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N° 354 25 MAR 2008 Une fois n’est pas coutume, Transrural initiatives vous propose de rentrer dans la complexité des données économiques et techniques de l’agriculture. Car, si les principes de l’agriculture durable sont séduisants, il faut encore qu’à l’expérience celle-ci fasse ses preuves. Peut-on en effet développer des systèmes de production agricole viables économiquement, préservant l’environnement, fournissant des produits de qualité à des prix abordables, et sans que le paysan ne se tue à l’ouvrage ? Plusieurs réseaux d’agriculteurs en font l’essai et obtiennent aujourd’hui des résultats satisfaisants. Deux dossiers seront donc consacrés à ce thème, dont voici le 1er volet. La production laitière est probablement le domaine dans lequel les expérimentations en système durable sont allées à ce jour le plus loin. Il était donc logique d’introduire cette série de dossiers par cette entrée. On s’intéressera ici aux travaux de groupes de producteurs laitiers de l’Ouest, le Réseau agriculture durable et le Groupe de recherche en agriculture durable et en économie locale. Depuis de nombreuses années maintenant, ces paysans ont remplacé le maïs par l’herbe pour nourrir leur vaches, repensent l’organisation de leur travail et de leur ferme. L’environnement s’en trouve moins perturbé et leur revenu s’est plutôt amélioré. Il est donc urgent de faire connaître et de mettre en débat ses résultats. Dossier réalisé en partenariat avec la FNCIVAM Leçons de la production laitière Dossier Dossier Transrural Le Réseau agriculture durable (Rad) et le Groupe de recherche en agricul- ture durable et en économie locale (Gradel) recherchent, depuis plus de deux décennies, à créer des systèmes de production laitière « viables et vivables». Reposant sur la valorisation de l’herbe plutôt que du maïs, leurs recherches techniques cherchent à réduire les coûts de production, en réduisant par exemple la mécanisation ou en réorganisant leur travail, à améliorer leurs conditions de travail, ainsi qu’à limiter l’impact de leur acti- vité sur l’environnement. Le Rad a créé un cahier des charges qui traduit ces différentes dimensions de la durabilité : surface minimale en herbe, limitation des intrants et des traitements, rotations minimales, maintien des haies, etc. Contacts : Réseau agriculture durable 02 99 77 39 25 www.agriculture-durable.org Gradel 02 40 79 32 93 photo : ??

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N° 35425 MAR2 0 0 8

Une fois n’est pas coutume, Transruralinitiatives vous propose de rentrer dans lacomplexité des données économiques ettechniques de l’agriculture. Car, si lesprincipes de l’agriculture durable sontséduisants, il faut encore qu’à l’expériencecelle-ci fasse ses preuves. Peut-on en effetdévelopper des systèmes de productionagricole viables économiquement,préservant l’environnement, fournissant desproduits de qualité à des prix abordables, etsans que le paysan ne se tue à l’ouvrage ?Plusieurs réseaux d’agriculteurs en fontl’essai et obtiennent aujourd’hui desrésultats satisfaisants. Deux dossiers serontdonc consacrés à ce thème, dont voici le 1ervolet.La production laitière est probablement ledomaine dans lequel les expérimentations ensystème durable sont allées à ce jour le plusloin. Il était donc logique d’introduire cettesérie de dossiers par cette entrée. Ons’intéressera ici aux travaux de groupes deproducteurs laitiers de l’Ouest, le Réseauagriculture durable et le Groupe de rechercheen agriculture durable et en économie locale.Depuis de nombreuses années maintenant,ces paysans ont remplacé le maïs par l’herbepour nourrir leur vaches, repensentl’organisation de leur travail et de leur ferme.L’environnement s’en trouve moins perturbéet leur revenu s’est plutôt amélioré. Il estdonc urgent de faire connaître et de mettreen débat ses résultats.Dossier réalisé en partenariat avec la FNCIVAM

Leçons de la production laitière

DossierDossierTransrural

Le Réseau agriculture durable (Rad) et le Groupe de recherche en agricul-ture durable et en économie locale (Gradel) recherchent, depuis plus dedeux décennies, à créer des systèmes de production laitière «viables etvivables». Reposant sur la valorisation de l’herbe plutôt que du maïs, leursrecherches techniques cherchent à réduire les coûts de production, enréduisant par exemple la mécanisation ou en réorganisant leur travail, àaméliorer leurs conditions de travail, ainsi qu’à limiter l’impact de leur acti-vité sur l’environnement.Le Rad a créé un cahier des charges qui traduit ces différentes dimensionsde la durabilité : surface minimale en herbe, limitation des intrants et destraitements, rotations minimales, maintien des haies, etc.

