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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article David Norman Weisstub et Julio Arboleda-Flórez Santé mentale au Québec, vol. 31, n° 1, 2006, p. 19-46. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/013683ar DOI: 10.7202/013683ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 8 July 2013 11:30 « Les droits en santé mentale au Canada : une perspective internationale »

Les droits en santé mentale au Canada : une perspective ...€¦ · Au cours des dernières décennies, les États ont eu à prendre de plus en plus conscience à la fois de la pro-fondeur

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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à

Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents

scientifiques depuis 1998.

Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected]

Article

David Norman Weisstub et Julio Arboleda-FlórezSanté mentale au Québec, vol. 31, n° 1, 2006, p. 19-46.

Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :

URI: http://id.erudit.org/iderudit/013683ar

DOI: 10.7202/013683ar

Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.

Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique

d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html

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« Les droits en santé mentale au Canada  : une perspective internationale  »

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Les droits en santé mentale au Canada :une perspective internationale

David Norman Weisstub*

Julio Arboleda-Flórez **

Cet article examine le statut des personnes souffrant de troubles mentaux à la lumière desinstruments internationaux en matière de droits humains et évalue si les droits de cespersonnes sont respectés dans le contexte canadien. Les auteurs estiment que bien que lessystèmes de pays tels que le Canada garantissent des protections civiles et constitutionnellessignificatives à l’ensemble de leurs citoyens, incluant ceux qui souffrent de troubles mentaux,il en est bien autrement au chapitre de l’accès aux services sociaux. Les auteurs discutent dela nécessité de corriger cette lacune. Enfin, ils estiment qu’il faut surveiller de prèsl’apparente dissonance entre les droits internationalement reconnus à des soins adéquats et àla protection contre la discrimination, et leur application restreinte en contexte canadien.

D ans une communication au groupe de travail de la Commission desdroits de l’Homme des Nations unies, Louise Arbour, Haut Com-

missaire des Nations unies aux Droits de l’homme, soulignait le 15 jan-vier 2005 l’importance d’élargir notre vision à la fois nationale etinternationale de la portée des droits humains fondamentaux :

Il est crucial de reconnaître comme exigibles les droits économiques,sociaux et culturels si on veut honorer les engagements politiques, morauxet légaux que les États ont pris en adoptant la Déclaration universelle desdroits de l’Homme (Arbour).

Tout en réaffirmant l’idée des droits sociaux comme droits humainsexigibles en vertu du droit international (tels qu’enchâssés dans desinstruments comme le Pacte international relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels), ses commentaires soulignent l’échec des

Santé mentale au Québec, 2006, XXXI, 1, 19-47 19

* Ph.D., professeur titulaire, Faculté de médecine, psychiatrie, Université de Montréal,titulaire de la Chaire de psychiatrie légale et d’éthique bio-médicale Philippe-Pinel,président honorifique à vie de l’International Academy of Law and Mental Health (Acadé-mie internationale de droit et de santé mentale) et directeur de la revue InternationalJournal of Law and Psychiatry.

** M.D., FRCP (C), DABFP, Ph.D. épidémiologie, Queen’s University, Kingston, Ontario,membre du conseil d’administration de l’ International Academy of Law and Mental Health.

Les auteurs désirent remercier Anthony Guindon pour son aide dans leur recherche.

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États, qui n’ont su donner un effet significatif aux droits de « secondegénération ». Juge à la Cour suprême du Canada, et voix souventdissidente quant à la portée des droits sociaux sous l’empire de la Chartecanadienne des droits et libertés, Arbour a jaugé les défauts dessystèmes juridiques nationaux 1. Au cours des dernières décennies, lesÉtats ont eu à prendre de plus en plus conscience à la fois de la pro-fondeur et des coûts des maladies mentales au sein de leurs populations ;cette prise de conscience a accéléré un regain pour la réforme des loisen santé mentale. Toutefois, de telles réformes ne devraient pas en resteraux questions opérationnelles quant au niveau requis de services, ni auproblème du financement, mais devraient y revoir aussi l’aspect desdroits de la personne. Car, si la protection des droits des malades men-taux semble devenue une priorité au plan international, comme lemontre la revue des écrits en ce domaine, le sort de ces personnes, lui,ne paraît pas s’être amélioré ; en fait, il semble s’aggraver, dans unelarge mesure à cause de la négligence au plan national. Cet article exa-mine le statut de ces personnes en contexte international et en faitl’évaluation au Canada.

Une distinction doit d’abord être faite entre les droits positifs et lesdroits sociaux. Les sources internationales en matière de droits de lapersonne reconnaissent à la fois des droits négatifs et positifs. Les droitsnégatifs ou de « première génération » empêchent l’État d’empiéter surcertaines libertés protégées : ils lui interdisent certaines actions pros-crites. Les droits positifs ou de « deuxième génération » imposent auxÉtats des mandats qui deviennent pour eux obligatoires. Bien que lessystèmes de pays comme le Canada garantissent des protections civileset constitutionnelles significatives quant aux droits positifs de leurscitoyens, y compris ceux qui souffrent de troubles mentaux, il n’en vapas de même pour l’accès à des services sociaux (Hirschl, 2000). Nousdiscuterons de la nécessité de corriger cette lacune ; plus particulière-ment, il nous paraît peu probable qu’on puisse améliorer la vie de cesmalades en obtenant des tribunaux certains moyens de les soigner, bienque cela soit préférable. Mieux vaut, au Canada, s’employer surtout àobtenir par voie législative des réformes aux lois et à l’administrationdes services.

L’héritage historique

Les récents mouvements en faveur des droits des personnes auxprises avec des troubles mentaux sont nés des abus épouvantables subispar des générations de malades, avant l’apparition de l’asile et depuis.Paradoxalement, l’asile est né à bien des égards d’un sentiment de

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compassion. L’anecdote est peut-être apocryphe, mais le premier asileeuropéen pour aliénés, établi à Valence en 1409 par le père GilabertJofré, serait né d’une réaction aux abus que Jofré aurait constatés àl’endroit d’un patient psychiatrique (Pinel, 1988). Toutefois, ce quicommença par un refuge se transforma vite en prison, et finit par setraduire, selon la description de Luis Vives, par une exclusion socialeinstitutionnalisée (Vives, 1980). Le bannissement par voie d’institu-tionnalisation n’était, bien sûr, que la suite d’un modèle plus pernicieuxde gestion sociale prévalant déjà avant l’asile de Valence. SelonSebastian Brant, le Narrenschiff ou Stultifera Navis (la Nef des fous) — sur quoi ces malades étaient voués à naviguer les fleuves d’Europe,bannis de place en place, sans jamais trouver de port — a précédél’asile.

Socialement et politiquement, notait M. Foucault, les asiles ontremplacé les léproseries. Toutefois, alors que ces dernières étaientexclusives aux lépreux, l’asile devint ce qu’il a baptisé « le Grand inter-nement », c’est-à-dire un endroit pour toutes sortes d’indésirables, enparticulier les personnes affectées par une maladie mentale (Foucault,1988). En fait, les lettres de cachet envisagées dans la Loi sur les aliénésde 1838 en France — donnant au « gardien de l’hôpital » le pouvoir deramasser et d’enfermer « mendiants, vagabonds, sans-emplois chro-niques, criminels, politiciens rebelles, hérétiques, prostituées, syphi-litiques, alcooliques, fous et idiots » — devinrent le schéma directeurd’institutions similaires à travers le monde occidental (Dômer, 1969). Lacaractérisation des malades mentaux comme « bêtes sauvages » ne laissad’autre choix que de les mettre à l’écart (Gracia, 1992).

