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Les femmes afghanes, Au coeur de l’économie rurale Exemple d’une vallée dans le Nord de l’Afghanistan Mémoire présenté par : DUCHET CECILE En vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur spécialisé en agronomie tropicale Directeur du mémoire : Pascale Moity-Maïzi (C.N.E.A.R.C.) Maître de stage : Peggy Pascal, Groupe U.R.D. Membres du jury : Marie Mawois (CNEARC) Peggy Pascal (Groupe URD) Pascale Maïzi (CNEARC) Betty Wampfler (CNEARC) Date de soutenance : 07 mars 2006

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Les femmes afghanes,

Au coeur de l’économie rurale

Exemple d’une vallée dans le Nord de l’Afghanistan

Mémoire présenté par :

DUCHET CECILE En vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur spécialisé en agronomie tropicale

Directeur du mémoire : Pascale Moity-Maïzi (C.N.E.A.R.C.) Maître de stage : Peggy Pascal, Groupe U.R.D. Membres du jury :

Marie Mawois (CNEARC) Peggy Pascal (Groupe URD) Pascale Maïzi (CNEARC) Betty Wampfler (CNEARC)

Date de soutenance : 07 mars 2006

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Les femmes afghanes,

Au coeur de l’économie rurale

Exemple d’une vallée dans le Nord de l’Afghanistan

Mémoire présenté par :

DUCHET CECILE En vue de l’obtention du diplôme d’ingénieur spécialisé en agronomie tropicale

Directeur du mémoire : Pascale Moity-Maïzi (C.N.E.A.R.C.) Maître de stage : Peggy Pascal, Groupe U.R.D. Membres du jury :

Marie Mawois (CNEARC) Peggy Pascal (Groupe URD) Pascale Maïzi (CNEARC) Betty Wampfler (CNEARC)

Date de soutenance : 07 mars 2006

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REMERCIEMENTS

Cette étude n’aurait pu être réalisée sans les principaux acteurs du développement en Afghanistan, c'est-à-dire les afghans et les afghanes rencontrés dans leur quotidien à Kaboul, dans le Badakhshan et en Hazaradjat : merci tout d’abord à eux pour leur grande hospitalité, leur patience et leur gentillesse. Plus personnellement, merci à Narguis qui m’a servi de guide, d’interprète et d’amie pendant ces cinq mois dans la vallée et à sa famille qui m’a accueillie comme une sixième fille.

D’autres guides afghans ont contribué à la réalisation de ce travail à commencer par l’équipe d’Afghanaid, celle avec qui nous avons vécu à Baharak : merci particulièrement à Afsal, Mubarak Shah, Saffar, Dr. Hamibullah, Ahmadjân, Ab. Manon, Qadim, Massouda et Maleha. Je tiens aussi à remercier les membres du personnel de Faizâbâd et de Kaboul qui nous ont accueilli très chaleureusement, ont tout mis en œuvre pour notre sécurité et ont recherché un véritable échange entre nos deux cultures.

Parmi les expatriés qui ont travaillé ou travaillent encore en Afghanistan et qui se sont intéressés à ce sujet d’étude : un grand merci à Holly Ritchie d’Afghanaid pour son suivi et ses conseils, à Charlotte Dufour pour l’échange de son expérience, sa visite sur le terrain et sa pédagogie, merci aussi à Amélie, Nicolas, François du Groupe URD pour leurs témoignages et leur intérêt, merci enfin à l’équipe des français « kaboulis » rencontrée dans des bureaux ou de façon plus informelle.

Tout au long de ce stage, je remercie spécialement Peggy Pascal, responsable Afghanistan pour le Groupe URD, pour son encadrement constructif, son accueil, son organisation et sa motivation dans la réalisation de nos projets. Aussi, un merci sincère à Habib Haider qui a su nous convaincre des charmes de son pays et transmettre sa passion par son témoignage vivant.

En France, ce rapport n’aurait pas était tel qu’il l’est sans l’aide de Pascale Moity-Maïzi, que je remercie pour ses critiques et son investissement.

Enfin, merci à David et Claire pour leur complicité et à toi, Jean-Christophe, pour cette belle aventure.

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RESUME

Dans un contexte de post-conflit et d’une reconstruction en marche, l’Afghanistan fait l’objet de toutes les attentions des agents de l’humanitaire et du développement. En particulier, la question des femmes reste au cœur des préoccupations et les programmes se multiplient en faveur d’une « Gender Approach » ou d’un « Women’s Empowerment ». Est-ce toujours pertinent ? Ces programmes n’échouent-ils pas souvent car non adaptés à la demande des femmes ? De plus, les agents de développement considèrent le plus souvent les femmes afghanes comme un groupe homogène sans tenir compte de leur diversité.

Aujourd’hui, les programmes de sécurité alimentaire continuent de s’orienter davantage vers la « quantité » dans un oblectif de Food Security plutôt que vers la « qualité » de l’alimentation où la Nutrition Security apparaît comme essentielle. Dans l’idée de renforcer les liens entre l’urgence et le développement, il serait souhaitable d’encourager des programmes nutritionnels d’amélioration de la qualité de l’alimentation auprès des femmes. En effet, les femmes afghanes, en milieu rural, sont à l’interface des unités de production et de consommation, la préparation alimentaire est une de leurs activités principales et elles sont les premières concernées par l’état de santé des enfants. Ainsi, comment améliorer les programmes d’amélioration de l’alimentation au sein de programmes à destination des femmes en Afghanistan rural ?

Enfin, l’objectif majeur des programmes de développement reste la diminution de la vulnérabilité des ménages. Or les femmes sont des agents économiques essentiels à leur survie. Les projets à destination des femmes doivent donc permettre d’augmenter les revenus des ménages par les activités féminines mais aussi par une intégration des hommes, sans lesquels aucun programme n’est durable

MOTS CLES : Femmes – Afghanistan – Economie rurale – Maraîchage – Valorisation – Alimentation

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ABSTRACT

Women’s issue is central in the afghan reconstruction period. Many development programs are in favour of a “gender approach” and “women’s empowerment”. Are these programs always relevant and suitable? Lots of women’s programs fail because they are not adapted to the women’s real needs. They often consider women as forming a coherent group instead of taking into account women’s diversity.

Moreover, in post-conflict context, the current “food security” programs focus more on food quantity than on the quality of the diet. But on the long run, nutrition quality gets more important. In that case, supporting “nutrition security” too rather than only focusing on food security could improve the links between a relief approach and a development strategy. For this objective, women should be targeted. Indeed, women are responsible for many farming and non-farming production and for providing food to the household. Therefore, most of women’s tasks are food related and at the end, food preparation is the most important part of a woman activities. How can we improve nutrition security through women’s programs?

Finally, the main objective of development programs is to decrease households’ vulnerability. As a consequence, women’s programs have to move on to programs more profitable for both women and men.

KEY WORDS: Women – Afghanistan – Rural economy – Kitchen garden – Economic development – Nutrition

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SOMMAIRE INTRODUCTION......................................................................................................................................1 1 CHAPITRE I : EN QUOI LA QUESTION DES FEMMES EST-ELLE AU CŒUR DES PROBLEMATIQUES DE RECONSTRUCTION EN AFGHANISTAN ?...........................................2

1.1 RAPIDE « VUE D’ENSEMBLE » DE L’AFGHANISTAN:...................................................................2 1.2 LES ENJEUX DE LA RECONSTRUCTION EN LIEN AVEC LA QUESTION DES FEMMES. .......................3 1.3 LA PROBLEMATIQUE ................................................................................................................10 1.4 METHODOLOGIE D’ETUDE ET D’ANALYSE DES DONNEES..........................................................15 1.5 LES LIMITES D’UNE TELLE ETUDE.............................................................................................17

2 CHAPITRE II: VULNERABILITE DES MENAGES DE LA VALLEE DE BAHARAK......20 2.1 LA VALLEE DE BAHARAK, « L’EDEN » DU BADAKHSHAN. ......................................................20 2.2 LES COMMUNAUTES ACTUELLES : UNE MOSAÏQUE DE POPULATIONS. ......................................25 2.3 LA SEGREGATION DES FEMMES ENCOURAGEE : ........................................................................29 2.4 LES FETES TEMOIGNENT DE L’ATTACHEMENT DES FEMMES AUX TRADITIONS..........................30 2.5 L’ACCES DES FEMMES A DES METIERS SALARIES:.....................................................................30 2.6 LE NOUVEAU BAZAR DIFFUSE LE MODELE DES SOCIETES MODERNES. ......................................30 2.7 TYPOLOGIE DES MENAGES LES PLUS VULNERABLES.................................................................31

3 CHAPITRE III : LE ROLE DES FEMMES EN AGRICULTURE ET DANS L’ÉCONOMIE DES MENAGES. ......................................................................................................................................36

3.1 LES PRINCIPALES ACTIVITES DES FEMMES DANS LA VALLEE DE BAHARAK...............................36 3.2 FACTEURS DE DIVERSITE DES TACHES FEMININES ....................................................................36 3.3 LE ROLE DES FEMMES DANS L’AGRICULTURE...........................................................................39 3.4 LES FEMMES ABSENTES DE LA GESTION ECONOMIQUE DU MENAGE, UN A PRIORI ? ..................45

4 CHAPITRE IV : LES FEMMES AU SEIN DES DYNAMIQUES DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE.......................................................................................................................................53

4.1 LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA NUTRITION EN AFGHANISTAN.................................................53 4.2 DYNAMIQUE DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE DANS LA VALLEE DE BAHARAK.....................57

5 CHAPITRE V : IMPACT DES PROGRAMMES D’AFGHANAID .........................................68 5.1 DES PROGRAMMES POUR GROUPES VILLAGEOIS DE FEMMES. ...................................................68 5.2 LE PROJET DES JARDINS POTAGERS ..........................................................................................68 5.3 LES WOMEN RESSOURCE CENTER. ............................................................................................71 5.4 DES WOMEN’S GROUPS AUX SELF HELP GROUPS: .....................................................................72

6 CHAPITRE VI : AMELIORER LES PROGRAMMES DESTINES AUX FEMMES ............75 6.1 REPONSE A LA PROBLEMATIQUE : ............................................................................................75 6.2 PROPOSITIONS POUR LES PROGRAMMES DE KITCHEN GARDEN : ................................................77 6.3 REVALORISER LES ACTIVITES DE TRANSFORMATION: ..............................................................78 6.4 APPUYER LES DYNAMIQUES COLLECTIVES EXISTANTES. ..........................................................80 6.5 AMELIORER LES PROGRAMMES NUTRITIONNELS ......................................................................81 6.6 COORDONNER LES ACTEURS LOCAUX DU DEVELOPPEMENT .....................................................82

CONCLUSION.........................................................................................................................................84 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................85 TABLE DES ANNEXES..........................................................................................................................87 ABREVIATIONS ET ACRONYMES..................................................................................................148 GLOSSAIRE DES MOTS EN DARI....................................................................................................149 LISTE DES CARTES ............................................................................................................................150 LISTE DES FIGURES...........................................................................................................................151 LISTE DES GRAPHIQUES..................................................................................................................152 LISTE DES PHOTOGRAPHIES .........................................................................................................153 LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................................................154 TABLE DES MATIERES .....................................................................................................................155

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INTRODUCTION

L’Afghanistan tente aujourd’hui de se reconstruire suite à plus de 20 années de guerre. Face à cette situation de fragilité et suite aux évènements du 11 septembre 2001, ce pays fait l’objet d’un intérêt médiatique et humanitaire des plus élevés du monde.

La question des femmes est notamment au cœur des préoccupations du nouveau gouvernement afghan et des organismes internationaux. En effet, la condition féminine afghane subit encore souvent le jugement d’extrémistes « sexistes » et une pression sociale qui veut les reléguer à l’arrière plan de la vie publique. De plus, les femmes sont les premières victimes des difficiles accès aux soins de santé et à l’éducation. Les programmes en faveur des femmes se multiplient donc mais souffrent actuellement d’un manque de pérennisation. Face à ce constat, se pose la question : comment mieux les adapter aux attentes réelles des bénéficiaires et améliorer ainsi leur durabilité?

Par ailleurs, les principales perspectives de développement économique de ce pays à dominante rurale, s’orientent vers la production agricole. Or, l’agriculture afghane reste limitée par la rudesse de son climat et la pauvreté de ses sols. De plus, la fermeture des marchés durant les conflits a isolé et donc appauvri le pays. A l’heure de la mondialisation, les avantages comparatifs de l’Afghanistan semblent bien faibles. La question d’une re-valorisation des produits agricoles autrefois commercialisés dans le pays et à l’exportation est donc au coeur du débat de la relance économique, mais pour quels produits et comment organiser des filières rentables pour les ménages afghans?

Enfin, la situation sanitaire de la majorité des afghans est catastrophique. La malnutrition est un des premiers fléaux des taux de mortalité infantile. Dans un objectif de « sécurité alimentaire », les acteurs du développement ont surtout contribué à un apport « volumique » de nourriture sans parvenir à éliminer les problèmes de carences et d’équilibre alimentaire. Il est donc essentiel aujourd’hui de comprendre les enjeux véritables de l’alimentation afghane et de mettre en place de nouveaux programmes en vue d’une amélioration de l’alimentation, en particulier dans les zones rurales.

Ces trois questions d’ordre social, agro économique et nutritionnel peuvent être traitées autour d’une même clé de lecture : les femmes afghanes. C’est dans ce cadre d’analyse que s’inscrit cette étude commanditée par le Groupe URD en partenariat avec Afghanaid (AAD), une ONG présente dans le Badakhshan (nord-est). Le projet de ce stage a été d’avoir une compréhension plus fine de la situation des femmes dans l’économie rurale, à travers l’exemple d’une vallée de moyenne altitude, afin de proposer des pistes d’améliorations pour des projets qui visent à augmenter les revenus des ménages et à améliorer leur alimentation.

Afin de répondre à ces objectifs, ce mémoire sera articulé en six chapitres : le premier replacera le sujet des femmes dans le contexte de la reconstruction afghane. Le second présentera une synthèse du diagnostic de la vallée, réalisé en binôme, et qui permet de situer la place des femmes dans un contexte rural. Un troisième chapitre donnera une compréhension plus approfondie du rôle des femmes dans l’agriculture et dans l’économie des ménages. Le chapitre quatre rappellera les principaux enjeux de l’alimentation en Afghanistan, l’intérêt d’agir auprès des femmes pour ces programmes nutritionnels et une analyse des dynamiques de consommation alimentaire des habitants de la vallée. Un chapitre suivant sera consacré à une évaluation des projets d’AAD. Enfin, le dernier chapitre proposera des pistes d’améliorations pour les programmes de développement à destination des femmes et une réponse synthétique à la problématique.

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1 CHAPITRE I : EN QUOI LA QUESTION DES FEMMES EST-ELLE AU CŒUR DES PROBLEMATIQUES DE RECONSTRUCTION EN AFGHANISTAN ?

1.1 RAPIDE « VUE D’ENSEMBLE » DE L’AFGHANISTAN: L'Afghanistan (652.225 Km²) se trouve entre le Moyen-Orient et l'Asie. L'Iran, le

Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Pakistan et le Sin-Kiang chinois bordent les frontières afghanes, cette nouvelle république ne dispose d’aucun accès direct sur la mer. Les montagnes de l’Hindou Kusch qui s’étendent du sud-ouest au nord-est coupent le pays en deux. C’est un pays à 90% rural1, à la géographie physique très contrastée constituée principalement de montagnes et de déserts.

Il est situé à un carrefour de civilisations (aryenne, gréco bactrienne, bouddhique). Depuis le début du XXème siècle, le pays est à 98% musulman, époque à laquelle les dernières régions se sont converties à l'Islam. L’Afghanistan fut au cours des siècles le centre de plusieurs grandes dynasties de l'Asie centrale.

Carte 1: L'Afghanistan, une mosaïque de population (source : Le Monde Diplomatique, 1997)

Ses habitants (> 25 Millions) forment une mosaïque de populations (voir carte 1), originaires des cultures rurales turque, mongole, tadjike, persane et pachtoune nomade, récemment sédentarisée. Certains sont aussi issus d’une culture citadine depuis

1 La moitié des surfaces (soit 38 millions d’hectares) est utilisée soit par l’agriculture soit par l’élevage. Les terres arables ne concernent que 7 millions d’hectares, 50 % de ces terres sont irriguées (Source FAO, 2002).

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plusieurs millénaires. La langue véhiculaire de toutes les ethnies est le persan-dari qui est aussi la langue du savoir, de l'administration et du commerce, la deuxième langue officielle du pays est le pachtou, parlé par les populations d’ethnie pachtoune du sud. L’Afghanistan est une république islamique fortement sunnites (84 %) et les chiites ne représentent que 15 % (quelques hindous et sikhs comptent pour 1 %).

L'Afghanistan est l'un des pays les plus pauvres au monde. Son PIB annuel par habitant ne dépasse pas 820 USD et son indice de développement humain (IDH) le place au 169ème rang (sur 175 pays) en 1996 selon l'UNDP's Human Developement Report. Enfin, l’Organisation Mondiale de la Santé affirme que l'Afghanistan possède un taux de mortalité infantile proche de 25%. Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés, la croissance démographique est de 2,9 % et l'espérance de vie moyenne ne dépasse pas 43 ans. Toujours selon les mêmes sources, l’analphabétisme touche près de 50 % des hommes et plus de 80 % des femmes. Enfin, seulement 40 % des garçons sont scolarisés et 3 % des filles.

La capitale, Kaboul, est le principal pôle économique du pays, les autres villes importantes sont : Faizâbâd (Badakhshan), Herat, Kandahar, Mazâr-e Charif, Taloqan et Jalalabad. L’agriculture (blé, coton, fruits et légumes, ovins et caprins) constitue sa principale source de richesse ainsi que le secteur minier (exploitation de charbon, lapis lazuli, rubis, cuivre, or, argent, zinc, plomb, sel… ) Une autre ressource agricole permet à certains Afghans de gagner « beaucoup » d’argent, c’est la culture du pavot qui a explosé dans ce pays depuis quelques années (voir JC. Duchier, 2006, p.58).2

1.2 LES ENJEUX DE LA RECONSTRUCTION EN LIEN AVEC LA QUESTION DES FEMMES.

1.2.1 Améliorer la condition des femmes afghanes, plus qu’un enjeu médiatique

Malgré la récente Constitution afghane qui déclare égaux les hommes et les femmes de son pays, les droits des femmes sont encore bafoués. L’exemple de la lapidation publique d’une femme fin avril 2005 dans le Badakhshan est bien la preuve de la faible marge de liberté des femmes et du non respect de leurs droits. L’Etat semble impuissant à imposer ses nouvelles lois en faveur de cette catégorie de la population.

1.2.1.1 Rappel historique : la condition des femmes en Afghanistan depuis les années 70.

L’histoire de la condition des femmes afghanes est présentée de manière détaillée en annexe n° 1.

Le siècle dernier a d’abord connu une véritable avancée sociale de la condition féminine grâce à l’avènement du roi Amanullah. Durant son règne, en effet, les premières écoles de filles ouvrent leurs portes et de nombreuses femmes vont travailler dans les usines comme ouvrières ou même directrices d’usine. Les droits, peu à peu acquis par les femmes dans les années 20, concernaient surtout les citadines et les plus aisées mais ils ont permis à des générations de femmes de faire des études, de voyager, d’être soignées dans des hôpitaux et d’occuper des métiers aussi qualifiés que les hommes.

2 JC. Duchier, Blé ou pavot, les paysans ont choisi, Impact des programmes blé dans une vallée au nord de l’Afghanistan, rapport 2006, 189 p.

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En 1928, l’école devient obligatoire pour les garçons et les filles dans tout le pays. Les mariages ne sont autorisés qu’à partir de 18 ans, la polygamie est interdite. Mais ces règles étaient alors rarement observées dans les campagnes.

En 1959, alors que les femmes peuvent depuis 1947, aller à l’université, les afghanes reçoivent l’autorisation officielle de ne pas porter le Chadri3. En 1963, six femmes participent à la rédaction de la première Constitution du pays qui invite hommes et femmes au vote. La première femme ministre de la santé est désignée en 1965.

Un peu plus de dix ans plus tard, le début de la guerre contre les soviétiques marque l’entrée dans une ère de complet bouleversement pour l’ensemble du pays et notamment pour la condition des femmes afghanes.

L’histoire tragique des conflits successifs depuis la fin des années 70, le départ de milliers de réfugiés et la volonté politique des pays occidentaux ont encouragé la montée de l’islamisme et le retrait des femmes de

Photo 1 : Afghanes à Kaboul dans les années 70 (Source : www.negar.org)

la vie publique. Les femmes commencent alors à toutes porter la Burka dans les zones rurales. A Kaboul, jusqu’à l’arrivée des Talibans4 au pouvoir en 1996, de nombreuses femmes ont pu continuer tout de même à exercer des postes dans l’éducation, la santé et l’administration.

Les extrémistes religieux ont banni tous les droits acquis par les femmes durant le XXème siècle et ont installé une véritable terreur dans le pays. De nombreuses associations ont permis, par les médias, de faire connaître au monde la situation des afghanes et petit à petit des manifestations et des conférences ont pu défendre leurs droits auprès des instances internationales.

Depuis 2001 et le retrait des Talibans du gouvernement, de nouvelles lois tentent de restaurer la place des femmes à l’égal des hommes mais il faudra du temps avant que ces lois ne soient adoptées par l’ensemble du pays, notamment dans les campagnes.

1.2.1.2 Le nouveau ministère de la condition féminine. Lors des accords de Bonn en 20015, la question de la condition des femmes

afghane a été soulevée comme une des priorités de la reconstruction du pays. Dans la création du nouveau gouvernement, un ministère de la condition féminine (Women Affairs Ministry) a donc été institué.

3 Le Chadri ou la Burka désigne le grand voile qui recouvre les femmes des pieds à la tête avec juste un grillage en tissu au niveau des yeux. 4 Talibans : étudiants en théologie. 5Les accords de Bonn signés le 5 décembre 2001 ont posé les bases d’une nouvelle ère politique. (D’après le site www.senat.fr, sur : http://www.senat.fr/rap/r04-339/r04-3393.html, consulté le 23 janvier 2006)

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Lors de cette conférence il a été déclaré:

« Progress towards gender equality is a critical issue for us. …..First we will adopt measures to restore those rights to our women and girls that they were denied because of the segregationist policies of the Taliban and the threat to their personal security during periods of conflict. To support this, we will need to create women’s specific opportunities that will allow them to catch up with men and boys. Particular concerns are the re-instatement of women in employment and income-earning opportunities, up-grading women’s professional knowledge which has fallen out of date because of their years of exclusion, and enhancing their management skills and familiarity with modern technologies in the work place. These will call for specific programs directed to enhancing the capabilities of our girls and women.” (A.I., 20056)

Ce ministère a pour principaux objectifs de défendre les droits des femmes dans tous le pays, d’améliorer l’accès à la santé, à l’éducation et au sport pour les femmes ainsi que d’encourager le développement de micros entreprises féminines. Pour cela, différentes commissions ont permis de rassembler des fonds, comme celle du 8 janvier 2003 en présence de la ministre afghane de la condition féminine, Habiba Sorabi, du ministre des affaires étrangères afghan et de représentants de l’USAID (United States Agency for International Development). Cette agence de développement a débloqué des fonds pour la création de centres de formation et d’accueil des femmes dans 14 provinces ainsi que pour le soutien de programmes d’éducation destinés aux femmes.7

Depuis la création de ce Ministère, un « jardin » pour les femmes (Bâgh-e-zanâna) est ouvert à Kaboul. Il permet aux femmes de s’y promener librement, de suivre des cours d’anglais, de rencontrer un psychologue, de prendre le thé et même de faire quelques achats.

A Faizâbâd, la capitale du Badakhshan, une antenne du Ministère propose différents programmes en partenariat avec les Nations Unies et des ONGs. Par exemple, depuis le mois de juillet 2005, un projet de jardins potagers et d’ateliers de transformation des fruits et légumes se met en place à Faizâbâd avec les femmes.

Mais aujourd’hui, ce Ministère n’a pas les moyens humains et financiers suffisants pour gérer l’ensemble des problèmes relatifs à la condition des femmes en Afghanistan. Il est même souvent critiqué pour la lenteur de ses procédures, qui freine l’efficacité de ses programmes sur le terrain. Il n’empêche qu’il est un interlocuteur privilégié sur la scène internationale pour défendre la condition des femmes afghanes et représente une note d’espoir dans la reconstruction de ce pays.

1.2.2 S’acheminer vers une démocratie plus paritaire. 1.2.2.1 Centralisation du gouvernement et démocratisation :

Sur la scène internationale, l’Afghanistan conserve depuis plus d’un siècle une place stratégique pour les grandes puissances8. Les tensions entre les empires russe et anglais au 19eme siècle, ont placé l’Afghanistan au centre du « Grand jeu ». Au cours de la fin du siècle dernier le pays a connu l’invasion soviétique puis la montée du parti extrémiste religieux des Talibans. Depuis les événements du 11 septembre 2001, les

6 D’après le Gender Report de la Banque Mondiale, 2005, p.1 (Auteur Inconnu). 7 D’après le communiqué de presse Availability at the Ministry of Women's Affairs sur le site de www.state.gov (http://www.state.gov/p/sa/rls/rm/16478.htm, consulté le 27 janvier 2006). 8 Un tableau récapitulatif des principales phases de l’histoire afghane est présenté en annexe n°2, les paragraphes qui traitent l’Histoire de l’Afghanistan sont basés sur les lectures de G. DORONSORO (2000) et de M. BARRY (2002).

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Nations Unies, avec les Etats Unis en tête, ont pris l’Afghanistan comme ligne de mire des politiques anti-terroristes. Ainsi, le nouveau gouvernement afghan est sous l’emprise des instances internationales et n’a qu’une faible marge de manœuvre en terme de politiques interne et externe. Le pouvoir du président Karzaï est donc relatif malgré le support médiatique dont il fait l’objet.

Afin de maintenir la paix et son autorité sur la majorité de son territoire, l’état afghan doit contrôler ses provinces. Ainsi, les récentes élections de septembre 2005 pour les parlementaires9 sont sensées améliorer les relations du gouvernement central de Kaboul avec les capitales de provinces et mieux coordonner leurs actions pour une plus grande unité de l’état.

Le découpage administratif du pays est ancien, il est composé de 31 provinces dirigées par un gouverneur, nommé par le gouvernement central. L’Hazaradjat est la seule province afghane à avoir une femme à sa tête.

Carte 2: Les 13 districts de la province du Badakhshan (source Bassira.net)

La province du Badakhshan, dans le nord-est du pays (carte n°2) est découpée en 13 districts, gérés par un gouverneur désigné par le chef de province. Cette région, fortement marquée par la guerre civile entre les seigneurs de guerre locaux, a du mal encore aujourd’hui à croire en ces dirigeants officiels, venus souvent d’autres régions. L’élection d’un nouveau gouvernement et la volonté de centraliser les décisions relatives au développement du pays ne sont pas sans conséquence sur les modes de vie locaux. La description de la situation des femmes dans la vallée de Baharak permettra d’illustrer, dans le chapitre suivant, ces bouleversements sociaux.

9 Elections parlementaires : le 18 septembre 2005 une chambre des députés a été élue ainsi que des responsables de province. Dans le Badakhshan 20 représentants ont été élus dont 9 femmes, un quota minimum de femmes ayant été instauré avant les élections.

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1.2.2.2 Création de nouvelles dynamiques villageoises : Chaque district est divisé en « sous districts » puis en communes ou groupes

villageois. Traditionnellement dans le Badakhshan, ces groupes appelés shura existaient pour les hommes rattachés à une même mosquée10, ils avaient pour objectif de gérer les litiges entre les villageois et de décider des différents travaux communautaires. Seuls les hommes y étaient admis et les responsables appelés arbobs étaient souvent choisis parmi les plus anciens et les familles les plus riches de la localité. Pendant les années de guerre civile qui ont succédé à la guerre contre l’URSS, les chefs de guerre ont fait appel à ces instances traditionnelles du pouvoir local pour la gestion du ravitaillement des soldats et la contribution des villageois aux efforts de guerre. De nouveaux représentants, appelés namahindas ont donc été élus et continuent aujourd’hui d’exercer leur fonctions de liaison entre l’état et les territoires communaux. Ils sont rétribués par les membres de la shura en blé et en argent.

Depuis un an, un programme financé par la Banque Mondiale, en partenariat avec le gouvernement afghan et des ONGs, vise à démocratiser la gestion des espaces communaux et à rassembler les villageois autour de projets communs. Ce programme appelé N.S.P. (National Solidarity Program) doit permettre à des groupes d’hommes et de femmes, séparément, de mener un projet d’intérêt commun (canalisations, construction d’un puit, d’une clinique ou d’une école,…) à partir d’un budget fixé et de méthodes participatives. Ces projets sont suivis par un personnel formé et employé par les ONGs.

Dans la pratique, ces programmes sont souvent critiqués mais restent le seul moyen actuel pour le gouvernement d’agir concrètement dans les communautés les plus reculées du pays et de reconstruire des identités collectives autour d’intérêts et de biens communs. Ce programme est aussi novateur car les femmes y sont impliquées au même titre que les hommes aussi bien en tant que bénéficiaires que comme agents de formation (Social Organizer) des groupes de femmes.

1.2.3 Mieux contrôler les pouvoirs traditionnels dans les zones rurales:

Du côté des autorités traditionnelles afghanes, les jeux de pouvoirs sont multiples et souvent difficiles à élucider, tout particulièrement dans le monde rural.

Tout d’abord, le pouvoir des Mollahs, chefs religieux musulmans est incontestable. Dans le district de Baharak, (district du Badakhshan), le devoir des fidèles est de payer chaque année un due à la mosquée (Osher) et de pourvoir à l’alimentation des Mollahs. Ces chefs religieux exercent une réelle pression sociale sur les habitants, en particulier sur la condition des femmes et l’éducation. Par exemple, à Baharak, certains Mollahs prônent un refus de la scolarisation des enfants, le retrait des femmes de métiers hors de l’enceinte de leur maison, ou encore les dangers de la télévision dans les foyers. Même s’ils sont souvent contestés par les habitants de la vallée, aucun homme n’ose s’opposer ouvertement à ces orateurs influents. Ils sont aussi réputés pour détenir des pouvoirs sacrés et de nombreuses femmes n’hésitent pas à avoir recours à leur « soins » lors de pathologies corporelles ou psychologiques11.

D’autre part, le pouvoir des anciens chefs de guerre est maintenu dans de nombreuses régions. Dans le Badakhshan, certains d’entre eux ont pu accéder à des postes gouvernementaux mais la plupart continuent d’exercer leur autorité de manière 10 La mosquée permet souvent de délimiter un territoire villageois ou une communauté. 11 Certains programmes de l’UNICEF comprennent la formation des Mollahs pour les conseils aux femmes enceintes et qui allaitent.

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informelle. Ils sont souvent parmi les plus grands propriétaires de terre et d’animaux. Dans la vallée de Baharak, beaucoup se sont reconvertis dans la production et la transformation de pavot et font pression sur les autres producteurs pour garder un monopôle comme transformateurs (J.C. Duchier, 2006, p.33). Leur niveau de richesse leur permet souvent de se marier plusieurs fois et certaines jeunes filles pauvres leur sont « vendues » en échange de biens pour leur famille. Ce commerce autour des toutes jeunes femmes est encore malheureusement couramment pratiqué en Afghanistan.12

Tant que ces différents pouvoirs ne seront pas régulés et contrôlés par un pouvoir central légitime, il sera très difficile de faire progresser durablement la reconstruction du pays. C’est pourquoi, la situation actuelle de l’Afghanistan est très fragile et peut encore basculer dans une guerre motivée par les extrémistes religieux ou les anciens seigneurs de guerre.

1.2.4 Rendre plus pertinents les programmes de développement à destination des femmes.

1.2.4.1 Les difficultés du passage de l’urgence au développement:

Les organisations humanitaires et de développement sont parmi les plus nombreuses du monde en Afghanistan. Durant les années de guerre, les ONGs d’urgence et les institutions internationales comme les Nations Unies ont permis d’apporter de nombreux secours aux réfugiés et aux rescapés des conflits à Kaboul et dans les provinces. Dans le nouveau contexte de la reconstruction, les organismes de développement prennent le relais, soit en ouvrant de nouvelles institutions, soit en orientant celles de l’humanitaire vers des objectifs de développement. Ces changements sont souvent difficiles à mettre en oeuvre car ils bouleversent le fonctionnement mais aussi l’application des programmes sur le terrain, par ce type d’organisation.

L’exemple des programmes à destination des femmes illustre bien la complexité de ces nouveaux liens entre urgence et développement. En effet, durant les années de guerre, les organisations internationales en Afghanistan ont cherché à agir rapidement et surtout de manière visible auprès des populations. Les programmes de distribution alimentaire, de construction de routes et de ponts, d’ouvertures d’hôpitaux d’urgence étaient au centre de leurs actions. Les causes sociales comme l’amélioration des conditions de la femme afghane ne faisaient donc pas partie de leurs premiers intérêts.

Aujourd’hui, les bailleurs parlent tous de Gender Approach (voir encadré suivant) et cherchent à financer des programmes en faveur de la défense des droits de la femme, de la valorisation des activités féminines. Pour la plupart des agents de développement, il s’agit là d’une problématique nouvelle qu’ils doivent s’approprier pour continuer à faire vivre leur organisation et pour rester pertinents sur le terrain. Ceci impose souvent une remise en question et une plus grande flexibilité de leur fonctionnement.

12 « On estime généralement que 60 à 80% des mariages en Afghanistan sont des mariages forcés, que ce soit pour libérer une famille d'une dette envers une autre ou simplement sur imposition parentale. » (Droits des femmes et mariages forcés en Afghanistan, organisation instituée officiellement en juin 2002, d’après le site d’Amnesty. Asso.fr, consulté le 27 janvier 2006 sur http://www.amnesty.asso.fr/02_agir/24_campagnes/vcf/mars2005/afghanistan.htm)

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“The concept of gender refers to women’s and men’s roles and relationships which are shaped by social, economic, political and cultural factors rather than by biology. Gender, moreover, is a dynamic concept which examines the nature of these roles and relationships between women and men in the context of the perspectives and beliefs of society. These socially constructed roles and relationships have a direct bearing on the health and well being of both sexes. A gender perspective helps identify the inequalities between women and men which in the field of health can lead for both to increased illness or death from preventable causes.” 13

1.2.4.2 Des programmes souvent mal adaptés à la demande des femmes.

Le principal problème rencontré par les ONGs est la précarité de certains programmes, souvent lié au manque de mobilisation des bénéficiaires. Dans les zones rurales comme dans le Badakhshan, les cours d’alphabétisation pour les femmes sont souvent victimes de cet échec car les femmes ne voient pas toujours l’intérêt d’assister à des cours qui ne leur apportent apparemment rien de concret pour leur foyer. Elles ne viennent donc plus aux cours et les professeurs sont découragés.

De même, dans l’artisanat, les programmes ne sont pas toujours « en phase » avec la réalité. A Baharak par exemple, des stages de fabrication de tapis ont été proposés (gratuitement) aux femmes de la vallée. Aujourd’hui, celles qui ont suivi cette formation déclarent : « Nous n’avons pas de laine ni de métier à tisser pour ces tapis, de plus, nous ne sommes pas dans une région traditionnellement productrice pour ces tapis, il nous est donc impossible de les vendre car il n’y a pas de marché ici. Nous sommes contentes d’avoir suivi ce stage mais ça ne nous sert à rien aujourd’hui.»

1.2.4.3 Le manque de coordination entre les organismes de développement met en péril leurs liens avec les bénéficiaires.

J’ai eu l’occasion de visiter un village, dans la vallée de Baharak, qui possède deux groupes d’alphabétisation et trois groupes d’éducation à la santé. La même femme, issue d’une famille aisée, a été choisie comme responsable des deux groupes implantés par des ONGs (basées à Faizâbâd) et cumule ainsi deux petits salaires. Par contre, dans le village voisin, aucun groupe n’a été formé et aucune ONG n’est présente… On comprend alors les réactions de jalousie de la part des femmes de ce village et les critiques violentes de certaines villageoises envers les ONGs…

Ce constat n’est pas celui d’un cas isolé. Les agents du développement prennent rarement le temps de se réunir entre différents organismes et de se coordonner. Ce manque de coordination augmente les tensions entre habitants d’une même zone et diminue la crédibilité des ONGs vis à vis de leurs bénéficiaires entraînant confusion, suspicion et démobilisation.

13 Marianne Haslegrave, Commonwealth Medical Association, sur le site www.un.org consulté le 17 janvier 2005 à l’adresse suivante: http://www.un.org/womenwatch/daw/csw/role_ngo.htm.

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Cette vue d’ensemble de l’Afghanistan pose le décor de la situation encore fragile de ce pays qui sort de plus de 20 années de guerre. La reconstruction afghane est lancée et tente de rassembler le peuple afghan autour d’une même autorité et de projets d’intérêts communs. Les femmes afghanes sont partie prenante de cette reconstruction mais leur voix est encore difficile à réentendre dans une société où elles ont été complètement écarté de la vie publique. Les programmes d’ONGs en leur faveur se multiplient mais sont souvent confrontés à une grande précarité car ils sont mal adaptés à la réalité des bénéficiaires.

Quel est, dans ce contexte, l’objectif d’une telle étude et comment sera-t-elle analysée ?

1.3 LA PROBLEMATIQUE 1.3.1 Qui sont les demandeurs d’une telle étude ? 1.3.1.1 Le Groupe URD :

Le Groupe URD (Urgence Réhabilitation et Développement) est emblématique du mouvement de l’aide internationale puisque c’est une ONG française née d’un groupe de discussion dans les années 90 autour d’une question: Comment relier l’action humanitaire aux actions de développement dans les situations de post-urgence?

Le Groupe URD se donne pour mission de :

« - Favoriser la pénétration d'idées novatrices qui remettent en cause de nombreux réflexes au sein du monde associatif comme chez les bailleurs de fonds et les pouvoirs publics.

- Poursuivre les recherches théoriques et pratiques puisque l'actualité l'impose : sorties de crises difficiles, préparation aux catastrophes, espoir de prévention des conflits, modalités des partenariats dans la turbulence, nouvelles contraintes de sécurité, réforme de l'appareil de l'Aide Publique en France et vraisemblablement bientôt de la Commission Européenne, etc.

- Former les acteurs de l'humanitaire, en insérant toute une série de modules tenant compte des acquis des recherches de terrain au sein de diverses formations spécialisées.»14

Pour cela, l’ ONG agit sur plusieurs continents et a ouvert un bureau permanent à Kaboul depuis février 2005. Ses actions en Afghanistan sont de trois types: formation, recherche et évaluation. Dans ce cadre, le Groupe URD mène un projet de recherche-action, le programme LRRD (Linking Relief Rehabilitation Development Program) prévu de 2004 à 2006 afin d’approfondir les connaissances sur l’Afghanistan dans les secteurs de l’agriculture, la santé, l’urbanisme et les ressources en eau.

Ce stage s’inscrit dans ce programme, dans le secteur de l’agriculture et en partenariat avec une autre ONG, Afghanaid.

1.3.1.2 Afghanaid (AAD) AAD est une ONG britannique présente en Afghanistan depuis plus de 20 ans.

Elle a démarré au Pakistan auprès des réfugiés afghans en 1984 et se situe aujourd’hui dans quatre régions de l’Afghanistan. Sa politique actuelle est de ne commencer aucun projet sans une motivation des communautés locales. Ainsi, elle forme ses agents aux méthodes participatives collectives et diversifie ses actions pour mieux répondre aux demandes des bénéficiaires. AAD ne travaille qu’avec du personnel afghan sur le

14 D’après le site de www.urd.org, consulté le 20 janvier 2006, sur http://www.urd.org/defurd/misfonct.htm

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terrain, nous étions donc les deux seuls expatriés de la zone durant notre séjour de cinq mois à Baharak.

Dans le Badakhshan, AAD agit dans les domaines de la santé, l’agriculture, des organisations villageoises (type NSP), de la micro finance et de l’élevage. Auprès des femmes de la vallée de Baharak, AAD a mis en place depuis trois ans un projet de jardins potagers et de transformation des fruits et légumes. Cette ONG embauche quatre femmes dans le district de Baharak, chargées de mettre en place et de suivre des programmes à destination des femmes. L’analyse de ces programmes pour des voies d’améliorations, en particulier pour le projet des jardins potagers, sera présenté dans les chapitres cinq et six de ce rapport.

C’est AAD qui a demandé au Groupe URD la réalisation de cette étude ainsi que celle de JC Duchier afin d’apporter un regard « neuf » sur ses projets agricoles dans la vallée de Baharak ainsi que des propositions concrètes d’amélioration pour ses projets.

1.3.2 En quoi le sujet de l’étude a-t-il évolué depuis l’arrivée sur le terrain et quels en ont été les nouveaux objectifs?

La demande initiale, formulée par le Groupe URD, était d’analyser les systèmes agraires15 du district de Baharak avec une attention particulière portée sur le rôle des femmes dans l’agriculture et d’évaluer l’impact du projet des jardins potagers d’AAD, sur les plans nutritionnels, sociaux, techniques et économiques. Suite à cette phase d’évaluation, il m’était demandé de proposer des améliorations concrètes en vue de modéliser le fonctionnement d’un projet de ce type, pour d’autres régions de l’Afghanistan.

Dés mon arrivée, j’ai compris que les axes d’étude de la demande seraient quelques peu élargis. En effet, au cours des premières enquêtes de diagnostic agraire, j’ai eu besoin de comprendre en quoi le rôle des femmes avait évolué au cours des 30 dernières années et leur place aujourd’hui dans les prises de décisions et dans la gestion économique du ménage.

De même, le projet des jardins potagers mené par AAD à Baharak s’inscrivait dans les Women’s Groups16 qui ont pour autre mission de développer la micro finance auprès des femmes pour développer toutes sortes d’activités et de les former à la prévention sanitaire. Finalement, il m’est apparu évident et plus pertinent d’étudier les impacts de l’ensemble des programmes en faveur des femmes proposés par AAD, plutôt que de limiter l’évaluation aux seuls jardins potagers.

De plus, les conseils d’une nutritionniste co-encadrant de ce stage, Charlotte Dufour17, m’ont conduit à approfondir la question des enjeux de l’alimentation dans la vallée de Baharak. Le principal intérêt de ces enquêtes devait être de connaître les différents comportements alimentaires des ménages, de déterminer quels étaient les facteurs de cette différenciation et de voir s’ils correspondaient à ceux de la typologie du diagnostic agraire (voir méthodologie dans la suite de ce chapitre).

15 Voir annexe n° 3 sur l’approche systémique. 16 Les Women’s Groups sont des groupes villageois formés par AAD. Leur analyse est présenté dans le chapitre cinq de ce rapport. 17 Charlotte Dufour est nutritionniste et a travaillé pour le Groupe URD en 2005 en Afghanistan, dans la branche nutrition-santé.

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12

Mon sujet s’articule donc selon trois volets d’études :

L’évolution de la place des femmes dans l’organisation de l’agriculture et de l’économie des ménages, du district de Baharak.

L’analyse des comportements alimentaires à Baharak et les améliorations possibles pour les programmes de développement en lien avec l’alimentation.

Les limites et atouts des projets d’AAD avec les femmes et les pistes d’améliorations concrètes.

1.3.3 Quelles sont les hypothèses de travail ? Dans ce contexte et compte tenu de ces trois « volets », on peut formuler deux

grandes questions qui synthétisent notre problématique :

Dans la reconstruction de l’Afghanistan, en quoi la compréhension des activités des femmes met en lumière l’intérêt de leur reconnaître un rôle central afin de diminuer la vulnérabilité des ménages et d’améliorer la qualité de l’alimentation (elle-même liée à l’agriculture)? Comment les ONGs peuvent elles améliorer leurs programmes à destination des femmes, en zone rurale, pour de véritables objectifs de développement et non pour répondre à l’engouement médiatique porté aux femmes afghanes?

Quatre questions majeures peuvent être posées à partir de là, qui correspondent aux différents axes d’études de ce mémoire. Tout au long de ce rapport, la réponse à ces questions est argumentée, puis présentée de manière synthétique dans le dernier chapitre de recommandations.

Nos hypothèses de travail sont issues de différentes lectures (ouvrages et articles) sur l’Afghanistan ainsi que de la rencontre de personnes « ressources » avant de partir et sur le terrain. Elles sont évidemment articulées aux deux grandes interrogations ci-dessus et aux quatre questions ou axes de notre étude.

1ère question : Dans une société où les femmes sont visiblement mises à part, quelle est leur place réelle dans la vie économique des ménages?

1ère hypothèse : Les femmes n’ont pas d’accès à une forme d’indépendance financière.

Le contexte afghan est tel que la fracture sociale entre hommes et femmes s’est accentuée pendant les guerres successives, notamment durant l’oppression des Talibans. Les femmes afghanes des zones rurales semblent recluses dans l’enceinte de leur habitation pour des activités qui ne permettent pas de dégager un revenu. De plus, elles subissent souvent l’interdiction d’accéder au marché et ne peuvent donc espérer vendre une quelconque production. Comment, dans ces conditions, s’assurent-elles ou pas d’une indépendance financière minimale et celle-ci a-t-elle du sens pour le ménage agricole aujourd’hui?

2ème hypothèse : Les femmes sont des agents économiques essentiel du ménage, historiquement et quel que soit leur statut.

Même si les femmes n’ont presque jamais de revenu, il serait faux de croire que la société rurale afghane se passe de la moitié de sa main d’œuvre pour dégager des richesses de ses activités. La société afghane a dû en effet faire face à de nombreuses crises comme celles des années de guerre et de sécheresses. De même, la culture du

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pavot dans le Badakhshan, qui a fait la une de plusieurs reportages18, a d’énormes besoins en travail pour la récolte. Les femmes seraient donc parties prenante des activités agricoles et des stratégies de survie des ménages afghans. Leur rôle serait même primordial pour la capacité de résilience des ménages.

2éme question : Y a-t-il des facteurs qui différencient les rôles des femmes ? 3ème hypothèse : La place des femmes dans la société rurale est, pour partie,

influencée par leur localisation géographique et sociale.

Le déferlement médiatique autour de la femme afghane est souvent responsable d’une catégorisation unique de l’ « afghane » comme un être opprimé, caché sous une Burka et maltraité par son mari dans l’esprit des occidentaux.

Pourtant, il est facile de se rendre compte, une fois dans le pays, de la limite d’une telle vision. Déjà, entre la capitale et le monde rural, les femmes ne vivent pas dans les mêmes conditions et de nombreuses afghanes sortent aujourd’hui sans Burka dans les rues de Kaboul. Les jeunes citadines ont davantage accès à l’université et au bazar que dans les campagnes. De même, chez les Hazaras19, la plupart des femmes travaille dans les champs et n’est pas voilée entièrement. Dans la vallée de Baharak, la diversité des femmes est moins visible qu’entre deux régions distinctes d’Afghanistan. Néanmoins, on peut y rencontrer différentes classes sociales et les villages n’y sont pas tous identiques. On peut donc émettre l’hypothèse que leurs rôles diffèrent selon l’endroit où elles habitent.

Les ONGs auraient donc tout intérêt à adapter leurs interventions aux espaces sociopolitiques ou géographiques dans lesquels sont présentes différentes catégories de femmes.

3ème question : En quoi la qualité de l’alimentation est-elle un enjeu pour les programmes de développement?

4ème hypothèse : Les programmes alimentaires ne se préoccupent pas de la qualité alimentaire en lien avec les femmes.

Durant les conflits, les ONGs d’urgence se sont focalisées en grande partie sur la question de la « sécurité alimentaire » dans leurs programmes. Aujourd’hui, le contexte de post-conflit impose de faire évoluer ces programmes afin de répondre aux besoins des bénéficiaires. Hors, malgré les distributions alimentaires et l’amélioration de la production agricole dans de nombreuses provinces, les ménages continuent de souffrir de maladies liées à la malnutrition. De plus, l’ouverture des marchés donne aujourd’hui accès à l’importation de nombreux produits manufacturés destinés à l’alimentation et disponibles dans les zones rurales telles que Baharak. Enfin, ce sont les femmes qui sont les premières concernées par l’alimentation et sa qualité. En effet, elles sont responsables de la préparation des repas qui déterminent l’état de santé des membres du foyer.

Il semble alors que l’urgence pour la santé des populations afghanes rurales soit davantage liée à une amélioration de la qualité de l’alimentation qu’à un apport en volume de nourriture d’une part ; et que l’amélioration de la qualité alimentaire doive se faire en étroite coordination avec les femmes.

18 Par exemple le reportage d’Arte, « L'or est vert en Afghanistan », réalisé par Harald Brand et Ghafoor Zamani, diffusé le 22 février 2005. 19 Les Hazaras forment une ethnie (environ15% de la population afghane) surtout présente dans le centre du pays, en Hazaradjat, et sont de religion musulmane chiite.

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4ème question : Comment relancer l’économie locale tout en valorisant davantage les activités des femmes?

5ème hypothèse : La diversification des activités agricoles, notamment autour de la transformation des produits, par les femmes, permet d’encourager le développement agricole d’une zone enclavée et la diversification (ou l’amélioration) de l’alimentation des ménages.

Dans son rapport, JC Duchier montre que pour la plupart des ménages de Baharak, il est moins rentable de cultiver des céréales vivrières comme le blé que d’acheter ou de recevoir de la farine, directement fournie par les diverses aides internationales ou produite dans des régions de plaines plus productives, accessibles au marché.

Le paysage accidenté d’une zone comme Baharak ainsi que la destruction de nombreuses infrastructures durant les conflits ont entraîné un fort enclavement et donc un « cloisonnement » du marché. Les conséquences sur l’agriculture locale sont prévisibles: les produits de l’agriculture souffrent d’un manque d’organisation en amont et en aval de leurs filières. Aussi bien pour les intrants que pour la commercialisation, une seule culture répond aux contraintes de cet environnement: le pavot à opium.

