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le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 13 - 2004-1 7 Introduction L es parents d’enfants autistes souffrent quotidien- nement de commentaires mettant en avant le dé- faut d’éducation de leurs enfants (Peeters, 1996). Pour se protéger, ils se sentent alors obligés de justifier le comportement déviant de leur enfant par la mise au jour du handicap. C’est la prise en compte de ces témoignages de familles touchées par l’autisme qui a motivé la mise en œuvre de cette étude. Le premier objectif de cette recherche est de transformer une idée fondée sur de simples témoignages de parents d’enfants autistes en données objectives, fiables et sys- tématiques. Il s’agit de vérifier si les quelques commen- taires disponibles des parents d’enfants autistes illustrent en fait un phénomène général. Cette problématique sert aussi à poser une question importante jusqu’alors négli- gée : pourquoi les commentaires concernant le défaut d’éducation des enfants autistes sont-ils aussi sévères ? Par ailleurs, si le phénomène s’avère confirmé dans l’étude, il convient d’en faire une description précise. La question qui constitue le second objectif de l’étude est donc la suivante : Sur quelles dimensions reposent les commentaires négatifs que produisent les personnes qui n’ont pas de connaissance pertinente sur l’autisme ?» 2 Les personnes autistes, et plus particulièrement les en- fants autistes, ont généralement une apparence physique « normale ». En revanche, à des degrés divers, leurs comportements sociaux manquent de conformité avec les normes sociales. L’incapacité des personnes autis- tes à appliquer les normes sociales est un élément particulièrement déterminant du diagnostic comme l’attestent la Classification Internationale des Maladies Mentales, CIM-10, et le Manuel Diagnostique articles Les enfants autistes sont-ils mal élevés ou handicapés ? Carole Vansingle 1 , Patrick Chambres 1 , Catherine Auxiette 1 et Sandrine Gil 1 Résumé Les témoignages de parents d’enfants autistes acces- sibles à travers la littérature mettent l’accent sur le fait que leurs enfants sont souvent sévèrement jugés. (ex., Peeters, 1996). Les personnes les perçoivent comme des enfants turbulents, dissipés... En un mot, ils sont mal élevés. Pour valider scientifiquement et comprendre ce phénomène qui pénalise à la fois les personnes autistes et leur entourage, une étude a été conduite. Trente cinq adultes (âge moyen de 19 ans), sans connaissance pertinente sur l’autisme, devaient évaluer quatre comportements produits par un enfant autiste âgé de six ans. Dans une condition (condition « informé »), le statut de l’enfant était explicitement fourni, dans l’autre condition (condi- tion « non informé »), il était laissé sous silence. Les données ont permis de mettre en évidence que lors- qu’un indice permettant d’identifier le handicap est fourni, l’enfant autiste est perçu plus positivement que lorsqu’aucun indice n’est disponible. Ces résul- tats sont conformes à l’idée selon laquelle le simple fait d’informer l’individu sur le handicap de l’enfant le conduit à utiliser un standard de comparaison différent de celui habituellement utilisé pour évaluer les enfants ordinaires (Mussweiler & Strack, 2000). Cette recherche permet aussi d’aborder le problème de l’intégration sociale des personnes autistes lors- que les représentations du trouble sont erronées. 1 Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand 2, Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO), UMR-CNRS 6024 2 C’est le cas d’une très grande majorité de personnes en France. Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0)

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le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 13 - 2004-1 7

Introduction

Les parents d’enfants autistes souffrent quotidien-nement de commentaires mettant en avant le dé-faut d’éducation de leurs enfants (Peeters, 1996).

Pour se protéger, ils se sentent alors obligés de justifier le comportement déviant de leur enfant par la mise au jour du handicap. C’est la prise en compte de ces témoignages de familles touchées par l’autisme qui a motivé la mise en œuvre de cette étude.