Pour les personnes souffrant de troubles mentaux, le retour del’exil a été une longue bataille. Même le geste d’un Pinel qui, imprégnédes idéaux libertaires de la Révolution française, coupa en public leschaînes de ces malades à La Saltpêtrière en 1795, n’a pas suffi, car dansplusieurs pays, le vieil hôpital décrépit demeure encore le modèle desoins préféré, sinon le seul (Häfner, 1991). Et encore, pour la majoritéde ces malades, le retrait des chaînes comme la permission de revenirchez eux ne s’est pas traduit par une libération significative. Dans laplupart des pays, même les plus avancés et les plus prospères, ils ne sontplus dans des asiles, mais dans des prisons, devenues de réels hôpitauxpsychiatriques (Konrad, 2002). La criminalisation de ces personnes estréglementée et surveillée outre mesure par les tribunaux et les psy-chiatres légistes qui, de concert, en sont devenus les gardiens ou mo-dernes surintendants (Arboleda-Flórez, 2005). Le processus d’éva-luation médico-légale est devenu un autre filtre pour leur traitement,

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tenant ces malades en suspens entre trois systèmes en apparenceopposés : le système de soins, la justice et le service correctionnel. Maisfinalement, l’effet de maintes évaluations médico-légales aboutit à lamême réalité : perte de liberté dans un hôpital pour les criminelsdangereux ou privation de liberté en prison, en attendant des décisionsjudiciaire. Qu’a gagné la personne avec troubles mentaux (Weisstub,1985) ?

Le droit international et le droit aux soins de santé

À plusieurs égards, le droit international a ouvert le chemin auprogrès des droits des patients avec troubles mentaux. Ce progrès a prisla forme de normes internationales, exécutoires ou non exécutoires, ouencore de propositions de réforme des législations nationales. Le droitinternational trouve son expression dans les traités, les conventions oules normes coutumières. Il prend la forme de traités bilatéraux entreÉtats partenaires ou de conventions multilatérales promulguées par desinstances comme les Nations unies. Les normes internationales cou-tumières, d’un autre côté, ont leur origine dans les pratiques de l’État etdans l’opinio juris, la doctrine juridique (Kinney, 2001). Cependant, peuimporte leur origine, les droits de la personne, incluant le droit auxservices sociaux et de santé, ont occupé une place importante en vertudu droit international. Ces droits ont sans doute fait le progrès le plussignificatif au chapitre des droits négatifs (c’est-à-dire contre l’Étatabusif), bien que le droit international commence à constituer unesource de droits positifs.

Pour les personnes avec des troubles mentaux, le Pacte inter-national relatif aux droits civils et politiques a eu une grande influencequant à la promotion des droits négatifs. Ce pacte ratifié par 151 pays, ycompris le Canada en 2003, figure parmi les plus importants traitésmultilatéraux faisant la promotion des droits de première génération. Ilaccorde à l’individu un certain nombre de protections, qui sont particu-lièrement pertinentes pour qui souffre de déficiences intellectuelles oude troubles mentaux. En particulier, l’article 9 garantit les droits del’individu à la liberté et à la sécurité de sa personne, et interdit lesactions de l’État qui restreignent de façon arbitraire les intérêtsindividuels à la liberté. Gostin et Gable le notent :

Les gens souffrant d’incapacités mentales ont souvent invoqué ces droits etbénéficié de la protection qu’ils procurent. Par exemple, l’interdiction detraitements cruels, inhumains ou dégradants a donné aux personnes avecincapacités mentales soumises à une garde civile le pouvoir de réclamerdes conditions d’internement et de traitement plus humaines. De même, le

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droit de ne pas être soumis à des arrestations ou à des détentions arbitrairesa soutenu les efforts visant à exiger des protections procédurales adéquatespour les personnes avec incapacités mentales sujettes à une détention civileou criminelle (2004, 34).

Toutefois, la source internationale peut-être la plus significative enmatière de « droit à des soins de santé » est le Pacte international relatifaux droits économiques, sociaux et culturels. L’article 12 y stipule :

1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit à toutepersonne de jouir du meilleur état de santé physique et mentalequ’elle soit capable d’atteindre.

2. Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront envue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendreles mesures nécessaires pour assurer :

a) La diminution de la mortalité infantile, ainsi que le déve-loppement sain de l’enfant ;

b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu etde l’hygiène industrielle ;

c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques,endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la luttecontre ces maladies ;

d) La création de conditions propres à assurer à tous desservices médicaux et une aide médicale en cas de maladie.

Ce pacte est bien sûr soumis à une limite : pour valoir dans un pays, ildoit s’exprimer dans la législation nationale : il s’appliquera alors auxcitoyens cherchant à le mettre en vigueur.

Un autre développement significatif des droits positifs en matièrede soins de santé est la Résolution 46/119 des Nations unies, Principesde la Protection des personnes atteintes de maladie mentale et amélio-ration des soins de santé mentale (1991). Bien que les résolutions desNations unies ne peuvent en général imposer d’elles-mêmes des normesinternationales obligatoires, elles ont néanmoins une force de persua-sion, et servent de recommandations aux États quant aux actions quidevraient au moins être prises en considération (Kindred, 1993). Deplus, l’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale de l’ONU,peut être symptomatique d’un consensus plus large sur une positionparticulière. Les Principes de cet instrument-ci reconnaissent spécifi-quement le droit positif aux traitements pour les personnes avec destroubles mentaux. Par exemple, le principe 1.1 spécifie que « toutepersonne a droit aux meilleurs soins de santé mentale disponibles, dans

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le cadre du système de santé et de protection sociale » (1991). Bien qu’ilsoit peut-être vrai que ce principe et les autres de cette Résolution nepuissent fournir de base à une revendication de droits positifs àl’encontre d’un État, il est néanmoins l’expression d’une reconnaissanceinternationale grandissante de l’importance des droits positifs, en parti-culier quant aux personnes avec troubles mentaux.

Malgré l’existence d’un corpus international grandissant quiinterdit la discrimination par l’État ou limite ses interférences à l’endroitdes personnes avec troubles mentaux, et même malgré les droitsreconnus à des programmes médicaux, on ne voit pas encore clairementquel effet pratique ces résolutions ont à l’intérieur d’un pays. Encontexte canadien, par exemple, les traités internationaux ont un effetseulement dans la mesure où le Parlement les applique et les incorporedans ses lois ; les tribunaux sont autorisés à considérer le droit inter-national dans la seule mesure où il n’entre pas en conflit avec les loiscanadiennes. Cela ne pose généralement pas de problème au chapitredes droits négatifs : la Charte canadienne des droits et libertés ainsi queles statuts et codes des droits de la personne des provinces reprennent(ou améliorent) plusieurs des droits garantis par les conventions interna-tionales. De plus, la Cour suprême a soutenu que le droit internationaldevrait guider l’interprétation de la Charte. Toutefois, tel que mentionnéci-haut, les tribunaux canadiens n’ont pas été très généreux dans lareconnaissance des droits sociaux. En effet, nous le verrons, la Coursuprême n’a pas voulu jusqu’ici interpréter la Charte comme donnantune base au droit d’obtenir des services médicaux particuliers.

L’expérience canadienne

Au Canada, les droits fondamentaux positifs et négatifs despatients avec troubles mentaux sont appliqués de deux manières. Deslois et, en certain contexte, des actions gouvernementales peuvent êtrecontestées devant les tribunaux par voie de révision constitutionnelle ; le« principe » de telles initiatives est une violation présumée de la Charte,qui enchâsse les droits et libertés fondamentales de tous les Canadiens 2.Conformément à l’article 52 de la Charte, toute loi inconsistante avecses dispositions n’a aucune force ni effet, et peut être cassée. Uneméthode apparentée mais distincte de protection des droits des patientsest la « révision judiciaire », où une décision d’un tribunal administratifou d’une agence d’État peut faire l’objet de révision par une coursupérieure. Ces deux méthodes d’intervention judiciaire ont eu desconséquences importantes pour la promotion des droits des patients auCanada.

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La Charte canadienne des droits et liberté

À l’instar de législations similaires dans plusieurs autres pays, laCharte canadienne est un document antidiscriminatoire parfait qui auraitdû être une réponse aux nombreuses formes de discrimination et d’abussubis par les personnes avec troubles mentaux. L’article 15 (1) de laCharte interdit spécifiquement la discrimination sur la base de « défi-ciences mentales ou physiques ». Malheureusement cela n’a pastoujours été le cas malgré que quatre articles de la Charte (7, 9, 10 et 15)soient particulièrement pertinents. Ces articles seront mis en reliefcomme exemples des problèmes.