Les programmes agricoles doivent pour leur part proposer des alternatives. Les propositions d’amélioration de cette agriculture devraient aller vers l’identification d’activités agricoles diversifiées permettant de dégager une plus value. Ces activités pourraient être soutenues par des programmes à destination des femmes dont le rôle est notamment orienté vers la transformation des produits.

6ème hypothèse : La valorisation des activités féminines passe par le soutien et l’organisation de dynamiques collectives.

En zone rurale, le niveau de scolarisation est très faible, surtout pour les filles, ce qui entraîne un fort taux d’analphabétisme et rend la population féminine plus vulnérable sur les plans politique et économique.

Face à ces contraintes, l’appui des femmes en Afghanistan rural passerait par des actions d’insertion sociale, de formation à de nouveaux systèmes d’activités et par un travail d’organisation des femmes autour de projets collectifs. L’opportunité du projet d’AAD réside justement dans l’émergence de collectifs pour envisager de nouveaux projets avec elles.

7ème hypothèse : Les programmes de jardins potagers d’AAD tentent de répondre à ce double objectif mais ne touchent pas les plus pauvres.

Les cultures maraîchères ont des besoins en eau et en intrants coûteux. Par ailleurs, pour les commercialiser, les techniques de conservation peuvent nécessiter du matériel et un savoir-faire spécifique. Le projet des jardins potagers est donc peut-être réservé à une certaine catégorie de femmes qui détient ces moyens de production; une partie de la population ne peut donc y accéder.

Finalement, si l’on devait caractériser cette problématique d’étude, il s’agit pour nous d’articuler dans l’analyse une évaluation des projets à destination des femmes, avec une évaluation de leurs positions économique, sociale voire politique, dans les systèmes d’activités, en privilégiant les activités liées à l’alimentation des ménages (pour construire cette double analyse).

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15

1.4 METHODOLOGIE D’ETUDE ET D’ANALYSE DES DONNEES. J’ai réalisé cette étude sur une année, dont 6 mois en Afghanistan, de juin à

décembre 2005. Cette phase de terrain a été complétée par une période de préparation du stage et, au retour, de deux mois de rédaction et de traitement des données.

La phase de terrain s’est organisée en cinq temps : trois périodes courtes à Kaboul au siège du Groupe URD et deux séjours de 3 et 1.5 mois dans le Badakhshan avec l’ONG AAD et en binôme avec JC. Duchier.

Plus spécifiquement, les différentes périodes de mon stage m’ont orienté vers la mobilisation d’outils méthodologiques précis. En effet, afin de répondre aux questions soulevées par la problématique, j’ai eu recours à différentes méthodes de recueil de l’information et différents outils théoriques et techniques de traitement des données. Ces aspects méthodologiques sont présentés dans le tableau suivant (tableau 1), de manière chronologique. Les lignes en grisé correspondent aux phases de terrain.

Une description détaillée de ce calendrier de travail est présentée en annexe n°4. Tableau 1 : Méthodologie de l'étude (2006)

Péri

odes

Thèmes des périodes.

Outils théoriques pour axes d’étude

Méthodes de recueil de l’information

Outils de traitement des données

Févr

ier-

juin

Clarification des axes et des méthodes d’étude.

- Recherche bibliographique

- Témoignages de personnes « ressources ».

- Calendrier prévisionnel de travail

- Enoncé d’une 1ère problématique et de ses hypothèses

Juin

-jui

llet (

1 m

ois)

La place des femmes dans le fonctionnement de l’agriculture du district de Baharak et les enjeux sociaux, techniques et économiques de cette zone.

Début de réponse à la 1ère et à la 2ème questions.

Diagnostic agraire (approche systémique, voir annexe n°3)

- Approche socio-économique20 en binôme avec JC Duchier.

- Choix d’une dizaine de village dans la vallée et de deux villages sur les pentes21

- Echantillonnage aléatoire d’une 20aine de femmes dans les villages choisis (2/village)

- Entretiens semi directifs

- Guide d’entretien

- Zonage

- Schémas de l’histoire sur la zone (voir annexe n°10)

- Emplois du temps journaliers « types » d’une femme.

- Typologie : vulnérabilité des ménages22 selon les systèmes d’activités agricoles et non agricole.

20 Cette approche prend en compte la « complexité du fait alimentaire » dans ses dimensions, sociales, techniques, économiques et culturelles (N. BRICAS, 1998, p.12-13). 21 Voir partie suivante sur les limites de l’étude. 22 D’après la définition de l’INSEE, le ménage « est constitué de l'ensemble des personnes qui vivent dans le même foyer». Il peut ainsi désigner l’unité de consommation dans laquelle l’ensemble des membres partage le même revenu afin de se nourrir. Nous avons donc choisi d’enquêter des ménages car ils constituent la plus petite unité économique qui ai un sens dans la comparaison de leur niveau de vie. En effet, l’objectif de ce diagnostic est bien de différencier les foyers les plus vulnérables afin d’orienter davantage les programmes de développement en faveur de ces derniers.

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16

Juill

et-

août

(3 se

mai

nes)

Les enjeux de l’alimentation dans la vallée de Baharak.

Réponse à 3ème question.

Pour la compréhension de la consommation23 :

- Fonctions de la consommation alimentaire

- Modèles et styles alimentaires

- Evolution des concepts de sécurité alimentaire

- Facteurs déterminant l’évolution des styles alimentaires.

Concept de « qualité » dans l’alimentation.

- Echantillonnage de 22 femmes représentatives de l’ensemble des types de ménages du diagnostic et dans les villages déjà visités.

- Guidelines de Ch. Dufour (voir annexe n°)

- Outil pédagogique participatif sous forme de jeu (voir annexe méthodologie détaillée n°).

- EBC24

- Mesures de fréquence des aliments consommées

- Liste d’aliments du NRVA25 (recension)

- Méthode du «jour précédent » (voir annexe n°)

- Outils de l’anthropologie des techniques et des savoirs.

- Typologie des consommateurs selon leur accès à une alimentation de « qualité ».

- Construction de graphiques : quantités et fréquences d’aliments consommés.

- Tableau des aliments disponibles selon la saison au bazar de Baharak et dans les ménages.

- Tables de composition des aliments de la FAO26.

Aoû

t

(2 se

mai

nes)

Evaluation des programmes d’AAD à destination des femmes.

Début de réponse à la 4ème question.

Anthropologie des projets participatifs

- Entretiens semi directifs et discussions informelles avec le personnel féminin et masculin d’AAD à Baharak et dans les districts voisins.

- Entretiens semi directifs avec des femmes bénéficiaires des projets.

- Initiation à l’approche participative lors des entretiens avec les groupes de femmes menés par AAD.

- Classification : atouts et contraintes des programmes d’AAD.

- Initiation à l’outil d’évaluation du « Compas Qualité » du Groupe URD27.

Sept

embr

e

(1 m

ois)

Critique des résultats à mi-parcours.

- Présentation orale aux responsables d’AAD.

- Synthèse du diagnostic

- Plan détaillé de l’étude et construction de la problématique.

23 D’après le cadre conceptuel et méthodologique de N. Bricas, 1998, p.9-12 24 Enquêtes Budget Dépense (N. Bricas, 1998, p.17). 25 National Risk and Vulnerability Assessment (cf Methodology for the National Suveillance System for Afghanistan, WFP, 2003, p.28-29.) 26 FAAH (Food, Agriculture, Animal Husbandry and Information Management and Policy Unit), 2004. 27 D’après une mini-formation au « Compas Qualité » par P.Pascal du Groupe URD et l’utilisation du CD-rom interactif pour l’évaluation des ONGs (voir sur le site de www.urd.org).

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17

Oct

obre

-Nov

embr

e

(1 m

ois e

t dem

i) Approfondissement des axes d’étude précédents et tentative d’étude des réseaux (formels et informels) de femmes.

Enrichissement des réponses à toutes les questions.

Concept de réseaux (de femmes en zone rurale)28.

« Mini étude » de marché des produits issus de la transformation agricole.

- Choix des enquêtées selon les questions issues du bilan de mi-parcours à Kaboul.

- Entretiens semi directifs avec des femmes.

- Participation personnelle aux préparatifs de l’Eïd29.

- Entretiens informels de groupes de femmes.

- Enquêtes au bazar auprès de 3 revendeurs.

- Schématisation des challenges des programmes d’AAD et des pistes d’améliorations concrètes.

- Outils de l’anthropologie des techniques et des savoirs.

- Tableau de prix du bazar.

Nov

embr

e (1

0 jo

urs)

Participation à une étude en Hazaradjat sur la place des femmes dans les systèmes de production et les améliorations possibles pour les programmes d’Oxfam en faveur des femmes.

Enrichissement des réponses à toutes les questions.

Diagnostic agraire

- Trinôme « mixte » d’enquêtes

- Entretien semi directifs auprès d’une dizaine de femmes.

- Echantillonnage aléatoire de femmes dans les villages où Oxfam travaille.

- Classification des villages enquêtés.

- Schématisation des challenges des programmes d’Oxfam et des pistes d’améliorations concrètes pour chaque village.

Déc

embr

e (2

sem

aine

s) Confrontation des

résultats avec les demandeurs de l’étude et des personnes intéressées.

Mobilisation de tous les concepts vus précédemment.

Recherche bibliographique

- Présentation orale au ministère de l’agriculture

- Présentation orale aux responsables d’AAD

- Production d’un article en réponse aux objectifs du programme LRRD.

1.5 LES LIMITES D’UNE TELLE ETUDE 1.5.1 Les limites liés au contexte social de la zone.

L’avantage d’être une femme occidentale en Afghanistan donne la possibilité d’avoir accès aussi bien au « monde » des hommes qu’à celui des femmes. Néanmoins, ce statut a comporté quelques limites, notamment par le fait d’être accompagnée d’une jeune fille comme interprète qui, elle, ne pouvait que difficilement s’adresser à des hommes et n’avait pas l’autorisation de se déplacer dans les districts voisins de Baharak. J’ai pu m’adapter lors des enquêtes dans le bazar de Baharak avec l’interprète homme de JC Duchier mais mes enquêtes avec les revendeurs ont été réduites au minimum du fait du caractère exceptionnel d’une femme sans Burka dans les échoppes. Grâce à l’apprentissage du dari, j’ai pu dialoguer un peu avec les femmes du personnel d’AAD des districts voisins, toutefois, ces échanges avec des afghanes en l’absence de traduction sont restés limités dans l’interprétation possible de leur contenu.

Par ailleurs, plusieurs femmes de la même habitation ou voisines venaient souvent assister à ces entretiens et se relayaient parfois dans la réponse aux questions si elles faisaient partie du même ménage ou désiraient faire partager leur point de vue. La fin de

28 Ces réseaux sociaux regroupent des réseaux familiaux, matrimoniaux, économiques, villageois,… 29 Eïd : fête religieuse musulmane au cours de laquelle les femmes cuisinent ensemble des plats spéciaux (voir chapitre sur l’alimentation).

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mes enquêtes se transformait donc parfois en discussion collective et en débat qu’il m’était difficile de maîtriser et de comprendre totalement.

Du fait des restrictions de mobilité que nous a imposé AAD par sécurité, il nous a été impossible de nous rendre partout où nous le souhaitions dans le district de Baharak. Par conséquent, nous n’avons pas pu étudier les villages d’altitude éloignés de la vallée ni les territoires des estives (les Shewas) où transhument et vivent une partie des habitants du district. Notre étude s’est donc limitée à la vallée et à seulement deux villages (un peu en altitude) sur les pentes ce qui a restreint notre analyse de la diversité géographique de la zone.

1.5.2 Les limites liées à la méthodologie. La démarche méthodologique énoncée plus haut est une des façons possibles de

répondre à la problématique mais elle n’est pas exhaustive.

Aussi, je me suis initiée à beaucoup de concepts et de méthodes d’analyse nouveaux pour moi dont je n’ai pas toujours su exploiter toutes les possibilités. Par exemple, la complexité des réseaux de femmes en Afghanistan est remarquable du fait de leur « invisibilité ». Leur analyse nécessiterait une approche anthropologique longue et bien préparée que je n’ai pu réaliser par manque d’expérience et de temps.

Des difficultés ont aussi été rencontrées, d’une part dans le recueil des informations et d’autre part dans l’exploitation complète des données:

Parmi les techniques de recueil de l’information (lors des enquêtes alimentaires), je n’ai pas pu exploiter l’outil pédagogique du « jeu de cartes » comme je l’aurais souhaité. Du fait de la déscolarisation de la majorité des femmes de plus de 20 ans, la plupart d’entre elles n’osaient pas placer elles-mêmes les cartes sur le plateau des saisons ni manier les haricots pour signifier les quantités consommées. Ainsi, les réponses aux questions de quantité et de type d’aliments consommés étaient rarement spontanées et souvent influencées par les propositions de mon interprète. D’ailleurs, l’utilisation de la traduction lors des entretiens est souvent source de malentendus ou d’un manque de rigueur dans l’information transmise par l’enquêteur comme par l’enquêté.

L’accès à l’information concernant l’identification des réseaux de femmes a été aussi particulièrement difficile. Par manque de maîtrise de ce concept et du fait de la traduction, je percevais rarement le degré de formalité de ces réseaux. L’étude de cette partie est donc avant tout indicative et peu analytique.

Concernant le traitement des données, j’ai été limitée en temps pour analyser de manière approfondie mes entretiens et observations sur les programmes d’AAD à l’aide du Compas Qualité du Groupe URD. L’évaluation d’AAD présentée dans ce rapport est donc partielle et mériterait d’être approfondie.

1.5.3 Les limites liées aux estimations chiffrées. Les principaux chiffres de cette étude ont été obtenus lors de mes enquêtes

concernant les quantités d’aliments consommés. Pour les obtenir et ensuite les traiter, j’ai eu recours à différentes estimations présentées en annexes avec les tableaux de mise à plat des enquêtes (annexe n°11). Ces chiffres constituent donc des indicateurs.

La difficulté de chiffrer différents points ou phénomènes s’est révélée à plusieurs reprises : par exemple, les femmes étaient souvent incapable de m’indiquer les quantités consommées (en viande, en fruits et en légumes) par semaine et par mois en fonction des saisons. Elles pouvaient par contre me signaler la fréquence de leur consommation.

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Par l’observation et la pesée des rations servies lors de nos repas avec les afghans de l’ONG, j’ai estimé la valeur pondérale moyenne d’une portion de viande, de fruit et de légume par adulte. Avec ces données, j’ai pu remplir un tableau des quantités consommées pour ces aliments et les traiter graphiquement.

De plus, j’ai eu recours aux tables de la FAO relatives à l’Afghanistan pour le calcul des apports énergétiques des aliments consommés sur la zone mais ces tables sont parfois incomplètes et doivent faire l’objet de nouvelles recherches. En effet, la situation instable de l’Afghanistan a pour résultat de connaître un important déficit en données chiffrées fiables.

Pour le traitement de l’ensemble des données chiffrées liées à l’alimentation, j’ai donc décidé de ne présenter en graphiques que des tendances de la consommation. Cette analyse quantitative est utile à titre illustratif de mon analyse qualitative des enjeux de l’alimentation.

Le chapitre qui suit a pour objectif de présenter de façon synthétique le diagnostic réalisé en binôme. Grâce à une analyse « mixte » des stratégies des ménages de la zone et à un double regard sur la situation agricole de la vallée de Baharak, ce chapitre servira à « poser le décor » d’une étude approfondie de la place des femmes dans l’économie rurale.

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2 CHAPITRE II: VULNERABILITE DES MENAGES DE LA VALLEE DE BAHARAK.

2.1 LA VALLEE DE BAHARAK, « L’EDEN » DU BADAKHSHAN30. 2.1.1 Vue d’ensemble de la zone d’étude.

La vallée de Baharak est située au carrefour des routes qui relient Faizâbâd, la capitale de province, à trois autres districts ainsi qu’au célèbre corridor du Wakhan, qui rejoint la Chine. Cette situation fait historiquement de cette vallée d’altitude (1500m.) un centre dynamique d’échanges de marchandises et d’hommes.

C’est aussi une des zones agricoles les plus favorisées par son réseau hydrique dense qui permet l’irrigation d’une grande partie des terres. De plus, son climat n’y est pas trop rude et autorise les cultures de fruits et de légumes. De nombreuses céréales comme le blé y sont cultivés mais l’augmentation croissante de la population contribue à la diminution des espaces cultivables. Une autre des préoccupations agricoles de cette vallée est la culture du pavot qui a considérablement enrichi les habitants de Baharak ces quatre dernières années.

Ce qui frappe le premier regard d’un visiteur, est probablement l’invisibilité des femmes sur les chemins, dans les champs, au bazar. Elles sont toutes cachées derrière leur Burka, telles des ombres bleues et blanches qui semblent inaccessibles.

Photo 2: Femmes en Burka (à droite) et écolières (à gauche) de la vallée (juillet 2005).

Le schéma suivant de la vallée de Baharak permet de visualiser la diversité agro écologique de la zone et de situer les différents ensembles villageois que nous avons dégagés du zonage géographique (voir annexe n°12 sur la construction du zonage). La zone d’habitat la plus étendue dans la vallée (koshlaks31), comprend les plus anciens villages ainsi que les nouveaux villages de migrants où viennent s’installer des ménages depuis les cinq dernières années. Ces derniers ont souvent quitté le travail agricole et ne possèdent pas de terre dans la vallée. En effet, ces villages se construisent sur le bas des pentes anciennement cultivées en lalmis et ne possèdent encore pas de canaux d’irrigation.

30 Pour plus de détails sur ce diagnostic, en particulier sur l’histoire agraire et le contexte agro-écologique de la zone, il est possible de consulter le rapport de JC. Duchier qui présente de manière plus approfondie le système agraire de la zone et la construction de la typologie des ménages de la vallée. 31 Le terme de koshlak désigne localement un village éloigné du bazar et des infrastructures modernes.

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Les Shewas correspondent à une zone de plateaux de haute altitude (2500-4000 m.) où transhument les éleveurs de la vallée pendant les mois d’été et vivent toute l’année les populations Shewashis (voir annexe sur les Shewas n°19).

L’impact de cette situation géographique sur la diversité des ménages sera analysé tout au long de ce chapitre mais aussi dans les chapitres suivant sur l’étude du rôle des femmes dans l’économie des ménages et de la dynamique de consommation alimentaire de la zone de Baharak.

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Figure 1: Schéma actuel de la vallée de Baharak (2005).

N

1 km

K

HA

SH

SHO

HA

DA

FAIZABAD

3300 m

WARDUJ

JURM

SHEWAS

1500 m

2700- 3000 m

3400 m

CHAR-E-NAU

1660 m

Légende :

Terres irriguées cultivées principalement en blé, en fourrages et en « culture de rente ».

Terres pluviales cultivées en céréales ou en jachère.

« Silva* » de type épineux (chardons, broussailles).

« Ville nouvelle » autour du bazar et des infrastructures récentes : clinique, gouvernement, ONGs,

Zone d’habitats regroupés en villages appelés koshlack.

Villages d’altitude.

Route principale et carrossable.

Arbres fruitiers et potagers de jardins privés.

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2.1.2 L’histoire agraire de la vallée marquée par une intensification agricole :

Le schéma suivant permet de suivre l’évolution de l’agriculture à Baharak de 1900 jusqu’à nos jours. Il est le résultat d’une mise en commun des informations recueillies auprès des hommes et des femmes de la vallée, il est donc identique à celui présenté par JC. Duchier dans son rapport (2006). Figure 2: Schéma de l'évolution de l'agriculture de 1900 à nos jours dans la vallée de Baharak (JC Duchier, 2006).

1900 1930

1979 2005

1ère période :

Une agriculture agropastorale

2ère période :

Le blé rem

place les pâturages

3ère période :

Vers une agriculture de rente

1ère rupture :

Développem

ent et « Pachtounisation »

2ère rupture :

Guerre et sécheresse IN

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L’A

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Nous avons distingué trois périodes majeures, reliées entre elles par deux bouleversements qui ont influencé l’agriculture de la vallée.

Des schémas de la zone à chacune de ces grandes périodes permettent de visualiser l’impact des changements sur l’espace de la vallée, ils sont présentés en annexe n°10.

Le développement progressif des axes de communications et des techniques agricoles ont encouragé la venue de nombreux migrants tout au long du siècle dernier. Ainsi, dans les années 1930, la « Pachtounisation » est marquée par l’arrivée massive de populations d’ethnie Pachtounes, originaire du sud de l’Afghanistan. Aujourd’hui, l’augmentation de la population, mise entre parenthèse durant les années de conflits de 1979 à 2001, résulte en grande partie de l’attrait de la ville nouvelle de Baharak.

Cette croissance démographique dans la vallée a eu pour conséquence une diminution des terres et des troupeaux d’animaux par habitant.

Les agriculteurs se sont tournés, dans les années 50 et jusqu’à la guerre, vers la culture des céréales et ont quitté peu à peu leur logique agropastorale. Mais aujourd’hui, le blé ne répond plus seul à la demande alimentaire de la zone et à l’ouverture des marchés. Les agriculteurs de Baharak l’ont compris et tentent de s’orienter vers des cultures massivement destinées à la vente. C’est le cas du pavot, qui rapporte prés de 20 fois plus que le blé par unité de surface (voir JC. Duchier, 2006) mais aussi des cultures maraîchères et fruitières.

2.1.3 Des productions longtemps valorisées : Il est aussi intéressant d’envisager l’histoire agraire à travers les changements des

modes de valorisation des produits agricoles, où les femmes sont partie prenante ( transformation des produits agricoles), comme nous le verrons en détail dans le chapitre suivant, et jouent donc un rôle majeur pour créer de la valeur ajoutée.

La vallée de Baharak a bénéficié, depuis plus d’un siècle, d’une véritable réputation dans le secteur des fruits secs et des produits animaux transformés. Grâce à ses jardins irrigués, au passage de nombreuses caravanes de voyageurs et de négociants à cheval ou en âne, le commerce des noix, des abricots secs et des amandes était une des premières sources de richesse de la vallée. De même, la vente de peau tannée d’animaux d’élevage ainsi que de produits laitiers transformés comme le krout32 étaient l’occasion de trocs qui permettaient aux habitants de Baharak d’acquérir des tissus, du thé, de l’huile,… Ces produits étaient aussi exportés vers le Tadjikistan, le Pakistan, le reste de l’Afghanistan et la Russie. Dans les années 50, une petite industrie familiale de transformation de noyaux d’abricots faisait même le commerce de sucreries (noyaux séchés, grillés et entourés de sucre) sur le marché local et à l’exportation.

C’est avec le début des conflits que ces échanges ont décliner puis ont disparu, jusqu’au début des années 2000, avec la réouverture des marchés vers l’étranger. Aujourd’hui, le commerce des fruits secs reprend mais est mis à mal du fait de la perte de nombreux arbres fruitiers, vendus et coupés pendant la guerre, ainsi que de la concurrence de produits manufacturés plus attractifs et disponibles dans les bazars locaux. Le déclin de l’élevage sur l’ensemble du pays et en particulier à Baharak, limite par ailleurs les apports de richesse liés à la transformation de produits animaux.

32 Le Krout est le petit lait résidu du beurre, bouillie, salé et égoutté qui prend la forme d’une petite balle très dure et s’apparente à du fromage.

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Néanmoins, la stabilisation politique de la zone et le développement des infrastructures devraient favoriser le retour d’échanges commerciaux et le développement de techniques de transformation nouvelles, permettant une re-valorisation de l’agriculture.

2.2 LES COMMUNAUTES ACTUELLES : UNE MOSAÏQUE DE POPULATIONS. La description du contexte social de la zone d’étude s’inscrit dans l’objectif de

comprendre les règles qui régissent la société de la vallée et de replacer la condition féminine dans cette organisation, pour envisager des programmes de développement conformes et adaptés aux femmes dans ce type de société.

L’histoire nous a montré que la vallée de Baharak a toujours attiré des populations diverses. Depuis cinq ans, les migrants arrivent aussi bien des districts voisins, de régions d’altitude touchés par la sécheresse ou l’insécurité33, que du Pakistan ou d’Iran (pour les anciens réfugiés), ainsi que de Kaboul ou de l’étranger (pour le personnel des ONGs).

Ces populations forment différents groupes sociaux, qui se distinguent par des identités d’appartenance, des règles et modes de vie spécifiques. La description de cette organisation composite permet principalement de comprendre la difficulté de définir l’unité ménage ou le risque à vouloir généraliser certains constats sociaux.

Les femmes forment aussi, d’une certaine façon, un groupe social à part entière. Mais comme elles interviennent dans toutes les communautés, il est plus pertinent de décrire leur position sociale dans chacun de ces groupes, obéissant à des règles et identités particulières mais toute ayant un fond commun d’origine persane.

Figure 3: Schéma des espaces sociaux de la vallée de Baharak (2005).

Il y a un peu plus de 100 ans, le Badakhshan était un royaume (I. Bashiri, 2003). Aujourd’hui, cette province est rattachée à l’Afghanistan mais garde ses coutumes spécifiques et une identité fortement « régionaliste ». Elle n’a d’ailleurs jamais été sous l’influence des Talibans. La plupart des habitants se disent ainsi badakshis en opposition aux autres afghans, qui n’habitent pas la même province.

Cette identité régionale se perçoit particulièrement dans les conflits relatifs aux droits de pâturages entre les éleveurs transhumants de la vallée ou des plateaux d’altitude du district et les éleveurs semi-nomades venus des régions de Kunduz, à l’ouest du Badakhshan. Ces derniers sont en effet très mal vu des éleveurs locaux qui les accusent de « voler » leur herbe et de contribuer au déclin de l’élevage à Baharak.

33 Durant 3 années consécutives, entre 2000 et 2002, une grande partie de l’Afghanistan a souffert d’une sécheresse meurtrière, en particulier dans les zones d’altitude déjà arides (SMU report, 2001, p.18).

La province : les badakhshis

L’identité culturelle: tadjiks, pachtounes, ouzbeks,…

Le réseau villageois

La famille

L’habitat familial

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Malgré cet attachement commun à leur région, les habitants de Baharak ont pour habitude de faire valoir à l’intérieur leurs différences identitaires, souvent révélées par leur appartenance à une ethnie particulière.

Officiellement, l’ethnie des tadjiks serait la plus ancienne sur la zone et la plus étendue actuellement. Après elle, viendrait celle des ouzbeks puis des pachtounes, arrivés au siècle dernier. Ces trois groupes, majoritaires sur la zone, étaient traditionnellement agro éleveurs, avec une plus grande spécialisation des ouzbeks dans l’élevage. Chacun d’eux revendique aussi une identité à travers sa langue (Pachtoune et Ouzbek), des habitudes alimentaires particulières, ou encore des signes physiques tels que les yeux en amandes (ouzbeks).

Mais peu à peu et depuis l’arrivée massive de populations nouvelles dans la vallée de Baharak, les brassages entre pachtounes, tadjiks et ouzbeks ont été nombreux. Cette mixité entraîne quelques confusions intéressantes : ainsi, par exemple, les enfants de pères pachtounes mais qui n’ont pas appris la langue de cette ethnie, ne se disent aujourd’hui pas pachtoune mais tadjiks, comme leur mère. De même, une femme née de parents ouzbeks qui a épousé un homme pachtoune s’est tatoué le front et se déclare elle-même pachtoune. Certaines pratiques comme l’artisanat, l’habillement et l’aménagement des habitations témoignent aussi de ces brassages car ils sont assez semblables d’une ethnie à l’autre dans cette vallée (contrairement aux populations ismaéliennes des Shewas qui peuvent se distinguer facilement grâce à ces critères).

2.2.1 Une société lignagère en réseaux : Dans les villages pachtounes crées il y a une cinquantaine d’années, les villageois

disent appartenir à une ou deux lignées correspondant aux chefs de famille qui sont venus s’installer les premiers sur le territoire villageois. Le premier type de réseau, lignager, est donc formel et organisé dans l’espace (qaum34).

Toutefois, à Baharak, beaucoup d’habitants disent ne pas appartenir à un qaum précis. Les femmes n’ont pas de terme pour désigner leur appartenance à un groupe, mis à part leur dénomination ethnique, puisqu’elles sont « données » à un lignage en se mariant.

La difficulté de clarifier les réseaux villageois de la zone peut s’expliquer notamment par les bouleversements de la guerre et les mouvements de populations qu’elle a engendré dans la vallée. Les habitants d’un même village ont aujourd’hui encore du mal à se sentir fixés sur un même territoire car ils sortent tout juste d’une longue période d’incertitude. Pour les femmes, la guerre a contribué à leur extrême réclusion et les a incitées à ne fréquenter que leur entourage le plus proche, à savoir les membres de leur habitation. On comprend alors aisément qu’il leur est aujourd’hui difficile de s’identifier à un groupe qui dépasse la sphère privée de la maison.

2.2.2 Une organisation fondamentale : la famille. La famille est l’échelle d’organisation sociale la plus ancienne et la plus

fondamentale dans une société rurale telle que Baharak.

Néanmoins, la façon dont une femme se situe dans cette organisation est ambiguë. En effet, lors de son mariage, la jeune fille quitte le domicile parental pour entrer dans la maison de son futur époux. Une femme estime alors qu’elle quitte « sa » famille pour être adoptée par une autre. De fait, la plupart des mariages ont lieu entre

34 Ce terme peut désigner un réseau familial ou de voisinage et peut donc être assimilé au clan, très répandu dans de nombreuses régions d’Afghanistan.

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membres d’une seule lignée et sont relativement endogames (mariages entre cousins, oncle et nièce, tante et neveu,…).

Cette « double » appartenance familiale et lignagère donne lieu à divers comportements de la part des femmes : certaines, vivent comme un déchirement injuste leur mariage et disent n’avoir aucune famille. D’autres ne coupent jamais les liens avec leurs parents et si elles doivent faire appel à une autre femme pour une aide quelconque, elles en choisissent une de « leur famille » dans le sens où elles ont une relation de parenté par leur père ou leur mère.

La famille désigne donc différentes échelles d’organisation, du ménage au lignage. En ce sens elle décrit un réseau étendu dont les membres entretiennent entre eux des liens de confiance et d’entraide.

2.2.3 L’organisation minimale: le ménage. L’habitat dans la vallée de Baharak est remarquable par sa délimitation dans le

paysage. Les hauts murs qui entourent une maison marquent l’attachement de la société à la protection de la vie privée. Une fois que l’on pénètre dans ces maisons « forteresses », il est formidable d’y constater la vie et l’agitation qui y règne. Si les femmes sont cachées dans les lieux publics, elles sont chez elles animées, bavardes et enjouées ! Le principal lieu de vie est souvent constitué d’une cour et d’une terrasse couverte où se trouvent les outils pour la cuisine et le four à pain. Les femmes sont donc au centre de l’organisation spatiale de l’habitat et du ménage.

En ce qui concerne les décisions au sein d’un ménage, c’est l’homme le plus âgé, chef de famille, qui décide des principaux achats de chacun des membres du ménage jusqu’à ce qu’il souhaite transmettre ce rôle. S’il le veut, il peut déléguer ce pouvoir à son frère ou à son fils aîné. Si plusieurs frères vivent ensemble, les plus jeunes, tout comme leurs femmes, doivent demander l’autorisation à leur aîné avant de réaliser un achat.

Comme la religion musulmane autorise la polygamie, on peut retrouver sous le même toit, prés de dix femmes mariées et de jeunes filles qui doivent vivre quotidiennement ensemble. Ceci implique une organisation féminine précise pour les différents travaux domestiques. C’est souvent la belle-mère, la plus ancienne, qui dirige les tâches de chacune et impose aux « nouvelles arrivantes » les travaux les plus durs comme la cuisine du midi et du soir, la lessive.

Mais on ne retrouve pas toujours ce type d’organisation féminine. En effet, dans les villages à proximité de la ville nouvelle, de nombreux ménages sont séparés des parents du mari, volontairement ou non, et le nombre de femmes présentes dans la même habitation est réduit à une ou deux. Elles n’obéissent donc pas à cette hiérarchie et sont plus « libres » de leurs activités et emplois du temps quotidiens.

Par ailleurs, de nombreuses femmes35 sont veuves suite aux ravages de la guerre et de l’accès difficile aux soins de santé. Leur ménage est donc souvent réduit à leurs enfants, en âge ou non de travailler, sans homme. De plus, certains maris qui prennent plusieurs femmes choisissent de ne vivre qu’avec une seule et de céder à l’autre(s) un logement séparé du leur. Ces ménages de femmes mariées séparées mais non divorcées sont souvent dépendants du ménage du mari qui doit fournir les biens nécessaires à la vie de cette (ces) femme(s) et de leurs enfants.

35 Le nombre de veuves interrogées correspond à 20% de mes enquêtes (voir les résultats statistiques de l’annexe n°11). Ce chiffre ne peut être pris qu’à titre indicatif de la situation des femmes suite aux conflits.

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Tous ces foyers, composés de femmes seules, doivent faire face à un déficit en main d’oeuvre masculine si les fils sont trop jeunes. Or, dans une société où les femmes ne sont pas destinées à percevoir un revenu, ce type de foyers est en situation précaire, souvent misérable, même si parfois nous verrons dans le chapitre suivant que certaines femmes parviennent à tirer partie d’une telle situation. En effet, l’encadré suivant rappelle que le mariage en Afghanistan est souvent vécu par les femmes comme une forme d’« asservissement » vis à vis des hommes.

«Les parents sont rarement joyeux de la venue d’une fille, car celle-ci naît pour enrichir une autre maison alors qu’un fils marié restera chez son père, renforçant le patrimoine qu’il devra protéger.» 36

D’autre part, un homme de Baharak déclare, peut-être avec quelque ironie, « voici ma fille, elle s’appelle Dollar…». Ces allusions aux femmes comme ressources financières font référence au mariage car la famille du futur marié doit payer une compensation matrimoniale (kaling) pour obtenir une femme.

Contrairement à la capitale et aux grandes villes du pays, la tradition badakhshi a continué à perdurer à Baharak. Elle veut par exemple que la fête du mariage dure trois jours (voir annexe n°13 sur le déroulement traditionnel d’un mariage) et que son faste révèle le niveau des richesses d’une famille et donc de sa reconnaissance sociale. Le Badakhshan atteint d’ailleurs aujourd’hui des « records » dans le montant des prestations matrimoniales37. Celles-ci incluent une somme d’argent ou une terre destinée à la famille de la mariée ainsi qu’une liste de biens matériels.

Ce sont les hommes des deux parties (souvent les pères des futurs mariés) qui décident, au cours de plusieurs négociations, d’une liste comprenant les aliments nécessaires aux festivités, des coûts relatifs à leur accueil, de la vaisselle mais aussi du linge de maison destinés à l’installation du futur ménage. Le mariage peut donc représenter une grave difficulté financière pour le père de nombreux fils et par contre, une opportunité pour celui qui a beaucoup de filles. Mais certaines familles pauvres n’ont pas d’autres choix que d’ « échanger » chacune un fils et une fille pour sceller « gratuitement » un contrat de mariage.

Au premier abord, le mariage constitue une transaction qui ne fait pas appel à l’avis des femmes. De même que la vente de bétail est « une affaire d’hommes », les femmes ne sont pas consultées. Même les veuves, qui sont parfaitement au courant des sommes échangées, n’ont pas le pouvoir de négocier. En effet, lorsqu’un des pères est décédé, une veuve doit faire appel à un beau-frère ou à un frère pour la part «marchande» de cet évènement. Toutefois, force est de constater que les femmes jouent aussi un rôle actif dans les préparatifs d’un mariage. En effet, c’est la mère du futur marié qui devra, la première, rendre visite à la famille de la jeune fille afin de la voir et de s’assurer de « sa bonne éducation ». Cette première étape est primordiale pour une mère qui va accueillir chez elle une nouvelle belle-fille et devra vivre, pour la plupart, le reste de ses jours avec elle. Si elle n’est pas satisfaite de ces visites, elle peut empêcher le mariage pour son fils. Si, au contraire, elle donne son accord, l’homme qui va négocier la prestation matrimoniale ira rencontrer le père de la jeune fille afin de discuter d’un contrat de mariage.

36 I. Delloye, Femmes d’Afghanistan. Phébus, 2002, 186 p., p.45. 37 Depuis 2 ou 3 ans, le montant total de cette dote s’élève sur la zone entre 1.000.000 afghanis (soit 20.000 $) et 4.000.000 afghanis (80.000$). Elle est une des plus élevée du pays, sûrement du fait de l’essor économique de la région grâce au pavot des dernières années.

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«Le Coran a conduit a une véritable révolution dans la société arabe du VIIème sicle, notamment en ce qui concernait la femme à cette époque là. On oublie trop souvent que le premier croyant de notre religion fut une femme […]la fille préférée du prophète Mahomet a toujours parlé des femmes pour améliorer leur sort et les protéger en leur donnant un statut social ; c’est en fonction des données de l’actualité arabe du VIIeme siècle qu’il faut envisager ce statut de la femme dans des textes du saint Coran ; et en tirer le sens profond qui est respect et tolérance.[…] Ailleurs, il est dit que filles et garçons sont les cadeaux de Dieu (XLII, 49). […] Le Coran a commandé aux hommes de prendre en charge les femmes comme étant des personnes humaines et, on a tendance à l’oublier cette condition qui est pourtant explicite dans les textes, de les traiter équitablement (IV,3). » (Parole de femme pachtoune, I. Delloye, 2001)

2.3 LA SEGREGATION DES FEMMES ENCOURAGEE : Dans la société rurale, la soumission des femmes

ne remet pas en cause la religion musulmane mais bien son interprétation, comme le montre le témoignage ci-contre d’une femme pachtoune, tiré du recueil d’Isabelle Delloye sur les femmes afghanes38.

Le rôle des Mollahs est ici central: en effet, ils usent de leur pouvoir pour prôner le respect de la Purda39, empêcher les femmes de se rendre au bazar, de parler en public à un homme, d’assister à des réunions mixtes, d’envoyer leur filles en âge de se marier à l’école,… Les programmes télévisés (nouveaux sur la zone) sur la zone sont aussi hautement critiqués par ces maîtres religieux qui prônent un rejet de la culture occidentale, emblème d’une forme de « dépravation » des femmes.

Par conséquent, les ONGs comme AAD qui travaillent dans la vallée avec des femmes, salariées et bénéficiaires, sont constamment surveillées par les autorités locales religieuses et parfois restreintes dans leurs actions.

Or, les femmes se souviennent avoir entendu leur grand-mère dire qu’elles ne portaient pas la burka trente ans auparavant. La société rurale de l’époque n’en voyait pas l’utilité car les femmes n’avaient pas à se déplacer fréquemment hors de leur village. C’est l’arrivée de nombreux migrants, dont des femmes de plus riche condition et habituées à la ville, qui aurait peu à peu généralisé le port de la burka dans la vallée.

Le développement de la ville nouvelle puis la guerre n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Aujourd’hui, aucune femme n’ose sortir sans être voilée de la tête au pied par crainte de diffamation.

Pourtant, l’importance donnée par les médias à cette tenue paraît parfois excessive, une fois replacée dans son contexte. En effet, le fait que le port de la burka soit relativement récent dans la zone traduit la perpétuelle évolution des mœurs d’une société mais il ne permet pas de tirer des conclusions définitives sur la condition féminine.

« Il n’est pas dans notre culture qu’une femme travaille dehors » :

Certes, il n’est pas dans les habitudes des habitants de la vallée de laisser les femmes travailler hors de leur propre habitation. Le travail dans les champs est habituellement réservé aux hommes et aux enfants. Néanmoins, il arrive quelquefois d’apercevoir des femmes accroupies dans un champ, situé proche des maisons ou éloigné des routes principales. C’est le cas lorsqu’un ménage ne dispose pas d’assez de main d’œuvre masculine ou de moyens pour payer des ouvriers agricoles. Le travail des femmes dans les champs concerne aussi les ménages sans terre qui louent des parcelles de maraîchage. Une ou plusieurs femmes part alors vivre sous une tente pendant les 3 mois de récolte des légumes, cachée derrière de petites haies pour préserver l’intimité.

38 DELLOYE Isabelle. Femmes d’Afghanistan. Phébus, 2002, 186 p., p.37. 39 L’observance stricte des règles de la Purda est une des caractéristiques des extrémistes religieux qui cherchent à éloigner les femmes du monde des hommes. Ces textes ont été particulièrement revendiqués par les Talibans en Afghanistan mais sont aussi valables chez certains hindous en Inde.

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La nécessité économique oblige donc certains ménages (les plus pauvres) à contourner ces règles restrictives sur les femmes. Ils sont alors considérés comme marginaux et sont mal vus du reste des habitants. Le travail agricole des femmes reste donc très influencé par le « regard des autres » et le contexte économique.

2.4 LES FETES TEMOIGNENT DE L’ATTACHEMENT DES FEMMES AUX TRADITIONS. Au cours de la vie d’une femme afghane, de nombreux évènements sont

l’occasion pour elle de rompre l’isolement dans le ménage et de réactiver, surtout, des liens sociaux dans les différents lignages dont elle est membre: les fêtes religieuses comme l’Eïd, les mariages, naissances, deuils rythment la société et particulièrement la vie des femmes.

Par exemple, la naissance d’un enfant est fêtée (Grahwara bandaan) dés lors qu’il a plus de trois jours et les femmes de la famille proche (mère, belle-mère, filles, belles-sœurs) s’occupent d’accueillir les différentes visiteuses. C’est l’occasion de cuisiner l’alloua40 et d’autres plats de fête, d’offrir des cadeaux, de discuter. C’est aussi un des rares moments où mère et fille se retrouvent dans la belle-famille et où la belle-mère s’efface quelque peu afin de laisser la mère légitime prodiguer ses conseils.

Ces fêtes permettent de révéler les réseaux de femmes, qu’ils soient familiaux, de voisinages ou amicaux. Leur analyse doit permettre aux programmes de développement de s’adapter davantage aux attentes des bénéficiaires d’une part et de s’adapter aux catégories sociales formées notamment par ces réseaux.

2.5 L’ACCES DES FEMMES A DES METIERS SALARIES: Malgré l’importance du conservatisme religieux dans la vallée de Baharak, les

signes d’une émancipation féminine sont visibles, en particulier dans les environs de la ville nouvelle. Ainsi, la moitié des instituteurs des trois écoles de la vallée de Baharak sont aujourd’hui des femmes (soit une cinquantaine), souvent des jeunes filles sorties de l’école entre la 10 et la 12ème classe41 qui gagnent désormais leur propre salaire. De même, l’arrivée des ONGs a encouragé l’emploi de femmes dans les secteurs de la santé, de l’artisanat et de l’Animation. Parmi la quinzaine de ces employées, certaines étaient déjà qualifiées, lorsqu’elles avaient pu suivre un enseignement scolaire avant la guerre, mais d’autres ont été formées par les ONGs. Pour les élections parlementaires de septembre 2005, deux femmes originaires de la zone se sont présentées. Elles faisaient partie de l’ONG AKDN (AghaKhan Development Network).

L’accès des femmes à des métiers salariés représente tout de même encore une petite minorité sur l’ensemble des habitants de la vallée, en restant soumis d’une part à la sanction familiale et d’autre part au contrôle politique.

2.6 LE NOUVEAU BAZAR DIFFUSE LE MODELE DES SOCIETES MODERNES. Depuis 3 ans, le gouverneur de Baharak autorise les femmes à se rendre au bazar

central de la ville nouvelle. Elles ne peuvent pas y vendre elles-mêmes de marchandises et rares sont celles qui achètent des produits frais destinés à l’alimentation. Néanmoins, elles sont nombreuses à se rendre dans les échoppes de tissus, de vêtements et d’accessoires féminins. Le nombre de ces échoppes est d’ailleurs considérable pour la

40 L’alloua est un nougat compact blanc et sucré fait à partir de farine et d’huile et longuement malaxée par une femme, afin de la rendre mousseuse. 41 La 12ème classe correspond à la terminale en France et se termine par un examen final donnant droit à entrer à l’université. Les élèves entrent en 1ère année vers l’âge de 6ans, les institutrices sont donc souvent âgées de 16 à 20 ans.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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petite taille de la vallée mais témoigne d’une demande grandissante pour ces produits surtout destinés aux femmes.

L’étalage de ces nouveaux produits contribue par ailleurs à diffuser le modèle d’une société plus « moderne ». La société de consommation à l’occidentale y apparaît comme un idéal et de nombreuses femmes souhaitent y accéder. Idéal ou attente réelle, en tenir compte dans les propositions de projets apparaît essentiel si l’on veut éviter de trop grands décalages de représentations.

Enfin, autour de la ville nouvelle de Baharak, beaucoup de jeunes femmes sont aujourd’hui tentées par ce mode de vie qu’elles jugent « libérateur ». Au contraire, dans les villages éloignés du bazar, le fait de rester au sein d’un habitat familial communautaire représente un repère que les femmes revendiquent et ne semblent pas prêtes de quitter.

Nous venons de voir que cette société est en perpétuelle évolution et se retrouve aujourd’hui ouverte sur le monde (médias, nouveaux produits sur le marché, ONGs,…) malgré son fondamentalisme religieux. Dans ce contexte contrasté, les habitants de la vallée restent profondément attachés à leurs repères culturels et religieux, en particulier ceux qui guident la condition féminine.

Face à cette évolution, le groupe social des femmes n’est pas homogène. Sur le territoire de la vallée, les femmes qui habitent prés de la ville nouvelle (voir figure 1 sur le zonage géographique) ont un accès facilité, de par leur proximité, aux nouveaux biens de consommation, à l’éducation, au travail salarié. Néanmoins, les habitants de cet espace sont souvent d’origines diverses et les réseaux de voisinage et même familiaux y sont parfois inexistants. L’appartenance des femmes à des modes de vie différents rend difficile la mise en place de groupes de femmes pour les programmes de développement.

Dans le reste de la zone, ce sont les femmes elles-mêmes qui nomment leur village koshlak, pour signifier qu’elles sont éloignées de la ville nouvelle et justifier ainsi qu’elles se sentent « moins modernes ». Elles ont en effet un accès plus difficile au marché. Ce sont pourtant dans ces villages que le dynamisme collectif parait le plus présent et qu’il semble alors plus pertinent de travailler avec des groupes de femmes.

2.7 TYPOLOGIE DES MENAGES LES PLUS VULNERABLES. La compréhension du contexte agro écologique, historique et social de la zone,

nous permet désormais de mieux appréhender la diversité des ménages de la vallée de Baharak. L’élaboration de la typologie des foyers présentée dans cette partie doit permettre de faire ressortir quels sont les ménages les plus vulnérables42 et en quoi les femmes jouent un rôle dans le passage d’un type à un autre. Ainsi, les organismes de développement qui cherchent à réduire cette vulnérabilité peuvent s’appuyer sur cette typologie afin de mieux définir leurs programmes, en particulier quand ils sont destinés aux femmes.

2.7.1 Le choix de deux facteurs discriminants : la terre irriguée et le travail.

La vallée de Baharak est une zone à dominante rurale où le travail agricole (sur terres irriguées) représente la principale source de richesse. Or, l’histoire agraire de la vallée a provoqué une diminution des terres agricoles disponibles par habitant. De

42 Un ménage “vulnérable” est défini ici comme un foyer qui n’arrive pas à reproduire son capital d’une année sur l’autre en accord avec les règles de la société dans laquelle il vit.

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nombreux ménages sont donc aujourd’hui sans terre ou ne possèdent que quelques lopins insuffisants à la survie du foyer. De plus, le contexte social nous a montré que les femmes ne sont pas, habituellement, une force de travail pour l’économie du ménage agricole. Pourtant, de nombreux ménages manquent de main d’œuvre masculine et n’ont pas d’autre choix désormais que de recourir au travail des femmes.

Deux facteurs pertinents sur la zone nous permettent donc de distinguer les ménages les plus vulnérables : l’accès à la terre irriguée43 ainsi que la disponibilité en main d’œuvre masculine. Les ratios limitants choisis pour distinguer les types de ménages entre eux sont les suivants (pour les calculs des ratios, voir annexe n°14).

Capital Foncier/ Unité de Consommation (CF/UC): ce ratio « terre » représente la surface possédée par adulte44 au sein d’un ménage. Une première limite distingue les foyers qui ont en propriété plus de 1,25 jerib45 de terre irriguée cultivée en blé46 par adulte. Une seconde limite fait la différence entre ceux qui ne possèdent pas du tout de terre et les propriétaires.

Unité de consommation / Unité de production masculine (UC/UPM) : ce ratio « travail » permet de dissocier les ménages dans lesquelles 1 adulte (homme), capable de travailler, a moins de trois adultes à sa charge (dont lui-même) et ceux pour lesquels 1 seul adulte doit subvenir aux besoins de plus de trois membres du foyer, ce qui n’est pas possible avec un salaire minimum de journalier47 (agricole ou non).

Le schéma suivant (figure 4) permet de visualiser les six types de foyers rencontrés dans la vallée en lien avec les ratios de cette typologie.

43 Cet accès à la terre est équivalent ici à la propriété (et non la disponibilité) car il est aujourd’hui presque impossible d’acheter de la terre à Baharak et la location de terre est considérée dans cette typologie comme une stratégie de certains ménages (voir JC Duchier, 2006). 44 Nous avons considéré un adulte comme une personne âgée de 12 ans et plus, compte tenu des normes locales de travail. 45 1 jerib (unité de surface locale) = 0,2 ha. 46 Le blé est la culture de « référence » de cette typologie car c’est la céréale de base de l’alimentation et la culture la plus communément répandue sur les parcelles de la vallée. 47 Le salaire d’un journalier agricole à Baharak est d’environ 150 afghanis par jour (soit 3$).