Contacts: Réseau agriculture durable 02 99 77 39 25www.agriculture-durable.orgGradel 02 40 79 32 93

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TRANSRURAL Initiatives • 25 MARS 2008 • IID

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L’analyse présentée ici fait suite à uneétude publiée en janvier 2007 conjointe-ment par l’INRA et l’Institut de l’élevagesur le thème «Productivité et rémunéra-tion du travail dans les exploitations lai-tières du Nord de l’Europe». Cette étuden’a pas cherché à comparer les systèmeslaitiers spécialisés intensifs du Nord del’Europe avec les systèmes « herbe » duRéseau agriculture durable et du GRA-DEL (cf pI), au motif que ces derniers ne

seraient pas représentatifs. Cela auraitété pourtant très instructif…Il était donc nécessaire de compléter cetravail. Cette analyse repose sur les élé-ments présentés dans le tableau ci-contre, qui permet d’apprécier les diffé-rences entre les systèmes intensifsdanois, hollandais, allemands et français,d’une part entre eux et d’autre part avecles systèmes durables de l’Ouest de laFrance1.

Les exploitations laitières en système durableplus solides face aux évolutions du marchéet des politiques agricolesProlongement d’une étude sur les systèmes laitiers du Nord de l’UE les plus en vue, en les comparant auxsystèmes durables développés dans l’ouest de la France.

AU DANEMARK : « Travailler énormément, vivre pauvreet très endetté pour espérer mourir riche »

Le modèle d’exploitation laitière danois fascine la filière productiviste française qui cherche à lemontrer à la fois comme une menace et comme un exemple à suivre. Ce modèle est aujourd’huimarqué par la fin de la co-existence de deux types d’élevage, également « familiaux » : – l’élevage traditionnel, en voie de disparition avec 40 à 50 vaches laitières (VL) sur 30 à 40ha, – le nouveau modèle, de 100 à 200 VL, sur 80 à 200 ha, les animaux ne sortant jamais, nourris

avec une ration comportant une part importante d’aliments achetés et recherche de la produc-tivité maximale du travail.

Les éleveurs sont très lourdement endettés pour financer un actif très élevé : en moyenne, 1122800€/UTAF comprenant le foncier, les bâtiments et équipements, souvent surdimensionnés (envue de croissance ultérieure), les quotas et frais d’établissements. Le recours à l’emprunt est per-manent, pour non seulement financer tout nouvel investissement, mais aussi pour vivre. La stra-tégie est ici celle d’un endettement de fuite en avant, dans la perspective d’une «rémunérationdifférée» par la vente de l’exploitation en fin d’activité. Dans le nouveau modèle, le taux d’endettement moyen est de quasi 100% en phase d’installa-tion, de 85% en régime de croisière et espéré vers les 60-70 % en fin de carrière. Une dynamiquevisiblement davantage subie qu’assumée de manière positive et sereine. Malgré un prix du lait nettement supérieur à la moyenne européenne, le revenu courant était en2003 très faible (< de 14 000 ¤/UTAF) et inférieur au montant des aides directes perçues: lescharges totales sont supérieures au produit agricole! Cependant, ce résultat comptable est biaisépar le choix d’amortir les investissements sur des durées beaucoup plus courtes que celles desemprunts. Les marges d’erreur sont ici très faibles, avec une intensité et une quantité de travailtrès élevées.

AU PAYS-BAS :des élevages spécialisés très

intensifs et valorisant l’herbeLa restructuration aux Pays-Bas est égalementforte, quoique moins violente qu’au Dane-mark. Elle s’inscrit dans la poursuite d’unmodèle homogène d’élevages très spécialisés,caractérisé par une part importante del’herbe, conduite intensivement, avec un équi-pement moderne et peu de main d’œuvresalariée.Le foncier est rare et très cher, limitant la tailledes exploitations. L’actif par UTAF est encoreplus élevé qu’au Danemark, dû au prix dufoncier et aux quotas très chers (2€/l, entre 25et 50 % du coût de l’installation). Les ban-quiers sont prudents et exigeants, contrai-gnant les éleveurs à disposer d’un fort tauxd’autofinancement (avantage déterminant auxreprises familiales). Un prix du lait supérieur àla moyenne de l’UE et de bonnes perfor-mances techniques liées à une bonne valorisa-tion de l’herbe permettent aux éleveurs hol-landais d’atteindre un revenu courant de26300€/UTAF mais dont une part importantedoit servir à autofinancer les investissements.Les deux modèles danois et hollandais «culti-vent» une surface agricole importante dans lespays tiers (part importante des aliments ache-tés) et enregistrent des frais d’élevage de plusdu double au litre de lait par rapport aux sys-tèmes durables.

