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Article original Les équipes et la fratrie du jeune handicapé > Institutionnals staffs and young handicapped’s siblings B. Voizot 53, boulevard Saint-Jacques, 75014 Paris, France Reçu le 8 avril 2003 ; accepté le 27 mai 2003 Résumé Les réponses données par les établissements médicosociaux indiquent que l’abord de cette question est complexe et difficile pour les équipes. Un peu moins de la moitié des établissements qui ont répondu acceptent de recevoir une fratrie. Les fratries sont présentes dans un quart des établissements. Les points de vue négatifs sont liés au fait que les équipes refusent que les enfants fusionnent, établissent des confusions, un amalgame ou fassent bloc. À l’opposé, les réponses positives montrent l’intérêt de la prise en charge de la dimension fraternelle. Les équipes des EMPro ne veulent pas perdre leur pratique de la relation individualisée et du projet personnel de chaque jeune. On peut noter que, bien qu’il existe de nombreux groupes de paroles dans les institutions, il est rare qu’il existe un groupe de travail sur la question de la relation fraternelle. Deux équipes sur 19 ont mis en place un groupe, jamais de manière continue plutôt de manière ponctuelle. Une seule a créé un groupe de paroles pour la fratrie des jeunes à l’extérieur de l’institution. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract Answers sent by social-medical institutions show that the question of siblings of young handicapped persons is complicated for staffs. A bit less than half of the institutions, which have replied to our enquiry, accept to receive siblings.We found siblings in a quarter of institutions. Negative points of view are bound with staff’s refusal that children amalgamate, make confusion or form bloc. On the contrary, positive answers tell it is interesting to be engaged in fraternal relationship. Staffs from EMPro do not want to loose their individualised relationship practise and personal aim for each adolescent. Even if there are many speaking groups in institutions, speaking groups about fraternal relationship are rare. Two staffs out of 19 have created a speaking group on this subject and only punctually. Only one has created a speaking group for their siblings outside the institution. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Mots clés : Handicap ; Équipe ; Fratrie ; Groupes de paroles Keywords: Handicap; Staff; Brothers and sisters; Speaking group Pour introduire les débats et les échanges de cette journée nous avons souhaité recueillir les préoccupations des équi- pes. J’ai donc préparé un court questionnaire qui a été adressé à un peu plus d’une centaine d’établissements médicoso- ciaux de la région parisienne. Les réponses obtenues tradui- sent les opinions des équipes et n’ont qu’une valeur indica- tive. Il n’est pas question de faire une exploitation statistique de ces résultats. À travers les réponses (22) au questionnaire, il apparaît que l’abord de la problématique de la fratrie par les équipes est une question complexe. Nous nous attacherons donc à mettre en évidence les différents aspects 1 . Nous avons aussi reçu quelques réponses provenant d’autres établissements, un institut de rééducation motrice, un CAMSP et un hôpital de jour que nous citerons ensuite. > Communication présentée lors du congrès de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées le 28 mars 2003 à Paris. Adresse e-mail : [email protected] (B. Voizot). 1 L’étude des réponses et la composition des tableaux ont été réalisées par Samira Marzouki. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 51 (2003) 367–372 www.elsevier.com/locate/neuado © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi:10.1016/j.neurenf.2003.05.002

Les équipes et la fratrie du jeune handicapé

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Article original

Les équipes et la fratrie du jeune handicapé >

Institutionnals staffs and young handicapped’s siblings

B. Voizot

53, boulevard Saint-Jacques, 75014 Paris, France

Reçu le 8 avril 2003 ; accepté le 27 mai 2003

Résumé

Les réponses données par les établissements médicosociaux indiquent que l’abord de cette question est complexe et difficile pour leséquipes. Un peu moins de la moitié des établissements qui ont répondu acceptent de recevoir une fratrie. Les fratries sont présentes dans unquart des établissements. Les points de vue négatifs sont liés au fait que les équipes refusent que les enfants fusionnent, établissent desconfusions, un amalgame ou fassent bloc. À l’opposé, les réponses positives montrent l’intérêt de la prise en charge de la dimension fraternelle.Les équipes des EMPro ne veulent pas perdre leur pratique de la relation individualisée et du projet personnel de chaque jeune. On peut noterque, bien qu’il existe de nombreux groupes de paroles dans les institutions, il est rare qu’il existe un groupe de travail sur la question de larelation fraternelle. Deux équipes sur 19 ont mis en place un groupe, jamais de manière continue plutôt de manière ponctuelle. Une seule a crééun groupe de paroles pour la fratrie des jeunes à l’extérieur de l’institution.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Abstract