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Figure 4: Schéma des 6 types de ménages de la vallée de Baharak issu du diagnostic (JC Duchier, 2006).

Chaque type n’est pas figé mais peut évoluer. En effet, le cycle de vie d’un ménage rend dynamique cette typologie48 et implique sa réactualisation régulière pour un ménage donné. D’autre part, la prise en compte des femmes dans le ratio « travail » de certains ménages (types 4 et 6), permet parfois de les inclure dans des types sans déficit de main d’œuvre (types 3 et 5).

2.7.2 Quels sont les ménages les plus vulnérables ? La répartition de chacun des types, d’après nos enquêtes, révèle que 80% des

ménages enquêtés doivent faire face à un déficit de main d’œuvre et que 83% des ménages ne possèdent pas suffisamment de terre pour être autosuffisants en blé (JC Duchier, 2006, p.50). Le choix aléatoire des ménages rencontrés permet donc d’affirmer que la majorité des foyers de la zone d’étude doit faire face à des situations de précarité et que beaucoup ont du mal à reproduire leur capital.

Les ménages des types 4 et 6 peuvent être qualifiés de « plus vulnérables » car ils ne peuvent pas dégager de surplus en blé et ne peuvent pas non plus adopter des pratiques qui nécessitent une importante force de travail, car ils sont aussi déficitaires en main d’œuvre masculine. Pour ces ménages, le risque d’une décapitalisation est grand et les entraîne souvent dans un « cercle infernal » d’endettement.

48 Voir JC. Duchier, 2006, p. 43.

CF/UC

UC/UPM

: Plus de 1,25 jb/adulte

: Moins de 1,25 jb/adulte

: Sans terre

: Ce qui ont une carence de main d’œuvre domestique masculine. Celle-ci peut avoir des difficultés à supporter l’unité de consommation.

: Ce qui n’ont pas de carence théorique de main d’œuvre domestique masculine. Celle-ci peut supporter l’unité de consommation.

2

4

6

1

3

5

0 4a

4b

: Limite au dessus de laquelle l’unité de production n’est pas assez nombreuse pour cultiver seule du blé sur son capital foncier.

1,25 jb/person

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Par exemple, la mort prématurée d’un chef de famille entraîne un ménage de type 2, 4 et 6 dans une grande vulnérabilité. En effet, une femme seule avec des enfants trop jeunes pour travailler, n’a souvent pas d’autre choix que de louer les terres de son mari dont elle ne reçoit désormais plus que 50% des récoltes. Comme une veuve n’est pas sensée toucher un revenu, elle aura très difficilement accès au crédit49 et ne pourra donc pas payer les fertilisants et les semences nécessaires à la location de ses terres. Elle sera donc contrainte d’hypothéquer50 ou de vendre celles-ci. Il est alors facile d’imaginer combien cet engrenage met en danger ces ménages qui risquent d’aboutir à des situations d’extrême pauvreté, voire d’exil.

2.7.3 Les femmes, au cœur des stratégies de survie des ménages.

Mais pour d’autres ménages, lorsque les facteurs de production51 ne permettent pas la reproduction du capital, par manque de terre ou de main d’œuvre disponible, les femmes sont un des moyens d’éviter la décapitalisation du ménage.

Par exemple, les nouveaux migrants qui ont vendu leurs terres des districts voisins pour s’installer dans la vallée, se retrouvent dans les types 5 et 6 : les hommes viennent chercher du travail au bazar mais leur revenu de journalier ne suffit généralement pas à nourrir leur foyer. Ce sont alors leurs épouses qui vendent à leur tour leur force de travail comme domestiques ou gardiennes de vergers, en ville et alentours.

Afin d’adapter les programmes à destination des femmes à chaque type de ménage, il est important que les organismes de développement prennent en compte leurs positions vis-à-vis du travail féminin. Dans les projets d’activités génératrices de revenus pour les femmes, le choix des ménages des types 4 et 6 est pertinent car les hommes y sont habitués à voir travailler leurs épouses et sont prêts à encourager des activités pour leurs femmes génératrices de revenus. Au contraire, si un groupe de micro finance s’adresse aux femmes, des foyers de type 1, 2 et 3, les hommes seront beaucoup plus réticents à l’idée de laisser leurs femmes démarrer une activité rémunératrice.

Photo 3 : Petites filles devant un métier à tisser fabriqué et utilisé par les femmes de Baharak (Octobre 2005).

49 Voir le chapitre suivant sur la place des femmes dans l’économie des ménages et l’annexe n°17 sur les types de crédit en zone rurale en Afghanistan. 50 L’hypothèque permet d’une part d’obtenir rapidement de l’argent et d’autre part de « contourner » la question des intérêts qui reste sensible pour les musulmans. Ainsi, un ménage va donner ses terres en échange d’une somme d’argent et retrouvera l’usufruit de celles-ci lorsqu’il aura remboursé la totalité de sa dette. 51 Les facteurs de production d’une exploitation sont la terre, le travail et le capital.

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“It appears that the richer the household, the less the women work on land. Also, there appears to be a stigma attached to women working on land, as it denotes that the family is poor.” (Jo Grace, 2004) 52

L’exemple de Baharak montre que le travail des femmes, en Afghanistan rural, est à priori une question taboue de la société dans le sens où il est très mal vu pour un homme de faire travailler sa femme. Pour un ménage qui possède suffisamment de terre et de travailleurs il est possible de respecter cette norme : les femmes ne doivent pas sortir de l’enceinte de la maison pour travailler. Par contre, c’est une stratégie de « survie » des ménages que d’accepter le travail féminin rémunéré, devant l’incapacité de fournir suffisamment de richesse par leur force de travail uniquement masculine.

Les femmes sont donc un moyen de rééquilibrer la balance entre contraintes sociales et contraintes du milieu (terre, main d’œuvre,…) qui influencent les stratégies d’un ménage. Elles sont aussi le moyen pour les plus vulnérables d’améliorer leurs revenus. Afin d’appuyer cette analyse et d’envisager des programmes en faveur de l’augmentation des revenus des ménages, il est nécessaire de comprendre plus précisément quel est la place des femmes dans l’agriculture locale et plus largement dans l’économie des ménages. Aussi, le chapitre suivant s’attachera à décrire ces rôles tout en tenant compte de la diversité des situations et des femmes de la vallée.

52 Citation tirée du BM, Gender Report, 2005, p.31.

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3 CHAPITRE III : LE ROLE DES FEMMES EN AGRICULTURE ET DANS L’ÉCONOMIE DES MENAGES.

L’objectif de ce chapitre est de répondre à la question soulevée par la problématique sur la place des femmes afghanes dans la société rurale. Le diagnostic de la vallée de Baharak nous a donné des éléments de réponse qu’il reste à approfondir et à nuancer selon la diversité des catégories de femmes.

3.1 LES PRINCIPALES ACTIVITES DES FEMMES DANS LA VALLEE DE BAHARAK. Les principaux rôles féminins dans cette société rurale concernent des activités

agricoles et non agricoles à l’intérieur de l’habitation.

En lien avec l’exploitation agricole, elles sont souvent responsables du stockage et de la transformation des produits agricoles, puis de la préparation des repas du ménage. Concernant l’élevage, elles gèrent l’alimentation et la santé des animaux à l’étable, l’entretien des litières, la traite et le poulailler éventuel.

Dans le domaine non agricole, les femmes doivent assurer l’ensemble des tâches domestiques. Elles ont aussi souvent une activité artisanale de couture ou de tissage répondant aux besoins du ménage.

Toutefois, ces rôles peuvent varier d’un village à l’autre et d’une femme à l’autre. Quels sont donc les facteurs de diversité?

3.2 FACTEURS DE DIVERSITE DES TACHES FEMININES Différents facteurs influencent le comportement des femmes au sein et à

l’extérieur de leur ménage. Le choix de ces facteurs résulte de l’observation et de la rencontre des femmes de Baharak mais aussi d’études réalisées dans d’autres régions d’Afghanistan, comme en Hazaradjat avec le Groupe URD ou enfin de résultats de recherche (A.R.E.U.53, Afghanistan Research and Evaluation Unit). Ces facteurs sont les suivants :

• La composition du ménage

• Le niveau de richesse matrimoniaux

• Les statuts génésiques et maritaux des femmes

• Les relations entre femmes au sein du village

• L’implication des femmes dans des programmes d’ONGs.

• Les connaissances techniques des femmes en agriculture.

3.2.1 Facteurs démographique et économique Les facteurs concernant la composition du ménage et sa richesse ont été abordés

au cours du diagnostic, on n’en fait qu’un rappel ici. On remarque que les familles communautaires ont une répartition des tâches hiérarchisée entre les femmes et que la plus âgée prend souvent le contrôle de cette répartition. Au contraire, les plus jeunes (les belles-filles) sont reléguées aux tâches les plus rudes. Dans les ménages de taille plus restreinte où vivent seulement les parents et les enfants, les femmes sont plus libres du choix de leurs activités à l’intérieur de la maison et ne sont pas restreintes aux tâches 53 Jo Grace, Who Owns The Farm ?, AREU Report, February 2005, p.8

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domestiques. De plus, concernant la richesse du ménage, nous avons vu dans le diagnostic que les ménages les plus pauvres, en terme de terre et de main d’œuvre, sont aussi ceux qui font le plus appel à la main d’œuvre féminine pour les activités agricoles, dans les jardins ou même dans les champs.

3.2.2 Les statuts génésiques54 et maritaux des femmes. Dés l’enfance (7 ans), les parents orientent « séparément » les activités des

garçons et des filles. Les mères apprennent aux filles les différents travaux domestiques et agricoles afin d’être aidées et de les préparer à leur vie d’épouse : « C’est bien qu’une fille apprenne jeune à travailler dur car ainsi elle est mieux préparée à sa vie future ». Mais les petites filles ne sont pas limitées au seul espace de leur habitation et aident leurs frères dans leurs activités extérieures.

A la puberté, vers l’âge de 15 ans, c’est souvent les pères qui font valoir leur autorité pour annoncer officiellement à leur fille les limites de leurs activités. La jeune fille doit en effet être cachée des regards masculins susceptibles de la convoiter. Elle ne peut donc se dévoiler que devant ses frères, son père, parfois ses oncles et les vieillards. En prévision des accords de mariage, une fille vue en présence d’autres hommes peut voir sa réputation mise à mal et la prestation matrimoniale dépréciée.

Une fois mariée, l’épouse est sous la double emprise de son mari pour les activités publiques et de sa belle-mère pour les activités domestiques. Lorsqu’une femme vit sans la présence de ces deux autorités elle est plus libre de ses choix dans l’enceinte de sa maison mais reste encore souvent sous l’autorité d’hommes (beau-frère, père, fils) en ce qui concerne la vie publique.

54 La position génésique d’une femme fait référence aux différents états corporels de la femme dans sa fécondité: enfant, femme pubère, femme ménopausée,…

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Le schéma suivant (figure 5) permet de détailler les activités et les interdits spécifiques aux femmes selon leur statut génésique et matrimonial.

Figure 5: Schéma des rôles féminins selon la position génésique et matrimonial des femmes.

Seuls les statuts de veuve et de « vieille » (reconnue comme ni homme ni femme par l’Islam) donnent aux femmes la possibilité de « sortir » des trajectoires et des tâches prescrites en lien étroit avec le statut génésique et matrimonial.

Par ailleurs, il est rare de rencontrer des jeunes filles qui participent aux activités du potager. Ces activités semblent les intéresser plutôt avec le mariage car elles ont

Femme mariée(15-30 ans)

Fille (<15 ans)

Jeune-fille pubère

Belle-mère (> 30 ans)

Veuve

- Ne peut sortir seule - Doit porter la burka. - Ne travaille pas dans

les champs - Ne peut vendre elle-

même au marché - Activités artisanales et

domestiques - Ne doit pas parler aux

hommes inconnus. - Ecole pour certaines.

- Ecole - Gardiennage des

animaux - Vente au marché des

produits agricoles peu lourds.

- Transport des repas au champ

- Recherche de combustibles

- Recherche de l’eau potable

- Aide à la cuisine et autres travaux domestiques

- Travaux agricoles et d’élevage à l’intérieur des habitations

- Transformation des produits agricoles.

- Cuisine et fabrication du pain

- Surveillance des enfants (allaitement, soins)

- Organisation et participation aux festivités.

- Tâches domestiques.

- Peut sortir seule - Travaille dans les

champs. - Tiens un commerce

dans un village éloigné.

- Adresse la parole aux hommes inconnus plus facilement.

- Gestion de l’organisation des activités domestiques entre femmes dépendantes.

- Traite des animaux et transformation du lait.

- Organisation des mariages (des fils)

- Surveillance jeunes enfants

Femme ménopausée (> 40 ans)

Jeunes enfants (Garçons et filles) < 7 ans

- Pas de tâches « sexuées ».

- Jeux dans et hors de l’habitation.

- Pas d’école. - Pas de Ramadan.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

39

alors plus envie d’améliorer l’alimentation de leurs enfants et de dégager d’éventuels revenus.

3.2.3 Les relations entre femmes au sein d’un village. On comprend alors que dans un univers hiérarchisé et structuré comme la famille,

certaines femmes admettent que : « le voisinage, c’est mieux que la famille ». Pour d’autres, elles ne connaissent pas leurs voisines et ont peur de sortir. Ces relations extérieures peuvent dépendre de l’« âge » du village (ancien ou nouveau village), de sa composition (ménages d’une même lignée ou ménages composites issus de régions différentes) mais aussi des niveaux de richesse de ses habitants. Par exemple, dans les nouveaux villages de migrants (contrairement aux idées reçues sur les relations de voisinage de villages récemment construits et habités par des gens d’origines diverses) les femmes font preuve d’une entraide forte et d’initiatives collectives uniques dans la vallée : elles ont l’habitude de se retrouver pour échanger des conseils et s’organisent autour de fours à pain communautaires afin de faire face à leur déficit en combustible. Elles sont pour la plupart jeunes et mariées à des journaliers et sont donc toutes dans des situations difficiles.

A l’inverse, dans de nombreux « anciens villages », les problèmes de jalousie et de mésententes entre femmes sont courants. Elles ne sont pas habituées à travailler ensemble et n’en expriment pas le désir.

Donc, avant le lancement d’un projet destiné aux femmes, la prise en compte de ces relations est essentielle afin de révéler des groupes féminins par affinités qui soient efficaces.

Les deux derniers facteurs de diversité qui concernent l’implication des femmes dans les programmes de développement et leurs connaissances techniques en agriculture, seront développées plus tard dans ce chapitre, dans des paragraphes spécifiques à l’agriculture puis au chapitre V sur l’impact des projets AAD.

3.3 LE ROLE DES FEMMES DANS L’AGRICULTURE « It is demonstrated that women play an important role in all dimensions of agricultural

production – in certain regions women’s time input equals men’s, while in other regions traditions restrict their work to the household where they are involved in crop processing and are in charge of household maintenance and reproductive activities. In most cases women’s labor is non-monetized, but they make large labor contributions to a range of marketed products such as dried fruits, opium, fuel wood, dairy products and handicrafts.” (BM, 2005)

3.3.1 Des activités féminines limitées dans l’espace : Les activités agricoles de la zone sont divisées dans l’espace entre les hommes et

les femmes de la vallée qui effectuent, le plus souvent, leurs activités à l’intérieur de l’enceinte des habitations.

Les femmes disent souvent que les cultures maraîchères sont « leur travail » alors que les céréales et les fourrages sont « le travail des hommes ». Excepté la pomme de terre, cultivée en plein champ, les femmes s’occupent des cultures de légumes du semis à la récolte. Si l’on s’attache aux dires des populations, le maraîchage, qui requiert de longues heures de travail, courbé à terre, et une attention presque quotidienne, a valeur de tâche « dégradante » pour un homme, plutôt habitué à manipuler des outils lourds et « nobles » comme l’araire et les bœufs.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Le tableau n°2 permet de décrire de façon synthétique les principales activités agricoles des femmes de la vallée de Baharak. Elles concernent différentes ressources et domaines d’action. Tableau 2: Les principales activités agricoles des femmes de la vallée.

Les principaux

objets d’action

Les activités réservées aux femmes Les activités habituellement réservées aux hommes.

Les animaux d’élevage

o Surveillance sanitaire des animaux à l’étable et au poulailler.

o Sevrage des jeunes animaux o Apport de nourriture à l’étable et au poulailler (basse-

cour).

o La vente des animaux o Le gardiennage hors des

habitations

Les produits animaux

o Traite (vache, chèvre et mouton) o Transformation des produits laitiers (yaourt, crème,

beurre et fromage) o Séchage du fumier et confection de thapack55 o Nettoyage, cardage, filage et tissage de la laine o Nettoyage des peaux. o Conservation et stockage des œufs.

o Equarrissage des animaux. o Tannage des peaux. o Vente des produits transformés

au bazar ou en grande quantité (> 7kg).

Les légumes (potager

ou champ)

o Irrigation des potagers o Semis o Confection de pépinières o Transplantation et démariage o Amendements en fertilisants organiques et chimiques o Désherbage o Récolte o Nettoyage des légumes o Tri et stockage : sous terre pour les pdt56. et les

carottes, dans une pièce sombre pour les oignons. o Séchage des légumes o Confection de bocaux de légumes pour l’hiver

(otchor57) o Conserves de tomates.

o Travail du sol : araire et bœufs o Confection et entretien des

canaux d’irrigation o Vente des légumes au bazar

Les arbres fruitiers

o Surveillance des vergers pendant la récolte o Récolte (activité mixte) o Tri et stockage o Séchage des fruits o Confitures (rare)

o Taille o Amendements, traitements

chimiques o Irrigation o Vente des fruits au bazar

Les céréales

o Nettoyage des grains o Tamisage des grains et de la farine o Fabrication de greniers de stockage (terre) des grains

et de la farine o Stockage et conservation de l’huile o Fabrication du four à pain (terre) o Fabrication du pain, cuisson

o Travail des cultures en plein champ

o Transport des grains et de la paille

o Transformation au moulin (farine et huile)

Les fourrages

o Tamisage et écossage des pois pour l’alimentation humaine et animale.

o Travail des cultures en plein champ

o Transport des fourrages hors de l’habitation

Le pavot à opium

o Désherbage o Récolte par incision (activité mixte) o Récupération des graines pour l’huile o Stockage de la paille comme combustible o Utilisation du tourteau de l’huile de pavot pour

l’alimentation des bovins.

o Travail du sol, irrigation o Amendements o Vente du latex o Broyage des graines au moulin

55 Tchapack : terme local pour désigner les disques de fumier mélangés à de la paille que les femmes font sécher sur les toits et les murs et les utilisent comme combustible. 56 Pomme de terre (pdt.) 57 Otchor: Bocaux de légumes conservés dans une eau vinaigrée.(voir chapitre alimentation)

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

41

3.3.2 Répartition des activités selon les saisons Les périodes d’intense activité pour les femmes en milieu rural commencent dés

les premières mises bas des animaux, souvent au printemps (mars-juin) jusqu’à la fin des récoltes et des travaux de séchage (octobre-novembre). Les femmes disent être particulièrement occupées durant les moissons de blé (juillet-août) et le début de l’automne lorsqu’elles doivent assurer les repas des travailleurs au champ, les récoltes de fruits et légumes, leur stockage et leur transformation. Dans le même temps, les animaux partis en estive (sauf les troupeaux de moutons qui restent jusqu’à la fin de l’année) rentrent à l’étable et les femmes sont chargées de leur entretien. Une des principales activités des femmes à la fin de l’été (septembre-octobre) est aussi de confectionner des tchapack, utilisés ensuite comme combustible pour la cuisine et le chauffage.

Leur pointe de travail a donc souvent lieu en été (de juin à septembre), lorsque les jours sont encore longs et les conditions climatiques favorables aux diverses activités de nettoyage, de séchage et de transformation laitière.

Le cas du pavot à opium représente une activité où le besoin en main d’œuvre est tel au moment de la récolte (avril à juin) que les femmes peuvent y consacrer prés de 8h par jour pendant plusieurs semaines. Dans les ménages où la force de travail masculine est insuffisante (voir les types 4 et 6 de la typologie du diagnostic), le travail des femmes est aussi requis dans les champs pour l’incision des capsules de la fleur de pavot. Certaines femmes sont donc limitées dans leur investissement vers d’autres activités ( comme le maraîchage) ou pour leur participation à des groupes de femmes.

Les projets destinés aux femmes doivent tenir compte de ces activités saisonnières pour proposer aux femmes des activités et des groupes qui requièrent un minimum de temps durant les mois de pointe de travail. Par contre, ils peuvent profiter des mois d’hiver (décembre-mars) pour la mise en route de nouveaux programmes et organiser des réunions régulières.

3.3.3 La transformation est surtout destinée à l’autoconsommation.

Les différentes techniques de transformation servent d’une part à conserver les aliments tout au long de l’année pour les consommer lorsqu’il n’y a plus de produits frais sur le marché (ou qu’ils sont très chers) et d’autre part à vendre les surplus éventuels au moment où les prix sont les plus élevés sur le marché (entre janvier et avril). En effet, à cette période, les transports sont difficiles (conditions climatiques) et augmentent considérablement les prix de produits importés dans la vallée. De plus, ce moment correspond à la période de « soudure »58.

Mais, les ménages qui dégagent des surplus de leur agriculture constituent une minorité sur la zone et la plupart auto consomment toute leur production.

3.3.3.1 Le séchage des fruits et des légumes59 : Les techniques de séchages ne s’attachent pas à donner une apparence « belle »

aux fruits et légumes séchés car ils sont d’abord destinés à la consommation du ménage. Les femmes de la vallée de Baharak sèchent donc leurs fruits et légumes au soleil, parfois à même le sol ce qui ne les protège pas de la poussière, des gravillons et des 58 La période de « soudure » correspond à la fin de l’hiver et au début du printemps, au moment où les revenus des ménages sont les plus bas du fait de la faible offre d’emploi des mois d’hiver. 59 Un tableau des caractéristiques agro économiques des principaux fruits et des légumes produits sur la zone est présenté en annexe n°18.

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Lait bouilliAjout d’un ancien yaourt (ferment)

Battage dans le mashk (baratte) du yaourt gras.

Egouttage, salage

Krout : Fromage acide et très sec

Maska:Beurre

Dur

Tchakah

Dur: Phase inférieure non grasse, très liquide

Mise à ébullition, salage

Moulage en « balles » ( 5-10 cm de diamètre)

Sousma

Sousma et Tchakah : Fromage liquides acides

Kaimoch Moss : Yaourth

Phase supérieure grasse conservée dans du gros sel

Lait de vache, de chèvre et de brebis.

Kaimoch : Phase supérieure du lait bouilli (« peau du lait ») dont une partie est gardée pourles invités et la cuisine.

Mise à ébullition, salage, ajout de dur froid et d’aromates

« grignotages » d’animaux rôdeurs. Ensuite, la plupart des légumes séchés (tomates, piments, oignons, ail) sont broyés en poudre, mis en pots et servent ensuite de condiments. Les fruits secs sont conservés dans des sacs à l’abri de l’humidité et de la lumière.

Les femmes ne sont pas prêtes à modifier cette technique de séchage solaire qui reste en fait la plus pratique en terme de temps et de coût. En effet, elles peuvent sécher une grande quantité de produits en un minimum de temps et n’ont besoin d’aucun achat de matériel particulier pour cette conservation.

3.3.3.2 La transformation du lait : Les produits laitiers mobilisent des techniques de conservations traditionnelles

parfaitement maîtrisées par les femmes de la zone qui permettent de dégager des petits revenus de leur travail.

La transformation du lait en beurre et en krout est aujourd’hui réservée aux ménages qui possèdent plus de deux vaches et plus de cinq petits ruminants, chèvres ou brebis. Ces ménages se situent en majorité dans les villages d’estives (les Shewas60) et dans les villages ouzbeks qui possèdent des terres de pâturages plus étendues que les autres habitants de la vallée. Ainsi, la majorité des femmes de la zone utilisent le lait de la traite une fois bouilli pour le consommer directement avec le thé ou le transforment en yaourt. Le lait caillé (moss) est le produit transformé le plus répandu à Baharak durant les périodes de pic de lactation des femelles (mai-septembre).

Figure 6 : Schéma de la transformation du lait en ses différents sous-produits.

60 Voir annexe sur les Shewas n°19.

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Cette chaîne opérationnelle schématisée ci-dessus (figure 6) nous révèle une maîtrise complexe du lait et de ses multiples produits dérivés par différentes techniques féminines. Photo 4: Battage du yaourt dans le mashk (peau de veau).

Chaque femme choisit de transformer le lait selon ses disponibilités en lait (en terme de « quantité » mais aussi de « qualité »). En effet, un lait de brebis est beaucoup plus gras qu’un lait de vache et donnera donc plus de beurre en comparaison d’un autre. Un lait de chèvre, lui, donnera moins de gras qu’un lait de brebis ou de vache mais le krout sera de meilleur goût et plus protéique61. Elles évaluent donc la matière première avant d’en décider l’usage et le procédé de transformation associé.

Sur le plan économique, il semble que le krout soit le produit le moins rentable en terme de valeur ajoutée. Au contraire, la vente de lait frais et de yaourt est la plus avantageuse car ces produits contiennent peu

de matière sèche comparée à la masse totale vendue (moins de 5%)62. Par ailleurs, ces produits sont facilement commercialisables, par l’intermédiaire des enfants, au bazar ou aux voisines.

Il est très difficile d’estimer la quantité de lait nécessaire à la confection de chaque produit et donc d’évaluer l’opportunité économique de valorisation possible. Celle-ci dépend des volumes de lait, très variables selon les saisons, de la teneur lipidique et de la consommation en lait, en yaourt ou en fromage, de chaque foyer. L’exemple suivant permet d’illustrer la chaîne de transformation du lait et la valorisation de cette production par une femme de la zone d’étude.

Prenons l’exemple d’une femme Ouzbek qui possède quatre vaches qu’elle trait deux ou trois fois par jour durant les 4 mois d’estives. Elle produit entre 32 et 48L de lait par jour (selon la période de lactation63). Elle fait du beurre tous les deux ou trois jours à raison de 750 g à 1 kg de beurre à chaque fois. Elle garde ce beurre pour la consommation de son ménage, il servira pour la cuisson mais aussi d’accompagnement du pain pour les invités. Le beurre est rarement vendu car il peut se conserver facilement durant les mois d’hiver dans du sel et les surplus sont rares ; il constitue un aliment utilisé comme l’huile végétale dans l’alimentation des ménages de la zone64. Le Tchakah est parfois vendu à des éleveurs transhumants de passage et consommé par les différents invités venus visiter cette femme. Elle fabrique 14 à 17 kg de krout tous les mois ou tous les mois et demi. Au retour des estives, cette femme a vendu 1 ser (7kg)de krout pour 400 afghanis à un commerçant de Baharak (par l’intermédiaire de son fils). Elle garde le reste pour son ménage et en guise de présent pour ses voisines et ses proches. Elle dit que le krout est un produit de plus en plus rémunérateur car de moins en moins de femmes en produisent.

61 Le lait de chèvre est conseillé par les nutritionnistes pour l’alimentation infantile car il est plus riche en protéines. 62 En effet, 1 kg de fromage sec est vendu entre 60 et 100 afghanis le kilo à Baharak alors que le litre de lait coûte entre 20 et 40 afghanis et qu’il faut bien plus de 2 L de lait pour faire 1 seul Kg de krout. 63 Durant les deux premiers mois qui suivent une mise bas, une vache de la zone, de bonne conformation et bien nourrie, peut produire 12L de lait par jour. Les deux mois suivant, elle n’en produira plus que 8L. 64 Voir chapitre IV sur les dynamiques de la consommation alimentaire de la zone.

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3.3.3.3 La transformation de la laine et de la peau : Dans certaines zones de l’Afghanistan où l’élevage représente encore la principale

richesse, comme dans les hauts plateaux de l’Hazaradjat, les femmes confectionnent presque toutes des pelotes de laine qu’elles vendent aux commerçants des villages. Dans la région de Mazar-e-Sharif, les femmes sont réputées pour leur savoir-faire artisanal des tapis et leur broderies qui sont vendus très chers à Kaboul ( et dans le monde entier). Dans la vallée de Baharak en revanche, ces techniques artisanales sont rarement maîtrisées et le commerce de la laine n’y est plus répandu. De même, le tannage des peaux a disparu. Deux raisons peuvent expliquer cela : la première serait la forte diminution de l’élevage ovin dans la vallée depuis les années de guerre donc la pénurie prolongée de laine. La seconde renvoie à l’arrivée de nouveaux produits bon marché au bazar de Baharak, comme les moquettes importées d’Iran, les tissus et les cuirs synthétiques largement prisés localement et qui n’encouragent pas les femmes à fabriquer elles-mêmes ces produits.

Mais, quelques « traces » d’artisanat sont encore visibles sur la zone. Elles concernent la transformation de la laine pour le tissage de gelam65 à partir des poils de chèvres ou de laine de moutons achetée ou échangée dans les Shewas. Ces tissages servent à confectionner de gros sacs pour le transport des céréales, de la paille et des fourrages. Ils ne sont presque jamais destinés à la vente mais sont parfois échangés entre femmes ou offerts à l’occasion de mariages.

3.3.4 Historique des activités maraîchères et fruitières. 3.3.4.1 Une Histoire déjà ancienne pour les femmes des vallées.

« Ma mère et ma grand-mère s’occupaient déjà du potager », déclare une femme originaire d’une vallée voisine de Baharak. Comme elle, beaucoup de femmes affirment que les cultures maraîchères, excepté les pommes de terre, sont de la responsabilité des femmes depuis longtemps. Certaines expliquent que les femmes se seraient mises à travailler la terre pour les légumes depuis la guerre contre l’URSS alors que beaucoup d’hommes n’étaient plus disponibles. La pénurie de main d’œuvre masculine serait donc une des raisons de la généralisation de l’insertion des femmes dans le maraîchage.

Dans la vallée de Baharak, où les cultures maraîchères sont possibles grâce à l’irrigation et à un climat favorable, les femmes ont donc un savoir-faire « maraîcher » issu d’au moins une ou deux générations, transmis de mère en fille ou de belle-mère en belle-fille. En fait, bien avant les années de guerre, les femmes jouaient déjà un rôle majeur dans la production fruitière. Toutes s’accordent pour dire qu’il y avait d’ailleurs beaucoup plus de fruits avant les années 80 et qu’elles transformaient alors des quantités de fruits (secs) bien plus qu’aujourd’hui. La disparition de nombreux arbres fruitiers, la division des vergers lors des successions et l’accroissement démographique sur la zone expliquent la régression du travail féminin dans les vergers.

3.3.4.2 Le retour des réfugiés et l’arrivée des ONGs ont permis le développement des productions de fruits et légumes.

L’arrivée de femmes réfugiées, fuyant les conflits durant les dix dernières années, a été porteuse d’un « savoir-faire » technique nouveau pour le maraîchage. Ces femmes, venues de provinces situées plus au sud (Kaboul, Tarar), avaient l’expérience d’une agriculture plus complexe et diversifiée, elles ont permis ainsi la diffusion de nouvelles variétés de légumes. 65 Gelam: sorte de natte tissée en laine ou en poil, à grosses rayures, et fabriquée à l’aide d’un métier à tisser de plusieurs mètres de longueur que les femmes construisent elles-mêmes (voir photo n°3).

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Par ailleurs, les ONGs qui se sont implantées à Baharak comme AAD ont elles aussi diffusé de nouveaux légumes et variétés de fruitiers et fourni des conseils techniques aux femmes par l’intermédiaire de visites dans les villages et de formations.66 Elles ont aussi permis d’augmenter l’offre en intrants agricoles de Baharak et donné ainsi la possibilité à un plus grand nombre de ménages d’accéder aux semences, engrais et pesticides utiles au maraîchage et à l’arboriculture.

Aujourd’hui, rares sont donc les femmes qui ignorent le maraîchage. Celles qui manquent de savoir en la matière sont souvent des réfugiées récentes venues de villages d’altitude (où les légumes ne sont pas cultivés), ou encore des femmes sans jardin potager par manque de terre, disponible ou irrigable, dans leur habitation ou à proximité de chez elles.

3.3.4.3 L’essor de la production maraîchère permet aux femmes de dégager des petits revenus.

Depuis deux ans, l’arrivée massive de nouveaux habitants et l’agrandissement du bazar ont multiplié les petits vendeurs dans les lieux publics de Baharak (marché central, écoles, routes) qui proposent des légumes frais, des fruits mais aussi du lait et des produits transformés par les femmes. Ces ventes (de faibles volumes) sont souvent menées par les enfants et résultent à la fois de l’exemple de Faizâbâd et des programmes d’ AAD qui incitent les femmes à dégager de petits revenus de leurs activités67. Les districts voisins, plus enclavés que Baharak, ne sont pas encore habitués à de telles pratiques et rares sont les enfants qui viennent vendre les produits de leur mère au bazar.

Les enfants constituent ici des aides ou intermédiaires précieux pour les épouses puisqu’en leur délégant cette tâche commerciale elles peuvent dégager un revenu sans entraver les règles de la société locale. Ce commerce permet de plus d’accéder au marché sans passer par un homme et de participer financièrement aux achats du ménage.

Toutefois, cette valorisation du travail agricole des femmes n’est pour l’instant applicable qu’à un petit nombre de femmes en zone rurale en Afghanistan. Afin de comprendre la lente évolution de cette participation financière des femmes au budget des ménages, la partie suivante pose la question de la place des femmes dans les prises de décision du ménage et plus généralement de leur rôle dans cette économie.

3.4 LES FEMMES ABSENTES DE LA GESTION ECONOMIQUE DU MENAGE, UN A PRIORI ?

3.4.1 L’héritage culturel limite l’accès aux prises de décisions financières.

3.4.1.1 Les négociations autour du foncier sont réservées aux hommes

Dans la société rurale afghane, la terre est considérée comme une ressource financière au même titre que l’argent. Lors du décès d’un propriétaire foncier, les femmes n’assistent jamais aux négociations relatives à l’héritage de ces terres. Même s’il s’agit de son mari, une épouse ne sera informée qu’une fois l’accord conclu entre les 66 L’évaluation des programmes de jardins potagers proposés par AAD fera l’objet d’une partie du chapitre 5 et décrira les modes d’intervention des agents de développement pour la diffusion de savoir-faire. 67 Voir les groupes de micro finance d’AAD, appelés « Self Help Group », décrits et analysés dans le chapitre cinq.

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hommes de la famille, souvent en présence d’un Mollah qui observe les règles de succession (voir citation du Saint Coran sur la succession des terres dans l’annexe 20).

De même, une femme ne peut revendiquer seule un titre de propriété si elle n’a pas le consentement d’un homme et un porte parole masculin. Ainsi, les fils d’une veuve ont le droit de récupérer les terres de leur père sans demander l’avis de leur mère. Elles sont donc exclues de toutes transactions foncières, comme de tout droit d’appropriation de parcelles.

3.4.1.2 Une femme ne doit pas négocier de grosses sommes d’argent.

Les femmes ne sont pas non plus conviées à participer aux prises de décision financières lors de dépenses « extraordinaires ». Par exemple, les transactions d’argent lors d’une demande en mariage se font toujours entre hommes. La vente de bétail exclue elle aussi, la plupart du temps, les femmes.

De même, pour les dépenses liées à l’alimentation, ce sont les hommes qui font les achats d’aliments « en gros » comme le blé, la farine, le bois,... Rarement, les choix d’ingrédients pour la cuisine sont donc alloués à celle qui prépare le repas car ce sont les hommes et les enfants qui se chargent des achats. De plus, dans les villages éloignés du bazar principal, même si une femme a son propre emploi, elle demandera presque toujours l’avis de son mari ou du chef de famille (père, frère, fils aîné) avant d’acheter une robe, un bijou ou quelque chose pour ses enfants.

Enfin, s’il arrive à une femme de vouloir vendre un produit de son activité artisanale ou agricole comme un gelam ou du krout, elle ne peut négocier au delà d’une certaine limite d’argent (environ 500 Afghanis soit 10$) car elle est souvent considérée par la société comme incapable de comptabiliser des sommes élevées.

3.4.2 Les activités domestiques éloignent les femmes du budget de leur ménage.

3.4.2.1 Des tâches ménagères gérées au jour le jour, sans « budget prévisionnel ».

Dans les représentations locales, la gestion des tâches ménagères ne nécessite pas de prévisions sur le long terme car elle est pensée comme une série de travaux répétitifs, peu différents d’une saison à une autre. Par ailleurs, les seules dépenses liées à ces tâches ne représentent pas des sommes très importantes et peuvent être gérées au jour le jour.

Enfin, le fait de limiter les femmes à l’espace domestique, de les éloigner d’un enseignement scolaire ne leur permet pas de se familiariser avec les notions de comptabilité, pourtant utiles. De nombreuses femmes sont donc encore exclues de toute réflexion, de toute maîtrise et prise de décision en matière budgétaire dans leur ménage.

3.4.2.2 Les femmes n’ont pas le temps pour de nouvelles activités génératrices de revenus.

Les activités décrites précédemment sont nombreuses et laissent peu de temps libre aux femmes durant les trois quart de l’année. De plus, elles doivent assurer l’entretien de leur maison, la garde des enfants, la préparation des repas qui occupent une grande part de leurs journées. L’emploie du temps suivant (tableau 3) permet de donner une idée d’une journée d’été « type » d’une femme dans la vallée de Baharak..

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Heure Activités Commentaires

5h Lever et prière Surveillance des enfants

Souvent, tout le monde dort dans la même pièce qui est aussi le lieu de réception. Il n’y a pas beaucoup de place pour l’intimité.

5h30-6h Préparation du petit déjeuner (thé au lait salé avec du pain)

La confection d’un feu nécessite d’importantes quantités de combustibles, parfois difficiles à se procurer et chers (voir annexe 16).

6h-7h Traite des animaux à l’étable Faire bouillir le lait, recueillir le kaimoch.

C’est souvent l’activité de la femme la plus âgée. Aussi, en été, peu de femelles restent à l’étable car elles montent en estive.

7h-9h Nettoyage et rangement de la maison Lessive (à l’eau froide le plus souvent) Surveillance des animaux à l’étable, alimentation des animaux (bétail et basse-cour)

Certaines femmes n’ont pas de canal qui passe dans leur cour et doivent envoyer les enfants chercher de l’eau quotidiennement pour laver le linge, faire la cuisine,…pour l’eau potable, les hommes et les enfants vont avec des ânes aux sources ou points d’eau villageois.

9h-11h : Nettoyage de la litière et confection des tchapack Garde des enfants en bas âge Activités du potager, du verger,… Couture, reprisage

Ce travail (tchapack), particulièrement pénible, nécessite de longues heures quotidiennes et les femmes nécessitent souvent l’aide de voisines afin de sécher « à temps » leur masse de fumier.

11h-12h30 :

Préparation du déjeuner Cette préparation nécessite souvent deux femmes pour faire le feu et préparer les aliments.

12h30-14h

Service du repas, vaisselle, repos (prière)

Souvent, les hommes mangent dans les champs et les enfants vont leur porter leur repas.

14h-15h30

Préparation du pain La production de fumée dégagée par le tandur68 accentue les maux courants des yeux des femmes.

15h30-17h30

Activités du potager, du verger Séchage des fruits et légumes Réception des invités Garde des enfants en bas âge

En été, il est très courant que les femmes reçoivent des invités venus d’autres districts à l’occasion de fêtes (mariage, naissance) mais aussi pour accompagner leurs maris qui viennent faire des achats au bazar, aller à la clinique,…

17h30-18h30

Traite et Fabrication du yaourt Surveillance des animaux à l’étable

18h30-20h

Préparation du dîner Toilette enfants/mère Prière

20h-21h Vaisselle, rangement Coucher des enfants Soins aux animaux à l’étable (alimentation, surveillance)

Rares sont les ménages qui possèdent un générateur pour l’électricité, ils s’éclairent à la lampe à pétrole.

21h-22h Couture, détente, coucher Les foyers les plus aisés peuvent regarder la télévision.

Tableau 3: Emploie du temps journalier « type » d'une femme de la vallée en été (2005)

Certaines périodes, comme le mois du Ramadan, sont particulièrement difficiles pour les femmes qui doivent préparer de nombreux plats pour le repas du soir alors qu’elles sont plus faibles physiquement. Souvent, les femmes disent que pendant ce mois là et les mois de récoltes, « on n’a même pas le temps de prier » et ajoutent

68 Tandur : four à pain circulaire, creusé dans le sol (le pain est cuit contre ses parois chaudes).

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« comment pourrions nous alors participer à de nouvelles activités, à des groupes ? ». Le manque de temps est souvent évoqué pour expliquer leur absentéisme à des groupes d’alphabétisation et de micro finance, ou aux activités d’artisanat proposées par AAD.

Néanmoins, en hiver ou dans de nombreux ménages « communautaires » (où sont présentes plusieurs femmes de plusieurs générations), il paraît envisageable d’aider les femmes à s’organiser de façon à leur libérer du temps pour s’investir dans d’autres activités potentiellement génératrices de revenus pour leur ménage.

3.4.3 Certaines femmes sont amenées à gérer seules une partie des dépenses du ménage.

Exemple de Ghorshona, jeune femme de la vallée qui gère les achats du ménage quand son mari ou son fils est dans les terres, éloignées du village ou parti à Faizâbâd.

C’est elle qui se charge, par l’intermédiaire de sa fille aînée, de faire les réserves d’aliments (sauf le blé), du linge de maison et des combustibles pour l’hiver avant que les prix ne soient trop élevés et les routes difficilement praticables. Elle ne dit pas toujours à son mari les sommes qu’elle a dépensées sauf s’il s’agit de médicaments (souvent chers) mais il lui fait confiance. D’après elle, il s’accommode très bien de cette « prise de pouvoir » car il est souvent absent et préfère ne pas avoir l’entière charge de cette gestion économique. Elle-même n’a pas d’activité rémunératrice et ne sait ni lire ni écrire mais elle sait très bien combien elle peut dépenser et les quantités dont elle a besoin pour l’alimentation du ménage avant la période de soudure du début du printemps.

D’autres exemples que celui de Ghorshona illustrent ce cas de femmes qui gèrent une partie des dépenses de leur ménage.

Parmi les femmes qui vivent non loin du bazar et qui touchent un petit revenu, nombreuses sont responsables des courses (habillement, matériels divers) pour elles-mêmes et leurs enfants. Lorsque leur mari touche lui-même un revenu régulier et suffisant, elles mettent leur argent de coté pour des dépenses personnelles ou pour les achats de première nécessité comme le thé, le riz, l’huile, le sucre, ...

De plus en plus, des jeunes filles institutrices, couturières, brodeuses (artisanes) bénéficient d’une relative autonomie financière. Leurs parents les incitent alors à pourvoir à leurs besoins vestimentaires et de « loisirs ». Elles peuvent ainsi acheter une machine à coudre, faire partie d’un groupe de micro finance, s’acheter des meubles pour leur future maison,…Ces activités rémunératrices sont parfois vues comme une épargne en prévision de leur mariage et certains pères encouragent leurs filles dans cette voie pour pouvoir exiger une prestation matrimoniale plus élevée au mariage et doter leurs filles d’un meilleur capital.

Le cas des veuves est ambigu car il est souvent responsable d’une paupérisation mais peut aussi être l’occasion d’une nouvelle liberté des femmes : « Avec les 10 000 afghanis (environ 200 $) de ma vente de pavot, j’ai acheté une échoppe » déclare Rulgôl, veuve depuis une dizaine d’années. Une autre, exilée au Pakistan et revenue dans la vallée depuis peu, a acheté une vache avec l’argent reçu en tant que réfugiée. Ces deux femmes ont pu, par l’absence de mari, se libérer des contraintes sociales. Devant la nécessité de faire face aux dépenses de leur foyer, elles trouvent le courage et le dynamisme de s’insurger contre les normes, de lancer de nouvelles initiatives. Ainsi, certaines veuves font du porte à porte pour vendre des herbes médicinales, des instruments de musique et des bijoux fabriqués localement.

Enfin, les femmes dont les époux et/ou fils sont dans l’incapacité de travailler ou ne suffisent pas à la reproduction du ménage, deviennent employées chez d’autres. Elles travaillent alors surtout dans la ville nouvelle, dans des ménages aisés, où l’épouse est

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salariée et ne peut assurer toutes les tâches ménagères. Les travaux domestiques auxquels participent ces femmes sont souvent rémunérés en nature (riz, thé, sucre, fumier,…).

3.4.4 Les femmes participent à des échanges qui entrent dans l’économie des ménages.

3.4.4.1 Les échanges avec les commerçants : Les femmes mobilisent cette forme de troc lorsqu’elles ont besoin rapidement de

biens de première nécessité qu’elles peuvent trouver dans les échoppes de leur village. Souvent, elles sont connues du commerçant qui est un voisin ou un membre de la famille élargie et celui-ci accepte de recevoir du blé, des fourrages, des légumes du potager, en échange de sa marchandise. Ces échanges ne sont pas possibles avec les commerçants plus éloignés de la ville nouvelle car les femmes les connaissent rarement et eux-mêmes n’acceptent que de l’argent ou du pavot. Ces échanges privilégiés fonctionnent donc exclusivement dans des réseaux de proximité communautaire.

La plupart des femmes connaissent la valeur de ces échanges et leur variation suivant les saisons (le prix du blé peut parfois doubler entre la fin des moissons et le printemps). En ce qui concerne les produits issus de leur transformation (krout, tomates séchées) elles attendent donc, pour les échanger l’hiver ou le printemps. Néanmoins, dans les villages les plus éloignés de la ville nouvelle où elles échangent surtout avec des vendeurs ambulants, il leur est difficile de réaliser à quel prix leur produit va être ensuite revendu sur les bazars. On constate souvent que ce prix est bien supérieur à celui auquel les femmes ont échangé leur krout contre quelques kilos de thé, d’huile,…

3.4.4.2 Les échanges réciproques avec le proche voisinage. Dans les villages où le réseau social des femmes est dense et actif, les échanges de

produits alimentaires entre femmes sont courants. Ils dépassent rarement la famille ou le proche voisinage. Mais ces échanges ne correspondent pas à du troc dans la mesure où aucune équivalence n’est donnée entre différents produits alimentaires et où il n’y a pas une réciprocité de l’échange pour les deux parties : une femme « prête » du riz à sa voisine qui lui rendra la même chose la semaine suivante. Ces échanges sont plutôt considérés comme une entraide et sont rarement refusés dans la mesure où les femmes maintiennent une bonne « réciprocité » dans ces dépannages.

Certains échanges entre voisines peuvent être monétaires mais reposent sur la confiance mutuelle et ne nécessitent pas de témoin (reciprocity69) : ainsi, une femme qui a emprunté à sa voisine 500 afghanis ou 50 kg de farine ne lui remboursera pas avant l’année suivante, alors qu’avec un crédit d’un commerçant il lui faudra rembourser quelques jours plus tard (avec ou sans intérêt selon l’échéance de remboursement et le montant du prêt).

3.4.4.3 Les dons ou échanges non réciproques, liés à la reconnaissance sociale.

Une femme pauvre qui vit seule (avec ou sans enfant), est souvent conviée chez

ses voisines pour faire cuire son pain ou y recevoir des produits frais (du lait, des œufs). Cette forme de solidarité, repose en fait sur des valeurs et principes attribués au lait : par exemple, dans les villages Pachtounes, il est très mal vu de vendre du lait. Si une femme ne possède pas d’animaux, elle pourra donc recevoir un peu de lait de ses voisines (pour qui c’est peut-être un devoir que d’en donner aux démunis). Mais une femme n’ira 69 Voir annexe sur les types de crédit en Afghanistan rural n°17.

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jamais d’elle-même en demander (même si elle est prête à l’acheter). Une femme pachtoune préfère alors souvent faire acheter du lait, empaqueté au bazar par ses enfants, ou même s’en passer, plutôt que d’avoir recours à l’« aumône ». Le lait, dans ce type de transaction (don entre voisines) apparaît alors comme un bien exclu de l’échange marchand, du moins dans les réseaux de femmes et de voisinage.

On remarque que le lait ressort encore ici comme un produit à haute

valeur. Dans l’idée de développer des filières génératrices de revenus pour les ménages de la vallée, les programmes de développement devraient donc encourager la production laitière (et sa transformation).

Enfin, dans les échanges de conseils et de recettes sur d’autres produits alimentaires, les femmes sont parfois réticentes à diffuser leurs connaissances qu’elles estiment comme de véritables compétences personnelles porteuses de leur identité. Celles qui apprennent une nouvelle technique pour leur potager, par exemple, ont beaucoup de mal à en faire profiter les autres par crainte de perdre quelque chose ou d’être plus tard en concurrence sur l’efficacité de leurs pratiques (toujours sous le jugement de la société). En effet, les femmes possèdent rarement des biens propres puisque tout ce qui a de la valeur, au sens commercial du terme, est alloué aux hommes. Elles sont donc très attachée à ce qui leur est donné personnellement, un savoir, un animal lors de leur mariage, une compétence particulière : les sages femmes en sont l’exemple. Les dayâs70, ne reçoivent, en effet, aucun revenu de leur activité mis à part quelques « cadeaux » éventuels mais gagnent une véritable reconnaissance sociale au sein des femmes de leur village grâce à ce statut.

3.4.5 Les femmes jouent un rôle capital dans la gestion des préparatifs de festivités.

Les préparatifs d’une fête font partie de la vie économique d’un ménage car ils représentent souvent des sommes importantes. Plusieurs mois avant la fête, un ménage doit donc faire des économies et les femmes sont souvent mises à contribution dans l’établissement d’un fond pour cet événement. Elles confectionnent par exemple des travaux de couture et de broderie qu’elles vont ensuite vendre ou échanger auprès de leurs voisines et connaissances. L’argent ou les biens dégagés de la vente de produits transformés sont aussi parfois mis de coté pour ces festivités.