EN ALLEMAGNE :diversité des systèmes et plusgrande stabilité des structuresOn observe en Allemagne une forte diversitédes modèles et tailles d’élevage selon les lan-ders : au Nord, une évolution influencée parles modèles danois et hollandais ; à l’Est, degrands élevages (170 VL) prolongement desfermes d’état ; au Sud, des élevages de petitetaille dans des exploitations majoritairementdiversifiées.Le prix du lait était en 2003 nettement infé-rieur à la moyenne de l’UE (-29€/1000l, soitune incidence sur le revenu de près de8000€/UTAF). Ce serait un frein à la moderni-sation des élevages et facteur d’abandons de laproduction laitière, alors que beaucoupd’experts rêvent d’une évolution à la danoise.Les investissements sont modérés, pour les-quels l’autofinancement serait majoritaire parrapport à l’emprunt (part importante dereprises familiales avec cession quasi gratuite).

Caractéristiques Danmark Pays-Bas Allem Fra-Nord Fr-Ouest Réseau Gradelde ses systèmes de production (2003) (2003) (2003) (2003) (2003) agriculture durable (2005)Surface agricole utile 90 46 70 72 64 65,9 72Production lait/exploitation 649 000 544 500 428 000 304 700 264 800 288 400 319 829Unités de travail2 (UTA) 1,86 1,69 1,85 1,73 1,75 1,90 2,4RÉSULTATS ÉCONOMIQUESPrix du lait (€/1000l) 332 325 284 312 313 313 302- Produit agri./UTA 139 946 124 320 102 435 87 215 64 342 63 073 58 633- Aides directes/UTA 21 300 5 259 10 192 13 227 8 682 nd 4 478- Rev. Courant/UTAF 13 658 26 298 17 115 17 531 14 730 21 206 24 956INTENSITÉ CAPITAL/UTAF- Actif total/UTAF 1 122 845 1 492 857 550 255 239 083 152 155 139 493 102 289- Dettes tot/UTAF 723 332 383 766 114 027 110 048 65 508 59 981 30 617- Taux d'endett/Utaf 64 % 25,7 % 20 % 46 % 43 % 42,9 % 29 %CHARGES (€/1000L)- Totales 407 319 344 433 379 322 247dont : - Aliments achetés 86 61 67 79 47 26,8 23

- Frais mécanisation 89 72 85 122 118 87 81Produit agri (€/1000 l) 401 385 373 452 425 415 440

1. Sources : « Productivité et rémunération du travail dans les exploitations laitières du Nord de l’Europe » étude Institut Élevage-RICA, janvier 2007. Etude comparative systèmes laitiersintensifs et à base d’herbe dans l’Ouest, Réseau agriculture durable, 2004. GRADEL résultats économiques 2005.2. Unité de mesure de la quantité de travail humain fourni sur l’exploitation agricole.

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L’amélioration de la productivité dutravail (par substitution maximale ducapital au travail) observée dans lessystèmes du Nord de l’Europen’entraîne pour les éleveurs ni l’amé-lioration des conditions de travail, nimême assurément de meilleurs reve-nus, si ce n’est au moment de la ces-sation d’activité avec la perspectivede valoriser un patrimoine plusimportant. De même, l’étude INRA-Institut de l’Elevage souligne que lescoûts de production au litre de laitne diminuent pas significativementavec la taille croissante des élevages. En comparaison, les systèmes de pro-duction autonomes et à base d’herbe(donc les moins hors-sol) sont nette-ment moins exigeants en capitaux,donc plus aisément transmissibles :les capitaux mobilisés sont de 8 à 10fois moins élevés par unité de travail(UTAF) et de 2,5 à près de 4 foismoins élevés par quantité de lait pro-duite que dans les modèles danois ethollandais ! Ils dégagent un revenusupérieur à celui des intensifs fran-çais et danois et quasi égal à celuides Pays-Bas, avec plus de 2 foismoins de quotas et en percevant de 3à 5 fois moins d’aides publiques parUTAF que les systèmes intensifsdanois et français. Ils assurent 50 %d’emplois en plus à l’hectare cultivé.Enfin, ils offrent incontestablementdes conditions de travail nettementplus acceptables que les modèleshyper intensifs et sont plus respec-tueux de l’environnement (moindreconsommation énergétique, main-tien de la qualité de l’eau, moindre«consommation» de terres dans despays tiers pour produire le sojaimporté, etc.).Mais les éleveurs qui adoptent cessystèmes autonomes ont « l’inconvé-nient » pour le système capitaliste demoins solliciter les industries desintrants, de l’équipement, et le sys-tème bancaire.