Answers sent by social-medical institutions show that the question of siblings of young handicapped persons is complicated for staffs. A bitless than half of the institutions, which have replied to our enquiry, accept to receive siblings. We found siblings in a quarter of institutions.Negative points of view are bound with staff’s refusal that children amalgamate, make confusion or form bloc. On the contrary, positiveanswers tell it is interesting to be engaged in fraternal relationship. Staffs from EMPro do not want to loose their individualised relationshippractise and personal aim for each adolescent. Even if there are many speaking groups in institutions, speaking groups about fraternalrelationship are rare. Two staffs out of 19 have created a speaking group on this subject and only punctually. Only one has created a speakinggroup for their siblings outside the institution.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Mots clés : Handicap ; Équipe ; Fratrie ; Groupes de paroles

Keywords: Handicap; Staff; Brothers and sisters; Speaking group

Pour introduire les débats et les échanges de cette journéenous avons souhaité recueillir les préoccupations des équi-pes. J’ai donc préparé un court questionnaire qui a été adresséà un peu plus d’une centaine d’établissements médicoso-ciaux de la région parisienne. Les réponses obtenues tradui-sent les opinions des équipes et n’ont qu’une valeur indica-

tive. Il n’est pas question de faire une exploitation statistiquede ces résultats. À travers les réponses (22) au questionnaire,il apparaît que l’abord de la problématique de la fratrie par leséquipes est une question complexe. Nous nous attacheronsdonc à mettre en évidence les différents aspects1.

Nous avons aussi reçu quelques réponses provenantd’autres établissements, un institut de rééducation motrice,un CAMSP et un hôpital de jour que nous citerons ensuite.> Communication présentée lors du congrès de la Société française de

psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées le 28 mars2003 à Paris.

Adresse e-mail : [email protected] (B. Voizot).

1 L’étude des réponses et la composition des tableaux ont été réaliséespar Samira Marzouki.

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 51 (2003) 367–372

www.elsevier.com/locate/neuado

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.doi:10.1016/j.neurenf.2003.05.002

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En recevant les réponses, j’ai constaté que j’avais oubliéd’interroger les équipes sur les problèmes posés par l’articu-lation du travail de plusieurs établissements recevant chacunun jeune d’une même fratrie. Cet oubli est peut-être sympto-matique d’une difficulté à penser la dimension fraternelledans les rapports entre équipes qui est créatrice d’oubli et deméconnaissance.

On verra tout au long des réponses des équipes que prédo-mine le souci du projet individualisé pour chaque jeune.Beaucoup d’équipes ont décidé de ne pas recevoir de fratrie(11/22). Les équipes qui en reçoivent actuellement (dix éta-blissements et un CAMSP) apportent des éléments intéres-sants pour la discussion.

1. Présentation générale des réponses

1.1. Je présenterai d’abord les réponses que nous avonsreçues à partir des 19 institutions médicosociales : cinqEMP, quatre EMPro, dix IME

Il s’agit d’établissements situés en région parisienne (voirTableaux 1 et 2).

Je donnerai ensuite celles qui proviennent des trois éta-blissements que nous avons classés à part : un institut d’édu-

cation motrice, un CAMSP et un hôpital de jour (voir Ta-bleau 3).

Parmi les cinq EMP de la région parisienne, trois sontsitués dans le Val-de-Marne, un dans lesYvelines, un autre enSeine-et-Marne. Les deux institutions qui reçoivent des fra-tries accueillent plus de 100 enfants dans des sections diffé-rentes. Ces deux établissements de taille importante tra-vaillent dans une perspective où la psychopédagogie estréférée à la psychanalyse.

Pour quatre EMPro, deux se situent dans le Val-de-Marne,un dans les Yvelines, un dans les Hauts-de-Seine. Ces quatreEMPro ont une taille moyenne entre 30 et 50 jeunes. Ilsreprésentent au total 155 places. Leur mode de fonctionne-ment est différent mais ils se situent dans une perspectivedynamique évolutive. Ils acceptent des jeunes ayant destroubles de la personnalité plus ou moins prononcés. Ilsorientent certains jeunes vers le milieu du travail normal,d’autres en CAT. Ces quatre établissements n’acceptent pasde recevoir des fratries.

