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Les écrivaines francophones de Belgique au XX e siècle Bibliographie Introduction La Belgique telle qu’elle existe aujourd’hui n’est devenue nation autonome qu’en 1830. Le royaume compte environ dix millions d’habitants et se compose de dix provinces dont cinq, dites wallonnes, sont francophones, les cinq autres étant néerlandophones tandis que la capitale, Bruxelles, reste bilingue avec une majorité de locuteurs français. En fait, le pays peut être considéré comme étant trilingue, car un petit territoire de l’est, intégré après 1918 à la région wallonne, est essentiellement germanophone. Chaque groupe linguistique possède sa propre littérature. Cependant, dans le passé, plusieurs grands écrivains des Flandres ont choisi d’écrire en français ; c’est le cas, entre autres, de Maurice Maeterlinck (1862- 1949 et prix Nobel 1911), du poète Emile Verhaeren (1855- 1916), de Charles Van Lerberghe (1860-1907), de Michel de Ghelderode (1898-1961), de Suzanne Lilar (1901-1995), de Paul Willems (1912-1988) et de sa mère Marie Gevers (1883- 1975). Aujourd’hui Guy Vaes (né en 1927) est un des derniers «Flamands» qui écrit en français. La bibliographie qui suit, consacrée exclusivement aux femmes-écrivains francophones * , recense des œuvres publiées entre 1900 et 2000. En effet, entre la fondation de l’Etat belge en 1830 et l’aube du XX e siècle, on ne compte qu’un nombre très restreint d’écrivaines. Tout cela change bientôt et le XX e siècle est témoin d’un développement considérable des mouvements littéraires. A l’échelle mondiale, la Belgique est un territoire minuscule ; il est donc d’autant plus remarquable qu’elle ait produit un nombre impressionnant de grands auteurs. Cependant, ceux-ci restent relativement peu connus dans les pays non-francophones. Certains de ces auteurs, devenus célèbres, sont considérés comme « Français », entre autres Dominique Rolin qui s’est

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Page 1: Les écrivaines francophones de Belgique au XXe siècle

Les écrivaines francophones de Belgique au XXe siècleBibliographie

Introduction

La Belgique telle qu’elle existe aujourd’hui n’est devenue nation autonome qu’en 1830. Le royaume compte environ dix millions d’habitants et se compose de dix provinces dont cinq, dites wallonnes, sont francophones, les cinq autres étant néerlandophones tandis que la capitale, Bruxelles, reste bilingue avec une majorité de locuteurs français. En fait, le pays peut être considéré comme étant trilingue, car un petit territoire de l’est, intégré après 1918 à la région wallonne, est essentiellement germanophone.

Chaque groupe linguistique possède sa propre littérature. Cependant, dans le passé, plusieurs grands écrivains des Flandres ont choisi d’écrire en français ; c’est le cas, entre autres, de Maurice Maeterlinck (1862-1949 et prix Nobel 1911), du poète Emile Verhaeren (1855-1916), de Charles Van Lerberghe (1860-1907), de Michel de Ghelderode (1898-1961), de Suzanne Lilar (1901-1995), de Paul Willems (1912-1988) et de sa mère Marie Gevers (1883-1975). Aujourd’hui Guy Vaes (né en 1927) est un des derniers «Flamands» qui écrit en français.

La bibliographie qui suit, consacrée exclusivement aux femmes-écrivains francophones *, recense des œuvres publiées entre 1900 et 2000. En effet, entre la fondation de l’Etat belge en 1830 et l’aube du XXe siècle, on ne compte qu’un nombre très restreint d’écrivaines. Tout cela change bientôt et le XXe siècle est témoin d’un développement considérable des mouvements littéraires. A l’échelle mondiale, la Belgique est un territoire minuscule ; il est donc d’autant plus remarquable qu’elle ait produit un nombre impressionnant de grands auteurs. Cependant, ceux-ci restent relativement peu connus dans les pays non-francophones. Certains de ces auteurs, devenus célèbres, sont considérés comme « Français », entre autres Dominique Rolin qui s’est établie à Paris depuis plusieurs années, mais dont l’œuvre entière porte la marque de ses origines. De plus, bon nombre d’écrivains belges se font éditer à Paris et ainsi bénéficient d’une meilleure diffusion de leurs œuvres. Pour cette raison, on ne les distingue pas toujours de leurs congénères de nationalité française.

Le cas de Marguerite Yourcenar est spécial. On la classe parfois parmi les Belges quelque peu abusivement puisque, malgré sa naissance à Bruxelles (et, selon un récent ouvrage commémoratif, son « enfance en Flandre »), cette extraordinaire écrivaine cosmopolite n’a jamais eu la nationalité belge. Comme on le sait d’ailleurs, elle a fini par s’établir aux Etats-Unis où elle a passé une bonne partie de son existence. Yourcenar n’est donc pas recensée dans cette bibliographie, d’autant plus que, grâce à sa célébrité, elle a fait l’objet de nombreux travaux disponibles ailleurs. Ainsi, à Bruxelles, le Centre International Marguerite Yourcenar (Cidmy) met à la disposition du public une abondante documentation.

Ce n’est pas ici le lieu de brosser l’historique ni du pays, ni de sa littérature, mais avant d’aborder la bibliographie proprement dite, je voudrais mentionner certains faits pour situer la Belgique dans son contexte culturel et littéraire. Tout d’abord rappelons que ce pays possède, lui aussi, son Académie, l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises, fondée en 1920 qui, dès son inception, a toujours accueilli les femmes aussi

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bien que les hommes. Plusieurs des auteures citées ci-après en sont membres –ou le furent de leur vivant : Eugénie De Keyser, Marie Gevers, Claire Lejeune, Suzanne Lilar, Jeanine Moulin, Dominique Rolin, Liliane Wouters. Cette académie sert également de maison d’édition ; elle publie notamment des ouvrages critiques, des biographies ainsi que les grands classiques des lettres belges. (Dans la liste ci-après, ces éditions seront identifiées par les initiales ARLLF).

D’autre part le milieu littéraire belge s’est développé et amplifié au cours du XXe

siècle et surtout après la deuxième guerre mondiale : création d’importantes maisons d’édition, de revues, de sociétés, de centres d’études spécialisées en Europe, aux Amériques, en Asie et en Afrique, et du célèbre « Centre Wallonie-Bruxelles » à Paris qui fait sentir la présence des lettres belges dans l’Hexagone. La vigoureuse action du Ministère de la Communauté française de Belgique intervient dans plusieurs domaines pour favoriser l’épanouissement et la diffusion de la littérature francophone du pays: appui à l’édition, bourses, Centre Européen de Traduction Littéraire (à présent de réputation mondiale), expositions, ateliers d’écriture, animations dans les écoles par divers écrivains (et surtout par des écrivaines). Parmi les divers prix qui couronnent les œuvres d’imagination, l’un des plus prestigieux est le Prix Rossel (comparable au Goncourt français) qui récompense chaque année soit un roman, soit un recueil de nouvelles. On se doit enfin de mentionner les organismes qui offrent aux auteurs une tribune pour faire connaître leurs ouvrages. Le Théâtre-Poème de Bruxelles compte parmi les plus remarquables de ces groupes littéraires, et des « Maisons » ( de la Poésie, de la Culture, du Théâtre…) existent dans plusieurs villes. Bruxelles est également le site de la « Foire Européenne du Livre » annuelle, tandis qu’à Liège la Biennale de Poésie donne la parole aux poètes de tous les pays. Bref, la conscientisation du public est activement poursuivie par ces institutions et par bien d’autres opérations trop nombreuses pour être évoquées ici. Il va sans dire que ces divers mouvements et institutions ne concernent pas exclusivement les femmes ! Cependant la présence des écrivaines y est certes fortement ressentie. Si, pour des raisons assez évidentes, ce sont surtout les écrivains masculins qui ont longtemps occupé l’avant-scène, ce n’est plus exactement le cas aujourd’hui, car les femmes sont de plus en plus nombreuses à se distinguer dans divers domaines.

La littérature de langue française de Belgique fait partie intégrante de cette grande communauté planétaire qu’est la Francophonie avec un « grand F ». Pourtant (et c’est aussi le cas de la Suisse romande et du Luxembourg), elle n’a pas suscité jusqu’ici chez les chercheurs étrangers le même intérêt que pour les francophonies non-européennes. Marc Quaghebeur (poète, attaché culturel et essayiste) affirme que la littérature de Belgique est la « première des littératures francophones non françaises ». Que l’on soit d’accord ou non avec cette assertion, il n’en est pas moins vrai que l’apport des lettres belges s’avère impressionnant par son importance et sa qualité. Les historiens et les critiques ont longtemps débattu la question d’une spécificité propre à cette littérature, mais remarquablement ne sont jamais arrivés à un consensus. En fait, l’opinion sur la spécificité dépend en majeure partie des exemples choisis, car la diversité foisonnante du corpus interdit toute généralisation. L’université de Bruxelles a publié deux ouvrages collectifs dans lesquels certains écrivains (dont quelques femmes) ont traité de ce sujet dans une intéressante mosaïque d’opinions fort diverses (voir bibliographie d’ouvrages critiques ci-après). De plus en plus d’écrivains belges s’assument en tant que tels, n’hésitent pas à situer l’action de leurs romans, de leurs pièces, etc. dans leur pays, mais

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cela ne signifie nullement qu’il s’agisse de spécificité, ni surtout de régionalisme. En Belgique comme partout ailleurs, certains écrivains sont régionalistes, mais on n’en trouvera que peu d’exemples chez les femmes.

Une considération importante pour le sujet qui nous occupe est le fait que l’écriture des femmes belges est particulièrement abondante aujourd’hui et suscite l’intérêt tant par les questions d’actualité soulevées que par le travail de la langue et les innovations formelles. Parce que ces auteures ne sont aucunement régionalistes, leurs livres possèdent un incontestable caractère d’universalité qui rend secondaire la question d’identifier leur point d’origine.

En ce qui concerne les mouvements littéraires, la Belgique s’est spécialement distinguée dans le symbolisme, et surtout dans le surréalisme dont on retrouve des traits dans la poésie actuelle de Cécile Miguel, Madeleine Biefnot, Monique Thomassettie, et dans certains textes de Françoise Delcarte, de Véra Feyder et d’Evelyne Wilwerth.

Le « fantastique » semble particulièrement adapté à l’imaginaire belge. Plusieurs critiques affirment que les écrivains belges ont de tout temps été attirés par l’étrange, le bizarre, le supra-réel. Ce sont principalement les hommes qui illustrent ce mouvement, mais quelques femmes s’y sont aventurées : Monique Watteau, Nadine Monfils, par exemple. D’une certaine façon les Histoires très fausses d’Evelyne Wilwerth se rattachent au genre fantastique : elles jouent sur les situations étranges, mais sans trace d’horreur ni de macabre. Quant à Nadine Monfils, elle excelle dans les « polars » où l’élément fantastique et l’horreur occupent une large place. Le roman policier est un genre rarement abordé par les écrivaines. Dans ce domaine, on notera que la première femme publiée dans la série noire chez Gallimard est la Belge Pascale Fonteneau.

Soulignons qu’un des critères majeurs qui ont déterminé cette sélection bibliographique est la qualité littéraire intrinsèque des ouvrages retenus, même ceux qui sont parfois classés dans la « paralittérature ».

La bibliographie présentée en ces pages est loin d’être exhaustive. De même, pour les écrivaines citées, il n’a pas été possible de relever toutes leurs publications. Enfin le recensement s’arrête en l’an 2000.

On trouvera principalement dans cette bibliographie des œuvres dites de fiction : poésie, roman, nouvelle, théâtre. Quelques essais y figurent si leur auteure est surtout connue dans d’autres genres. Un petit nombre d’ouvrages documentaires sont inclus en annexe, liste fort restreinte, certes, mais les textes signalés dans cette rubrique contiennent eux-mêmes des références utiles. Les titres recensés paraissent dans l’ordre alphabétique des noms d’auteures et, pour chacune de celles-ci dans l’ordre chronologique de la parution. Comme il n’est pas possible de citer ici toutes les œuvres de chaque auteure, on indique par les initiales E,N,P,R,T les genres représentés dans sa production globale (Essai, Nouvelle, Poésie, Roman, Théâtre). Les maisons d’édition belges en dehors de Bruxelles sont identifiées par le code (B). Sauf indication contraire, tous les autres éditeurs sont français.

* Note: L’absence d’auteurs masculins, pourtant fort nombreux en Belgique et dont certains sont célèbres à l’échelle mondiale, n’est pas due à un quelconque parti-pris de ma part, mais plutôt à l’origine de cette bibliographie. En effet, le groupe universitaire

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américain Women in French avait sollicité cette contribution pour un ouvrage collectif consacré uniquement à la littérature féminine. Le recensement ci-après est une version plus complète et quelque peu modifiée de l’original (paru en 2002 dans un numéro spécial de Women in French).

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Œuvres littéraires

BIEFNOT, Madeleine (1930). (P). Précaire est la maison (Poésie 1955-1995). Châtelineau (B) : Le Taillis Pré, 1999. Ce volume rassemble des poèmes publiés dans cinq recueils précédents, suivis de textes juqu’ici inédits. On classe parfois cette auteure parmi les « minimalistes », ce qui s’explique par son style concis, son art de condenser les images et d’évoquer tout un tableau, une ambiance, en quelques vers. Cette poésie est unique en son genre, relativement hermétique et marquée par le surréalisme. Libérée de toute métrique, elle sait cependant se faire musicale, envoûtante. Le bref poème « Icare »en donne un exemple : « Pigeon le commodore / Grâce est l’excellence de l’air, ses tendons / Perfection l’arc précis des nuées, sa chute // Joint-il le ciel aux châtons de l’aube / Il / poisson dans le bocal bleu du défi / s’enchante. »

BOURDOUXHE, Madeleine (1906-1996). (N, R). La femme de Gilles. Paris: Gallimard, 1937; Bruxelles: Labor, 1985 et 2000. Ce roman raconte l’histoire d’une femme qui n’existe que pour l’homme auquel elle appartient. Lorsqu’elle découvre l’infidélité de Gilles, Elisa est brisée à jamais. Ce sujet n’est pas neuf en littérature, mais peu d’auteurs ont su parler du tragique quotidien avec autant de justesse et de sobriété. En 1995 cet ouvrage a été porté à la scène par Luc Fonteyn.___. Sous le pont Mirabeau. Bruxelles: Lumière, 1944; Bruxelles: Labor, 1996. Récit en partie autobiographique qui se situe en 1940 au début de la seconde guerre mondiale, lors de l’exode des populations civiles devant l’invasion des troupes allemandes. Une femme emporte son bébé qui vient de naître et se joint à la foule des réfugiés sur les routes.___. Sept nouvelles. Paris: Ed. Tierce, 1985. Tous les textes, parus précédemment en revues, se focalisent sur des destins féminins.___. Wagram 17-42. Marie attend Marie. Paris: Ed. Tierce, 1989. L’héroïne part en quête d’elle-même, cherche –et trouve—le droit d’être sa propre personne. Une première édition de ce roman portait le titre A la recherche de Marie (Bruxelles: Libris, 1943).

BROCK, Renée (1912-1980). (N, P). L’étranger intime. Paris: St Germain-des-Prés, 1970 et 1978. Prix Rossel 1971. Dix nouvelles qui se basent sur des sujets quotidiens rendus fascinants par la vivacité du style et l’originalité du point de vue.___. Ceux du canal. Paris: Le Cherche-Midi, 1980. 13 nouvelles qui révèlent le mystère des choses les plus simples, percent le secret des êtres et savent aussi jeter un regard ironique sur les petites folies de notre société.___. Poésies complètes. Paris: St Germain-des-Prés, 1982. Prix RTL/Poésie 1. Ce volume

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posthume rassemble trois recueils parus précédemment, ainsi que des inédits et l’essai « Pourquoi, comment j’écris ». De facture généralement classique, les poèmes ont pour thèmes principaux l’exaltation de la vie, la maternité, la communion avec la nature et le sentiment de la mort.___. L’étoile révolte. Paris: Le Cherche-Midi, 1984. Recueil posthume de nouvelles qui, comme les précédents, possède un riche substrat poétique. Certains textes sont autobiographiques et le livre se termine par une lettre de l’auteure traitant de l’art d’écrire, puis par une bibliographie détaillée réalisée par les éditeurs.

BRUNE, Elisa (1967). (N, R). Fissures. Paris : L’Harmattan, 1996 ; Bruxelles : Ancrage, 2000. Prix de la Première Œuvre de la Communauté française de Belgique; Prix Maeterlink. Le livre se compose de nombreux fragments: textes brefs qui décrivent le quotidien (extérieur et intérieur) avec un rare talent de perception et d’expression, dans une écriture hautement personnelle. Les réflexions de l’auteure portent sur les sujets les plus divers, depuis la simple observation d’un milieu ambiant jusqu’aux émotions intimes, en passant par les situations, les occupations, les petits événements au jour le jour, bref tout ce qui remplit une vie (L’enfance, La vieillesse, Le mariage, La haine, L’angoisse, La fidélité, L’accouchement, L’école, La lecture, Le sexe, etc.). Ces 119 textes s’articulent –quelque peu arbitrairement—autour de quatre rubriques dont l’une, « Mes histoires », se fait particulièrement intime.