On doit admettre d’emblée que la Charte a eu des impacts positifssur le sort des personnes avec maladies mentales au Canada. Par suite decontestations en vertu de cette loi fondamentale, le législateur a dûétendre l’équité procédurale aux décisions relatives à la santé mentale enfournissant plus de clarté et de transparence aux définitions de termestels que maladie mentale ou dangerosité et aux paramètres de l’interne-ment et à sa durée. La Charte a favorisé l’amélioration de tribunauxspécialisés comme la Commission d’examen pour les personnes jugéesinaptes à subir un procès ou irresponsables au plan criminel. Cela aconstitué un point de repère significatif en Ontario pour la Commissionchargée d’examiner le consentement et la capacité des personnes, et aaussi élargi les possibilités d’appel et même le droit à l’habeas corpus.Toutefois, la seule protection de l’autonomie personnelle dans les déci-sions concernant le traitement ne suffit pas quand se pose le défi plusgrand de la négligence sociale, de la violence structurelle, de l’indif-férence systématique ou d’une discrimination manifeste. Dans cesdomaines de fonctionnement social, la Charte semble avoir été ineffi-cace à ce jour.

La Charte et les droits négatifs

L’article 7 de la Charte stipule que chacun a droit à la vie, à laliberté et à la sécurité de sa personne. Cet article a été instrumental dansl’avancement des droits des personnes avec des troubles mentaux enregard du système de justice et du service correctionnel. Dans la causeR. c. Swain, la Cour suprême a statué que la Couronne ne pouvait dansdes procès criminels produire de preuves mettant en question lescompétences mentales de l’accusé, vu que cela pourrait avoir pour effetde nier son droit de contrôler sa propre défense. Toutefois, si l’article 7a mené à des résultats favorables pour les personnes avec troublesmentaux, il est resté quelque peu limité, même en ce qui concerne lesdroits négatifs : on peut y porter atteinte en autant qu’on le fasse en

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conformité avec les principes de justice fondamentale. Le traitementjudiciaire de la partie XX.1 du Code criminel est éclairant à cet égard.

La partie XX.1 du Code criminel a étendu certaines protectionsaux personnes accusées de crimes qui souffrent de troubles mentaux ;auparavant, la loi permettait seulement un verdict de culpabilité ou denon-culpabilité. La partie XX.1 a introduit une troisième possibilité : unaccusé pouvait obtenir un verdict de non-responsabilité criminelle pourcause de troubles mentaux. Le procédé établi par le Parlement dans cettepartie a été contesté en 1999 dans la cause de Winko c. British Columbia(Forensic Psychiatric Institute) 3. Winko avait été trouvé non respon-sable criminellement pour une agression de deux piétons en 1983. Selonle procédé de la partie XX.1, il avait été évalué par la Commission derévision, mais jusqu’en 1995, il n’avait pas réussi à obtenir unelibération absolue. Il a argué que la partie 672.54 du Code, qui accordeà la Commission la discrétion d’accorder soit une libération absolue,soit une libération conditionnelle, soit une détention préventive, étaitinvalide à cause de sa trop grande portée (over-breadth), et du faitqu’elle présumait de la dangerosité de la personne. Le tribunal a soutenula constitutionnalité de la loi, estimant que ses dispositions équilibraientadéquatement les intérêts de liberté des personnes reconnues noncriminellement responsables et les intérêts de la sécurité publique, touten fournissant un cadre suffisamment clair pour un débat juridique.

Bien que la partie 672.54 ait été maintenue dans Winko, elle a étécontestée avec succès en 2004, dans R. c. Demers. Cette cause concer-nait le sort à réserver aux personnes reconnues inaptes à subir un procèspour des raisons de troubles mentaux. Sous XX.1, en date de 2004, lespersonnes reconnues inaptes à subir un procès pour cause de troublesmentaux n’étaient pas éligibles à une libération absolue ; de cette façon,si un accusé souffrait d’un trouble permanent, il n’avait aucun espoird’une libération, même s’il était établi qu’il ne représentait aucundanger pour le public. Bien que le tribunal n’ait pas trouvé que cettedisposition violait la présomption d’innocence de l’accusé, il a reconnuqu’elle était trop large d’application pour les personnes souffrant detroubles permanents. De cette façon, la disposition a été rendue ino-pérante.

L’article 7 de la Charte a des implications qui vont au-delà desrapports entre les personnes avec troubles mentaux et le système judi-ciaire. On l’a notamment invoqué pour limiter la portée de la doctrine duparens patriae, selon laquelle l’État prend en charge les mineurs et lespersonnes jugées inaptes à consentir à des traitements nécessaires. Dansla cause de E. (Mrs.) c. Eve, la mère d’une femme handicapée mentale

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a déposé une requête à la Cour de l’Île du Prince-Édouard afin d’êtrereconnue représentante de sa fille, et d’obtenir l’autorisation de lasoumettre à une stérilisation. Elle s’inquiétait que sa fille puisse devenirenceinte par accident et, le cas échant, ne se sentait pas en mesure del’avoir à sa charge avec un enfant. La Cour suprême a estimé quel’application de la doctrine de parens patrie était limitée aux meilleursintérêts du sujet, non aux intérêts des aidants naturels ; tout en exprimantde la sympathie pour les préoccupations de Mme E. pour le bien-être desa fille, la Cour a statué de façon catégorique que « l’on ne devraitjamais autoriser cette procédure à des fins non thérapeutiques en vertude l’autorité donnée sous parens patriae » (para. 86).

En plus de protéger les individus contre des privations de liberté,la Charte enchâsse des garanties de procédure. L’article 8 stipule que« chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions oules saisies abusives » ; l’article 9 garantit le droit à la protection contre ladétention ou l’emprisonnement arbitraires ; l’article 10 prévoit le droitd’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé dece droit, et il impose aussi qu’on soit informé dans les plus brefs délaisdes motifs de son arrestation ou de sa détention.

Bien que ces dispositions soient en règle générale rigoureusementappliquées dans l’interaction de l’individu avec le système judiciaire,leurs exigences le sont beaucoup moins dans l’interaction des personnesavec troubles mentaux avec les médecins, comme l’a montré unjugement de la Cour supérieure de l’Ontario dans C.B. c. Sawadsky. Laplaignante, C.B., avait été détenue par la police à la demande de sa fille,et amenée à l’hôpital Sunnybrook de Toronto pour y subir uneévaluation psychiatrique. Elle soutenait qu’elle n’avait pas été informéepar le psychiatre évaluateur de son droit de consulter un avocat ou de laraison de sa détention. Le médecin, bien qu’il ne se souvenait passpécifiquement d’avoir informé la personne de son droit à un avocat, oude lui avoir fait signer le formulaire 42 (qui informe le patient del’opinion du médecin et de ses propres droits légaux), la Cour a concluque le médecin l’avait fait. De plus, la Cour a déterminé que la signaturedu formulaire par le patient constituait un avis suffisant quant au respectde la Charte :

Comme elles visent des objectif publics différents, il est difficile d’ana-lyser les procédures de protection en milieu hospitalier en se référant auxcritères du droit criminel. Pour les raisons qui suivent, j’en viens à laconclusion que les protections de procédure établies dans la législation surla santé mentale respectent les obligations imposées par la Charte pour unedétention en vertu de cette loi. Les obligations plus étendues de la Charte

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qui exigent de la police qu’elle informe verbalement une personne détenueà des fins criminelles de son droit à l’avocat et de la possibilité d’obtenirgratuitement un avis juridique, ne s’appliquent pas 4.

Cette décision souligne en fait les limites inhérentes auxquelles font faceles personnes avec troubles mentaux relativement à l’application de leursdroits garantis par la Charte ; même si ces troubles y sont mentionnésparmi les motifs de discrimination interdits, les restrictions aux libertésde ces personnes sont sujettes à des standards d’examen différents. Bienque ce puisse être compréhensible et nécessaire, cela pose aussi desproblèmes distincts de promotion inégale des droits de ces personnes.