Dix IME ont répondu : cinq IME sont situés dans leVal-de-Marne. Il s’agit le plus souvent d’établissements detaille importante. Un petit établissement reçoit 16 polyhandi-capés.

Tableau 1

Catégorie d’établissements EMP EMPro IME TotalQ1 : nombre d’établissements 5 4 10 19Q2a : recevoir une fratrie ? 4 oui 4 non 5 oui 9 ouiQ2b : plus de deux enfants ? 4 oui 2 oui 6 ouiQ2c : décision 1 CA 2 EQ 2 CA 3 CA

4 EQ 7 EQ 13 EQQ2d : nombre d’établissements où fratrie présente 2 0 3 5 fratriesQ2e : nombre de fratries reçues 6 6 12 fratriesQ2f : nombre d’enfants concernés 12 14 26Q2g : nombre total de places dans les établissements 315 155 636 1106Q2h : proportion du nombre d’enfants de fratrie/nombre de places dans lesétablissements

6/110 10/65

6/105 2/702/95

Tableau 2

Catégorie d’établissements EMP EMPro IME TotalQ3a : pour l’enfant 1 + 2 – 3 – 6 points de vues –Point de vue positif : + 1 – 2 + 3 points de vues +Point de vue négatif : –Q3b : pour l’équipe 2 – 2 – 3 – 7 points de vues –

1 + 1 point de vue +Q3c : pour la famille 2 + 1 – 2 – 3 points de vues –

2 + 4 points de vues +Q4 : groupe de travail de l’équipe sur cette question 0 1 1 2Q5a : groupe de parole dans l’institution 4 GPE 4 GPE 4 GPE 12 GPE

4 GMP 2 GMP 7 GMP 13 GMP1 GPar 1 GPar

Q5b : groupe de parole extérieur 0 0 1 1Q6 : entretiens familiaux ? fréquence 4 rares 3 rares 5 rares(1 fête) 13 raresQ7 : orientation vers une psychothérapie familiale oupsychodrame

2 1 3 6

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Un établissement est situé dans les Hauts-de-Seine ; unétablissement en Seine-Saint-Denis avec une importante sec-tion d’internat ; un autre à Paris. Deux établissements n’ontpas donné leur nom et adresse. Parmi les dix IME : sept ont de65 à 100 jeunes ; trois de 16 à 25 jeunes.

1.2. Neuf établissements sur 19 acceptent de recevoirdes fratries

• Tous les EMPros qui ont répondu refusent.• Deux IME sur cinq acceptent des fratries de plus de deux

enfants.Cette option est surtout la décision de l’équipe (ce qui est

mentionné clairement pour 13 établissements). Dans les troisinstitutions où les fratries sont acceptées, il s’agit d’unehabitude prise qui n’est pas contredite par le conseil d’admi-nistration gestionnaire.

Parmi les neuf établissements qui acceptent, deux EMP ettrois IME seulement reçoivent actuellement des fratries :

• Six fratries en EMP ;• Six en IME.Ceci concerne donc 12 enfants en EMP ; 14 en IME.On constate que ces enfants sont dans des établissements

importants par exemple six enfants sur 110 ou six sur105 dans deux EMP de taille importante. Dans un IME de65 places dix enfants de quatre fratries sont présents. C’estl’établissement le plus engagé dans l’accueil des fratries. Ontrouve dans chacun des deux autres (établissements de 70 et95 jeunes) une fratrie de deux enfants.

Aucune fratrie n’est acceptée dans les établissements depetite taille.

2. Ce que disent les équipes concernant les problèmesposés par l’accueil de plusieurs jeunes dansl’institution ?

Nous les avions questionnés sur :• les problèmes existant pour les enfants d’une fratrie ;• les problèmes que cela pose à l’équipe ;• et les problèmes apparaissant dans la relation de la

famille et de l’institution.

Dans beaucoup de cas il n’y a pas de réponses à cesquestions. Neuf réponses sont exploitables dans les 19 ques-tionnaires

2.1. Réponses des deux EMP

2.1.1. Pour les enfantsProblèmes rencontrés pour les enfants :• difficulté à s’individualiser dans la prise en charge ;• rareté des rencontres entre frères et sœurs présents dans

des sections différentes d’un même établissement.

À l’opposé un établissement qui reçoit des fratries indiqueque cela a un effet positif pour les enfants.