Par ailleurs, plus une famille est riche, plus elle souhaitera le montrer à ses invités et dépensera d’argent pour cette fête. La finesse des mets, le nombre de cadeaux, les décors du lieu de réception sont la promesse d’une véritable reconnaissance sociale et pour cela, les femmes doivent impérativement préparer la fête avec soin. Une bonne organisation entre femmes est alors essentielle pour une gestion pertinente du budget, souvent décidé par les hommes.

A l’occasion d’un mariage, une fois le contrat établi, les femmes doivent s’adapter à la liste fixée pour préparer la fête. Puis, elles doivent s’organiser pour la une répartition des tâches selon les goûts et compétences de chacune. Ce n’est pas forcément la future belle-mère qui dirige les activités. De même pour un deuil, une naissance ou les préparatifs de l’Eïd71, les femmes se regroupent par affinités et compétences pour

70 Ce terme désignait les sages-femmes traditionnelles mais correspond aujourd’hui aux femmes formées par les ONGs (MSF, AAD) sur la zone pour la prévention des femmes enceintes et l’aide aux accouchements dans les villages. 71 L’Eïd signifie une fête religieuse musulmane. Elles sont au nombre de deux par an et durent chacun trois jours et trois nuits.

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cuisiner, coudre, nettoyer et discuter. Tous ces évènements sociaux sont l’occasion privilégiée d’échanger des savoir-faire, du moins entre aînées et cadettes.

L’exemple de la fête du Samenack72: « on organise un grand repas entre femmes ».

C’est une fête très ancienne, à l’occasion de la nouvelle année, le 21 mars. C’est avant tout une fête de voisinage. Une ou deux femmes prennent l’organisation de cette journée en main. Elles font une réunion avec d’autres femmes pour se mettre d’accord sur la participation financière (de 10 à 50 afghanis) ou en nature de chacune et du lieu. Elles constituent une liste de courses et d’ustensiles nécessaires à la cuisine et à l’installation. Souvent, elles chargent leurs enfants ou leur mari d’acheter les aliments nécessaires. La veille, elles préparent ensemble le samenack et ont un chant spécial pour cette occasion. Elles partent ensemble, le jour de la nouvelle année, pour un repas en plein air (souvent dans un jardin privé) alors que les hommes font la fête de leur coté. Le samenack est donc à la fois un plat spécifique et un moment symbolique d’activation des liens de voisinage. Le blé y est l’élément essentiel, symbole ancestral de prospérité.

3.4.6 Acquérir une « indépendance financière » ? «C'est vrai que la burqa est un symbole d'oppression, mais les femmes ont des

besoins plus pressants, comme l'éducation, la santé et l'indépendance économique», a affirmé la Ministre de la condition féminine, Habiba Sorabi73.

Certaines femmes de la vallée de Baharak, on l’a vu, ne se rendent jamais au marché et ne vendent ni n’achètent aucune marchandise même à des revendeurs locaux. Elles sont donc parfois effrayées à l’idée de devoir gérer une somme d’argent. Par contre, d’autres, habituées à réaliser des transactions de type commercial, même indirectement grâce à leurs enfants, gèrent parfois une partie des dépenses de leur ménage. Ce sont elles qui seraient les plus à même de désirer plus d’autonomie financière. Mais en expriment-t-elles vraiment le désir et s’agit-il d’une priorité pour l’amélioration de leur condition?

Une jeune veuve, revenue du Pakistan où elle a habité trois ans avec son frère déclare même: « J’étais plus heureuse là-bas car c’était mon frère qui s’occupait de l’argent. Maintenant je suis seule pour gérer la location d’une maison, de mes terres et de l’éducation de mes enfants, c’est très dur».

En effet, la société occidentale voit l’émancipation des femmes essentiellement à travers leur autonomie financière. Mais en Afghanistan, et surtout dans les zones rurales, il semble que beaucoup de femmes voient comme «une chose normale» le fait que leur mari fasse les principaux achats, qu’il négocie seul des transactions. Elles ne semblent pas intéressées pour être intégrées aux prises de décisions financières. Il est donc bon de relativiser cette ambition de la femme « autonome financièrement » dans les objectifs des projets de développement destinés aux femmes afghanes et rester à l’écoute de leurs véritables priorités et contraintes.

72 Samenack : préparation culinaire à base de grains de blé germés, riche en protéines et en vitamines. (Voir l’annexe n°21 sur les plats cuisinés). 73 Citation parue dans « Les femmes et les enfants d'abord », Claude Lévesque. Édition du mardi 3 août 2004, http://www.ledevoir.com/2004/08/03/60500.html

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Ce chapitre nous a montré que les femmes de la vallée de Baharak ne sont pas seulement des individus enfermés dans leur habitation mais aussi des agents économiques essentiels, qui fournissent, par leurs activités et savoir-faire, des richesses nécessaires à la reproduction sociale et économique du ménage.

Dans les ménages (économiquement et socialement) les plus vulnérables, les femmes accroissent la capacité de résilience du foyer : « Grâce à la vente du lait, j’ai pu faire des réserves d’aliments pour cet hiver », dit une jeune femme de la vallée, seule chez elle pour s’occuper de tous ses enfants, dont le mari ne travaille pas sur place. Avec l’aide de leurs enfants, de plus en plus de femmes parviennent par ailleurs à dégager de petits revenus et peuvent ainsi acheter elles mêmes des biens de première nécessité. Il s’agit le plus souvent des ménages les plus pauvres.

Enfin, on constate à quel point les femmes sont orientées vers l’amélioration des conditions de vie de leur foyer qui passe principalement par la santé de ses membres et l’alimentation. Or, les femmes sont bien responsables des activités liées à l’alimentation depuis la production de légumes dans les potagers jusqu’à la cuisson des repas. Le chapitre suivant permet donc d’analyser cette contribution des femmes dans l’alimentation de la vallée et nous permette de dégager quelques propositions pour améliorer les programmes alimentaires par l’intermédiaire des femmes.

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Child Growth Failure

Low adolescent Weight and Height

Low Birth Weight Baby

Small Adult Women

4 CHAPITRE IV : LES FEMMES AU SEIN DES DYNAMIQUES DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE.

Ce chapitre permet de faire le lien entre les activités des femmes et un des principaux objectifs des programmes de développement en Afghanistan, à savoir l’amélioration de l’alimentation. En effet, la majorité des afghans des zones rurales continuent de souffrir de malnutrition. Afin d’envisager des améliorations pour ces programmes, nous rappellerons tout d’abord les enjeux nationaux de la nutrition puis nous analyserons les dynamiques de consommation alimentaire de la zone de Baharak.

4.1 LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA NUTRITION EN AFGHANISTAN. “The population of Afghanistan suffers from one of the poorest health and nutrition

situation in the world. Levels of chronic malnutrition, also referred to as stunting and characterized by a low height for a given age, are extremely high: between 45 and 59% of children under 5 (<-2 Z-score height-for-age). Micronutrient deficiency diseases are very widespread.” (MOH, 2004).

Cette déclaration du Ministère de la Santé en Afghanistan (MOH) fait le bilan de l’état de santé catastrophique d’une grande partie de la population afghane à cause de la malnutrition. En effet, durant les années de guerre et de sécheresses, le pays a été victime de famines meurtrières. Aujourd’hui encore certaines zones souffrent de périodes de pénuries alimentaires chroniques. Par ailleurs, les ravages de la malnutrition touchent toutes les régions, en particulier les zones montagneuses et reculées comme le Badakshan. Les femmes sont victimes de cette mauvaise alimentation et répercutent leur état de santé sur leurs enfants. L’UNICEF, en partenariat avec le Ministère de la Santé en Afghanistan74, parle même de « cycle intergénérationnel de la malnutrition » (voir figure 7) pour désigner les conséquences d’une mauvaise alimentation maternelle. C’est pourquoi, les femmes sont aussi les premières cibles des programmes alimentaires.

“Poor maternal nutritional status will contribute to poor intrauterine growth, low birth weight, poor complementary feeding practices and micronutrient deficiencies coupled with high incidence of diarrhea, and subsequent undiversified and limited food intake of the child leading to another generation of mothers who are malnourished and who will replicate this cycle.” (MOH-UNICEF, 2003)

Figure 7:Schéma du cycle intergénérationnel de la malnutrition (MOH-UNICEF, 2003).

Dans ce contexte, l’aide internationale cherche à vaincre le fléau de la malnutrition par de nombreux programmes. Afin de comprendre comment ces projets se sont mis en place jusqu’à aujourd’hui, l’annexe n°22 présente le bilan historique (réalisé par C. DUFOUR, 2005, c)) de ces aides alimentaires.

74 Public Nutrition Department, Ministry of Health (MOH), Afghanistan, October 30th 2003 – Final Draft for comment, p.10.

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Actuellement, le gouvernement afghan reconnaît comme une priorité la question de la nutrition de par ses implications dans l’économie et la société de son pays. Pour appuyer sa politique d’amélioration de la situation nutritionnelle, il doit :

- Améliorer sa coordination avec les différentes organisations de développement (ONGs ou UN) mais aussi au sein de ses ministères.

- Renforcer sa politique publique dans le secteur de la Nutrition.

- Passer de programmes d’urgence à des projets sur le long terme basés sur une intégration des différentes facettes de la nutrition (production agricole, implication des femmes, accès à la santé, éducation nutritionnelle,…).

4.1.1 Encourager le « lien agri-nutrition » : Charlotte Dufour, actuellement nutritionniste à la FAO en Afghanistan, est

porteuse de l’idée suivante : « Pour améliorer le bien-être d’une population, il faut d’abord bien comprendre le système dans lequel elle se situe et donc étudier l’agriculture.» Elle s’inscrit dans l’idée qu’il n’est pas possible de séparer les concepts de développement agricole et de nutrition. Le schéma suivant permet d’illustrer cette corrélation.

Figure 8: Schéma du lien entre agriculture et nutrition (C.DUFOUR, 2005, a)75)

Dans la vallée de Baharak, les ONGs travaillent sur des programmes agricoles, surtout orientés vers la production de blé, avec pour principal objectif d’augmenter l’offre alimentaire de la zone et d’améliorer l’accès des habitants à cette offre. Les programmes de jardins potagers d’AAD s’inscrivent dans cette optique. Un des enjeux de la nutrition est donc de permettre aux zones les plus enclavées de produire elles-mêmes leurs aliments en quantité suffisante et pour le plus grand nombre.

4.1.2 Intégrer les femmes dans les programmes nutritionnels. Les femmes sont à l’interface des unités de production et de consommation. Elles

agissent on l’a vu, depuis la culture de légumes dans le potager jusqu’à la cuisson des aliments et au service des repas. De plus, elles sont uniques responsables de la santé des jeunes enfants. De par cette place au cœur de la « chaîne alimentaire », les femmes sont les premières intéressées par l’amélioration de l’alimentation au sein de leur ménage.

Le schéma suivant, tiré du Guidelines de Ch. Dufour76, fait ressortir la diversité des facteurs qui entrent en jeu dans l’amélioration de l’alimentation. Il renforce l’idée

75 Ce schéma est issu d’une note du projet de C. Dufour sur “Supporting the Improvement of Household Food Security, Nutrition and Livelihoods in Afghanistan”, FAO project supported by the Government of the Federal Republic of Germany, 2005, a) 76 C. Dufour, Integrating Nutrition in Food Security and Livelihoods Interventions : WHY and HOW in Afghanistan ?, Groupe URD, March 2005, 18p., p.9, b)

Développement agricole et rural Augmentation de la disponibilité

alimentaire et amélioration de l’accés aux aliments

Bonne alimentation des ménages Bonne santé

physique et mentale

Meilleure capacité detravail

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que les femmes contribuent à différents niveaux, par leurs activités (de transformation, stockage, éducation des enfants), à cette amélioration.

Figure 9: Schéma des principales causes du « statut nutritionnel » d’un ménage (C. Dufour, 2005, b))

Par ailleurs, si l’on demande aux femmes de la vallée « Qu’est-ce pour vous une alimentation de qualité ? » Presque toutes répondent : « du riz, de la viande, du yaourt et des pommes de terre». En effet, ces aliments sont qualifiés de « bons à la santé » de par leurs vertus nourrissantes. Rares sont les femmes qui citent spontanément l’intérêt des légumes verts et quand elles le font elles déclarent qu’« ils donnent un bon goût au riz et empêchent la nourriture d’être fade ». Les femmes n’évoquent donc presque jamais l’intérêt d’une alimentation « diversifiée » et riche en fruits et légumes pour la santé mais sont demandeuses de conseils par ailleurs. Photo 5 : Femmes pétrissant la pâte à gâteaux pour l’Eïd du Ramadan (Octobre 2005).

Adequate food consumption

(quantity & diversity)

Increasedproduction ofdiverse foods

ASSET BASE /CONTEXT Water; Land ; Livestock ; Education /Knowledge ; Labour / employment opportunities; Access to markets ;

Social networks; Security, etc.

Increased purchase of

diverse foods

Increased income

Market access, food availability & affordability

Sale of food products

Marketing possibilities

Increased household food availability

throughout the yearAccess to land, water, livestock, labour, knowledge, technology

Food storage, preservation & processing

A

B

CD

Nutrition education, cooking classes,

food demonstrations

Other expenses, debt…

Commercial viability of inc. generation activities

Food processing, storage and preservation

Good health and hygiene

Good feeding & caring practices

IMPROVED NUTRITIONAL

STATUS

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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4.1.3 Adapter les programmes nationaux au niveau local : Les exemples de programmes nutritionnels dans le Badakhshan permettent

d’illustrer les implications de la politique nationale au niveau régional :

4.1.3.1 Les distributions alimentaires: Ces aides illustrent la préoccupation, jusqu’alors première, des politiques

alimentaires de contribuer à la sécurité alimentaire en terme de «volumes». Ainsi, jusqu’en 2005, un programme « Food for Education » de la FAO comprenait la distribution d’huile et de lentilles pour les écoliers et en particulier pour les filles, de la vallée. Ces distributions ont eu une grande popularité et ont encouragé la scolarisation des enfants, garçons et filles77.

Mais aujourd’hui, les programmes de la FAO ont estimé que Baharak ne constituait plus une zone d’ « urgence alimentaire » et ces distributions y ont pris fin. Ceci a pour conséquence de générer des réactions d’incompréhension de la part des habitants qui s’étaient habitués à ces aides « gratuites ». Le relais pris par des projets de développement qui veulent davantage responsabiliser les bénéficiaires est alors difficile car il sont moins « visibles » et doivent s’appuyer sur la motivation des communautés locales.

4.1.3.2 Les programmes sur l’allaitement et la prévention des femmes enceintes:

MSF (Médecins Sans Frontière)78 a, de son coté, mis en place des programmes sur la prévention des femmes enceintes et l’allaitement, avec des répercussions positives dans la vallée. En effet, grâce à la formation de dayâs, toutes les femmes interrogées sur la zone reconnaissent donner le lait maternel dés les premiers jours de la naissance depuis qu’elles savent que c’est un moyen naturel de renforcer les défenses immunitaires du nourrisson. De même, beaucoup ne donnent plus de lait de vache car elles savent qu’il est porteur de maladies et font toujours bouillir de l’eau avant de la donner à boire. Ces programmes ont été relayés à leur tour par les ONGs actuellement sur la zone qui continuent de former et de conseiller des femmes79.

Toutefois, les statistiques de MSF ont montré que 30 à 50% des grossesses étaient dites « à risque » à Baharak, que 70% des femmes qui venaient à la clinique souffraient de goitre80 et environ 15%, d’anémie. (SMU, 2001). En effet, les femmes enceintes ont rarement une alimentation différente des autres membres du foyer, pauvre en micronutriments. De plus, les mauvaises conditions de transport et l’insuffisance de personnel médical qualifié à Baharak ralentissent l’accès des femmes aux soins de santé.

4.1.3.3 Les programmes nutritionnels à l’école. Ces programmes, menés par les enseignants du lycée de Baharak sous la tutelle du

Ministère de l’éducation (pour les classes de la 8ème à la 12ème), permettent aux élèves de se familiariser avec la nutrition, les liens entre agriculture et santé, de montrer

77 La région du Badakhshan est une des premières régions « scolarisée » du pays mais souffre encore d’un fort taux d’analphabétisme. Selon les estimations d’AAD dans trois districts, seulement 28% des enfants étaient scolarisés en 2000 (AAD, 2000 in SMU report, 2001). 78 MSF était présent entre 2001 et 2004 sur la zone; ils y ont construits la clinique. MSF a quitté l’ensemble de l’Afghanistan en 2004. 79 Pour AAD, il s’agit des programmes Health and Child Education. 80 Goitre : Augmentation du volume de la glande thyroïde, visible au niveau de la partie basse et antérieure du cou, pouvant être provoqué par une carence en iode.

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l’intérêt des fruits et légumes, la façon de les préparer, la composition des aliments,… Ces programmes éducatifs sont une promesse d’avenir pour l’alimentation à Baharak même si pour l’instant, trop peu de ménages ont encore accès à cette éducation.

4.1.3.4 Les programmes de fortification de la farine : Une étude, réalisée dans le Badakhshan en 200481 par les Nations Unies, a analysé

l’impact d’un projet pilote de « fortification » de farine de blé82 sur les carences en fer des enfants et des femmes. Des enquêtes nutritionnelles ont eu lieu dans la capitale Faizâbâd (ville « pilote » du projet) et à Baharak (ville « contrôle ») afin de comparer les impacts. A partir d’un prélèvement de sang sur 2000 individus, les résultats ont montré que le taux d’enfants et de femmes anémiés (carencés fortement en fer) était de 10% moins élevé dans la capitale qu’à Baharak.

Mais l’intérêt majeur de cette étude réside dans le constat d’un déficit en fer généralisé pour les jeunes enfants malgré le projet de farine fortifiée. Ceci pourrait s’expliquer par la non prise en compte des lieux d’approvisionnement de la majorité des foyers de Faizâbâd. En effet, peu de ménages de la capitale achètent leur farine au moulin. La conclusion de cette étude a donc été de réorienter le projet vers des zones rurales plus enclavées où les ménages se fournissent davantage auprès des moulins. Cette étude a aussi montré le risque, pour les programmes d’envergure nationale, de ne pas répondre à la réalité du terrain.

Les trois idées majeures que l’on doit garder en tête dans l’objectif d’améliorer l’alimentation d’une zone comme la vallée de Baharak sont :

- Encourager le développement de l’agriculture afin d’améliorer l’accès aux aliments et leur disponibilité, pour contribuer, par l’alimentation, à une amélioration de la santé des ménages.

- Intégrer les femmes dans les programmes alimentaires, car elles sont les premières intéressées de par leur responsabilité dans l’économie et la santé des ménages.

- Prendre en compte, par des études sur le terrain, des besoins et des styles alimentaires des bénéficiaires pour pouvoir adapter les propositions d’un projet nutritionnel aux réalités alimentaires et culturels locales, notamment en milieu rural.

La partie suivante propose d’analyser les styles alimentaires des habitants de la vallée et de fournir quelques arguments utiles à la conception de programmes alimentaires en lien avec l’agriculture et les femmes.

4.2 DYNAMIQUE DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE DANS LA VALLEE DE BAHARAK. L’évolution des styles alimentaires peut être influencée par des facteurs tels que:

« les disponibilités alimentaires, la capacité d’accès à l’alimentation, les conditions de vie et de consommation ainsi que les modèles socioculturels ». (N. BRICAS, 1998). Dans la vallée de Baharak cette évolution se traduit par une progressive

81 F. BRANCA, L. MISTURA, M. FERRARI, Small Scale flour Fortification Pilot Project In Badakshan, Base-Line Survey, National institute for Research Food and Nutrition, Rome Italy and WFP Afghanistan, September 2004,18p. 82 L’objectif de la fortification de la farine de blé réalisée par le PAM (Plan d’Alimentation Mondial) était d’améliorer la santé et l’état nutritionnel en micro nutriments de la population. Les deux villes de Kaboul et Faizâbâd ont fait l’objet d’essais « pilotes » et ont reçu cette farine « améliorée » dans les moulins.

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« modernisation » alimentaire liée à l’urbanisation grandissante83. Néanmoins, ces formes de consommation conservent encore les caractéristiques d’une zone rurale et enclavée: peu de diversité des aliments, pratiques souvent limitées aux produits agricoles et produits transformés par le ménage, saisonnalité de la consommation,…

4.2.1 Le pain, à la base de l’alimentation: Pour la majorité des ménages, l’alimentation est principalement basée sur la

consommation de pain. La plupart des habitants en consomment (accompagné de thé) comme repas principal, une à trois fois par jour. Cette consommation est liée depuis longtemps à la production céréalière de la vallée mais aussi à un mode de vie: il n’y a pas de distinction de régime alimentaire selon les âges des membres du ménage, et le « pain familial », fabriqué à la maison, représente le plat commun des femmes, des enfants et des hommes; la galette de pain sert souvent d’unique assiette ou de plateau, elle est toujours présentée lors de la réception des invités pour y déposer d’autres aliments.

Par ailleurs, pour beaucoup de ménages, le pain est aussi l’aliment principal au petit-déjeuner et au déjeuner de midi car il permet de limiter à une fois par jour (moment de la panification) l’utilisation des combustibles84, et libère du temps (de préparation des repas) leurs autres travaux féminins, au moment où la lumière du jour est la meilleure. Le soir, elles récupèrent la chaleur des braises du tandur (utilisées pour le pain), pour la cuisson d’autres aliments qui constituent le seul repas « chaud » de la journée (riz, soupe de pommes de terre, kroutâb85,…).

Le graphique n°186 permet de visualiser la part énergétique (61%) prise par le pain dans l’alimentation moyenne d’un adulte de la vallée de Baharak.

Répartition énergétique (% Kcal) des aliments de base consommés par la moyenne des ménages de la vallée.

(Total AE/jour/adulte > 2500 Kcal)

noix4%

sucre4%

riz11%

lait1%

légumes1%

viande2%

huile14%

patates2%

pain61%

Graphique 1: Part de pain consommée dans les apports énergétiques moyens d'un adulte de la zone

(données 2005). (AE : Apports Energétiques, pdt: pomme de terre)

83 Voir le « degré et la nature de l’urbanité » (N.BRICAS, 1998). 84 Le bois et le fumier sont rares sur la zone et le déficit en combustibles constitue un problème majeur pour de nombreux ménages. (Voir annexe 16 sur les combustibles). 85 Soupe d’huile, de krout et de pain. (Voir tableau des plats cuisinés en annexe 22). 86 Ce graphe a été construit à partir des quantités moyennes consommées par les 20 ménages enquêtés (voir l’annexe 15) et les valeurs énergétiques des aliments de base proposées par les tables de la FAO (voir annexe 23).

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Cette répartition des apports énergétiques permet aussi de constater, qu’en moyenne, un adulte de la zone consommerait plus de 2500 Kcal par jour, chiffre qui dépasse légèrement les « besoins énergétiques » habituellement recommandés87. Ceci permet d’estimer qu’une zone comme Baharak ne souffre pas, pour la majorité de ses habitants88, de problèmes majeurs relatifs au volume alimentaire. En revanche, la part énergétique des légumes est minime (1%). Les raisons de la malnutrition sont donc à chercher plutôt du coté de la « qualité » de l’alimentation.

4.2.2 Une alimentation variable selon les saisons. Du fait de son enclavement, la vallée de Baharak reste une zone fortement

dépendante de sa production agricole pour l’alimentation de ses habitants même si aujourd’hui aucun ménage de la vallée ne peut subvenir à son alimentation par sa seule production agricole. De plus, l’insuffisance des infrastructures de stockage empêche de stabiliser l’offre alimentaire tout au long de l’année ce qui limite les possibilités de mise en marché des produits d’approvisionnement alimentaire. Enfin, l’intervention de l’Etat y est encore trop faible pour envisager une régulation gouvernementale du marché alimentaire de la zone. Par conséquent, les habitants de Baharak ont finalement une alimentation essentiellement déterminée par les saisons de production agricole (comme le montre le tableau 4) et donc forcément variable en qualité. Tableau 4: Disponibilité alimentaire en produits agricoles dans la vallée selon les saisons.

Les variations dans la consommation des aliments « de base » permettent d’illustrer (graphique 2) 89 cette saisonnalité de l’alimentation. En plus du prix, les

87 Le PAM distribuait dans ses portions alimentaires en Afghanistan, 2100 Kcal par jour et par adulte. 88 Cette estimation donne une tendance des apports énergétiques pour la moyenne des ménages enquêtés dans la vallée mais mériterait d’être approfondie par des enquêtes nutritionnelles plus précises. 89 Voir annexe 14 des quantités consommées selon les saisons qui ont permis de construire le graphique 2.

Saisons Produits agricoles disponibles et couramment consommés

Produits rares peu consommés Commentaires

Printemps (mars - avril)

- Légumes secs (haricots rouges, pois, lentilles)

- Oignons et tomates séchés - Plantes aromatiques (origan,

menthe,…) - Lait , yaourt

- Viande - Fruits et légumes

frais - Œufs - P.d.t - Beurre

Saison la plus difficile: période de soudure, les prix sont élevés, peu de ménages peuvent acheter des aliments au bazar. C’est aussi la fin des stocks de blé et produits séchés.

Eté (mai à octobre)

- Fruits et légumes variés - Lait , yaourt, tchakah - Viande blanche - Œufs

- Viande rouge - P.d.t - Beurre

Période de travaux des champs, les habitants ont d’importants besoins énergétiques.

Automne (octobre -novembre)

- Fruits d’automne (pommes, poires, noix, amandes)

- Légumes tardifs (courges, carottes, navet, choux,…)

- Krout - Viande - P.d.t - Œufs

- Lait - Yaourt

Saison d’ « abondance ». C’est le retour des estives avec les produits animaux, on remplit les greniers à blé, les prix sont au plus bas et il y a encore de nombreux fruits et légumes produits sur la zone.

Hiver (décembre à

mars)

- Légumes et fruits séchés - P.d.t - Legumes secs - Krout

- Lait, yaourt - Œufs - Viande

Peu de travail dans les champs et au bazar, les besoins alimentaires sont moindres. Accès au marché difficile du fait de la neige.

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besoins alimentaires des habitants influencent ces consommations: plus il fait froid, plus les besoins en produits « riches » (graisses et sucres) sont importants. Graphique 2: Variabilité de l'alimentation moyenne des habitants de la vallée de Baharak selon les saisons (données 2005).

Variabilité de la consommation moyenne en aliments "de base" selon les saisons.

0

5

10

15

20

25

30

Eté Automne Hiver Printemps

Qua

ntité

s m

oyen

nes

cons

omm

ées

(Kg/

adul

te/m

ois)

riznoixsucreviandelégumeslaithuileblépdt

D’après les afghans rencontrés sur le terrain, les aliments de leur cuisine sont classés selon deux catégories : « froid » et « chaud »90. Ces attributs culturels ont un impact sur la consommation des aliments, selon les saisons: les aliments « chauds » sont réservés de préférence à l’hiver, et aux périodes de travaux physiques difficiles. Ils sont aussi cuisinés en présence d’invités du fait de leur attribut de « richesse »; les aliments « froids » sont consommés en été mais peuvent être utilisés avec des aliments « chauds » en hiver comme accompagnement. Ils sont disponibles en majorité durant la saison chaude.

- Les aliments « froids » : yaourt, fromage, œuf bouilli, fruits frais, miel, légumes crus ou racines (betterave, radis), viande bovine et caprine, les huiles végétales (huile de pavot et de moutarde locales), le sucre (sa consommation ne dépend pas des saisons chaudes ou froides mais elle est plutôt liée à un travail physique plus difficile ou à la venue d’invités).

- Les aliments « chauds » : viande ovine, riz, soupe, pommes de terre, lait (avec thé), aubergine, carotte, navet (légumes cuits), ail, pain, poisson, œufs au plat (très chaud), graisse animale (domba91, le beurre, les noix et autres fruits secs, les confitures.

Cette saisonnalité de l’alimentation articulée à des représentations spécifiques de chaque nutriment souligne les liens étroits entre production agricole et alimentation, dans la vallée de Baharak. Les améliorations possibles semblent donc principalement passer par le développement de l’agriculture, notamment par des technologies nouvelles permettant d’étaler la production agricole sur une plus longue période de l’année, mais aussi par un désenclavement de la zone vis à vis du marché alimentaire.

4.2.3 De nouvelles habitudes alimentaires : 4.2.3.1 L’achat de pain « blanc » en boulangerie.

Depuis la fin de la guerre, le pain de la vallée a changé du fait de l’introduction de nouvelles variétés de blé et de la disparition (dans l’alimentation humaine) des 90 Ces attributs sont aussi mentionnés dans le recueil d’I. Delloye, 2001 (voir annexe 20). 91 Domba : graisse animale du mouton notamment de race « Turki » avec une poche de graisse à l’arrière de l’échine.

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anciennes céréales comme l’orge, le maïs et le sésame. D’autre part, le mode de fabrication domestique est peu à peu remplacé, pour certains ménages, par l’achat de pain en boulangerie. Ces changements témoignent de l’urbanisation de la vallée et de l’adaptation rapide des habitants à de nouveaux modes de vie.

Aujourd’hui, la majorité des femmes de la vallée s’accordent pour dire que « le pain est meilleur». Pour elles, cette amélioration se traduit principalement par une meilleure aptitude de la farine pour la panification (« le pain colle bien au tandur ») et une meilleure digestibilité du pain. En effet, le pain d’orge ou de maïs serait de consistance plus indigeste celui issu du blé. La couleur plus claire du pain (par rapport aux teintes sombres des farines complètes des anciennes céréales) est aussi appréciée car elle témoigne d’un produit plus « raffiné ». Les avis concernant cette fois le goût du pain sont partagés car ceux qui consommaient du blé avant la guerre (souvent les familles aisées pouvant acheter des semences) disent que le pain issu de semences « locales » et cultivées sur des terres pluviales, avait alors meilleur goût. Par ailleurs, le « pain des lalmis92 » pouvait se conserver 2 ou 3 jours alors que le pain actuellement produit par les abis93 devient sec 1 jour ou deux après sa confection. Enfin, une autre source de satisfaction résulte de l’augmentation des rendements en blé qui fournissent plus de farine par unité de surface.

Le début des boulangeries à Baharak correspond au développement des hôtels et restaurants pour les commerçants itinérants du bazar (1950-1980). Aujourd’hui, on en compte cinq dans la ville nouvelle ; une s’est ouverte cette année dans un village à proximité de la route principale. On y utilise de la farine blanche, importée de l’étranger ou de Kunduz, région proche productive en blé. Photo 6: Boulanger de Baharak en plein travail (Octobre 2005).

L’achat de pain en boulangerie est encore réservé à un petit nombre de foyers proches du bazar mais tend à s’étendre au reste de la vallée. La fabrication domestique du pain apparaît, pour de nombreux ménages, de moins en moins rentable. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : tout d’abord le coût du blé et des combustibles94, ensuite la diminution des besoins en pain pour les ménages de taille réduite95, enfin la recherche de pain « blanc » auquel sont habitués ceux qui ont habité en ville ou à l’étranger (anciens réfugiés, personnel d’ONGs,…).

Même si les femmes racontent qu’une jeune fille doit faire elle-même le pain dans le four traditionnel si elle veut être « bonne à marier », l’emploie de certaines d’entre elles comme salariées réduit leur temps de travail domestique et les encourage à acheter leur pain en boulangerie (certaines envoient porter leur propre farine au boulanger qui 92 Lalmis : terres pluviales cultivées en variétés plutôt rustiques. 93 Abis : terres irriguées plutôt cultivées en variétés dites « améliorées ». 94 Pour une famille de la vallée de 5 adultes on peut estimer les coûts du pain fabriqué à domicile, en comptant le blé et les combustibles, entre 82 et 154 afghanis/jour (selon les saisons) alors que s’ils l’achètent en boulangerie il leur en coûte entre 73 et 108 afghanis (voir annexe 16 sur les combustibles). 95 En effet, les couples qui s’installent seuls avec leurs enfants ont intérêt à consommer le pain vendu au bazar, de taille individuelle plutôt que le pain domestique destiné à 3 ou 4 adultes et sec au bout de deux jours.

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cuit le pain et en garde une partie pour la vente). Les changements rapides sur la consommation de pain montrent que les qualités attendues du pain (goût, conservation, digestibilité, aptitude à « coller » au four,…) devraient être davantage prises en compte par les programmes de développement agricole orientés vers la recherche de nouvelles variétés de blé.

4.2.3.2 Moins de produits animaux Sur la totalité des ménages enquêtés, tous déclarent qu’ils mangeaient plus de

viande avant la guerre. La perte d’animaux (guerre, sécheresses) et l’augmentation de la population dans la vallée sont en grande partie responsables de cette baisse de consommation en produits animaux. La disparition quasi totale du lard (appellé landi96 par les pachtounes) illustre bien cette évolution: aujourd’hui, seules quelques familles aisées, qui ont pu racheter des bêtes et possèdent suffisamment de terre pour les nourrir, continuent de consommer ce lard.

L’ouverture progressive du marché de la vallée a aussi permis de proposer des produits qui se substituent actuellement à ces denrées animales locales qui sont jugées « rustiques ». Ainsi, le riz, les légumes, les biscuits, l’huile végétale,… remplacent peu à peu le beurre et la viande. Les ménages avouent préférer consommer ces aliments importés, « bons » pour la santé plutôt que leurs propres denrées qualifiées de « lourdes » à digérer. Mais pourtant, ils réservent leurs rares produits dérivés du lait (crème, beurre) et leur viande aux invités ou aux cadeaux, symboles de leur attachement à une tradition d’élevage. La dévalorisation de ces aliments carnés locaux est donc relative : ils conservent une valeur sociale identitaire forte tout en étant jugés moins « sains » que des denrées importées.

Par contre, les produits comme le lait, le krout et le yaourt continuent d’être largement consommés et recherchés toute l’année. De plus en plus de ménages achètent même du lait empaqueté au bazar lorsqu’ils n’en ont pas chez eux.

4.2.3.3 De nouveaux fruits et légumes : L’urbanisation de la vallée entraîne aussi l’augmentation de l’offre en légumes et

fruits sur une grande partie de l’année. En effet, depuis peu (3-4 ans), le bazar propose de nouveaux légumes d’hiver (choux, choux-fleurs, brocolis) grâce à l’introduction de variétés nouvelles et des fruits importés (bananes, oranges). Toutefois, pour l’instant, seulement 25% des ménages enquêtés (4 sur 20) déclarent en acheter régulièrement (plus de deux fois par mois) car leur prix est souvent élevé et les familles sont rarement persuadées du bienfait de ces produits dans leur alimentation.

4.2.3.4 L’attrait des produits préemballés : Désormais, le bazar de Baharak offre toutes sortes de produits alimentaires

manufacturés venus de l’étranger (Iran, Chine, Pakistan) qui attirent tous les âges et toutes les classes sociales. Les biscuits et les sodas occupent une place dominante et leur succès repose sur deux éléments : bas prix et signes de modernité. Beaucoup d’habitants préfèrent ainsi acheter une bouteille de soda sucré pour leurs invités plutôt que des fruits locaux.

Les produits comme la purée de tomates, l’huile végétale importée et la margarine sont aussi largement dans la cuisine locale, en substitution de la poudre de tomates séchée locale : le concentré donne plus de couleur au riz et ne possède pas de graviers.

96 Landi : sorte de couenne de mouton séchée et préparée par les pachtounes et les hazaras.

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De même, dans la confection des gâteaux pour les fêtes, les huiles importées97 sont appréciées et utilisées car elles ne brunissent pas la pâte et se conservent mieux.

Par contre, certains produits comme la confiture sont encore très peu consommés. Elle est avant tout destinée à la fête du Ramadan et au personnel des ONGs mais ne constitue pas un nouveau besoin pour l’alimentation locale.

Cette diversification de l’alimentation vers des aliments venus de l’extérieur est perçue localement comme une traduction concrète et rassurante de l’ouverture de leur pays sur le reste du monde après des années de réclusion non sans inquiétude sanitaire, concernant les produits préemballés, le manque de contrôle des marchandises sur le bazar, les dates de péremption.

4.2.3.5 De nouveaux savoir-faire culinaires. Les récents migrants, d’origines diverses, ont aussi contribué à enrichir la cuisine

locale, avec de nouveaux plats comme les mantus 98ou le palau99, ou l’utilisation de nouvelles techniques : par exemple, les anciennes réfugiées ont été habituées à cuisiner au gaz et encouragent aujourd’hui leurs voisines à faire de même.

4.2.4 Une typologie des consommateurs basée sur les styles alimentaires100

La présentation du contexte alimentaire de la zone montre une différenciation de plus en plus marquée entre les habitants de la vallée, les uns allant vers une modification de leurs modes alimentaires en lien avec l’offre urbaine, les autres, dans des zones d’altitude plus reculées, conservant les spécificités d’une alimentation peu diversifiée, basée sur des produits locaux. Par ailleurs, au sein de la vallée, les styles alimentaires des ménages ne sont pas non plus homogènes.

Le graphique n°3101 permet d’illustrer cette diversité pour les 20 ménages enquêtés dans la vallée (numérotés de 30 à 50102) à partir des tendances de leur consommation volumique d’aliments de « base » (les plus couramment consommés localement). Ainsi, par exemple, entre les ménages n°40 et n°50, on observe une disparité en quantité d’aliments consommés mais aussi dans la diversité des aliments consommés, le ménage n°50 ne consommant pratiquement pas de légumes ni de viande.

Ces différences de consommation montre l’intérêt de construire une typologie des consommateurs permettant aux futurs programmes alimentaires d’adapter ou de moduler leurs propositions et actions en fonction des catégories de consommateurs identifiées. Pour cela, des critères de différenciation doivent être retenus à partir de l’analyse des enquêtes alimentaires réalisées auprès de 20 ménages de la vallée.

Tout d’abord, cette analyse montre qu’il n’y a pas de lien direct entre les types de ménages catégorisés dans le diagnostic (types 1 à 6) et leur consommation alimentaire. En effet, le graphique n°3 tout comme l’annexe 24 font apparaître que ce ne sont pas forcément les ménages qui appartiennent aux types 1 et 2 (représentés par les n° 97 Le pavot et la moutarde sont les rares cultures qui produisent encore de l’huile sur la zone et leur consommation est souvent qualifiée de « mauvaise à la santé » (voir annexe 25 sur les attributs culturels de l’alimentation). 98Mantus : sorte de raviolis d’origine ouzbek ou tadjik cuites à la vapeur et fourrées à la viande et aux oignons agrémentés d’épices. 99 Palau : riz fris agrémenté de raisin secs, de légumes, d’épices et parfois accompagné de viande bouillie. 100 Voir N. Bricas, 1998, p.30 101 La construction de ce graphique s’explique par les tableaux de quantités d’aliments consommés (moyennes des maximums et des minimums) dans les ménages enquêtés, présentés dans l’annexe 15 102 Cette numérotation fait référence au tableau de présentation des enquêtes en annexe 11.

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Comparaison des consommations (en aliments de base) de 20 ménages de la vallée

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

30 31 32 33 34 35 36 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50N° d'enquêtes

Qua

ntité

s d'

alim

ents

co

nsom

més

(Kg/

adul

te/m

ois)

viandelégumessucrelaithuileblérizpdt

d’enquêtes encerclés en rouge) qui consomment le plus d’aliments « sains » (fruits, légumes, viande). Aussi, les ménages appartenant aux types 5 et 6 (n° d’enquêtes encerclés de bleu) ne sont pas tous parmi ceux qui en consomment le moins. Par exemple, les ménages n°45 (type 6) et n° 38 (type 2) semblent consommer presque autant de légumes alors qu’ils n’ont pas le même accès à la terre et au travail. Cette constatation permet de souligner que ce ne sont pas forcément les ménages les plus « vulnérables » (au sens vu dans le chapitre deux) qui ont l’alimentation la plus déséquilibrée. Par conséquent, les critères retenus dans le diagnostic : surface cultivable possédée et disponibilité en main d’œuvre masculine, ne semblent pas adaptés pour différencier les consommateurs de la vallée. Graphique 3: Comparaison des consommations (en volume d’aliments de base) des 20 ménages enquêtés dans la vallée (données 2005).

D’autres critères de différenciation permettent de distinguer les styles alimentaires locaux de façon plus pertinente:

• Le rapport « Aliments achetés / aliments autoproduits » : il correspond au pourcentage du coût des achats par rapport au coût total de la consommation alimentaire d’un ménage103. En moyenne, un ménage achète pour 515 afghanis par mois et par adulte d’aliments de base alors qu’il participe à la production de son alimentation pour une valeur de 363 afghanis. Ceci donne un rapport de 60% d’aliments achetés sur le coût total de son alimentation.

• Le coût de l’alimentation par adulte et par jour d’un ménage : il s’agit du coût total de l’alimentation d’un ménage ramené à un seul membre de son unité pour une durée d’un jour. La limite inférieure se situe à 30 afghanis par adulte et par jour qui correspond au coût minimal de l’alimentation de base moyenne d’un adulte de la zone104.

Ces ratios permettent de construire la typologie suivante (figure 11) qui distingue six types de ménages et styles alimentaires correspondants (les ratios sont estimés à partir de l’annexe 26) :

103 Ces coûts sont estimés et ces ratios calculés pour chaque ménage enquêté dans l’annexe 26. 104 Ce coût minimal est estimé à partir du ratio « travail » de l’annexe n° 14 de la typologie du diagnostic : 100 afs pour 3 adultes sont requis au minimum pour fournir les aliments de base et les combustibles, soit environ 30 afs par adulte.

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Figure 10: Typologie des consommateurs de la vallée de Baharak.

Le nombre de ménages enquêtés est cependant trop faible pour envisager une analyse pertinente de la répartition de ces types dans la zone mais donne des indicateurs de tendance sur la dynamique de consommation de la vallée. En effet, les styles alimentaires « extrêmes » (types a et f) ne regroupent que chacun un seul ménage, ils sont donc plutôt en minorité dans la vallée. Par ailleurs, la majorité des ménages rencontrés achètent plus qu’ils ne produisent (types a, b, d et e) ce qui confirme l’évolution du degré d’urbanité de Baharak.

La distinction entre les ménages « sous-alimentés » par rapport au minimum de l’alimentation de base et ceux qui dépassent la limite des 30 afghanis par jour et par adulte permet de conclure sur les possibilités d’amélioration de l’alimentation. En effet, pour les ménages des types d, e et f, les dépenses alimentaires sont tellement faibles qu’il faut commencer par leur proposer des programmes qui augmentent leur budget alloué à l’alimentation et qui devraient leur permettre d’accroître leurs dépenses alimentaires pour atteindre au moins le minimum de base. Ainsi, les programmes en faveur d’activités génératrices de revenus devraient cibler prioritairement ces consommateurs. En revanche, l’éducation nutritionnelle et le développement des cultures de fruits et légumes risquent de ne pas être adaptés à ce groupe, puisqu’il s’agit

30 afs /adulte/jour

: Ménages « sous-alimentés » par rapport au minimum d’aliments de base (30 afs/adulte/jour). : Ménages « suffisamment » alimentés par rapport au minimum (30 afs/adulte/jour). : Ménages qui ont peu accès au marché et dépendent de leur production agricole, les « ruraux ». : Ménages qui achètent plus qu’ils ne produisent, les « néo-urbains ». : Ménages qui ne produisent presque pas et dépendent de l’offre alimentaire du marché, les « citadins ».

Coûts totaux alimentation

% aliments achetés / coûts totaux alimentation

50%

Type c : (n° d’enquêtes : 39, 42,43,44)

Alimentation > 30 afs/jour /adulte mais peu d’achats, majorité des aliments produits par le ménage.

Type a : (40) Alimentation > 30 afs/jour/adulte et avec une large majorité d’achats.

Type b : (36, 38,48) Alimentation > 30 afs/jour/adulte et achats presque équivalents à la production alimentaire.

Type d : (32, 34, 41, 47)

Alimentation <30 afs/jour/adulte et avec une large majorité d’achats.

Type e : (30, 33, 35,

45, 46, 49, 50) Alimentation <30 afs/jour/adulte et achats presque équivalents à la production alimentaire.

80%

Type f : (31)

Alimentation <30 afs/jour/adulte et majorité des aliments produits par le ménage.

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de familles qui n’ont ni les moyens d’accéder aux intrants agricoles nécessaires ni à l’achat de produits coûteux comme les fruits, les légumes, la viande,…

En fait ce sont les ménages des types c qui sont les plus à même d’être réceptifs à l’amélioration de l’alimentation en lien avec le développement de l’agriculture locale. Ils produisent leur alimentation plus qu’ils achètent et sont donc les plus aptes à produire davantage et de façon diversifiée. Les programmes de jardin potager et d’arboriculture sont particulièrement pertinents pour ce type car ils concourent à l’équilibre de leurs apports nutritionnels sans forcément engendrer des coûts plus élevés. Le développement de l’élevage, et de la transformation laitière, serait aussi une piste d’amélioration et de diversification pour ces ménages.

Les types a et b privilégient des aliments achetés au bazar, dépensent donc davantage pour leur alimentation. Ils sont aussi capables d’améliorer leur alimentation par l’achat de produits diversifiés et ce malgré la hausse saisonnière des prix. Des programmes d’éducation nutritionnelle pour ces ménages seraient pertinents pour limiter certaines de leurs carences, et promouvoir la consommation de produits frais cultivés et transformés sur la zone, pourvoyeurs en vitamines.

Pour que cette typologie puisse être remobilisée par les agents de développement, il est possible de regrouper ces différents styles alimentaires en fonction du zonage villageois présenté dans le diagnostic. En effet, les styles alimentaires « citadins » (types a et d) sont davantage présents à proximité du bazar ou dans les villages de nouveaux migrants, proches de la ville nouvelle, et souvent habités par des « sans terre ». Les styles alimentaires « ruraux » sont plutôt présents dans les villages d’altitude, sur le bas des pentes, éloignés du bazar. Les « néo-urbains » sont plus difficiles à localiser car ils peuvent être aussi bien dans les koshlacks que dans la ville nouvelle. Afin de distinguer les consommateurs apparentés à des « sous-alimentés », il est possible d’évaluer en quelques questions105 auprès des ménages leurs dépenses journalières en aliments de base et de les comparer à la limite choisie106.

Cette étude sur l’alimentation met en évidence la pertinence du développement de programmes de sensibilisation alimentaire en Afghanistan, en particulier dans les zones éloignées de la capitale, comme la vallée de Baharak.

En effet, malgré la « modernisation » de l’alimentation de la vallée, du fait de son urbanisation et son ouverture à une gamme élargie de produits alimentaires, locaux et importés, de nombreux ménages ne diversifient pas leur alimentation et continuent de consommer majoritairement du pain. De plus, l’offre alimentaire reste inégale suivant les saisons et sa qualité sanitaire peu contrôlée. Les enjeux de la nutrition dans une telle zone concernent donc davantage les programmes de Food Safety que de Food security.

Par ailleurs, les programmes d’amélioration de l’alimentation peuvent s’adapter aux différents styles alimentaires de la vallée. L’accompagnement et le développement des filières fruits et légumes, par les ONGs, paraissent pertinents pour les ménages d’agriculteurs prêts à investir dans ces productions. Par contre, pour les sans Terres qui dépendent en majorité de l’offre du marché, des programmes d’éducation nutritionnelles seraient plus à même de les guider dans leurs achats et pour l’amélioration de leur équilibre nutritionnel. Enfin, pour les habitants qui ne sont pas prêts à investir dans leurs

105 Questions sur les quantités consommées pour chaque aliment de base que l’on ramène à un adulte et à une durée (un jour). Il suffit de multiplier ces volumes/pers./jour par les prix des aliments et des combustibles à ce moment là dans la zone. 106 Attention, la limite des 30 afs doit être remise à jour régulièrement selon les variations des prix du bazar et l’évolution des modes alimentaires locaux.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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achats ou dans la production agricole, le développement d’activités génératrices de revenus répondrait davantage à leurs attentes.

Dans tous les cas, sauf peut-être le cas des sans Terres, où les achats majoritaires sont pris en charge par les hommes, ce sont les femmes qui doivent être les cibles privilégiées de ces programmes.

Les chapitres suivants présentent d’ailleurs une évaluation des programmes d’AAD destinés aux femmes et des pistes d’amélioration en vue de développer des actions qui diminuent la vulnérabilité des ménages et améliorent leur alimentation.

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5 CHAPITRE V : IMPACT DES PROGRAMMES D’AFGHANAID

5.1 DES PROGRAMMES POUR GROUPES VILLAGEOIS DE FEMMES. Avant d’implanter un projet à destination des femmes dans la vallée, les

organisations villageoises masculines sont toujours consultées par le personnel masculin de l’ONG AAD. Ce point est très important dans le fonctionnement d’AAD dont la politique est de s’appuyer sur la motivation des communautés représentées par leurs shuras107. En effet, si la shura des hommes décide de ne pas accepter la venue d’un Women Ressource Center dans son village, le projet n’aura pas lieu.

Les femmes qui travaillent pour AAD se rendent donc dans les villages une fois l’accord des shuras obtenu et demandent à regrouper les femmes « intéressées ». Elles doivent limiter leur nombre et sont parfois obligées de sélectionner les participantes. Comme les femmes responsables de programmes sont elles-mêmes originaires de la vallée, elles vont presque toujours dans un village où elles connaissent au moins une des villageoises. Ainsi, les futurs membres d’un groupe comptent le plus souvent les réseaux de connaissances de ces cadres féminins. Malgré ces biais, certaines règles relatives à la constitution d’un groupe sont requises. Par exemple, une seule femme par ménage est acceptée dans un groupe de micro finance. De plus, pour le choix de dayâs dans les programmes de santé, AAD cible de préférence des femmes pauvres, souvent des veuves et des femmes d’un certain âge qui ont l’ « expérience de la vie ».