Vu l’interdiction de discrimination pour troubles mentaux en vertude l’article 15 (1) de la Charte, on pourrait se demander comment ladistinction dans Sawadsky peut être justifiée. Malheureusement, cettedécision est conforme au droit dans ce domaine. En fait, dans Winko, laCour suprême a aussi considéré une contestation de la constitutionnalitéde la partie XX.1 du Code criminel en vertu de l’art. 15 (1) de la Charte.La Cour, tout en estimant discrimatoire le traitement différentiel despersonnes tenues non criminellement responsables selon XX.1, a jugéqu’il est, dans les faits, en partie nécessaire à titre de mesure préli-minaire en vue de leur permettre de réintégrer la société :

Une analyse de ces dispositions du Code criminel et de leur effet surl’accusé non responsable criminellement révèle qu’elles sont tout lecontraire de la discrimination et, par conséquent, elles ne mettent pas encause les garanties prévues au par. 15 (1). La partie XX.1 ne dénote pasl’application de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe. Ellene perpétue ni ne soutient l’opinion que les personnes visées par sesdispositions sont moins capables ou moins dignes d’être reconnues. Aulieu de nier la dignité et la valeur du contrevenant souffrant de maladiementale, la partie XX.1 les reconnaît et les rehausse (1985, para. 82).

La logique de la Cour dans Winko est intéressante dans la mesure où ellereconnaît de façon explicite que dans certaines circonstances, letraitement différentiel de certaines catégories d’individus puisse en effetêtre nécessaire afin de permettre un exercice réussi des droits civils etune plus grande participation à la société en général. À un niveauthéorique, on semble reconnaître implicitement que l’idée tenant lesindividus pour semblables comme sujets de droits en démocratie libé-rale, constitutionnelle (c’est-à-dire sujets rationnels et agissant libre-ment) ne concorde pas avec l’idée qu’on se fait des individus vivant dansla réalité des troubles mentaux. Malheureusement, cette même logique(qui, doit-on le rappeler, permet aux tribunaux de restreindre les libertésdes personnes avec troubles mentaux) n’a pas été déployée pour étendreles droits positifs et les programmes sociaux à ces personnes.

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La Charte et les droits positifs

Les deux articles 7 (vie, liberté et sécurité de la personne) et 15(discrimination), sont les plus prometteurs de la Charte : plusieursactions s’y sont appuyées afin de faire étendre les droits sociaux. Bienqu’à de rares occasions, la Cour suprême ait été disposée à étendre desprogrammes sociaux à des catégories générales d’individus, cela n’a pasété le cas pour les soins de santé au Canada 5.

En 2002, la Cour a eu l’occasion d’examiner jusqu’à quel point lesarticles 7 et 15 pouvaient servir de base à une requête concernant lesservices sociaux. La cause, Gosselin c. Québec, visait à déterminer si lesrèglements provinciaux régissant l’admissibilité aux prestations d’aidesociale étaient discriminatoires, et constituaient une violation du droit àla vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Le programme limitaitl’aide sociale accordée aux moins de trente ans à seulement un tiers dubarème accordé aux plus de trente ans ; les bénéficiaires voulant sequalifier pour obtenir la pleine prestation devaient participer à desprogrammes de formation professionnelle approuvés. Dans une décisionpartagée, la majorité des juges a soutenu que bien qu’il y avait unedistinction dans le traitement des moins de trente ans, il ne s’agissait pasde discrimination. Plus intéressant encore, sur le droit à la vie, à laliberté et à la sécurité de la personne, le juge en chef McClachlin a notéce qui suit :

Même s’il était possible d’interpréter l’art. 7 comme englobant les droitséconomiques, un autre obstacle surgissait. L’article 7 précise qu’il ne peutêtre porté atteinte au droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité desa personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.En conséquence, jusqu’à maintenant, rien dans la jurisprudence ne tend àindiquer que l’art. 7 impose à l’État une obligation positive de garantir àchacun la vie, la liberté et la sécurité de sa personne. Au contraire, on aplutôt considéré que l’art. 7 restreint la capacité de l’État de porter atteinteà ces droits. Il n’y a pas d’atteinte de cette nature en l’espèce.

Il est possible qu’on juge un jour que l’art. 7 a pour effet de créer des obli-gations positives. […] La question n’est donc pas de savoir si l’on a déjàreconnu — ou si on reconnaîtra un jour — que l’art. 7 crée des droitspositifs. Il s’agit plutôt de savoir si les circonstances de la présente affairejustifient une application nouvelle de l’art. 7, selon laquelle il imposerait àl’État l’obligation positive de garantir un niveau de vie adéquat.

J’estime que les circonstances ne justifient pas pareille conclusion. Avecégards pour l’opinion de ma collègue le juge Arbour, je n’estime pas quela preuve est suffisante en l’espèce pour étayer l’interprétation de l’art. 7qu’elle propose. Je n’écarte pas la possibilité qu’on établisse, dans cer-taines circonstances particulières, l’existence d’une obligation positive de

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pourvoir au maintien de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne.Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le régime contesté comportaitdes dispositions prévoyant du « travail obligatoire » compensatoire et lapreuve n’a pas établi l’existence d’un véritable fardeau. Le cadre factueltrès ténu en l’espèce ne saurait étayer l’imposition à l’État d’une lourdeobligation positive d’assurer la subsistance des citoyens.

Ainsi, sans fermer la porte à une extension future de l’applicabilité del’article 7 à des droits sociaux, il semble clair que, pour le moment dumoins, cet article ne peut être invoqué pour appuyer une obligationpositive de fournir des services gouvernementaux.

Bien que la majorité ait rejeté une telle lecture, les juges Arbour etL’Heureux-Dubé ont estimé toutes deux que la loi contestée violait lesarticles 7 et 15 de la Charte. Arbour a suggéré qu’on ne devrait pasadhérer à la distinction faite entre droits sociaux négatifs et programmessociaux et économiques. En fait, elle a soutenu que la Charte devrait êtrelue, dans certains contextes, comme imposant des obligations positivesà l’État dans des circonstances discrètes :

[…] le droit d’un individu « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa per-sonne » que lui garantit l’art. 7 comporte une dimension positive. Peu degens mettraient en doute l’obligation morale positive qu’a un Étatprovidence moderne comme le Canada de protéger la vie, la liberté et lasécurité de ses citoyens. Cependant, la question de savoir si cette obligationmorale positive se traduit par une obligation légale ne recueille pas un aussilarge consensus. Certains soutiennent que, en raison d’obstacles sur le plande l’interprétation, il est impossible de conclure que l’art. 7 impose à l’Étatl’obligation positive d’offrir une protection aussi fondamentale.

À mon avis, ces obstacles sont moins réels et importants qu’on pourrait lesupposer. Pas plus que ne l’exige le texte même de la Charte, la Cour n’ajamais statué qu’il lui fallait rejeter toute action — comme celle qui nousoccupe — demandant à l’État d’intervenir concrètement pour assurer auxcitoyens la protection tangible la plus élémentaire en ce qui touche à la vieet à la sécurité. Au contraire, la Cour a constamment choisi de ne pasécarter la possibilité de conclure à l’existence, à l’art. 7, de certains droitspositifs à des moyens élémentaires de subsistance. À mon sens, loin defaire obstacle à une telle conclusion, le texte et la structure de la Charte —tout particulièrement l’art. 7 de celle-ci — commandent en fait une telleconclusion (para. 306-307).

Nonobstant la logique de son argument, cette dissension n’a pas influencésubstantiellement les autres jugements, et n’a pas non plus élargisignificativement la nature et l’ampleur des droits et libertés au Canada.