___.Petite révision du ciel. Paris: Ramsay, 1999. Vincent, jeune cadre dans une compagnie d’assurance, a tout pour être heureux dans son emploi comme dans sa vie sentimentale avec une compagne parfaite. Un jour, il lâche tout cela, démissionne et quitte Gisèle, sans autre raison que de vouloir « se chercher », se réinventer une vie. Le roman est l’histoire de cette dérive (racontée par Vincent lui-même), de l’aventure intellectuelle d’un homme qui refuse les repères conventionnels et qui, peu à peu, comprend que la facilité, le bonheur parfait, est le contraire d’être heureux. Le livre est hautement original par son complet renouvellement d’un thème souvent abordé en littérature. L’écriture en est éblouissante, précise, et polyvalente en ce sens qu’elle n’est pas moins à l’aise dans la réflexion scientifique ou métaphysique que dans l’érotisme, l’imaginaire ou l’humour. A ce propos, on note que la construction « mathématique » du roman, le faux épilogue et même les titres de chapitres sont autant de signes de connivence, de clins d’œil narquois au lecteur.___. Blanche Cassé. Paris : Ramsay, 2000. Le titre grammaticalement boiteux signale deux aspects du livre. Tout d’abord, c’est l’histoire de deux sœurs de physiques et de caractères diamétralement opposés. C’est aussi une allusion à la « blancheur lumineuse » de Clarisse et à la brisure d’une trop grande perfection. Tout réussit à Clarisse enfant, adolescente et très jeune femme, alors que Bénédicte, pataude et timide, reste dans l’ombre. Mais les rôles vont, sinon s’inverser, du moins évoluer de façon inattendue, alors que le récit tourne au drame. En filigrane : réflexion discrète sur l’éducation des enfants et le dysfonctionnement d’une famille.

BUYSE, Sophie (1964). (R). L’escarbilleuse. Le Roeulx (B): Talus d’Approche, 1995. D’une part Marcia côtoie tous les jours la Mort à l’hôpital où elle travaille; par ailleurs, elle pose comme modèle chez un peintre. Ainsi le roman prend pour double leitmotiv

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destruction et création.___. La graphomane. Toulouse: L’Ether Vague, Patrice Thierry, 1995. Quels peuvent être les rapports entre l’amour écrit et l’amour vécu ? Ce roman, en majeure partie épistolaire, plein d’érudition et d’érotisme, se déroule en milieu psychiatrique et se termine dans l’horreur.___. Par dessus les toits. Bruxelles : La Lettre Volée, 2000. Le titre, avec son évocation de Verlaine, est particulièrement bien choisi. En effet, l’auteure nous parle ici des divers lieux de solitude contemporaine que sont les asiles, les hôpitaux psychiatriques, les maisons de retraite, sans oublier, au sens littéral, les prisons elles-mêmes. Le texte est accompagné d’un CD (où sont enregistrés des interviews, des extraits de poèmes, un peu de musique) et contient des photographies de Valérie Carros. Plein de finesse, de perspicacité, mais aussi de sensibilité sans mièvrerie, ce livre touche chez le lecteur une corde sensible.

DE GURSÉ, Louise (1962). (R). Un petit bout d’éternité. Mons (B): Talus d’Approche, 1996. Ce court roman, tout empreint de poésie, s’articule autour du Temps. Il se déroule au 16e siècle, époque précisément où l’adoption du calendrier grégorien bouleversa quelque peu la succession rituelle des jours. Les horloges, et surtout l’art de l’horlogerie y tiennent une grande place, ainsi que les carillons qui résonnent pour marquer les fêtes. C’est l’histoire d’un amour malheureux racontée comme on raconterait celle de Tristan et Yseut, bien qu’il ne s’agisse pas ici de rois ni de philtres, mais simplement d’un homme et d’une femme dont le désir d’éternité s’accomplit dans l’ultime geste qui les rend « immarcescibles ».

___. Un étrange défi. Mons (B): Talus d’Approche, 1999. L’histoire se passe vers la fin du XIXe siècle en province. Comme dans ses trois romans précédents, l’auteure prend pour thème l’amour, sinon malheureux, du moins difficile ou contrarié. L’action est entièrement psychologique et met en scène une femme âgée paraplégique, sa fille Juliette qui est couturière, une famille bourgeoise aisée dont le fils Georges, de caractère impossible, vit plus ou moins en reclus, puis le curé et divers habitants de la petite ville qui se nourrissent de cancans et pratiquent l’hypocrisie. Le défi : Georges répondra à l’amour de Juliette lorsqu’elle aura « brûlé jusqu’au bout dix fois trente-six cierges ». L’écriture typique de l’auteure est très classique, voire un peu désuète dans l’emploi constant du passé simple et du subjonctif imparfait.

DE KEYSER, Eugénie (1918). (E, N, R) . Le chien. Paris: Gallimard. 1964. Terrorisé par ses geôliers, Léonard a livré le nom de son complice. Une fois libéré, il restera hanté par sa trahison et ne pourra plus se réinsérer dans la société. Ce sont les affres et la déchéance du traître, plutôt que le sort de la victime, qui sont en lumière dans ce roman à la fois cruel et sobre.___. La surface de l’eau. Paris: Gallimard, 1966; Bruxelles: Labor, 1996. Prix Rossel 1966. Ce roman tout en nuances retrace le parcours d’une femme âgée, depuis sa mise en congé par son employeur jusqu’à sa mise au repos dans la fosse commune. En parallèle: l’expérience difficile d’un petit voisin. L’auteure nous engage à percer l’opacité des apparences pour atteindre à l’authenticité des êtres.___. L’aquarium sur le piano. Bruxelles: C.F.C. Editions, 2000. Fraîcheur, vivacité,

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finesse et précision sont restées intactes dans l’écriture de l’auteure qui, à 80 ans, évoque ses souvenirs d’enfance. Elle s’adresse ici à la deuxième personne à la fillette qu’elle fut à Bruxelles ou dans la villa de vacances de ses parents. Ce n’est pas seulement sa famille qu’elle nous fait connaître, ni les petits événements qui ont marqué sa vie, mais c’est aussi toute une époque qu’elle dépeint, faisant revivre des lieux et des temps révolus.

DELCARTE, Françoise (1936-1996). (P). Levée d’un corps d’oubli sur un corps de mémoire. Le Roeulx (B) : Talus d’Approche, 1995. Ce recueil se compose d’une séquence de poèmes qui forment un ensemble. Le titre annonce les thèmes dominants : l’oubli, la mémoire, la « levée » (allusion à la fois à « levée du corps » et « levée des scellés »). La poète présente les choses comme des constructions de langue : les mots prennent la place des choses ; elle opère des subversions déroutantes de sens, fracture la syntaxe dans une forme très personnelle de poésie. Son œuvre entière (trois autres recueils) peut être décrite comme une tension constante entre destruction et reconstruction. Ici le « corps d’oubli » se reconstruit en « corps de mémoire ». De même, le recueil Blancs sur Blanc, publié à titre posthume en 2001, porte en exergue : «Soudain/ l’odeur des menthes dans un texte oublié ».

DERÈSE, Anne-Marie (1938). (P). Visage volé à l’oiseau. Ottignies (B): Dieu-Brichart, 1985. Avec ce troisième recueil de poèmes, l’auteure réaffirme la « magie des mots ». Poésie sensuelle, le plus souvent centrée sur la Femme, riche en images insolites, mais justes (« Un ciel engrossé de neige/ pèse jusqu’à la déchirure », ou ailleurs : « La femme se couche pour l’amour/ pour l’enfant et la mort./ Le reste du temps,/ elle est debout/ avec sur les lèvres/ la mélodie/ du charmeur de serpents.» Derèse a reçu six prix littéraires (en France et en Belgique) pour son oeuvre poétique.___. Le miel noir. Amay (B): L’Arbre à Paroles, 1999. La partie la plus remarquable de ce sixième recueil est consacrée à la mémoire de la mère de l’auteure. Tout en évoquant la disparue, elle offre une réflexion lucide et sereine sur la mort, sur la précarité de la vie. Surtout peut-être, la poète parle des rapports mère/fille qui s’inversent peu à peu au long des années. Le livre contient d’autres textes teintés d’un certain mysticisme sur la Femme et l’Amour, et se termine par un hommage poétique à l’écrivain Alain Bosquet qui fut le mentor d’Anne-Marie Derèse à ses débuts en littérature.

DESTRAIT, Marie (1961). (N, T). Ecart. Bruxelles: Lansman, 1996. Prix de l’Union des Artistes et Prix CACD-Lansman, 1996. Pièce à trois personnages (Elle, Lui et Jean) qui met en scène l’ambiguïté des sentiments et la puissance de l’imaginaire. Elle, étudiante, a choisi pour sujet de thèse l’oeuvre d’un dramaturge australien. Une correspondance s’instaure entre eux, puis survient une rencontre. L’imaginaire d’Elle travaille… elle se croit amoureuse de Lui. Dix ans plus tard Elle, à présent épouse de Jean et mère de famille, rencontre à nouveau Lui, mais rien ne change dans leurs vies respectives. Jean, en fiancé puis mari, est un personnage-témoin qui jette un œil plutôt bienveillant sur ce qui se passe. L’intérêt de la pièce est tout entier dans sa construction insolite: elle est en partie « épistolaire » en ce sens que les personnages « parlent » leur correspondance par bribes et morceaux, et en partie « monologues » parce que ce qu’ils disent, ce sont leurs pensées sans qu’il y ait nécessairement de lien ou de continuité entre les diverses

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répliques.

DOFF, Neel (1858-1942). (N, R). Jours de famine et de détresse. Paris: Fasquelle, 1911. Plusieurs autres éditions ont suivi dont la plus récente à Bruxelles: Babel, 1994. Les 43 brefs tableaux racontent l’enfance et l’adolescence de l’auteure dans la misère noire des taudis d’Amsterdam, puis l’installation de la famille en Belgique où Keetje (i.e. Neel) devient prostituée par nécessité à l’âge de 16 ans. Ce récit fut finaliste au prix Goncourt 1911.___. Keetje. Paris: Ollendorf, 1913; Bruxelles: Labor, 1987. Second volet de l’œuvre autobiographique de Neel Doff, ce récit retrace la vie de Keetje, jeune prostituée, puis modèle pour artistes peintres, et raconte sa longue ascension sur l’échelle sociale.___. Keetje trottin. Paris: Crès, 1921, 1930; Bruxelles: Labor, 1999. Troisième récit autobiographique, plus allègre que les précédents, qui relate les expériences de l’adolescente Keetje employée comme « trottin » chez un fabricant de chapeaux. En 1975, ce texte a été porté à l’écran aux Pays-Bas par Paul Verhoeven sous le titre Keetje Tippel.

FABIEN, Michèle (1945-1999). (T). Atget et Bérénice. Paris: Actes Sud-Papier, 1988. Cette pièce explore le processus de création, mettant en scène deux personnages réels du passé: Eugène Atget (70 ans) qui fut l’un des pères de la photographie documentaire, et Bérénice Abbott (29 ans), l’assistante de Man Ray. La jeune Américaine rencontre le vieil Européen afin de se documenter pour l’étude qu’elle prépare sur lui. Atget ne se considère pas comme un artiste, mais Bérénice a pressenti son génie et cherche auprès de lui une initiation au « regard » créateur. Atget renâcle à la perspective de se trouver enfermé dans un livre et projette à son tour de capter Bérénice sur sa pellicule..___. Claire Lacombe. Paris: Actes Sud-Papier, 1989. La pièce se situe en 1795 dans le sillage de la Révolution française. Le titre évoque une personne réelle qui prit part aux activités des « Enragés ». Quatre femmes appartenant à des générations différentes se trouvent réunies à la sortie de prison de Claire Lacombe. Féministe avant l’heure, Claire s’aperçoit qu’on n’a plus besoin d’elle à présent, malgré son dévouement pour la cause révolutionnaire. Sa libération prend une résonance ironique si l’on considère que les femmes d’action sont maintenant « incarcérées » dans des rôles traditionnels, réduites à un silence que Claire ne peut accepter. Restée seule en scène, elle se sent comme abandonnée même par celles qui participèrent à la lutte. (Note: dans ce volume, la pièce Claire Lacombe est suivie de Berty Albrecht).___. Jocaste. Déjanire. Cassandre. Bruxelles: Didascalies, 1995. Le volume contient trois pièces qui sont des réécritures de mythes traditionnels. Jocaste est un long monologue dans lequel l’auteure restitue à Jocaste sa parole. L’héroïne est donc seule en scène au long des cinq tableaux; elle s’adresse à un Œdipe absent et révèle ce qu’elle-même a vécu et ressenti. Dans le cinquième épisode elle parle à la fois à Œdipe et au public; c’est ici la femme sensuelle qui s’exprime, toute légende abolie. Son identité de Femme s’affirme en contrepoint de la célèbre réponse « C’est l’homme ». En intitulant ce dernier épisode « Utopie au théâtre », l’auteure souligne la nature scénique de cette histoire en même temps que la fausse représentation de Jocaste par la tradition.Déjanire. Ici encore, l’auteure prend pour personnage central l’épouse souvent ignorée

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d’un héros mythique. Déjanire attend son époux, Héraklès, qui est parti accomplir le dernier de ses douze travaux. Il revient, en effet, précédé d’un groupe d’esclaves parmi lesquelles se trouve la jeune et jolie Iole dont il est amoureux et qu’il veut épouser. Déjanire ne peut accepter sa répudiation, mais se venger sur Iole ne ferait qu’éloigner Héraklès davantage. Elle décide d’avoir recours à la magie pour reconquérir l’infidèle. Malheureusement le talisman, à son insu, était empoisonné. Héraklès meurt et Déjanire se suicide. Dans cette pièce en deux épisodes, l’auteure explore la thématique du Temps qui peut unir ou séparer, renforcer ou user. C’est aussi une réflexion sur l’amour et sur la mort.Cassandre. Adaptation d’un ouvrage de l’Allemande Christa Wolf, cette pièce prend pour sujet une question politique. C’est un dialogue, après la guerre de Troie, entre Cassandre et trois autres Troyennes. Chaque personnage revit les événements par le discours et, une fois de plus, cette réinterprétation de la légende donne la prééminence à des voix de femmes.____. Charlotte, Sara Z, Notre Sade. Bruxelles : Labor, 2000. Comme le titre l’indique, trois textes sont réunis dans ce volume. Charlotte est une pièce historique en ce sens qu’elle met en scène le personnage réel de l’impératrice, fille du premier roi des Belges et épouse de Maximilien, empereur du Mexique. L’héroïne y est présente à la foi dans son rôle historique et dans une sorte de double qui est son moi intime. Dans les deux autres textes ( plus anciens ), l’action a lieu également au XIXe siècle : Sara Z fait allusion à la Sarrasine de Balzac. Notre Sade évoque le célèbre marquis pendant son emprisonnement.

FEYDER, Véra (1939). (E, N, P, R, T). Un jaspe pour Liza. Ambialet: Pierre Laleure, 1977; Ayeneux (B): Tétras Lyre, 1989 (Edition bilingue, avec traduction espagnole). Longue nouvelle qui raconte l’attachement tragique entre un marginal vivant d’expédients aux Etats-Unis, et Liza, petite fille juive qui bientôt rejoint ses parents en Belgique. Mais la guerre éclate là-bas et il ne fait pas bon être juif dans les pays occupés. Texte poétique, éclaté, avec sa part de mystère, éclairci à la conclusion.___. La derelitta. Paris: Stock, 1977; Rennes: Ubacs, 1984; Bruxelles: Labor, 1994. Prix Rossel 1977. En plein réveillon de Noël, une jeune femme abandonne mari et invités et fuit, seule, pour la côte où elle s’installe sous un faux nom. Mais bientôt le lecteur découvre qu’il est entraîné sur une fausse piste… Ce récit a été adapté à l’écran par l’auteure avec la collaboration de J.P. Igoux.___. Caldeiras. Paris: Stock, 1982. Des personnages, à leur insu, avancent les uns vers les autres, destins qui se croisent alors que leur seul point commun est d’appartenir, chacun à sa façcon, aux « déracinés, opprimés, torturés » à qui l’auteure dédie ce roman. Texte puissant, de structure complexe, dont l’écriture éclatée est elle-même un des caldeiras annoncés par le titre.___. Règlements de contes. (Pièce créée en 1984). Bruxelles: Lansman, 1997. Pièce en neuf tableaux, pleine de fraîcheur et d’humour subtil, mais aussi de sens profond. Elle met en scène des héros de contes de fées qui, dans un chassé-croisé anachronique, rencontrent des personnages poétiques de Hugo, des célébrités hollywoodiennes, ainsi que Hugo et Perrault eux-mêmes. Ici, l’ogre a perdu l’appétit, le chat botté démissionne de ses fonctions, Rossetta (alias Chaperon Rouge) est une jeune militante, le loup (Wolfgang) est « recyclé » et le Prince Charmant « empoté » ! Avec tout cela, Charles et Victor ne manquent pas de débattre avec véhémence le pour et le contre de l’action.

