre la bonne et ancienne coutume d’aller les dimanches à la messe de paroisse avec leurs maîtres. Cela se pratiquait par tous les négociants il n’y a pas encore 30 ans; mais la plupart des maîtres d’aujourd’hui se sont relâchés, parce que la plupart sont aussi libertins que leurs apprentis, aussi ne faut-il pas s’étonner des désordres qui arrivent journellement dans le commerce.

Colbert s’inspira de la visite de Henri III aux arsenaux de Venise en 1574 pour monter une formidable opération de propagande : l’arsenal de Toulon devait construire un vaisseau en 7 heures, d’où une très remarquable organisation avec des notes de management, une mesure des temps, des modes opératoires et une description de postes.

Les leçons de l’histoire en matière d’organisation

L’analyse historique des méthodes d’organisation et de management permet de prendre conscience du fait que les rapports d’autorité et la forme des structures mises en place diffèrent selon le contexte plus ou moins complexe dans lequel ils s’établissent.

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Toutes choses égales par ailleurs, ce contexte permet souvent d’expliquer pourquoi et comment les différents systèmes ont pu résister ou ont échoué.

Une organisation se maintient quand un système de valeurs et d’identification des relations sociales est clairement identifié. Le chef se donne des titres et sa nomination, ou son investiture, sont entourées d’un cérémonial qui permet de l’identifier comme tel : Napoléon se fit nommer empereur en mémoire de César et de Charlemagne. La période féodale a pris fin, en tant que principe social, quand les nécessités de la guerre ont imposé une réforme de la tactique et de l’armement. Les paysans furent regroupés en milices et encadrés par des généraux que le roi ou l’empereur nommait en personne : c’est cette centralisation de la force armée qui a permis l’affirmation de la notion d’Etat.

L’élément moteur du développement économique qu’a représenté la bourgeoise en Occident était, en Chine, presque entièrement consacrée à la défense et au maintien de traditions et de valeurs ancestrales.

L’évolution de la science de l’organisation et du management montre combien les méthodes de gestion, pour élaborées qu’elles soient, deviennent peu satisfaisantes lorsqu’elles n’intègrent pas le nouveau contexte. Déjà, Sun Tzu insistait sur la nécessité, pour le guerrier, de s’adapter aux facteurs déterminants de l’environnement.

A NOTRE AVIS

L’approche historique de l’organisation met en évidence

quelques caractéristiques communes aux différentes époques et

aux groupes évoqués, comme par exemple :

• la spécialisation qui procure l’efficacité,

• l’existence d’un chef, d’un leader organisant le groupe,

• la nécessité d’avoir une vision ou une mission pour sceller le groupe,

• le rôle, ou la nécessité, d’un Etat pour engager de grands

travaux, avec des modalités d’intervention fort différentes

selon le contexte, avec souvent des dérives bureaucratiques ;

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l’état se prenant en quelque sorte au jeu, diminuant de ce fait

l’initiative individuelle.

• Les changements organisationnels et politiques forts ont

toujours été provoqués par les ruptures entraînées par des

innovations qui nécessite généralement la mise en place et

l’intervention d’un pouvoir fort.

• Ce pouvoir central a très vite pris deux formes différentes :

-soit l’état prenait directement en compte l’application des

innovations (les grandes fabriques de Colbert)

-soit l’état considérait que son rôle devait de limiter à faciliter

la dynamique des entrepreneurs privés(globalement,

l’approche anglo-saxonne)

Beaucoup ont vu derrière ces orientations fort différentes et

qui allaient marquer pour longtemps les politiques

économiques et sociales des états une différence d’origine

religieuse(Max Weber) entre les catholiques et les tenants de

la réforme.

De la révolution industrielle à nos jours, il est d’un grand intérêt

de constater combien ces caractéristiques conservent, au-delà

des chocs technologiques, leur permanence.

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LA REVOLUTION INDUSTRIELLE :

L’ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU

TRAVAIL, L’ECOLE CLASSIQUE. L'école dite classique 1 désigne l’ensemble des approches qui, à la suite des théories de Taylor ou Fayol, ont étudié l'organisation des entreprises en se référant à un certain nombre de principes. Le principe hiérarchique qui décrit l'entreprise comme une succession d'échelons, dont le niveau supérieur détient l'autorité qui se décline dans les échelons subordonnés par délégation : « l'autorité descend par une ligne continue et nette, une échelle bien définie de postes » (B. Lussato, 1977) Le principe de l'unité de commandement, énoncé par FAYOL, qui subordonne l'autorité fonctionnelle à l'autorité hiérarchique, contrairement à TAYLOR qui soutient la seule autorité de compétence.

Le principe d'exception, très proche du principe de subsidiarité, selon lequel les tâches habituelles ou routinières (programmées) doivent être.confiées au niveau le plus bas, seules remontant au supérieur hiérarchique les tâches exceptionnelles. L'optimisation de l'éventail de subordination, c'est-à-dire la recherche du nombre optimum de subordonnés qui délimite le pouvoir hiérarchique et l'importance de la délégation: un éventail étroit conduit à des structures bien coordonnées et étroitement contrôlées, réputées efficaces mais peu propices à l'initiative alors que des structures dites plates demandent des hiérarchiques de qualité et stimulent la créativité. Le principe de la spécialisation organisationnelle appliqué par TAYLOR à l'organisation des postes de travail et sujet de nombreuses discussions par la suite. L’application d'une méthode scientifique qui s’inspire de la méthode expérimentale de Claude Bernard.

Comme on le voit, il ne s'agit pas simplement d'une théorie sur l'organisation du travail - vision réductrice fréquente du Taylorisme- mais une approche globale de l’organisation de la firme.