Cela a été amplement démontré dans une décision unanimerécente, Auton c. B.C., particulièrement pertinente quant aux droits des

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personnes avec troubles mentaux. La Cour suprême a maintenu uneinterprétation restrictive de la Charte. Les parents d’un enfant souffrantd’autisme grave arguaient que le refus de la Colombie-Britannique definancer une forme particulière de thérapie béhaviorale constituait uneviolation des droits de leur enfant garantis par la Charte (article 15 (1)— discrimination). Le juge McLachlin a noté :

On comprend la situation des requérants et la décision des tribunauxinférieurs d’ordonner au régime public de soins de santé de payer leursfrais de thérapie. Cependant, la question dont nous sommes saisi n’est pasde savoir quels services devrait offrir le régime, car il appartient auParlement et à la législature d’en décider. Notre Cour doit plutôtdéterminer si le refus du gouvernement de la Colombie-Britannique desupporter financièrement les services en cause dans le cadre du régime desoins de santé équivaut à un refus injuste et discriminatoire des avantagesconférés par le régime, contrairement à l’art. 15 de la Charte. Malgré leursolide argumentation, les requérants n’ont pas établi que le refus desavantages contrevenait à la Charte (para. 2).

Dans sa décision, la Cour s’est appuyée sur l’analyse contrelaquelle Arbour avait argué : les obligations de l’État de procurer desservices particuliers doivent être ancrées dans un engagement positif del’État. Autrement dit, la Charte en elle-même ne peut être vue commedonnant une base à une revendication contre l’État. Dans le contexte dela cause Auton, le gouvernement de Colombie-Britannique ne payait pasles services spécifiques demandés par le plaignant ; la loi provinciale surles soins de santé (Medicare Protection Act) ne prétendait pas étendre lefinancement aux services des praticiens dispensant la thérapie demandéepar le plaignant. Sous le régime provincial, la Colombie-Britanniques’était gardé toute discrétion relativement aux services « alternatifs »dispensés par des praticiens non médicaux. Vu les définitions de cerégime, et la discrétion de la province de financer ou non de telsservices, la Cour suprême a été incapable de trouver une obligationlégale de la part de la province de fournir le financement demandé.

Selon Sujit Choudhry, la cause Auton de même que la récente déci-sion de Chaoulli c. Québec marquent une nouvelle ère dans lesjugements de la Cour suprême ; c’est-à-dire qu’avant ces décisions, il yavait peu de litiges concernant les aspects constitutionnels en matière desoins de santé 6. Choudhry a argué que si la cause Auton soutient laproposition voulant que des droits positifs ne puissent être mis envigueur en l’absence d’un fondement législatif spécifique au Canada, ladécision Chaoulli soutient la proposition selon laquelle le monopoled’État sur les soins de santé au Canada viole potentiellement 7 les droitsdes Canadiens garantis par la Charte. Le Dr Chaoulli contestait la

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constitutionnalité de la loi québécoise qui interdisait la souscriptiond’assurance santé privée dans cette province. Son patient avait souffertde divers problèmes de santé et se plaignait des délais du système desanté public québécois. Bien que le jugement de la Cour ne soit pasunanime, la majorité a soutenu que l’interdiction d’assurance privéeviolait la partie 1 de la Charte des droits et libertés de la personne, quiprotège le droit de l’individu à la vie et à la sécurité personnelle.

Vu la nature explosive de la décision Chaoulli, le résultat peut êtreconsidéré provoquant. La Cour en était consciente ; cependant, commele juge Deschamps l’écrit au nom de la majorité :

Les tribunaux ont le devoir de s’élever au-dessus du débat politique. Ilslaissent au législateur le soin d’intervenir pour concevoir les politiquessociales. Mais lorsque celles-ci violent les droits protégés par les chartes,ils ne peuvent s’esquiver. (para. 89).

À la lumière des jugements Auton et Chaoulli, il semblerait que lamise en vigueur d’une obligation légale en matière de soins de santé, àla fois pour les personnes souffrant de troubles mentaux et la populationen général, ne peut être soutenue. À l’heure actuelle, les personnes avectroubles mentaux et leurs défenseurs feraient mieux de porter leurattention sur des réformes législatives en matière de soins de santé pourasseoir leurs futures requêtes quant à l’obligation de l’État de dispenserdiverses options de traitement.

Révision judiciaireBien qu’en contexte canadien une discrétion considérable soit

accordée aux tribunaux administratifs quant aux traitements nonvolontaires des patients avec troubles mentaux, les décisions de cesinstances sont sujettes à un examen judiciaire. Le jugement de la Coursuprême dans la cause de Starson v. Swayze démontre bien l’importancede la surveillance judiciaire des décisions prises pour les personnes avectroubles mentaux jugées incapables d’accepter ou de refuser untraitement.

En vertu de la Loi sur le consentement aux soins de santé (OntarioHealth Care Consent Act, 1996), une personne jugée inapte peutrecevoir des traitements sans son consentement. La capacité, déterminéepar un médecin, est définie comme l’aptitude « à comprendre lesrenseignements pertinents à l’égard de la prise d’une décision concer-nant le traitement […] et […] à évaluer les conséquences raisonnable-ment prévisibles d’une décision ou de l’absence de décision ». Dans sacause, le professeur Starson avait été jugé inapte à prendre une décisionet forcé de se soumettre à des traitements tels que médicaments

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neuroleptiques, psychorégulateurs, anxiolytiques et antiparkinsoniens.Il a demandé à la Commission du consentement et de la capacité del’Ontario de réviser cette décision. La Commission a confirmé l’inca-pacité mais sa conclusion a été infirmée en Cour supérieure. La Courd’appel de l’Ontario puis la Cour suprême du Canada ont confirmé ladécision de la Cour siégeant en révision.

La question en litige dans Starson était de déterminer si la jugesiégeant en révision avait retenu la norme appropriée et l’avaitcorrectement appliquée à la conclusion d’incapacité prononcée par laCommission. Au Canada, en droit administratif, un grand respect estaccordé aux instances telles que la Commission du consentement et dela capacité ; en fait, le tribunal n’interviendra que pour motif patent deconclusion déraisonnable dans les causes où l’erreur saute aux yeux. Unstandard moins grand (reasonableness simpliciter) permet de procéder àla révision quand la décision ne peut être appuyée par un examenrigoureux. Finalement, le standard le moins exigeant permet demaintenir la décision quand elle apparaît encore correcte après unexamen plus serré. Le standard de révision tenu pour le plus adéquatdans tous les cas se traduit par l’application d’une analyse « pragmatiqueet fonctionnelle », soit l’examen d’un certain nombre de facteurs contex-tuels : absence d’un droit d’appel, expertise des décideurs, présenced’une question de fait ou de droit.

Dans Starson, la Cour de l’Ontario a soutenu que la décision de laCommission du consentement et de la capacité était sujette à révision envertu du critère de la raisonnabilité. En appliquant ce standard, elle atrouvé que la détermination faite par la Commission n’était pas soutenuepar la preuve ; alors que Starson ne tenait pas son état pour une maladie,il a reconnu que le fonctionnement de son cerveau n’était pas typique.De plus, la Commission a erré en omettant de lui demander s’il étaitconscient que son état se détériorerait s’il refusait le traitement proposé.Finalement, elle a erré en appliquant le test d’aptitude ; elle avait basé sadécision, en partie, sur l’opinion qu’elle-même avait du meilleur intérêtdu patient : en conséquence, a jugé la Cour, la Commission a « laissé demanière inappropriée son idée du meilleur intérêt de Starson influencersa constatation d’incapacité ».

Ce jugement est important dans la mesure où il renforce lesrestrictions imposées à la Commission du consentement et de la capacitésur la portée de ses attributions. Spécifiquement, la Cour a souligné lefait que le mandat de la Commission n’était pas de déterminer lesmeilleurs intérêts du patient, mais d’évaluer la capacité de la personneen question. Cette approche estime que l’intérêt en jeu est la liberté de

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la personne, et elle donne une expression plus large à la loi de 1996 surle consentement du patient, en mettant l’accent sur son autonomie et surle respect de ses désirs par rapport au traitement. Bien que son état futsusceptible de se détériorer s’il ne se soumettait pas aux soinsrecommandés, Starson s’objecta au traitement en grande partie à causedes effets secondaires de la médication. La Commission, en imposantl’opinion qu’elle avait de lui, a outrepassé les bornes établies par la loi ;ainsi, Starson peut être vue comme une justification du droit du patientde choisir soit de suivre le traitement, soit de le refuser, peu importe lesconséquences.