Le premier objectif de cette recherche est de transformer une idée fondée sur de simples témoignages de parents d’enfants autistes en données objectives, fiables et sys-tématiques. Il s’agit de vérifier si les quelques commen-taires disponibles des parents d’enfants autistes illustrent en fait un phénomène général. Cette problématique sert aussi à poser une question importante jusqu’alors négli-gée : pourquoi les commentaires concernant le défaut d’éducation des enfants autistes sont-ils aussi sévères ? Par ailleurs, si le phénomène s’avère confirmé dans l’étude, il convient d’en faire une description précise. La question qui constitue le second objectif de l’étude est donc la suivante : Sur quelles dimensions reposent les commentaires négatifs que produisent les personnes qui n’ont pas de connaissance pertinente sur l’autisme ?»2

Les personnes autistes, et plus particulièrement les en-fants autistes, ont généralement une apparence physique « normale ». En revanche, à des degrés divers, leurs comportements sociaux manquent de conformité avec les normes sociales. L’incapacité des personnes autis-tes à appliquer les normes sociales est un élément particulièrement déterminant du diagnostic comme l’attestent la Classification Internationale des Maladies Mentales, CIM-10, et le Manuel Diagnostique

articles

Les enfants autistes sont-ils mal élevés ou handicapés ?

Carole Vansingle1, Patrick Chambres1, Catherine Auxiette1 et Sandrine Gil1

Résumé Les témoignages de parents d’enfants autistes acces-sibles à travers la littérature mettent l’accent sur le fait que leurs enfants sont souvent sévèrement jugés. (ex., Peeters, 1996). Les personnes les perçoivent comme des enfants turbulents, dissipés... En un mot, ils sont mal élevés. Pour valider scientifiquement et comprendre ce phénomène qui pénalise à la fois les personnes autistes et leur entourage, une étude a été conduite. Trente cinq adultes (âge moyen de 19 ans), sans connaissance pertinente sur l’autisme, devaient évaluer quatre comportements produits par un enfant autiste âgé de six ans. Dans une condition (condition « informé »), le statut de l’enfant était explicitement fourni, dans l’autre condition (condi-tion « non informé »), il était laissé sous silence. Les données ont permis de mettre en évidence que lors-qu’un indice permettant d’identifier le handicap est fourni, l’enfant autiste est perçu plus positivement que lorsqu’aucun indice n’est disponible. Ces résul-tats sont conformes à l’idée selon laquelle le simple fait d’informer l’individu sur le handicap de l’enfant le conduit à utiliser un standard de comparaison différent de celui habituellement utilisé pour évaluer les enfants ordinaires (Mussweiler & Strack, 2000). Cette recherche permet aussi d’aborder le problème de l’intégration sociale des personnes autistes lors-que les représentations du trouble sont erronées.

1 Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand 2, Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO), UMR-CNRS 6024

2 C’est le cas d’une très grande majorité de personnes en France.

Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0)

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et Statistique des Troubles Mentaux, DSM-IV. Cette incapacité concerne de nombreuses situations de la vie courante (Sigman et Ruskin, 1999). Une personne autiste peut par exemple parler du même sujet de conversation jusqu’à lasser son interlocuteur sans même sans rendre compte (Grandin, 1994). Au restaurant, une personne autiste peut s’asseoir à une table où sont déjà installés des clients inconnus. A la piscine, elle peut aller toucher une dame parce qu’elle porte un joli maillot de bain rayé. Dans un magasin, elle peut développer une immense co-lère pour échapper à l’essayage d’une nouvelle paire de chaussures (Peeters, 1996).