1 Ainsi nommée par de nombreux auteurs anglo-saxons

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Certes, il y eut de nombreux précurseurs qui ont constaté l’efficacité d'une organisation scientifique du travail. Sans aller chercher des exemples dans l'antiquité, nous mentionnerons les travaux de Ricardo et surtout d‘Adam Smith. Celui-ci, dès 1776 décrit l'exemple devenu célèbre de la manufacture d’épingles où des ouvrières, par une spécialisation des tâches (concept de postes successifs le long du processus de production) produisent relativement beaucoup plus qu’avec une production effectuée par des individus travaillant de façon autonome. La révolution industrielle, en environ un siècle ( XIXe et début du XXe siècle ) a intégré 3 grandes innovations majeures que furent la machine à vapeur, l'électricité ainsi que les télécommunications. Ces innovations allaient permettre la création et le développement des grandes entreprises fondées d'une part sur une forte concentration de capital fixe entraînant une intégration sociale poussée, et d'autre part sur l'écoulement de produits sur des marchés importants et souvent lointains, permettant ainsi la naissance de la grande entreprise. La rentabilité du capital investi, tributaire du profit d'exploitation, exigeait une organisation efficace dont une des caractéristiques devait être l'accroissement de la productivité (et pas seulement de la production) La rentabilité supplémentaire devait servir non seulement à rémunérer le capital mais aussi à accroître les rémunérations donc le pouvoir d'achat du personnel, déclenchant ainsi le cercle vertueux du développement. Observant et étudiant le travail et l'organisation, les chercheurs, consultants, entrepreneurs qui ont mis en oeuvre cette révolution industrielle avaient une démarche "scientifique", assimilant le management à une science comparable à celle de l'ingénieur. La dimension privilégiée pour l’étude du travail était le temps, la réduction du temps passé à une fabrication étant créateur de productivité. Par l'étude et le chronométrage des gestes (l‘œuvre des techniciens), on doit arriver à mettre en évidence la meilleure façon d'agir (the one best

way)

Celle-ci consiste à simplifier, spécialiser le plus possible le travail des opérateurs (l'origine des O.S.), créant pour chaque mini transformation un "poste", unité élémentaire organisationnelle, dont la description permettra d'exprimer les compétences nécessaires à sa maîtrise. Il suffira alors de faire coïncider caractéristiques du poste et des hommes pour obtenir, avec un minimum de formation, l'efficacité souhaitée. Tout homme peut ainsi trouver une place, sa place dans l’entreprise (quel que soit éventuellement son handicap) La socialisation de la Société était

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lancée. Certes "la paresse naturelle des ouvriers à produire", c'est-à-dire, "la tendance de tous les hommes à la paresse et à une flânerie systématique due au non-intérêt des ouvriers à produire"2 va nécessiter la mise remplace de système de motivation, essentiellement des primes ou des salaires élevés (alors même que les employeurs ne cherchent que les bas coûts de production) En France, Henri Fayol, ingénieur, Directeur général de la grande entreprise Commentry-Fourchambault-Decazeville, fort d'une vie d'expérience, écrivait à 75 ans, sans doute un des plus importants ouvrages de la littérature du management jamais produit « Administration industrielle et générale » (1916) Si à première vue, l’approche globale est fondée sur les mêmes constatations que l'Ecole américaine, la réflexion organisationnelle, manageriale va beaucoup plus loin. Au-delà de la dimension technique, il s'efforce de démontrer que l'administration des entreprises, le management passe par la maîtrise de quelques activités clés comme :

• Commerciales (achat, vente, échange) • Financières (recherche et gestion des capitaux) • Sécurité (protection des biens et des personnes) • Comptables (inventaire, bilan, prix de revient...) • Administrative ou de direction (prévoyance, organisation,

commandement, coordination, contrôle) • Et bien sûr, technique.

Chaque poste est appelé à mettre en oeuvre une combinaison de plusieurs fonctions ; les postes étant très chargés en fonctions administratives(managériales) On imagine facilement le succès qu’à pu connaître ce type d'apport, en particulier aux Etats-Unis où l'enseignement de la gestion s'est inspiré plus ou moins totalement des concepts développés par Fayol (en France, les IAE - Institut d’Administration des Entreprises- ont repris presque littéralement dans leur intitulé le titre de l'ouvrage de Fayol) Ces concepteurs de l'organisation industrielle ont eu de très nombreux disciples. Quelques-uns uns ont surtout retenu ou développé l'aspect productiviste allant jusqu'à négliger la dimension morale des fondateurs.

2 Taylor: Principles of Scientific Management, 1911

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Certains nous accompagnent encore tous les jours comme Gantt qu’aucun logiciel de gestion de projet ne peut ignorer. Parmi les nombreux développeurs ou disciples, on peut retenir Gilbreth, Bedeaux, Koonts, O’Donnel, Rimailho, Gulick, Urwick, Mooney, Brech… L'organisation décrite par Max Weber est un des développements intéressants de cette époque. La dimension rationnelle, fondée sur des normes, des procédures, des compétences, sans préférence personnelle apporte à chacun efficacité et liberté (en dehors du travail) Remarquons que dans ce type d'organisation, défend Weber, il est utile que se développe une attitude morale particulière, comme celle apportée par la religion protestante, avec sa croyance en une rédemption fondée sur une activité créatrice sur terre. On connaît les très vives critiques que les sociologues, psychologues, chercheurs (en particulier l‘Ecole des Relations Humaines) feront à cette école classique ; en particulier, l’approche toujours sommaire de la physiologie du travail (on ne s'intéresse qu'à la fatigue), l'absence des composantes psychologiques et sociologiques du travail ; en résumé, le peu de cas attaché à la dimension humaine de l'entreprise et à l'épanouissement des individus. La réaction des syndicats, un peu curieusement, fut contrastée entre les syndicats américains fortement opposés (crainte du chômage dû à l'amélioration de la productivité, détournement du profit au seul bénéfice des patrons) et les syndicalistes européens, du moins pendant la première moitié du XXe siècle, beaucoup plus nuancée( les salariés allaient pouvoir, en s’appuyant sur des données objectives, demander leur part de l’augmentation des richesses produites) L'adoption par Alexei Stakhanov, en Union soviétique d'une méthode hautement productiviste (au grand mécontentement des syndicalistes soviétiques férocement réprimés), apporta, en partie, un prolongement. Les points de vue de Léon Jouhaux (fondateur de la CGT), de Jaurès ou Clemenceau voyaient dans le principe de productivité mesurée rationnellement - pour peu qu'on contrôle l’application - un moyen d'obtenir une diminution du temps de travail et/ou un salaire accru. Toutes les fois que le travail ou la "production" est directement lié au temps passé sur un poste et à l'organisation de celui-ci (importance des gestes), l'organisation scientifique du travail a tendance à subsister sur une forme ou sous une autre. Mais avec le développement du savoir, de l'innovation, du travail en équipe (groupe projet), avec l’exigence d’une équité sociale, de la RSE, l'Ecole classique perd beaucoup voire

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totalement de sa pertinence ; de nouveaux modèles d'organisation sont nécessaires pour venir, en complément ou en substitution, assurer la performance de l'entreprise.