La disponibilité d’une révision judiciaire ou d’un appel àl’encontre de la détermination arrêtée par un médecin ou une instanceconcernant l’aptitude, est conforme aux normes internationales enregard des droits des personnes avec troubles mentaux, en particulier leprincipe 6 stipulant que « la personne dont la capacité est en cause, sonreprésentant personnel, le cas échéant, et toute autre personne concernéeauront le droit de faire appel des décisions en question devant untribunal supérieur ». Néanmoins, l’utilité de la révision judiciairecomme voie d’avancement des droits positifs des personnes avectroubles mentaux est, au mieux, limitée, vu que les instances adminis-tratives ont des mandats circonscrits par les législatures, et qu’unedécision concédant un bénéfice ou un droit qui n’est pas expressémentaccordé par la loi, pourrait être facilement révisée et renversée.

Réforme récente : l’ordonnance de traitement en milieucommunautaire

Même si la Cour suprême n’a pas voulu reconnaître que la Chartegarantit, en l’absence de base législative, un droit positif aux services dugouvernement, il y a eu néanmoins des développements positifs dans laméthode des traitements prodigués par le gouvernement aux personnesqui souffrent de troubles mentaux. Par exemple, l’Ontario et laSaskatchewan ont toutes deux apporté à leur législation en matière desoins en santé mentale des réformes qui fournissent une alternative àl’institutionnalisation, et complètent la loi quant à la négligence et audésaveu. Suite à la tendance actuelle d’un certain nombre de pays, etreflétant les valeurs sous-jacentes aux principes internationaux, cesprovinces dispensent maintenant, avec l’innovation communautaire, destraitements plus flexibles. Bien que ces développements portent plusdirectement sur les droits négatifs que sur les positifs, ils sont révé-lateurs d’un changement du discours gouvernemental au Canadarelativement aux traitements des personnes avec troubles mentaux. Ces

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initiatives soulignent l’importance de repenser la frontière qui sépare lesdroits positifs des droits négatifs dans la jurisprudence canadienne.

Une ordonnance de traitement en milieu communautaire (OTC) estun plan de traitements qu’un patient avec troubles mentaux doit suivre(bien que de consentement), mais qui peut être dispensé hors institution.L’utilisation de l’OTC pour le traitement de ces patients n’est pas unnouveau concept ; comme Bell l’a noté, « les soins communautaires ontgagné en popularité dans les années 1960 alors que les médicamentspsychotropes menaient à la possibilité que les personnes avec troublesmentaux puissent demeurer dans la communauté tout en recevant dessoins » (Bell, 2003, 486). Néanmoins, ce n’est pas avant 1994 que la loide la Saskatchewan a été modifiée pour permettre les OTC. L’Ontario asuivi en l’an 2000, avec la loi de Brian (Brian’s Law), qui a modifié lalégislation (Mental Health Act) afin de permettre de dispenser des soinsdans la communauté avec l’OTC.

En Ontario et en Saskatchewan, l’OTC est disponible seulementpour les patients qui ont au préalable été hospitalisés à cause de leurmaladie. Malgré cette limitation, l’OTC est conforme aux principesinternationaux (MI Principles), et reflète l’engagement en faveur desdroits fondamentaux des personnes avec troubles mentaux ; le principe3 reconnaît expressément le droit de ces personnes de vivre dans lamesure du possible dans leur communauté. Bien que les OTC, à l’instarde l’institutionnalisation, interfèrent avec l’intérêt de liberté du patient,ces programmes de soins s’avèrent beaucoup moins contraignants quel’hospitalisation coercitive. De plus, dans le cas de l’Ontario, le consen-tement du patient (ou de son représentant) est requis pour prescrirel’OTC, et une telle ordonnance ne peut être émise sans que le patient nesoit informé de son droit à un avocat. Quant au modèle institutionnel detraitement obligatoire, l’OTC reflète clairement l’avancement des droitsdes patients, du moins dans le cadre des droits négatifs.

Toutefois, le succès de ces traitements dépend de la disponibilitédes services dans la communauté pour appuyer le patient soumis à unetelle ordonnance, et la prestation de tels services n’est pas rendueobligatoire par la loi :

La disponibilité des services est une question majeure à la fois dansl’élaboration et dans l’implantation de la loi sur les traitements commu-nautaires obligatoires (comme pour les soins externes de patients nonvolontaires). Évidemment, si les ressources nécessaires pour répondre auxconditions de la personne ne sont pas disposibles, elle ne peut s’y sou-mettre. Ces personnes pourraient devoir retourner à l’hôpital en raisond’une situation sur laquelle elles n’ont aucun contrôle. Certaines critiques

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[…] soutiennent que les ordonnances de traitement en milieucommunautaire ne devraient pas être émises tant que la gamme complètedes services en santé mentale ne soit disponible pour tous, chose quin’arrivera peut-être jamais (Gray, 2006, 20).

Les services communautaires requis pour le succès d’un régime OTC nese limitent pas au traitement médical ; logement et revenu adéquats, aideà la formation, sont aussi nécessaires pour assurer une réintégrationréussie de l’individu dans la communauté, et pour contrer la stigma-tisation sociale subie par ces personnes. Comme Bell l’a souligné quandles tous premiers programmes OTC ont été introduits :

Les décideurs avaient sous-estimé les circonstances sociales danslesquelles les personnes avec troubles mentaux pourraient vraisemblable-ment se retrouver et qui en mèneraient plusieurs à être exclues de l’accèsaux ressources matérielles nécessaires à la vie en communauté, une situa-tion que les lois anti-discriminatoires ne corrigent pas toujours (2003,486).

En l’absence de garantie que les services essentiels à une réintégrationréussie dans la communauté seront rendus disponible aux patients sousOTC, il est loin d’être évident que ces développements amélioreront leurvie.

Redressement

Les systèmes modernes de santé mentale ne dépendent plusd’abord des hôpitaux psychiatriques, mais des unités psychiatriquesd’hôpitaux généraux et d’une variété d’agences communautaires desanté mentale. En matière de droits humains, ces systèmes ont besoind’un discours différent, qui aborde la discrimination économique et lesinégalités d’accès aux soins ainsi que la violence systémique etstructurelle à laquelle ces patients sont sujets dans la communauté. Lediscours sur les droits humains doit évoluer pour se préoccuper moinsexclusivement des droits à la liberté et à l’autonomie des maladesmentaux et davantage à leurs droits comme classe de citoyens encorebafoués au sein du système social. La bataille pour ceux qui sepréoccupent de ces personnes est de gagner pour elles les mêmes droitset les mêmes programmes que ceux dont jouissent les autres citoyens(Farmer, 1999).

De la protection des droits fondamentaux à la négligence sociale

La plupart des lois concernant les personnes avec troubles mentauxse concentrent sur les droits civils traditionnels ou de « première géné-ration », surtout les droits de liberté, de juste procédure, de protection

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contre les abus ou l’imposition autoritaire de traitement (Laing, 1971).Bien qu’il soit très important de préserver ces protections, les régimestrop imbus de philosophie anti-institutionalisation ou fondés surl’autonomie absolue de l’individu trahissent une idéologie qui oublie deprendre en compte les besoins réels de pays ayant recouru àl’institutionnalisation. Dans la majorité des pays où une politique dedésinstitutionnalisation a été implantée, dont le Canada, les patientsavec troubles mentaux ne sont plus dans des hôpitaux psychiatriques,mais se retrouvent jetés dans la communauté. La plupart d’entre euxn’ont accès à un lit dans aucun type d’hôpital. Le défi auquel sontconfrontés plusieurs de ces patients est l’envers du précédent modèle ;alors que l’abus systémique et la privation de la liberté constituaient laplus grande faiblesse des régimes antérieurs, les patients d’aujourd’huifont face à la négligence structurelle et systémique. À son tour, cettesituation a eu un impact profond sur ces personnes en tant que sous-classe sociale laissée sans protection. Ainsi, de savoir si les patients avectroubles mentaux ont gagné quelque chose peut sembler académique,mais à voir le sort qui leur est fait dans les ghettos urbains de maladiesmentales, ou dans les prisons, la question est fort pratique, obligatoire eturgente. De plus, elle exige des réponses non seulement des législateurset des décideurs, mais de la société en général, qui entretient desattitudes négatives envers ces personnes et ne comprend pas dans quelleimpuissance elles sont.