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Cependant il ne faudrait pas s’y méprendre: cette brillante parodie n’est pas destinée aux bambins. Dans un tohu-bohu malicieux, l’auteure s’amuse à déjouer notre attente et à transgresser les conventions et la morale établies.___ Deluso. Paris: Ed. Des Quatre-Vents, 1995. Une femme qui vit en recluse a convié ce soir trois hommes de son passé, mais les personnages sont-ils vraiment ce qu’ils paraissent être ? Histoire d’amour et de mort, cette pièce réserve bien des surprises…___. Piano seul. Paris: Ed. Des Quatre-Vents, 1995. Dans cette pièce à deux personnages, le pianiste Sandor a convoqué la jeune interne psychiatre Solina pour lui confier son obsession, mais bientôt il y a épanchement mutuel de souvenirs et, comme souvent chez Feyder, tout aboutit à un dénouement-surprise.___. Le fond de l’être est froid. Mortemart: Rougerie, 1995. Recueil qui rassemble des poèmes et des proses poétiques publiés de 1966 à 1992 dans sept volumes dont principalement Ferrer le sombre, Pays l’absence, Franche ténèbre et Pour Elise. La poésie de Véra Feyder se caractérise par ses images insolites, la syntaxe éclatée, le jeu subtil des sonorités et des rythmes. La plupart des textes sont de tonalité sombre et évoquent le tragique de l’existence.

FONTENEAU, Pascale (1963). (N, R). Confidences sur l’escalier. Paris: Gallimard, Série noire, 1992; Paris: Folio policier, 2000. Ce polar nous mène de surprise en surprise au cours d’une conversation entre deux personnages du « milieu » dont l’un vient peut-être de l’échapper belle, tout en se faisant duper par le chef d’une bande à laquelle il s’était trouvé mêlé un peu par hasard. Le lecteur prend donc connaissance des faits « au second degré » par le récit du protagoniste anonyme qui confie ses mésaventures à un copain. L’auteure possède un rare talent pour nous tenir en haleine dans ce roman plein de suspense, riche en invraisemblances loufoques, et véritable répertoire d’argot parisien. Çà et là pourtant, la romancière fait une brève apparition textuelle parmi ses « loubars »: allusions savantes qui détonnent avec le « milieu », formules consacrées qui paraissent en fin de chapitres sous forme d’exclamations, autant de petits signes complices qui contribuent à l’amusement du lecteur.___. Les damnés de l’artère. Bruxelles: Ed.Baleine, le Poulpe, 1996. Histoire abracadabrante de Cheryl, jeune coiffeuse qui arrive dans la capitale pour suivre un atelier spécialisé. Durant son séjour, un collègue trouve la mort dans le métro et Cheryl se met en tête de résoudre cet assassinat. Un abbé haut en couleurs lui apporte son soutien et prétend qu’il existe une « confrérie du Mal » qui sème la terreur partout. D’autres comparses sont des squatteurs « pas tibulaires, mais presque » ! Les livres de Fonteneau ne prétendent pas à la haute littérature, mais témoignent néanmoins d’un réel talent d’écrivain et d’un imaginaire sans cesse renouvelé.___. Curieux sentiments. Paris: Lignes noires, 2000. Neuf textes qui ont en commun l’étrange et qui creusent des états d’âme plutôt que des sentiments. Tantôt simplement bizarres (même –exceptionnellement—drôlatiques comme « Maelbeek »), tantôt cruelles ou cyniques, tantôt saupoudrées d’humour grinçant, mais toujours centrées sur l’inattendu, l’inexplicable, les nouvelles révèlent l’énigme intérieure des êtres, leurs pulsions insoupçonnées. En fin de recueil, « Les douze limites du bonheur » est sans doute la nouvelle la plus réussie. Le protagoniste, persuadé qu’il faut « franchir douze frontières » (nombre fatidique) pour atteindre au bonheur, commence par l’évidence des frontières géographiques, mais sans résultat. Progressivement, il traverse des limites de

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plus en plus abstraites, pour finir par l’ultime « frontière » qui mène vers l’au-delà.

FOUREZ, Michelle (1951). (R). Les bons soirs de juin. Aix-en-Provence: Alinéa, 1992. Roman traversé par des réminiscences rimbaldiennes dans lequel Alexis, hanté par la mémoire d’un père inconnu, se lie à Joana dont l’amour ne parvient pas à combler sa profonde détresse.___. Le chant aveugle. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1995. Roman introspectif dont la protagoniste, Marthe, semble se complaire dans une souffrance intime, née d’un impossible amour. Ni le voyage, ni la rencontre d’un autre homme n’éteindront cette passion devenue l’axe même de son existence.

FRANÇOIS, Anne (1958). (R) . Nu-tête. Paris: Albin Michel, 1991; Bruxelles: Labor, 1996. Prix Rossel 1991; Prix NCR. Une jeune femme atteinte d’une maladie implacable est soignée par un médecin amoureux de la « grâce de tout ce que la mort menace. »___. Ce que l’image ne dit pas. Paris: Albin Michel, 1995. Combat de Lucie qui espère guérir sa fille autiste, lutte que nous suivons par la double voix de la mère et du cameraman qui tourne un documentaire sur la jeune Olivia.

FRANÇOIS-DEMEESTER, Ariane (1929). (N, P). Mots sans propriétaire. Ottignies-Louvain-la-Neuve : Ed. Dieu-Brichart, 1988. Dans ce troisième recueil de poèmes, l’auteure évoque son « double exil », partagée entre son pays natal (« mon sang ») et l’Afrique (« mon royaume ») où elle vécut plus de quarante ans. Dans ces textes, comme dans d’autres recueils, elle prend souvent pour thèmes le « mot » et le « sang » auxquels, dix ans plus tard, elle consacrera un ouvrage très remarqué.___. Encorbellements. Ottignies-Louvain-la-Neuve : Ed. Dieu-Brichart, 1992. Ce recueil est caractéristique de l’écriture dense et imagée de la poète. Quelques exemples: « J’erre dans mon être / prisonnière des signes / qui me chargent de menottes » ; « Soleils de feuilles / soleils de sève / arbres traversés de brûlures / sur un ciel de vertige » ; « ma bouche boit les échos / du fleuve qui entraîne ma brassée d’enfance » ; « je joue mon cœur dans l’écriture ».___. Mots et sang des femmes. Bruxelles : Le G.E.A.I. bleu, 1998. Long poème en vers libres, composé de 25 « laisses » où revient périodiquement la formule-clé « Ils sont à elle, les mots ». En effet, dans ce texte, lyrique sans mièvrerie, sensuel et sensoriel, l’auteure parle de la création poétique comme d’une naissance des mots à partir de tout ce qui l’entoure (en particulier des souvenirs d’Afrique). Mais ces mots représentent aussi son sang même, évoquant à la fois naissance et non-enfantement. Unique en son genre, ce poème creuse au plus profond de la féminité spirituelle et charnelle annoncée par le titre.

FRANÇOIS, Rose-Marie (1939). (E, N, P). La cendre. Bruxelles: Jacques Antoine, 1985. En 36 courts récits, l’auteure se souvient des événements de son enfance.« La petite fille qui m’entraîne à travers le paysage assure l’infinie présence du temps », déclare-t-elle dans sa dédicace. Ainsi elle nous livre des faits vécus distillés dans la mémoire de la femme mûre où ils ont laissé d’intenses impressions, de persistantes « saveurs ».___. Carte d’embarquement. Bruxelles: Le Cri et Jacques Darras, 1996. Avec ce

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cinquième recueil de poèmes, l’auteure nous transporte dans un monde imaginaire où foisonnent les significations secondes. Elle maîtrise l’art de suggérer en quelques lignes, comme par exemple dans « Passé » : « Rose improviste/ sur le pêcher,/ j’aurais voulu l’attendre encore.// Le printemps/ est passé. » Rose-Marie François est spécialiste de philologie germanique et traductrice allemand/français. Sa thématique porte souvent les signes de son multiculturalisme.___. Répéter sa mort. Bruxelles: Le Cormier, 1997, Prix Charles Plisnier; Prix Louis Guillaume. Long poème en prose subdivisé en quatre parties: « Lumière de Courlande », « Terre du Hainaut », « Histoire d’Europe » et « Rose Feu ». En questionnant le sens de l’Histoire et les recoins de l’âme humaine, l’auteure fait acte poétique dans toute l’acception du terme. Elle explore le sentiment du tragique qu’elle apprivoise dans une écriture intense aux images fortes et polyphoniques. En fin de volume, elle explicite sa démarche : « Que voulais-je dire ? Mordre les mots. Mentir à la mort. […] Chercher dans les colonnes de sel le sens du mot distance.[…] Assumer, loin de la plage, l’autisme du galet. »___. Fresque lunaire. Montréal (Canada) : Ed. du Noroît, 2000. La poète prend pour motif central la lune, mais c’est en filigrane et indirectement : astre soumis à la loi universelle du devenir, « naissance, mort » et « éternel retour » de sa réapparition. C’est aussi traditionnellement l’image du temps qui passe, du rêve, de l’inconscient. Cette plaquette est présentée avec art : sa couverture (détail d’une fresque de Véronèse) sert de point de départ au poème composé de fragments. L’auteure inscrit ses méditations ressourcées aux voix du passé, dessine une fresque de paroles riche en allusions allégoriques.

FRÈRE, Maud (1923-1979). (R). La grenouille. Paris: Gallimard, 1959. Prix Veillon. Roman des illusions perdues et des amours contrariées, le livre raconte l’histoire de la petite Jeannot et de son difficile apprentissage de la vie. Parallèlement, le pathétique personnage de la « grenouille » (la servante) constitue une réussite dans l’art du portrait.___. Les jumeaux millénaires. Paris: Gallimard, 1962; Bruxelles: Labor, 1988. Prix Rossel 1962. Une jeune fille de condition modeste, Laure, est invitée à passer les vacances chez une amie à la campagne, loin des privations de la ville éprouvée par la guerre. Une intrigue se noue dont les personnages principaux sont un oncle aventurier et un soldat blessé. Quand le drame éclate, Laure renonce à la facilité d’une vie frelatée pour récupérer son authenticité.___. L’ange aveugle. Paris: Gallimard, 1970. Roman à la première personne, fortement teinté d’érotisme, qui met en scène Claire, jeune fille fortunée éprise de l’aventurier yougoslave Mladen. Le texte présente l’intéressante caractéristique de quelque peu inverser les rôles féminin/masculin traditionnels.

GASSEL, Nathalie. (E). Eros androgyne. Journal d’une femme athlétique.. Namur (B): Ed. de l’Acanthe, 2000. L’auteure est une athlète, mais elle ne recherche nullement les victoires sportives, ni de nouveaux records. Elle « sculpte » son corps en tant qu’objet sexuel qui attire les partenaires des deux sexes. Parmi les descriptions concrètes –ou franchement crues—se font jour parfois des aphorismes, des réflexions d’ordre intellectuel dans un livre qui, certes, sort de l’ordinaire.

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GEVERS, Marie (1883-1975). (E, P, R). La comtesse des digues. Paris: Attinger, 1931; Bruxelles: Babel, 1983. Le roman prend pour thème le conflit entre amour et réalisation professionnelle d’une femme. La jeune génération s’y trouve en butte aux préjugés et à l’austérité des traditions. Cependant l’héroïne reste fidèle à elle-même tout en ne reniant pas son héritage culturel.___. Madame Orpha. Paris: Attinger, 1933; Bruxelles: Les Eperonniers, 1974, 1981; Bruxelles: Labor, 1992. Prix Populiste 1934. L’auteure évoque son enfance dans le domaine de Missembourg près d’Anvers et raconte les amours contrariées d’Orpha et de Louis dans l’optique d’une enfant naïve et sensible.___. Guldentop. Bruxelles: Durandal, 1935; Bruxelles: Labor, 1985, 1991. Ce récit rassemble les souvenirs d’enfance de l’auteure sous le signe du fantôme légendaire, Guldentop, qui hantait le domaine familial de Missembourg.___. La grande marée. Liège (B): Desoer, 1936; Bruxelles: Ed. Mappemonde, 1943; Bruxelles: Labor, 1996. A l’époque où le rôle traditionnel de la femme était de rigueur, ce livre très attachant a dû faire sensation ! L’argent apporte-t-il le bonheur ? L’amour y suffit-il ? A travers la saga de la famille Pauwels et de ses femmes qui s’affirment et se cherchent, Gevers pose des questions essentielles.___. Vie et mort d’un étang. Bruxelles: Brépols, 1950, 1961; Bruxelles: Jacques Antoine, 1979. Récit autobiographique qui s’articule autour de l’étang, « âme » de la propriété familiale à Missembourg. Le livre évoque des souvenirs d’enfance (« L’étang »), les années de guerre 1940-1945 (« La cave ») et présente une rétrospective de la vie de Gevers au cours des ans (« La chambre retrouvée »). On a souvent considéré cet ouvrage comme le chef-d’oeuvre de l’auteure. L’édition de 1979 se termine par une bio-bibliographie détaillée, en parallèle avec les événements saillants de l’époque.

HAMESSE, Anne-Michèle (1948).(R) Le jeune homme de Calais. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1995. Dans son deuxième roman, de structure éclatée, l’auteure se penche sur une vie de femme passionnée mais restée en marge de la société. Clarisse est étrange, solitaire, ateinte d’une sorte de folie à la suite d’une désillusion amoureuse. Se persuadant que Lucien, rencontré par hasard, est en effet le « jeune homme de Calais » de sa jeunesse, elle entreprend de le conquérir par des moyens extrêmes. Il échappera de justesse à une situation démentielle, tandis que Clarisse trouvera enfin la paix au fond de la Mer du Nord qui, elle, « la reconnaît….. l’accueille. »___. Bella disparue. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1997. Clément est passionnément amoureux de Bella qui, elle, le considère simplement comme un bon copain. Un jour, elle n’arrive pas à leur rendez-vous et personne ne sait ce qu’elle est devenue: elle a disparu. Madeleine, vieille voisine de Bella, tente de réconforter Clément. Elle a elle-même tout un passé et vit avec une sœur impotente qu’elle déteste et qui, finalement, meurt à l’hôpital, autre disparition qui, celle-là, est bienvenue ! Le roman relate les conversations entre Madeleine et Clément et se termine de façon énigmatique: qu’est-il vraiment arrivé à Bella ? Réalité, rêve et fantasmes s’enchevêtrent, mais on croit deviner les faits à travers les histoires de Madeleine et les obsessions de Clément. En général, la critique s’est montrée sévère pour ce livre qui, tour à tour, captive et déçoit.___. Le voleur. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 2000. Les thèmes caractéristiques de

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l’auteure sont encore présents dans ce quatrième roman où elle explore la marginalisation, la solitude, le déséquilibre mental. Boris, immigré russe qui vit d’expédients à Bruxelles, se considère « voleur artiste ». Mais ce ne sont pas seulement des objets de valeur qu’il dérobera à Geneviève, car c’est de son corps, de son esprit et de sa vie même qu’il s’empare. La première page du récit en constitue l’épilogue dans un texte de strutcure très étudiée qui tient le lecteur en haleine.

HARPMAN, Jacqueline (1929). (E, N, R). La fille démantelée. Paris: Stock, 1990; Bruxelles: Babel, 1994 (suivi de la nouvelle « Histoire de Jenny »). La première phrase du roman en donne le ton : « Reste morte, ma mère…». Comment une fille devenue adulte pourra-t-elle « s’amputer » de sa mère? Ce roman psychologique et partiellement autobiographique parle d’un rapport d’amour / haine et de la résolution d’un conflit interne.___. La plage d’Ostende. Paris: Stock, 1991. Prix Point de Mire. A l’âge de onze ans, Emilienne s’éprend d’un peintre de quatorze ans son aîné. Ce sera le grand amour de toute une vie, en défi de la morale bourgeoise et à travers épreuves et joies, éloignement et retrouvailles, crises et obstacles familiaux.___. La lucarne. Paris: Stock, 1992. Dix nouvelles caractéristiques des thèmes de prédilection de l’auteure. Trois d’entre elles réinterprètent des mythes célèbres; plusieurs autres concernent la quête d’identité féminine et / ou les rapports mère/fille. La dernière explore le processus de création littéraire.___. Le bonheur dans le crime. Paris: Stock, 1993; Bruxelles: Labor, 2000. Un personnage conteur retrace pour son ami l’histoire de la famille Dutilleul, histoire pleine de mystère et de péripéties peu banales auxquelles il a parfois lui-même été mêlé. Au cœur de ce récit: l’amour incestueux entre Emma et Clément Dutilleul et, en filigrane, des détails sur la personne du narrateur qui se livre indirectement. Le roman est particulièrement intéressant pour ses stratégies narratives et le ludisme stylistique de l’auteure, en même temps qu’il soulève de nombreuses questions socio-culturelles.___.Moi qui n’ai jamais connu les hommes. Paris: Stock, 1995. Après une catastrophe globale qui a décimé la planète, seul un groupe de femmes a échappé à la mort et, parmi elles, une petite fille. Celle-ci, devenue vieille, finit par rester seule au monde… Sur un substrat de science-fiction, le roman offre une pénétrante réflexion sur les grands problèmes qui confrontent l’humanité. Le livre contient aussi un fascinant commenatire sur la sexualité.___. Orlanda. Paris: Grasset, 1996; Paris: LGF/L.d.p., 1998. Prix Médicis 1996. Inspirée par Virginia Woolf, une femme investit l’enveloppe charnelle d’un bel inconnu. Le motif de l’androgyne cher à l’auteure trouve ici une suprême consécration dans un roman plein d’interrogations sur la sexualité, l’éducation répressive, l’écriture et l’identité de la personne.___. Récit de la dernière année. Paris: Grasset, 2000. Voici un roman qui, paradoxalement, raconte la mort tout en criant son élan passionné pour la vie. Il apporte aussi une pénétrante réflexion sur les rapports entre trois générations de femmes. Delphine, veuve depuis plusieurs années, mène une vie active et reste proche de sa mère et de ses propres enfants adultes. Elle vient de célébrer ses cinquante ans lorsque le médecin lui découvre un cancer incurable qui ne lui laisse qu’un an à vivre. Construit sur le modèle d’une messe funéraire, le livre relate comment Delphine, avec lucidité et sans

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s’apitoyer sur son sort, va gérer ce temps qui lui reste. Elle trouve une force nouvelle dans le resserrement des liens familiaux et dans la bonté d’un médecin attentif qui va devenir un ami cher. Psychanaliste de son état, Harpman a réussi avec ce treizième livre ce que la critique a acclamé comme une œuvre maîtresse, classique dans sa langue et sa syntaxe aussi bien que dans la sobriété dans le traitement du sujet.___. Le véritable amour. Bruxelles: Ancrage, 2000. Ce récit donne une suite à L’apparition des esprits, roman des débuts de l’auteure. Déçue autrefois dans ses amours juvéniles avec Alker, Catherine entreprend ici de reconquérir cet homme qui a l’âge d’un père. Le livre finit par un mariage, mais on peut se demander si cette fin « heureuse » comporte sa part d’ironie.