A NOTRE AVIS

Les théories et pratiques de l’offre classique sont liées au développement

de l’ère industrielle qu’elles ont largement favorisée. Elles ont

longtemps rencontré l’adhésion des entrepreneurs et, paradoxalement,

du moins en France, celle des syndicalistes.

L’efficacité de ces méthodes pour la maîtrise et l’amélioration de la

productivité ont été telles qu’elles ont été adoptées dans pratiquement

tous les pays du monde, lors de la mise en place de l’industrie moderne.

Plus, lorsque, sensible aux critiques, les entreprises ont partiellement

abandonné ces approches, elles se sont empressées-souvent sous la

pression des états – de les reprendre lors des conflits du 20° siècle.

Enfin, dans les pays émergents rares sont ceux qui ont pu court-circuiter

cette phase taylorienne, comme s’il s’agissait d’une espèce

d’apprentissage, de période transition dont on ne savait faire

l’économie.

Elles expliquent aussi pour beaucoup la naissance et le succès du

concept de classes sociales à la même époque

Encore en vigueur dans divers pays en plein développement

économiques, ou co-existant avec d’autres approches, elles sont,

malheureusement, à l’origine de nombreuses dérives désastreuses sur le

plan social qui ont amené, par contrecoup l’apparition des courants de

pensée tenant davantage compte des individus au travail.

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L’ECOLE EMPIRIQUE OU NEO-

CLASSIQUE De façon pragmatique, au moment les grands fondateurs-propriétaires des empires industriels du 19°siècle cédaient progressivement la place aux dirigeants salariés, ceux-ci, de façon pragmatique plus qu’idéologique créent l’Ecole néo-classique, dite aussi empirique, en s’efforçant de réaliser une synthèse des écoles précédentes :

• de l’Ecole classique, ils retiennent la valeur d’une approche scientifique,

• de l’Ecole des Relations Humaines, la place donnée à l’homme et l’intérêt de sa motivation. Le management est la fonction sociale la plus importante de l’entreprise (P. Drucker) Beaucoup de fondateurs de la grande industrie moderne peuvent être considérés comme exemplaires au regard de l’histoire des organisations. Il en est ainsi, parmi bien d’autres, de Cordivier (General Electric), de Watson (IBM) et de Sloan(General Motors)

L’Ecole néoclassique recouvre deux grandes périodes :

• celle des théories managériales visant à la coordination des activités dans une démarche essentiellement pratique, derrière A. Sloan,

• l’Ecole néoclassique proprement dite dont les propositions les plus connues sont la Direction par objectifs (P. Drucker et O. Gélinier) et l’excellence (T. Peters et R. Waterman)

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La base de cette Ecole empirique est le concept de « décentralisation coordonnée » D’une part, on ne saurait rejeter le concept de postes (unité élémentaire de transformation), base de toute organisation, définissant pour chacun ce que la structure attend de lui en terme d’activités et de résultats. Mais d’autre part, pour obtenir une motivation et implication fructueuses, il vite apparu nécessaire de donner du pouvoir, des degrés de liberté aux travailleurs et à l’encadrement. D’où l’apparition des centres de profit, de la décentralisation des activités, de la divisions(produits, marchés, géographie…), le tout étroitement coordonné, contrôlé par le contrôle de gestion mais aussi par un corps externe d’auditeurs rendant compte directement à la direction générale. Ce qui donne l’unité à cet ensemble, c’est d’abord le budget, somme de toutes les prévisions de chacun des sous-ensembles ; ce sont ensuite les objectifs individuels et collectifs, source du système de récompense mais également garant du respect du budget. La Direction générale progressivement mettra en place une animation matricielle (par exemple, fonctions/ produits ou produits/marchés) animant directement las fonctions qu’elle considère comme stratégique comme les achats, la finance, la recherche…( le fameux « think globally, act locally »reste encore aujourd’hui un des piliers de cette animation de la firme)

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A NOTRE AVIS

Les tenants des courants néo-classiques se signalent par

l’empirisme de leur démarche qui leur a permis de s’approprier

les éléments méthodologiques et les outils à la base des « success stories » de leurs devanciers et d’obtenir ainsi des résultats

remarquables.

Le profit, dans une telle firme devient à la fois l’objectif principal

et la conséquence d’une structure, sorte de compromis entre une

décentralisation et une forte coordination.

Ce modèle empirique va progressivement devenir la règle de

fonctionnement des firmes internationales et celui qui est

enseigné dans les business schools du monde entier : ces Ecoles

qui continuent de former les étudiants et cadres à la maîtrise des

fonctions(Fayol) tout en utilisant des techniques

« décloisonnantes », comme l’étude des cas, le travail en groupe.

Toutefois, sous la pression de l’internationalisation non

seulement des marchés mais des capitaux, la cohésion sociale

voire la socialisation chère à Taylor a tendance à s’effacer pour

privilégier une gouvernance fondée sur une norme de profit qui

conduit les dirigeants à un management de court terme ou tout

au moins à privilégier le maximum de flexibilité, pas toujours

compatible avec le respect de la dimension humaine et plus

généralement avec un discours fondé sur la responsabilité

sociale et environnementale.

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PROSPECTIVE : REALITES ET TENDANCES

Depuis la mise en place du plan Marshall, le développement des multinationales et des Business Schools…, un certain nombre de concepts, méthodes ou outils ont été progressivement adoptés par la grande majorité des firmes ou des Organisations. Mais la nouvelle révolution technologique (les NTIC), les changements environnementaux(la mondialisation) avec l’apparition de nouvelles exigences sociales…permet d’imaginer des dimensions managériales nouvelles. Ce sont ces éclairages sur le management actuel ou futur que nous allons décrire sommairement. LA REMUNERATION Au-delà des obligations légales et conventionnelles, la politique de rémunération illustre le système de valeurs de l’entreprise en raison des choix effectués quant aux critères utilisés pour la mettre en place. Ces critères sont nombreux et parfois antinomiques :

• la contribution du salarié à la performance de la firme. Cette contribution peut être immédiate, différée (selon son potentiel), indirecte (selon ses comportements) ; elle est sujette à l’impact des phénomènes de rareté, aux éléments sociaux comme l’âge, la carrière, à la sécurisation (famille, retraite, prévoyance), aux indemnités en fonction des conditions de travail ;