Ces situations ne vont pas sans poser problèmes aux parents d’enfants autistes. Les individus, assistant aux situations décrites précédemment, pointent avec une cer-taine indignation ce qu’ils considèrent être un manifeste défaut d’éducation. Si les situations nécessitent souvent d’apporter l’information que l’enfant est autiste pour bé-néficier d’une certaine indulgence, c’est parce que l’en-fant autiste ne présente pas de stigmate physique, c’est-à-dire de signes indiquant que l’enfant est probablement touché par un handicap. Que penser d’une personne, ne semblant pas handicapée, qui regarde systématiquement sa montre au cours d’une conversation ? Comment réa-gir face à une personne, ne semblant pas handicapée, qui frappe violemment la table parce qu’elle refuse de manger à côté d’une autre personne ? Pourquoi évaluer les enfants autistes différemment des autres si on ne les pense pas différents ?

On suppose que c’est parce qu’un enfant autiste est pris pour un enfant ordinaire (sans handicap apparent) que celui-ci est jugé défavorab lement . En d’autres termes, ce serait la déviance des comportements des enfants autistes associée à l’absence de stigmate physique qui amènerait les en-fants autistes à être jugés sévèrement.

Un cadre théorique pertinent pour comprendre ce phéno-mène est celui du standard de comparaison utilisé par les individus lors de la formation d’impression.

Pour se former une impression d’une cible, un obser-vateur procède par comparaison. Plus précisément, il utilise des standards de référence auxquels il compare le comportement de la cible. Les travaux de Cambra (1996) ou de Fichten et Amsel (1986) ont permis de mettre en évidence que si les handicapés sont perçus comme des personnes « peu attrayantes » c’est en comparaison avec un standard de personnes « attrayantes ». Par ailleurs, une étude de Ravaud (1994) montre que si des candidats valides sont préférés à des candidats handicapés, c’est

articlesparce que les observateurs ont implicitement ou explici-tement comparé les compétences associées aux valides à celles des handicapés, ou du moins se sont basés sur la re-présentation qu’ils avaient du handicap en comparaison de ce qu’ils pouvaient attendre d’un valide.

Les standards de comparaison sont donc différents selon la catégorie d’appartenance de la cible à évaluer (Hilton, Smith & Alicke, 1998). Un observateur n’utilise pas le même standard de comparaison selon qu’il s’agit d’une femme ou d’un homme, d’une personne âgée ou d’une personne jeune, d’un enfant porteur ou non d’un handi-cap. Une étude réalisée par Rohmer, Sahlani et Louvet (2000) illustre plus précisément le fait que les individus utilisent selon les cibles à évaluer le standard de la « per-sonne handicapée » par comparaison à celui de la « per-sonne valide ». Les résultats de cette étude ont permis de mettre en évidence que les sujets valides jugent plus favo-rablement les handicapés que les valides surtout dans une situation de travail. Les participants utilisent dans ce cas le standard de comparaison « personnes handicapées » lequel impliquerait des capacités limitées par rapport aux personnes ordinaires. C’est pourquoi les participants sont plus indulgents envers une personne handicapée placée en situation de travail et réalisant une tâche identique à celle réalisée par une personne ordinaire.

Pour résumer, un même comportement a une valeur différente selon qu’il est produit par une personne han-dicapée ou une personne ordinaire. Si les observateurs n’attribuent pas la même valeur à un comportement produit soit par une personne handicapée, soit par une personne ordinaire, c’est parce que le comportement n’est pas comparé au même standard et que les attentes des observateurs sont différentes selon le standard de comparaison utilisé.

La visibilité du handicap (c’est le cas pour les trisomi-ques, les personnes handicapées moteurs…) constitue un indice suffisant pour que les individus fassent le choix d’un standard spécifique de comparaison. Le stigmate physique exprimant le handicap (traits de visages mar-qués, fauteuil roulant…) conduit l’observateur à avoir des attentes et des jugements différents de ceux qu’il pourrait avoir à l’égard d’une personne sans handicap. Cette information est de nature à changer le standard in-clus dans le processus de comparaison (Darley et Gross, 1983). Plus précisément, la présence d’un stigmate physique conduit les observateurs à interpréter le com-portement de la cible au regard de son handicap, voire à attribuer ses comportements à son handicap.