Trois interactions sociales — attitudes stigmatisantes, droits néga-tifs et impuissance — expliquent le fossé qui sépare les documentsofficiels ou les bonnes intentions des lois contre la discrimination et lesréalités de la vie des personnes avec troubles mentaux dans la sociétéd’aujourd’hui.

Attitudes stigmatisantes : perspective, identité et réaction

La stigmatisation, les préjugés et la discrimination ont étéidentifiés comme étant les raisons à la plupart des difficultés que doiventaffronter les personnes avec troubles mentaux lorsqu’elles sont prêtes,au jugement clinique, à réintégrer la société (Arboleda-Flórez, 2003).Alors que la stigmatisation et les préjugés sont des attitudes, la discri-mination constitue le déni actif des programmes et des droits dontjouissent d’ordinaire la plupart des citoyens. Stigmatisation, préjugés etdiscrimination sont étroitement liés et forment un même tissud’habitudes sociales qu’on peut observer dans toutes les classes etgroupes sociaux. La stigmatisation se développe au sein d’une matricesociale de relations et d’interactions et doit être comprise dans trois

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aspects (Crocker, 1998). Ces aspects ont été identifiés comme étant laperspective, l’identité et la réaction.

Les patients qui montrent des signes de leur état parce que leurssymptômes ou les effets secondaires de la médication les font apparaîtreétranges, ou qui sont socialement perçus comme faibles de caractère ouparesseux, ou encore qui affichent des comportements menaçants,obtiennent un score habituellement élevé sur ces trois aspects. Par unprocessus d’association et d’identification de classe, tous les patients avectroubles mentaux font l’objet d’une stigmatisation égale. Le patientindividuel, peu importe son degré de détérioration ou d’incapacité, estrangé dans une classe, et l’appartenance à une classe renforce lastigmatisation à son égard. Ce processus d’inclusion dans une classe vajusqu’à faire percevoir ces personnes comme imprévisibles et violentes.De plus, les perceptions de la population en général sont façonnées par desimages médiatiques ou d’autres manifestations de la culture populaire.Les médias dépeignent souvent les patients comme étant dangereux, etl’intrigue du « tueur psycho » est depuis longtemps exploitée par le cinéma(Steadman, 1978 ; Byrne, 1998). L’association entre maladie mentale etviolence aide à perpétuer la stigmatisation et les pratiques discriminatoiresenvers ces personnes et elle n’est qu’un des nombreux stéréotypes etattitudes préjudiciables de la population à leur égard (Stuart 2001).

Dans la mesure où plusieurs maladies mentales sont chroniques etincapacitantes, les personnes aux prises avec ces troubles peuventdifficilement échapper à l’étau des attitudes sociales négatives. Il enrésulte une annihilation sociale de ces personnes, un resserrement deleur vie qui les empêche de se ré-intégrer pleinement dans la commu-nauté et de participer aux activités de leurs groupes de référence. Lapeur de la stigmatisation en empêche plusieurs d’aller chercher lestraitements nécessaires ou d’adhérer à un régime de soins. Une telleanxiété au travail comme la peur de perdre son emploi les maintientaussi dans une prison intérieure de désespoir, jusqu’à ce que la situationsoit irrécupérable.

De hauts niveaux d’attitudes de stigmatisation au sein de lapopulation et même parmi les cliniciens pourraient être à la base de ceque Kelly (2005) appelle la « violence structurelle », une formepernicieuse et insidieuse de discrimination et d’abus, qui se traduit parune privation de droits. Les patients avec troubles mentaux sont sansemploi, confinés à une existence de pauvreté et de charité, bénéficiairesde l’anti-droit de vivre en sans-abri mourant souvent de froid une nuitd’hiver. Dans la réalité, ces personnes ont eu plus que leur part de vols,d’agressions, de viols ou de meurtres dans les rues où elles dorment

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faute de logement approprié. S’il leur arrive de réagir violemment,souvent pour se défendre, elles sont étiquetées comme dangereuses etenvoyées en prison. Ces personnes, en effet, ont aussi obtenu l’anti-droitd’être criminalisées et de recevoir des soins, s’il y en a, dans les prisonset les pénitenciers, non dans les hôpitaux comme la plupart des citoyenss’y attendent quand eux-mêmes sont malades (Arboleda-Flórez 1997).La facilité avec laquelle on les a criminalisées renforce les attitudes destigmatisation à leur égard. Cela a alimenté la peur qu’elles soientdangereuses et imprévisibles, et mené à des appels pour les contrôlerdavantage par des mesures d’internement forcé (Appelbaum, 1997 ;Durham 1985). En retour, la dureté de leur existence a un impact négatifsur leur maladie car les éléments biologiques, psychologiques et sociauxsont étroitement interreliés pour renforcer les facteurs étiologiques etmaintenir leur statut de malade.

Impuissance

Malheureusement, les personnes avec troubles mentaux n’ont pasle pouvoir d’ordinaire d’améliorer leur situation. La pauvreté, la perte dedroits et l’absence de défenseur contribuent à cette situation.

Ces personnes se retrouvent souvent au plus bas niveau social etéconomique. Leur statut socio-économique est relié aux impacts d’unemaladie qui les attaque bien avant que plusieurs d’entre ellesn’atteignent leur plein développement, tronquant ainsi leur éducation etréduisant leur potentiel de travail. Plusieurs qui développent cettemaladie jeunes ne peuvent pas recourir aux soins qui aideraient à ladéraciner et à en atténuer les effets. De trop faibles connaissances sur lanature et l’apparition des maladies mentales, la peur du stigmate chezles membres de la famille, un manque des ressources financières, et unsystème de soins qui ne fournit pas de milieux de traitement pour lesjeunes, prolongent sans raison le délai entre l’apparition de la maladie etla première possibilité de la traiter. D’autres, qui deviennent maladesplus tard dans la vie, se retrouvent souvent au chômage. Cela entraîneune perte catastrophique de revenu et une descente rapide dans l’échellesocio-économique. Souvent, même une réclamation d’indemnité d’assu-rance, payée pour des éventualités de cette nature, devient un vraicauchemar. Les compagnies ont tendance à regarder les réclamations defaçon suspecte, réduisant les options de traitement et forçant la personneà encourir des frais d’expertise qui ne servent qu’à redresser l’injustice.

Ces problèmes sont aggravés du fait que les personnes avectroubles mentaux ont rarement de voix politique. La plupart d’entre ellesne peuvent même pas être inscrites à la liste électorale vu qu’elles sont

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sans domicile fixe ; sans adresse, elles ne peuvent donc pas voter. Lelobbying et la défense des droits, auxquels maints groupes d’usagersrecourent pour améliorer l’accès aux soins (centres de traitement ouoptions de traitement), sont difficiles à organiser parmi les personnesavec troubles mentaux. Les familles sont elles-mêmes affectées :plusieurs vivent dans la pauvreté et sont donc elles-mêmes sans grandpouvoir politique. L’absence de liberté et de voix politique rendinvisibles les problèmes sociaux et donc le sort de ces personnes et deleurs familles fait rarement partie des débats politiques. Il en résulte unenégligence pour les systèmes de soins, un financement insuffisant, descentres inadéquats et une indifférence totale à cette situation sociale. Lespersonnes souffrant de ces maladies sont non seulement privées de leursdroits mais totalement aliénées du système politique.

À sa base, l’impuissance de ces personnes prend racine dans leurspropres difficultés mentales, qui consument souvent leur énergie,compromettant ainsi leur capacité de participer à l’arène politique. Lespatients gravement malades sont préoccupés par leurs délires et leurshallucinations ; plusieurs sont trop paranoïaques pour simplementpenser faire confiance à quelque forme que ce soit d’action de groupe,ils sont désorganisés à cause de leur comportement maniaque, ou tropdéprimés pour simplement s’en préoccuper. Les maladies mentalesgraves sont très invalidantes et troublent la modulation appropriée desaffects et des contrôles de comportement. Elles altèrent aussi les pro-cessus cognitifs nécessaires à la compréhension de questions complexeset à l’expression des opinions de manière cohérente, spécialement pourparler en public, comme la plupart des actions politiques le requièrent.