2.1.2. Au niveau des équipesLes problèmes posés aux équipes :• Un établissement parle de risque de comparaison,

d’amalgame, d’indifférenciation des enfants ;• Un autre évoque le risque de confondre l’EMP avec un

établissement scolaire normal ;• Inquiétude au moment de l’admission pour la capacité

d’organiser un travail personnalisé pour le jeune ;

Tableau 3

Catégorie d’établissements Identification Institut d’éducation motrice CAMSP Hôpital de jour TotalQ1 : nombre d’établissements 1 1 1 3Q2a : recevoir 1 fratrie ? 1 1 0 2Q2b : si > 2 enfants ? 1 1 0 2Q2c : décision EQ EQ 2 EQQ2d : présence fratrie 0 1 0 1Q2e : nombre de fratries 0 3 0 3Q2f : nombre d’enfants concernés 0 6 0 6Q2g : nombre total d’enfants dans l’établissement 47 100 18 165Q2h : proportion du nombre d’enfants en fratrie/nombred’enfants en établissement

0/47 6/100 0/18

Q3a : pour l’enfant1 + 1 point de vue +Point de vue : +

Point de vue f : –Q3b : pour l’équipe 1 – 1 – 2 points de vues –Q3c : pour la famille 1 + 1 + 2 points de vues +Q4 : travail de l’équipe sur cette question 0 0 0 0Q5a : groupe de parole dans l’institution 1 GPE 1 GPar 1 GPE 2 GPE

1 GMP 1 GMP 2 GMP1 Gpar

Q5b : groupe de parole extérieur 0 0 0 0Q6 : entretiens familiaux ? 1 1 1 3Q7 : orientation vers une psychothérapie familiale oupsychodrame

1 0 0 1

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• Une autre équipe signale le fantasme qu’un enfant em-pêche l’autre de s’individualiser.

On mentionne aussi :• La difficulté de l’équipe pour accueillir la rivalité frater-

nelle au sein de l’institution ;• Le risque de globaliser la relation de la famille avec

l’institution.

2.1.3. Avec les famillesDans les deux établissements qui reçoivent des fratries il

n’y a pas de problème particulier avec les familles car ellessont plutôt favorables au fait d’avoir un seul interlocuteurpour leurs enfants en difficulté.

2.2. Pour les EMPro

2.2.1. Pour les jeunesAu moment où l’éventualité de l’accueil d’un autre mem-

bre de la fratrie a pu se présenter, le jeune présent dansl’établissement ne souhaitait pas partager son établissementavec un frère ou une sœur. Des équipes pensent que laprésence d’une fratrie empêche chaque enfant d’avoir sonespace psychique propre, lorsqu’un jeune domine l’autre.

2.2.2. Pour les équipesDeux équipes pensent qu’à l’occasion de l’admission d’un

frère ou d’une sœur elles n’auraient pu empêcher que celui-ciprenne la place de l’autre dans l’établissement, place qu’ilcommençait à prendre.

2.2.3. Avec la familleDans la vie familiale l’adolescent inhibé subirait une em-

prise plus étendue de la part de celui qui le domine.

2.3. Pour les IME

2.3.1. Pour les jeunesL’établissement qui reçoit le plus de jeunes indique que le

problème principal que l’équipe a rencontré s’est produitdans une famille où le risque d’évolution psychopathiqueétait grand. Il a fallu orienter l’aîné en internat.

Dans les autres cas, les équipes ont craint la surprotectiond’un jeune par un grand frère ou une grande sœur. Il y a eu lerefus d’un jeune de se trouver dans le même établissementqu’un frère ou une sœur; la difficulté à individualiser la priseen charge.

2.3.2. Au niveau des équipesLes réponses font mention des projections, des fausses

croyances qui empêchent le traitement des rivalités et unemeilleure compréhension de la dynamique familiale. Deséquipes craignent de se trouver amenées à comparer desjeunes entre eux.

2.3.3. Avec les famillesUne équipe mentionne sa crainte de la globalisation de la

relation de la famille avec l’institution ; une autre redoute le

risque de comparaison des performances des jeunes placésdans le même établissement.

3. Groupes de travail, groupes de parole

• Seules deux équipes ont travaillé la question de la fratrieau sein du groupe professionnel.

• En revanche, beaucoup d’institutions ont mis en placedes groupes de paroles pour les enfants ou des groupesde paroles pour l’équipe ; un IME a créé un groupe pourles parents.