• l’équité interne nécessaire fondée sur le vieux principe « à travail égal salaire égal » souvent transformé en « à résultat égal salaire égal » auquel s’ajoute la volonté de parité homme/femme ;

• la compétitivité externe de l’entreprise pour attirer et fidéliser les meilleurs éléments ;

• la stratégie générale de l’entreprise. Comme tout outil de gestion des ressources humaines, la rémunération s’efforce de concilier deux objectifs apparemment contradictoires eux aussi : la différentiation des salariés (selon les métiers, les responsabilités, l’implication ou la performance

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individuelle) et l’intégration dans l’entreprise qui implique une certaine unité du traitement des individus. Elle peut revêtir plusieurs aspects et être directe (le salaire proprement dit), indirecte (la participation, l’intéressement, les avantages en nature), variable ou conditionnelle, selon les résultats de l’entreprise. De plus en plus se répand la notion de rémunération globale. Les augmentations peuvent être individualisées ou générales : une tendance lourde semble être une individualisation des rémunérations. La rémunération globale dépasse le seul aspect du salaire et des primes diverses (dont les commerciales) pour tenir compte d’autres éléments importants comme la volonté de minimiser l’impact fiscal et celle de maximiser les « benefits » : pour de nombreux salariés, le « comment » est souvent aussi important que le « combien. C’est ainsi que l’entreprise pourra rémunérer :

• le lieu et les frais d’habitation pris en compte avec ou sans forfait ;

• des éléments de protection sociale (retraite et mutuelle complémentaire, prévoyances diverses, …)

• les congés, vacances, etc. ; • la voiture, le téléphone et l’ordinateur portables ; • la mise à disposition de cartes de crédit,…

Le développement de la rémunération globale repose sur une approche financière et fiscale évidente : le salarié perçoit de fait souvent un montant bien supérieur au seul salaire . Par ailleurs se met en place-certes timidement- des politiques de cafeteria plan c.a.d. de rémunération à la carte.

La rémunération des compétences(voir ci-dessous la gestion des compétences)reste un problème récurrent qui ne trouve pas, actuellement, de réponses réellement satisfaisantes. La nécessité de les rémunérer est maintenant clairement admise et ce pour de nombreuses raisons :

• la plasticité actuelle des structures et des organisations a un impact sur la nature des emplois, la variété et la complexité des missions et les modifications des contenus des postes.

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Les pratiques de rémunération fondées sur des classifications trop précises comme le sont celles des conventions collectives des années 1970 souvent encore en cours ne sont plus compatibles avec ces mutations ;

• la pression exercée par les souhaits de carrière des salariés entraîne souvent un développement des compétences qu’ils détiennent : ils entendent bien tirer avantage de leur recherche d’une progression de leur maîtrise dans leur métier ;

• les évolutions technologiques débouchent fréquemment sur la création de postes de spécialistes non identifiés dans les classifications ;

• la seule rémunération de l’emploi pilotée en termes de contrôle de gestion, est très rigide : elle ne tient pas compte des potentiels des individus et, de ce fait, peut être stérilisante même à court terme.

Les modalités de rémunération des compétences doivent apporter une réponse aux nombreuses questions qu’elle pose et faire l’objet de communication et de formation pour accompagner une mise en place qui heurte encore beaucoup. Plusieurs questions doivent en effet être résolues :

• quelles sont les compétences visées (ce qui suppose l’existence d’un référentiel précis, accepté et à jour) ?

• quels sont les liens à valoriser entre les éléments de rémunération (fixe ou variable) et la détention de compétences ?

• quel niveau d’intégration dans l’espace (compétences individuelles ou d’équipe) et dans le temps (lié au métier, au poste) doit être pris en compte ?

• quels outils de mesure et modalités d’appréciation doivent être développés et acceptés par tous les intéressés ?

LA GESTION DES COMPETENCES

Selon l’OCDE, la France consacre moins de 8 000 dollars par an à chacun de ses étudiants, contre 9 500 pour un étudiant anglais, un peu plus de 10 000 pour un étudiant

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japonais ou allemand, 18 000 pour un étudiant suisse et 19 000 pour un étudiant américain.

La pertinence d’une approche par les postes –approche encore très utilisée et pas seulement dans les activités de transformation-est de plus en plus inadaptée aux knowledge workers et plus généralement aux nouvelles formes d’organisation : d’où le développement rapide de la prise en compte des compétences comme outil de gestion ou d’organisation. L’activité de travail est le moyen le plus sûr pour parvenir à identifier les compétences requises par tel ou tel poste de travail : les compétences se voient dans l’action. Toutefois, le risque de masquer les compétences cognitives mobilisées (les savoirs) rend nécessaire de décomposer les activités en capacités, savoirs, conditions de réalisation, etc. Il faut donc distinguer les savoirs ou compétences cognitives transférables et mesurables, les savoir-faire, les comportements appréciables et prédictifs de potentiels et les traits de caractère perceptibles s’ils sont stables et porteurs de développement des compétences. Les compétences sont appréhendées par niveau. Il en existe au minimum trois (de base, détaillé et approfondi) Mais en général elles le sont sur 4 à 5 niveaux. Elles évoquent la notion d’aptitude : les aptitudes sont constituées par un ensemble de qualités et de capacités attachées à un individu pour remplir des tâches spécifiées. Il s’agit d’un stock déterminé de capacités intellectuelles et de caractéristiques de comportement. Les aptitudes individuelles sont un élément de l’analyse et du repérage des potentiels. LA GESTION DU TEMPS, LE TEMPS DE TRAVAIL La durée du temps de travail, sa répartition, sa gestion constituent un ensemble de préoccupations des plus sensibles pour les gouvernements, les employeurs et les salariés. Elles sont à l’origine d’une forte production législative et réglementaire et ont donné et donnent encore lieu à la signature de très nombreux accords d’entreprise.