INCIDENCES DE L’ÉVOLUTIONDES PRIX AGRICOLES ET DE LARÉORIENTATION DES AIDES

L’évolution des marchés des produitslaitiers en 2008 ne permettrait pas deprolonger l’augmentation du prix dulait payé au producteur observéedepuis le 2e semestre 2007. En

revanche celles des céréales, destourteaux et du pétrole risquent dese poursuivre. Dans ce contexte, onse rend compte que l’augmentationdu prix du lait ne compensera pas lessecondes au Danemark, en Alle-magne ni au Nord de la France. Ellereste en revanche nettement profi-table aux systèmes herbe et en agri-culture durable, moins gourmandsen aliments achetés et en coûts deculture. L’augmentation du prix dulait depuis fin 2007 n’aurait-elle pasaussi pour objet de freiner les aban-dons de production chez des éle-veurs attirés par la conjoncturecéréalière ? Et si, dans le cadre du bilan de Santéde la PAC, l’union européennes’oriente vers des Droits à paiementunique (DPU), aideforfaitaire par exploi-tation, uniformes surl’ensemble des sur-faces fourragères atté-nuant la discrimina-tion existant depuis1992 envers les sys-tèmes fourragers àbase d’herbe, à nou-veau, le systèmedanois serait forte-ment pénalisé et, bien évidemment,les systèmes à base d’herbe plus oumoins favorisés. À titre indicatif, unmontant unitaire de DPU de 230€/hade SAU modifierait le revenu parUTAF de - 4492 € au Danemark, de+1603€ aux Pays-Bas et de +4600€pour le système type GRADEL, ….Les paysans, nous dit-on, doivent« réagir aux signaux du marché »…Or, on peut d’autant mieux négocieravec un partenaire économique quel’on n’y est pas contraint. Qu’en est-ildes producteurs de lait selon leursystème de production? Si on évalueces facultés selon l’impact surl’endettement d’une dévaluation del’actif provoquée par l’arrêt de laproduction laitière pour faire autrechose sur l’exploitation, on se rendcompte qu’une telle option feraitpasser le taux moyen d’endettementdes élevages laitiers au Danemark de64 à 172% et aux Pays Bas de 25,7 àplus de 56%. (pour une dévaluationd’actif uniquement appliquée auxbâtiments et aux frais d’établisse-

ments). Ainsi peut-on considérer quela quasi-totalité des éleveurs laitiersdanois et une majorité des éleveurshollandais sont contraints de conti-nuer à produire, … avec l’espoird’un prix du lait élevé pour faire faceà l’augmentation prévisibles descharges (aliments achetés, engrais,énergie, …). Dans un système trèsspécialisé, l’endettement s’avèredonc un moyen privilégié pour lafilière laitière de sécuriser sur le longterme ses approvisionnements. Ces facultés de choix (et de négocia-tion ?) sont plus grandes et d’unimpact possible plus important sur lepotentiel de production dans lesautres pays européens, notammenten France : où les exploitations lai-tières sont plus diversifiées et ont un

endettement enmoyenne beaucoupplus faible. D’où lespropositions del’industrie laitière fran-çaise pour une poli-tique de contrats delongue durée afin desécuriser ses approvi-sionnements. L’attrait pour lescéréales et oléoprotéa-

gineux (dont les fortes hausses desprix abaissent le seuil de surface àpartir duquel un revenu satisfaisantpeut être obtenu) va très certaine-ment renforcer la spécialisation« grandes cultures » de territoiresentiers encore diversifiés (Poitou-Charentes, Sud-Ouest, Nord et Est dela France, …), avec le risque d’unedéprise industrielle dans le secteurlaitier. La production laitière risquedonc de se concentrer dans lesrégions maritimes déjà spécialiséesdu grand Ouest de la France. Maisl’agrandissement des exploitationsqui s’y observe déjà préserve lafaculté de choix de nombreux éle-veurs pour d’autres productions, aumotif de se dégager de la contraintelaitière, ou à l’occasion d’un évène-ment particulier (séparation deGAEC, départ à la retraite d’un asso-cié), ou par refus de réinvestir àquelques années de la retraite.