C’est l’établissement qui est le plus engagé dans l’accueildes fratries qui a mis en place des groupes de paroles pour lesenfants, les membres de l’équipe et les parents. Cette institu-tion a développé les groupes de paroles dans le projet insti-tutionnel. Ainsi constate-t-on, dans l’ensemble, que l’exis-tence des groupes de paroles dans les établissements est liéeau projet institutionnel ; il est porté par les équipes.

Un seul établissement a organisé un groupe de parolespour la fratrie des jeunes présents dans l’établissement. Ils’agit d’un établissement géré par une association de familleset d’amis en faveur de jeunes handicapés mentaux.

L’existence des groupes de paroles dans l’institution oudes groupes de paroles pour la fratrie est donc bien liée à unprojet d’équipe ou d’association gestionnaire. Ceux-ci don-nent un statut à l’expression de la parole dans la vie institu-tionnelle.

4. Entretiens familiaux, orientations en psychothérapiefamiliale ou psychodrame

• Les réponses mentionnent des entretiens familiaux oc-casionnels dans 12 cas.

• Des orientations vers une psychothérapie familiale ouun psychodrame sont proposées dans un tiers des éta-blissements.

• Les entretiens familiaux sont généralement mis en placeà l’occasion du suivi de l’évolution d’un jeune.

• Un seul établissement mentionne une rencontre entre lesjeunes et leurs frères et sœurs à l’occasion d’une fêtedans l’institution. Il décrit l’importance de cette rencon-tre. Elle a pu être l’occasion pour un frère et une sœur deconstater les compétences de son frère ou de sa sœurautiste au sein du groupe des jeunes de l’institution. Ils’agit d’un aspect tout à fait important de la prise encompte du regard porté par la fratrie sur le jeune endifficulté.

5. Réponses des trois autres établissements

Il s’agit d’un institut d’éducation motrice, d’un hôpital dejour et d’un CAMSP.

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5.1. La première équipe

Elle accepte de recevoir des enfants d’une fratrie car elleestime qu’il s’agit d’une logique de droit pour les jeunes.Mais elle indique qu’il faut être attentif à faciliter les activitésdistinctes et les relations souples avec les membres del’équipe. En même temps, il faut permettre des actions engroupe. Cela nécessite que l’équipe puisse investir des rela-tions spontanées sans éviter la dimension fraternelle. Pour lesfamilles, il est utile de faire les synthèses et des bilans lemême jour, mais dans deux séances distinctes. Le travail surla fratrie a été lié à un groupe de recherche. Les jeunes sontreçus avec leurs frères et sœurs dans le cadre de la famillequand cela est nécessaire pour suivre leur évolution. L’intérêtest de trouver une distance adéquate dans le travail relation-nel. Ces éléments ont été signalés par d’autres équipes.

5.2. Un hôpital de jour

Un hôpital de jour dont la dynamique institutionnelle estdifférente, n’accepte pas de recevoir simultanément des frè-res et sœurs. Les groupes de paroles sont mis en place etpermettent de mettre en mots la réalité institutionnelle. Desfrères et sœurs sont reçus régulièrement dans le cas d’entre-tiens familiaux. En revanche, l’orientation vers une thérapiefamiliale ou un psychodrame sera effectuée par la consulta-tion médicopsychologique de référence.

5.3. Les réponses d’un CAMSP

Elles sont intéressantes car cette équipe accepte de rece-voir des fratries. Actuellement deux fratries de jumeaux etune fratrie de deux garçons pour une file active de 100 en-fants. Cette équipe signale les difficultés qui résident dansl’organisation des soins pour individualiser les temps deprise en charge pour chaque enfant et mettre en place destemps de prise en charge pour la globalité familiale. Enrevanche, cela permet à une famille d’être en rapport avecune seule institution. Cette équipe a mis en place un groupede parents.

Les jeunes en traitement sont reçus dans des entretiensfamiliaux. La fratrie y est associée plus ou moins ponctuel-lement. Cette équipe insiste sur les difficultés rencontréespour orienter vers un établissement une fratrie et à plus forteraison quand il s’agit de jumeaux. Il s’agit d’une sorte de« sur handicap » pour trouver une place.

• Pour ces trois établissements il n’y a pas de groupe deparoles à l’extérieur.

• En revanche, trois équipes ont mis en place des entre-tiens familiaux assez régulièrement.