La formation de ces groupes est déterminante pour le fonctionnement futur du projet. Or, malgré certaines règles l’une des principales limites de ces regroupements de femmes est qu’ils mettent souvent à l’écart les femmes des ménages les plus vulnérables : d’une part, les femmes connues par le personnel d’AAD sont rarement parmi les plus pauvres. D’autre part, les villageoises de condition modeste n’osent pas se présenter chez elles lors de la venue d’un projet et de ces animateurs. Elles déclarent en fait avoir peu de temps pour des activités extérieures à leur travail domestique. Elles ont en effet une multitude d’activités et souvent des enfants en bas âges à garder. La conséquence de ces effets d’exclusion est une remise en question de ces programmes de développement du moins dans leur capacité à diminuer la vulnérabilité des ménages…

5.2 LE PROJET DES JARDINS POTAGERS Malgré tout, afin d’encourager des activités génératrices de revenus féminins, de

diversifier l’agriculture locale et de contribuer à l’amélioration de l’alimentation, AAD a donc mis en place un nouveau programme de Kitchen Garden destiné aux femmes, depuis 3 ans.

« Le blé de Baharak n’est pas bon, il vaut mieux faire des légumes pour les vendre et acheter du blé d’ailleurs. », l’étude des programmes de blé à Baharak confirme aussi cette hypothèse selon laquelle les cultures maraîchères répondent davantage aux attentes des paysans de la vallée que la culture des céréales comme le blé (voir JC Duchier, 2006). En plus de permettre à certains ménages de dégager des revenus, cette production maraîchère contribue à l’amélioration de l’offre alimentaire de la zone. Dans ce contexte, le maraîchage est une des réponses aux enjeux de développement énoncés plus haut. Par ailleurs : « Le problème, c’est qu’aucun homme ne veut travailler dans le maraîchage car cela leur demande trop de travail. », cette

107 Les communautés villageoises sont au centre des préoccupations de cette ONG, comme la montre 27 sur le cadre conceptuel des programmes d’AAD.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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- Mise en place de formations pour les femmes (staff et bénéficiaires) dans les districts où travaille AAD.

- Suivi de stages au Pakistan sur la transformation semi-artisanale des fruits et légumes

- Visites et suivi du projet dans les districts - Travail de collaboration avec le staff féminin d’AAD dans

chaque district. - Gestion les commandes de semences, de matériel pour la

transformation (étagère, souffre,…)

Head office (Kabul)

Female Chief of KG program in Bdk

(Akkila, agronomist, Faizabad)

Male Chief of Agricultural

programs in Bdk

Female staff (social organizers) in Baharak

district (Maleha and M assouda)

Team leader of Baharak Office and Male social

organizers

Female agents of AAD women’s shuras (Women’s

group, Self Help Group and Women Resources Center)*

Male agents of AAD men’s

shuras

Doivent être en accord avec :

Members of Women’s Shuras (WS)

in villages of Baharak Valley

Men (husbands, fathers,…) linked with members of

WS

- Objectifs du projet (proposal pour les bailleurs) - Budget alloué au projet - Durée, périodes d’essais et d ‘évaluation du projet

- Regroupement des femmes dans les villages lors des visites d’Akkila, organisation logistique (lieux des formations, hébergement, accueil,…)

- Diffusion de conseils techniques lors des réunions des groupes villageois de femmes

- Font « remonter » les principaux problèmes des bénéficiaires à Akkila.

- Réceptions et organisation des réunions des groupes féminins (souvent chez elles)

- Suivi de formations techniques pour les jardins potagers (pépinières, fertilisation)

- Diffusion « théorique » de leur apprentissage aux autres membres du groupe.

- Porte-parole des principaux problèmes des membres du groupe.

- Participation aux stages collectifs pour la transformation des fruits et légumes

- Utilisation de semences distribuées par AAD - Développement de petites activités de

commercialisation de fruits et légumes (avec leurs enfants).

Décide des actions suivantes :

déclaration d’une femme de la vallée vient appuyer l’intérêt de la mise en place de programmes de développement du maraîchage qui intègrent les femmes.

Ce programme a déjà fait l’objet de bilans, par AAD et le Groupe URD108, qui font ressortir les résultats positifs et encourageants du projet. Il a notamment permis la diffusion de nouveaux savoirs techniques ainsi que l’introduction de nouvelles variétés de légumes109. Trois responsables féminines du projet dans le Badakhshan sont d’ailleurs allées présenter ces réussites lors d’un colloque à Kaboul au Ministère de la Santé, en février 2005. Figure 11: Organigramme du projet des jardins potagers pour le district de Baharak110 (2005).

L’organigramme du projet (voir figure 11) permet de visualiser les principaux acteurs de ce programme et leur rôle dans sa réalisation et son suivi. Il fait ressortir l’importance des hommes (personnel d’AAD ou proches des femmes participantes) dans les prises de décision relatives au projet, car si la communauté masculine de Baharak n’était pas motivée, le contexte local ne permettrait pas de faire avancer le projet,

108 Le Groupe URD a réalisé une évaluation des programmes d’AAD dans le Badakhshan, en décembre 2004, les programmes des jardins potagers ont alors donné lieu à la commande de cette étude. (Groupe U.R.D., 2004). 109 D’après AAD, 14 légumes de semences améliorées auraient été introduits (AAD, 2005, p.8). 110 Cet organigramme a pu être réalisé grâce à des entretiens semi directifs auprès de responsables des KG programs d’AAD (Akila, Maleha et Massouda).

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uniquement avec les femmes. De plus, l’historique du programme, présenté dans le tableau 5, permet de suivre son évolution dans la vallée notamment en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires impliquées dans le projet.

Tableau 5: Historique du programme de jardins potagers à Baharak

On peut évaluer l’impact de ce programme sur les plans nutritionnels, sociaux, techniques et économiques par l’analyse de ses principales limites révélées par l’observation du déroulement de formations et le relevé des réflexions des participantes.

Tout d’abord, il apparaît qu’il y a une mauvaise circulation de l’information entre les responsables des groupes féminins et les autres villageoises. En effet, celles qui ont reçu une formation sur de nouvelles techniques, pour leur potager, ne sont pas habituées à transmettre à d’autres et sont plutôt dans une position « passive », volontaire ou non, de rétention de l’information. Par conséquent, la diffusion de ces nouvelles techniques se limite à une minorité de femmes de la vallée.

De plus, en ce qui concerne les savoirs faire de transformation, il semble qu’ils ne sont pas tous adaptés au contexte de la vallée. En effet, la présentation des styles alimentaires nous a montré que des produits comme les confitures ne sont presque jamais consommés par les ménages locaux. Lors de la fête du Ramadan, les femmes en préparent souvent elles mêmes (de pommes et de carottes) et certains enfants en vendent au bazar mais beaucoup de consommateurs déclarent préférer les confitures importées, même si elles sont plus chères113, car elles sont plus sucrées et bien emballées (donc jolies à présenter aux invités). La transformation des fruits en confiture ne répond donc pas, pour l’instant, à un besoin réel des ménages locaux. Par ailleurs, l’utilisation de claies pour le séchage des fruits ne répond pas aux contraintes de temps et de volume. 111 Les femmes qui sont formées payent le plastique à AAD après la formation. 112 Par exemple, elles apprennent à mélanger le fumier à du sable pour sa meilleure incorporation dans le sol. 113 Les confitures importées sont vendues à Baharak entre 120 et 200 afs/kg alors que celles fabriquées localement coûtent entre 50 et 100 afs/kg.

2002-2003

Début des programmes de jardins potagers à Baharak :

Stage de formation pour 10 femmes de la vallée, choisies car connues d’AAD pour avoir participé à des stages d’artisanat. Ce stage de 15 jours les a formées à la fabrication artisanale de confiture, de purée de tomates, au séchage de fruits avec du souffre et sur des séchoirs à claies, aux techniques des plastiques111 (plastic tunnel) pour les pépinières, à l’utilisation de fertilisants112. Elles ont aussi reçu des semences de légumes et des fertilisants chimiques.

Toutes les semences distribuées par AAD sont auparavant testées dans des Demonstration Plots à Baharak.

2004-2005

Stages dans les villages avec Akila (chef KG program pour le Badakhshan) pour les responsables de groupes (Social Organizers) à trois moments de l’année (durée des visites de 2 ou 3 jours): en mars-avril pour les pépinières, en juillet pour les techniques de transformation (souvent dans les Women Ressouces Center et donc pour plusieurs femmes en même temps) et le suivi des potagers et en septembre pour le bilan des récoltes.

En deux ans, Akila est venue au total dans 6 villages de la vallée, 12 responsables de groupes ont donc été formées et une 50aines de femmes ont suivi des stages de transformation des fruits et légumes (environ 25 par an).

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En effet, les femmes ne peuvent y sécher que quelques kilos de fruits et doivent faire fabriquer et donc payer les claies alors qu’elles sèchent traditionnellement entre 10 et 20 kg en une seule fois, au soleil, sur les toits. Les claies obligent par ailleurs à couper les fruits en morceaux ce qui demande du temps et n’est pas accessible à la plupart des femmes qui récoltent beaucoup de fruits au même moment et ont d’autres activités très prenantes à cette époque de l’année. Enfin, ces techniques de transformation utilisent du soufre qui n’est pas disponible actuellement sur le bazar de Baharak (ni à Faizabad). En fait, l’ensemble de ces techniques, apprises au Pakistan, sont davantage adaptées à la « micro entreprise » commerciale, qu’à la transformation domestique. Or, pour l’instant, les femmes de Baharak ne vendent pratiquement pas leurs produits transformés qu’elles destinent avant tout à l’autoconsommation.

Une autre limite vient du fait qu’Akila n’est pas sur place dans la vallée et ne vient pas assez souvent pour suivre de prés le projet. Ainsi, peu de femmes sont au courant à l’avance d’une formation et Akila ne peut faire face aux questions éventuelles de toutes les participantes vu le peu de temps consacré à ses visites. Par conséquent, ce projet n’a pas changé pas de façon significative les activités de maraîchage et de transformation des fruits des femmes de la vallée.

Néanmoins, à l’échelle des ménages bénéficiaires, ce projet a permis différentes améliorations. Dans l’alimentation, les distributions de semences ont permis de diversifier les apports en légumes, de garder ces semences sur plusieurs années et d’en faire profiter la famille élargie et le voisinage. De plus, la formation des femmes à des techniques culturales permet à celles-ci de faire leur potager sans l’aide de leur mari, elles en tirent donc de la fierté et les hommes bénéficient de cette autonomie. Elles voient aussi leurs rendements en légumes s’améliorer et peuvent alors vendre une partie de leurs produits au bazar. Enfin, pour les femmes de la ville nouvelle, la possibilité de faire des confitures et des bocaux est une opportunité financière lorsqu’elles parviennent à en commercialiser une partie lors du Ramadan.

5.3 LES WOMEN RESSOURCE CENTER. Ces centres de formation, réservés aux femmes, existent à Baharak depuis 2000.

Ils ont pour objectif de rassembler des jeunes filles et des femmes autour d’activités artisanales ou d’autres apprentissages (cours d’alphabétisation, éducation à la santé, cours d’informatique,…). Ils sont un des rares lieux où les femmes peuvent se retrouver en dehors de la sphère « privée » et possèdent une réputation de sérieux, gage de leurs succès à Baharak.

Aujourd’hui, il existe un seul centre par district et celui de Baharak change tous les six mois de village, une fois une session de formation terminée. Cette dernière comprend des cours de couture et de broderie à la machine auxquelles participent quotidiennement 40 bénéficiaires, en majorité des jeunes filles de 16 à 20 ans. Elles suivent aussi des cours d’alphabétisation une fois par semaine et des conseils sanitaires et sociaux. En général, ce centre est bien perçu des hommes de la vallée car ils conçoivent l’intérêt de cet apprentissage pour leurs filles dans leurs futurs travaux domestiques.

Suite à ces formations, les jeunes filles savent coudre ou broder et peuvent acheter à crédit une machine d’AAD afin de continuer ces activités chez elles et éventuellement d’en tirer de petits revenus. Pour cela, elles s’engagent à faire partie d’un groupe de micro crédit et à rembourser AAD dans l’année qui suit leur fin de stage. Ce crédit est sans intérêt, il est basé sur la confiance entre l’ONG et les bénéficiaires mais aussi sur la « caution solidaire » car une femme qui ne rembourse pas un crédit pénalise les autres membres de son groupe, AAD ne fera plus crédit à ce collectif. La valeur des biens

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vendus à crédit par AAD dépasse rarement les 1000 afghanis (soit 20 $). Cette possibilité permet de pérenniser l’action du centre dans un village car elle motive les femmes à se retrouver après la formation au sein des Women’s Groups que nous décrirons dans la partie suivante de ce chapitre.

Mais les principales limites de ce projet viennent des types de bénéficiaires impliqués. En effet, les femmes mariées y sont peu nombreuses : elles ont souvent des enfants à garder, leurs yeux sont fatigués pour ces travaux et leur mari les laisse moins libres. Pourtant ces épouses se déclarent motivées par l’apprentissage de ces nouvelles activités qui leur permettraient d’augmenter les revenus de leur ménage. De plus, le nombre de stagiaires est bien inférieur au nombre total d’intéressées et, au moment des inscriptions, leur choix aléatoire (tirage au sort) ne permet pas forcément de toucher les femmes des ménages les plus vulnérables.

Toutefois, ces centres possèdent un véritable potentiel de développement pour les programmes à destination des femmes. Dans l’idée d’encourager des activités génératrices de revenus pour les femmes, leur appuie est nécessaire.

5.4 DES WOMEN’S GROUPS AUX SELF HELP GROUPS: Les Women’s Groups, mis en place en 2002 à Baharak, sont nés de l’idée de

rassembler les femmes, dans les villages, au même titre que les hommes, et de leur donner l’occasion d’exprimer leurs problèmes et d’échanger avec des professionnelles ou animatrices. Très vite, les responsables féminines d’AAD ont pu y diffuser d’une part des conseils sur la santé (Health education), la prévention des jeunes enfants (Child Education), la nutrition (cuisine de nouveaux légumes distribués par AAD, recette de nouveaux plats) et d’autre part de permettre à celles qui présentaient un projet précis d’accéder à des crédits, pour l’achat de ruches, d’une chèvre, d’une machine à coudre,.... Ces crédits sont basés sur les mêmes règles que celles présentées pour le matériel d’artisanat (pas d’intérêt, caution solidaire) et peuvent atteindre jusqu’à 5000 afghanis (soit 100$).

Photo 7: Quelques femmes de Baharak

participant à un Self Help Group (Octobre 2005).

Aujourd’hui, une dizaine de groupes villageois (d’une 15aine de membres) existent et se réunissent chaque semaine à Baharak autour de leurs « agents » de groupe, membres élues et portes paroles, et des deux animatrices locales d’AAD, Massouda et Maleha. Grâce aux possibilités de micro crédits mis en place par l’ONG, ces groupes ont contribué à faire évoluer les normes locales qui interdisent aux femmes de vendre dans leur village, puisque pour rembourser leur crédit, elles doivent vendre du lait, du yaourt, du miel, des fruits,… Leurs maris ne s’y opposent donc pas car leur ménage profite du bénéfice financier de ces activités, après remboursement.

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Le crédit est donc ici un outil d’insertion des femmes aux marchés, que les hommes auraient pu refuser mais qui finalement semble admis pour les revenus nouveaux dégagés ce qui indirectement révèle le besoin croissant d’argent pour vivre aujourd’hui dans cette zone.

En 2005, AAD a promu la formation de ces animatrices sur les Self Help Groups (SHG), en Inde, qui tente d’initier les femmes à la gestion d’un capital financier. Ces groupes, inspirés de la Grameen Bank114, remplacent progressivement les Women’s Groups à Baharak. Ils donnent en effet l’occasion aux femmes de se retrouver pour mettre de l’argent en commun ( de 10 à 30 afghanis par femme et par semaine, selon les groupes) mais sont aussi des espaces, pour les responsables d’AAD, pour diffuser des conseils comme dans les Women’s Groups.

Les SHG se basent sur des règles strictes de participation que les femmes ont décidé ensemble au moment de l’instauration d’un groupe. Elles doivent par exemple, payer un « gage » monétaire si elles sont absentes plus de trois fois ou si elles viennent avec leurs enfants. Elles élisent deux responsables, une secrétaire et doivent, tour à tour, jouer le rôle de « comptable » des sommes fournies par chacun des membres. A chaque réunion, l’une d’entre elles est bénéficiaire de la somme épargnée en commun. Elle peut mobiliser pour démarrer une activité et en tirer des bénéfices satisfaisants. Dés qu’elle le souhaite, ou selon un calendrier pré établi avec les autres, elle doit rembourser l’argent emprunté au groupe et lui reverser la moitié de ses bénéfices.

Depuis le lancement de ces groupes en juin dernier, AAD est « victime » de leur succès car de nombreux villages souhaitent voir se créer de nouveaux groupes. Les femmes y trouvent une réelle motivation et un intérêt car ces groupes leur donnent la possibilité et la légitimité de devenir responsables d’une somme d’argent et donc d’être peu à peu valorisées socialement en tant qu’agents économiques, comme les hommes.

La création de ce type d’institution constitue un véritable changement pour la société et la place qu’y joueront désormais les femmes. Leur reconnaissance économique apparaît alors comme un processus en cours, sans doute déterminant et irréversible, sauf si l’accord des hommes est limité et marginal. Plus concrètement, les femmes interrogées énoncent et identifient divers avantages immédiats à la création de ces groupes :

1. « Ça nous oblige à économiser » Le SHG est perçu comme un bon moyen de ne pas dépenser l’argent gagné au jour le jour.

2. « Moi, quand j’ai 20 afghanis, je les donne à mon fils pour qu’il aille s’acheter des biscuits ou autre chose au bazar, s’il y avait un groupe, je ne gâcherais plus mon argent. » Le SHG est aussi perçu comme un moyen d’épargner.

3. « C’est comme à l’école, mais ici on ne vient pas pour rien » Le SHG est perçu comme un lieu d’apprentissage. En plus de leurs noms, les membres du SHG disent avoir appris les dates du calendrier et une certaine rigueur comptable. Elles disent que c’est très utile pour leur avenir car elles savent désormais compter l’argent.

114 Cette institution de micro finance, née au Bengladesh en 1996, sur l’initiative de Muhammad Yunus, est basée sur la formation de groupes de 5 membres, motivés, rassemblés selon des règles strictes qui définissent le principe d’une « caution solidaire » entre membres.

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Comme les femmes ne peuvent y être passives, seules les plus motivées s’y joignent et deviennent rapidement indépendantes. Certains groupes se réunissent même si la responsable d’AAD ne peut pas venir.

Les SHG sont tout de même confrontés à certains problèmes et leur nouveauté à Baharak ne permet pas de conclure sur leur réussite certaine à long terme :

1) Tout d’abord, certains hommes ne comprennent pas l’intérêt de ces groupes et sont réticents à leur création dans leur village. Comme ce sont souvent eux qui donnent l’argent pour la participation de leur femme au groupe et que cet argent ne leur est pas reversé, ils estiment souvent que ce programme « ne vaut pas la peine ».

2) La difficulté des femmes pour trouver de quoi cotiser régulièrement est une autre limite non négligeable aux SHG. Dans les villages les plus reculés du bazar, où les femmes ont rarement accès à des biens monétaires, il semble peu pertinent d’y développer ce genre d’institution.

3) Même si les femmes sont motivées pour mettre de l’argent en commun, elles le sont beaucoup moins pour développer des activités collectives qui leur permettraient pourtant de générer des revenus plus avantageux que lorsqu’elles sont seules. Elles disent par exemple ne pas vouloir faire la cuisine à plusieurs alors qu’elles manquent de temps pour préparer des plats destinés à la vente car elles ont trop de travail chez elles.

4) Elles se retrouvent dans certains groupes entre femmes de conditions très différentes et des relations de jalousies peuvent apparaître.

Par conséquent, les responsables des SHG doivent être particulièrement attentives à tous les problèmes que peut soulever l’engagement des femmes aux SHG.

Enfin, le fait que les hommes soient pris à partie dans l’utilisation des sommes mises en commun est à la fois un avantage et une limite puisque ce sont eux qui en dernière instance décident de l’existence des SHG. Ceci montre que raisonner un projet, exclusivement destiné aux femmes, n’a pas forcément de sens. L’objectif de réduire la vulnérabilité des ménages passe par l’intégration des hommes même dans les programmes où les bénéficiaires sont des femmes. Ils sont incontournables et légitiment toute action de développement local.

Le chapitre suivant fournit donc des pistes d’action et de réflexion pour l’amélioration concrète des programmes d’AAD en tenant compte des enjeux de la vallée de Baharak, énoncés dans cette étude.

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6 CHAPITRE VI : AMELIORER LES PROGRAMMES DESTINES AUX FEMMES

Ce chapitre vise à donner des pistes de réflexions et d’actions pour améliorer les programmes de développement afin qu’ils intègrent mieux les femmes et répondent aux enjeux d’une zone rurale comme la vallée de Baharak, à savoir:

La nécessité d’augmenter les revenus des ménages notamment des plus vulnérables (pas ou peu de terre, manque de main d’œuvre masculine).

Lutter contre la dégradation des conditions de santé liée à l’urbanisation, aux baisses de revenus ainsi qu’à l’émergence de nouveaux modèles et biens alimentaires.

6.1 REPONSE A LA PROBLEMATIQUE : Rappelons tout d’abord les questions de notre problématique de départ et quelles

réponses peuvent être données à nos hypothèses de départ :

• Dans une société où les femmes sont visiblement mises à part, quelle est leur place réelle dans la vie économique des ménages?

Les femmes ne sont pas seulement des individus dont les conditions de vie souvent difficiles sont à améliorer, mais aussi des acteurs essentiels de l’économie familiale et rurale. Les normes et contraintes sociales limitent dans l’espace leurs actions mais ne les empêchent pas de fournir des ressources quotidiennes et même parfois de dégager des richesses pour leur ménage.

L’exemple de la vallée de Baharak permet de montrer que la survie des ménages, en particulier des plus vulnérables, est directement liée à la participation des femmes à l’unité de production.

Par ailleurs, il est vrai que la majorité des femmes n’a pas accès aux transactions économiques ni aux décisions budgétaires du ménage. Mais certaines catégories de femmes parviennent à créer des petits revenus et participent nécessairement à des échanges commerciaux. Si l’autonomie totale de toutes les catégories de femmes est totalement irréaliste, les programmes destinés aux femmes afghanes peuvent promouvoir et accompagner l’amélioration des revenus familiaux des revenus familiaux, à travers quelques activités qui engagent les femmes avec l’accord des hommes. L’accès au micro crédit peut être ici déterminant.

• Y a-t-il des facteurs qui différencient les rôles des femmes ?

La diversité des situations féminines observées de leur place et marges de manœuvre repose sur des facteurs aussi bien économiques, sociaux, que géographiques. Ce dernier facteur permet notamment de différencier les situations des zones reculées de pâturages d’altitude, comme les Shewas, et de celles des zones périurbaines comme la vallée de Baharak.

Le fait que cette étude soit limitée aux villages de la vallée ne permet pas d’approfondir l’impact du contexte agro écologique sur les rôles et statuts des femmes dans cette société. Toutefois, la variabilité des réseaux de femmes entre villages de la vallée a des conséquences sur les modes d’organisation. Les deux facteurs, « localisation géographique » et « origine sociale » doivent donc être pris en compte par les programmes destinés aux femmes.

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• En quoi la qualité de l’alimentation est-elle un enjeu pour les programmes de développement?

La malnutrition touche la plupart des habitants de zones rurales comme Baharak, et ce, malgré une alimentation qui semble correspondre en quantité et en énergie aux besoins vitaux des habitants. Les causes de cette malnutrition seraient donc à chercher du coté d’une insuffisante diversité alimentaire. De fait, de nombreux ménages de la vallée n’accèdent pas à une alimentation équilibrée du fait de l’enclavement de la zone, qui restreint l’offre alimentaire, de leur manque de moyens pour consommer plus fréquemment des produits comme les fruits et légumes mais aussi d’une méconnaissance des impacts de la nutrition sur leur santé.

Les organismes de développement agricole doivent donc prendre en compte les évolutions et situations alimentaires locales et envisager, au niveau d’une vallée comme Baharak, des actions qui articulent étroitement l’amélioration de la production maraîchère et fruitière, l’éducation nutritionnelle et la santé. Ne s’attacher qu’à l’amélioration de la production agricole locale aujourd’hui, dans un contexte de changements rapides et d’attraction massive vers les cultures de pavot, est source d’échec. En revanche, l’intégration des femmes aux réflexions et actions de ces programmes apparaît d’autant plus pertinente actuellement qu’elles sont reconnues comme étant à l’interface des unités de production et de consommation et qu’elles vivent elles aussi des changements significatifs (scolarisation, urbanisation…).

• Comment relancer l’économie locale tout en valorisant davantage les activités des femmes?

Le principal enjeu de l’économie locale c’est d’améliorer les conditions de vie des habitants pour limiter leurs départs en migration ou leur « reconversion » dans les grandes cultures de pavot... Ces conditions de vie dépendent de l’état de santé des ménages et donc en grande partie de leur alimentation mais aussi de leur accès à de nouveaux biens synonymes de modernité, d’ouverture au monde ou d’« idéal » de vie. En étant réalistes face à ces tendances évidentes, les programmes de développement doivent principalement chercher à accroître les sources de revenus des ménages. Or, certaines activités féminines révèlent un potentiel économique. Par exemple, la production maraîchère (pour une bonne partie) et la transformation des fruits et légumes qui sont de la responsabilité des femmes permettent déjà à un petit nombre de ménages de dégager des revenus significatifs et ne demandent qu’à se développer.

Les projets destinés aux femmes pourraient donc contribuer à la valorisation de ces productions par un appuie à la formation technique des femmes pour le maraîchage mais aussi par l’encadrement d’unités de transformation génératrices d’emplois et de dynamisme économique pour la vallée.

Le programme d’AAD des jardins potagers et les structures nouvelles de micro finance s’inscrivent déjà, en partie, dans cette idée mais doivent encore être encouragés afin de toucher plus de ménages.

Toutefois, plusieurs difficultés doivent être elles aussi prises en compte si l’on veut rester réaliste :

Le fait que les femmes n’ont pas toujours la volonté ni la capacité de former des groupes d’intérêts communs, mobilisables par les ONGs. On a vu que cette tendance à l’individualisation des activités, des savoir-faire, reposait dans cette société sur des normes culturelles qui fondent la reconnaissance et l’identité de chacune dans ses réseaux

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familiaux et villageois. Mais la difficulté de construire ensemble renvoie aussi parfois à un manque évident de motivation, de confiance de la part des femmes. La création de groupes féminins sans prendre en considération leurs contraintes matrimoniales et domestiques ni leurs réticences produirait nécessairement des décalages, de l’inefficacité et de l’absentéisme. Les organismes de développement ont donc tout intérêt à bien vulgariser les objectifs de leurs programmes, à leur donner le plus de flexibilité possible, en matière d’organisation, à s’appuyer à la fois sur des collectifs et sur des individus qui ont déjà les moyens (âge, temps disponible, ressources économiques…) d’être des leaders, des « moteurs » locaux du développement (diffusion des acquis, initiatives privées,…).

Le fait qu’aucune action nouvelle ne peut être promue sans l’accord des hommes dans les cercles des shuras. Cette donnée incontournable rend toujours incertaine la démarche de promotion, de développement lancée dans un village, et limite les formes et chiffres d’adhésion féminine aux projets, tout comme elle limite la vitesse de diffusion d’actions ou d’institutions nouvelles (comme le crédit aux femmes avec caution solidaire).

6.2 PROPOSITIONS POUR LES PROGRAMMES DE KITCHEN GARDEN : La figure suivante (figure n° 12) rappelle les principales limites de ces

programmes, quelles actions peuvent alors être envisagées pour les dépasser ? Figure 12: Schémas des challenges des programmes de jardins potagers (2005).

6.2.1 De nouvelles techniques culturales : L’impact des jardins potagers d’AAD montre que les femmes sont motivées pour

apprendre de nouvelles techniques. Dans l’intérêt de diminuer la variabilité de l’offre alimentaire de la vallée, il serait envisageable de former des femmes à la construction de

Manque de participation active des femmes lors des stages de transformation.

Les 10 challenges des Kitchen Garden

programs

Pas ou peu de diffusion des savoirs techniques entre les femmes formées et les autres.

Peu de femmes ont accès au marché pour la vente.

Les procédés de transformation du programme (confitures, séchage au souffre) ne sont pas adaptés à l’auto consommation.

Certaines femmes n’ont pas de terre disponible pour les potagers (propriété ou location).

Pas de responsable agricole féminine dans le district, faible suivi auprès des femmes participantes.

Pas assez de fumier pour les potagers et les fruitiers (pénurie en combustibles).

Prix élevés des semences et des fertilisants chimiques.

Problèmes de croissance deslégumes de variétés améliorées et manque de connaissance pour la lutte des maladies.

Faible niveau en éducation nutritionnelle.

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petites serres et de vérandas, comme le propose le GERES115 dans d’autres régions d’Afghanistan. Elles pourraient augmenter leur production en légumes lorsque ils sont les plus rares sur le marché (hiver et printemps). De plus, des formations sur la lutte biologique contre les pathologies des arbres fruitiers et des légumes, à l’aide de «fabrications domestiques», répondraient au manque de connaissances dans ce domaine et d’accès aux pesticides et insecticides chimiques.

Afin de rendre ces formations plus efficaces, les responsables des ONGs devraient impliquer les femmes à travers des exercices pratiques (stages) et prendre le temps de vérifier qu’elles ont bien « assimilé » la technique : chaque participante pourrait réaliser l’exercice devant les autres et être ainsi « évaluée » par le groupe.

Néanmoins, de telles sessions de formation pratique ne peuvent bénéficier qu’à un petit nombre de femmes motivées qui ont les moyens d’investir dans ces nouvelles techniques. Les plus vulnérables risquent d’être encore mises de coté.

6.2.2 Des groupes d’échanges de savoir-faire : Afin d’étendre ce projet à un plus grand nombre, l’organisation de groupes

d’échanges de « savoir-faire » seraient l’occasion d’inciter les femmes à diffuser leurs connaissances techniques à tour de rôle. Les responsables de ces petits groupes devraient être attentives à la valorisation de chacun de ses échanges, aussi bien pour celles qui écoutent que pour celles qui prennent la parole116. L’objectif à moyen terme (au moins au bout de 6 mois) serait de faire prendre conscience aux femmes de leur intérêt à participer à ces échanges et de faire un bilan de tout ce qu’elles ont appris. Une période d’essai pourrait être réalisée au sein des SHG de la vallée dans lesquels les femmes sont particulièrement motivées par ces échanges.

Néanmoins, de tels échanges ne sont pas envisageables dans les villages où les réseaux de femmes sont inexistants et où leurs relations manquent d’harmonie. Une autre façon de diffuser des informations techniques pourrait être l’ouverture d’un jardin exclusivement réservé aux femmes (déjà en place à Faizâbâd117) où elles pourraient suivre des stages individuels ou par petits groupes d’affinités. Les premières femmes sélectionnées pourraient être des veuves, des femmes de ménages pauvres, deux catégories déjà habituées à travailler hors de leur domicile.

6.3 REVALORISER LES ACTIVITES DE TRANSFORMATION: 6.3.1 Une petite unité de transformation de fruits et légumes.

Aujourd’hui la production de fruits et légumes de la vallée connaît un nouvel essor mais les contraintes de transport et de stockage limitent l’expansion du marché en « frais » de ces produits. La transformation apparaît alors comme une solution valorisation. Par ailleurs, ce type d’activités est maîtrisé depuis longtemps par les femmes : séchage, techniques de stockage ou de conservation, en bocaux et en purée,… qui s’insèrent de façon courante dans la cuisine locale.

115 Le GERES (Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités) est une ONG française qui travaille sur le développement des énergies renouvelables dans les pays en voie de développement. Ils ont construits en 2002 des serres dans le district d’Ishkashem dans le Badakhshan en partenariat avec AKDN. 116 Ce type de valorisation fait appel à des méthodes telles que la « Participative Approach ». 117 Ce projet a démarré en 2005 sous l’initiative du Ministère des Affaires des Femmes et de la FAO, en partenariat avec des ONGs locales. L’impact de ces jardins de femmes est encore trop récent pour être évalué.

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Malgré ce potentiel agricole et les attentes locales en revenus, une minorité de ménages tirent actuellement des bénéfices économiques de ces produits transformés car ils dégagent rarement des surplus.

Dans ce contexte, le développement d’une micro entreprise de transformation de fruits et légumes à Baharak aurait l’intérêt d’améliorer d’une part les aspects sanitaires et esthétiques des produits finis et d’autre part d’assurer l’entrée de matières premières par l’achat aux rares producteurs locaux qui peuvent vendre. Afin d’encourager cette filière au niveau locale, la gamme des produits transformés pourrait se diversifier et concurrencer l’arrivage de produits importés souvent chers (jus de fruits, confitures, concentré de tomates,…). Un tel projet aurait donc le double avantage de dynamiser la production locale mais aussi d’employer des femmes pour la transformation qui seraient choisies parmi les catégories les plus vulnérables («sans terre », veuves,…). Enfin, les hommes seraient aussi impliqués à différents niveaux du projet: pour la production (techniques arboricoles, travail du sol,…), pour le transport des matières premières et des produits finis ainsi que pour la commercialisation.

Néanmoins, la mise en œuvre d’une telle micro entreprise nécessite d’importants moyens financiers et humains et doit faire l’objet d’une étude de marché approfondie sur la zone. De plus, avant de monter une telle entreprise, le programme devrait former les femmes à l’utilisation de techniques semi artisanales (presses, broyeurs,…), à l’entretien du matériel, aux conditions sanitaires de travail, au marketing (emballage, étiquettes, publicité,…) et à la comptabilité. Il faudrait aussi trouver un local de transformation et de vente, ce qui est actuellement très cher à Baharak. Toutefois, de plus en plus d’ONGs et d’institutions internationales travaillent aujourd’hui dans ce sens et le gouvernement afghan est aujourd’hui favorable au lancement d’initiatives économiques de ce type.

6.3.2 Les produits de l’élevage domestique : Une zone comme Baharak ouvre aussi des possibilités de développement des

produits de l’élevage et transformés par les femmes. Du fait de la diminution du nombre d’animaux en proportion du nombre d’habitants, certains produits sont aujourd’hui recherchés par les consommateurs (le lait, le yaourt, le miel et les œufs). Ils fournissent une bonne valeur ajoutée et sont facilement accessibles aux femmes.

Grâce aux programmes de micro crédit qui encouragent les élevages apicoles et avicoles, ces petits élevages domestiques pourraient être développé. Il serait donc intéressant d’ouvrir plus largement ces programmes aux femmes qui sont souvent responsables de ces activités dans l’enceinte de l’habitation et de les former à la fabrication de poulaillers et à la transformation du miel.

Photo 8: Ruches d'AAD préparées pour un apiculteur e Baharak (juillet 2005).

Par contre, il paraît difficile d’envisager une augmentation du cheptel ruminant dans la vallée qui parvient déjà difficilement à se nourrir sur la zone. Mais on peut agir dans le sens d’une réduction des taux de mortalité de ces animaux. Par exemple, un programme de sensibilisation des femmes à l’amélioration du logement (technique de

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caillebotis) et des conditions sanitaires (vaccination118) des animaux permettraient de diminuer de manière significative le taux de mortalité du bétail.

6.4 APPUYER LES DYNAMIQUES COLLECTIVES EXISTANTES. On a vu à travers l’étude d’impact des programmes d’AAD que les collectifs de

femmes, menés par les ONGs sont limités dans leurs actions. Ces limites sont rappelées dans la figure suivante (figure n°) afin de proposer des pistes d’améliorations pour ces groupes de femmes.

Figure 13: Les principaux challenges des groupes de femmes initiés par AAD (2005).

6.4.1 Les fours communautaires : Malgré leur déficit en combustibles, de nombreux ménages continuent de

fabriquer leur pain à domicile car ils n’ont pas les moyens d’acheter celui des boulangeries où habitent trop loin du bazar. L’exemple des fours communautaires, rencontrés dans un des villages où les réseaux de femmes sont dynamiques (nouveaux villages de migrants), semble une alternative intéressante que les programmes de développement pourraient encourager dans d’autres villages.

Ces fours ont premièrement l’avantage de limiter les dépenses en combustibles et de permettre éventuellement d’augmenter la part de fumier pour la fertilisation des potagers qui est souvent réduite au minimum et non complétée par des engrais chimiques chers. Ensuite, ils sont donc un moyen concret d’inciter les femmes les plus pauvres à proposer ce service chez elles et à en tirer des bénéfices. Les SHG seraient, l’occasion de proposer dans les villages la mise en place d’un ou deux fours communautaires. Le principe serait d’apporter la pâte à pain au domicile d’une femme, responsable de la cuisson et rétribuée en pain, en combustible ou en argent selon les règles de chaque groupe.

6.4.2 Des femmes leaders : Afin de pérenniser les groupes féminins, il est essentiel de rassembler les femmes

autour de motivations communes mais aussi autour de femmes leaders qui prennent le relais des responsables d’ONGs rarement disponibles. 118 L’ONG Oxfam forme des femmes dans l’Hazaradjat à la vaccination animale qui vont ensuite dans les villages et tirent de petits revenus de ce travail.

Les femmes avec des enfants en bas âges ne peuvent sortir de chez elles pour participer à des groupes ou des formations.

Les challenges des Women’s programs (WRC, WG, SHG)

L’accès à l’information de la formation des groupes est difficile pour celles qui n’ont pas de mari dans la shura des hommes.

Jalousie entre les femmes d’un même groupe ou d’un même village, risque de « favoritisme » des responsables d’AAD.

Beaucoup de femmes ne gèrent pas l’argent emprunté au SHG mais le donne à leur mari ou leur fils pour le faire fructifier.

Les villages les plus éloignés de la ville nouvelle ne sont pas visités par le personnel d’AAD.

Les hommes ne sont pas toujours d’accord pour laisser leurs femmes participer à des groupes.

Les femmes ne sont pas habituées à travailler en collectifs pour dégager des petits revenus.

Les femmes qui n’ont pas accès à des biens monétaires ne peuvent accéder aux SHG.

L’artisanat de style ancien (broderie, tapis) n’est pas attractif et n’a pas de potentiel de vente à Baharak.

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Ces « agents » de groupes peuvent être repérées parmi les jeunes femmes anciennement réfugiées du Pakistan et qui détiennent souvent de nouvelles idées, une plus grande ouverture d’esprit et une volonté de retrouver un mode de vie plus confortable. Elles peuvent par exemple, motiver certaines à cuisiner au gaz, (ressource en vente au bazar mais qui fait encore peur à de nombreuses femmes), ou encore leur apprendre des nouvelles techniques de conservation qu’elles ont été habituées à utiliser. Par ailleurs, les veuves sont aussi de bons leaders car elles sont souvent les plus motivées pour bénéficier des emprunts d’un SHG et démarrer des activités génératrices de revenus.

6.4.3 De nouvelles activités pour les Women Ressources Center :

L’intérêt principal de ces centres est de permettre aux femmes de se retrouver dans un lieu « public » sans choquer la société locale. Il serait profitable d’y associer de nouvelles activités, un peu à la manière du « jardin de femmes » de Kaboul: une garderie pour les femmes mariées qui désirent assister à des cours d’artisanat ou appartenir à des groupes de micro finance, des ateliers de cuisine qui permettraient aux femmes de préparer ensemble des plats cuisinés et de les vendre (par l’intermédiaire des enfants), une petite boutique de produits issus de leur transformation agricole (fruits secs, miel, bocaux de légumes,…) mais aussi artisanale (vêtements, bijoux, arts décoratifs,…).

6.5 AMELIORER LES PROGRAMMES NUTRITIONNELS Charlotte Dufour mentionne dans un rapport pour le projet LRRD du Groupe

URD119: “Food diversification strategies aimed at vulnerable households are a key strategy in the fight against micronutrient deficiencies. An increasing number of agencies are supporting such activities, through community-based food security programmes, but also through income generation programmes targeted at women, where women learn how to produce and preserve certain foods so as to sell them, for example. Nutrition education on the use of diverse foods and food preparation methods are also being integrated in other projects, such as through women’s Community Development Councils set-up as part of the National Solidarity Programme. But these projects are still implemented on a small-scale, and their impact and sustainability remains to be assessed. »

En accord avec l’étude réalisée par C. Dufour et l’analyse des dynamiques alimentaires de Baharak, l’amélioration des programmes alimentaires en lien avec les activités des femmes peut s’articuler autour d’un axe principal : l’intégration de la nutrition au sein de programmes de développement ouverts sur d’autres secteurs (micro finance, éducation, agriculture, santé).

L’éducation à la nutrition au sein des groupes féminins comme les SHG donne l’exemple d’un projet nutritionnel « intégré ». En effet, ces groupes constituent un espace de diffusion de l’information pour les femmes de la vallée. La motivation économique des femmes lors de leur venue peut s’associer au bénéfice de l’acquisition de connaissances nouvelles sur : les équilibres alimentaires (des enfants et des adultes), les produits essentiels à chaque âge et à chaque état physiologique (femme enceinte, adolescent,…), …

119 Nutrition Update, 2nd LRRD report, Groupe U.R.D., July 2005, 8p.c)

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6.6 COORDONNER LES ACTEURS LOCAUX DU DEVELOPPEMENT Le constat d’un manque de coordination entre les différents acteurs du

développement en Afghanistan n’est pas nouveau. Une prise de conscience a déjà permis la création de forums d’échanges entre les ONGs120 et au sein des Ministères. Mais au niveau local, ces bonnes résolutions sont loin d’être mises en œuvres. Pour les rendre effectives, il serait pertinent de former les équipes des ONGs sur le terrain à la nécessité de se rencontrer régulièrement entre elles et avec les autorités locales.

Nous avons, par exemple, demandé à rencontrer les professeurs du lycée agricole de Baharak (le seul de toute la province) afin de proposer une matinée d’intervention sur notre venue dans cette zone, nos conclusions puis d’en débattre avec les élèves et les professeurs. Nous avons alors réalisé que les responsables agricoles d’AAD et les dirigeants de cette institution ne s’étaient jamais rencontré alors qu’ils reconnaissent avoir un intérêt commun à travailler ensemble. Ils ont depuis décidé de construire un partenariat où les membres d’AAD s’engagent à fournir des conseils théoriques (cours) et pratiques (champ de démonstration dans le jardin de l’école) en agriculture et où le lycée s’engage pour sa part à rendre régulièrement disponibles les élèves comme main d’œuvre nécessaire aux essais agricoles d’AAD.

Ce dernier point peut s’appliquer à tous les programmes de développement mais reste une proposition difficile à mettre concrètement en œuvre dans un contexte aussi fragile que celui de la reconstruction afghane. Photo 9 : Le début d’un partenariat entre le lycée agricole de Baharak et AAD (Octobre 2005).

120 Par exemple, quatre ONGs ( AAD, AKDN, Concern et Oxfam) présentes dans le Badakhshan, ont crée le BDF (Badakhshan Development Forum) afin de se réunir régulièrement et d’organiser des programmes communs.

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En quelques mots, les améliorations possibles pour les projets à destinations des femmes afghanes, en zone rurale, seraient :

Des programmes « mixtes » :

Dans l’idée de valoriser les activités des femmes, cibler uniquement ces dernières n’a pas de sens dans une société où les transactions commerciales sont principalement menées par les hommes. Ainsi, la prise en compte de la communauté masculine est essentielle à tout projet. Même sous le prétexte d’une « Gender Approach », les programmes de développement n’ont aucune légitimité à venir perturber l’équilibre entre hommes et femmes. Enfin, dans une zone rurale comme Baharak, de nombreux maris voient favorablement la participation de leurs épouses à des activités génératrices de revenus car elles contribuent ainsi l’amélioration de leurs conditions de vie. Les hommes ont donc intérêt à soutenir ces programmes autant que les femmes.

Des programmes « intégrés » :

L’amélioration de l’alimentation passe à la fois par l’augmentation de la production locale, en particulier en fruits et légumes, sa revalorisation par la vente et la consommation de produits transformés et une éducation nutritionnelle qui peut passer par des groupes de femmes. Par ailleurs, l’augmentation des revenus des ménages devrait être permise par l’accompagnement de cette production agricole mais aussi par les initiatives individuelles ou collectives des femmes au sein de groupes de micro finance. Pour ces deux objectifs de développement, les programmes à destination des femmes doivent mobiliser divers secteurs de l’économie locale et de la société, ils sont donc « intégrés ».

Une « prise de recul » des agents de développement :

Un des intérêts de cette étude a été de montrer qu’il est primordial de prendre le temps de comprendre une réalité avant d’implanter un quelconque projet. Pour les programmes à destination des femmes, la prise en compte préalable des réseaux féminins villageois, des accès possibles au marché, des motivations des femmes, des autres ONGs présentes sur la zone est essentielle. Cette « prise de recul » implique donc plus de temps et de moyens pour la formation des personnels des ONGs au diagnostic du contexte et des attentes des futurs bénéficiaires. La mise en pratique d’une telle proposition est actuellement au cœur des débats de développement et reste importante à souligner même si elle parait souvent peu réalisable.

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CONCLUSION

Cette étude peut se conclure par l’analyse de son originalité et l’intérêt que pourrait révéler ses approfondissements.

Tout d’abord, la lecture d’une situation aussi complexe que celle d’un pays comme l’Afghanistan, par la place des femmes, éveille la curiosité et permet de toucher une grande diversité d’interlocuteurs. Ceci a eu pour effet de rendre la réalisation de cette étude passionnante et de m’apporter beaucoup sur les plans professionnels comme personnels. Afin de la rendre plus accessible, la publication d’un article pour le projet LRRD a été réalisée en décembre 2005 et la possibilité d’une intervention lors d’un colloque sur l’alimentation en zone de montagne au mois de juillet prochain est en cours.

De plus, une telle étude trouve son originalité dans la compréhension « mixte » d’une réalité. Le fait d’avoir analysé le point de vue des hommes et des femmes d’une même zone, avec deux regards (masculin et féminin), a permis d’apporter plus de nuances et plus de pertinence au diagnostic agraire. Il pourrait d’ailleurs être souhaitable de généraliser ce type de double regard car la complémentarité des genres en milieu rural est indissociable des dynamiques de développement local. Un des résultats de cette étude est d’ailleurs de montrer l’intérêt d’intégrer les hommes dans certains projets destinés aux femmes afin de les rendre plus efficaces.

Par ailleurs, à l’heure où les femmes font l’objet d’un intérêt majeur de la part des bailleurs de fonds, ce stage pose la question de l’absence d’équivalent de la « Gender Approach » dans la langue française. Il serait intéressant d’étudier de façon plus approfondie cette question du genre dans les centres de recherches francophones et les applications qu’elle peut avoir auprès des organismes de développement.

Ensuite, les limites d’une telle étude sont nombreuses, en particulier dans sa méthodologie qui mériterait d’être davantage maîtrisée. Pour le recueil des données, il serait pertinent de réaliser des enquêtes similaires dans d’autres régions représentatives de la diversité du monde rural en Afghanistan afin d’éviter des conclusions hâtives et non généralisables sur les femmes en zone rurale. Par exemple, une étude dans les Shewas permettrait de compléter la compréhension des dynamiques de consommation alimentaire et des réseaux féminins. De même, un travail au sein d’équipes pluridisciplinaires formées à la nutrition, l’agronomie et l’anthropologie apporterait sûrement une meilleure compréhension du rôle des femmes dans l’économie. Les conditions de travail parfois difficiles liés aux défauts de la traduction et aux restrictions des femmes dans la société rurale afghane pourraient être améliorées par des travaux en binômes franco-afghans.

Enfin, la mise en place de micros entreprises comme une unité de transformation de fruits et légumes à Baharak serait une façon concrète de mettre en action une telle recherche. Une étude de marché détaillée permettrait d’envisager de façon plus réaliste l’installation d’une entreprise encouragée par les ONGs et le gouvernement local. Une telle étude pourrait faire l’objet d’un nouveau stage ou d’une expertise privée.

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Bibliographie

AFGHANAID, Badakhshan Gender Survey and Programme Assessment in Terms of Gender Sensitivity, 2001, London. AFGHANAID, Afghanaid’s approaches, perspective and vision in the context of the ‘changing environment’ in Afghanistan and Badakhshan, Discussion Paper, June 2005, 11p. BANQUE MONDIALE, Gender Report in Afghanistan, 2005, Kaboul, 84p. BASHIRI Iraj (2000), Gorno-Badakhshan. Disponible sur www.angelfire.com, à l’adresse <http://www.angelfire.com/rnb/bashiri/Khorog/Khorog.html>(consulté le 26.04.2005). BRANCA F., MISTURA L, FERRARI M., Small Scale flour Fortification Pilot Project In Badakshan, Base-Line Survey, National institute for Research Food and Nutrition, Rome Italy and WFP Afghanistan, September 2004,18p. BRICAS N., 1998. Cadre conceptuel et méthodologique pour l’analyse de la consommation alimentaire urbaine en Afrique. Montpellier, France, CIRAD, Urbanisation, alimentation et filières vivrières n. 1, 48 p. DELLOYE Isabelle. Femmes d’Afghanistan. Phébus, 2002, 186 p. DORONSORO G., La Révolution afghane. Karthala, 2000, 350 p. DUCHIER JC., Blé ou pavot, les paysans ont choisi, Impact des programmes blé dans une vallée au nord de l’Afghanistan, Mémoire de fin d’Etudes, 2006, 189 p. DUFOUR C., Supporting the Improvement of Household Food Security, Nutrition and Livelihoods in Afghanistan, FAO project supported by the Government of the Federal Republic of Germany, 2005.a) DUFOUR C.,Integrating Nutrition in Food Security and Livelihoods Interventions : WHY and HOW in Afghanistan ?. March 2005, 18p.b) DUFOUR C., Nutrition Update, 2nd LRRD report, Groupe U.R.D., July 2005, 8p.c) FAAH (Food, Agriculture, Animal Husbandry and Information Management and Policy Unit), Food Composition Table for Afghanistan, 2004, Published by: Nutrition Department, Ministry of Health, Afghanistan, SAARCFOODS, FAAHM Nutrition Unit, FAO, Kabul. 57p. GRACE J., Who Owns The Farm?, AREU Report, February 2005, 78 p. GROUPE U.R.D., DACAAR Consortium II. Programme for Returnees Reintegration and Community Support in Afghanistan, Final Extension Report, Groupe U.R.D., Plaisians, France, 2004, 86 p. KLIJN F. Credit and Debt in Rural Afghanistan, Concept Note and Literature Review, AREU, Kaboul, September 2005.