Paul Bonhommeau

Performances : de quoi parle-t-on ?Des systèmes durables transmissibles, rémunérateurs, respectueux de l'environnement, pour un prix du laitacceptable

Des systèmes durablestransmissibles,rémunérateurs,respectueux de

l'environnement, pourun prix du lait

acceptable

Pouraller plus loin :cette analyse estdisponible dans saversion intégralesur le site ruralin-fos, à l’adressewww.ruralinfos.org/spip.php?article2541.

TRANSRURAL Initiatives • 25 MARS 2008 • IIID

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Même si les capitaux par actif familial sontbeaucoup plus faibles en France que dansla plupart des pays du nord de l’UE, il n’enreste pas moins que la transmission desexploitations est trop souvent difficile.Pour le jeune candidat, la somme à verserau cédant pour la reprise est - ou devraitêtre- fonction du revenu qu’il en escompteet de la confiance du banquier. Pour lescédants, surtout enl’absence d’une reprisefamiliale, le souci le pluscommun est de vendre lemieux possible l’exploita-tion, ce qui conduit tropsouvent à préférer sondémantèlement plutôt quesa reprise par un jeune.Cette préoccupation s’explique davantagepar l’insuffisance des retraites agricoles quepar mimétisme avec les comportementsspéculatifs des milieux d’affaires. 90% des 480000 retraités paysans mono-pensionnés (n’ayant que la retraite de non-salarié agricole) perçoivent moins de 85%

du SMIC et près de la moitié ne perçoiventpas 500€/mois, soit moins que le mini-mum vieillesse (625 € pour le chefd’exploitation et 495 pour le conjoint). Lavision d’une agriculture d’entreprise et lemanque de solidarité professionnelle quianiment nombre d’organisations profes-sionnelles agricoles expliquent cette situa-tion déplorable. L’assiette des cotisations

sociales sur le revenu fiscalinduit de la part des pay-sans assujettis au bénéficeréel des stratégies de mini-misation de ce revenu oude l’assiette. Deux moyenssont alors utilisés : l’un,juridique, consiste à adop-ter une forme sociétaire

avec un associé non exploitant qui necotise pas, l’autre, économique et fiscal tireparti des exonérations fiscales par des réin-vestissements constants, c’est-à-dire le plussouvent un agrandissement. Sans oublierle régime du forfait agricole qui couvresouvent de grandes disparités avec le

revenu réellement dégagé. Ainsi, alors quele revenu de la ferme France était de 12,8milliards d’euros en 2006, l’assiette descotisations sociales n’atteignait pas 6,6 mil-liards!Par le jeu des forfaits minimum et des pla-fonds, le barème des cotisations à laMutualité sociale agricole est profondé-ment injuste, puisque le taux de cotisationsdiminue avec l’augmentation du revenu(de 54 % pour 4500 € de revenu à 30 %pour 50000€ et plus). Sans parler des coti-sants solidaires réellement paysans qui euxcotisent sans aucun droit en contrepartie.Les réflexions et propositions ne man-quent pourtant pas pour améliorer la pro-tection sociale des paysans vers davantagede justice sociale et de solidarité: adopterune autre assiette de cotisations (parexemple la valeur ajoutée ; réviser lesbarèmes ; remplacer le régime du forfaitagricole par un régime dit de microentre-prise… Question de volonté politique.

Denis Gaborieau (FNCIVAM)

Le scandale des retraites agricoles Les systèmes laitiers à faible capital contribuent davantage à la solidarité nationale. Un élément majeur pour réglerle problème des retraites agricoles.

Si l’on fait référence aux finalités expri-mées par la majorité des jeunes éleveurslaitiers dans les stages préparatoires à l’ins-tallation (temps libre, revenu comparableaux autres professions, une bonne imagedu métier, autonomie), les systèmes laitiersintensifs ne sont pas les mieux placer pouratteindre ces objectifs de vie. En effet, la part d’actif (capital sous formed’équipements, bâtiments,terres1, troupeau) ramenéà l’unité de travail varie de10 000 € en systèmedurable à 140000€ en sys-tème intensif. Le coût dereprise d’une ferme ensystème laitier durable est ainsi de 70000€en moyenne. Alors qu’en système durable160000l de lait sont nécessaires pour obte-nir 23 000 € de revenu, ailleurs il faut300000l pour le même résultat, donc plusde vaches laitières, de bâtiments, de maté-riel, de terre. Les données technico-écono-