En ce qui concerne la sévérité des jugements envers les enfants autistes, on peut penser que s’ils ne bénéficient pas d’une certaine indulgence face à leurs comporte-ments déviants c’est parce que la probabilité qu’ils soient perçus comme des enfants handicapés est extrêmement faible du fait de leur apparence physique « normale ». Dans une situation d’évaluation, les observateurs juge-raient l’enfant autiste en référence au standard « enfant ordinaire » quand il n’y a aucune information disponible

Si les observateurs n’attribuent pas la même valeur à un comportement produit soit par une personne handicapée, soit par une personne ordinaire, c’est parce que le comportement n’est pas comparé au même standard et que les attentes des observateurs sont différentes…

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autre que le comportement de l’enfant. Ce standard con-duirait l’observateur à se référer à un registre de compor-tements censé être adopté par un enfant sans handicap, i.e. qui a de bonnes aptitudes sociales et cognitives. Plus le comportement de l’enfant s’écarte des normes socia-les, plus il serait jugé négativement par un observateur (Chambres, Bonin & Grenier, 2001; Gordon et Holyoak, 1983). Un enfant autiste qui se roule par terre de colère alors que les observateurs le perçoivent comme un enfant ordinaire, capable de comprendre et d’utiliser les règles de bienséance, devrait être considéré comme un enfant turbulent, agressif… En revanche, les mêmes observa-teurs devraient faire preuve d’une plus grande indulgence face à ce même comportement problématique lorsqu’ils savent que l’enfant est autiste. Cette différence d’in-dulgence entre un observateur informé du handicap de l’enfant et un observateur non informé devrait s’observer quand le comportement de l’enfant autiste relève d’une dimension évaluative sociale. Rappelons en effet que ce sont les comportements sociaux des enfants autistes qui sont souvent les plus problématiques.

Par ailleurs, dans leurs témoignages, les parents d’en-fants autistes rapportent exclusivement les jugements sévères émis par certains individus quand ils se trouvent face aux comportements déviants de l’enfant autiste. Mais qu’en est-il lorsque le comportement de l’enfant autiste n’est pas problématique, voire plutôt positif ? Les enfants autistes, identifiés comme tels, sont-ils perçus comme plus intelligents que les autres lorsqu’ils ont des comportements non problématiques (par exemple, lors-qu’une personne autiste utilise un ordinateur (Grandin, 1994) ou encore lorsqu’une personne autiste flâne dans le rayon des calculatrices d’un grand magasin (Depocas, 1996). On peut s’attendre à des évaluations très favora-bles concernant les comportements positifs des autistes (ex.utiliser un ordinateur) dans la mesure où les obser-vateurs, informés du handicap, devraient se référer à un standard de comparaison qui minimise les capacités cognitives.

Pour tester ces hypothèses, il a été demandé à des adul-tes, sans connaissance pertinente sur l’autisme, d’évaluer quatre comportements (deux comportements probléma-tiques et deux comportements non problématiques) pro-duits par un enfant autiste. La moitié de ces adultes fai-sait cette évaluation en ignorant que l’enfant était autiste, l’autre moitié connaissait le handicap de l’enfant.

MéthodeParticipants

L’expérience a été conduite auprès de 35 étudiants de première année de psychologie (moyenne d’âge = 19 ans, écart type = 1,29). La population se divise en 33 femmes et 2 hommes. Un entretien pré-expérimental permettait de vérifier que les participants n’avaient aucune connais-sance pertinente sur l’autisme.