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Sites consultés et cités dans le rapport

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www.negar.org, sur : http://www.negar-afghanwomen.org/index.php?option=com_content&task=view&id=15&Itemid=2, consulté le 17 janvier 2006.

www.Amnesty.Asso.fr, 06 sur http://www.amnesty.asso.fr/02_agir/24_campagnes/vcf/mars2005/afghanistan.htm), consulté le 27 janvier 20

www.un.org à l’adresse suivante: http://www.un.org/womenwatch/daw/csw/role_ngo.htm., consulté le 17 janvier 2005

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Table des annexes ANNEXE N°1 : HISTOIRE DE LA CONDITION DES FEMMES AFGHANES DEPUIS 1919.....88 ANNEXE N°2 : HISTOIRE DE L'AFGHANISTAN DEPUIS LE VIEME SIECLE AV. J.C..........91 ANNEXE N°3 : L’APPROCHE SYSTEMIQUE...................................................................................94 ANNEXE N°4 : CALENDRIER DE TRAVAIL DETAILLE ..............................................................96 ANNEXE N° 5 : LISTE DES PERSONNES « RESSOURCES ».......................................................100 ANNEXE N°6: GUIDE D’ENQUETE POUR LE DIAGNOSTIC AGRAIRE AUPRES DES FEMMES ................................................................................................................................................101 ANNEXE N°7: GUIDE D’ENQUÊTE POUR L’ALIMENTATION : ..............................................103 ANNEXE N°8 : GUIDE D’ENQUETE POUR L’ETUDE D’IMPACT DES PROJETS D’AAD ...105 ANNEXE N°9: GUIDE D’ENQUETE DU GUIDELINES DE CHARLOTTE DUFOUR ..............107 ANNEXE 10 : SCHEMAS DE L’HISTOIRE DE LA VALLEE DE BAHARAK DE 1900 A NOS JOURS.....................................................................................................................................................108 ANNEXE 11 : TABLEAUX DE PRESENTATION DES ENQUETES « MENAGES »..................111 ANNEXE 12 : LES ENSEMBLES DU ZONAGE GEOGRAPHIQUE.............................................116 ANNEXE 13 : LE DEROULEMENT D’UN MARIAGE DANS LA VALLEE DE BAHARAK....117 ANNEXE 14 : CALCUL DES RATIOS « TRAVAIL » ET « TERRE » DE LA TYPOLOGIE DU DIAGNOSTIC ........................................................................................................................................118 ANNEXE 15 : QUANTITES CONSOMMEES D’ALIMENTS DE BASE POUR LES MENAGES ENQUETES ............................................................................................................................................123 ANNEXE 16 : LES COMBUSTIBLES ................................................................................................126 ANNEXE 17 : LES DIFFERENTS TYPES DE « CREDIT » EN ZONE RURALE EN AFGHANISTAN. ...................................................................................................................................128 ANNEXE 18 : TABLEAU DES PRINCIPAUX LEGUMES ET FRUITS DE BAHARAK. ...........129 ANNEXE 19 : LES SHEWAS ...............................................................................................................131 ANNEXE 20 : CITATIONS DE « LES FEMMES AFGHANES » (I. DELLOYE, 2001)................135 ANNEXE 21 : TABLEAU DES PRINCIPAUX PLATS CUISINES DE LA ZONE........................137 ANNEXE 22 : EVOLUTION HISTORIQUE DE L’AIDE ALIMENTAIRE EN AFGHANISTAN (C. DUFOUR, 2005, C)) .........................................................................................................................138 ANNEXE 23 : APPORTS ENERGETIQUE DE L’ALIMENTATION DE « BASE » DES HABITANTS DE LA VALLEE. ...........................................................................................................139 ANNEXE 24 : CROISEMENTS DES QUANTITES CONSOMMEES PAR LES MENAGES ENQUETES ET DE LEUR PLACE DANS LA TYPOLOGIE DU DIAGNOSTIC ........................140 ANNEXE 25 : LES ATTRIBUTS CULTURELS DE L’ALIMENTATION POUR LES HABITANTS DE LA VALLEE ............................................................................................................141 ANNEXE 26 : CALCUL DES RATIOS DE LA TYPOLOGIE DES CONSOMMATEURS..........143 ANNEXE 27: CONCEPTUAL FRAMEWORK “VISION” FOR AAD’S COMMUNITY DEVELOPMENT PROGRAMME (AAD REPORT, 2005)...............................................................147

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Annexe n°1 : Histoire de la condition des femmes afghanes depuis 1919 (D’après le site de www. negar-afghanwomen.org)

<1919

L'émancipation des femmes de manière moderne a commencé dans les années vingt avec l'avènement du Roi Amanullah. Mais un livre de biographies de femmes du XIX° siècle, écrit par Mme.Maga au début du XX°siècle, cite les noms d'innombrables femmes savantes dans différents domaines, poésie, calligraphie, musique... issues des écoles traditionnelles privées ou éduquées par des précepteurs privés, dont certaines sont devenues ensuite membres des associations féminines et professeurs dans les écoles de filles.

1919

- Dès l'indépendance, autour du jeune roi Amanullah, la 1ère association féminine de soutien aux femmes afghanes, « Etehâdiayé-Emâyat-i-Zanan » compte environ 50 membres. Plus tard , Madame Cobra constitue un comité qui porte son nom, «Comité-yé-Cobra», comité d'émancipation des femmes, qui rassemble 22 membres.

- 1ère école moderne de filles « Mastourat » ; démarrant avec 50 élèves, elle passera peu après à 800 élèves.

- Participation des femmes dans la sphère industrielle comme ouvrières ou directrices d'usine.

1921

- 1er magazine hebdomadaire féminin « Ershad-e-Naswan » qui dépendait de l'Association de Soutien aux femmes d'Afghanistan ; il soulevait les problèmes des femmes de l'époque, encourageait leur participation dans la sphère publique et politique, et donnait les nouvelles féminines au niveau international.

- Création du 1er hôpital pour les femmes, une maternité, et de la 1ère école d'infirmières et de sages-femmes.

1923 1ères femmes élues à la « Majless-i-Bozorg » (Assemblée Nationale) qui comprendra 12 femmes.

1924 Révolte des religieux rétrogrades contre l'émancipation des femmes et leur volonté de porter des vêtements plus modernes . Le port du voile ou du chadri restait un problème au sein des associations ; pourtant son obligation n'est citée nulle part. La révolte est matée par l'état.

1928

- Réformes gouvernementales concernant la demande d'émancipation des femmes : liberté vestimentaire, liberté de mouvement. L'âge du mariage était fixé à 18 ans minimum, la polygamie et le mariage temporaire interdit. Ouverture d'écoles modernes dans tous les départements, scolarisation obligatoire pour les garçons et les filles.

- Les 1ères bachelières partent en Turquie faire leurs études supérieures.

1929

Les Anglais considérant le Roi Amamullah comme une menace contre leurs intérêts dans la région, encouragent la révolte de religieux opposés à la transformation trop rapide de la société, en manipulant la révolte d'un opposant du nom d'Habibullah, ce qui aboutit à la chute du roi Amanullah. L'espace public conquis par les femmes est alors stoppé, avant d'être réoccupé petit à petit.

1931 Une école de filles est réouverte à l'intérieur du palais royal.

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1933 Réouverture officielle de l'école de filles « Mastourat » par le ministère de la santé publique, dans le but de former des infirmières. Pour apaiser les religieux, les élèves s'y rendent voilées du chadri121.

1934 Ouverture du lycée de filles « Anderabi » à l'origine des futurs lycées Malalai et Zarghouna. A partir de cette date, les lycées de filles se multiplient dans la capitale et les villes de province.

1947 Ouverture de l'Université aux filles.

1959 Proclamation de l'émancipation des femmes ; officiellement, elles ont le droit de ne pas porter le voile ou le chadri, bien qu'aucun décret n'ait jamais imposé le port du voile ou du chadri. Quiconque contraignait une femme à porter ou non le voile était punissable par la loi.

1963 En préparation à l'avènement de la monarchie constitutionnelle, 6 femmes participent à la rédaction de la constitution.

1964

La 1ère Constitution de l'Afghanistan rend la Monarchie Constitutionnelle : -Droit de vote pour hommes et femmes -Quatre femmes élues au suffrage universel à la 1ère Assemblée Nationale -Egalité des hommes et des femmes devant la loi -Scolarisation obligatoire pour tous les enfants, filles et garçons (Multiplication des écoles et lycées dans chaque département. Mais jusque dans les années 1980, par manque de moyens et aussi de volonté politique, cet article est resté loin d'être appliqué sur la totalité du territoire).

1965 1ère femme Ministre au Ministère de la Santé

1965-1978 Cette année marque l'arrivée d'un gouvernement pro-soviétique, et fin 1979 l'Armée rouge envahit l'Afghanistan. Les 20 années de guerre qui suivront transformeront la société afghane dans son ensemble, et l'évolution des femmes en particulier.

1979-1991

De 1979 au retrait de l'armée rouge en 1989, 70% du territoire est détruit, 5 millions d'habitants sont réfugiés à l'étranger, la totalité de la population est déplacée à l'intérieur, le pays est entièrement miné.

L'insécurité, les dangers dus à la guerre et la montée de l'islamisme dû à une volonté politique de la part des pays occidentaux ou à la difficulté de la vie quotidienne, ont énormément limité la liberté des femmes, et pour la première fois le port du chadri apparaît dans les zones rurales.

A la même époque, les villes sous contrôle du gouvernement pro-soviétique connaissent un essor différent. Le nombre de citadins double, le pourcentage des femmes augmente avec la mort, l'exil, et la conscription obligatoire des hommes; de plus, le système de gouvernement démocratique favorise l'émancipation des femmes dans tous les domaines, les femmes peuvent exercer tous les métiers, même dans l'armée.

1992-1996 La dislocation de l'URSS, et la prise de Kaboul par les Moudjahidins sont la cause d'une guerre civile entre différents groupes armés, soutenus par différents pouvoirs étrangers, en particulier par le Pakistan. Les combats amènent la fuite d'une grande partie de la population de la capitale, et la

121 Le Chadri ou la Burka désigne le grand voile qui recouvre les femmes des pieds à la tête avec juste un grillage en tissu au niveau des yeux.

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limitation de la liberté de ceux qui y restent. Mais les femmes occupent toujours la majorité des emplois dans l'éducation, la santé et l'administration, et ne subissent aucune limitation dans leurs domaines de travail.

1996-2000

L'enseignement des filles et des garçons est encouragé. Malheureusement, Gulbudin Hekmatyar soutenu par le Pakistan continuait à pilonner et à détruire Kaboul, sans réussir à la conquérir. Il est alors lâché par le Pakistan qui crée à sa place une nouvelle force militaire sous le nom de «Talibans », c'est-à-dire « Etudiants en Religion ».

2000

En juin, au cours d’une conférence organisée par l’association NEGAR, 300 femmes afghanes ont pu exprimer leur volonté en rédigeant une Charte de leurs droits fondamentaux, la « Déclaration des Droits Fondamentaux de la Femme Afghane ». Cette dernière, diffusée ensuite au niveau mondial, affirmait leur opposition au régime Taliban, et dont le Manifeste de Soutien a ensuite été signé par des centaines de milliers de personnes dans le monde entier, dont beaucoup de responsables politiques européens et américains, qui s'engageaient ainsi contre la reconnaissance du régime Taliban.

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Annexe n°2 : Histoire de l'Afghanistan depuis le VIème siècle av. J.C.

D’après le site de www.thucydide.com, consulté le 17 janvier 2005 à l’adresse suivante : http://www.thucydide.com/realisations/utiliser/chronos/afghanistan.htm).

Véritable plaque tournante en Asie centrale, l'Afghanistan a toujours été très convoité. Ce pays constituait en effet la voie de passage vers la Chine, sur la Route de la soie, avant de devenir un État tampon entre l'Empire russe et la colonie britannique des Indes.

Les premières invasions : du VIème siècle av. J.C. au VIème siècle ap. J.C. VIe siècle av. J.-C Invasion de la région par le Perse Darios Ier 328 av. J.-C Le Grec Alexandre le Grand envahit à son tour la région IIe et Ier siècles av. J.-C Invasions des Scythes, des Parthes et des Kouchans bouddhistes Ve et VIe siècles après J.-C les Huns Hephthalites, ou Huns Blancs L'Islam : VIIème siècle à XVIème siècle VIIème siècle Les Arabes introduisent la religion musulmane en Asie Centrale

Début du XIème siècle Les Turcs, sous le règne du sultan Mahmoud de Ghazni, font momentanément de l'Afghanistan le centre de l'hégémonie et de la civilisation islamiques

Début du XIIIème siècle Les Mongols de Gengis Khan envahissent l'Afghanistan et Timour Lang (ou Tamerlan) l'annexe à la fin du XIVe siècle

Au début du XVIe siècle Baber (ou Zahir al-Din Mohammad) établit un empire en Inde à partir de ses bases de Kaboul Les premières dynasties afghanes : XVIIIème et XIXème siècles 1747 Les Pachtous, sous le règne d'Ahmad Khan, fondent la première dynastie afghane indépendante1834-1863 Dost Mohammad (émir de Kaboul) établit une seconde dynastie. (1880-1901 Abd ar-Rahman Khan réussit le premier à exercer un véritable contrôle sur la totalité du pays. XIXème siècle : Le Grand Jeu. L'Afghanistan entre Russie et Empire britannique des Indes

1838-1842 Face à la menace expansionniste Russe sur les Indes britanniques, le Royaume-Uni déclenche la première "guerre afghane" contre la Russie.

1842 L'armée britannique est décimée par une révolte populaire 1878-1880 2ème guerre afghane : le Général Roberts conquiert Kaboul et libère Kandahar 1907 Traité anglo-russe qui donne l'autonomie à l'Afghanistan

1919 3ème guerre afghane: le pays acquiert son indépendance, laquelle est concrétisée par le traité de " Rawal Pindi " en 1921

Le royaume d'Afghanistan : 1926-1973 1926 Le royaume est fondé par l'Emir Amanullah 14/01/1929 Amanullah abdique; des musulmans traditionalistes prennent le pouvoir. Situation anarchique 16/10/1929 Le Général Mohammed Nadir Shah devient roi 1933 Nadir Shah meurt. Muhammad Zaher Shah est proclamé roi de l'Afghanistan 1939-1945 L'Afghanistan conserve sa neutralité durant la seconde guerre mondiale

1953 Mohammed Daoud (1908-1978), cousin du roi devient Premier Ministre et établit un programme de modernisation économique et sociale avec l'aide soviétique

1963 L'opposition pousse Daoud à la démission et une monarchie constitutionnelle est mise en place. Les partis politiques sont interdits.

1965 Création du PDPA (Parti Démocratique du Peuple Afghan), pro-communiste et pro-soviétique La République d'Afghanistan : 1973-1977

17/07/1973 Coup d'état de Daoud qui, avec l'appui militaire russe, renverse son cousin Zaher. Ce dernier abdique en août et s'installe en Italie

1977 Daoud est élu Président de la République Le régime communiste : 1978-1989

27/04/1978

Coup d'état du PDPA, et assassinat de Daoud. Muhammad Taraki (1917-1979), leader de la faction radicale " Khalq " (Parti du Peuple, équivalent du parti communiste dans les pays arabes) devient Président de la nouvelle République démocratique d'Afghanistan (pro soviétique)

Mai 1978 Mise en place d'un programme de réformes d'inspiration "kemaliste" 14/09/1978 Coup d'état d'Hafizullah Amin, assorti de l'assassinat de Muhammad Taraki 5/12/1978 Signature à Moscou d'un traité d'amitié avec le "Grand Frère" soviétique 25/12/1979 Entrée des troupes soviétiques en Afghanistan L'occupation soviétique : 1979-1989 28/12/1979 Nouveau coup d'état militaire soutenu par l'URSS, qui installe Babrak Karmal au pouvoir

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Janvier 1980 Les troupes soviétiques envahissent la majeure partie du pays et combattent la rébellion anti-communiste

1980

Des Musulmans de nombreux pays (dont le Saoudien Oussama Ben Laden) rejoignent l'Afghanistan afin de se battre contre les soviétiques. La CIA commence à apporter un soutien matériel et financier à divers groupes de la résistance Afghane, dont les mouvements composés " d'étrangers "

30/11/1986 Mohammed Nadjibullah remplace Babrak Karmal à la tête du gouvernement

15/04/1988 Accords de Genève entre le gouvernement de Kaboul, l'URSS, le Pakistan et les Etats-Unis. L'opposition afghane ne reconnaît pas ces accords.

La guerre civile : 1989-2001

Février 1989 L'Armée Rouge est vaincue par le Djihad. Début de la guerre civile qui oppose le gouvernement communiste et les rebelles

1990-1991 - : Début de la Guerre du Golfe et du débarquement des troupes américaines en Arabie Saoudite.

16/04/1992 Démission de Mohammed Najibullah. Fin du régime communiste et début de la guerre civile entre factions moudjahidin divisées selon des critères religieux, ethniques et régionaux

29/04/1992 Ahmad Shah Massoud, islamiste modéré tadjik, entre dans Kaboul avec plusieurs milliers d'hommes et devient ministre de la Défense en mai

28/06/1992 Burhanuddin Rabbani, islamiste modéré du Jamiat-e-Islami, est nommé président intérimaire, puis élu chef du gouvernement en décembre

1992-1995 Un gouvernement issu de la résistance afghane prend le pouvoir, mais il y a des dissidences internes

7/05/1993 Malgré un accord de Paix entre les factions rivales, les affrontements continuent au sud de Kaboul. Massoud démissionne du gouvernement, lequel est recomposé autour de Gulbuddin Hekmatyar, un fondamentaliste appartenant à l'ethnie pachtoune, majoritaire dans le pays.

1994 Début de l'offensive des taliban et conquête progressive des différentes provinces du pays.

1994-1996 Soutenus par l'armée pakistanaise, les taliban conquièrent l'essentiel du pays (sauf le réduit tadjik au Nord-Est) et instaurent une dictature fondamentaliste.

1996 La plupart des factions afghanes, à l'exception des taliban, se mettent d'accord pour former un gouvernement présidé par Hekmatyar.

Été 1996 Oussama Ben Laden, fuyant l'Arabie Saoudite, et après un séjour de deux ans au Soudan, retourne en Afghanistan. Il diffuse " une déclaration de Djihad contre les américains ".

Le régime Taliban : 1994/1996-2001

27/09/1996 Prise de Kaboul par les taliban, qui s'emparent dès lors du pouvoir. Le Mollah Omar, chef charismatique du mouvement et " Commandeur des Croyants ", dirige le pays sans aucun titre politique ou constitutionnel

Mai 1997 Le Pakistan est le premier pays à reconnaître officiellement le régime taliban. Il sera bientôt suivi par l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis

Juillet 1997 Les forces de Massoud prennent le contrôle des zones au Nord de Kaboul

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Février 1998 Ben Laden et les responsables de quelques groupuscules islamiques extrémistes créent un " Front Islamique International contre les juifs et les croisés " dont la charte fondatrice précise les menaces contre les Etats-Unis

Avril 1998 Echec du processus de paix proposé par l'ONU

7/08/1998 A la date anniversaire du débarquement des soldats américains dans les pays du Golfe, deux attentats sont perpétrés contre les ambassades américaines de Tanzanie et du kenya. Ben Laden en est tenu responsable et devient l' "ennemi public n°1" de Washington

15/11/1999

Après le retour de l'ONU en Afghanistan et le nouvel échec des négociations de paix, un embargo aérien est mis en vigueur. Des sanctions financières sont votées par le conseil de sécurité de l'ONU qui, à l'instigation des Etats-Unis, avait adopté, le 15 octobre, une résolution donnant aux taliban un mois pour extrader Oussama Ben Laden

27/07/2000 Le Mollah Omar décrète, sous la pression internationale, l'interdiction de produire du pavot en Afghanistan, ainsi que la destruction des récoltes.

12/10/2000 L'USS Cole est endommagé par un canot suicide dans le port d'Aden, au Yemen

19/12/2000 Le conseil de sécurité de l'ONU inflige de nouvelles sanctions aux taliban en raison de leur soutien au terrorisme

26/02/2001 Le Mollah Omar ordonne par décret la destruction de toutes les statues pré-islamiques, dont le bouddha de Bamiyan. Elles sont dynamitées le 9 mars, malgré les multiples protestations de la communauté internationale.

9/09/2001 Le commandant Massoud est victime d'un attentat suicide. Il sera remplacé à la tête du Front Uni du Nord par son ancien chef des services de renseignements, le général Mohammad Fakhim

11/09/2001 Attentats aux Etats-Unis. Oussama Ben Laden, fondateur du réseau Al Qaeda basé en Afghanistan, est tenu pour responsable de ces actes. Le régime des taliban est alors la cible première des Etats-Unis dans leur lutte contre les réseaux terroristes.

Octobre 2001 Bombardements américains sur les principales villes talibanes et bases d'entrainement terroristes.

Hiver 2001-2002 Chute du régime Taliban. Mise en place d'un régimé de transition.

Printemps 2002 Retour de Zaher Shah en Afghanistan en tant que simple citoyen.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

94

Annexe n°3 : L’approche systémique122

L’approche systémique utilise le cadre d’étude que reprend la figure suivante :

Figure 14 : L’approche systémique

Le Memento de l’agronome définit un système de production comme « la combinaison des productions et des facteurs de production (capital foncier, travail et capital d’exploitation) dans l’exploitation agricole. L’étude du système de production

122 Cette annexe est commune avec JC Duchier, 2006.

Système d’élevage

Système de culture

Système de production

Système de transformation

Facteurs de production :1. Terre (surface, caractéristiques pédologiques, tenure)

2. Travail (force de travail, activités non agricole…) 3. Moyens de production :

• C apital fixe (bâtiments, outils, animaux reproducteurs) • Capital d’exploitation (semences, engrais, alimentation animale, …)

Environnement social :(Religion, le rôle de la femme, ethnie,

Démographie…)

Situation Géographique :(qualité pédologique ,

accès au maché )

Situation politique

Situation économique ONG

Climat

CONTEXTE

Le cycle de vie de

l’exploitation agricole

Facteurs de production :1. Terre (surface, caractéristiques pédologiques, tenure)

2. Travail (force de travail, activités non agricole…) 3. Moyens de production :

• C apital fixe (bâtiments, outils, animaux reproducteurs) • Capital variable (semences, engrais, alimentation animale, …)

Environnement social :(Religion, le rôle de la femme, ethnie,

Démographie…)

Situation Géographique :

Situation politique

Situation économique ONG

Milieu bio-physique

CONTEXTE

Le cycle de vie de

l’exploitation agricole

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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s’intéresse donc au fonctionnement d’une combinaison organisée, plus ou moins cohérente, de divers sous-systèmes productifs : systèmes de culture, systèmes d’élevage et systèmes de transformation » (Memento de l’agronome, 2002, p. 348).

De même, selon cet ouvrage (Memento de l’agronome, 2002, p. 351), « Un système de culture se définit, au niveau de la parcelle ou d’un groupe de parcelles traitées de manière homogènes, comme l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur ces parcelles, il est caractérisé par :

- la nature des cultures ou des associations de cultures et leur ordre de succession ;

- les itinéraires techniques123 appliqués à ces différentes cultures

- les produits et les sous-produits, leurs rendements. »

Selon Philippe Lhoste, un système d’élevage se définit comme « l’ensemble des techniques et des pratiques mises en œuvre par une communauté pour exploiter dans un espace donné les ressources végétales par des animaux dans des conditions compatibles avec ses objectifs et avec les contraintes du milieu. » (BEDU L. et al., 1987, p. 17)

123 L’itinéraire technique est une « suite logique et ordonnée d’opérations culturales appliquées à une culture ou association de cultures. » (Memento de l’Agronome, 2002, p. 351).

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Annexe n°4 : Calendrier de travail détaillé

En France :

Février-mai 2005 : préparation du stage en France

Avant de partir, j’ai fait une recherche bibliographique sur l’Afghanistan, son histoire et son contexte actuel. Sur la question des femmes, j’ai lu différents ouvrages d’ordre général sur les femmes afghanes, leur position dans la société urbaine et rurale ainsi que leur place dans les enjeux de la reconstruction afghane. A partir de ces lectures et de l’approfondissement de la demande pour ce stage, par la rencontre de Peggy Pascal du Groupe URD, j’ai pu établir une première problématique et en dégager les principaux axes d’étude.

A Kaboul :

Dans la capitale, mon travail a consisté principalement à une recherche bibliographique et à la rencontre de personnes ressources, acteurs du développement en Afghanistan et intéressés par mon sujet. (Voir annexe n°5 avec la liste des personnes rencontrées)

1er-15 juin 2005 : A notre arrivée, ces rencontres se sont déroulées sous la forme de témoignages. Ces personnes qui sont confrontées dans leur travail à la réalité du pays, ont enrichi mes connaissances sur l’Afghanistan, en particulier sur les questions des femmes afghanes, les programmes d’AAD, l’alimentation et la valorisation de l’agriculture.

20-30 septembre 2005 : A mi-parcours, la présentation de nos résultats a engendré des critiques constructives pour la suite de nos recherches, surtout de la part des demandeurs de ces études. J’ai pu ainsi prendre du recul par rapport à mon analyse du terrain et repartir avec un plan détaillé pour l’ensemble de mes axes d’étude.

1er-15 décembre 2005 : Le dernier séjour à Kaboul a été orienté vers une présentation orale au ministère de l’agriculture et la production d’un article en réponse aux objectifs du programme LRRD. J’ai donc du synthétiser au maximum mes résultats en lien avec la question des passages urgence-développement et faire ressortir les nouveautés apportée par mon étude parmi les multiples projets de recherche sur les femmes en Afghanistan. La présentation a fait l’objet d’un débat auquel ont participé des afghans et des expatriés, hommes et femmes confondus. Dans le même temps, une présentation réservée à AAD a eu pour intérêt de clore sur un bilan très positif ce stage de terrain et de discuter avec les responsables de l’ONG des évolutions possibles de leurs projets avec les femmes.

Dans le Badakhshan :

Le travail sur la zone d’étude, d’une durée de 4 mois et demi, s’est organisé en quatre étapes correspondant à mes trois axes d’études principaux et à une phase d’approfondissement.

16-19 juin : rencontre avec le personnel d’AAD à Faizabad

Nous sommes arrivés dans le Badakshan mi-juin et avons tout d’abord fait connaissance avec les membres de l’ONG AAD présents à Faizabad. Nous avons pu alors échanger sur les objectifs de notre travail parmi eux et sur le fonctionnement des programmes d’AAD liés à l’agriculture et aux femmes, notamment avec la responsable du programme des jardins potagers pour toute la province.

20 juin-14 juillet :

Le travail sur la zone d’étude a commencé par la réalisation d’un diagnostic agraire en binôme avec Jean-Christophe. Pour des raisons de contraintes de logistique et d’emploi du temps, l’observation du paysage s’est faite au cours des premières enquêtes lors des trajets, souvent à pied, vers les villages de la vallée mais aussi tout au long de notre stage. Nous avons commencé la première semaine par nous laisser guider par les membres d’AAD qui travaillent dans la vallée de Baharak et sommes donc allés enquêtés les villages les plus proches du siège de l’ONG. Cette étape nous a permis, par des discussions avec le personnel d’AAD et nos interprètes ainsi que par quelques déplacements en voiture, de percevoir la diversité

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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géographique de la zone et de situer les emplacements des villages. Nous avons aussi consacré du temps à familiariser nos interprètes avec du vocabulaire technique agricole, à leur expliquer la méthode du diagnostic et à améliorer notre guide d’enquête auprès des hommes et les femmes interrogées. Enfin, nous avons fait la connaissance des autorités du district et nous sommes adaptés aux règles de vie de l’ONG et de la société locale de Baharak.

Après cette mise en condition, nous avons choisi une dizaine de villages de la vallée qui nous permettaient d’avoir une vision des différents ensembles géographiques que nous avions perçu du zonage géographique. Néanmoins, nous avions des contraintes de sécurité imposées par AAD, de disponibilité en véhicule et d’état des routes qui nous empêchaient de rejoindre certains villages du district. Ces contraintes font d’ailleurs partie d’une des limites de nos deux études, présentées dans la partie suivante. Les villages enquêtés se sont donc limités à la vallée mis à part deux villages situés plus en altitude sur les pentes des montagnes. Une fois arrivés dans les villages, nous nous adressions chacun, au hasard, à un foyer disposé à répondre à nos questions. Il était possible pour moi et mon interprète (une jeune-fille de 18 ans) de frapper à la porte des habitations et d’y entrer sans gêne tandis que Jean-Christophe ne pouvait pénétrer, en tant qu’homme, dans cette enceinte où se trouvaient les femmes. Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs à l’aide de deux guides d’enquêtes, le mien était spécifique aux femmes et à leurs rôles en agriculture et dans l’économie de leur ménage (voir annexe n°6).

La compréhension de l’histoire et de l’évolution de l’agriculture à Baharak s’est faite au cours de ces entretiens de diagnostic. Nous avons cherché à schématiser rapidement les principales périodes qui ont marqué l’agriculture de la zone (voir annexe n° 10 sur les schémas de l’histoire) afin de mieux percevoir les enjeux agricoles actuels de la vallée. De même que Jean-Christophe pour les systèmes de production agricole, j’ai continué à étudier l’évolution historique des rôles des femmes de la zone dans les autres phases de mon stage.

A la suite d’une trentaine d’enquêtes avec des femmes et des hommes de la vallée (voir annexe tableau des enquêtes), nous avons établi une typologie des ménages de la zone. Cette typologie s’est construite autour des systèmes d’activités agricoles et non-agricoles de ces ménages. Elle a eu pour objectif de distinguer les foyers les plus vulnérables et de comprendre leurs stratégies et leurs attentes.

Cette étude commune a eu le grand avantage de donner un regard « mixte » à ce diagnostic et donc une compréhension plus juste de la réalité. Par la suite, nous avons scindé nos études en deux parties distinctes afin d’approfondir chacun nos axes spécifiques d’étude. Pour ma part, il s’agissait de poursuivre sur la compréhension des modes alimentaires des ménages de Baharak.

17 juillet-9 août 2005 : les enquêtes alimentaires.

Suite à la visite sur place de Charlotte Dufour, actuellement nutritionniste à la FAO (Food and Agriculture Organization), et à la lecture de son Guidelines124 (voir annexe n°9), j’ai établi un nouveau guide d’enquêtes (voir annexe n°7) destiné aux femmes de la vallée. N’étant pas formée aux concepts de la nutrition et dans un objectif plutôt qualitatif de mes résultats, je n’ai pas cherché à établir des enquêtes d’utilité statistique avec un grand nombre de personnes enquêtés et le calcul d’ indicateurs nutritionnels classiques125.

L’échantillonnage des personnes enquêtées s’est fait dans les villages déjà visités lors du diagnostic et auprès de femmes que je n’avais pas entretenu avant. J’ai pu, ainsi, mieux appréhender la diversité des femmes de la zone. De plus, ces choix ont été orienté par la typologie du diagnostic car j’ai essayé d’évaluer le lien entre cette typologie et les comportements alimentaires. Les femmes enquêtées devaient donc appartenir aux différents types de ménages du diagnostic.

Pour recueillir des informations relatives à la consommation alimentaire, j’ai utilisé plusieurs méthodes:

124 Charlotte DUFOUR, “Integrating Nutrition in Food Security and Livelihoods Interventions: Why and How in Afghanistan?” mars 2005. 125 Par exemple, un indicateur nutritionnel est l’indice poids/taille qui permet de déceler les problèmes de malnutrition « aiguë ».

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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o Tout d’abord, j’ai essayé de mettre en pratique des outils pédagogiques participatifs tel qu’un « jeu de cartes-aliments » à disposer par la femme interrogée sur un plateau représentatif des saisons et avec des haricots (un haricot pouvait représenter 1kg) afin d’évaluer la quantité consommée par semaine sur chaque carte de chaque aliment. Cet outil s’est avéré trop difficile pour la plupart des femmes et s’est limité à un moyen ludique de faire parler celles-ci.

o Ensuite, je me suis inspirée des enquêtes menées par les nations unies en Afghanistan, le NRVA (National Risk and Vulnerability Assessment)126 afin d’établir, après une dizaine d’enquêtes, une liste d’aliments fréquemment consommés et cités par tous les ménages que j’ai appelé aliments « de base ». J’ai aussi utilisé leurs indices de fréquence de la consommation.

o J’ai aussi eu recours à la méthode du «jour précédent » qui consiste à demander le détail des aliments consommés lors des différents repas de la veille par une même unité de consommation.

o Enfin, j’ai obtenu des résultats quantitatifs grâce à des EBC (Enquête Budget-Dépense, N. Bricas, 1998, p.17) et à des questions autour de la mesure de fréquence.

Afin de traiter les données recueillies par ses enquêtes, je me suis inspirée du cadre conceptuel et méthodologique de Nicolas Bricas, (éditions du CIRAD,1998) qui fait appel à des concepts tel que l’évolution des concepts de sécurité alimentaire et à des méthodes d’analyse de la dynamique de consommation alimentaire. Ainsi j’ai tenté de prendre en compte, sur le plan qualitatif, l’identification des représentations alimentaires des femmes de la vallée de Baharak afin de caractériser le ou les modèles socio-culturels de la zone. J’ai aussi interprété mes données selon les outils de l’anthropologie des techniques et des savoirs.

Finalement, j’ai construit une typologie des consommateurs de la zone afin de donner une plus grande lisibilité de la diversité des ménages par rapport à leur accès à une alimentation de « qualité », c'est-à-dire diversifiée et saine.

Cette étape m’a permis de proposer des améliorations et des pistes de réflexion pour les programmes alimentaires dans la zone de Baharak.

10-25 août : évaluation des programmes d’AAD à destination des femmes à Baharak et dans les districts voisins:

L’évaluation des programmes d’AAD s’est faite par des discussions informelles avec le personnel de l’ONG ainsi que par des entretiens semi directifs (voir guide d’entretien en annexe n°8) avec les femmes responsables de ces projets et quelques femmes bénéficiaires.

J’ai aussi assisté à des réunions de groupes de femmes menés par l’ONG et visité les centres féminins de formation dans les différents districts du Badakhshan où AAD est présent. J’ai surtout profité de ces visites pour observer le déroulement des réunions et le comportement des femmes participantes. J’ai essayé d’organiser de petits entretiens de groupes avec elles, à la fin des réunions, qui m’ont convaincu d’approfondir mon étude dans la compréhension des réseaux formels et informels de femmes.

Cette étape m’a permis de répertorier les différents programmes de développement en faveur des femmes sur la zone et de toucher du doigt les principaux atouts et contraintes des programmes d’AAD.

Dans mes rencontres avec des groupes de femmes, j’ai utilisé la méthode participative dans le sens où j’ai essayé de faire participer les femmes, chacune à leur tour à la réponse aux questions et de laisser émerger des propositions d’améliorations pour leur groupe de leur part. néanmoins, je ne me suis pas assez penché sur cette approche pour prétendre l’avoir maîtrisé et exploré sous tous ses aspects.

1er-15 novembre 2005 : approfondissement des axes d’études et mini-étude de marché. 126 D’aprés AI, Methodology for the National Suveillance System for Afghanistan, WFP, 2003, p.28-29.

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Au cours du dernier séjour à Baharak, je me suis surtout focalisée sur la compréhension des organisations de femmes et de la part qu’elles prennent au sein des décisions de leur ménage. Je n’ai pas utilisé de guide d’enquête à proprement parler mais établi une liste de questions issues des réflexions des personnes rencontrées à Kaboul.

Grâce aux outils de l’observation et de l’anthropologie des savoirs et des techniques ainsi qu’une participation personnelle aux activités des femmes, les préparatifs de l’Eïd127 de la fin du Ramadan m’ont appris comment les femmes travaillent à plusieurs et les principales contraintes de leur vie quotidienne.

De plus, j’ai organisé seule quelques réunions villageoises de femmes, de manière informelle, afin de leur donner la parole sur leurs attentes face aux programmes de développement et d’avoir un retour direct sur leurs avis quant à la proposition d’éventuels programmes.

J’ai regroupé au fur et à mesure tous mes résultats dans des tableaux et des schémas ainsi que dans la mise à plat sous forme rédactionnelle de mes enquêtes. J’ai voulu réaliser une mini-étude de marché dans le bazar de Baharak afin de comprendre les principales contraintes et opportunités de ce marché vis à vis des produits transformés de l’agriculture comme les fruits secs, les produits laitiers, les confitures et le miel. L’idée était d’estimer les potentialités du bazar dans l’idée de développer la transformation agricole avec les femmes de Baharak. Pour cela, j’ai eu l’occasion d’enquêter deux revendeurs de Baharak (discussion, questionnement des prix de vente et d’acaht au producteur). Le résultat de ces enquêtes m’a permis d’évaluer quelques tendances de l’offre et de la demande de ces produits sur la zone.

15-30 novembre 2005 : Etude en trinôme dans l’Hazaradjat pour l’Oxfam.

J’ai pu participé à la réalisation d’une étude de 10 jours en Hazaradjat pour l’ONG Oxfam en trinôme avec Peggy et Jean-Christophe. L’objectif était de comprendre la place des femmes dans les systèmes de production agricole et les possibilités de valorisation des activités des femmes au sein des programmes d’Oxfam dans le district de Lal. Ce séjour m’a ouvert sur la diversité des femmes en Afghanistan rural et sur d’autres problématiques de développement, ce qui a enrichit considérablement mon approche face à mes résultats du Badakshan.

127 Eïd signifie une fête religieuse musulmane.

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Annexe n° 5 : Liste des personnes « ressources »

Pour la préparation du stage en France :

- Pascale Moity-Maïzi (CNEARC) : anthropologue

- Habib Haider : agroéconomiste, actuellement conseiller du Ministre de l’Agriculture en Afghanistan.

- Ludovic Temple (CIRAD) : spécialiste des approches filières en production horticole.

- François Grünewald : président du Groupe URD.

A Kaboul :

- Peggy Pascal (Groupe URD): agronome, responsable « pays » et des projets agricoles en Afghanistan.

- Holly Ritchie, Dr Homayoun, Nassreen et Kamgar (Afghanaid, Kaboul)

- Xavier (GERES) : responsable des projets de serres et de transformation des produits agricoles

- Floortje (AREU) : responsable de l’unité de recherche sur le crédit et les femmes en zone rurale.

- Arnaud Cochoi (Commission Européenne) : Bailleur de fond du projet LRRD, agronome.

- Saïd Mosquin (Ministère de l’Agriculture) : conseillé chargé, entre autre, des programmes « blé ».

- Sultana (Ministère de l’urbanisme) : chargée de projets d’urbanisme à Kaboul et militante pour la défense des droits des femmes afghanes.

- Marie et Stéphane (Afghanistan Libre) : coordinateurs de projets pour les femmes à Kaboul et dans le Panshir (artisanat, journal, prévention santé, écoles, …)

- Jo Grace (AKDN) : ancienne chercheuse d’AREU sur l’économie des ménages en zone rurale et la place des femmes.

- Fitsum (UNICEF, Ministère de la santé) : nutritionniste, responsable des programmes nutrition, notamment sur l’allaitement.

- Charlotte Dufour (FAO) : nutritionniste

- Ruxandra Boros : consultante

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Annexe n°6: Guide d’enquête pour le diagnostic agraire auprès des femmes

Part I: general information and historic of the household 1. Genealogy of the family: name and age of the woman, number of male and female, adults and

kids (<12 ans), weddings of children. How many members are living here? 2. Ethnic group of the women and the men. “qaum”? 3. Did you live in an other district before (country during the war or other area)? Why did you

chose this destination? Were you refugees? When did you arrived here, how? 4. Where did you born? And your parents? And your children? 5. History of the household since wedding: when did they get married, bride price, asset after the

wedding (jerib, heritage, tools, animals) eventual crisis or improvements, evolution in activities, land, livestock, house, tools evolution,...

6. When you were child did you work in fields? Did your mother have a KG? what was the job of your father? How could you travel (roads, donkeys, by foot,...)? there was vegetables and fruits in the bazaar? It was cheaper or more expensive than nowadays? Did you care for animals? How did your mother cook (with dry manure, wood, others)? What did you eat? Did you eat wheat? Did the bread have the same taste?...

7. Now, how much jerib do you work? Which type of land is it? (lalmi, abi, other lands?) 8. Are you sharecropper (rules of land tenure), owner, landless? 9. Do you have livestock: cows (male and female), horses, donkeys, sheep, goats or poultry? (Are

you shepherd or are giving your animals for shepherding?) 10. Do you employ daily workers, how many? Which months? Why?

Part II: cropping systems 1. Do you work in the fields? Just in the compound? When are you in the fields (season)? 2. Land: situation of the fields (is it far from the house), 3. Where do you find water? Irrigation system: turns for water canal, which problems? Do you

have enough water during all the year for house and for cultures? Health water? Which price? 4. What crops do you grow? How much jerib in each land / quantity of seer sawed for each crop?

Do you know the variety (improved or local)? Price of seeds (where do they buy it or who gave to you seeds)?

5. If no mustard, how do you have oil? (fluctuations of oil price) 6. Crop rotation: Before this crop, what did you crop? What will you crop after the next harvest?

Before? Why? Do you change the place every year? Why? 7. Do you grow vegetable? One season for each one or also during winter? Which months do you

have vegetable in your KG? Do you have access to any green houses (in village or private house)?

8. Where did you learn to grow vegetable? 9. Are there wild animals that can destroy your cultures? How do you prevent this risk? 10. For each crop: time of work if women are involved in field work, numbers of workers (men and

women), cost or exchange of work, price and quantity: - Nursery (fertilizer, season, months) - Soil preparation (number of tillage? who is in charge of what, price of the different

agricultural tools) - Organic fertilizer or manure (purchase or home-production) - Chemical fertilizers - Seeds: name and price (do you keep it?) - Digging, wedding, number of each task - Are you using any insecticide or other chemical products - Harvest: good and bad year (last years?) - Quantity of straw, residue, use of leafs,...

11. Do you sell part of the harvest? Who is in charge of selling?? Where? What are the prices (fluctuation)?

12. Do you use transporters? Truck? Donkeys? Price? Where do they come from? When do you sell the production?

13. How do you store your production? Where? Which constraints (diseases, place of storage, climate)?

14. Do you dry vegetables? How? When do you use it? 15. How many months you have enough food produced by home for your household? Are you self-

sufficient? And the last years? Price of the wheat in winter and spring? 16. Do you have fruits trees? If > 20: where do they come from, place, numbers, manure, time of

work, harvest,...

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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17. Do you sell fruits? Where? Price? Do you process them? Into what? How? Time of work? Do you sell them or home-consumption? Price? Constraints?

18. Do you have others plants that you could sell? (Medicine plants, spices, trees) Part III: livestock

1. Which type of animals do you have? Number of each one and gender (in average...), purchase/from house, do you want to keep it? To sell? Why? Who sells? Where? Price?

2. Progeny: disease, feeding (part of milk for kids and for household), mortality? 3. Reproduction: sexual and birth season. 4. Do the animals graze? Where? With whom? How many hours per day? During which months?

Who are in charge them at that time? Do you care animals of other households? How long tine? Where?

5. Do you go to ailoqs (in Shewa)? Animals go? How long time? With whom? Where? 6. If yes, do you process milk there? (Dairy products like cheese, moss, kurut) what sort of

activities do you have each day in the ailoqs? 7. When do you cut green grass? How long time per day? With others members (children, other

women, men)? Where? Is it free? Which quantity and how frequently? 8. How do you feed animals during winter season? Quantity of grass in average for every season? 9. When do you clean the litter? Time of work and quantity of manure? 10. Are your animals used for others production like wool, skin, pelt, hide? Do you sell it? Where?

When? Price? Part IV: off-farm activities for women (calendar of activities):

1. Do you do carpet-weaving? If yes, time to do one? Where? How many do you do in a year? Which months (winter, summer,...)? Why? With others women or girls (numbers of workers in the household for this activity)? Have you got your own loom? Do you rent it? Costs of tools, wool, paint,…where do you buy it? Who buy and who will sell it? Where? Price? Who receive the income of this activity?

2. Do you do other handicraft? (same questions) 3. Do you do beekeeping? Time of work, season, tools, costs? Is it to sell? Where? Price? Who

receive the income of this activity? 4. Do you would like to increase some one of these activities? Why? 5. What are you doing in winter? 6. When are you busiest (months, occasions,...)? 7. Do you work in other houses (to clean, to cook,…)? For whom? Are you paid for this work? 8. Can you describe a “classic” day for you (time for the different activities, time of lunch, time to

be in charge of the children,...) Part V: social life and decision making process in and out the household

1. Are you involved in Village Organization? To what sort of decision can you participate in? Are there other women? Which one?

2. Are you involved in Women Resources Centre? What do you do there? Is it interesting? If no, why not?

3. Do you think that your mother had more power than you: in and out the household’s decision? What has changed for the women since last 10 years?

4. Can you manage your incomes and your budget alone? Who decide of the expenditures for the household (domestic equipment, food, tools, livestock, clothes,…)? What can you buy within asking to other family members?

5. What are the “extra” expenditures in one year (wedding, Ramadan)? Do you spare money for that?

6. Do you have credit access to informal or formal financial systems: usurers, gifts, barter, self help group?

7. What relations do you have with your neighbours (women and men)? Do you work together? Exchange goods? You can ask help when you have some problems? With which villagers are you the most linked? Why?

8. Can you assist in the Shura? And in others meetings in the village? Which one? 9. Do your daughters go to school? Where? What is your wish for them? And for your sons?

One of your sons will stay in the farm? Which one? Why?

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Annexe n°7: Guide d’enquête pour l’alimentation :

Part I: general information and historic of the household (idem que pour le diagnostic) Part II: presentation of the kitchen:

1. Where do you eat (separate room for women, who eat in fields, ...) 2. At what time do you eat (breakfast, lunch and dinner)? The women eat after or before the men? 3. Who generally cook in the family? Why? Difference between women? (who prepare bread, who

serve the food, difference between women in the household) 4. Observation of the kitchen: tools to cook and foods 5. Name in Dari 6. Which utensils are used to cook and how are they used 7. Are they used throughout the year? 8. If no, when and for which purpose?

Part III: food calendar (with the “food game”)

1. Can you choose the different aliments that you eat in every season? (Note the numbers of these type and if there are differences between months).

2. For every type of food: how frequently do you eat it (except for Ramadan and other festivals)? a. Rarely (1 time a month or less) b. Sometimes (2 to 3 times a month) c. Once weekly d. Twice weekly e. 3 to 5 times weekly f. Always

3. (These frequency’s indicators come from the NSS 2003, “female household questionnaire”) 4. For every type of food: can you show me the quantity that you use (beans represented seers or

pounds on the calendar) in one month? 5. For the type of foods which are purchased: 6. Price? (Fluctuations in one year) 7. Where (in bazaar of Baharak, by neighbours, by relatives, in other districts,...)? 8. Who purchased food stuff (men or women)? 9. How do you do the transport of foods? 10. is the distance from the bazaar a problem for you? And for your husband? 11. Which months is it the most difficult to get food? Why? 12. How do you “bridge the gap”/ find money to buy food in these months? (Credit, help,...) 13. Are there food stuffs that you can not afford for your family, which one? Why?

Part IV: the last set meals calendar (“rappel des 24h”) What did you eat for breakfast yesterday? For lunch? For dinner? (describe menus for each age, children and adults, men and women) Part V: food and children

1. Can you describe the main difference of quantity of food between children and adults, women and men? (example number of breads and with the plate of beans)

2. For babies: a. Before 6 months (just breast milk?) b. Before 2 years, are they complemented, which type of food, why and quantity c. After 2 years? Do you have problems for feeding the babies with breast milk? Do you

buy other milk? Do you receive health counsels? Part V: eating habits

1. Which types of foods are good for the health? Which types are “bad” for health? 2. What are good and bad wheat? 3. What is “cold” and what is “warm”? 4. What is your favourite type of food? And set meal? 5. Where did you learn to cook? 6. Is your cook different of your mother’s one? 7. Can you tell me one counsel that gave your mother about cook and food? Or other person? 8. Which recipes and type of foods were not used by your mother? 9. Does your brother/father/husband like to cook? Which type of foods does he cook?

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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10. What are the new food products? Manufactured products (jam, honey, chocolate, noodles,...)? Do you like it? Where do you find it? Price?

11. Do you want to learn new recipes? Can you learn by neighbours? 12. Are there some women’s group for cooking?

If women are involved in KG programme: What has changed in food with KG? Do you eat more vegetables? What recipes do you use for these new vegetables? Have you receives cooking courses? With whom?

Do you like these new products? Children too? What are the most constraints?