• Une équipe a pratiqué des orientations vers une psycho-thérapie familiale ou un psychodrame. Le CAMSP ef-fectue ces prises en charge dans l’institution. L’hôpitalde jour préfère adresser les familles à une autre équipede consultation travaillant en partenariat.

6. En conclusion

Des différences importantes existent entre les établisse-ments qui nous ont répondu. L’un reçoit 10 enfants de quatrefratries pour 65 places. Deux autres EMP qui ont plusieurssections reçoivent chacun six enfants. Deux autres reçoiventune fratrie dans chaque établissement de 70 ou de 95 places.

L’accueil d’une fratrie pose problème à beaucoup. Lesréponses que nous avons reçues montrent que l’oubli et laméconnaissance de la problématique fraternelle persistentencore dans les institutions.

L’inquiétude majeure des équipes porte sur le risque deperdre leur objectif d’individualisation de la prise en chargedes jeunes. Les principales craintes concernent la confusion,l’amalgame, la fusion de leurs problématiques.

On peut penser que l’analyse des relations horizontalesfraternelles n’a pas été assez approfondie au sein des équipeset dans les actions de formation des personnels des institu-tions. Peut-être a-t-on privilégié la mise à jour des relationsau chef, au père et les conflits avec l’autorité au détrimentd’une analyse des fonctionnements collectifs. L’idéal d’unfonctionnement collectif a pourtant été fortement revendi-qué ; et il a parfois même été l’objet d’âpres combats.

Dans les cas de handicap, les réunions d’équipes à proposd’une fratrie condensent des représentations de l’angoisse decastration réalisée, puisqu’il s’agit de se réunir à propos d’unensemble familial, d’un groupe qui est atteint dans son corpsou dans son esprit. La réaction peut être alors : « que faut-ilfaire » plutôt que : « qu’en penser ? ».

La journée que nous avons organisée nous permettrad’amorcer des pistes de réflexion pour analyser le lien frater-nel.

Nous restons cependant en difficulté dans l’analyse del’aspect collectif et horizontal du fonctionnement institution-nel. Dans les réponses on peut constater qu’il est parfoisdifficile d’expliciter les raisons d’un refus ou à l’inverse, cequ’apporte l’acceptation de recevoir une fratrie quand ils’agit d’une décision de l’équipe.

En revanche, il paraît important de noter la contradictionexistant entre le nombre de groupe de paroles pour les enfantset pour les membres des équipes et la rareté des groupes detravail ou de temps de réflexion concernant la fratrie au seindes groupes professionnels. Seul un établissement qui estgéré par une association de parents a pensé à mettre en placeun groupe de paroles pour la fratrie à l’extérieur. Cette fratriebien souvent ignorée, nous pose question et nous allonsdevoir nous pencher sur les problèmes posés par les rapportsentre la fratrie du jeune et l’équipe qui l’accueille.

Par ailleurs, les entretiens familiaux ne sont pas systéma-tiques. Ils sont le plus souvent proposés à l’occasion d’unesynthèse ou à l’occasion d’une discussion sur l’évolutiond’un jeune. On peut se demander quels rapports existentactuellement entre l’équipe — en particulier ceux qui sont enrelation avec le jeune — et la fratrie, la famille et l’ensemblesocial dans lequel il s’inscrit. Tous ces ensembles, qui sontautant d’espaces psychiques, se recoupent, ont des échanges

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ou des rapports de confusion ou de collage entre eux. Il estnécessaire que nous puissions élaborer des recherches plusapprofondies sur les modalités de fonctionnement de chaquegroupe et sur les échanges qui s’établissent entre chacund’eux.

Enfin, beaucoup de collègues ont mis en valeur la qualitédes relations fraternelles qui s’instaurent au moment de l’ar-rivée à l’âge adulte. La préoccupation de l’équipe portant surle projet individuel de chaque jeune le situe, à ce moment-là,

vraiment dans sa famille dans son rapport à ses frères etsœurs.

Un autre collègue dit avoir besoin de la référence psycha-nalytique pour la compréhension des relations dans le groupefraternel et au sein de la famille. Un autre encore, insiste surla valeur de la démarche qui nous conduit à approfondir notrerôle auprès de l’enfant dans la dimension collective de saprise en charge. Il s’agit aussi d’une réflexion sur l’identité del’enfant, sa place, sur ce qu’il renvoie de sa souffrance.

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