Procédure expérimentaleLa passation expérimentale était individuelle. Les par-ticipants étaient soumis à quatre enregistrements vidéo relatant quatre comportements produits par un enfant autiste. L’enfant, âgé de 6 ans, ne présentait aucun stig-mate physique. A l’issue de chaque sé-quence vidéo (chaque séquence dure envi-ron 10 secondes), les participants avaient pour consigne d’éva-luer le comportement de l’enfant sur des échelles continues (88 millimètres) de type : « Pas agressif---------------Très agressif ». Il leur était ainsi de-mandé d’indiquer sur quatre échelles à quel point l’enfant était agressif, turbulent, gentil, sage (dimen-sions sociales), et sur trois autres échelles si l’enfant était in-telligent, vif, attentif (dimensions cognitives). Enfin, il leur était demandé de juger à quel point l’enfant avait l’air angoissé et inquiet (dimensions émotionnelles). Ces deux dernières échelles étaient destinées à examiner dans quelle mesure savoir qu’un enfant est autiste conduit à lui attribuer des états psychologiques spécifiques.

Les participants étaient affectés de manière aléatoire à l’une des deux conditions de l’expérience. Dans la con-dition « informé », les participants voyaient les quatre comportements filmés en étant informés du handicap de l’enfant avant chaque passage. L’expérimentateur annon-çait oralement que l’enfant à évaluer était autiste. Dans la condition « non informé », les participants ne recevaient aucune information particulière, seul le comportement de l’enfant (autiste) était accessible.

MatérielPlusieurs comportements d’un enfant autiste ont été filmés en situation naturelle (à son domicile). Quatre comportements contrastés ont été sélectionnés dont deux comportements problématiques typiques de l’autisme: 1) L’enfant est à table et se penche brusquement en ar-

rière avec des stéréotypies motrices visibles.2) L’enfant fait une crise de colère et pleure sans aucune

raison apparente. et deux comportements non problématiques :1) L’enfant utilise un ordinateur. 2) L’enfant parle à la caméra.

articles

…les parents d’enfants autistes rapportent

exclusivement les jugements sévères émis par certains

individus quand ils se trouvent face aux comportements

déviants de l’enfant autiste. Mais qu’en est-il lorsque le

comportement de l’enfant autiste n’est pas

problématique, voire plutôt positif ? Les enfants autistes, identifiés comme tels, sont-ils

perçus comme plus intelligents que les autres lorsqu’ils ont

des comportements non problématiques…

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Les participants disposaient de quatre feuilles d’évalua-tion (une feuille d’évaluation pour chaque comportement) sur lesquelles étaient présentées les neuf dimensions éva-luatives (agressif, turbulent, gentil, sage, intelligent, vif, attentif, angoissé, inquiet). Les participants remplissaient la feuille d’évaluation à la fin de chaque séquence vidéo. Les séquences vidéo sont présentées sur un écran de télé-vision. Quatre montage vidéo ont été réalisés. Ils conte-naient les mêmes séquences de comportements mais dans un ordre différent, aléatoirement défini.

RésultatsRemarques préliminaires

Les scores obtenus par les participants sur les diffé-rentes dimensions évaluatives sont compris entre 0 et 88, sachant que plus le score est proche de 88, plus les participants attribuent la caractéristique à l’enfant. A titre d’exemple, si l’évaluation d’un participant sur la dimen-sion de l’agressivité est de 70, et que celle d’un autre par-ticipant est de 50, alors l’enfant a été perçu comme plus

agressif par le premier participant que par le second. Une one-way ANOVA a été réali-sée sur chaque item et pour chaque compor-tement.

Face à un comporte-ment problématique de l’enfant autiste, les participants auraient dû émettre des juge-ments moins sévères