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Facilité répondant aux nécessités de plusieurs modes d’activité, notamment saisonnière, l’annualisation de la durée du travail prévoit des alternances de durées hebdomadaires variables et de périodes travaillées ou non. Parallèlement au développement de la réduction du temps de travail( lois de Robien et Aubry sur la réduction du temps de travail) qui constitue une revendication récurrente des syndicats, la répartition de ce temps demande une attention particulière. En effet, à la demande des entreprises comme à celle des salariés, le temps de travail peut n’être que partiel : on parlera alors de temps partiel subi et de temps partiel choisi. Ce temps partiel peut être annualisé (inférieur à la durée légale qui a été fixée conventionnellement) Les « lois Aubry », dites aussi des « 35 heures », ont mis en lumière l’importance sociale, politique et économique du temps de travail et de sa gestion. Elles étaient fondées sur deux idées force : d’une part, l’accroissement de la productivité permettrait de diminuer la durée des temps de travail et, du coup, d’augmenter les temps libres des salariés, donc la qualité de la vie et, d’autre part, cette même réduction du temps de travail des uns permettrait de donner du travail aux autres et, de la sorte, de lutter contre le chômage grâce au « partage du travail. Pour de multiples raisons, elles ont déclenché des polémiques présentes pour longtemps dans le paysage socio-économique français. Leur mise en œuvre s’est avérée complexe, leurs fondements théoriques controversés et leurs implications souvent pénalisantes pour les firmes françaises. Ne concernant que les entreprises de plus de 20 salariés, les « 35 heures » ont introduit des distorsions importantes dans la population des salariés : c’est ainsi que pendant de nombreux mois ont cohabité plusieurs SMIC différents. Alors que le coût du travail augmentait de 11 % dans les organisations concernées, les gains de productivité n’ont que faiblement compensé ce surcoût tout en engendrant, de l’avis général, un stress supplémentaire et justifiant, au moins dans le discours patronal, de nombreuses délocalisations d’activité. L’espoir placé dans le partage du travail pour diminuer sensiblement le chômage a été déçu et suspecté de malthusianisme.

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Enfin, interprétées par de nombreux salariés comme une possibilité de « travailler moins en gagnant autant », les « 35 heures » ont suscité de profondes incompréhensions et contribué, pour une part, à éloigner les employés de leur entreprise. D’une façon plus globale, la dimension Temps a pris dans l’entreprise et plus généralement dans notre Société une place considérable –certains diraient démesurée- : ce qui est urgent est forcément important (pas l’inverse, bien sûr) le temps cyclique ou relatif a disparu au profit du seul temps capable de mobiliser le responsable : le temps linéaire. Le facteur temps voit également sa place augmentée par la financiarisation accrue de la gouvernance d’entreprise : celle-là fonctionne couramment sous la pression des résultats du quarter, sous la volatilité des capitaux aptes à se déplacer rapidement où la rentabilité à court terme semble la plus profitable. POSTE , EMPLOI, METIER, COMPETENCE

La description de poste peut être considérée comme l’outil de gestion des ressources humaines – et aussi l’outil d’organisation – par excellence. Elle peut recouvrir plusieurs réalités qui correspondent aux finalités et utilisations que le management souhaite développer. Si les évolutions actuelles ont pour conséquence de diminuer la pertinence même du concept de poste au sens où il est entendu généralement, il n’en reste pas moins que son caractère opérationnel le rend indispensable à toute GRH. Il convient tout d’abord de préciser les termes utilisés :

• si le mot « métier » est noble dans la langue française, il recouvre des réalités méthodologiques très différentes. C’est avant tout un ensemble théorique de postes de travail aux activités et compétences identiques ou proches, permettant de passer de l’un à l’autre de manière réciproque dans un délai de plusieurs mois.

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• l’emploi, et notamment l’emploi type ou emploi repère, est un découpage plus fin du métier donnant des informations plus précises. À chaque métier peuvent être associés plusieurs emplois repères.

• le poste correspond à une position de travail, à un moment donné, dans une structure donnée de l’entreprise. À chaque emploi repère peuvent correspondre plusieurs postes. Il correspond à une unité élémentaire, physiquement identifiable, de l’organisation adoptée. Un ou plusieurs individus sont identifiés comme titulaires d’un poste. Chaque poste met en œuvre une ou plusieurs fonctions.

• la fonction est une composante du poste. Elle regroupe un certain nombre d’activités tendant vers le même but comme, par exemple, la fonction commerciale.

Avant même de penser à la gestion des compétences, il est nécessaire d’identifier, pour chaque poste, les critères d’exigence qui en permettent une maîtrise normale mais, surtout, d’identifier et de définir les emplois clés qui correspondent à des postes stratégiques en termes de contribution aux résultats de l’entreprise et les emplois sensibles dont les caractéristiques peuvent être :

• le niveau de formation initiale demandé ainsi que l’importance (coût, durée) des formations d’intégration ;

• la pénurie ou la rareté, sur le marché du travail ; • les difficultés de recrutement ou de remplacement des

titulaires en tenant compte de l’éventuelle pénibilité du travail et du niveau de rémunération qui peut paraître peu attractif ou peu motivant.

Il va sans dire que la gestion de ces types de poste fait l’objet d’une attention particulière et d’une gestion personnalisée. L’existence des emplois clés et des emplois sensibles dans l’entreprise oblige à élaborer des plans spécifiques afin que cette dernière ne soit pas pénalisée par l’absence ou le départ des titulaires des postes correspondants. On distinguera à ce propos :

• les plans de relève qui anticipent le départ prévisible (départ en retraite ou promotion) de ces titulaires en identifiant les personnes ayant le potentiel requis et en développant les

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plans de formation éventuels nécessaires. Dans certains cas, une anticipation de plusieurs années (2 ou 3, voire 5) doit être envisagée ;

• les plans de remplacement qui permettent à l’entreprise de ne pas être prise de court lors de l’absence ou du départ imprévus (car souvent imprévisibles) du titulaire d’un poste « stratégique.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)a suscité de grandes espérances tant pour les salariés et leurs représentants syndicaux que pour nombre de dirigeants patronaux. Il s’agissait ni plus ni moins par une planification appropriée de « garantir » l’emploi en adaptant en permanence emplois/compétences avec des variables d’ajustement comme la formation, le recrutement, la flexibilité… Malheureusement, la gestion court termiste, les fréquentes et brutales orientations (fusion, acquisition, restructuration…) des firmes ont rapidement décrédibilisé la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences tant celle-ci, pour être efficace, a besoin d’un minimum de temps et de durée. Par ailleurs, les diverses évolutions de l’entreprise que nous avons décrites ont entraîné une espèce de désocialisation de l’entreprise(une espèce désengagement de fait de celle-là vis à vis du devenir à long terme de ses salariés), un moindre sentiment d’appartenance du personnel à sa société et finalement une autonomie subie ou choisie de ce salarié. Dans la pratique, elle peut provoquer la mise en œuvre d’un système néfaste pour l’entreprise et son corps social. Pour l’employeur, la valorisation, au sens propre, des compétences peut entraîner une compétition non seulement interne mais aussi externe invitant chacun des salariés à un comportement permanent de vente de ses propres compétences (le market yourself) de nature à participer à la destruction de l’identité ou de la culture d’entreprise. Pour les salariés et leurs représentants syndicaux, le risque de marginalisation, non seulement à l’embauche mais en cours de carrière, peut être considérable : ceux qui ne sont pas en état de « vendre » des compétences insuffisamment valorisables peuvent être marginalisées ou rejetées par le système qui ne trouve