HAUMONT, Marie-Louise (1919). (R). Comme ou la journée de Madame Pline. Paris: Gallimard, 1974. Il s’agit ici de la vie intérieure de Suzanne Pline et de ses difficiles rapports avec un mari qui l’empêche de s’épanouir mais à qui elle est irrévocablement liée. Il se dégage du roman une réflexion perspicace sur le destin féminin, les obstacles à la communication et la mort.___. Le trajet. Paris: Gallimard, 1976. Prix Fémina. Une femme parle de la façon dont elle ressent son existence chez elle, au bureau et pendant le long trajet en car qui la conduit au travail et l’en ramène. Roman « du » et « au » féminin dont le trajet est le motif dominant à la fois sur le plan littéral et au niveau symbolique du parcours intérieur.___. L’éponge. Paris: Gallimard, 1981. Où se situe la frontière entre la vie et le spectacle? François nous parle à la fois de son enfance et de sa carrière de comédien. Deux personnages de femmes, sa mère et son épouse, prennent dans ce roman une importance particulière.

HOUDART, Françoise (1948). (P, R). La vie, couleur saison. Lausanne (Suisse): Luce Wilquin, 1990. Ce premier roman ouvre des perspectives sur divers aspects de la vie contemporaine, mais c’est avant tout une revendication pour l’autonomie féminine : « Il est devenu intolérable d’être la fille de…, la femme de…, l’amie de…, la protégée de…». C’est aussi une réflexion pénétrante sur le processus de création, la prise de conscience du moi par l’écriture, comme l’exprime Sarah à propos de sa poésie : « Je veux être sculpteur des mots qui font d’un cri, un cri humain et qui le répercutent à travers d’autres humanités …». Les épisodes de la vie de Sarah s’échelonnent de 1974 à 1988, période où, progressivement, elle va « naître en elle-même » et se créer un nouveau statut dans ses rôles d’épouse, de mère, d’amie et d’écrivaine. En contrepoint: un aperçu de ce qui se passe chez Laura, amie qui s’est exilée en Yougoslavie à la suite d’une déception amoureuse. Sortira-t-elle de son « hibernation » sur l’exemple de Sarah ?___. Camino. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1993. Pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle qui combine sous forme romanesque le documentaire, l’anecdote, la réflexion sociale et la spiritualité.___. Quatre variations pour une fugue. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1995. Ce roman à deux voix raconte les « 24 heures de liberté » que s’offre Simon à la poursuite de ses fantômes, et les méditations suscitées par cette fugue au dénouement tragique.___. …Née Pélagie D. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1998. « J’ai osé » : les premiers mots du roman en donnent le ton. A soixante-quinze ans, une femme récupère sa vraie

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indentité. Pour la première fois, elle n’est plus sous la tutelle d’un père, ni d’un mari (qui est décédé), ni même de ses enfants qui ne voient pas d’un bon œil son désir d’indépendance. Pélagie ose un acte autonome et s’inscrit pour la traversée Ostende/Douvres qui la transportera vers « l’ailleurs ». Sa véritable destination réserve des surprises et le récit devient poème dans un dernier chapitre très poignant.

KINET, Mimy (1948-1996). (P). Poésie. Amay (B): L’Arbre à Paroles, 1997. Paru à titre posthume, cet ouvrage rassemble six recueils sortis entre 1989 et 1996 ainsi que des inédits et des textes publiés en revues. L’oeuvre de Mimy Kinet est intensément spirituelle et empreinte du sens tragique de l’existence. Elle se penche sur l’enfance comme sur la mort avec une discrétion qui rend ses vers d’autant plus poignants. L’auteure avait une prédilection pour la culture grecque et un profond attachement à la Grèce elle-même. Bon nombre de ses poèmes reflètent ces sentiments et le tiraillement entre le pays natal et l’autre pays : « En ce lieu exilée, / Etrangère là-bas ». Ses derniers vers attestent de sa lucidité devant la mort prochaine, et le livre se termine sur ces mots : « Adieu. Demain ne s’ajoutera plus jamais à ma vie. »

LA FÈRE, Anne-Marie (1940). (R). Aux six jeunes hommes. Paris: Calmann-Lévy, 1988. Victoire a appelé son restaurant champêtre « Aux six jeunes hommes » en souvenir de six rebelles célèbres dans l’histoire de Belgique. Par hasard, ce nom évoque aussi un groupe de six camarades dont le destin a croisé naguère celui du père de Victoire. Celle-ci, femme encore jeune, sensuelle, dynamique et bien moderne, fait des rêves qui s’avèrent prémonitoires. Bientôt auront lieu à sa table les retrouvailles inopinées des six militants, aujourd’hui hommes d’âge mûr. Cette histoire de l’amitié, de l’amour et des amours, de la convivialité et de la bonne chère, est rédigée d’une plume alerte et érudite qui ne dédaigne pas le détail cocasse et la petite touche humoristique.___. La renarde, autoportrait. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1999. La narratrice prépare une thèse sur la photographe d’art Henriette Marchal (la « Renarde »), aujourd’hui disparue, et célèbre pour ses étonnants autoportraits. Certains de ceux-ci sont surréalistes, d’autres tragiques, ou encore empreints de poésie ou d’humour. La thésarde entreprend des recherches en Belgique et à l’étranger, surtout en Irlande. L’autoportrait du titre reste ambigu, pouvant s’appliquer à la fois au genre artistique d’Henriette Marchal et à l’autoportrait qu’indirectement la narratrice nous communique d’elle-même. Ce récit de style impétueux pose de nombreuses questions sur la nature et le sens de l’art et sur son rapport avec l’artiste.

LALANDE, Françoise (1941). (E,R,T). Le gardien d’abalones. Bruxelles: Jacques Antoine, 1983; Bruxelles : Labor, 1994. L’action se passe au Mexique : histoire d’une passion, d’un crime, d’une fuite. Lorsque Louise afronte la justice, la ville entière en subit le contrecoup.___. Madame Rimbaud. Paris: Presses de la Renaissance, 1987; Presses Pocket, 1991. Biographie de Vitalie Cuif, mère d’Arthur Rimbaud qui, selon l’auteure, est « la femme la plus diffamée de l’histoire littéraire ». Mother, version théâtrale de ce récit, fut mise en scène par Jacques Herbet en 1991.___. Alma Mahler. Paris: Actes Sud-Papier, 1989. Prix Vaxelaire (Belgique); Prix Mai

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Théâtral de Strasbourg, 1988. L’auteure donne ici la parole à Alma Mahler qui vécut au début du XXe siècle et fut l’épouse du célèbre compositeur autrichien Gustav Mahler. La pièce est un long monologue où Alma fait allusion aux bouleversements tragiques de son époque, ainsi qu’au musicien, au peintre, à l’architecte, à l’écrivain qui, tour à tour, furent ses compagnons. Elle est présentée comme une femme énergique et ambitieuse qui cependant, dans l’ombre de ces hommes célèbres, n’a pu pleinement s’épanouir. Par son style éclaté, son texte « vertical, pris de vertige » la pièce s’avère tout aussi intéressante comme lecture que comme spectacle.___. Jean-Jacques et le plaisir. Paris: Belfond, 1993. Reprenant les faits relatés dans Les Confessions, l’auteure présente une biographie romancée de Rousseau, depuis sa naissance jusqu’au jour où il quitte Genève et part à l’aventure.___. Noir. Bruxelles: Ancrage, 2000. Dans son avant-propos, la romancière annonce que « le thème principal de Noir est la perte, évoquée à travers divers prismes de la réalité contemporaine. » Les personnages sont censés être fictifs, mais dans le corps du récit le lecteur se rend compte que ce livre est en grande partie autobiographique, et qu’Anna et Vronski (!) ont vécu les affres de la rupture orageuse dont il est question ici. Roman très original qui se présente en fragments, son fil narratif est interrompu à mainte reprise par des réflexions sur des événements bien réels qui ont bouleversé le monde, principalement les abus sexuels commis sur des enfants. Le texte est également ponctué de dates (sans rapport avec le récit) qui marquent la perte de grands écrivains de ce siècle. Mais la réalité contemporaine pour la narratrice Anna, c’est « la fin d’une passion », la douleur d’une rupture amoureuse. Cependant, nous dit l’auteure, « ce n’est pas un roman triste ou pessimiste. Au contraire.» En effet, l’humour décapant de Lalande, la vivacité de son style, l’empêchent de sombrer dans le désespoir, et le dénouement laisse supposer une éclaircie au bout du tunnel.

LAMARCHE, Caroline (1955). (N, P, R). La nuit l’après-midi. Paris: Spengler, 1995; Paris: Minuit, 1998. Un premier roman sur un sujet scabreux: une jeune femme de milieu bourgeois aisé répond impulsivement à une petite annnonce. S’ensuivent des séances de sado-masochisme avec un homme roux qui à la fois lui répugne et l’attire. Le libertinage est un choix délibéré de l’auteure qui l’utilise ici en référence à l’interdit; c’est le questionnement de la protagoniste sur son énigme intérieure, sa recherche d’une identité, d’un « être à soi », par des moyens extrêmes en violent décalage avec les normes de sa condition sociale. Les ambiguïtés de l’héroïne transparaissent dans une écriture qui, paradoxalement, est celle d’une poète.___. Le jour du chien. Paris: Minuit, 1996. Prix Rossel 1996. Ce livre rassemble une série de récits relativement autonomes bien qu’articulés autour d’un même incident: un chien égaré fait irruption sur l’autoroute en plein trafic. Cet événement déclenche un flux de réflexions chez six personnes-témoins qui se sont arrêtées. Mais l’ « arrêt » est aussi celui où l’on fait le point sur le cours de l’existence. Successivement un camionneur, un prêtre, un homosexuel, une femme qui se prépare à une rupture, une mère élégante et sa fille obèse prennent la parole dans des monologues révélateurs. Pour chacun, la bête affolée devient comme une image de sa propre vie.___. J’ai cent ans. Lausanne (Suisse) : L’Age d’Homme, 1996; Paris: Le Serpent à Plumes, 1999. Quinze nouvelles très variées, réalistes ou fantasques, dont la qualité procède de la puissance des textes et de certains principes d’unité qui les relient, entre

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autres le courant onirique qui traverse le recueil et la texture émotive des personnages que l’auteure nous fait découvrir progressivement en creusant les apparences. Chaque récit est centré sur un personnage de femme à l’exception de la nouvelle éponyme du titre où un automate centenaire évoque ses souvenirs. Les quatre derniers textes sont consacrés aux quatre éléments, plus précisément à la façon dont chacun est vécu par la narratrice.___. L’ours. Paris: Gallimard, 2000. « J’ai un mari, deux enfants, je quitte un amant et je veux écrire… Je veux des enfants-livres. Et, dans ce but, devenir chaste. » Pour accomnplir ce programme, la narratrice cherche l’appui d’un prêtre avec qui se noue une relation intense, sorte de sublimation d’un amour qui ne sera jamais charnel. Une seconde trame narrative se déroule par fragments: souvenirs d’enfance qui forment contrepoint et éclairent le récit principal. L’ours du titre fait partie de cette période de jeunesse, mais se transpose en symbole qui donne la clé du roman. Le livre est tout en nuances, rêves, analogies et reflets qui transportent le lecteur au-delà du texte lui-même.

LEJEUNE, Claire (1926). (E, P,T). Le livre de la sœur. Montréal: L’Hexagone, 1992; Bruxelles: Labor, 1993. Essai poétique dans lequel l’auteure plaide en faveur d’une «fratrie » et d’un nouveau discours féminin. Dans une démarche assimilée à une «autogenèse», elle réinterprète de grands mythes, certaines notions philosophiques et divers textes qui ont marqué la pensée occidentale.___. Mémoire de rien. Bruxelles: Labor, 1994. Le volume propose une rétrospective des premiers écrits de Lejeune (poèmes et essais poétiques) et rassemble six recueils parus de 1963 à 1972, y compris l’essai éponyme du titre. C’est donc une sorte de trajet initiatique d’une écrivaine féministe, autodidacte, qui déclare avoir connu « une prise de conscience fulgurante » lui permettant de se trouver elle-même, dans une ascèse qui enfin devient une « véritable initiation pratique au Verbe ».___. Ariane et Don Juan ou Le Désastre. Bruxelles: L’Ambedui, 1997. Cette pièce, nettement post-féministe, met en scène la philosophie élaborée par l’auteur dans ses essais poétiques : l’avènement d’un nouveau rapport entre le masculin et le féminin. C’est la confrontation de deux mythes consacrés par la légende, radicalement opposés en apparence, mais qui trouvent ici un point de rencontre, la « fratrie », substrat fondamental de l’oeuvre entière de Lejeune. Le préfacier et metteur en scène Jacques De Decker observe que la pièce « s’inscrit en faux » contre le théâtre contemporain, en ce sens qu’elle donne priorité, non pas aux « signes non-verbaux », mais bien « à la puissance révélante du langage ».___. Le livre de la mère. Avin/Hannut (B): Luce Wilquin, 1998. Dans ce nouvel essai poétique, l’auteure fait le point sur l’évolution de sa pensée, toujours marquée par la thématique des commencements, de l’événement qui fut pour elle « une prise de conscience de [sa] propre existence » et dont elle parle dans plusieurs autres ouvrages. Le ivre est dense, de structure éclatée, avec de nombreux extraits de ses œuvres précédentes et des citations d’auteurs qui ont influencé sa pensée, depuis les présocratiques jusqu’au présent. Le noyau philosophique chez Lejeune est la négation du primat patriarcal qui est le fondement de la civilisation occidentale. Elle nous engage à résister à toute hiérarchie et à tout discours d’autorité, à désapprendre la codification de la pensée et de la langue. A la « loi du Père » se substitue le « livre de la Mère », guérison de l’aphasie de la mémoire des « origynes » et avènement d’une « citoyenneté poétique » qui nous transportera dans une « fratrie » universelle.

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___. Le chant du dragon. Bruxelles: Lansman, 2000. Oeuvre dramatique construite sur les prémices suivantes: avant de se suicider, une jeune grecque confie à Hélène le manuscrit d’une pièce en trois actes dont deux seulement ont été écrits. Hélène et Georges, tous deux gens de théâtre, entreprennent de monter le spectacle en y ajoutant la partie manquante, réconciliation entre « pensée magique » et « pensée logique ». La démarche littéraire et philosophique de l’auteure se confirme dans cette œuvre qui en est, pour ainsi dire, une mise en abyme, et fait de nouveau appel aux grands mythes universels.

LEY, Madeleine (1901-1981). (R). Olivia. Paris : Gallimard, 1936; Bruxelles: Labor, 1986. Ce roman d’amour tout empreint de lyrisme, mais sans mièvrerie, se présente sous forme de journal et de lettres et se situe vers le milieun du 19e siècle. Olivia vit un amour intense pour le ténor Mario, mais les amants sont victimes d’une perfidie qui les sépare.___. Le grand feu. Bruxelles : Ed. Des Artistes, 1942; Arles: Actes Sud, 1988; Bruxelles : Labor 1994. Prix Rossel sur manuscrit,1939. Marietta, orpheline de douze ans, est recueillie par son grand-père qui demeure dans les montagnes du Valais où la fillette s’initie à la vie paysanne. Sa cousine Reine cause involontairement un terrible incendie qui détruit, avec le village, l’accord édénique des habitants et l’avenir de Reine elle-même.