lorsqu’ils etaient informés du handicap de l’enfant que lorsqu’ils ne l’étaient pas. Ceci devait être observé seulement pour les items relatifs à la dimension sociale (turbulent, agressif, gentil, sage) dans la mesure où le comportement sélectionné ne devait pas permettre aux participants de se prononcer sur des dimensions évaluati-ves comme l’intelligence, l’attention portée à la tâche ou la vivacité d’esprit de l’enfant. Lorsque l’enfant était à table et se penchait brusquement en arrière, il a été perçu comme étant plus gentil (M = 53.9 ; E.T. = 4.05) lorsqu’il était présenté comme un enfant autiste plutôt que lorsqu’il était présenté comme un enfant ordinaire (M = 34.8, E.T. = 4.16 ; F(1,33) = 10.82, p<.005). L’enfant était perçu tendanciellement comme étant moins turbulent lorsque les participants savaient que l’enfant était autiste (M = 38 ; E.T. = 4.85) que lorsqu’ils l’ignoraient (M = 52, E.T. = 4.99 ; F(1,33) = 4.047, p = .052). L’enfant était perçu comme étant plus angoissé (M = 46.6, E.T. = 4.77) dans la condition « informé » que dans la condition « non in-formé » (M = 31.8, E.T. = 5.19 ; F(1,33) = 4.208, p<.05). Les participants ont tendanciellement considéré que l’en-fant avait l’air plus inquiet dans la condition « informé » que dans la condition « non informé » (pour la condition « informé » M = 40.1, E.T. = 5.47 et pour la condition

« non informé » M = 25.9, E.T. = 5.62 ; F(1,33) = 3.286, p = .079). Enfin, l’enfant était aussi considéré comme plus attentif lorsqu’on le présentait comme un enfant autiste (M = 41.6, E.T. = 4.64) plutôt que lorsqu’on le présentait comme un enfant ordinaire (M = 25.4, E.T. = 4.77) ; F(1,33) = 5.921, p<.05).

L’enfant en colère et en pleures, fut perçu comme étant plus sage (M = 39, E.T. = 4.73) dans la condition « in-formé » que dans la condition « non informé » (M = 19.7, E.T. = 4.87 ; F(1,33) = 8.03, p<.005). Les participants l’ont perçu comme étant moins turbulent lorsqu’ils sa-vaient qu’il était autiste (M = 44.8, E.T. = 4.53) que lors-qu’ils ne le savaient pas (M = 62.8 E.T. = 4.67 ; F(1,33) = 7.694, p<.005). L’enfant était aussi perçu comme moins agressif lorsqu’ils savaient qu’il était autiste que lorsqu’ils l’ignoraient (pour la condition « informé » M = 30.9, E.T. = 5.18, pour la condition « non informé » M = 48.8, E.T. = 5.32, F(1,33) = 5.752, p<.05). Par ailleurs, lorsque les participants savaient que l’enfant était autiste, ils le percevaient tendanciellement comme plus intelli-gent (M = 49.61, E.T. = 3.04) que lorsqu’ils l’ignoraient (M = 42.1, E.T. = 3.13 ; F(1,33) = 2.99, p = .0,93).

Pour résumer, cette première série de résultats confirment le fait que les enfants autistes, non identifiés comme tels (condition « non informé ») sont jugés sévèrement et perçus comme des enfants turbulents, agressifs, pas sa-ges, pas gentils, etc. En un mot, on les estime mal élevés. En revanche, lorsque les participants savent que l’enfant à évaluer est autiste, ils font preuve d’une plus grande indulgence que les participants ignorant le handicap de l’enfant.

Face à un comportement non problématique (l’enfant parle à la caméra et il utilise un ordinateur), les partici-pants informés du handicap devraient surévaluer l’enfant en le considérant comme plus intelligent, plus vif et plus attentif (dimensions cognitives) que les participants non informés. Si les évaluations sont plus favorables dans la condition « informé » que dans la condition « non informé », c’est parce que les participants informés utiliseraient le standard de « l’enfant handicapé » lequel impliquerait qu’il a des capacités cognitives inférieures à celles d’un enfant ordinaire. Les attentes des participants envers l’enfant seraient alors moins élevées.