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plus de justification au maintien ou à l’embauche, d’une personne qui peut être parfaitement dévouée et fidèle. Chacun des membres d’une organisation retrouve ainsi l’importance de ce qui avait été plus ou moins mis entre parenthèses pendant des années : le concept de métier individuel qui valorise le salarié non seulement dans l’entreprise mais aussi et surtout sur le marché de l’emploi. Ce retour au métier individuel est sûrement un des moyens dans le futur de redonner à chaque homme au travail une certaine forme de sécurité (employabilité) ; faut-il encore être capable d’appréhender à moyen et long terme les principaux scénarios décrivant les évolutions qualitatives et quantitatives des principaux métiers et leurs exigences correspondantes en matière de compétences ! La prospective des métiers –vision de l’avenir afin d’essayer en partie de le construire-devrait être une aide précieuse pour permettre à l’entreprise, la région, le secteur et le salarié de construire des scénarios (ce qui peut arriver) qui aideront à orienter les choix des diverses parties prenantes.

LE MANAGEMENT PAR PROJET ET PAR LA QUALITE Le développement de l’action par projet s’est généralisé au point d’envahir le vocabulaire de la vie politique comme du management. Le projet est devenu une méthode qui donne l’espoir de ne plus seulement subir les événements mais de pouvoir maîtriser le cours de l’histoire et façonner le futur à sa façon. Succédant au concept de « projet d’entreprise » des années 1970 qui s’était développé dans de nombreuses grandes firmes internationales européennes, apparut celui de gestion de ou par projet, plus modeste. Le projet d’entreprise visait à assurer la mobilisation de tous les salariés autour d’une vision prospective du développement à long terme. On qualifie de projet, des chantiers ou des missions qui n’ont rien de commun : ce peut aussi bien être l’implantation d’une usine, le lancement d’un nouveau produit, un changement d’organisation ou la mise au point d’un nouveau logiciel. Quel qu’il soit, un projet est

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toujours une aventure, difficile à piloter et soumise à des pressions qui peuvent être très fortes. Les principales conditions de succès du développement des projets ont trait à la fois aux outils requis face à la complexité des enjeux normatifs et technologiques, notamment en matière d’aide à la décision, et aux ressources humaines mises en œuvre : ce sont bien souvent elles qui font la différence avec, en premier lieu, le chef de projet (le projet implique des acteurs issus de fonctions ou de responsabilités différentes selon les compétences qu’ils pensent pouvoir apporter à court ou moyen terme, dans le cadre d’une réalisation à venir dans laquelle ils s’impliquent.) La composition d’équipe, à durée déterminée, très orientée vers les résultats, pose à l’évidence des problèmes sérieux de management. Le choix du personnel, le système de reconnaissance, l’animation d’une équipe dont les membres ont des rattachements hiérarchiques multiples et différents, la réinsertion une fois le projet terminé, sont autant de préoccupations qui s’ajoutent à celles liées à la recherche de la cohésion du groupe et de la motivation collective comme de la combinaison d’intérêts particuliers à court terme et collectifs à long terme. Dans ces conditions, les chefs de projets doivent être autant des leaders que des managers. Ils doivent être capables de conjuguer leur spécialité technique avec la connaissance des métiers auxquels ils sont confrontés pour remplir leur mission. Et, surtout, ils doivent mettre en œuvre un système d’informations claires et lisibles (tableaux de bord, statistiques, systèmes d’alerte, …)

Le management par la qualité qui renouvelle la gestion par la qualité s’attache à développer la capacité à gérer l’ensemble des processus présents dans l’entreprise. Les exigences de la certification ISO obligent à penser ces processus en termes de normalisation au risque de mettre en place un certain conservatisme difficilement compatible avec la maîtrise du changement souhaitée par ailleurs. Management par projet ou management par la qualité, du compromis toujours difficile à déterminer entre les trois

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caractéristiques « Coût, Qualité, Délai »dépendra en grande partie le succès du management. LA FLEXIBILITE

La capacité d’une Organisation à s’adapter aux évolutions de la conjoncture et de son environnement ou, d’une façon générale, aux circonstances, est désignée sous le terme de flexibilité. En matière de management, la notion de flexibilité recouvre plusieurs réalités. Ce peut être une flexibilité fonctionnelle (dite aussi qualitative interne) obtenue par la polyvalence des salariés ou la capacité de répartir les personnels rendus disponibles en fonction des besoins de l’organisation. Elle peut être quantitative externe dans la mesure où l’entreprise peut moduler ses effectifs selon les besoins de l’activité, en recourant aux différentes formes d’emplois précaires autorisés (CDD, intérimaires, stagiaires)Une certaine flexibilité quantitative et interne peut être obtenue par le recours aux modulations du nombre d’heures travaillées avec l’annualisation des horaires, les heures supplémentaires, le travail à temps partiel. L’appel à la sous-traitance, voire à l’externalisation de partie de la production, la finition retardée des produits, une approche multifonctionnelle des produits dont le do-it-yourself est la caricature sont des aides souvent efficaces-et contestées- pour une politique de flexibilité. On parlera aussi de flexibilité salariale en essayant d’adapter la rémunération au niveau d’activité de l’organisation grâce à la mise en place d’une rémunération variable et, notamment, à la pratique de l’intéressement et de la participation. LA MONDIALISATION Phénomène de la fin des années 90, la mondialisation est en fait un concept ancien : pendant la Renaissance comme lors de l’expansion industrielle du XIXe siècle, les frontières étaient ouvertes à la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux et ce, jusqu’à l’aube de la Première Guerre mondiale. Cette situation a retrouvé tardivement son actualité avec l’effondrement du bloc communiste Depuis, elle se développe principalement selon trois volets :

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l’intégration économique et ses conséquences sur les États, la contagion mondiale de son impact et les aspects culturels. En matière de prospective, les enjeux sont très marqués et apparemment contradictoires. La mondialisation transforme de fond en comble le milieu dans lequel vit l’entreprise :

• pour les uns, la mondialisation se traduira par une sorte de raz de marée qui balaiera toutes les différences culturelles au profit d’un comportement de consommateur unique et mondialisé : c’est le syndrome Coca-Ccola, Nike, avec sa version française Abribus.