LIBERT, Béatrice (1952). (E, N, P). Baisers volés à Paul Eluard, suivi de Ramparts. Bruxelles : Vie Ouvrière et Paris : Pierre Zech, 1989. « J’avais seize ans lorsque j’ai découvert Paul Eluard. Cette poésie simple, naturelle, fulgurante aussi, m’a séduite…» C’est ainsi que l’auteure dédie un de ses premiers recueils au grand poète surréaliste. Dans chaque poème, le premier vers, en italiques, est emprunté à un texte d’Eluard.___. Vol à main nue. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1998. Prix Edouard Roche (France), 1996. Ce septième recueil est un long chant d’amour à l’homme aimé. En filigrane de cette profession de foi passionnée, se dessinent les contours de la Féminité. L’ambiance est intimiste, parfois onirique, toujours sensuelle. Les textes sont à la fois indépendants les uns des autres et solidaires par leur thématique.___. Le rameur sans rivage. Paris : La Différence, 1999. Deux séries de poèmes, «L’impossible aveu » et « Le jardin suspendu » composent ce recueil, en tout 68 textes, la plupart assez brefs, qui abordent une variété de thèmes: le quotidien, l’amour, l’acte poétique et la recherche lexicale, les lieux, la mort, la complémentarité des contraires. «De l’obscurité / à l’obscur: / ainsi le rameur. / Nulle fuite / mais passage / et permanence. » Il y a dans cette poésie de véritables trouvailles, alliances de mots et idées insolites mais qui font sens. Ces textes remuent des émotions à la fois esthétiques et spirituelles. Dans son « Envoi », l’auteure exprime sa démarche : « Tu as plus de questions / que de réponses. // Les questions aident à vivre. / Les réponses, à se perdre. »Quatre de ces poèmes sont inspirés par l’oeuvre peinte de L.E.M. Louis et ont fait l’objet de plusieurs expositions « à quatre mains ». Un autre poème, « Prière à la neige », a été mis en musique par Michel Bruno.

LILAR, Suzanne (1901-1992). (E, R, T). Le Burlador. Bruxelles, Ed. Des Artistes, 1945, 1947. Prix Picard 1946; Prix Vaxelaire, 1947. Avec cette pièce en trois actes, l’auteure

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renouvelle le mythe de Don Juan qu’elle présente comme le « héros de la lucidité », personnage dont le côté démoniaque lui apparaît sous une « forme plus intime et plus subtile…plus maligne que celle consacrée par la tradition ». Cet ouvrage contient déjà en germe les thèmes fondateurs de l’œuvre lilarienne entière.___. Tous les chemins mènent au ciel. Bruxelles: Ed. Des Artistes, 1947; Paris: Elites françaises, 1947. Pièce en deux actes et trois tableaux dont l’action se situe en Flandre au XIVe siècle et implique trois personnages principaux : une béguine (Ludgarde), un chevalier et un ermite. Selon l’auteure, Ludgarde et le chevalier « confrontés avec le caractère passager de l’extase amoureuse et le désir de la renouveler, ont recours aux provocations du vice. » Tentés par l’absolu, Ludgarde et le chevalier s’en défendent et, paradoxalement, triomphent à la fin chacun de son côté. L’ermite aura peut-être la force de surmonter l’obstacle, lui aussi. Son monologue final est à la fois prière à Dieu et méditation philosophique qui dégage le sens de la pièce.___. Le roi lépreux. Bruxelles: Lumière, 1951. Cette pièce de facture avant-gardiste met « l’accent sur la singularité du théâtre, sur la nature du jeu qu’il propose », ainsi que l’auteure elle-même la décrit. Nous sommes ici dans le monde des doubles et c’est là l’intérêt principal de ce spectacle hautement original. L’intrigue se base sur une chronique de Guillaume de Tyr et a pour protagoniste un roi lépreux en quête de pureté, qui veut libérer Jérusalem de Saladin. Il se trouve confronté à sa mère qui, de connivence avec son amant, est prête à livrer le royaume à l’ennemi. Le jeune roi est soutenu jusqu’au bout par sa foi et par l’amour d’Oriane. ___. Journal de l’analogiste. Paris: Julliard, 1954, 1969; Paris: Grasset, 1979. Prix Sainte-Beuve 1954. Œuvre majeure dans laquelle Lilar considère le monde comme un immense champ d’analogies, thème dont on retrouve des variations dans chacun de ses livres.___. La confession anonyme. Paris: Julliard, 1960; Bruxelles: Jacques Antoine, 1980; Paris: Gallimard, 1983. Ce roman forme une sorte de diptyque avec Le divertissement portugais publié la même année. Dans un long monologue, l’héroïne raconte son initiation à l’amour mystique en tant que sublimation de l’amour charnel. Le cinéaste André Delvaux a porté ce récit à l’écran sous le titre de Benvenuta.___. Le divertissement portugais. Paris: Julliard, 1960; Bruxelles: Labor, 1990. Prix de l’Académie des Hespérides 1961. Dans de somptueux décors manuélins, ce roman a pour protagonistes un « Don Juan » vieilli mais encore séduisant, et une romancière d’âge mûr toujours capable de plaire. On peut le considérer comme un récit initiatique au même titre que l’ouvrage précédent dont il constitue une sorte d’image inversée.___.Le couple. Paris: Grasset, 1963, 1970; L.d.p., 1972, 1991. Prix Eve Delacroix 1963. Lilar considère que la totalité de notre être ne peut s’assumer que dans le couple. Après un survol historique, elle se penche sur le mythe de l’Androgyne et termine son essai par un plaidoyer en faveur d’une « resacralisation » de l’amour, thèmes qui seront repris plus tard dans deux importants essais sur Sartre et sur Beauvoir.___. Une enfance gantoise Paris:Grasset. 1976; Marabout, 1986; Bruxelles: Labor, 1993 Prix Saint-Simon 1977. Dans ce récit autobiographique, la femme mûre se penche sur son enfance au sein d’une famille très unie. Ce faisant, elle nous raconte aussi la ville de Gand et les mœurs de la société du temps encore très stratifiée en classes. Elle retrace sa fascination précoce pour la magie des mots, et l’influence de son biculturalisme sur son entrée en littérature.

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___ Théâtre. Bruxelles: ARLLF, 1999. Ce volume contient les trois œuvres dramatiques citées ci-dessus, avec un « portrait » par Françoise Mallet-Joris (fille de l’auteure), une préface de Colette Nys-Mazure et une bibliographie de Martine Gilmont. Chaque pièce est précédée d’une introduction par Lilar elle-même.

LISON-LEROY, Françoise (1951). (N,P,T). Pays géomètre. Lausanne (Suisse) : L’Age d’Homme, 1991. Prix Max-Pol Fouchet 1991. Recueil en deux parties suivies d’une lettre de l’auteure au fondateur du Prix M.P. Fouchet. Les textes, en vers libres, ressemblent parfois à des proses lyriques aux images fortes, aux rythmes étudiés, avec de temps à autre une subtile touche humoristique. La poète y chante l’esprit des « lieux » (thème souvent repris par la suite), ce qui comprend aussi le lieu d’être et le lieu d’aimer.___. Avoir lieu. Mortemart : Rougerie, 1993. Ce livre est caractéristique de l’auteure par le travail de la langue, le souci des rythmes et de la typographie. Certains textes sont en vers libres, d’autres en prose et d’autres encore en vers qui, typographiquement, ressemblent à la prose. Le recueil se subdivise en quatre sections dont chacune offre une séquence de poèmes à la fois solidaires et autonomes. Le titre joue sur l’expression figée « avoir lieu », mais on explore ici la poésie du lieu qu’arpente l’écrivaine.___. Terre en douce. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1995. 35 brefs poèmes en prose pleins de rythmes et d’images insolites. L’auteure y célèbre la « Terre » dans tout ce qu’elle contient de charnel et de fraternel, dans tout son mystère et sa douceur «infiniment nôtre ».___. Histoires de petite Elle. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1996. Au fil de douze petits récits empreints de poésie et d’humour tendre, petite Elle (11 ans) nous emmène dans son univers familier: le village, l’école, la famille aimante et aimée, les copains…Elle s’éveille aux mystères de la vie, s’interroge sur le Temps, l’Amour, la Mort…___. Le coureur de collines. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1998. Dix-sept nouvelles dont certaines se limitent à de simples observations de gens ou de lieux, et dont l’une peut se classer comme mini-roman (« Les brins de Judas »), tandis que trois autres sont des contes de Noël. L’auteure évoque le terroir déjà présent dans ses Histoires de petite Elle, et des personnages qu’elle a probablement connus (ou aurait pu connaître) dans son «pays de collines » natal. Fines observations psychologiques, écriture vive et spontanée, éléments de surprise ou sourire complice, et parfois (dans les trois derniers textes) un ton qui se fait plus grave dans le tragique que l’auteure aborde avec lucidité, mais sans pathos inutile.

LISON-LEROY, Françoise et Colette NYS-MAZURE. On les dirait complices. Mortemart : Rougerie, 1989. Comme le titre l’indique, ce livre est le fruit d’une collaboration poétique, née d’un projet de livre sur la filiation aïeule-mère-fille.___. Tous locataires. Charlieu : La Bartavelle, 1993 (réédité par les Ed. Lansman en 2002). Une pièce de théâtre construite sur des écritures diverses, à la fois poème, conte, dialogue, chanson, lettre. Il n’y a pas de dénouement car, comme nous, tous les personnages sont « locataires… éphémères ».___. La nuit résolue. Mortemart : Rougerie, 1995. Fruit d’une collaboration entre deux poètes dont les affinités sont évidentes, ces poèmes nous posent des questions, nous tendent parfois une clé mais, comme tout bon livre, se gardent d’imposer une réponse.

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___. Champs mêlés. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1998. «…rendre sur page l’univers des toiles », tel est le projet réalisé par les auteures dans ce volume où tantôt l’une, tantôt l’autre exprime les réactions, les émotions ressenties devant les tableaux du Musée de Tournai. Il ne s’agit pas simplement de décrire, mais bien de se mettre « à l’écoute des œuvres » et de convertir en mots ce que couleurs et formes communiquent.

MALINCONI, Nicole (1946). (R). Hôpital silence. Paris : Minuit, 1985; Bruxelles: Labor, 1996 (suivi de L’attente). Dans une série de scènes autonomes, sont présentées les patientes des services d’obstétrique et de gynécologie (y compris les cas d’avortement). Les détails cliniques ne manquent pas mais ce qui domine, c’est le point de vue humain. Les émotions percent la neutralité du style : peur, culpabilité, résignation ou révolte, et surtout peut-être, haine. Un spectacle dramatique, Elles, a été créé par Nicole Colchat en 1996, qui met en scène les femmes du roman ainsi que le personnage de la mère dans Nous deux.___. L’attente. Après son escapade en ville, Louise est-elle revenue au village et à sa misère par amour pour son enfant? Ce soir, c’est sa longue attente alors que le jeune garçon est parti à bicyclette sur la grand-route…___. Nous deux. Bruxelles : Les Eperonniers, 1993. Prix Rossel 1993. L’auteure raconte à la fois les derniers jours de sa mère dans la déchéance physique la plus complète, et sa vie passée dans l’humilité et la monotonie. Surtout, elle évoque l’amour et la haine qui les unissaient, faisaient d’elles deux « quelque chose de confondu ».___. Da solo. Bruxelles : Les Eperonniers, 1997. Ce roman biographique, consacré à la vie d’un père, est celui de l’exil: exil de son Italie natale, de sa langue maternelle, des racines profondes de l’être. C’est aussi une réflexion sur le passage du temps, évoqué en exergue par des vers de Pétrarque. Le monologue du père commence peu après son veuvage lorsque la solitude déclenche l’afflux des souvenirs: petits événements quotidiens, regrets, blessures, manque de communication parfois avec sa fille… Le livre se termine par une réflexion du vieil homme sur sa mort attendue comme acte de miséricorde. « Qu’est-ce que je peux encore faire, à part attendre ? » se demande-t-il.___. Rien ou presque. Bruxelles : Les Eperonniers, 1997. Recueil de 60 « brèves », ainsi que les décrit l’auteure, « des instants fugitifs, des épisodes ordinaires… qui parfois laisseraient apparaître comme une vérité…». Le quotidien y est capté sur le vif: scène dans un aéroport, sur un autoroute, dans le métro, le long d’un fleuve, à un coin de rue, dans un parc… Le volume se termine avec une vraie nouvelle très poignante, suivie de cinq petits récits évoquant des guerres récentes, et d’un texte qui laisse parler des hommes et des femmes « ayant vécu chacun un instant de désastre ». Dans un style simple mais profond, Malinconi a le don de faire ressentir avec intensité les émotions et le tragique, souvent, de l’existence.

MIGUEL, Cécile (1921). (P, R). Faciès-escargot franchissant les monts du sommeil. Gilly (B) : Cap Horn, 1990. Chaque poème en prose relate un rêve de l’auteure. Il importe peu de savoir s’il s’agit de rêves véritables ou inventés: les textes sont superbes dans leurs évocations de paysages et d’événements surréels. Les illustrations de Claudine Goux, tout aussi oniriques que les textes, complémentent parfaitement ce volume unique en son genre.

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___. Hélices d’instants. Alençon : Gravos Press, 1992. Recueil des célèbres « poèmes graphiés » de Cécile Miguel, dans lesquels les « mots forment images, les images forment graphies ». Une intéressante innovation.___. Le livre des déambulations. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1993. Treize longs poèmes dans lesquels la prose alterne avec les vers, et dont les titres à eux seuls font rêver (« Le soleil n’aime pas son ombre », « Les sept mains de la nuit », « L’œil sonde », etc.). Ce volume est particulièrement intéressant pour le travail de la langue et de la typographie, les recherches formelles, le ludisme, toutes innovations qui donnent aux textes une dimension supplémentaire.___. Dans la maison de Hölderlin. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1995. Poèmes en prose, univers onirique en perpétuelle métamorphose, ce recueil est agrémenté de « compositions graphiques » de l’auteure qui est aussi peintre et dessinatrice.___. Papyrus jardin de mots. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1997. Ce douzième recueil de l’auteure réaffirme son talent dans l’art du récit-poème. Chaque texte est bref (le plus long occupe une page, le plus court trois lignes) et nous transporte dans l’univers insolite de Cécile Miguel, poète du merveilleux et de la rêverie.

MONFILS, Nadine (1953). (N, R, T). Une petite douceur meurtrière. Paris : Gallimard, 1995, 2000. On trouve peu de douceur, mais beaucoup de meurtres, tortures, et sexualité débridée dans ce roman « Série noire » où, dès la première page, on se plonge dans l’horreur. Tout au long du récit, on ne côtoie qu’abjection, épouvante, érotisme sadique, situations sordides, humour grinçant. Polar, seulement dans ce sens qu’il y a une énigme à résoudre, mais ce sera sans l’aide de quelque héroïque commissaire ! Les nombreux comparses sont pour la plupart en marge de la société pour diverses raisons: les criminels d’une part, les exclus de l’autre (clochards, homosexuels, handicapés…). En filigrane , on perçoit une réflexion socio-culturelle sur l’époque, et on reconnaît chez l’auteure un rare talent narratif dans un genre où peu de femmes se sont aventurées.___. Contes pour petites filles criminelles. Paris : Editions Blanche, 1997. Treize nouvelles dont les héroïnes sont de jolies et gracieuses fillettes qui rivalisent d’ingéniosité dans le crime et sont étonnamment expertes en matière de sexualité. « La vie en rose », premier des récits, et relativement moins macabre, a reçu le Prix de la Nouvelle Policière RTBF. Les autres textes, très corrosifs, relatent les activités surprenantes des fausses ingénues pour qui le crime et la lubricité sont de simples jeux. En fin de volume, l’auteure nous avertit : « Prenez garde ! Peut-être un jour viendront-elles chez vous…».___. Rouge fou. Paris : Flammarion, 1997. Avec les tribulations de Sanguine, on retrouve l’univers caractéristique de la romancière, univers ambigu et sensuel aux multiples implications psychanalytiques. Cependant, si le livre ne manque ni de situations bizarres ni de violence, c’est aussi une histoire pleine de poésie qui nous transporte dans les contes de Perrault avec des personnages mystérieux, magiques et un peu fous. Nous traversons un monde surréel aux secrets inexpliqués pour arriver enfin au cœur de l’intrigue : Sanguine et sa quête de l’enfance perdue, puis retrouvée, après avoir franchi les étapes étranges et parfois cruelles d’une initiation.___. La nuit des coquelicots. Paris : Vauvenargues, 1999. Ce roman à énigmes se place sous le signe du rouge selon la tradition de l’auteure. Les assassinats bizarres se multiplient et donnent du fil à retordre au commissaire Léon dont le hobby est le tricot. Administré à doses massives, le macabre finit par devenir comique –voire grotesque—par

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son outrance même. Le lecteur s’embourbe dans l’excès : d’horreur, d’imbroglios et de formules ingénieuses certes, mais lassantes par leur ubiquité.

MOULIN, Jeanine (1912-1998). (E, N, P). Les yeux de la tête et autres récits. Paris : Le Cherche-Midi, 1988. Ce recueil contient des proses lyriques, des rêves, des réflexions ludiques sur les « mots », des fables et autres pièces qui, si elles sont de nature poétique, ne se classent dans aucun genre fixe. L’un de ces textes, très attachant, s’intitule « Est-ce que mon œuvre m’aime ? » et explore les rapports subtils entre écrivain et écriture.___. De pierre et de songe. Paris : La Différence, 1991. Ouvrage qui rassemble cinq recueils publiés entre 1961 et 1986 ainsi qu’une vingtaine de textes inédits. Les divers volumes valurent à l’auteure plusieurs prix littéraires prestigieux. Dans ce panorama de trente années d’écriture poétique, on perçoit une évolution formelle, du classique à la métrique libre, mais toujours « prosodie nette […] plus soucieuse du rythme intérieur que d’une musicalité de surface » (comme le remarque le préfacier Guy Goffette qui est lui-même un poète réputé). On y trouve une récurrence de thèmes majeurs: la préoccupation métaphysique aussi bien que les motifs du feu et de la lumière et les réflexions sur le mystère de l’écriture. Jeanine Moulin est considérée comme une des plus brillantes écrivaines de Belgique, tant pour sa poésie que pour ses essais critiques.