miques issues des systèmes durables sontplus sécurisantes. En effet on observe, àniveau de production constante et prix dulait constants, un lissage des charges opéra-tionnelles et de structure sur les premièresannées et un revenu qui progresse. Par ailleurs l’image environnementale dessystèmes durables est plus valorisante pourun jeune qui s’installe. La prairie conduite

de façon extensive est à labase de leur système deproduction : elle génèremoins de pollutions parles intrants (nitrates, phos-phates, pesticides, etc.)parce que les apports et le

lessivage sont moindres, elle préserve laqualité des sols et généralement la biodi-versité locale. Au regard d’une sociétérurale qui s’urbanise et où les conflitsd’usage entre éleveurs et « rurbains» sontmonnaie courante, voilà des atouts certainspour un jeune agriculteur.

Des données plus qualitatives nous incitentaussi à promouvoir ces systèmes pour ins-taller des jeunes dans de bonnes condi-tions. Le travail en groupe, tout d’abord,fréquent en système durable, est synonymed’échanges entre agriculteurs, mais ausside dynamiques locales en matière d’emploilocal. Soulignons que ces systèmes assu-rent 50% d’emplois en plus à l’hectare cul-tivé. Par ailleurs, la baisse des pointes detravail et du stress face aux échéances tech-niques financières et liées à l’organisationdu travail permettent d’offrir des condi-tions de travail nettement plus acceptablesque les modèles intensifs.Tous ces éléments ont permis au GRADELd’installer, sur 12 reprises, quatre per-sonnes en dehors du cadre familial.

Alain Daneau (FNCIVAM)

1. 25 ha en moyenne par actif en système durable contre50 en système classique.

Les systèmes laitiers durables favorisentl’installationMeilleure efficacité économique, qualités environnementales et meilleures conditions de travail placent lessystèmes laitiers durables parmi les plus attractifs.

Le coût de reprise d’uneferme en système laitierdurable est de 70 000 Û

en moyenne

l’insuffisancedes retraites agricoles

poussentles agriculteurs

à maximiser le capitalinvesti

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Une fois n’est pas coutume, Transruralinitiatives vous propose de rentrer dans lacomplexité des données économiques ettechniques de l’agriculture. Car, si lesprincipes de l’agriculture durable sontséduisants, il faut encore qu’à l’expériencecelle-ci fasse ses preuves. Peut-on en effetdévelopper des systèmes de productionagricole viables économiquement,préservant l’environnement, fournissant desproduits de qualité à des prix abordables, etsans que le paysan ne se tue à l’ouvrage ?Plusieurs réseaux d’agriculteurs en fontl’essai et obtiennent aujourd’hui desrésultats satisfaisants. Deux dossiers serontdonc consacrés à ce thème, dont voici le 1ervolet.La production laitière est probablement ledomaine dans lequel les expérimentations ensystème durable sont allées à ce jour le plusloin. Il était donc logique d’introduire cettesérie de dossiers par cette entrée. Ons’intéressera ici aux travaux de groupes deproducteurs laitiers de l’Ouest, le Réseauagriculture durable et le Groupe de rechercheen agriculture durable et en économie locale.Depuis de nombreuses années maintenant,ces paysans ont remplacé le maïs par l’herbepour nourrir leur vaches, repensentl’organisation de leur travail et de leur ferme.L’environnement s’en trouve moins perturbéet leur revenu s’est plutôt amélioré. Il estdonc urgent de faire connaître et de mettreen débat ses résultats.Dossier réalisé en partenariat avec la FNCIVAM

Leçons de la production laitière

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Le Réseau agriculture durable (Rad) et le Groupe de recherche en agricul-ture durable et en économie locale (Gradel) recherchent, depuis plus dedeux décennies, à créer des systèmes de production laitière «viables etvivables». Reposant sur la valorisation de l’herbe plutôt que du maïs, leursrecherches techniques cherchent à réduire les coûts de production, enréduisant par exemple la mécanisation ou en réorganisant leur travail, àaméliorer leurs conditions de travail, ainsi qu’à limiter l’impact de leur acti-vité sur l’environnement.Le Rad a créé un cahier des charges qui traduit ces différentes dimensionsde la durabilité : surface minimale en herbe, limitation des intrants et destraitements, rotations minimales, maintien des haies, etc.

Contacts: Réseau agriculture durable 02 99 77 39 25www.agriculture-durable.orgGradel 02 40 79 32 93

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