Lorsque les participants avaient à juger l’enfant autiste qui parle face à la caméra (comportement non probléma-tique), l’enfant fut perçu comme plus intelligent lorsqu’il était présenté comme un enfant autiste (M = 57.3 ; E.T. = 14.45) plutôt que lorsqu’il était présenté comme un enfant ordinaire (M = 43.5 ; E.T. = 12.56 ; F(1,33) = 9.053, p<.005). Les participants ont aussi considéré que l’enfant était plus vif (M = 66.6 ; E.T. = 16.19) lorsqu’ils savaient qu’il était autiste plutôt que lorsqu’ils ne le savaient pas (M = 53.2; E.T. = 22.28 ; F(1,33) = 4.128, p<.05). Lorsque les participants devaient évaluer l’enfant qui utilise un ordinateur (comportement relevant d’une dimension cognitive), ils le percevaient tendanciellement comme étant plus sage lorsqu’ils savaient qu’il était

articles

…cette première série de résultats confirment le fait que les enfants autistes, non identifiés comme tels (condition « non informé ») sont jugés sévèrement et perçus comme des enfants turbulents, agressifs, pas sages, pas gentils…

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autiste (M = 77.3 ;E.T. = 2.52) que lorsqu’ils l’ignoraient (M = 70.4, E.T. = 2.59 ; F(1,33) = 3.668, p = .064). L’enfant a aussi été perçu comme plus attentif dans la condition « informé » (M = 77.9, E.T. = 3.37) que dans la condition « non informé » (M = 65.5, E.T. = 3.46 ; F(1,33) = 6.605, p<.05).

Pour résumer, l’enfant (autiste) qui produit un compor-tement positif (non problématique) est considéré comme plus intelligent, plus vif et plus attentif par les partici-pants informés du handicap que par les participants non informés.

DiscussionL’enfant autiste qui produit un comportement manquant de conformité avec les normes sociales (il est en colère et se roule par terre, il s’agite à table) est perçu comme plus turbulent, plus agressif, moins sage et moins gentil lorsque les participants ne sont pas informés du handicap que lorsqu’ils le sont. La différence d’indulgence entre un participant informé du handicap et un participant non informé s’observe, conformément à notre hypothèse, pour les comportements problématiques qui relèvent d’une dimension sociale. Les résultats indiquent aussi que les participants perçoivent l’enfant comme étant plus angoissé et plus inquiet lorsqu’ils savent qu’il est autiste plutôt que lorsqu’ils l’ignorent. L’inquiétude et l’an-goisse apparaissent comme des dimensions susceptibles d’apporter non seulement une explication mais surtout une sorte d’excuse aux comportements problématiques de l’enfant autiste. Attribuer ces deux caractéristiques à l’enfant est un moyen, en plus de l’annonce préalable du handicap, de déresponsabiliser l’enfant de son comporte-ment problématique.

Les résultats sont conformes aux témoignages des pa-rents d’enfants autistes. D’une part, ils confirment que les comportements problématiques des enfants autistes conduisent les observateurs à les considérer comme des enfants mal élevés. Un comportement problématique, hors norme, est considéré comme étant plus proche d’un comportement normal pour un enfant autiste et plus pro-che d’un comportement problématique pour un enfant ordinaire. Le comportement n’est pas comparé au même standard.

D’autre part, il apparaît que les participants qui ont à évaluer l’enfant autiste en situation de travail (l’en-fant est face à l’ordinateur) ou en train de produire un comportement non problématique (l’enfant parle face à la caméra) le perçoivent comme étant plus intelligent, plus attentif, plus sage lorsqu’ils savent qu’il est autiste plutôt que lorsqu’ils l’ignorent. Ces résultats peuvent être interprétés par le fait que le standard de « personne handicapée » suggère des capacités, et notamment des capacités cognitives qui sont limitées par rapport aux personnes « valides » (Rohmer et al 2000). C’est en référence à leurs capacités supposées limitées que l’éva-luation est construite. Ainsi, un comportement identique est considéré comme « plus performant » en référence à

des capacités limitées qu’en référence à des capacités « normales» (celles des personnes sans handicap).