MYTTENAERE, Chantal (1952). (R) Le voleur de fenêtres. Bruxelles : Les Eperonniers, 1992. Fenêtres de l’amour, du souvenir, du drame… Clément a quitté femme et enfant afin de maintenir vivant « son amour parfait que désormais rien ne viendrait jamais flétrir. » Vingt ans plus tard, installé dans un coin perdu au nord de la Suède, il invite sa fille Elisa à venir célébrer avec lui son 70e anniversaire. Rencontre hostile et intime à la fois qui culmine en une fête ubuesque où s’enchevêtrent l’amour, l’absolu et la mort.___. La vie désertée. Grolley (Suisse) : Ed. de l’Hèbe, 1997. Ces vingt-cinq nouvelles brèves nous entraînent sur un chemin de solitudes, abandons, espoirs d’un peu d’amour toujours frustrés, recherche d’une existence possible dans un monde indifférent. La plupart des personnages sont des femmes, surtout assez âgées. Ambiance très sombre, donc, dans un recueil qui parfois laisse percer ironie ou dérision. Un dernier texte, «Codicille », au titre particulièrement signifiant, évoque un personnage de femme dont le métier est d’attendre, « venue au monde pour y tuer le temps ».___. La trisomie du silence. Bruxelles : Les Eperonniers, 1997. Ce roman en trois parties est un monologue poétique au cours duquel la narratrice Philae exprime son désespoir, puis sa colère et enfin sa résignation après avoir été abandonnée par son amante Venise. Personnages et sites évoqués par leurs prénoms s’entremêlent dans un récit dominé par le thème de l’eau.___. Sa Majesté, la Divine. Avin/Hannut (B) : Ed. Luce Wilquin, 2000. Cette « Divine », Rose van der Lichtenvelde, est l’inventeur d’une crème à raser, militante invétérée, romancière et musicienne. Georges, un ancien amant, et Victorine, une fidèle amie, rassemblent leurs souvenirs et composent un tableau baroque qui retrace la vie de cette divinité très spéciale.

NOTHOMB, Amélie (1967). (R,T). Hygiène de l’assassin. Paris : Albin Michel, 1992;

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Paris: Seuil,1994. Prix Alain-Fournier; Prix René Fallet. Un prix Nobel de littérature n’a plus que quelques mois à vivre. Des reporters sollicitent des entretiens. Seule la cinquième journaliste saura tenir tête au misanthrope cynique qui, peu à peu, révélera de sombres secrets. Ce roman a été adapté pour l’écran par François Ruggieri.___. Le sabotage amoureux. Paris : Albin Michel, 1993; Paris: LGF,l.d.p.1996. Sorte de traité d’apprentissage de la vie. Dans une famille de diplomates en poste à Pékin, une fillette transpose ses jeux en confrontation internationale et se prend d’une profonde passion pour une petite amie italienne. Une adaptation scénique de ce roman a été réalisée à Paris par Pascal Lissilour et Anabelle Millot.___. Les combustibles. Paris : Albin Michel, 1994. La réflexion sur le phénomène littéraire, sans cesse présente dans les ouvrages de Nothomb, se poursuit dans cette pièce insolite, sorte de « huis-clos » où évoluent trois personnages dans un pays en guerre et en plein hiver. Brûlera-t-on les livres pour ne plus souffrir du froid? Et, dans ce cas, lesquels?___. Les Catilinaires. Paris : Albin Michel, 1995. Comment se débarrasser d’un voisin qui est le type même du gêneur ? L’enfant terrible des lettres belges fait alterner fantaisie et gravité dans ce roman où l’insolite fait irruption dans le quotidien. ___. Mercure. Paris : Albin Michel 1998; LGF, 2000. Un riche vieillard retient prisonnière sur une île une jeune orpheline, Hazel, qu’il a sauvée dans un bombardement et dont il devient amoureux. Il engage une infirmière pour soigner Hazel qui souffre surtout de solitude dans une demeure d’où sont bannis tous miroirs et reflets. Le récit s’articule autour d’un mystère et de l’étrange loi que le vieil homme fait régner sur l’île. Roman de l’amour et de l’amitié portés à leur plus haut sommet, mais par des voies quelque peu cruelles, c’est aussi un texte plein de verve et d’imagination qui va même jusqu’à laisser au lecteur le choix entre deux dénouements possibles.___. Stupeur et tremblements. Paris : Albin Michel 1999. Grand Prix de l’Académie française ; Prix Internet ; Prix des Libraires du Québec. Dans ce huitième roman, une jeune Belge fait ses débuts dans une grande entreprise de Tokyo. L’ancien protocole nippon stipule que l’on s’adressera à l’Empereur avec « stupeur et tremblements », règle qu’Amélie-san aura souvent l’occasion de pratiquer envers ses chefs de la société Yumimoto. C’est l’histoire de sa « foudroyante chute sociale » qu’elle raconte ici: d’abord engagée comme interprète, Amélie va progressivement descendre les échelons de la hiérarchie pour finir comme nettoyeuse de toilettes ! Le choc des cultures donne lieu à des épisodes tragi-comiques, souvent franchement cocasses, que l’auteure prend plaisir à raconter avec sa verve habituelle. Amélie Nothomb est née au Japon et y a vécu quelque temps ; elle présente ce récit comme une autobiographie, mais on est en droit de se demander si ce n’est pas plutôt une autofiction.___. Métaphysique des tubes. Paris : Albin-Michel, 2000. Avec sa verve habituelle, l’auteure raconte les trois premières années de sa vie au Japon où son père était consul de Belgique. Petite enfance peu ordinaire qui débute par une période d’apathie complète (elle est « la plante »), puis par une phase de hurlements continuels jusqu’à ce que les vertus curatives d’une tablette de chocolat la ramènent au calme. Elle n’est pas pour autant une petite fille soumise. Son caractère indépendant et fantasque se révèle au cours d’aventures parfois tragi-comiques, avec en filigrane une réflexion sur la vie, la culture orientale et, on ose le dire, un certain substrat métaphysique.

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NYS-MAZURE, Colette (1939) (E,N,P,T). Singulières et plurielles. Charlieu : La Bartavelle, 1992. Recueil de 53 poèmes en prose dont le sujet global se révèle clairement dans le titre. La pluralité féminine est ici explorée avec finesse et perspicacité.___. Suzanne Lilar. Bruxelles : Labor, 1992. Cette étude offre une riche documentation sur la vie et l’œuvre d’une des plus célèbres écrivaines belges et analyse en détail Le divertissement portugais.___. Arpents sauvages. Mortemart : Rougerie, 1993. Une quinzaine de poèmes assez brefs avec les caractéristiques de style et de créativité langagière qui rendent l’auteure unique dans son domaine de prédilection.___. La criée d’aube. Amay (B): L’Arbre à Paroles, 1995. Ce volume rassemble trois œuvres poétiques publiées précédemment: Pénétrance, Petite fugue pour funambules et Haute enfance. Ce dernier recueil (grand prix de poésie de la ville de Paris, et réédité par L’Arbre à Paroles en 1995) dépeint un jeune enfant observé dans diverses ambiances, divers états d’âme, aux prises avec une variété de situations, de temps et de lieux.___. Le for intérieur. Chaillé-sous-les-Ormeaux : Le Dé Bleu, 1996. Prix de poésie Max- Pol Fouchet 1996. Recueil où l’auteure, « en quête du mot juste, de l’image qui alerte », affirme ne vouloir « ni éclat, ni hermétisme ». En prose comme en vers, elle explore de façon très intense et sensitive ce « for intérieur » où cohabitent l’enfance, l’angoisse et l’espoir, l’élan vers les êtres et les choses, et la magie de l’écriture.___. Célébration du quotidien. Paris : Desclée De Brouwer, 1997. Cet ouvrage qui est à la fois essai, texte poétique, récit, a connu dès sa parution un énorme succès de librairie. Il unit avec un rare bonheur la magie d’une écriture lumineuse à des qualités d’ordre pratique, car au plaisir esthétique se greffe le réconfort d’une parole amie qui propose un art de vivre. En exergue à son premier chapitre, l’écrivaine résume sa démarche : « Ce n’est qu’une femme occupée à tailler une large tranche de poésie dans le pain tout chaud des jours. »___. Contes d’espérance. Paris : Desclée De Brouwer, 1998.« Contes de la vie ordinaire», selon le préfacier, que l’auteure « transcende par la grâce de son regard et de son écriture ». Chacun des 19 brefs récits met en scène un personnage qui traverse une période difficile (maladie, dépression, deuil, rupture, solitude…), mais qui retrouve bientôt un nouvel élan vital, car il faut parfois peu de chose pour ranimer l’espoir, connaître l’apaisement et même peut-être le bonheur. Chaque épisode se déroule à l’époque de la Noël. Bien qu’il n’y soit nullement question de la nativité, les textes sont porteurs du message d’espérance qui s’y associe et qu’annonce le titre. Le thème de la naissance domine, que ce soit celle d’un enfant ou, par métaphore, la « naissance » –ou renaissance—à soi-même.___. Les ombres et les jours. Bruxelles : Alice Editions, 1999. Dans une longue interview radiodiffusée, Edmond Blattchen s’entretient avec Colette Nys-Mazure sur ses livres, sa passion pour l’écriture, ses souvenirs personnels et sur sa philosophie de fraternité et d’espérance. Ce livre permet de mieux connaître l’un des auteurs belges les plus marquants de notre époque.___. Battements d’elles. Paris : Comité SNCF/Desclée de Brouwer, 2000. La SNCF, qui recrute de plus en plus de femmes, salue en l’an 2000 ces travailleuses des gares, des ateliers, des quais, en diffusant un coffret triplement artistique: CD (avec les Belles Lurettes), album de photos (par Laurence Verrier) et le recueil Battements d’elles. (L’ensemble est réuni sous le titre Expressions de femmes). Les nouvelles et poèmes de

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Colette Nys-Mazure y donnent la parole aux « cheminotes » dans un petit livre qui est un vrai plaisir de lecture tout en se révélant très informatif. L’auteure se penche sur la situation particulière des cheminotes, leur vie intime, les problèmes du métier, et l’on y retrouve l’esprit généreux et humaniste qui est la marque de la poète. « Des femmes battent de l’aile / afflux du sang sous l’uniforme sanglé / rythmes intimes vie d’elles ».

PIRART, Françoise (1956). (N,R). La croix de Saint-Vairant. Bruxelles : Bernard Gilson, 1992. L’action se situe au Moyen-Age. Geoffroy Sans-Avoir quitte son village décimé par la peste et parcourt au hasard villes, forêts et châteaux. Son aventure est également intérieure, et lorsqu’il revient au village il est, lui aussi, complètement transformé. ___. Le décret du 2 mars. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1994. Roman d’anticipation qui nous transporte en l’année 2064. Les progrès de la médecine ont éliminé les maladies et l’on trouve un moyen d’arrêter le vieillissement, avec les conséquences morales, politiques et métaphysiques qu’entraîne cette situation.___. L’oreiller. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1995. Série de nouvelles qui percent la surface anodine du quotidien pour y découvrir un secret, une contradiction, une dérive.___. Les uns avec leur amour, les autres avec leur haine. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1997. Prix Hubert Krains. Ce roman est un psychodrame qui se joue entre la mère, le fils et l’amante enfermés dans un « triangle infernal ». Ces personnages sont tous, d’une certaine façon, des solitaires souffrant d’une blessure secrète. Le lecteur se trouve entraîné sur de fausses pistes dans un récit stratégiquement construit qui, vers la fin, vire peu à peu au roman policier. Le titre du livre, tiré d’un poème de Heinrich Heine, en résume le thème central : amour qui peut déclencher les mêmes réactions que la haine, amour mêlé à la haine ou qui, peut-être, n’est que son autre face. Les vers de Heime reviennent çà et là comme un refrain lancinant qui contribue à la fascination du texte.___. Mes Grandvoyages à travers le vaste monde et les atmosphères qui l’entourent. Avin/ Hannut : Ed. Luce Wilquin, 2000. Les « héros » du livre sont tout d’abord cinq aventuriers (dont trois personnages historiques célèbres) qui se dénombrent sur les doigts d’une main. L’autre main, le narrateur se la réserve. Il entreprend un tour du monde, muni d’une volumineuse encyclopédie et d’une Accompagnatrice, professeur de littérature. Dans cette intrigue loufoque, les étapes parcourues sont de plus en plus farfelues et frisent parfois l’humour noir. Le roman a connu un certain succès, mais la critique l’a jugé plus sévèrement : l’excès de burlesque finit par lasser et surtout, les incidents supposés comiques se doublent souvent de cruauté gratuite et d’intolérance envers ce qui est « étranger ».

ROLIN, Dominique (1913). (E, N, R,). Les marais. Paris : Denoël, 1942; Paris: Gallimard, 1991. Ce premier roman est l’histoire, parfois abracadabrante, d’une famille perturbée, dans une atmopshère à la fois cruelle, lugubre et hallucinée. Malgré la dramatisation outrancière et les maladresses évidentes, le livre contient les germes de l’écriture puissante qui sera celle de la maturité. Dans la lettre qu’elle s’adresse à elle-même en guise de préface de la réédition 1991, l’auteure reconnaît les défauts de ce premier ouvrage où elle retrouve pourtant tous les thèmes qu’elle ne cessera de « retourner dans tous les sens d’oeuvre en oeuvre » : solitude, obsession de la mort, peur de l’échec et tentation de la haine.

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___. La maison, la forêt. Paris: Denoël, 1965; Bruxelles : Labor, 1992. Deux voix monologuent alternativement: lui et elle, couple uni depuis de longues années vécues pourtant dans la « désunion ». De l’aveu même de l’auteure, le livre est [auto]biographique : « Cette histoire me touche de près, car j’ai pris pour point de départ mon père et ma mère. » Les deux vieillards, chacun de son côté, évoquent leur ancienne maison en bord de forêt, leurs trois enfants aujourd’hui établis ailleurs. Ils se remémorent les drames, les épreuves, joies et chagrins du passé. La composition du roman est en quelque sorte « symphonique », subdivisée en quatre sections qui correspondent aux saisons, avec dans chacune de ces parties une alternance de six monologues. Des motifs ponctuent le fil du récit, se croisent, dont certains sont devenus des traits caractéristiques de la romancière.___. L’enragé. Paris : Ramsay, 1978; Bruxelles : Labor, 1986. Brueghel, sur son lit d’agonie, fait la rétrospective de sa vie : son enfance paysanne, ses premiers travaux dans l’atelier d’un maître, ses voyages, ses amours, sa passion de peindre, et ses tribulations dans une époque troublée. La biographie, bien que plausible, est fictive et éveille l’intérêt par les péripéties du récit d’aventures, avec en contrepoint des considérations sur la notion de réel et la création artistique qui constituent une sorte de « philosophie » esthétique.___. Le gâteau des morts. Paris : Denoël, 1982. Roman peu ordinaire puisque c’est une autobiographie d’anticipation ! Il raconte les derniers jours de l’auteure qui s’imagine agoniser dans un lit d’hôpital en mai 2000. Le récit n’a cependant rien de macabre ; c’est l’occasion pour l’écrivaine d’évoquer (une fois de plus, mais sans se répéter!) son passé, son amour pour Jim, son écriture. L’ouvrage, fort bien accueilli par la critique, est réputé être un des meilleurs romans de Rolin.___. La voyageuse. Paris : Denoël, 1984. Faisant suite au livre précédent, le roman a pour point de départ la mort de la narratrice. Elle assiste à son propre enterrement, puis elle voyage parmi les vivants (et les morts). En même temps elle « écrit » le livre que nous avons sous les yeux. Ce n’est pas la Dominique de chair qui parle ici dans une miraculeuse survie, c’est son esprit, sa conscience qui continue à exister. A la conclusion, la narratrice se prépare à une « seconde mort », nouvelle étape –qui reste mystérieuse-- de son état spirituel .___. Un convoi d’or dans le vacarme du temps. Paris : Ramsay, 1991. Dans ce recueil d’essais, l’auteure nous convie à parcourir avec elle les territoires de la littérature et de la peinture. Ce faisant, elle accomplit elle-même œuvre poétique, nous confie son bonheur d’écrire, sa passion pour les « mots que l’on n’aimera jamais assez. » On trouvera ici des pages érudites et exaltantes, entre autres sur Fragonard, Van Eyck, Vermeer, sur Virginia Woolf (qui lui inspire le titre du livre), Calaferte, Céline, Charlie Chaplin, mais aussi sur « les habits et le corps », sur la Belgique, le cinéma, ainsi que le texte de son discours de réception à l’Académie Royale.___. Le jardin d’agrément. Paris : Gallimard, 1994. Roman d’amour au sens large, le récit se subdivise en chapitres alternant entre « ici » et « loin ». Ici, c’est la narratrice Domi à près de 80 ans, l’écrivaine qui partage une vie heureuse avec Jim à Paris et Venise. Loin, c’est la Domi de Belgique, enfant, adolescente, jeune femme. C’est la vie familiale souvent houleuse et déjà la passion d’écrire. L’originalité du livre réside dans le dédoublement du personnage central, deux figures d’une même femme qui se confrontent parfois agressivement, mais peu à peu se comprennent. C’est là une image fréquente chez

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Dominique Rolin, celle de sa propre mise au monde, de la femme qu’elle fut qui accouche d’une écrivaine.___. L’accoudoir. Paris : Gallimard, 1996. De son cinquième étage parisien, l’écrivaine s’accoude à la fenêtre et observe les grands et les menus événements de la rue. Mais elle est aussi observatrice d’elle-même et, comme dans Le jardin d’agrément, elle converse avec le personnage qu’elle fut autrefois et évoque sa vie passée.___. Journal amoureux. Paris : Gallimard, 2000. Ecrivaine prolixe, Rolin publie ici son 35e ouvrage, « roman » autobiographique où elle raconte le grand amour de sa vie pour Jim, lui aussi écrivain que l’on rencontre dans plusieurs autres textes de Rolin. Histoire d’une passion fervente, étalée sans fausse pudeur, mais aussi sans voyeurisme, elle s’articule autour d’une résistance au Temps, thème central du récit. « Maintenant », observe la romancière, est « le participe présent du verbe maintenir…. Ne pas lâcher ». Cette réflexion est d’autant plus poignante que Dominique rédige ce texte au seuil de sa 87e année, alors que le bien-aimé est de 23 ans son cadet. Pour la « petite histoire » littéraire, on note qu’en ce même printemps 2000 et chez le même éditeur, « Jim » (alias Philippe Sollers) publie de son côté un journal sous le titre Passion fixe.