• pour les autres, elle donnera naissance à un clivage de l’activité des entreprises : à côté des grandes firmes mondialisées se développera un monde de PME, voire de très petites entreprises (TPE)

Elle pourrait favoriser, d’une part le développement des « hyperfirmes » mondiales et, d’autre part, celui des micro-entreprises «hypofirmes » de proximité. Les hyperfirmes présentes sur le marché mondial se caractérisent, entre autres, par leur dimension managériale et financière. Pour compenser les charges administratives de leur organisation, elles recherchent en permanence la diminution de leurs coûts de production (en donnant la priorité à la productivité ou en délocalisant) et/ou une différenciation spectaculaire (par une politique de marque, de publicité ou de distribution) Plus qu’à une concurrence classique, elles sont soumises à une véritable « hypercompétition » dans laquelle tous les coups sont permis ainsi qu’aux oukases de leurs actionnaires, souvent des gestionnaires de portefeuilles du type fonds de pension, qui exercent une pression très forte valorisant les résultats à court terme. Les hypofirmes répondent aux attentes de sociétés qui se recentrent et s’orientent dans trois directions :

• le développement d’activités spécifiques dans des créneaux répondant à des besoins particuliers demandant la maîtrise de savoirs et de compétences singulières. Cette stratégie de

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singularisation concerne aussi bien des activités d’expertise (axées sur les savoirs) que des activités artisanales (fondées sur les métiers)

• le développement d’activités nouvelles pas seulement liées aux NTIC mais aussi à la santé ou à la biologie, aux activités de loisirs ou de divertissement qui constituent un marché encore en expansion.

• le développement d’initiatives d’origine associative qui poussent des organisations du monde de l’économie sociale à se pérenniser en adoptant un nouveau positionnement sur le marché (à l’exemple du changement de statut d’Emmaüs)

Le management, particulièrement celui des hommes, se focalise alors sur la capacité à trouver et à combiner des ressources pour en tirer des compétences adaptées aux spécificités des activités développées. La proximité avec les partenaires (clients, fournisseurs, confrères, …) réduit les coûts de transaction : elle repose sur la confiance réciproque et une connaissance presque intime du marché. Du fait des NTIC, Internet notamment, elle se définit davantage en termes de réponse aux besoins des clients et des partenaires qu’en termes géographiques. Dans de nombreuses entreprises et selon le cas, le rôle de la DRH va être de recruter les collaborateurs étrangers des filiales, de gérer les carrières des experts, d’organiser la mobilité du personnel au sein du groupe, de suivre l’évolution des métiers et de l’anticiper par la formation, enfin de connaître les différents droits sociaux nationaux pour harmoniser la politique RH. Jusqu’à ces dernières années, le rapport existant entre l’économie dite libérale, le management et un système de valeurs fortement présentes en milieu anglo-saxon apparaissait comme très clair. Sous l’effet conjugué du succès de grands auteurs de théories managériales, de la diffusion d’exemples de success stories, surtout américaines, et des enseignements dispensés à travers le monde, un consensus général finit par donner à la corrélation existante entre les idées philosophiques libérales et les modes de management une véritable dimension universelle.

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Ce sentiment, conforté par la disparition des idéologies concurrentes, laisse croire à une sorte de civilisation mondiale à vocation universaliste, comparable à ce que furent, en leur temps, les civilisations grecques et romaines. Et pourtant en même temps s’est développé une résistance de plus en plus fortes vis à vis des approches « modernes » du 18°et 19° siècle : le mythe du progrès sans fin, permanent et libérateur pour chaque individu, d’une morale universelle(la même pour tous, comme l’illustre la déclaration universelle des droits de l’homme) De nombreux sociologues ont lancé l’idée que nous entrions dans une période qualifiée de « postmodernité » qui se caractérise, notamment, par le développement de nouveaux modes d’organisation du travail et l’apparition d’une nébuleuse de classes moyennes importantes. Elle se traduit par une série de transformations : « dé-construction » du capital et du travail, « dé-composition » des classes sociales, « dé-centralisation » de l’autorité étatique et « dé-différenciation » des cultures savantes et populaires. C’est le temps des « tribus » et de la fragmentation sociale. Les individus n’appartiennent plus à un groupe monolithique mais se répartissent en tribus, en réseaux virtuels où ils partagent des goûts et émotions et tissent des liens quasi contractuels. C’est la fin de l’individualisme qui s’accompagne du développement du communautarisme et l’explosion ou la disparition, des valeurs établies, de la supériorité des cultures occidentales, de la foi dans les bienfaits de la croissance économique, voire même, de l’adhésion à la raison, la science, du vécu commun. Passée quelque temps inaperçue, la philosophie de la « déconstruction » a connu un grand essor aux États-Unis mais également en France(Jacques Derrida) prônant par exemple, que chacun doit s’accommoder des différences culturelles de l’autre sans attendre qu’elles se fondent sur un idéal de civilisation unique(l’émergence de phénomènes planétaires comme l’écologie, les droits de l’homme, l’éloge de la diversité, les phénomènes identitaires, les conflits religieux ou ethniques, le développement

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des NTIC provoquant une forte diffusion des cultures et se traduisant par l’hybridation, la créolisation des cultures) Parallèlement, depuis les années 80 nous avons vu disparaître un grand nombre de « maîtres à penser » des décennies précédentes (Jean-Paul Sartre, Lacan, Braudel, Althusser, etc.) alors que dans le même temps, le nombre d’étudiants et d’enseignants doublait. Le contexte intellectuel et philosophique s’en trouve transformé dans la mesure où aucun modèle ne semble plus pouvoir à lui seul expliquer le réel : la prudence est de rigueur pour tenir compte de la diversité des approches dans les méthodes, d’autant qu’il n’y a plus de pensée unique. Le relativisme(et le constructivisme) semble s’imposer de façon rampante, faisant fi de l’héritage de Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Averroès, Kant, Descartes, Smith, Weber, Durkheim, Tocqueville (et jusqu’à un certain point Auguste Comte ou Marx)… et ramenant l’existence de valeurs universelles à une particularité occidentale.

