HISTOIRE DE LA MÉDECINE / HISTORY OF MEDICINE

Les éponymes en coloproctologie…John Templeton Bowen (1857-1940) de la maladie…

V. de Parades · P. Bauer · M. Barret · J.-D. Zeitoun · N. Fathallah · J.-F. Contou

© Springer-Verlag France 2014

John Templeton Bowen naît le 8 juillet 1857 à Boston enAmérique du Nord. Il se révèle tôt comme un élève brillant.Il fait ses études à l’université Harvard de Cambridge où ilobtient son diplôme de Docteur en Médecine en 1884. Aprèsquelques mois passés comme interne au MassachusettsGeneral Hospital de Boston, il part pour l’Europe où il tra-vaille durant trois ans à Berlin, Munich, puis Vienne.Il décide alors de s’orienter vers la dermatologie. Il revientau Massachusetts General Hospital en 1889 où il va fairetoute sa carrière (Fig. 1). Il est ainsi nommé Médecin Assis-tant de la consultation de dermatologie en 1889, puis Profes-seur à Harvard en 1907. Il est également élu Président del’American Dermatologic Association en 1902. NomméProfesseur émérite en 1911, il prend finalement sa retraiteofficielle en 1927. La fin de sa vie est perturbée par desvertiges invalidants et il meurt le 3 décembre 1940 à Bostonà l’âge de 83 ans.

John Templeton Bowen restera à la postérité pour ladescription originale de sa maladie précancéreuse cutanéeéponyme (Fig. 2). La publication princeps date de mai1912. Il s’agit de deux patients respectivement atteints auniveau de la fesse et du membre inférieur dont il individua-lise avec précision les particularités cliniques et histolo-giques. Mais c’est Jean-Ferdinand Darier (1856-1938), le

chef de file de la dermatologie française de l’époque, quiproposera en 1914 de laisser le nom de Bowen à cette patho-logie [1,2].

Ultérieurement, cette dermatose précancéreuse sera éga-lement décrite au niveau de la marge anale, puis, par assi-milation abusive, au niveau de la muqueuse du canal anal.C’était une pathologie encore rare et anecdotique dans lesannées 1980-90, de surcroît mal cernée en raison de laconfusion induite par sa dénomination variable : « maladiede Bowen », « dysplasie de haut grade », « carcinome insitu », etc... Cependant, son incidence a nettement aug-menté ces dernières années, notamment au sein de la

Fig. 1 John Templeton Bowen en 1889 (d’après le cliché original

de l’American Medical Association)

V. de Parades (*) · P. Bauer · N. FathallahService de Proctologie Médico-Chirurgicale,Institut Léopold Bellan, Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph,185, rue Raymond Losserand, 75014 Parise-mail : iplb@hpsj.fr

M. BarretService de Gastroentérologie, Hôpital Cochin,27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris

J.-D. ZeitounService de Proctologie Médico-Interventionnelle,Centre hospitalier Diaconesses - Croix Saint-Simon,18, rue du Sergent Bauchat, 75012 Paris

J.-D. Zeitoun · J.-F. ContouService de Gastroentérologie, Hôpital Saint-Antoine,184, rue du Faubourg Saint-Antoine,75012 Paris

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population des hommes homosexuels infectés par le VIH.En effet, on sait maintenant que, au niveau anal, elle estinduite quasi-exclusivement par une infection chroniquepar des papillomavirus humains oncogènes et que son inci-dence s’est majorée avec l’instauration des thérapies anti-rétrovirales qui ont permis d’augmenter l’espérance de viede ces patients sans pour autant les protéger contre cettedermatose. Pour ce qui nous concerne en proctologie, ladénomination officielle est désormais celle de néoplasieintra-épithéliale anale (anal intraepithelial neoplasia ou« AIN » des anglo-saxons) de haut grade. Sur le planclinique, elle se manifeste de façon non spécifique et sonaspect est protéiforme et trompeur avec des lésions uni oumultifocales, plus ou moins étendues, sous la forme depapules pigmentées ou érythémateuses, de pseudo-papillomes plus ou moins exophytiques, et/ou de plaqueskératosiques bistres ou rosées en zone cutanée (Fig. 3). Lediagnostic est histologique (Fig. 4), l’analyse permettantpar ailleurs d’affirmer le haut grade et de s’assurer de l’in-tégrité de la membrane basale. Le traitement n’est pasconsensuel mais son principe consiste à détruire ou à résé-quer les lésions pour tenter de prévenir leur évolution vers

le carcinome épidermoïde. Il repose entre autres sur diverstopiques dont l’imiquimod, l’électrocoagulation, l’exérèsechirurgicale, la photothérapie dynamique, etc… Dans tousles cas, une surveillance prolongée est indispensable car lesrécidives sont fréquentes (Fig. 5) [3,4].

Fig. 2 Maladie de Bowen de la cuisse : moulage en cire de Louis

Niclet en 1923 (Coll. Musée des moulages de l’Hôpital Saint-

Louis, F. Marin, APHP Paris)

Fig. 3 Maladie de Bowen de la marge et du canal anal

Fig. 4 Aspect histologique de maladie de Bowen (Coll. Jean-

François Fléjou)

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Références

1. Ali H, Shipman AR, Orpin SD (2012) John Templeton Bowen,MD, 1857-1940 : the centenary of his most famous publication.Clin Exp Dermatol 37 : 825–8.

2. Weyers W (2012) The centennial of Bowen’s disease - a criticalreview on the occasion of the 100th anniversary of its originaldescription. Dermatol Pract Concept 31 ; 2 : 204a02.

3. Bath-Hextall FJ, Matin RN, Wilkinson D, Leonardi-Bee J (2013)Interventions for cutaneous Bowen’s disease. Cochrane DatabaseSyst Rev 24 ; 6 : CD007281.

4. de Parades V, Fathallah N, Barret M, Zeitoun JD, Lemarchand N,Molinié V, Weiss L (2013) Néoplasies intra-épithéliales de l’anus.Presse Med 42 : 1091–9.

Fig. 5 Récidive de maladie de Bowen après exérèse chirurgicale

(Coll. Nadia Fathallah)

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