ROOSE, Marie-Clotilde (1970). (E, P). L’orange soleil. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1994. Prix Charles de Trooz. La préfacière, Andrée Sodenkamp, souligne la spontanéité d’une poésie qui est comme un reflux d’enfance. Un extrait : « Jeter au loin l’écorce de la douleur. / Garder l’amande nue et tendre / pour des jours de soleil. / Le germe poindra ses feuilles. »___. Le mur immense de la nuit. Paris : Caractères, 1994. Poésie pleine de fraîcheur, de sensibilité sans être naïve, des vers libres, brefs, où chaque mot et chaque rythme comptent. «…Pourquoi / faut-il parfois subir / la beauté comme / un outrage / / à notre douleur ? »

SANDRON, Emmanuèle (1966). (R). Le double fond. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1997. Roman qui, en effet, est à double fond, au sens propre (le double fond d’un rayon de bibliothèque) et au sens figuré (structure double du récit, thématique du « double »). Les trois personnages principaux vivent un rapport passionnel avec la littérature (celle qu’on lit et celle qu’on crée) dont le un rôle s’avère essentiel dans le récit. Le narrateur anonyme tombe follement amoureux d’Estèle et c’est d’abord le bonheur absolu parmi les livres et la musique. Mais peut-être veut-il trop connaître cette femme, jusqu’au point d’inventer une méthode de déchiffrement de ses rêves. Le doute s’installe, puis la séparation. Dans un second volet, il rencontre une autre femme, Renaldine, avec qui il invente des « jeux » d’écriture. Cependant le protagoniste se sent voué à la nostalgie, à la solitude. Il doit s’éloigner de « deux femmes qui [lui] mangeaient l’âme ». Un livre découvert dans le double fond de la bibliothèque d’Estèle deviendra pour lui l’occasion de sa « seconde naissance », première étape consacrée ensuite par la lecture d’un auteur québécois non identifié qui apportera « une réconciliation de l’esprit avec lui-même. »___. Celtitude. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1999 . Aliénor a accepté d’accompagner Robin qu’elle connaît à peine dans ce qu’il appelle une « randonnée » sur les traces de Brendan, moine explorateur celte du VIe siècle. Ainsi, pendant deux années, les deux jeunes gens vont parcourir l’Irlande. Le roman se compose de deux parties: les carnets

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d’Aliénor, suivis des notes de Robin. Lui, part en quête des photos idéales qui capturent l’esprit des légendes celtiques ; mais Aliénor, sait-elle vraiment ce qu’elle veut trouver dans cette aventure ? « Plus nous avançons, plus c’était moi que je cherchais…. Je cherchais confusément à atteindre l’authentique intime…». La dernière photographie de Robin au fort d’Aran scellera l’accord de la jeune femme avec elle-même.

SCHRAUWEN, Liliane (1946). (E, N, P, R). Briser la fenêtre. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1996. Prix du Conseil de la Communauté française de Belgique. Ce roman est le long monologue de L., narratrice qui se désigne tour à tour par « je », « elle » et même par « tu ». Isolée, brisée, confinée « entre quatre murs blancs », elle revit en esprit les images du passé avec ses fugaces instants de bonheur et ses brutales souffrances. Sait-elle encore qui elle est ? Ce qui est arrivé ? Quelqu’un l’attend-il au-delà du carré gris de la fenêtre ? Une fenêtre intérieure aussi, qu’il lui faut briser.___. Instants de femmes. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1997. Prix Emma Martin 1998. Instants féminins d’enfance, d’âge mûr, de vieillesse, tous les textes –nouvelles ou méditations—parlent du tragique de l’existence : solitudes, déchirures, trahisons, révoltes… et partout : la mort. « Voilà ce que c’est la vie. C’est la mort et du silence en marche… »___.Le jour où Jacques Brel… . Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1999. Le premier des quinze récits évoque le jour où la narratrice apprit la mort de Brel : les souvenirs de jeunesse lui remontent à la mémoire. Les autres nouvelles relatent ce que l’on pourrait appeler des « faits divers », mais ce sont en fait des drames vécus de l’intérieur : solitude, désamour, mort d’un enfant… L’écriture devient un refuge contre la hantise de la mort toujours présente. En finale, la révolte contre la déshumanisation de la vie dans le monde moderne.

SODENKAMP, Andrée (1906). Poèmes choisis. Bruxelles : ARLLF, 1998. Cette anthologie, préfacée par Liliane Wouters de l’Académie, propose une traversée de l’œuvre poétique d’un des plus grands noms de la littérature belge; elle comprend des textes publiés de 1954 à 1991 dont la plupart valurent à l’auteure des prix prestigieux, entre autres le Prix Louise Labé, le Prix Desbordes-Valmore, le Prix Renée Vivien. Le volume permet de suivre le parcours d’Andrée Sodenkamp depuis la période qu’elle appelle « alexandrine » jusqu’à son adoption d’une métrique plus moderne, faite de vers « pressés…piaffants…délivrés des harnais ». La poète a su célébrer de façon inimitable l’amour, la joie de vivre, la chair aussi bien que l’âme. Elle a su aussi toucher au plus profond en parlant de la mort, surtout dans ses derniers recueils. L’anthologie reprend des poèmes et des proses poétiques parues notamment dans Sainte Terre (1954), Les dieux obscurs (1958), Femme des longs matins (1965), Arrivederci Italia (1965), La fête debout (1973), Autour de moi-même (1976), C’est au feu que je pardonne (1984), C’était une nuit comme une autre (1991). D’autres anthologies, moins complètes, ont paru précédemment, et parmi celles-ci : Choix, publié à Bruxelles chez André De Rache (1980, 1981), ouvrage couronné par un Prix de l’Académie Royale (1982) et le Prix des Amitiés françaises (1984).

SPÈDE, Lucie (1936). (E,N,P) La Savourante. Bruxelles : André de Rache, 1978. Prix

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René Lyr. Recueil de poèmes sur des thèmes d’amour et d’érotisme A la fois sensible et sensuelle, ou ailleurs spirituelle et désinvolte, l’auteure montre ici son sens inné pour la « saveur des mots ».___. Comme on plonge en la mer. Spa (B) : La Louve, 1983. Prix de La Louve. Petit album attrayant par sa mise en page, sa typographie et les fines illustrations d’Annie Jungers. Les poèmes, pour la plupart très brefs, célèbrent l’amour sensuel avec passion. Les images sont d’autant plus fortes et lumineuses qu’elles suggèrent au lieu de décrire : « Emoi / moiteur / voltes / volutes //et /violences », et ailleurs : « Jambes ouvertes / pages / d’un livre /intérieur ».___. Furies douces. Bruxelles : Jacques Antoine, 1984. Vingt nouvelles où se révèle la face cachée de certaines vies d’apparence banale, dans une écriture caractérisée par une fine psychologie et un sens poétique instinctif.___. Chansons de l’oiseau. Ayeneux (B) : Tétras Lyre, 1993. Petit recueil de délicats poèmes sur le thème de l’oiseau, mais dépassant ce contexte vers une réflexion sur la vie.___. Les jardins du silence. Lommel (B) : Et in Arcadia Ego, 1995. Recueil poétique illustré, de typographie très étudiée, qui nous fait parcourir trois « sentiers » d’un jardin japonais et ainsi évoquent l’art du haïku.___. L’île triangulaire. Noeux-les-Mines : Ecbolade, 1996. Prix Robert Goffin. On a dit de l’auteure qu’ « elle a rendu saveur et dignité au beau mot d’érotisme », ce qui est parfaitement illustré dans ce recueil où l’ érotisme s’épanouit dans une perspective bien féminine. Le livre s’agrémente de photographies d’art par Aline Bienfait.___. Dialogues avec Toi. Lommel (B) : Et in Arcadia Ego, 1996. Recueil de format très spécial et de mise en page artistique dans lequel la poète s’adresse directement à Dieu. Certains textes ressemblent à des aphorismes (« Non plus brûler / mais réchauffer / non pas briller / mais éclairer »; d’autres sont des prières; d’autres encore des réflexions confiées au Seigneur (« Pareille à l’oiseau / je me tiens dans ta lumière / et je chante. »).___. Ferveurs. Bruxelles : Les Elytres, 1996. Parcours « voué à l’amour » à travers 15 livres de l’auteure (vers et proses) et plusieurs inédits. Ce volume s’agrémente d’illustrations spécialement conçues pour cette occasion par divers artistes belges.___. Chansons de l’arbre. Rimbach (Allemagne) : En forêt / Im Wald, 1998. Recueil trilingue, illustré par l’expressionniste Rik Hamblok. Les originaux français s’accompagnent de leurs traductions allemande (par Rüdiger Fischer) et néerlandaise (par Arend). Les « chansons » sont celles de l’arbre lui-même ou celles de la poète qui célèbre ses « amis verts » pour leur beauté, leur rôle dans la nature, et leur source d’inspiration mystique et de sagesse. L’écriture fait partie du message poétique par ses rythmes, ses sonorités et ses innovations typographiques.___. L’irrésistible. Soumagne (B) : Le Tétras-Lyre, 2000. Présentation luxueuse de brefs poèmes empreints de spiritualité, accompagnés de leur traduction en arabe par Tahar Moussaoui, et de calligraphies par Mohamed Ben Hamadi.

STÉCYK, Irène (1937). (R). Une petite femme aux yeux bleus. Paris : Fayard, 1973 ; Tournai (B) : Renaissance du Livre, 2000. Prix Rossel. Ce premier roman se caractérise par la finesse et la maîtrise de l’écriture, et l’action se base sur des faits historiques du XVIIe siècle. La marquise de Brinvilliers, accusée d’avoir empoisonné son père et ses frères, fuit la justice et trouve refuge à Liège dans un couvent de Bénédictines. Elle y fait la rencontre d’un personnage séduisant qui se présente comme abbé, et bientôt une idylle

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se noue. Or, ce prétendu abbé est en fait le policier François Degrais qui finit par éprouver les sentiments qu’il croit feindre. Pourra-t-il jamais poursuivre sa mission jusqu’au bout ? ___. Mazeppa, prince de l’Ukraine. Paris : Balland, 1981. Prix Alex Pasquier ; Prix de la Société des Gens de Lettres de France ; Prix du Roman historique. Roman historique et roman d’amour qui se situe au XVIIe siècle en Ukraine, et dont le héros, Mazeppa, est un personnage hors du commun qui inspira de nombreux romantiques, dont Victor Hugo. Prince assoiffé de pouvoir et grand amoureux des femmes, Mazeppa n’hésitera pas à faire exécuter le père de Marie Kotchoubey, une toute jeune femme dont il est épris. Le récit est de construction très étudiée, avec le retour périodique d’une scène-référence autour de laquelle gravitent les événements porteurs de suspense.___. La Balzac. Paris : Olivier Orban, 1992. Prix de la Communauté française de Belgique. Biographie romancée d’Eva Hanska, et reconstruction historique d’une époque, le récit raconte un amour passionné et retrace le parcours de la création romanesque chez un grand écrivain.

THOMASSETTIE, Monique (1946). (N, P, R, T). Un voyage ou Journal d’un peintre. Dour (B) et Lausanne (Suisse) : Luce Wilquin, 1993. Dès la première page, l’auteure annonce que le Journal raconte un voyage intérieur. « En nous croissent des forêts, se déroulent des océans, glissent des nuages…A la fois contenants et contenus, nous voici bientôt portés par leur beauté. » Le récit témoigne de l’intime parenté entre écriture et peinture, en ce sens que les étapes du voyage spirituel se transposent en impressions picturales. Le volume s’agrémente de reproductions de plusieurs tableaux de l’auteure qui est non seulement écrivaine, mais aussi peintre de talent.___.Verbes-Oriflammes. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1995. Ecrivaine et peintre, Monique Thomassettie illustre souvent ses propres ouvrages. Dans la première partie de ce recueil lumineux, paraissent des dessins et des reproductions d’huiles qu’accompagnent de brefs poèmes qui ne décrivent pas les illustrations, mais évoquent ce que la poète vivait en les peignant (« La couronne me pèse / Je regrette le temps / où roucoulée de blancs / je rêvais ma vie »). Les proses poétiques de la deuxième partie sont des souvenirs d’enfance, des pensées sur divers sujets contemporains (l’art, l’environnement…) ou des réflexions plus intimes : « …rien n’éclate. Les nuages se résorbent; l’orage passe à côté. Ainsi je relègue ma passion dans un coin de mon ciel ».___. Triptyque. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1997. Comme son titre l’indique, ce recueil illustré par l’auteure comporte trois « panneaux ». D’emblée, les textes nous transportent dans une atmosphère mystique. Dans sa postface, la poète explique comment, par une nuit de juin, lui est apparue une image qu’elle appelle « L’ange diagonale » (« Je me sentais attirée, libérée de l’opaque… »). Elle dédicace son Triptyque « à l’Invisible / qui nous garde » et précise : « Comprendre et ordonner mes jaillissements d’images profondes me semble essentiel dans la Poésie que je veux pratiquer ».___. Les seins de lune. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1998. Vingt contes dont beaucoup se déroulent dans un monde de rêve, allant parfois jusqu’au fantastique. Dans « Feu sacré », une femme rencontre dans la vie réelle des personnages qu’elle avait imaginés et peints autrefois. Une autre fait la connaissance d’une femme âgée qui n’est autre que sa future personne (« Inspiration »). Des textes de facture plus réaliste ont pour thèmes des questions touchant aux droits de l’homme : exécutions sommaires dans

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certains pays, le pour et le contre de la peine de mort, interrogations policières injustifiées. Les deux derniers textes touchent au mystique : paraboles (« Délire de l’enfant ») ou métaphore (« La traversée du miroir ») où l’ésotérisme se mêle à la spiritualité.___. D’Oracles. Paris : Caractères, 2000. Trois pièces de théâtre sont réunies dans ce volume qui porte le titre de la première d’entre elles. Suivent Le souffle de la montagne ou Le vertige de l’oiseau, et L’enfance au point dansé. Ce ne sont pas seulement les dialogues qui portent le sens, car tout est hautement signifiant dans ce théâtre: jeux scéniques, danse, musique, gestuelle, costumes, objets…. C’est une mise en spectacle, une “dramatisation” de la Poésie, et en même temps c’est un théâtre, non pas « d’idées », mais qui fait surgir les idées, qui concrétise l’ineffable. Dans une ambiance onirique, l’action est réduite, voire quasi absente. Les personnages restent anonymes et s’identifient par leur rôle (la mère, le juge, l’ange, la fillette, le jardinier, etc.), ce qui leur confère un statut de symbole et fait de chaque œuvre une parabole. Dans D’Oracles, on trouve une allusion lointaine au mythe d’Œdipe; la seconde pièce a pour sujet la Poésie elle-même, « souffle », « vertige », où est reprise l’image du « poète exclu de la cité ». La troisième se construit sur la thématique du Bien et du Mal. Dans chaque cas, ce théâtre innovateur et ésotérique apporte un message positif. Comme le remarque l’ermite de la dernière pièce : « les voies différentes contiennent, en définitive, la même vérité. Celle de l’amour, oui. »

TISON, Pascale (1961). (E, N, R, T). La rapporteuse. Bruxelles : Lansman, 1989, 1997. Prix Promotion Théâtre; Prix Charles Plisnier 1996. Double monologue au cours duquel Elle et Lui prennent alternativement la parole. Ils ne s’adressent pas l’un à l’autre, mais aux spectateurs. Elle et Lui confient leurs souvenirs, obsessions, illusions et malentendus. Ces deux monologues intérieurs sont mis en scène dans une forme dramatique expérimentale qui soulève le problème de la communication. Dans son avant-propos, l’auteure insiste sur la théâtralité, le « jeu » qui correspond à une sorte d’exorcisme. « Faire parler le souvenir pour le faire échouer sur du présent qui n’est que du théâtre. » Dans la réédition de 1996, ce texte est suivi du monologue Le bruit des rêves.___. La chute des âmes. Bruxelles : Lansman, 1994. Pièce en deux tableaux sans autre action que les dialogues entre trois personnages dans l’atelier de lutherie de Victor, les deux autres personnages étant son père (François) qui fut autrefois ténor d’opéra, et Thomas, musicien qui a commmandé un violoncelle à Victor. Cependant, le personnage principal qui hante toute la pièce ne paraît jamais en scène : c’est Maurice, mentor du jeune Thomas, et autrefois ami intime de François. Ce dernier a perdu la voix au cours de sa longue captivité pendant la « guerre 40 », tandis que Maurice devenait un compositeur célèbre. Les deux anciens amis ne se voient plus aujourd’hui; l’on devine une rupture douloureuse. Interrogation sur l’art et l’artiste et sur le mysticisme de l’art, sur le succès, le besoin de dépassement, la désillusion, et enfin sur la mort, le texte est à la fois poétique et hautement intellectualisé.___. Le velours de Prague. Bruxelles : Les Eperonniers, 1995. Ce roman de la diaspora tchèque est rédigé entièrement en style indirect. L’auteure peint et interprète ses personnages, divers couples d’artistes exilés qui ont fui leur pays après l’invasion soviétique de 1966. Pour tous, ce qui domine c’est le sentiment de n’être nulle part chez soi, même à Prague pour ceux qui y retournent après l’indépendance. Pour chaque

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couple, l’auteure fait ressortir en quelque sorte une double personnalité : celle qui est propre au personnage et celle de ce qu’il est dans la vie à deux. Les drames sont tout intérieurs, mais à travers le non-dit on entrevoit la douleur des vocations et des amours manquées.