Au regard de ces résultats, on pourrait légitimement s’interroger sur le bénéfice qu’entraînerait une stratégie visant à rendre systématiquement accessible le statut d’autiste. Dans certains cas, cette accessibilité du statut d’autiste pourrait avoir pour conséquence une diminution d’attentes envers les enfants autistes. Une indulgence ex-cessive deviendrait à terme une entrave à l’autonomie de l’enfant handicapé ? Une étude réalisée par Gouvier, Coon, Todd et Fuller (1994) a par exemple permis de mettre en évidence que des étudiants valides utilisaient le langage adressé aux enfants (the motherese) lorsqu’ils ré-pondaient à un pair en fauteuil roulant qui leur demandait le chemin de la bibliothèque universitaire, mais s’expri-maient tout à fait normalement avec un pair valide. Cette situation a été perçue comme très discriminatoire par les personnes concernées. Ce type d’étude soulève indirec-tement le problème des conditions dans lesquelles l’in-tégration sociale et scolaire des personnes handicapées est mise en œuvre, et plus spécifiquement l’intégration des per-sonnes autistes. En effet, est-il bénéfique de dire qu’un enfant est autiste quand seu-le cette information est fournie ? Cette information n’est-elle pas de nature à favo-riser la discrimination envers les enfants autistes ? En fait, ces questions perdent toute leur pertinence si l’intégration scolaire se fait par le biais d’un projet qui implique tous les acteurs du dis-positif. Impliquer signifie notamment responsabiliser ces acteurs et faire en sorte qu’ils aient une bonne connais-sance des troubles envahissants du développement. Dans ce cas, aucune indulgence excessive n’est en mesure de voir le jour.

Enfin, si l’on admet que les enfants passent la plupart de leur temps en compagnie de leurs pairs (en classe, dans la cour d’école, pendant leurs loisirs, etc), et que ces interactions sociales sont déterminantes pour leur développement social, alors il serait intéressant d’éten-dre l’étude présentée ici aux jeunes enfants ordinaires et d’examiner leur représentation de l’autisme. Une étude de Maras (1993) cité par Ravaud (1994) a d’ailleurs montré la préférence des enfants valides âgés de 5 à 11 ans à jouer avec des pairs valides plutôt qu’avec des pairs handicapés dans un contexte scolaire. Deux études plus récentes mettent en évidence que des enfants de l’école primaire ont une perception plus négative d’un enfant présentant des signes autistiques qu’un enfant ayant des comportements « ordinaires » (Campbell, Ferguson, Herzinger, Jackson & Marino, 2004 ; Swaim & Morgan, 2001). Ce résultat conduit à s’interroger sur la manière d’annoncer aux enfants ordinaires la présence d’un ca-

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…il faudrait une implication éclairée des jeunes élèves dans

le projet d’intégration, projet dont l’envergure devrait être

celle de l’établissement, dépassant ainsi l’intégration parfois étriquée, trop centrée

sur l’élève handicapé.

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marade autiste dans une classe. Là encore, il faudrait une implication éclairée des jeunes élèves dans le projet d’intégration, projet dont l’envergure devrait être celle de l’établissement, dépassant ainsi l’intégration parfois étriquée, trop centrée sur l’élève handicapé. Ce qui est important c’est que des études pertinentes permettent de montrer le bénéfice de l’intégration des enfants autistes en milieu ordinaire à condition qu’une partie des acteurs soit informée, voire formée à l’autisme (ex., Lord, 1995; Orsmond, Krauss & Seltzer, 2004 ; Owen-Deschryver, 2004 ; Rogers, 2000). Les conclusions sont relativement consensuelles : il faut optimiser les conditions de l’inser-tion sociale des personnes atteintes d’autisme en milieu ordinaire par une préparation minutieuse, et collective, de cette insertion.

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