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES D’INFORMATIION

ET DE COMMUNICATION On regroupe sous le vocable générique de NTIC l’ensemble des différents systèmes informatiques avec les logiciels et progiciels qui les accompagnent, les réseaux de télécommunications et de téléinformatique (réseaux à haut débit, téléphoniques à fibres optiques ou satellitaires, …), les systèmes et outils multimédias (télévision, vidéo, CD-ROM, etc.) ainsi que les systèmes et outils du type Internet ou Intranet. Cette longue énumération donne la mesure des évolutions fondamentales que leur développement entraîne dans de nombreux domaines essentiels pour le management des hommes parmi lesquels il faut souligner :

• la stratégie de la firme en matière de métier de l’entreprise, de positionnement sur le marché, de politique commerciale (avec le développement du one-to-one ou du Customer

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Relationship Management), voire quant aux modalités de prise de décision.

• L’organisation avec la remise en cause ou la transformation des activités (du fait des éclatements et externalisations possibles), des structures (avec l’intégration des partenaires dans les processus et la constitution de réseaux avec les clients et les fournisseurs, etc.) et des modes de fonctionnement (formalisations diverses de nouvelles procédures, reporting.)

• Le management avec de nouveaux modes transversaux à mettre en place du fait de l’intégration des partenaires, le développement de la gestion par projet, l’aplatissement des hiérarchies (Lean management) et de la nécessaire maîtrise de la communication.

• les métiers en raison de nouvelles façons de travailler (les outils informatiques), l’exigence de partage de l’information (échanges internes et externes), la gestion des connaissances et la formalisation des savoir-faire.

L’impact des NTIC-cette nouvelle révolution technique, la plus importante depuis plus de 100 ans- se fait déjà sentir sur le comportement de chacun d’entre nous. Mais il commence à remettre en cause non seulement les compétences exigées dans l’exercice de nombreux métiers mais l’existence même de certains d’entre eux. Heureusement, une approche prospective permet de déceler sans trop de difficultés ceux qui risquent d’être les plus vulnérables. Il en est ainsi, à simple titre d’exemple, des liquidateurs de retraite ou de gestion de contrat, d’afficheurs, de concepteurs, de caissiers, de gestion manuelle de données, commerce … Créateur d’emploi comme toute nouvelle technologie, les NTIC vont en même temps remodeler un grand nombre et en détruire certains.

. LE FACTEUR RISQUE

La judiciarisation de la Société est sera de plus en plus une des caractéristiques que devra prendre en compte le management.

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Cette nouvelle dimension de la gestion (privée ou collective) est due en grande partie à une prise de conscience de plus en plus forte du concept de risque : l’homme contemporain rejette la notion de risque dans ses activités courantes et en tout état de cause veut pouvoir mettre un responsable devant tout incident anormal, surtout si celui-ci représente un risque pour sa santé ou sa sécurité. Dans l’entreprise la gestion juridique des hommes, sur tous ses plans, sera un des nouveaux volets de la responsabilité de la DRH. Il en est de même en matière de communication, de publicité ou de produits nouveaux par exemple. Il s’agit là d’un véritable défi qui est lancé au processus d’innovation ou de développement qui ne peut valablement être efficace qu’en acceptant un certain degré de risque. Un risque nouveau fait son apparition , bien qu’il soit difficile d’en chiffrer l’ampleur et la date de sa manifestation : il s’agit du risque (ou choc) démographique qui serait révélé par la diminution d’actifs. CONCLUSION

Les évolutions en cours transforment comme jamais le management des entreprises et des hommes. Le fait nouveau est que les intéressés sont devenus très différents de ceux des décennies précédentes pour lesquels tant de théories ont été échafaudées et d’études réalisées. La mondialisation et les NTIC ont entraîné une ouverture des esprits, une façon de travailler et de se conduire socialement suffisamment nouvelle pour que l’on puisse parler de rupture radicale. Cette rupture se manifeste par un « individualisme de réseau », par un nomadisme aussi bien dans l’« affect » (cynisme, mais aussi sensibilité aux valeurs éthiques), l’« effect » (pragmatisme et distance par rapport au travail) et l’intellect (refus des idéologies, zapping intellectuel : tout se vaut.

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Le cadre de travail du management s’est modifié en raison de l’apparition de nombreux paramètres comme, par exemple, le poids du juridique, les préoccupations liées au cadre de vie au travail, la gestion des temps de travail, les nouveaux comportements des salariés et le déplacement des valeurs fondatrices de la culture de l’entreprise. Dans un contexte de plus en plus global et instable où les plans sociaux se multiplient et les formes nouvelles d’emplois, bien souvent précaires, prolifèrent, la prise en compte des compétences et des métiers semble être un axe de recherche et d’action privilégié. Développer la valeur ajoutée des prestations, accroître l’efficacité de manière observable, clarifier le lien avec la performance de la firme sont pour les dirigeants-en particulier RH- des objectifs et des contraintes de premier ordre.

Dans cet esprit, certains responsables, qui se situent dans une logique de pilotage plus que de soutien, ont développé de véritables « business plans RH » par unité précisant les évolutions nécessaires en matière de politiques, modes de gestion, processus à mettre en œuvre et détaillant les mesures à prendre. Cette démarche implique une bonne compréhension mutuelle des enjeux stratégiques des unités opérationnelles pour prioriser les actions, en prenant le soin de définir des indicateurs simples de mesures des résultats attendus. Ces indicateurs sont conçus en termes de résultats pour le « client final » Ainsi, l’acquisition de nouvelles compétences s’évalue en analysant les modifications de comportements mesurées lors des évaluations annuelles, par enquêtes sur la qualité des prestations fournies– et non sur le nombre d’heures de formation –et enquêtes sur la qualité perçue en fin d’exercice dans la population cible.

Il ne peut, enfin, exister de management du changement (Institutions ou Gouvernement) qui ne prévoirait des mesures destinées à promouvoir davantage l’égalité professionnelle, la prise en compte de la diversité en terme de recrutement, formation, promotion, maintien dans l’emploi, gestion des carrières.