VIELLE, Laurence (1968). (P, T). Zébuth ou l’histoire ceinte. Bruxelles : L’ambedui, 1997. Prix de la Première Œuvre de la Communauté française de Belgique. Dans ce livre à résonance kafkaïenne, nous suivons le « voyage » de Zébuth aux divers étages de ce qui est probablement une Tour (mais pourrait être simplement un Escalier !). Le but est d’arriver aux Fenêtres… . A la fois récit, journal de Zébuth et scènes dialoguées, c’est principalemnt l’histoire d’une quête : la quête de soi, un « soi » qui synthétise le cerveau, l’esprit, le corps. Conjointement, c’est une réflexion sur l’écriture et le pouvoir des mots. L’ensemble forme une allégorie singulière mais allègre qui ne dédaigne pas l’humour. ___. L’imparfait. Bruxelles : L’ambedui, 1998. Recueil de poèmes et de proses poétiques qui exudent la fraîcheur, la légèreté –ce qui n’exclut pas la gravité de certains textes que sous-tend un drame personnel, ni le ludisme langagier déjà présent dans Zébuth (la deuxième partie du livre s’intitule « Liemmossnas », ce qui est un palindrome de « sans sommeil »). Certains poèmes occupent plusieurs pages, d’autres présentent une graphie qui ressemble aux calligrammes, d’autres encore sont des plus brefs.

VISEUR, Marie-José (1915-1999). (N, P, R). Anagramme de ma vérité. Bruxelles :Henry Fagne, 1974. Ce cinquième recueil marque un tournant dans l’œuvre poétique de l’auteure: après ses débuts favorisant le lyrisme et une prosodie restée classique, elle va désormais explorer toutes les ressources de l’imaginaire et de la création formelle. Selon sa biographe, Béatrice Libert, « c’est la lecture de René Char qui bouleversa sa cocnception de l’écriture poétique ». Ce livre, comme ceux qui suivront, est riche en images fortes et rythmes syncopés. C’est un questionnement métaphysique sur l’existence et sur la mort, une quête incessante du soi, une poésie où, souvent, elle s’adresse à un « tu » qui est l’homme aimé, mais peut tout aussi bien être le lecteur lui-même.___. Adagios. La Hulpe (B) : Le Gril, 1992. Ce volume rassemble des proses poétiques brèves dont bon nombre sont des adages imagés qui résument la pensée philosophique de l’auteure. ___. La vie me fouille jusqu’au cri. Valenciennes : Froissart, 1995. Prix Ph. Delaby-Moreau. Œuvre de la maturité dans laquelle la pensée philosophique de l’auteure s’approfondit dans la parfaire maîtrise d’une écriture resserrée, intense et sobre. « D’où vient cette trouée / à travers le contingent mental // D’où ce perce-esprit qui / saisit la Pensée ? ». « Se réincarner poème / sous le labeur / d’un artisan du verbe // être le cri de son écho. »___. Nulle part amarrée. Namur (B) : Ed. de l’Acanthe, 1998. Le titre de ce recueil convient parfaitement pour décrire le parcours poétique de cette auteure au talent discret qui ne s’est « amarrée » à aucun cénacle, a aucun mouvement dans l’air du temps, mais a vécu son art de façon personnelle et authentique. Cependant, ne pas être amarrée ne signifie pas refus du souvenir ou de l’attachement : « Je tourne la page / mais je laisse un

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signet à la page quittée. »___. Me cacher dans ma légende. La Hulpe (B) : Le Gril, 2000. Ce 22e recueil, paru à titre posthume, résume l’art poétique et le credo philosophique de l’auteure. Sans cesse, l’œuvre de Viseur pose les questions essentielles, celles d’une croyante taraudée par le besoin de foi que voile parfois le doute. Dans ses derniers vers, elle continue son dialogue avec l’être aimé et sa réflexion sur la mort, devenue ici plus pressante, teintée d’une angoisse qui perce sous l’humanisme serein. Cet ultime recueil se termine par une prière : « Nos âmes jointes comme mains en prières, / nous Te disons nos périls, nos alarmes, / […] / Nous te disons merci pour cet amour / qui nous guida l’un vers l’autre / Nous Te demandons de nous le garder / aujourd’hui, demain et pour l’Eternité. »

WATTEAU, Monique Alika (1929). (R). La colère végétale. Paris : Plon, 1954; Marabout, 1973. Installée à Bali. Jennifer, toute « pétrie de vie végétale », entretient une complicité amicale avec la jungle qui l’entoure. Lorsqu’elle retourne en Europe pour y vivre avec l’homme aimé, elle ressent l’hostilité des arbres, si différents des plantes d’Indonésie. Les arbres et les ronces bientôt envahissent la maison, emprisonnent les habitants, impuissants devant la colère végétale qui se venge de l’amour humain.___. La nuit aux yeux de bête. Paris : Plon, 1956. Elisabeth rejoint à Borneo Barney, le zoologue qu’elle aime. Celui-ci entretient des rapports amoureux avec une jeune guenon, Bébé Caine, qu’un sorcier a dotée des « qualités les plus intimes de la féminité ». Mais Bébé bientôt rejoint un mâle de son espèce et Elisabeth s’enfuit dans la jungle où un sorcier la transforme en femme-guenon. Lorsqu’elle mord jsuqu’au sang sa rivale, toutes deux retrouvent enfin leur identité. Elisabeth cependant n’est plus tout à fait une femme ; et quel est ce petit tarsier aux yeux étrangement humains que Barney traite avec tant de sollicitude ?___. L’ange à fourrure. Paris : Plon, 1958. Le thème du paradis perdu domine dans ce roman, comme dans presque tous les ouvrages de l’auteure. L’homme civilisé détruit la nature, s’oppose à « l’ange à fourrure », être simiesque qui symbolise l’âge d’or des origines. Au cours d’une expédition scientifique en Colombie, on capture un de ces anthropoïdes et on le ramène en Europe pour le placer dans un zoo. Amanda, une des membres de cette équipe, se sent coupable et réussit à enlever l’animal et à le rapatrier dans sa forêt d’Amazonie. Là, Amanda est transportée dans un véritable paradis terrestre, du moins pour un temps, car c’est l’homme civilisé qui toujours a le dernier mot.

WILWERTH, Evelyne (1947). (E, N, P, R, T). La péniche-ferveur. Paris : Chambelland, 1978. Long poème à la première personne; recherche d’une authenticité personnelle et poétique après avoir « jeté tous les parapluies / paravents / faux garde-fous .»___. Le cerfeuil émeraude. Bruxelles : André de Rache, 1981. Long poème en trois parties, de facture moderniste, le livre nous parle de la vie stressante dans la ville, d’une aspiration à la nature perdue, et surtout de l’évolution de la femme-poète elle-même, de sa venue à l’écriture.___. Histoires très fausses. Paris : Pont de l’Epée, 1985; Charlieu : La Bartavelle, 1994. Trente mini-nouvelles extraordinaires, à la fois poétiques, fantastiques et ludiques, mais qui renferment aussi des observations pénétrantes sur la société moderne et ses petites folies, et surtout sur l’identité féminine.

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___. Neiges de boule. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1989. Le titre de cette plaquette en donne tout de suite le ton : quinze mini-poèmes ludiques, tendres ou drôles et parfois un brin impertinents.___. Neel Doff. Bruxelles : Bernard Gilson, 1992. Cette biographie, fruit de minutieuses recherches, captive le lecteur par son style alerte et décontracté. Elle retrace la vie de l’écrivaine Neel Doff, depuis les taudis de son enfance à Amsterdam jusqu’aux succès littéraires à Bruxelles.___. Dessine-moi les quatre éléments. Amay (B) : L’Arbre à Paroles, 1993. Album de luxe grand format, où les proses poétiques de l’auteure s’allient aux superbes encres de Chine du peintre Manu Van de Velde : « L’air » (dessins uniquement, sans aucun texte) ; « L’eau » (« Venise la noire ») ; « La terre » (« Sapinière-lez-Spa », i.e. évocation des années d’enfance de l’auteure) ; « Le feu » (« Minuit Leuven » --Leuven : ville des études universitaires). Les éléments ici échappent aux clichés habituels; ils s’individualisent, s’associent au vécu, sont éprouvés par les sens en éveil de la poète dans une symbiose entre textes et dessins.___.Canal océan. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1997. Roman plein de fraîcheur et de tendresse qui raconte la complicité entre une petite fille et son aïeul. C’est aussi l’éveil de l’enfant au monde sensible, à l’art, à la richesse intérieure des êtres et des choses. Le canal familier, s’élargissant vers de nouvelles découvertes, l’emmènera spirituellement dans un merveilleux voyage…___. La vie cappuccino. Avin/Hannut (B) : Luce Wilquin, 1999. La romancière métamorphose un événement tragique (une catastrophe aérienne) en une captivante histoire qui aboutit à la renaissance spirituelle du protagoniste. Bertrand a trouvé une valise échouée sur la plage à la suite de l’accident. Il y découvre des vêtements féminins, des objets qui l’induisent à recréer dans son imagination la jeune Italienne qui en était propriétaire. De plus en plus obsédé par la pensée de cette mystérieuse inconnue, il finira par apprendre bien des choses à son propos, mais surtout il va se découvrir lui-même, se « re-créer » dans une vie nouvelle. Ce roman sobre mais riche par son aspect psychologique, est mené d’une écriture bien vivante, très « visuelle » dans ses images, et sait se faire parfois discrètement humoristique.

___. WOUTERS, Liliane (1930) (E, P,T). La salle des profs. Bruxelles : Jacques Antoine, 1983; Bruxelles: Labor, 1994. Prix André Praga. Pièce en 12 épisodes dans laquelle des instituteurs et institutrices débattent du rôle actuel de l’école. Deux conceptions de la pédagogie s’y affrontent : contrainte ou liberté.___. Charlotte ou la nuit mexicaine. Bruxelles : Les Eperonniers, 1990. Prix du Conseil de la Communauté française de Belgique. Le personnage principal est Charlotte, princesse de Belgique et impératrice du Mexique. Ayant perdu la raison à la suite de l’assassinat de son époux Maximilien, Charlotte vécut en recluse pendant de nombreuses années. Dans cette pièce, elle évoque son passé en de longs monologues et se confie à ses servantes dont chacune réagit selon ses sentiments, pitié, cynisme, naïveté mêlée de crainte.___.Tous les chemins conduisent à la mer. Bruxelles : Les Eperonniers, 1997. Ce volume de poésie rassemble divers recueils parus précédemment de 1954 à 1990 : La marche forcée (Prix Renée Vivien, Prix Polak, Prix de la Nuit de la Poésie à Paris) , Le bois sec (Prix Triennal de Poésie) , Le gel (Prix Louise Labé) , L’aloès et Journal du scribe. En

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1989 l’auteure a reçu le Prix de la Maison de la Poésie de Paris pour l’ensemble de son œuvre. Tous les chemins… permet de suivre l’évolution de la poète au fil des ans, à la fois dans sa prosodie et dans la façon d’aborder ses thèmes de prédilection. Dans le Journal du scribe, par le biais d’un personnage de l’Egypte ancienne, l’auteure s’interroge sur le rôle de l’écrivain et le travail de l’écriture. Le style de Wouters réussit ce prodige d’être bien moderne tout en ne négligeant pas le lyrisme et la musicalité qui caractérisent la poésie dans le plein sens du terme.___. Le billet de Pascal. Echternach (Luxembourg) : Editions Phi, 2000. Recueil poétique dont la première partie, éponyme du titre, se place sous le signe de Blaise Pascal et consiste en un long poème autobiographique, anticonformiste et très émouvant. Suivent «Actuelles », réflexions en vers sur la Belgique et divers sujets d’actualité; puis « Trois tombeaux », hommages posthumes à des amis chers, textes spontanés et sincères.

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Ouvrages critiques

Blancart-Cassou, Jacqueline. La littérature belge de langue française : Itinéraire et contacts de cultures au-delà du réel. Paris : U.Paris-Nord / L’Harmattan, 1995. Regard français sur le pays voisin. Convergences et divergences de thèmes et de styles.

Frickx, Robert et Raymond Trousson, éds. Lettres françaises de Belgique. 4 vol. Paris et Gembloux (B) : Ed. Duculot, 1988. Histoire de la littérature belge, présentation critique des auteurs et de leurs œuvres principales.

Joiret, Michel et Marie-Ange Bernard. Littérature belge de langue française. Bruxelles : Didier-Hatier, 1999. Album illustré, grand format.

Linkhorn, Renée, éd. La Belgique telle qu’elle s’écrit : Perspectives sur les lettres belges de langue française. New York : Peter Lang, 1995. 27 articles dont sept consacrés respectivement aux écrivaines M. Bourdouxhe, J. Harpman, S. Lilar, F. Lison-Leroy, J. Moulin, C. Nys-Mazure et D. Rolin.

Michaud, Ginette, éd. Romancières de Belgique. Textyles no 9 (1993). Etudes sur M. Ley, M. Bourdouxhe, E. De Keyser, M-L. Haumont, J. Harpman.

Moulin, Jeanine, éd. La poésie féminine. Epoque moderne et La poésie féminine du IXe

au XIXe siècle. 2 vol. Paris : Seghers, 1963 et 1966. Ces anthologies, couronnées par l’Académie française, constituent sans doute l’ouvrage le plus complet sur ce sujet, contenant non seulement des textes célèbres ou bien connus, mais encore des poèmes devenus pratiquement introuvables. Le choix des textes et les notices qui les accompagnent éclairent l’évolution de la condition féminine dans la société.

Moulin, Jeanine, éd. Huit siècles de poésie féminine. Paris : Seghers-Laffont, 1975 et 1982. Edition augmentée de 40 poèmes et avec une introduction sur le thème de la

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féminitude.

Pickels, Antoine et Jacques Sojcher, éds. Belgique toujours grande et belle. Bruxelles : Ed. de l’Université de Bruxelles, 1998. Des écrivain[e]s belges parlent de leur pays.

Quaghebeur, Marc. Lettres belges entre absence et magie. Bruxelles : Labor, 1990. 21 études qui concernent soit un genre, une époque ou une thématique des lettres belges.

Sojcher, Jacques, éd. La Belgique malgré tout. Bruxelles : Ed. de l’Université de Bruxelles, 1990. Des écrivain[e]s belges parlent de leur pays.

Wilwerth, Evelyne. Visages de la littérature féminine. Bruxelles : Pierre Mardaga, 1987. Prix Charles Plisnier 1988. Cette étude retrace l’histoire de la littérature féminine de langue française du Moyen Âge au XXe siècle. Elle apporte une documentation intéressante (et dans certains cas difficile à trouver ailleurs) sur les différentes époques considérées, sur les divers genres littéraires, avec des notations biographiques sur les écrivaines et des commentaires sur leurs œuvres principales. Il ne s’agit pas d’une anthologie proprement dite, mais on y trouvera cependant de nombreuses citations et de brefs extraits. L’ouvrage se termine par une bibliographie générale, suivie d’une bibliographie des œuvres et d’un index.

Wouters, Liliane et Alain Bosquet, éds. La poésie francophone de Belgique. 4 vol. Bruxelles : Ed. Traces (vol. I et II) et ARLLF (vol. III et IV), 1985-1992. Anthologie magistrale où sont répertoriés en tout 182 poètes (hommes et femmes) nés entre 1804 et 1962. Les auteurs sont chacun présentés en une brève introduction, et une bibliographie de leurs œuvres poétiques figure en fin de volume.

Wouters, Liliane et Yves Namur, éds. Le siècle des femmes. Bruxelles : Les Eperonniers, 2000. Ce volume, consacré à la poésie féminine francophone de Belgique et du Luxembourg, est la cinquième anthologie « belge » réalisée par Wouters (les quatre autres n’étant pas exclusivement réservées aux femmes). Selon la préface, le but de cet ouvrage est de « mettre en relief la place de plus en plus grande que les femmes ont prise chez nous au cours du siècle écoulé, dans le domaine de la poésie. » Le livre se termine par un tableau récapitulatif à la fois de l’émancipation de la femme en Belgique, et des « événements » littéraires féminins de 1834 à 1999.

Renée Laurentine

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