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Annexe n°8 : Guide d’enquête pour l’étude d’impact des projets d’AAD Evaluation of Kitchen Garden Programs: KG presentation:

1. Which vegetable do you grow? 2. Since how many years for each one? 3. Why did you not grow it before? 4. Before the help of AAD, how did you received the seeds?

KG and historic of eating habits:

1. Did you eat these vegetables when you were a child? 2. What was the quantity when you were a child? And the quality? 3. Which quantity of each vegetable do you eat in one day? (for how many persons, children and

adults?) 4. When you were a child, did you eat onions? How were the onions? Where did they come from? 5. Why do you eat vegetables with oil? Why not just whith boiled water? And when you were

child? Where did you find the oil? Other programs:

1. Did you heard about the demonstration plots? When? What did you learn there? With whom? 2. Which women were chosen to explain to other women techniques for KG? 3. If you have to choose between different vegetable (seeds), which one do you choose?

Questions for the woman who was living in the house for the WRC:

1. Why were you chosen for the WRC? How did you know? 2. What is the interest for you? 3. Which problems did you have when your house was the WRC? 4. What is the opinion of your husband? Does he help you for the KG? 5. What you will do now? Will you teach to other women how to cook vegetables and grow KG?

Why not? 6. Do you sell some products; fruits, vegetables, jam, bolonis,... (before and now)?

Questions for AAD staff in Baharak (Afsal, Maleha et Kamila):

1. Why did you choose this household? How did you choose? Is it important that the owner has one KG?

2. How do you choose the trainers? Who choose? Is the number of trainers limited? 3. Who present the WRC to the trainers? 4. If some trainers are late or lazy, what do you do? 5. Do the trainers receive some income or something else? (Seeds, clothes,...) 6. What do you do for trainers when the 6 months are finished? 7. What are the “women’s group” and the “teenagers group”? 8. Do you know the Mission East programmes? Why not?

Questions for Akila:

1. How many training did you do in 6 months for one WRC? 2. When? 3. What do you do in winter? 4. In which village did you do training in Baharak? How many women? 5. Who are the “namahinda” for agriculture? (Names in Baharak) what do they have to do? 6. Did you teach some cook to the women in Baharak? 7. Did you explain to the men in the villages what you will do with women? When? 8. Where are there the shops of women to sell products like jam, honey, and tomato past... is there

one project like that in Baharak? 9. Which type of disease in KG do you know? Which type of products are useful? How do they can

find it in Baharak? 10. Do you work with Mission East in Baharak? Why not?

Questions for the women, members in SHG: 1. How did they know this shura? 2. Why did they come? 3. Why some neighbours did not come? 4. Did they have before other village group? Which one? 5. Do the know all of them? Who are new in the village? Is it more difficult for them?

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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6. What do they want to buy with the benefice of SHG? Why? 7. Who do one KG? (same questions than in the beginning of questionnaire) 8. What would be the interest of the SHG for the local agriculture? 9. What is the role of your “namahinda”?

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Annexe n°9: Guide d’enquête du Guidelines de Charlotte Dufour128

Questions for the needs assessment An assessment entails understanding people’s needs, but this can only be derived from an understanding of their current practices and situation. In the present guidelines, we are interested to know:

• What foods do people consume and how frequently? • What food is available and when? • What foods do household produce and is it sufficient to meet their needs? • What foods do they purchase, from where and with what income?

The detailed questions presented in Box 1 can be useful for understanding the food security situation during the needs assessment.

128 C. Dufour, “Integrating Nutrition in Food Security and Livelihoods Interventions: Why and How in Afghanistan?” mars 2005, p.11.

Box 1: Nutrition information to be collected during needs assessments (Ref to FAO ENA guidelines) Food consumption and diet diversity

• How many meals are eaten per day? • What main foods are eaten and how frequently? • Is the diet lacking from energy and/or essential nutrients (such as energy from staples or fat/oil, protein,

vitamins and minerals)? (see Annex 3 for food sources of energy and key nutrients). • Are there differences in food consumption among household members? • Are household members, in particular those responsible for providing and preparing food, aware of the

importance of nutrition and of eating different types of foods? Availability and access:

• What is the pattern of food supply throughout the year? Are there times of food scarcity, for which foods, and for how long?

• Where do these foods come from and what is the relative importance and reliability of each source (own production, collection, barter, purchase, gifts, food aid, nutritional programmes, social assistance)?

• What food storage, preservation and/or processing techniques are used to increase the shelf-life of foods, if any?

Tip: establishing a seasonal calendar of available foods, through a focus group with villagers is a simple and visual way of obtaining information on seasonal variations in food availability. (see annex 2) Household food production:

• What foods does the household produce (crops, home gardens, animals, fishing) and with which constraints (climate, water supplies, storage facilities, etc)? Does the household own food production assets? (land, animals, farm equipment)?

• Do households sell their produce? What are the marketing opportunities for these produce? • Are there signs of destitution and loss of productive assets?

Food purchase

• Do households have safe access to food and crop markets (distance, transportation means, cost)? Do they have marketing possibilities for their own production?

• Are key foods (particularly staples, oil, fruits and vegetables) affordable relative to average income in the area? Are there price fluctuations?

• What are the household’s income sources (sale of own production, savings, remittances, loans, gifts, social assistance etc.) and how important and reliable are they?

• How much is used for food? (a possible indicator of food insecurity is families that spend 70% or more of their income for food purchase).

What other essential expenses are necessary (soap, clothes, health, education, transport, etc.)?

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Annexe 10 : Schémas de l’histoire de la vallée de Baharak de 1900 à nos jours 1. Avant le règne de Zaher Shah (< 1930) :

Figure 15 : Schéma de la vallée avant 1930

N 3300 m

Atembegi

Khair-abad

Chapchi-Yardar

Chapchi-Marzar Robobi

Sar-Char

Passira

Bewikan

Formulagh

Warchir

Estives, Shewas

1 km

Dashtok

Légende : Terres irriguées cultivées en céréales locales, fourrages et autres cultures « rustiques » ou en jachère. Terres pluviales cultivées en orge et fourrages ou en jachère. Zones désertiques (colluvions et alluvions). « Silva* » de type arborée (arbres et arbustes). « Silva* » de type épineux (chardons, broussailles). Villages tadjiks construits dans la vallée. Villages tadjiks construits sur les pentes Villages Ouzbeks Quatan : parcs pour les troupeaux de petits ruminants pour les mois d’hiver. Arbres fruitiers des jardins privés. * Zone de végétation spontanée utilisée pour la cueillette, la recherche de bois, la pâture.

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2. Entre 1930 et les conflits des années 80 :

Figure 16 : Schéma de la vallée entre 1930 et 1980

Légende : Terres irriguées cultivées en blé, maïs, orge, riz, moutarde, sésame, protéagineux et fourrages ou en jachère. (Jardins potagers prés des habitations). Terres pluviales cultivées en orge, blé et fourrages ou en jachère. Villages Pachtounes Villages « multi-ethniques » Route principale et carrossable.

3300 m

Estives, Shewas

N

1 km

3300 m

Estives, Shewas

N N

1 km 1 km

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

110

3. Depuis la fin des conflits (2000-2005) :

Figure 17 : Schéma de la vallée de Baharak aujourd’hui

N

1 km

Estives

Légende : Terres irriguées cultivées en blé, « cultures de rente » et fourrages. (Jardins potagers prés des habitations). Terres pluviales cultivées en blé ou en jachère. Ville nouvelle autour du bazar et des principales infrastructures (clinique, gouvernement, ONGs, école,…) Villages de migrants venus de districts voisins ou de villages d’altitude, en construction (pas de canaux d’irrigation).

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111

Annexe 11 : Tableaux de présentation des enquêtes « ménages ».

Ces enquêtes concernent des entretiens semi directifs auprès de femmes d’une dizaine de villages de la vallée de Baharak. Ces entretiens se sont déroulés avec un seul ménage à chaque fois afin d’avoir une compréhension fine de leur fonctionnement. Les zones indiquées dans le tableau suivant correspondent au lieu de l’enquête par rapport au zonage villageois de la vallée (voir annexe n°12 sur la construction du zonage): Zone A : ville nouvelle autour du bazar et des principales infrastructures. Zone B : villages de la vallée hors de la ville nouvelle (les koshlaks). Zone C : villages d’altitudes éloignés des infrastructures. Zone D : nouveaux villages de migrants construits sur le bas des pente (aussi parmi les koshlaks). Seuls deux villages d’altitude ont pu faire l’objet d’enquêtes (zone C). La colonne « statut » correspond au statut marital (veuve, femme mariée, jeune fille) des femmes interrogées. La colonne « adulte » correspond au nombre de personnes âgées de plus de 12 ans dans le ménage (unité de consommation ou UC). Les enquêtes en grisé correspondent aux enquêtes « alimentation ». Abréviations ou anglicismes utilisées dans les tableaux :

h : homme en âge de travailler. f : femme en âge de travailler. KG : Kitchen Garden (jardin potager) Shopkeeper: commerçant dans une échoppe de la vallée de Baharak. AAD : Afghan Aid ME : Mission East AKDN : Aghan Khan Development Network SHG : Self help Group (groupe de micro finance mené par Afghan Aid). WRC : Women Ressource Center (centre d’apprentissage pour les femmes mené

par Afghan Aid). Literacy cours : cours d’alphabétisme, « rattrapage scolaire ». Jb : jerib (unité de terre cultivée, 0,2 ha) nsp : ne sait pas. Prof : instituteur ou institutrice (2500 afghanis/mois).

Les termes en italique sont en langue locale et sont définis dans le glossaire de ce rapport. Les expressions « beaucoup » ou « peu » sont utilisées quand l’interrogée ne savait pas en terme chiffrée mais donnait oralement ces qualificatifs. Les cases remplies avec « ? » correspondent à des données qui n’ont pas été recueillies lors de l’entretien.

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Tableau 6 : Présentation des enquêtes

N° enquête date Aide ONG zone ethnie âge Statut nombre enfants adultes < 12 ans Total de membres dans UC

1 21-juin semences ME B tadjik 45 mariée 9 7 3 10

2 22-juin resp. agri ME B tadjik 40 mariée 3

3 22-juin B tadjik 55 mariée

4 23-juin semences AAD A tadjik 55 Veuve

5 26-juin machine à coudre AAD A tadjik 26 Fille 0

6 28-juin chef SHG, semences AAD B tadjik 45 Veuve

7 28-juin Non A tadjik 60 mariée 2 0 2

8 29-juin chef SHG, semences AAD B pachtoune 35 mariée

9 29-juin semences, training AAD B tadjik 32 mariée 4 3 3 6

10 30-juin ruches AAD, agente ME B tadjik 35 mariée 0 2 0 2

11 03-juil chef SHG, semences ME B ouzbek 50 Veuve

12 03-juil Non B tadjik 25 mariée

13 04-juil Non C tadjik 60 mariée 6

14 04-juil Non B tadjik 60 Veuve

15 05-juil semences ME B tadjik 42 mariée

16 05-juil semences AAD B tadjik 28 mariée 2 2 2 4

17 06-juil Non B tadjik 60 mariée

18 06-juil SHG B tadjik 35 mariée

19 07-juil semences ME B ouzbek 20 Fille 0

20 07-juil Non B tadjik 36 mariée 0

21 10-juil Non B pachtoune 45 mariée

22 10-juil vache AKDN B tadjik 25 mariée 2

23 11-juil training tapis AAD B tadjik 23 Fille 0

24 11-juil SHG, semences ME B tadjik 40 mariée 4 5 2 7

25 12-juil Non B pachtoune 50 mariée 2

26 12-juil Non B tadjik 35 Veuve

27 13-juil SHG B ouzbek 20 mariée 1 17 7 24

28 13-juil ruches AAD B tadjik 50 mariée 7 5 12

29 14-juil Non D tadjik 26 mariée 4 2 4 6

30 17-juil semences ME B tadjik 45 mariée 9 7 3 10

31 19-juil Non B ouzbek 24 mariée 3 11 3 14

32 19-juil semences ME B tadjik 50 mariée 9 4 3 7

33 20-juil Non C tadjik 45 Veuve 5 5 3 8

34 21-juil Non B pachtoune 35 mariée 3 2 0 2

35 24-juil semences ME B pachtoune 50 mariée 8 10 2 12

36 24-juil semences ME A tadjik 26 mariée 2 8 4 12

37 25-juil Non D tadjik 50 Marié 2 2 1 3

38 26-juil Non C tadjik 45 mariée 8 9 10 19

39 26-juil semences ME B tadjik 28 Fille 0 5 1 6

40 27-juil Non B tadjik 65 mariée 7 10 8 18

41 28-juil training AAD B tadjik 25 mariée 2 2 2 4

42 28-juil SHG B tadjik 20 mariée 2 8 4 12

43 31-juil oui ME B pachtoune 35 mariée 8 8 0 8

44 01-août Non B tadjik 55 Veuve 6 6 4 10

45 01-août oui AAD B tadjik 65 Veuve 5 8 10 18

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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46 02-août Non D tadjik 40 mariée 3 3 2 5

47 03-août non(literacy cours+AAD) B pachtoune 30 mariée 5 6 3 9

48 04-août non (literacy cours) B tadjik 35 mariée 4 7 4 11

49 08-août oui (dayâ avec laîla) D tadjik 45 Veuve 6 4 0 4

50 09-août oui ME B pachtoune 45 mariée 9 10 5 15

51 11-oct Non B tadjik 18 mariée 0 3 0 3

52 12-oct oui (ME trop tard) B tadjik 30 mariée 6 3 5 8

53 13-oct oui (reçu WRC) B tadjik 25 mariée 4 2 4 6

54 16-oct Non D de Argu (?) 35 mariée 4 3 3 6

55 17-oct semences ME B pachtoune 65 Veuve 5 3 5 8

56 17-oct semences ME B pachtoune 40 Veuve 3 3 0 3

57 18-oct semences AAD, Training Akila B tadjik 40 mariée 10 10 3 13

58 19-oct Non D tadjik 35 mariée 6 4 4 8

59 20-oct semences ME B ouzbek 30 mariée 7 10 9 19

60 26-oct semences ME B pachtoune 40 Veuve 3 7 2 9

61 27-oct semences ME et AAD B pachtoune 50 mariée 9 6 2 8

62 31-oct Non A tadjik 60 Veuve 8 6 5 11

63 02-nov Non B tadjik 45 Veuve 2 2 0 2

64 06-nov SHG B ouzbek 45 mariée 0 5 0 5

N° enquête

terre en propriété (jb) typologie

terre en location

Travailleur agricole h W extérieur h revenu femme W f. potager vaches/ chèvre lait ruminants viande

1 3 3 1 docteur+shopkeeper Non KG 1 vache 0

2 terres, vergers ? 0 docteur resp. agri ME KG 18 vaches 0

3 5 abi ? loue terres ? non Non pavot, KG 1 vache 0

4 18 abi ? fils contract grower non Non KG 5 vaches 0

5 hypothèque ? 2 journaliers Couture KG 1 vache 0

6 hypothèque 40jb ? 1 shopkeeper Shopkeeper KG 0 0

7 à Rosh ? non Non non Non non 0 0

8 3 abi ? 1 non broderie filles KG 2 vaches 0

9 2 abi 4 non 1 maçon Broderie KG 1 vache 0

10 0 5 charpentier vente lait, miel non 1 vache 0

11 4 abi ? loue ses terres non couture, broderie KG ds terres 1 vache 0

12 nsp ? 5 shopkeeper Non non 2 vaches 0

13 3 lalmis ? 2 non Non non 5 chèvres 4 moutons

14 Nsp ? Nsp non vente fruits KG 2 vaches 0

15 5 abi ? Nsp non Non ? 3 vaches 0

16 12 abi, jardins 1 loue ses terres comptable AAD Prof, vente œuf KG 1 vache 0

17 5 abi, grd jardin ? Fils ? Non non 4 vaches 0

18 0 ? 8 abi Fils journalier Non non 2 vaches 0

19 6 abi, jardin ? ? non vente fruits, prof KG 1 chèvre 0

20 nsp ? loue ses terres non Non KG 5 vaches 0

21 10 abi, jardin ? ? non Non KG ds terre 2 vaches 0

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

114

22 60 abi+ lalmis 1 loue les terres commander Non KG 9 vaches 40 moutons

23 4 abi ? ? non vente miel, couture KG 6 vaches, 6 chèvres 0

24 Peu de terre ? non Non gouvernement vente lait, moss KG 2 vaches 0

25 1 abi ? 2 abi ? maçon, journalier Non KG 3 vaches, 1 chèvre 0

26 Bcp, jardin ? non Non commander Non KG, 7 vaches 0

27 Bcp abi et lalmi ? non 2 et métayers vente animaux Non non

5 vaches, 20 chèvres 260 moutons

28 Non mais jardin 6 oui 1 non vente miel KG ds terre 0 0

29 Non 6 oui 1 namahinda Non non 1 chèvre 0

30 3 1 0 docteur+shopkeeper Non KG 1 vache 0

31 3 3 5 5 berger dans shewa Moss KG 4 vaches 20 moutons

32 2 3 <1 4 non Non KG 1 vache 0

33 lalmi 4 2 journaliers Non Non 5 chèvres 4 moutons

34 0 5 2 1 shopkeeper qui loue Œufs KG 1 0

35 0 6 2 3 2 journaliers Non KG 2 vaches 0

36 à Sardehu 4 0 0 non Non KG 0 0

37 0 6 0 0 journalier Non Non 0 0

38 50 (avec lalmi) 2 0 2 shopkeeper qui loue Non KG 8 vaches,6 chèvres 40 moutons

39 20 2 20 0 pas d'homme Prof+couture+broderie KG, 2 vaches 0

40 4 4 4 2 non couture filles KG, 2 vaches 0

41 <2 3 0 1 prof Broderie Non 0 0

42 0 6 <2 1 shopkeeper qui loue Non KG loué 2 vaches 0

43 2,5 abi+10 lalmis 2 <2 2 non fille prof+vente lait KG 3 vaches 20 moutons+chèvres

44 3 4 2 1 business à Rosh Non KG, pavot, 2 vaches 0

45 0 6 20 3 apiculteur fille prof Non 2 vaches 0

46 0 6 <2 1 non Non KG 2vaches, 1chèvre 0

47 10 2 0 1 maçon+fils prof fille couture+broderie Non 1 vache 0

48 Jardin 6 0 0 cleaner pour voiture Non KG 1 vache 0

49 2 4 1 1 journaliers (2 fils) légumes, tissage, œufs,bolonis KG 1 chèvre 0

50 jardin+ruches 5 15 5 mullahs, profs, maçon Non KG loué 2 vaches 0

51 6 abi 1 0 1 namahinda Non aide KG 0 0

52 2 abi+jardin 4 0 0 sans travail lait, fruits, gestion non 3 0

53 2,5 abi 4 0 0 (loue à autre) sans travail Légumes KG 1 vache 0

54 0 5 0 0 maçon, journalier fileuse de laine KG 0

55 4 abi+jardin 4 0 0 (loue à autre) chauffeur Non KG 1 vache 0

56 2 abi 2 0 0 (loue à autre) non vente légumes à domicile non 1 vache 0

57 4 abi+jardin 4 6 2 cleaner pour voiture Non KG 2 vaches 0

58 0 6 0 0 journalier Non KG 0 0

59 8 abi+20 lalmis 4

abi pr oignons 2 non

légumes, KG, vaches, Shewas KG 4 vaches 80 moutons+chèvres

60 6 abi +jardin 4 0 journalier Non KG vache 0

61 0 6 ? fils loue terre cleaner pour voiture Non KG vache 0

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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62 0 6 jardin Non AKDN Non KG ? 0

63 0 5 loue KG Non journalier œufs, KG loue KG 0

64 8 abi+jardin 2 0 0 (loue à autre) non vente krout, œuf, gelam KG 3 vaches, 2 chèvres 0

Tableaux 7 : Résultats statistiques de présentation des enquêtes

Lieux où se sont déroulés les enquêtes : zone A 8%

zone B 78%

zone C 5%

zone D 9%

Caractéristiques des femmes interrogées : nbre enfants moyens 4

âge moyen 40

W dans KG 83%

veuve 20%

fille 6%

mariée 73%

femme a un revenu 45%

a reçu semences 41%

Caractéristiques des systèmes de production des ménagés interrogés : 1 ou 2 vaches 50%

> 2 vaches 23%

chèvre lait 14%

pas animaux lait 14%

ruminants viande 13%

revenu extra-agri homme 42%

journalier(s) 17%

loue des terres 31%

Typologie des ménages interrogés : typologie moyenne 4

type 1 10%

type 2 14%

type 3 10%

type 4 29%

type 5 12%

type 6 26%

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

116

Annexe 12 : Les ensembles du zonage géographique.

Le contexte naturel (voir JC Duchier, 2006, p.23-28) montre que selon la topographie, trois espaces se dégagent clairement les uns des autres : les fonds de vallées, les pentes des montagnes et les hauts pâturages d’été. Ce critère topographique semble tout à fait pertinent dans ce contexte montagneux ou l’altitude (et les différents climats qu’elle engendre) et la pente influent de manière évidente sur les conditions de vie des habitants.

La mise en valeur de l’espace par l’homme et son agriculture met en évidence plusieurs facteurs de différenciation. Cependant, le rayonnement que possède le nouveau bazar de la ville nouvelle semble avoir un impact majeur sur la vie des habitants du district. En effet, ce nouveau bazar est le centre économique, politique et social de la vallée. Plus on s’éloigne de celui-ci et moins son influence est évidente. Les habitants proches du bazar bénéficient de ses avantages mais aussi de ses inconvénients. Citons pour exemple que la politique d’éradication de pavot orchestrée par le gouvernement est plus forte sur une exploitation agricole si celle-ci se situe près du bazar et donc des bureaux du gouvernement. A contrario, les exploitations proches du bazar bénéficient plus facilement des éventuels conseils techniques des ONG dont leurs bureaux se trouvent dans la ville nouvelle.

Le croisement des facteurs « la topographie » et « le rayonnement du bazar » permettent de dégager quatre ensembles agro écologiques :

1. Char-é-nau : la ville nouvelle qui comprend les principales infrastructures.

2. Les kochlaks : les villages de la vallée « éloignés » du bazar

3. Les villages des pentes : situés en altitude par rapport à la vallée et difficilement accessibles par la route.

4. Les Shewas

Les deux derniers espaces n’ont pas pu être étudiés de façon approfondie du fait des restrictions de sécurité que nous avons évoqué dans les limites de cette étude. Ils ne sont donc pas présentés dans l’impact de la diversité géographique sur les ménages.

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Annexe 13 : Le déroulement d’un mariage dans la vallée de Baharak

Le premier soir, les hommes de la famille du futur marié se rendent chez les parents de la jeune fille afin de lui offrir des vêtements pour les jours suivants, une robe verte et une robe blanche pour le dernier jour. Le deuxième jour est appelé chagui-e-hénna (mot à mot : « soir du henné »), les hommes invités par la famille du futur marié font la fête dans sa maison tandis que les femmes invitées chez la jeune fille maquillent celle-ci de henné, la coiffe et mangent ensemble chez elle. Le troisième et dernier jour est le jour qui célèbre vraiment les mariés car la jeune fille entre dans sa nouvelle maison et est donc reçue par sa nouvelle belle famille. C’est ce jour là que les deux jeunes époux peuvent se regarder officiellement et que les deux familles partagent le repas avec leur invités respectifs, hommes et femmes dans deux espaces séparés. Les hommes font la fête d’une part et ce ne sont que les hommes de la famille proche des mariées qui peuvent se rendre dans l’espace des femmes à la fin de la fête avec le cortège des époux.

Le nombre de convives peut atteindre plus de 200 personnes et la réception nécessite des quantités de riz, de viande, de thé ainsi que des ustensiles de services considérables.

Le lendemain du mariage, les amis et les proches de la famille du marié lui apportent divers cadeaux. Cette coutume appelée localement chagina veut que chaque personne porteuse d’un présent soit remerciée par un ouvrage brodé et cousu par la jeune mariée. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes fiancées ne font que choisir le tissu et le porte chez une couturière chargée de confectionner ce trousseau de serviettes, mouchoirs, nappes.

Pendant la semaine qui suit le mariage, les femmes de la famille ou les voisines de la jeune mariée sont invités à l’occasion de la fête de tart djami (= lit collecté). Elles viennent alors observer les premiers travaux de la nouvelle bru et sont là pour l’encourager, une expression locale dit que « c’est pour laver les cheveux de la belle mariée. »

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Annexe 14 : Calcul des ratios « travail » et « terre » de la typologie du diagnostic

Cette annexe est commune avec JC. Duchier, 2006

Le ratio « travail » : UC/UPM

Afin de placer cette limite, il faut caractériser les familles en difficultés financières. Pour cela nous avons cherché à calculer combien de personnes peuvent faire vivre un journalier. L’activité professionnelle des journaliers est considérée comme la plus précaire car la plus instable dans le temps et la moins rémunérée. Nous considérerons que ce dernier gagne le salaire minimum de la zone, soit 150 afghanis par jour. Ce chiffre doit être modulé (première approximation) puisqu’un travailleur peut ne pas trouver de travail pendant certaines périodes. De plus (deuxième approximation), le salaire peut varier selon les travaux (150 à 300 afghanis par jour).

Il nous faut désormais évaluer les besoins journaliers d’un adulte ; on considère qu’un enfant de moins de 12 ans constitue une demi part.

Calcul du coût moyen de l’alimentation de base pour un adulte (> 12 ans) par jour (selon les saisons) :

1. Choix des aliments « de base »

Les aliments « de base » choisis sont :

o le pain (en quantité de blé) o les pommes de terre o le riz o le lait o l’huile o le sucre o les légumes frais o la viande o les noix (en hiver)

Explication du choix de ces aliments:

Les condiments comme le sel et les oignons sont très importants dans la consommation locale mais leur coût est négligeable en comparaison des autres aliments. De plus, les quantités consommées sont difficiles à estimer car les femmes ne disent ne pas savoir combien elles en consomment.

Les légumes frais choisis concernent les légumes en dehors des patates et des oignons. Ils ont été mis en vente au bazar de Baharak depuis 4-5 ans et sont donc consommés plus massivement par les ménages.

Les produits laitiers autres que le lait ne font pas partie de l’alimentation de base car ils sont uniquement consommés par des ménages qui en produisent eux-mêmes ou en reçoivent comme dons. Le krout est consommé par beaucoup en hiver mais représente plus un aliment d’accompagnement (en quantité négligeable) qu’un aliment de base.

Les légumes secs comme les pois, les lentilles, les haricots ainsi que les légumes séchés sont de même très consommés par les ménages mais sont des « condiments ». Ils sont consommés en très petite quantité et en cas de pénurie, ces aliments ne sont pas consommés.

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Les produits comme le miel, la confiture, les amandes, les fruits secs ne sont pas des aliments de base car ils sont d’abord destinés aux invités, aux occasions festives et ne sont pas consommés par les ménages les plus pauvres.

Les fruits frais sont consommés en été par la plupart des familles lorsqu’ils possèdent un jardin avec des arbres fruitiers. Les familles pauvres n’en consomment que très peu, si elles en œufs les vendent, sinon elles n’en achètent pas.

Les noix représentent entre 1 et 2 kg par mois et par adulte en hiver ce qui correspond à un coût non négligeable dans l’alimentation.

2. Calcul des quantités moyennes consommées par adulte et par mois :

(Voir les tableaux des quantités consommées par les ménages enquêtés présentés en annexe n° 15)

Comme il m’a été très difficile d’obtenir des réponses en terme de quantités consommées pour les légumes et les fruits, j’ai choisi de questionner les femmes sur leur fréquence de consommation et d’estimer les quantités consommées à partir de ces fréquences de consommation pour les légumes frais et la viande :

Fréquences Codes pour mise à plat des enquêtes

Nombre de jours de consommation par

mois

Portion quotidienne par adulte (kg

légumes ou viande)*

Quantités moyennes consommées

(kg/adulte/mois) ts les jours 6 30 0.1 3

3-4 fois/semaines 5 15 0.1 1,5

2 fois/semaine 4 8 0.1 0,8

1 fois/semaine 3 4 0.1 0,4

2 fois/mois 2 2 0.1 0,2

1 fois/mois 1 1 0.1 0,1

moins 1 fois/mois 0 0 0.1 0

Tableau 8 : Estimation des quantités consommées en légumes et en viande

*A partir des enquêtes et des quantités observées et pesées au cours des repas servis par AAD, on peu estimer à 100g par personne adulte une portion quotidienne de légumes ou de viande. Rares sont les familles qui en consomment plus sauf à l’occasion de fêtes ou d’invités. Tableaux des consommations moyennes par saison de chaque aliment de base (quantités par adulte et par mois, données 2005) :

- La consommation moyenne (en Kg ou L par adulte et par mois) est calculée à partir de la moyenne des quantités relevées lors des enquêtes dans les tableaux de l’annexe n°15. Elles sont indiquées avec une précision à 100g prés.

- Les aliments sont consommés en plus ou moins grande quantité selon les saisons. Ainsi, les valeurs sont maximales (max) ou minimales (min) selon les aliments et selon les saisons. Le choix de ces optimums est issu des résultats quantitatifs (quantités consommées par aliments et par saison) des enquêtes auprès de 20 ménages de la vallée et de l’étude de la saisonnalité de l’offre du bazar de Baharak.

- Les prix varient eux aussi suivant les saisons, les prix indiqués dans les tableaux sont les prix du bazar de Baharak en 2004 et 2005. Ils sont indiqués en afghanis (afs) par kilo. (50 afs = environ 1$)

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Aliments de base Conso. été (Kg par adulte et par mois) Conso. automne Conso. hiver Conso. Printemps

Pdt 1,1 2,4 2,4 1,1 Blé 11,0 14,9 14,9 11,0

huile 1,1 1,4 1,4 1,1 Lait 2,3 0,8 0,8 2,3

légumes 1,8 1,8 0,8 0,8 viande 0,9 0,9 0,4 0,4 sucre 0,5 0,8 0,8 0,5 noix 0,0 0,0 0,8 0,0 Riz 3,8 3,8 2,2 2,2 total 1,9 2,2 2,0 1,6

Tableau 9 : Consommation des aliments de base maximale et minimale selon les saisons

Aliments de base

prix été (Afs/kg)

prix automne

prix hiver

prix printemps

coût été (par

adulte et par jour)

coût automne

coût hiver

coût printemps

pdt 11,50 7,00 7,00 17,00 0 1 1 1 Blé 11,50 11,50 14,30 14,30 4 6 7 5

huile 50,00 50,00 50,00 50,00 2 2 2 2 lait 25,00 50,00 50,00 25,00 2 1 1 2

légumes 40,00 40,00 40,00 40,00 2 2 1 1 viande 150,00 150,00 200,00 200,00 4 4 2 2 sucre 30,00 30,00 30,00 30,00 1 1 1 1 noix 60,00 0 0 2 0 Riz 28,50 28,50 43,00 28,50 4 4 3 2

Total des coûts par mois

(Afs/adulte/jour) 19 21 20 16

Tableau 10 : Tableau des coûts de l’alimentation de base moyenne selon les saisons :

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Graphique 4 : Coûts de l’alimentation de base selon les saisons (données 2005, Baharak)

Coûts de l'alimentation de base moyenne dans la vallée selon les saisons (afg/adulte/jour).

1921 20

16

05

1015202530354045

été automne hiver printempsSaisons

Coû

ts (a

fg/ a

dulte

/jour

)

totalnoixsucrerizviandelégumeslaithuileblépdt

L’objectif de ce graphique est d’estimer combien d’argent une personne de plus de 12 ans à besoin chaque jour pour se nourrir avec les aliments « de base ». On remarque que ces besoins sont en moyenne supérieurs en hiver et au printemps ce qui confirme qu’à cette période les problèmes d’argent sont encore plus grands.

En s’appuyant sur ces enquêtes alimentaires, un adulte consommerait donc de 17 à 23 afs de nourriture par jour. La variation illustre les différence entre les saisons : l’hiver, il faut près de 18 afs pour nourrir une personne par jour tandis que l’été, il n’en faut que 23.

En plus des aliments, l’achat de combustible est indispensable à la consommation alimentaire d’un adulte. Les quantités de combustible ne sont pas vraiment proportionnelles au nombre de personnes, il s’agit de dépenses fixes qu’on estime entre 50 et 100 afs par jour (voir annexe sur les combustibles n°16).

Trois adultes consommeraient (aliments et combustible compris) donc entre 100 et 180 afs par jour ce qui correspond au salaire journalier d’un homme à Baharak. Trois est le chiffre que nous retiendrons pour le ratio : un journalier peut subvenir au besoins de deux autres adultes. Le reste du salaire, s’il existe, doit permettre d’acheter vêtements, médicaments, ustensiles de cuisine,… Le ratio UC/UPM sera donc de 3. Au dessus de celui-ci, la famille peut avoir de graves difficultés à couvrir ses besoins vitaux.

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Le ratio « terre » :

Croiser le ratio « travail » avec celui du capital foncier / unité de consommation permet d’affiner la typologie. Il s’agit désormais de calculer le ratio CF/UC de façon pertinente.

La politique agricole de l’Afghanistan, comme l’alimentation de base est largement tournée vers la production céréalière, en particulier le blé tendre : à Baharak, le pain représente 60 % des aliments consommés (voir chapitre 4 sur l’alimentation de base à Baharak). L’action de nombreuses ONG pour améliorer les rendements de cette céréale illustre son importance. Enfin, la mentalité afghane paysanne est basée sur le blé : les surfaces sont estimés en quantité de blé semé (1 ser équivaut à une surface sur laquelle on sème 7 kg de blé, soit 0,04 ha).

La typologie doit tenir compte de cette mentalité pour aider à la compréhension de l’agriculture afghane. Aussi, nous nous baserons pour calculer ce second ratio sur le blé. Il s’agit de définir la surface minimum qui permet de couvrir les besoins en blé pour un adulte. Selon les enquêtes de terrain, un adulte consomme près de 240 kg de blé par an. Si on tient comte du rendement moyen de la zone (35 Qx/ha), un hectare permet de nourrir 10 adultes. Cependant, comme nous le verrons dans les chapitres suivants, les paysans cultivent toujours le blé de façon biennales : une année blé, une année sans blé. Un hectare permet donc de nourrir 5 personnes. 1 jerib (0,2 ha) couvre donc les besoins en blé d’un seul adulte. Cependant, ce chiffre est à diminuer car il faut tenir compte des coûts de production fixes (25 sers par jerib) et variables (20 % de la production).

On considérera donc que pour couvrir les besoins en blé d’un adulte, il faut près 1,25 jerib. 1,25, ce sera le chiffre que nous retiendrons pour le ratio CF/UC. En dessous de ce chiffre, le foyer ne pourra pas être autosuffisant en blé et devra s’adapter, au dessus, le foyer peut dégager un surplus commercialisable.

Ces deux limites (3 adultes par travailleur et 1,25 jeribs par adulte) ne servent qu’à donner une tendance qui nous est cependant indispensable pour la compréhension des stratégies des ménages de la zone.

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Annexe 15 : Quantités consommées d’aliments de base pour les ménages enquêtés

Ces quantités journalières sont notamment issues de réponses sur le « rappel des 24h » pour un ménage et sur des quantités consommées au cours d’une semaine, d’une quinzaine ou même d’un mois pour les autres saisons et avec des unités de mesure locales. C’est pourquoi, la précision des valeurs présentées ici n’est que de 100g.

« Conso min » correspond aux quantités minimales consommées par le ménage, « conso max » aux quantités maximales et « conso moy » aux consommations moyennes calculées à partir des minimales et des maximales.

Les N° d’enquêtes correspondent aux n° du tableau de mise à plat de toutes les enquêtes « ménages » dans l’annexe n°11. Les consommations sont exprimés en Kg/ mois/ adulte* avec une précision à 100g prés. Tableaux 11 : Quantités consommées en aliments de base pour les ménages enquêtés

*adulte = homme ou femme âgé d’au moins 12 ans.

N° enquête conso min pdt conso max pdt conso moy

pdt conso min riz conso max riz conso moy riz

30 2,7 2,7 2,7 1,7 2,0 1,8

31 2,0 2,0 2,0 2,0 2,3 2,2

32 1,3 4,7 3,0 1,3 5,3 3,3

33 0,7 1,3 1,0 1,7 2,3 2,0

34 0,3 0,5 0,4 0,5 0,8 0,7

35 0,7 0,7 0,7 1,0 1,7 1,3

36 0,7 2,0 1,3 4,0 6,7 5,3

38 0,3 0,3 0,3 4,7 6,7 5,7

39 0,7 3,3 2,0 2,0 6,7 4,3

40 2,0 10,0 6,0 6,7 10,0 8,3

41 1,7 2,0 1,8 0,8 3,5 2,1

42 0,7 1,3 1,0 1,7 2,0 1,8

43 1,0 1,0 1,0 0,7 2,7 1,7

44 0,5 1,6 1,1 3,3 4,0 3,7

45 2,5 2,5 2,5 2,3 2,7 2,5

46 0,7 0,7 0,7 3,3 3,3 3,3

47 0,7 3,3 2,0 0,7 2,3 1,5

48 1,3 5,0 3,1 2,5 3,7 3,1

49 0,3 0,7 0,5 2,7 5,3 4,0

50 1,0 2,0 1,5 1,0 2,0 1,5

moyennes 1,1 2,4 1,7 2,2 3,8 3,0

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enquête conso min blé conso max blé conso moy blé

conso min huile

conso max huile

conso moy huile

30 6,7 10,0 8,3 1,0 1,3 1,231 12,0 13,3 12,7 0,3 0,7 0,532 1,3 5,3 3,3 1,3 2,0 1,733 4,7 9,3 7,0 0,7 1,3 1,034 10,0 10,0 10,0 1,9 1,9 1,935 7,1 10,0 8,6 1,0 1,3 1,236 10,0 16,7 13,3 1,3 1,7 1,538 8,0 14,7 11,3 2,7 2,7 2,739 10,0 13,3 11,7 1,9 2,8 2,340 13,3 16,7 15,0 1,7 1,7 1,741 6,7 14,0 10,3 0,3 0,7 0,542 17,3 23,3 20,3 1,2 1,2 1,243 10,0 18,7 14,3 1,2 1,2 1,244 13,3 20,0 16,7 0,8 1,0 0,945 17,3 20,0 18,7 0,3 0,7 0,546 14,0 17,3 15,7 1,0 1,2 1,147 12,0 16,7 14,3 0,9 1,2 1,048 20,0 23,3 21,7 1,0 1,3 1,249 11,3 11,3 11,3 0,7 1,1 0,950 14,0 14,0 14,0 0,7 0,7 0,7

moyennes 11,0 14,9 12,9 1,1 1,4 1,2

N° enquête conso min lait conso max lait conso moy lait

conso min sucre

conso max sucre

conso moy sucre

30 0,7 0,7 0,7 1,3 1,3 1,331 0,7 5,3 3,0 0,2 0,2 0,232 0,7 0,7 0,7 0,7 1,3 1,033 0,0 0,7 0,3 0,7 1,3 1,034 0,7 1,3 1,0 0,1 0,3 0,235 0,7 0,7 0,7 0,5 1,0 0,836 0,1 2,0 1,0 0,3 0,3 0,338 0,7 3,0 1,8 0,8 0,8 0,839 0,7 0,7 0,7 0,0 0,0 0,040 0,7 0,7 0,7 0,3 1,3 0,841 0,7 0,7 0,7 0,3 1,0 0,742 2,5 2,5 2,5 0,0 0,0 0,043 2,0 6,7 4,3 0,5 0,7 0,644 0,7 6,7 3,7 0,0 0,0 0,045 0,8 0,8 0,8 0,7 0,7 0,746 1,3 1,3 1,3 0,7 0,7 0,747 0,0 2,7 1,3 0,0 0,0 0,048 1,0 2,5 1,8 0,5 0,0 0,349 0,7 3,2 1,9 0,5 0,0 0,250 0,8 3,3 2,1 0,0 0,0 0,0

moyennes 0,8 2,3 1,5 0,4 0,5 0,5

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enquête conso min légumes conso max légumes conso moy légumes

conso min viande

conso max viande

conso moy viande

conso noix (H)

30 0,0 0,5 0,3 0,0 0,0 0,0 0,731 0,0 1,0 0,5 0,0 0,0 0,0 0,732 0,5 0,5 0,5 0,1 0,5 0,3 1,333 0,0 1,0 0,5 0,0 0,0 0,0 0,034 0,5 1,0 0,8 0,1 0,3 0,2 0,035 0,5 2,0 1,3 0,1 0,3 0,2 0,036 2,0 2,0 2,0 0,5 0,5 0,5 0,038 0,5 2,0 1,3 1,0 1,0 1,0 0,039 0,5 0,5 0,5 1,0 2,0 1,5 0,040 1,0 2,0 1,5 0,3 0,5 0,4 0,041 0,5 1,0 0,8 0,1 2,0 1,1 0,042 1,0 1,0 1,0 0,5 1,0 0,8 0,043 0,0 1,0 0,5 0,3 0,5 0,4 1,044 0,3 2,0 1,1 0,3 1,0 0,6 0,045 0,3 2,0 1,1 0,1 0,3 0,2 1,346 1,0 1,0 1,0 0,1 0,5 0,3 0,347 0,3 0,5 0,4 0,0 0,0 0,0 0,048 0,3 1,0 0,6 0,1 0,3 0,2 0,049 0,5 2,0 1,3 0,1 0,5 0,3 0,250 0,3 0,3 0,3 0,1 0,1 0,1 0,0

moyennes 0,5 1,2 0,9 0,2 0,6 0,4 0,3

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126

Annexe 16 : Les combustibles

Les combustibles représentent une des dépenses les plus importantes d’un

ménage de la zone car le bois et le fumier sont en faible quantité vu la taille des troupeaux et l’absence de forêt. De plus, le gaz reste un combustible rarement utilisé car les villageois sont réticents à son utilisation (crainte d’explosions) et qu’il n’est pas utilisable pour la cuisine « traditionnelle ». En effet, pour faire le pain, les femmes utilisent le tandur qui nécessite un mélange de bois et de disques de fumier séchés. La chaleur ainsi dégagée par les braises sert aussi au réchauffement des autres aliments comme le thé, le riz, la soupe,… pourtant, si l’on compare les prix du bois et du gaz, ce dernier paraît moins cher. En effet, le tableau ci-dessous permet d’évaluer le montant des dépenses moyennes d’une famille à Baharak pour les différents combustibles.

Chaque ménage choisit le type de combustible qui est le plus abordable pour lui, le bois, le gaz ou le fumier. Mais il peut aussi utiliser au cours de l’année un peu de chaque, selon les disponibilités et les saisons. Aussi, certains ménages très pauvres n’achètent pas de combustible et se « débrouillent » par la récolte de fumier sur les chemins, au bord des rivières et par la recherche de broussailles dans les montagnes. Il s’agit donc ici de proposer une moyenne des dépenses afin de donner une tendance et non une valeur exacte !

Bois :

Pour une famille moyenne (5 à 10 personnes), il faut environ 7 kg de bois par jour en été et 20 kg en hiver. Le prix est d’environ 6 afs/kg en été et 8 afs/kg en hiver (bois de districts voisins). Chaque mois, une famille dépenserait donc pour le bois environ 1250 afs en été et 4800 afs en hiver. Pour une année ceci revient à une dépense de 36300 afs par an soit prés de 100 afs/jour.

Gaz : 40 afs / kg. Pour une famille (entre 5 et 10 personnes), une bouteille de 5kg fait environ 6 jours. Soit environ 2000 afs par mois/ménage ou 67 afs/jour.

Fumier : Prix du fumier : 280 afs/buji129 soir 5,6 afs/kg. Une famille moyenne (5 à 10 personnes) brûle environ 500 kg de fumier par mois. Ceci revient à un coût de 33 600 afg par an soit environ 90 afg/jour.

Pour les ménages, l’achat de blé revient à des coûts moyens de 6,3 à 10,7 afghanis

entre l’été et l’hiver par adulte et par jour. Si, pour les mêmes quantités (de 0,5 à 0,75 kg/jour et par adulte) ils achetaient du pain à un boulanger leurs coûts seraient entre 14,5 et 21,5 afghanis par jour et par adulte (prix du pain à Baharak en 2005: environ 29 afghanis/kg). Ces coûts sont donc supérieurs à ceux du pain fait à domicile mais sont nettement inférieurs aux coûts induits par l’achat de combustible. Pour une famille de 5 adultes par exemple, qui ne possèdent pas d’animaux (ou seulement 1 ou 2), le coût des combustibles est entre 50 et 100 afghanis/jour (entre l’été et l’hiver), ce qui revient à un coût total (pain + combustible) de 81,5 afghanis en été et 153,5 afghanis en hiver alors que pour une famille de 5 adultes qui achèterait son pain, ces coûts se situeraient entre 72,5 et 107,5 afghanis.

129 1 buji est égal à 50 kg environ

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Les différentes discussions avec les ménages locaux montrent qu’ils cherchent à optimiser leur production en combustible et à trouver « gratuitement » du fumier et du bois. Pour cela, la confection des tchapacks est essentielle et constitue une des activités exclusivement féminines pendant la saison sèche. De plus, le travail des enfants est requis pour aller ramasser sur les terres, les chemins et les espaces pâturés (bords de rives, pentes des montagnes) les bouses de vache, les branches tombées des arbres dans les jardins, les tiges des plantes désertiques, couper les buissons,... Ainsi, la plupart des ménages pauvres parviennent tout juste à subvenir à leurs besoins en combustible. Ce point reste un facteur de vulnérabilité important pour les ménages qui doivent vendre leurs animaux pour cause de dettes ou ne peuvent les garder. De même, un ménage qui manque de main d’œuvre, notamment lorsque les enfants sont trop jeunes ou pas assez nombreuse, aura plus de mal à trouver des combustibles. Le fumier des animaux qui pâturent dans les Shewas serait de meilleure qualité car lors de sa combustion il ne nécessite pas l’ajout de bois. Ainsi, les bouses sont partout ramassés dans les estives et certaines familles pauvres préfèrent garder elles-mêmes leur 2-3 vaches dans les Shewas pour conserver le fumier pour l’hiver plutôt que d’envoyer leur bêtes avec un gardien qui le gardera pour sa propre famille ou le vendra.

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128

Annexe 17 : Les différents types de « crédit »130 en zone rurale en Afghanistan.

La notion de prêt est courante mais celle d’ « intérêt » est mal comprise. En effet, les crédits en argent sont moins fréquents que ceux en nature et les femmes ne savent pas exactement quels en sont les montants. Souvent elles parlent de prêt à 0%, ce qui est en accord avec la loi coranique mais semble peu probable sur le marché surtout pour les emprunts de blé en saison où les prix sont les plus hauts. C’est surtout au début du printemps que les crédits de blé sont courants car les greniers sont vides et l’argent difficile à trouver après l’hiver souvent chômé pour les hommes. De plus, les crédits en aliments sont plus souvent fait à du voisinage, de la famille éloignée qui ne demanderait pas d’intérêt. Au moment du Ramadan, comme les besoins en argent sont très importants, les femmes disent que leur mari emprunte à leurs proches de l’argent pour rembourser dans les mois qui suivent (2 ou 3 mois). Trois types de crédits :

- « Reciprocity » : prêt d’un bien ou d’argent fait entre personnes qui se fréquentent souvent (voisinage, famille proche) basé sur une entente orale d’un remboursement sur une échéance plus ou moins longue (quelques jours à plus de six mois). Il n’y a pas d’intérêt et le débiteur peut devenir créditeur et inversement régulièrement. Très fréquemment utilisé en période de soudure (fin de l’hiver).

- « Credit » : prêt d’un bien ou d’argent entre un créditeur et un mécène, souvent un commerçant ou un riche propriétaire. L’accord est souvent oral mais implique un remboursement assez rapide (au maximum 1mois) sinon il comporte un intérêt que le débiteur peut fixer à sa guise.

- « Gift » : don fait à une personne sans attente de remboursement.

130 D’aprés Floortje (AREU), Credit and Debt in Rural Afghanistan, Concept Note and Literature Review, September 2005.

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Annexe 18 : Tableau des principaux légumes et fruits de Baharak.

Légumes et

fruits produits sur la zone :

Caractéristiques agro économiques :

Les oignions :

10 sers (70 Kg) semés donnent 200 sers récoltés. En pleine saison (été), le prix est bas, 30-60 afs/ser (cet automne, 50 afg/ser, très gros oignons) mais en hiver et au printemps, pour les gros oignons c’est entre 150 et 300afs/ser. La pièce (bouquet de petits oignons vendus au printemps et en début d’été) = 5 afs. Les plus petits sont séchés, les beaux sont gardés en frais. Les oignons sont mangés frais ou cuisinés avec soupe. Les gros oignons sont récoltés en décembre.

L’ail : Semé au début du printemps et récolté en mai-juin. Il est consommé comme aromate comme le sel, l’origan (séché).

Les tomates :

Récolte de Sombala (mi-août) à Qaws (mi-décembre). Les tomates locales sont vendues en pleine saison autour de 50 afs/ser alors que les variétés améliorées sont vendues 80-90 afs/ser. 1 ser de tomates donne 1 pound (0,5 Kg) de poudre séchée. 1 pound= 20-50 afs. Il faut 10-12 jours pour le séchage. Vente presque toujours en sec car problèmes de transports et prix en frais « peu intéressants », 1 ser=30 afs.

Les navets Semés après récolte des concombre en mi-juillet (Asad) et récoltés en Qaws (décembre). En hiver, 40 afs/kg.

Les carottes Semis en Jawza (mi-mai) ou après la récolte du pavot (car le sol est « propre » et déjà enrrichi en fertilisants), récolte en automne.

Les pommes de terre :

Celles qui viennent de Shohada ou des Shewas sont dites « meilleures », elles coûtent autour de 70 afs/ser. En été, 120 afs/ser, en hiver 70-90 afs/seer ou 50 afs/ser et au printemps 150 afs/ser. La récolte est en Mizan (mi-septembre) mais certains commencent à en récolter tous les jours dés Jawza (mi-mai).