En plus de n’avoir pas de voix politique qui leur soit propre, lespersonnes avec troubles mentaux manquent aussi de champions. Mêmelorsqu’un leader ou un militant apparaît et se fait le défenseur de cespersonnes, sa force de motivation provient d’ordinaire d’une situationd’outrage personnelle : souvent un proche a succombé à la maladiementale et lui-même doit faire face à la dure réalité de servicesinadéquats. La peur des répercussions négatives sur son capital politiquea mené plus d’un politicien à cacher la maladie d’un proche ou mêmed’un collègue. Une histoire de maladie mentale s’avère un obstaclemajeur pour se faire élire ou demeurer en politique. Les cliniciens quiestiment avoir à confronter la réalité sociale de leurs patients et qui sefont un devoir de les défendre sont souvent perçus comme favorisantleurs propres intérêts. Eux-mêmes élus, ils passent à d’autres questions,ne souhaitant pas être vus comme le politicien d’une seule cause,s’obstinant sur un sujet sans résonance politique.

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Conclusion

Vu l’apparente dissonance entre les droits internationalementreconnus à des soins adéquats et à la protection contre la discrimination,et leur application restreinte en contexte canadien, on pourrait sedemander quels progrès attendre dans un proche avenir. Il est importantde rester bien informé du réel progrès accompli au Canada quant à lareconnaissance des droits, positifs et négatifs, des deux dernières décen-nies. Les tribunaux, les législatures et le parlement ont dans une certainemesure contribué à cet avancement, et de récents développements fontespérer que les inégalités historiques seront de plus en plus réparées.

Les causes de Gosselin et d’Auton n’ont pas réussi à établir auCanada un plein droit à des services de l’État (quant aux prestations d’aidesociale et aux services de soins de santé, respectivement). Néanmoins, vuque la cause de Gosselin a reflété une division à la Cour suprême (unjugement à 5 contre 4), les droits positifs pourraient recevoir une plusgrande reconnaissance advenant des faits nouveaux. De plus, une décisionrécente a ouvert un plus grand espace à l’influence du droit internationaldans l’interprétation des droits enchâssés dans la Charte. L’Heureux-Dubé l’a noté dans Baker c. Canada (ministère de l’Immigration), « lesvaleurs exprimées dans le droit international des droits de la personnepeuvent aider à éclairer l’approche contextuelle dans l’interprétation deslois et le contrôle judiciaire », même quand un instrument international n’apas été repris dans les lois canadiennes (Baker, para. 70).

De la même manière, comme on l’a déjà mentionné, les déve-loppements législatifs récents ont aidé à une meilleure reconnaissancede la dignité et de la valeur des personnes qui souffrent de troublesmentaux. Notamment, les réformes de la loi sur la santé mentale enOntario y ont amené le système provincial à s’aligner de plus près avecles Principes internationaux, en stipulant que là où c’est possible, lestraitements doivent avoir lieu dans la communauté du patient. Toutefois,en l’absence d’engagements sérieux de la part de l’État à financeradéquatement les programmes communautaires d’aide à la réintégrationde ces personnes, les changements législatifs ne vont guère permettred’en arriver aux résultats souhaités.

Si le Canada doit se conformer vraiment aux principes et à l’espritde la convention Protection des personnes atteintes de maladies men-tales et amélioration des soins de santé mentale, il sera nécessaire desolidifier un terrain propice à l’établissement de droits sociaux exigibles,soit par une interprétation plus progressiste des droits garantis par laCharte canadienne, soit plus probablement par des lois spécifiques ou

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des engagements réglementaires des gouvernements. Ces deux dévelop-pements reposent beaucoup, en retour, sur les efforts renouvelés dessoignants, des avocats, des psychiatres et des politiciens pour défendreces droits. En l’absence d’un tel engagement, le fossé entre la premièreet la deuxième génération de droits sera-t-il comblé, et les droitsfondamentaux des patients avec troubles mentaux, tels que reconnus parle droit international, trouveront-ils leur pleine expression au Canada ?Cela reste incertain.

Notes

1. Voir par exemple Gosselin v. Quebec.

2. Certains droits y valent aussi pour d’autres personnes, comme les réfu-giés en sol canadien, même s’ils n’ont pas la nationalité canadienne. Notedu traducteur.

3. Winko v. B.C. ; voir aussi R. v. Lepage, [1999] 2 S.C.R. 744 et Bese v.British Columbia (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 S.C.R. 722.

4. Because of the different public purpose, it is difficult to analyze pro-cedural protections in a hospital setting by reference to criminalstandards. For the reasons that follow I find that the proceduralprotections set out in the MHA meet the Charter obligations for adetention under the MHA. The more extensive Charter obligations thatrequire police to inform a detainee for criminal purposes orally of theright to counsel and the opportunity to access free legal advice do notapply (1982, para. 54).

5. Dans une étude récente, Ran Hirschl note qu’au chapitre des droits« négatifs » 117 causes ont été gagnées en Cour suprême entre 1982 et1989, et qu’à celui des droits « positifs » et collectifs, seulement 14 l’ontété, soit un ratio de 8:1 (2000, 1076).

6. La professeur Choudhry a fait ces commentaires lors d’une présentationau Symposium international, tenu à l’Université de Montréal le 11 no-vembre 2005, sur la thème : La révolution de la Charte et la pratique dela médecine.

7. On dit potentiellement, car la Cour n’a pas fondé sa décision sur l’art. 7de la Charte canadienne, mais sur la Charte québécoise, plus large à cetégard. Le jugement peut donc ne pas avoir un effet aussi dramatiqueailleurs au Canada.

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ABSTRACT

Canadian mental health rights in an international perspective

This article surveys the status of people with mental disorders inthe light of international human rights law and assesses if their rights arerespected in the Canadian context. The authors recognize that althoughthe national systems of countries such as Canada provide significantcivil and constitutional protections on the positive rights of its citizens,including those who suffer from intellectual disability, the same cannot

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be said with respect to entitlements to the provision of social services.The authors argue that this shortcoming must be remedied. Finally, theauthors conclude that it is paramount to closely monitor the apparentdissonance between internationally recognized rights to adequatehealthcare and freedom from discrimination and their strict applicationin the Canadian context.

RESUMO

Los derechos a la salud mental en Canadá: una perspectivainternacional

Este artículo examina el estado de las personas que sufren tras-tornos mentales, en relación con los instrumentos internacionales enmateria de derechos humanos, y evalúa si los derechos de estas personasson respetados en el contexto canadiense. Los autores estiman que,aunque los sistemas de países como Canadá garantizan la proteccióncivil y constitucional significativa de todos sus ciudadanos, incluyendoa aquellos que sufren de trastornos mentales, es muy diferente en cuantoal acceso a los servicios sociales. Los autores discuten la necesidad decorregir esta laguna. Finalmente, estiman que es necesario vigilar laaparente disonancia entre los derechos internacionalmente reconocidos,al cuidado adecuado y a la protección contra la discriminación, y suaplicación restringida en el contexto canadiense.

RESUMEN

Os direitos em saúde mental no Canadá: uma perspectivainternacional

Este artigo examina o estatuto das pessoas que sofrem detranstornos mentais à luz dos instrumentos internacionais em matéria dedireitos humanos e avalia se os direitos destas pessoas são respeitadosno contexto canadense. Os autores acreditam que, apesar dos sistemasde países, como o Canadá, garantirem proteções civis e constitucionaissignificativas a seus cidadãos, incluindo os que sofrem de transtornosmentais, não é bem assim no capítulo do acesso aos serviços sociais. Osautores discutem a necessidade de corrigir esta lacuna. Finalmente, elesacreditam que é necessário observar de perto a aparente dissonânciaentre os direitos, internacionalmente reconhecidos, aos cuidados ade-quados e à proteção contra a discriminação, e sua aplicação limitada nocontexto canadense.

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