Le piment : 1 piment (vendu à la pièce) = 1 afs ou 0 ,5 kg= 50 afs (piment rouge). Séchage du piment vert à l’ombre (car donne une meilleure qualité), sèche pendant 2/3 jours.

Les haricots verts

Les semences locales seraient meilleures que celles données par les ONG et achetées à Kaboul. Elles permettraient en effet une récolte plus abondante durant les mois de juillet et août. Si la récolte est bonne, les haricots sont séchés pour être consommés en hiver.

L’origan : Séchage au soleil pendant 2 jours. Les choux-fleurs

et les choux : Semis en Sawr (mi-avril) et récolte à la fin de Asad (mi-août). Beaucoup de pathologies pour les choux-fleurs (mauvaise croissance).

Les pastèques et melons d’eau

Semés après la récolte de blé ou orge, en Saratan (mi-juin). Les premières viennent de Faizâbâd ou de Kunduz, 120-200 afs/ser (dépend des arrivages) puis quand celles produites sur la zone sont prêtes, les prix chutent à 50-60 afs/ser, pour remonter en fin d’automne à 150-170 afs/ser.

Noix (walnut) :

Consommées broyées pour remplacer le lait dans le thé en hiver. Récolte en septembre-octobre et séchage pendant plusieurs semaines. Trois variétés locales : korazi, marzi et sangaki. Les korazi ont une coque plus fine et sont plus grosses donc plus chères (600 afg/ser en octobre 2005). Les Sangaki coûtent environ 400 afs/ser en octobre 2005 sur le bazar de Baharak. Lorsqu’elles sont vendues au kilo (toujours avec leur coque), elles coûtent environ 160 afg/kg (soit plus de 1100 afs/ser).

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Amandes En été 130 afg/pound (avec la coque).

Les abricots : Récolte en juillet. Le prix des abricots séchés en 2004 était entre 40 (vente aux voisins) et 60 afs/ser (vente au bazar).

Les pommes :

Différentes variétés : - Ralrsh : ce sont les pommes d’été (récoltées mi-juillet), rouges et

blanches, vendues autour de 100 afs/ser. Elles se conservent mal et sont rarement séchées.

- Golamadi - Saousak (récoltées mi-août): pommes vertes de fin d’été, peu appréciées

car « âpres », elles sont vendues peu chères : entre 50 et 80 afs/ser. - Beruti (récoltées en octobre-novembre): pommes d’hiver, nouvellement

intriduites sur la zone et très appréciées. Bonne conservation et utilisées pour les confitures et le séchage. Elles sont de deux types : rouges et blanches, elles produisent seulement ts les deux ans et les blanches produiraient plus. Séchage des variétés blanches en décembre. A l’automne, le prix est d’environ 180 afs/ser (en vente directe, les gens viennent parfois récolter eux-mêmes avant d’acheter dans les jardins privés). En hiver, le prix augmente entre 200 et 250 afg/ser.

Les cerises : Récolte en juin-juillet. Séchage en deux fois avec un lavage après deux jours au soleil, perte de 50 à 70% du poids environ. Vente à 300-500 afs/ser à la fin de l’été et 700 afs/ser en hiver.

Les cerises : Récolte en juin-juillet. Séchage en deux fois avec un lavage après deux jours au soleil, perte de 50 à 70% du poids environ. Vente à 300-500 afs/ser à la fin de l’été et 700 afs/ser en hiver.

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Annexe 19 : Les Shewas

Cette annexe a pu être réalisée grâce à la rencontre d’éleveurs dans la vallée mais surtout d’un séjour de trois jours (mi-août) dans les villages Shewashis, seule avec la famille de mon interprète à l’occasion des campagnes électorales pour les parlementaires de septembre 2005.

La rapidité de cette expérience ne m’a pas permis d’analyser dans le détail le fonctionnement des habitants de ces hauts pâturages et en particulier le rôle des femmes, qui d’ailleurs ne parlaient pas le dari mais un dialecte local. J’ai donc réalisé quelques enquêtes sous forme de discussions traduites en deux temps, par la mère de mon interprète (candidate aux élections) et sa fille.

Ces pâturages d’altitude (ailoqs) compris entre 2700 et 3000 m sont situés dans la direction du district de Sheghnan au nord-est de Baharak. Les plus proches de la vallée de Baharak se situent à une bonne journée de marche. Ces pâturages bénéficient d’une végétation spontanée composée surtout de graminées. Au cours des mois avril, mai et juin, cette végétation se développe non seulement grâce aux pluies mais aussi grâce à la fonte des neiges qui recouvrent abondamment ces espaces pendant les mois d’hiver (de décembre à mars).

Depuis quatre ans, une piste carrossable relie la route principale de Faizabad à Baharak à ces estives et jusqu’à ce district voisin ; elle a été construite par les ONGs AAD et AKDN. Ainsi, les véhicules à moteur peuvent depuis peu, en minimum deux heures, ravitailler certains villages Shewachis131, habités toute l’année, ainsi que les campements semi-nomades des Kuchis (étrangers au Badakhshan) et Badakhshis (du Badakhshan).

La tenure des terres :

Du fait de l’occupation des terres des Shewas par trois groupes très différents d’éleveurs, la tenure des terres ce cet espace est particulièrement complexe et conflictuelle. En effet, l’histoire a, depuis prés d’un siècle, accentué l’opposition de ces populations qui doivent se partager un même territoire de pâture.

- Les Kandaharis ou Kuchis : Durant le règne de Naher Chah, autour de 1930, des papiers officiels donnant le droit d’accès aux pâturages des Shewas ont été donné à de nombreux Pachtounes venus de provinces autres que le Badakhshan. Depuis, ils viennent avec leurs troupeaux de grandes tailles moutons, chevaux, chèvres et chameaux car la légitimité de leur occupation n’est pas contestée par le gouvernement afghan. Ces populations d’agro-éleveurs, possèdent des terres irriguées dans leurs provinces et sont souvent mal vus dans le Badakhshan. Ils sont craints des autres éleveurs par leur réputation d’hommes riches, armés et puissants. Ils ne restent dans les Shewas que trois mois et changent plusieurs fois leur campement de place en fonction de la végétation disponible.

- Les Shewashis : ces agro-éleveurs sont originaires, pour la plupart, du district de Sheghnan et sont venus, depuis plusieurs générations, construire des maisons et cultiver la terre des Shewas car la pression foncière du Sheghnan132 ne leur permettait pas de subvenir aux besoins de leur famille. Pour ceux qui s’y sont

131 Shewashis : habitants des Shewas toute l’année, de religion ismaélienne (courant chiite). 132 Le Sheghnan serait une zone de vallées encaissées un peu plus basse que les Shewas, avec la possibilité d’y cultiver des fruits mais avec des surfaces cultivables de taille aujourd’hui limitée.

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installés depuis plus de 100 ans, ils n’ont pas acheté leurs terres qui n’appartenaient alors à personne et étaient désertiques. Mais depuis, l’arrivée des Kandaharis et l’augmentation des éleveurs sur un même espace a crée une compétition des espaces de pâturages et ils ont du justifier de leurs titres de propriété. C’est à la fin de la guerre contre les soviétiques que des Mudjahidins influents, commandants dans le Badakhshan, auraient distribué des titres de propriété aux Shewashis, avec leurs noms et leurs surfaces cultivées et pâturables. Durant ces années de conflits, les éleveurs transhumants d’autres provinces étaient absents et les Shewashis ont pu acquérir une certaine reconnaissance des pouvoirs locaux. Aujourd’hui, la pression foncière grandissante oblige beaucoup de ces habitants à envoyer leurs bêtes dans d’autres estives d’encore plus hautes altitudes, avec des femmes et des enfants pour la transformation laitière, de la même façon que les Baharakis.

- Les Baharakis : La tenure de leurs pâturages est contrôlée par le gouvernement de chaque district et ils n’ont accès qu’à une partie des Shewas, la zone la plus proche des fonds de vallées de Baharak et de vallées voisines. Chaque village de la vallée de Baharak a donc acquis un espace précis de pâture et ses éleveurs transhumants se regroupent entre habitants originaires du même village.

Les échanges Shewas-Vallée de Baharak :

Les ailoqs et les vallées de Baharak sont fortement liés par leurs systèmes agraires complémentaires. En effet, les éleveurs de la vallée envoient leurs bêtes (bovins, caprins et ovins) pâturer dans les estives entre les mois de mai à octobre lorsque ces pâturages d’altitude ne sont pas recouverts par la neige et ont suffisamment d’herbe pour nourrir les animaux. Les ruminants y transhument trois ou quatre mois de juin à septembre, souvent avec une ou plusieurs femmes pour la transformation laitière selon la taille des troupeaux. Beaucoup d’éleveurs de la vallée regroupent leurs bêtes et les louent à un gardien qu’ils payent en blé ou en argent. Depuis les deux dernières années le coût de cette location est en forte augmentation du fait des hausses des salaires : production de pavot dans la vallée mais aussi pression foncière croissante des espaces pâturables entre Baharakis133 et Kandaharis134. Les éleveurs de la vallée possèdent des titres de droit de pâturage, souvent un par village, pour des emplacements précis dans les estives. Ils regroupent ainsi leurs tentes en « villages ». C’est surtout des femmes qui y séjournent avec des enfants, les hommes viennent les aider à s’installer et à se déplacer trois ou quatre fois dans la saison en fonction de la disponibilité en herbe. Les bovins sont laissées en pâture libre et viennent prés des tentes pour la nuit. Par contre, pour les troupeaux d’ovins et de caprins de plus d’une dizaine de têtes, des gardiens conduisent les animaux qui ne sont pas utilisés pour le lait. Ces petits ruminants peuvent rester prés de 8 mois dans les pâturages d’altitude et ne redescendent dans la vallée que pour les mois les plus froids, entre décembre et mars. Ils logent alors dans des emplacements spécifiques appelés quatanes (espaces emmurés sur le bas des pentes).

En plus de la transhumance des animaux de la vallée, le stockage du fumier constitue un autre échange « estives-vallée ». Les bouses produites dans les pâturages sont nécessaires à la fumure des terres des fonds de vallées mais surtout comme combustible. D’ailleurs, de plus en plus d’hommes venus de la vallée en voiture ou en âne viennent chercher des bouses dans les estives pour les revendre aux habitants de la

133 Baharakis : habitants de la vallée de Baharak 134 Kandaharis : éleveurs transhumants venus d’autres provinces que le Badakhshan, comme Kunduz et sont d’ethnie pachtoune. Ces éleveurs possèdent souvent de grands troupeaux de petits ruminants qu’ils engraissent pour la viande. Ces populations nomades sont aussi appelées Kuchis.

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vallée. Ce commerce s’est développé depuis la construction de la route et l’augmentation de la population de la vallée.

Les échanges « estives-vallée » concernent enfin les liens entre les populations des villages Shewashis et les Baharakis. Parfois, les agro éleveurs d’altitude prêtent une ou plusieurs vaches à ceux des vallées pour l’hiver. Ces derniers pourront ainsi la nourrir avec du fourrage sec produit dans la vallée et bénéficier du lait à cette période. De même, des céréales, des fruits et des légumes produits sur les terres irriguées des fonds de vallées servent à l’alimentation des populations d’altitude, qu’elles soit Baharakis ou Shewashis.

Un climat rude qui limite la production agricole :

L’espace géographique des Shewas est marqué par deux saisons principales : l’été et l’hiver. En effet, une épaisse couche de neige recouvre ces montagnes entre 6 et 7 mois par an, de novembre à avril. Les mois de mai et d’octobre marquent deux courtes saisons intermédiaires souvent pluvieuses et fraîches. L’été est sec et chaud pendant la journée, les températures peuvent atteindre 25-30°C au soleil.

La végétation connaît donc une croissance limitée et aucune culture d’automne n’est possible du fait des trop basses températures de l’hiver. Même l’été (de juin à septembre), les températures nocturnes peuvent descendre prés de 0 et empêchent la croissance des cultures pérennes et maraîchères. Il n’y a d’ailleurs aucune forêt ou arbustes et seuls quelques arbres récemment plantés pour le bois parviennent à pousser proche des habitations. En 2005, l’hiver a été particulièrement rigoureux avec des mètres de neige jusqu’en avril et les pluies printanières sont arrivées tardivement suivies peu après d’orages de grêles alors que les inondations faisaient rage dans les vallées de plus basses altitudes. Ceci a retardé les semis de blé au mois de juin et restreint dramatiquement la croissance des céréales à 3-4 mois avant les premières neiges de l’hiver. Les moissons ont d’ailleurs eu lieu sous les premières neiges, au mois d’octobre dernier.

L’agriculture des Shewashis :

Autour des habitations Shewashis et sur les pentes proches des villages, les terres sont cultivées en céréales et en légumineuses. Peu de ces terres sont irriguées, seulement quelques parcelles proches des cours d’eau et sur des terrains peu pentus.

Le blé et l’orge sont davantage cultivés sur des lalmis (terres pluviales) et sont les cultures dominantes (en surface) et les céréales à la base de l’alimentation locale. Les rotations alternent le plus souvent un an de jachère (avec ou sans labour) entre une culture de blé et une culture d’orge. La plupart des agro éleveurs cultivent encore aujourd’hui autant de blé que d’orge sur leurs terres et considèrent le blé comme une céréale plus « noble » et dont la farine est d’abord réservée aux invités. Souvent, ils manquent de semences de blé, gardées de la récolte précédente ou grains achetés, pour ne semer que du blé. De plus, l’orge est une céréale plus rustique et résiste donc mieux aux intempéries. En moyenne, le blé est cultivé une fois tous les quatre ans sur la même parcelle. Le blé est semé au printemps (mai) après un seul passage d’araire et de plane et est récolté en septembre. Les variétés de blé sont à la fois « locales » comme le « kalgondom » et améliorées comme le « buludân » et l’« omu ». Ces dernières ont été distribuées depuis 5 ou 6 ans par l’ONG AKDN qui a un office dans les Shewas. Leur croissance est plus rapide que les blés « locaux » mais nécessite plus de fertilisants et donc l’achat de plus d’intrants. Les rendements des variétés locales peuvent atteindre de 30 à 60 sers par jerib sur des terres pluviales (prés du tiers des rendements de la vallée sur des terres irriguées) pour une bonne année (pluie en avril-mai, soleil et temps sec en

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été). Mais, pour une mauvaise année (pluies tardives et semis en juin), les rendements ne dépassent pas 12 sers par jerib soit le double de la quantité de grains semés.

Les légumineuses, la luzerne et le pois (mushang ou patok) sont destinées à l’alimentation en fourrages des animaux et la farine de pois est couramment consommée par les humains. Les animaux servent à fertiliser ces terres, quoique le fumier serve aujourd’hui surtout de combustible, les ânes et les chevaux sont utilisés comme animaux de bât et les bœufs au travail du sol.

Sur les petites parcelles irriguées, quelques locaux font pousser des pommes de terres et du tabac mais la rigueur du climat empêche de faire pousser plus de cultures maraîchères.

Les quantités de fertilisants chimiques varient beaucoup d’une exploitation à l’autre selon qu’elle utilise ou non des variétés améliorées et qu’elle a reçu des conseils techniques d’une ONG. Ceux qui ont bénéficié de paquets techniques en semences et fertilisants amendent leurs terres d’environ 25kg de DAP au moment du semis et parfois d’urée, un mois après le semis. Les autres continuent d’amender leurs parcelles en matière organique d’origine animale au moment du travail du sol.

Les rendements en « panification » :

Beaucoup de femmes disent qu’au goût, le pain fait avec de la farine issue de blé sur les terres pluviales est meilleur. Néanmoins, ce blé souvent d’origine « locale » donnerait une farine plus difficile à travailler pour le pain, parfois donne une pâte qui ne colle pas au tandur et qui s’étalerait moins bien. « Alors que l’on peut faire une quinzaine de pain avec 1 seer de farine achetée au bazar de Baharak, on ne peut en faire que 10 avec notre farine des lalmis. » De plus, la farine locale des blés des terres pluviales est souvent mélangée avec la farine d’orge, culture plus rustique, et donne un mélange difficile à panifier et « plus dur à manger ».

L’élevage et la transformation de ses produits :

L’élevage des fermes shewashis est à la fois destiné à la production de fumier, à la vente d’animaux en vif pour la viande et à la fabrication de produits laitiers et artisanaux auto-consommés ou vendus.

Comme dans la vallée, les femmes sont chargées du séchage du fumier et de leur utilisation comme combustible ainsi que de la transformation des produits laitiers et des activités de couture et de tissage. Elles filent et tricotent la laine, tissent les poils de chèvre pour fabriquer des chaussons, des gants, des manteaux (en laine bouillie), des tapis,…qui sont rarement vendus, sauf aux éventuels voyageurs de passage ou au Kuchis.

L’alimentation des Shewashis :

Une alimentation peu diversifiée et « pauvre » en vitamines :

- Presque pas de légumes ni de fruits frais

- Le pain, à la base de l’alimentation (trois fois par jour avec du thé)

- Les produits animaux en été et en hiver : lait, yaourt, beurre, crème, fromage.

- Les aliments, achetés dans les vallées : le thé, le sucre, le sel, l’huile et pour les plus aisés, du riz, des noix ou autres fruits secs.

- L’aide alimentaire: lait à l’école de FOCUS. (AKDN durant la sécheresse)

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Annexe 20 : Citations de « Les femmes afghanes » (I. Delloye, 2001)

o L’omniprésence de la tradition (p.35) :

« La religion a toujours imprégné la vie quotidienne afghane et, dans cette société, ce qui se fait et ne se fait pas est parfaitement connue de tous. Garçons et filles naissent et grandissent selon un rituel précis. Des aliments pour chaque moment de la vie, des jeux et des réjouissances prévues pour chaque fête. On y vivait au rythme de la tradition. La guerre a déchiré les familles, les villages et les clans, mais il semble que m^me en exil, les Afghans aient à cœur de maintenir cette tradition, dans l’éducation des enfants, dans les relations entre hommes et femmes, dans le respect de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas. »

o La place de la femme (p.37):

« La fille est à son père et à ses frères avant d’être à un mari. Elle devient alors son bien et il peut en disposer comme il l’entend. »

o La succession des terres (d’après le Saint Coran , sourate 4, verset 11 et 12) :

« Au fils, une part équivalente à celle de deux filles. S’il n’y a que des filles, alors deux tiers de ce que laisse le défunt, s’il n’en a qu’une à elle la moitié. Quant aux parents du défunt, à chacun d’eux, le sixième de ce qu’il laisse s’il a un enfant au moins, s’il n’en a pas, à sa mère, le tiers et les deux tiers au père. S’il a des frères, à la mère le sixième, et l’autre sixième au frère. Si c’est la femme qui meurt, à l’homme ce que laisse sa ou ces épouses si elles n’ont pas d’enfant, si elles en ont, alors le quart au mari. Si l’homme meurt et qu’il n’a pas d’enfant, un quart à la ou les femmes, si il a des enfants le huitième à la ou les femmes. Sans héritier direct, aux frères et sœurs, à chacun d’eux un sixième jusqu’à un tiers maximum pour tous les frères ou toutes les soeurs. »

o Le mariage (p.45):

« La vie d’une femme afghane tourne autour d’un événement majeur : le mariage. Elle y est préparée, elle le subit souvent puis lui donne un sens par la maternité. » « Les parents sont rarement joyeux de la venue d’une fille, car celle-ci naît pour enrichir une autre maison alors qu’un fils marié restera chez son père, renforçant le patrimoine qu’il devra protéger. » « Il y a traditionnellement un grand nombre de mariages consanguins en Afghanistan. Ce sont des alliances bénies du ciel, dit-on. La terre, bien sacré, restera dans la famille au moment de l’héritage ; plus la famille est forte, mieux l’on vit ; parfois même la survie du groupe dépend de ces alliances à l’intérieur d’une même famille. » « La dot est à la charge de la famille du garçon, et parfois la première bru a « coûté » si cher que le beau-père n’a plus grand-chose à donner pour marier son second fils : il donne une de ses filles en échange à la famille du fiancé. »

o La maternité (p.56):

« La femme en tant qu’objet sexuel est méprisée ; la mère seule est digne de respect. Par conséquent une femme sans enfant n’a pas de raison d’être, parce qu’elle ne remplit pas son rôle et peut craindre la répudiation qui la laissera démunie et sans espoir de mariage. »

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o Le travail, l’exemple des boulangères (p.62-63) :

« En général on cuit le pain chez soi ; dans chaque maison il a en principe un tandour, ce four à pain fait d’un cratère en terre cuite situé dans un trou du sol. A la campagne, on s’organise entre voisines pour cuire un jour chez l’une, un jour chez l’autre. Mais en ville, les familles se morcellent et les femmes sont plus isolées. Elles ont donc été amenées, quand elles des quartiers éloignés du bazar qui est tenu par les hommes à créer des boulangeries de femmes. […] la journée commence avant le lever du soleil, pour allumer le four qu’elles alimenterons de bois jusqu’au soir. Un pain vaut deux afghanis chez le boulanger, au bazar. Le salaire de ces femmes ne pouvait être calculé selon les mêmes critères puisque la pâte est fournie par les clients.[…] Il leur faut cuire environ mille huit cents pains par semaine pour rentrer dans leur frais. »

o La cuisine et les symboles donnés aux aliments (p.84, 88):

- Les aliments « chauds » sont : thé noir, sucre, huile, ail, poivre, viande, riz long, graisse, œufs, aubergines, mûres, raisins secs, jujubes, amandes, pistaches, noix ou noyaux de fruits, grenades et raisins mûrs, menthe, anis, cardamome, safran,…

- Les aliments « froids » sont : autres fruits comme les raisins verts, citrons et oranges, pommes de terre, concombres, laitues, carottes, riz rond, sucre candi, maïs, lait de vache, yaourt, petit lait, fromage sec de vache.

Des aliments de fête :

- Bolâni : grands pains cuits à la graisse et fourrés de légumes. - Âshak : sorte de macaronis très légers dans une sauce pimentée à base de

fromage maigre. - Qâbouli : riz afghan préparé de façon particulière. - Yakni : viande bouilli que l’on mange avec le riz.

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Annexe 21 : Tableau des principaux plats cuisinés de la zone

Les plats cuisinés : Préparations et commentaires

Les « mantus » Seraient arrivés avec les migrants de Kaboul et originaires d’Asie, sorte de ravioles (pâtes) fourrés à la viande et aux oignons. Cuit à la vapeur. Vendu au bazar à l’unité (3afs/pièce).

Le « palau » Riz fris agrémenté de raisin secs, de légumes, d’épices et parfois accompagné de viande bouillie. (vient de Kaboul).

Le « dalda » Mélange de pois, de lentilles et de viande. Cuisiné plutôt en hiver.

Les « bolonis » Recette ancienne sur la zone, sorte de beignets fourrés aux patates ou légumes verts et fris.

Les brochettes de viande

Appelés « stick » et consommés en kebab, cette façon de cuire la viande à la braise et en petits morceaux est récente sur la zone (fin de la guerre).

Les « kotcha » (cookies)

Farine tamisée, ajout de levure et d’huile bouillie ainsi que d’un peu d’eau. Ensuite, façonner de petits gâteaux comme des sablés décorés à l’aide de lames de couteaux. Cuisson dans le tandur pendant 5 minutes. Les femmes peuvent en cuire une centaine dans le même four. Le blé blanc (grains plus clairs) serait mieux pour ces gâteaux ainsi qu’une huile peu colorée (comme la margarine et pas celle du pavot). Beaucoup de femmes en font, comme cadeau ou pour recevoir. Ils peuvent se garder un mois si assez d’huile.

Le « kroutâb » et le « durnagôl »

krout + eau + oignons + huile ou beurre chaud (plat d’hiver car très « chaud »). Pour le « durnagôl » (recette pachtoune), rajouter des tomates séchées, de l’ail et un peu de farine.

Le « kotchikrout » Riz+lentilles+krout+beurre liquide. Cette recette est assez peu répandue.

Le « samenack »

Repas de fête pour la nouvelle année (21 mars). On peut utiliser environ 0,5 ser de blé (en grains) pour 10-12 pers. Faire germer les grains avec de l’eau pendant 20 jours. Après, couper les pousses finement. Deux recettes sont pratiquées à Baharak : la première consiste à mélanger les pousses avec de la farine et de l’eau que l’on fait cuire comme l’« alloua », la seconde à mélanger les pousses avec de l’huile bouillie et de la farine comme des cookies, « samenack-e-kotcha ». Ne se fait qu’à cette occasion festive.

Le « rulaangur » Mélange de raisins verts (petits raisins locaux) broyés avec du sel et de l’ail et consommé comme condiment avec le poisson ou les pommes de terres.

La « nochasta » Sorte de béchamel locale avec du lait et de la farine. Cuisinée pour les fêtes et les invités et mangée avec du pain.

Les bocaux de légumes au vinaigre

« otshor » : Carottes, courgettes, aubergines, navet (fin automne) « tchagni » : tomates vertes, ail et piment.

Le « shula » Mélange de riz rond avec du beurre, du sucre ou du sel, des fois des pdts et servi à la cuillère ou avec du lait. cette recette est très ancienne et était surtout répandue avant les années 80, lorsqu’il y avait du riz rond cultivé dans la vallée.

Le « cake-xanagi » « Gateau-maison » fait dans les familles aisées pour le Ramadan, les invités ou des mariages avec des fruits secs (vient de Kaboul et d’Iran).

Les « kaïmekonis » Sorte de beignets semblables au « bolonis » mais fourrés avec une pâte à la crème de lait, servis avec du thé comme un gâteau mais pas sucré.

L’ « alloua »

Sorte de nougat cuisiné pour l’Aïd du Ramadan. Cette préparation est très longue et faite pendant le jour et la nuit du dernier jour du Ramadan (environ 4h), on peut y mélanger des noix, des graines de sésame, du sucre,… il existe deux types d’alloua : blanc et noir, le noir est moins festif car la farine utilisée est plus grossière, il est donc mangé plus souvent et par les ménages les moins aisés.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

138

Annexe 22 : Evolution historique de l’aide alimentaire en Afghanistan (C. Dufour,

2005, c))

Operation Salam: first large involvement of the UN and its agencies in rural areas, to prepare the return of refugees. Problem of poor capacity limits effectiveness. Interventions consist largely of agricultural rehabilitation and basic health services.

Agencies mostly based in Peshawar: operations concentrated on Peshawar-Kabul axis Kabul: Large relief programmes but difficult access (blocking of Sarobi Pass and Salang Tunnel) Rural areas: mainly agricultural rehabilitation, community devt...

1988-1992 : Relative Peace

1992-1996 : the Mujahiddin War

Conflict & economicblockade in Kabul Conflict in Hazaradjat

NGOs based in Pakistan. In Afghanistan: crossing of mountain passes, illegal convoys, essentially medical interventions. In Pakistan: Management of large refugee camps in Pakistan (Peshawar, Quetta, Chitral…)

1979-88 : Soviet Invasion

Conflict concentrated in ruralareas

NUTRITIONAL ASSESSMENTS

No specific nutrition surveys and monitoring known

Nutritional screening using QUAC in Red Cross clinics (ICRC)

QUAC stick assessments in food security assessments and monitoring within Red Cross clinics. 1995: 1st anthropometric cluster survey in Kabul

General Food Distributions in refugee camps in Pakistan (continued until the mid-1990’s)

Continuation of GFD in refugee camps

Large food distributions in Kabul start in 1994/1995 (ICRC, WFP /ACTED bakeries, CARE). Difficulty in delivering food, notably via Sarobi. Some food distributions in Hazarajdat, but difficult access

NUTRITION INTERVENTIONS

Few anthropometric surveys (mostly urban),feeding centre data, screening programmes in clinics and SFCs

1996-2001 : Taliban Control

Country marginalised; Conflict in some areas Drought

Few NGOs due to Taliban restrictive laws, and difficulty of obtaining funds UN operates from Islamabad

Continuation of ICRC and WFP/ACTED, CARE programmes in Kabul. Large SFC/TFC programme in Kabul, some SFC in urban areas or IDP camps. Food aid in rural areas: FFW/FoodAC Small-scale kitchen gardens. Some water and sanitation projects

Number of anthropometric surveys increases, confirms the need to carry out other types of studies on underlying causes Development of MOH/UNICEF/CDC Manual

2002 : Establishment of Interim Government

Situation stable in Kabul,but volatile in manyareas, notably South

Arrival of many aid agencies. Relief-type operations. Planning initially from Islamabad; limited experience and knowledge of the context; donor pressure; problems including capacity limitations for up

Large increase in food aid for drought-affected, IDPs, returnees. Large increase in number of SFCs, some increase in TFCs (relevance and effectiveness of SFCs and TFCs as are implemented is questioned) Coordination mechanisms within Ministry of Health established at central level

Number of anthropometric surveys reduced; guidelines developed; Integration of nutrition issues in wider surveillance systems. Formative research on child feeding and caring practices Information on MDDs (including biochemical indicators) and food diversity collected

Number of agencies stabilises ; Coordination Improves; Learning occurs Adaptation of projects to Afghan context; Focus on capacity-building of government and long-term strategies

Active inter-agency and inter-ministerial coordination through working groups. Strengthening of Public Nutrition Department in MoH, drafting of Public Nutrition Policy Move from short-term/relief approach to integrated Public Nutrition approach covering diverse issues (infant feeding, MDDs, food-based approaches etc)

2003-2004 : Strengthening of the Government

Preparation of elections;situation unstable in many areas

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

139

Annexe 23 : Apports énergétique de l’alimentation de « base » des habitants de la

vallée.

Le tableau suivant présente les apports énergétiques des aliments de base (voir

annexe 14 sur le choix de ces aliments) en fonction des consommations « minimales » et « maximales » de chacun de ces aliments pour la moyenne des enquêtes réalisées. Ces quantités consommées sont présentées en annexe 15 par mois du fait de la faible précision des réponses des ménages enquêtés. Afin de déterminer les apports énergétiques journaliers pour un adulte, il faut ramener ces quantités à un jour : l’ensemble des consommations ont donc été divisées par 30 et ramenées à une précision à 100 g prés.

Les fiches de la FAO135 correspondent à des tableaux donnant la valeur

énergétique apportée par différents aliments, produits et/ou consommés en Afghanistan. Pour les légumes, chaque variété possède sa valeur calorifique, j’ai donc choisi la valeur de l’oignon qui représente le légume le plus couramment consommé par les ménages de la zone. Le changement de cette valeur n’a de toute façon que peu d’incidence sur le résultat final car les légumes sont consommés en très faible quantité si l’on compare aux autres aliments. De même, pour la viande, la valeur retenue est celle de la viande de bœuf, la plus vendue sur le bazar de Baharak.

aliments de base

n° pr fiches FAO

kcal/100g aliments

kcal/kg aliments

conso min (kg/adulte/mois) conso max conso moy Kcal/conso

min Kcal/conso

max Kcal/conso

moy pdt 75 81 810 1,1 2,4 1,7 872 1928 1400pain 18 369 3690 11,0 14,9 12,9 40430 54981 47706huile 181 887 8870 1,1 1,4 1,2 9668 12241 10954lait 138 66 660 0,8 2,3 1,5 521 1518 1020

légumes 69 46 460 0,8 1,8 1,3 347 842 595viande 145 240 2400 0,4 0,9 0,6 876 2040 1458sucre 188 398 3980 0,5 0,8 0,7 2140 3347 2744noix 120 704 7040 0,0 0,8 0,4 0 5565 2782riz 10 268 2680 2,2 3,8 3,0 5967 10184 8076

AE total par mois 17,8 29,1 23,4 60823 92645 76734

AE total par jour 2027 3088 2558

Tableau 12 : Apport énergétique de l’alimentation de base des ménages enquêtés

On remarque dans ce tableau qu’un adulte consomme, en moyenne, entre 2000

et 3000 Kcal par jour soit plus de 2500 Kcal par jour en moyenne sur l’année. Il s’agit ici d’une tendance pour la majorité des ménages de la vallée. La constatation d’un apport énergétique « suffisant » est confirmée par les dires des ménages enquêtés. En effet, aucune femme rencontrée ne déclare manquer de nourriture en volume (« on ne mange que du pain et du thé si on n’a plus rien »), elles se plaignent plus d’un manque de diversité et d’accès aux produits importés vendus au bazar.

135 Food Composition Table for Afghanistan, Nutrition Department, Ministry of Health, Afghanistan, SAARCFOODS, FAAHM Nutrition Unit, FAO, Kabul, 20th March 2004, 57 p., p. 13-30.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

140

Annexe 24 : Croisements des quantités consommées par les ménages enquêtés et de

leur place dans la typologie du diagnostic

(Les consommations sont exprimées en Kg/ adulte/mois.) Tableau 13 : Croisement des quantités consommées par les ménages avec la typologie du diagnostic

• L’exemple du blé : Ce tableau n°1 montre qu’il n’y aurait pas de lien entre les types de ménages dégagés par le diagnostic et leur consommation en blé. En effet, les types 5 et 6 (les « plus vulnérables » ne correspondent pas forcément aux ménages qui consomment le plus de blé.

• L’exemple du riz : Le tableau n°2 montre la même chose que pour le blé. Les ménages en « haut » de la typologie (1 et 2) qui possèdent plus de terre et donc plus de capital ne consomment pas forcément plus de riz, aliment souvent connoté « de riches ». De même, les ménages qui perçoivent un revenu extérieur n’ont pas du tout les mêmes consommations en volume de riz (tableau n°3).

Tableau n°1 : Types (d’après la

typologie du diagnostic)

conso blé min

conso blé max

1 6,7 10,0 2 8,0 14,7 2 10,0 13,3 2 10,0 18,7 2 12,0 16,7 3 12,0 13,3 3 1,3 5,3 3 6,7 14,0 4 4,7 9,3 4 10,0 16,7 4 13,3 16,7 4 13,3 20,0 4 11,3 11,3 5 10,0 10,0 5 14,0 14,0 6 7,1 10,0 6 17,3 23,3 6 17,3 20,0 6 14,0 17,3 6 20,0 23,3

Tableau n°3 :

revenu extérieur

conso riz min

conso riz max

non 3 3,5 non 1,5 2,5 non 7 10

non 3 10

non 2,5 3 non 3,5 4 oui 2,5 3

oui 2 8

oui 2,5 3,5 oui 0,8 1,2 oui 2 2

oui 6 10

oui 10 15

oui 1,2 5,2 oui 1 4 oui 5 6 oui 5 5 oui 1 3,5

oui 3,8 5,6

Tableau n° 2 : types

conso riz min conso riz max

2 2,5 3 2 3 3,5 2 2 8

2 2,5 3,5

3 0,8 1,2 3 1,5 2,5 3 2 2

3 6 10

4 7 10 4 3 10 4 10 15

4 1,2 5,2

5 2,5 3

6 1 4 6 5 6 6 3,5 4 6 5 5 6 1 3,5

6 3,8 5,6

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141

Annexe 25 : Les attributs culturels de l’alimentation pour les habitants de la vallée

« Certains aliments aux goûts particuliers sont emblématiques de certains groupes sociaux ou de certaines cultures. Leur consommation permet de manifester l’appartenance au groupe et de marquer sa différence par rapport aux autres. Ainsi, dans de nombreuses sociétés étudiées par les anthropologues ou les ethnologues, les autres groupes culturels voisins ou connus sont souvent désignés par les aliments particuliers qui les distinguent. » (Lalhou, cité dans N. Bricas, 1998)

1. Des aliments pour les fêtes et pour recevoir :

o Les fêtes religieuses : - Le Ramadan (30 jours) - l’ « Eid roza » de la fin du Ramadan (3 jours) - l’ « Eid qurban » (fête du mouton, 70 jours après le premier Eïd)

o La fête de la nouvelle année (1 jour) o Les évènements sociaux :

- la fête d’une naissance - le mariage (3 jours) - le deuil

Les noms locaux de plats cuisinés sont définis en annexe 21 et dans le glossaire.

Le Ramadan « Roza »

La fin du Ramadan

« Eid Roza »

La fête du mouton

« Eïd Qurban »

La nouvelle année (21 mars)

« Nau roz » ou « nazri bazaar »

Les évènements sociaux

« Tabriki », « Awrussi »,

Pour les invités

- bolonis - mantus - riz palau - viande - gâteaux secs - dattes - confitures - courge

- Alloua blanc

- gâteaux secs salés et sucrés

- viande de mouton bouillie puis frite

- Samenack : germe de grain de blé cuisiné. - les « 7 fruits secs » : amandes, noix, raisins, abricots, pistache, pommes et mûres blanches.

- Alloua blanc - riz sela (variété de riz collant plus cher)

- miel - beurre - lait, œufs,

moss, tshakah - kotcha - fruits secs - pois grillés

2. Les aliments et les rites religieux :

- les sacrifices d’animaux (lors de la sécheresse) - offrandes de riz (avec viande, légumes, œufs, si la famille est riche) pour

les mendiants ou aux mullahs (chaque vendredi en période de deuil, qui dure au moins deux ans après le décès d’un proche)

3. Les bienfaits et les dangers de certains aliments :

Les huiles végétales : L’huile est un élément essentiel de l’alimentation et même s’il est cher, toutes les familles en consomment, certains en boivent même « pure » dans des tasses avant d’aller travailler. L’huile de pavot est qualifiée de « froide », elle est dite mauvaise à la santé lorsqu’elle est chauffée, elle se conserverait mal et elle peut donner la diarrhée. Ce n’est donc pas la

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

142

meilleure huile pour la cuisine, d’après les femmes. En plus, sa couleur foncée n’est pas appréciée pour la cuisine des cookies et autres gâteaux. L’huile de moutarde locale est appréciée pour frire le riz et pour ses qualités hydratantes pour le corps mais sa couleur foncée l’empêche d’être utilisée pour les gâteaux, son goût aussi serait moins bon. Ces deux huiles locales (moutarde, pavot) sont aussi parfois dites de « basse qualité » car elles sont mélangées au moulin avec des résidus d’autres huiles. La margarine importée (« naboti ») est utilisée comme de l’huile dans la cuisine et est très appréciée car elle ne colore pas les aliments et serait plus digeste.

Les fruits secs : Ils sont utilisés pour recevoir les invités mais aussi comme médicaments (abricots, cerises griottes et mures noires réhydratés dans de l’eau bouillante et laissés macérés) contre les fièvres et la malaria (en été). Ils sont aussi consommés en hiver pour leur caractère énergétique (noix, amandes).

Les aliments dits « mauvais à la santé » : - Les œufs sont dits être souvent source de mal de ventre et rarement mangés par les

femmes qui disent ne pas les digérer. - La viande de chèvre : elle donnerait une sorte d’urticaire et des problèmes de

circulation sanguine. - Les aubergines : donneraient des aigreurs d’estomac. - Il est aussi très déconseillé de boire du thé en même temps que de la pastèque ou

des cerises griottes, car les risques de maux d’estomac et de diarrhées sont imminents.

- Le patok : sorte de petit pois dont le fourrage est donné aux animaux et qui serait source de paralysie, de déformation des pieds. Consommé durant les années de sécheresse comme unique légume sec du fait de la grande pénurie des céréales, notamment dans les villages reculés (villages des Shewas, du Wakhan).

Les aromates et plantes médicinales : - le pavot : très peu consommé par les habitants de la vallée. - le hachich : pour soulager la douleur, cultivé dans les jardins et parfois destiné à

la vente. - Kawar: fleurs des montagnes qui, une fois séchées sont des plantes médicinales

très recherchée (environ 800 afs/kg). - Truchpuchok (= peau acide) : plantes des montagnes utilisées en infusions pour

calmer les nerfs. - Le cumin (zira) : trouvé sauvage en montagne, il parfume les plats et calme les

fièvres des jeunes enfants à l’aide de cataplasme. - Sarsarack : fleurs jaunes dont la décoction soignerait la malaria. - L’origan, la menthe, la coriandre, le piment : poussent dans les potagers,

consommés séchés ou frais dans la cuisine courante.

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

143

Annexe 26 : Calcul des ratios de la typologie des consommateurs.

- Les N° d’enquêtes correspondent aux numéros du tableau de présentation des enquêtes en annexe 11.

- Les prix moyens sont basés sur les prix du bazar de Baharak entre juin et novembre 2005 ainsi que les prix de 2004. (50 afg=1$ environ)

- Les consommations moyennes proviennent des valeurs « max » et « min » des tableaux précédents des consommations des aliments de base en Kg par adulte et par mois, présentés en annexe 15.

- Les lettre « M » et « A » du premier tableau signifient que les aliments sont à 100% « produits » (M) par le ménage ou à 100% « achetés » (A) ; parfois pour un même aliment, la moitié sera acheté et l’autre sera produite selon les stocks du ménage, c’est pourquoi on trouve « A+M » dans les tableaux suivants (50% achetés et 50% produits).

- On estime le coût de chaque aliment à partir du prix de vente de cet aliment au bazar et de sa quantité consommée. Si 100% de cet aliment est acheté, son coût sera le même dans la colonne « coût total » et « coût A ». par contre, si il est à la fois acheté et produit par le ménage, on estime que 50% du coût total est égal au « coût A » et les autres 50% au « coût M ».

Tableau 14 : Répartition des aliments achetés ou produits selon les ménages enquêtés :

N° enquête

Pomme de terre (pdt) blé huile riz sucre

Légumes frais (lég) viande lait noix

30 M+A M+A A A A M A M 31 M+A M+A A A A M A M M 32 A A A A A A A M A 33 M+A M+A A A A M A M 34 M A A A A M+A A M+A 35 M+A M+A A A A A+M A A 36 A M M+A A A A A+M A+M A 38 A M M+A A A M+A A A M 39 M+A M M+A A A M+A A+M M M 40 A A+M A A A M+A A A+M 41 A A+M A A A A A A+M A 42 A+M M A A A M A M 43 M M+A A+M A A M A+M M M 44 A+M M A A A A+M A M A 45 M+A M+A A+M A A A+M A A+M A 46 A A+M A A A M+A A M A 47 A A A A A A M 48 M+A M+A A A A A+M A M+A 49 A M A A A A+M A M A 50 A A A A A A M

Tableau 15 : Coûts de consommation en pommes de terre pour les ménages enquêtés :

N° enquête conso moy pdt (Kg/adulte/mois)

prix moyen (afg/kg)

coût total pdt (afg/ adulte/mois) coût pdt A coût pdt M

30 4,0 10,6 42,5 21,3 21,331 3,0 10,6 31,9 15,9 15,932 4,5 10,6 47,8 47,8 0,033 1,5 10,6 15,9 8,0 8,034 0,6 10,6 6,4 0,0 6,435 1,0 10,6 10,6 5,3 5,336 2,0 10,6 21,3 21,3 0,038 0,5 10,6 5,3 5,3 0,039 3,0 10,6 31,9 15,9 15,940 9,0 10,6 95,6 95,6 0,041 2,8 10,6 29,2 29,2 0,042 1,5 10,6 15,9 8,0 8,043 1,5 10,6 15,9 0,0 15,944 1,6 10,6 17,0 8,5 8,545 3,7 10,6 39,3 19,7 19,746 1,0 10,6 10,6 10,6 0,047 3,0 10,6 31,9 31,9 0,048 4,7 10,6 49,9 25,0 25,0

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

144

49 0,8 10,6 8,0 8,0 0,050 2,3 10,6 23,9 23,9 0,0

Tableaux 16 : Coûts de consommation en riz, en sucre, en légumes frais, en blé et en huile pour les ménages enquêtés :

N° enquête

conso moy blé

prix moyen

coût total blé

coût blé A

coût blé M

30 12,5 12,9 161,3 80,6 80,631 19,0 12,9 245,1 122,6 122,632 5,0 12,9 64,5 64,5 0,033 10,5 12,9 135,5 67,7 67,734 15,0 12,9 193,5 193,5 0,035 12,9 12,9 165,8 82,9 82,936 20,0 12,9 258,0 0,0 258,038 17,0 12,9 219,3 0,0 219,339 17,5 12,9 225,8 0,0 225,840 22,5 12,9 290,3 145,1 145,141 15,5 12,9 200,0 100,0 100,042 30,5 12,9 393,5 0,0 393,543 21,5 12,9 277,4 138,7 138,744 25,0 12,9 322,5 0,0 322,545 28,0 12,9 361,2 180,6 180,646 23,5 12,9 303,2 151,6 151,647 21,5 12,9 277,4 277,4 0,048 32,5 12,9 419,3 209,6 209,649 17,0 12,9 219,3 0,0 219,3

50 21,0 12,9 270,9 270,9 0,0

N° enquête

conso moy huile

prix moyen

coût total huile

coût huile A

coût huile M

30 1,8 50,0 87,5 87,5 0,031 0,8 50,0 37,5 37,5 0,032 2,5 50,0 125,0 125,0 0,033 1,5 50,0 75,0 75,0 0,034 2,8 50,0 140,0 140,0 0,035 1,8 50,0 87,5 87,5 0,036 2,3 50,0 112,5 56,3 56,338 4,0 50,0 200,0 100,0 100,039 3,5 50,0 175,0 87,5 87,540 2,5 50,0 125,0 125,0 0,041 0,8 50,0 37,5 37,5 0,042 1,8 50,0 90,0 90,0 0,043 1,8 50,0 90,0 45,0 45,044 1,4 50,0 67,5 67,5 0,045 0,8 50,0 37,5 18,8 18,846 1,7 50,0 82,5 82,5 0,047 1,6 50,0 77,5 77,5 0,048 1,8 50,0 87,5 87,5 0,049 1,4 50,0 67,5 67,5 0,0

50 1,0 50,0 50,0 50,0 0,0

N° enquête

conso moy riz

prix moyen

coût total riz

conso moy sucre

prix moyen

coût total sucre

30 2,8 32,1 88,3 2,0 30,0 60,031 3,3 32,1 104,4 0,3 30,0 9,032 5,0 32,1 160,6 1,5 30,0 45,033 3,0 32,1 96,4 1,5 30,0 45,034 1,0 32,1 32,1 0,3 30,0 9,035 2,0 32,1 64,3 1,2 30,0 34,536 8,0 32,1 257,0 0,5 30,0 15,038 8,5 32,1 273,1 1,2 30,0 36,039 6,5 32,1 208,8 ? 30,0 ? 40 12,5 32,1 401,6 1,2 30,0 36,041 3,2 32,1 102,8 1,0 30,0 30,042 2,8 32,1 88,3 0,0 30,0 0,043 2,5 32,1 80,3 0,9 30,0 25,544 5,5 32,1 176,7 ? 30,0 ? 45 3,8 32,1 120,5 1,0 30,0 30,046 5,0 32,1 160,6 1,0 30,0 30,047 2,3 32,1 72,3 0,0 30,0 0,048 4,7 32,1 151,0 0,8 30,0 24,049 6,0 32,1 192,8 0,7 30,0 21,050 2,3 32,1 72,3 ? 30,0 ?

N° enquête

conso moy lég

prix moyen

coût total lég

coût lég A

coût lég M

30 0,4 40,0 16,0 0,0 16,0 31 0,8 40,0 30,0 0,0 30,0 32 0,8 40,0 32,0 32,0 0,0 33 0,8 40,0 30,0 0,0 30,0 34 1,2 40,0 46,0 23,0 23,0 35 1,9 40,0 76,0 38,0 38,0 36 3,0 40,0 120,0 120,0 0,0 38 1,9 40,0 76,0 38,0 38,0 39 0,8 40,0 32,0 16,0 16,0 40 2,3 40,0 90,0 45,0 45,0 41 1,2 40,0 46,0 46,0 0,0 42 1,5 40,0 60,0 0,0 60,0 43 0,8 40,0 30,0 0,0 30,0 44 1,7 40,0 68,0 34,0 34,0 45 1,7 40,0 68,0 34,0 34,0 46 1,5 40,0 60,0 30,0 30,0 47 0,6 40,0 24,0 24,0 0,0 48 1,0 40,0 38,0 19,0 19,0 49 1,9 40,0 76,0 38,0 38,0 50 0,4 40,0 16,0 16,0 0,0

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

145

Tableaux 17 : Coûts de consommation en viande, noix et lait pour les ménages enquêtés :

N° enquête viande

prix moyen

coût total viande

coût viande A

coût viande M

30 0,0 175,0 0,0 0,0 0,031 0,0 175,0 0,0 0,0 0,032 0,5 175,0 87,5 87,5 0,033 0,0 175,0 0,0 0,0 0,034 0,3 175,0 52,5 52,5 0,035 0,3 175,0 52,5 52,5 0,036 0,8 175,0 140,0 70,0 70,038 1,5 175,0 262,5 262,5 0,039 2,3 175,0 393,8 196,9 196,940 0,6 175,0 105,0 105,0 0,041 1,6 175,0 280,0 280,0 0,042 1,2 175,0 201,3 201,3 0,043 0,6 175,0 105,0 52,5 52,544 1,0 175,0 166,3 166,3 0,045 0,3 175,0 52,5 52,5 0,046 0,5 175,0 78,8 78,8 0,047 0,0 175,0 0,0 0,0 0,048 0,3 175,0 52,5 52,5 0,049 0,5 175,0 78,8 78,8 0,0

50 0,1 175,0 17,5 0,0 17,5

N° enquête lait

prix moyen

coût total lait

coût lait A

coût lait M

30 1,0 37,5 37,5 0,0 37,531 4,5 37,5 168,8 0,0 168,832 1,0 37,5 37,5 0,0 37,533 0,5 37,5 18,8 0,0 18,834 1,5 37,5 56,3 28,1 28,135 1,0 37,5 37,5 37,5 0,036 1,6 37,5 58,1 29,1 29,138 2,8 37,5 103,1 103,1 0,039 1,0 37,5 37,5 0,0 37,540 1,0 37,5 37,5 18,8 18,841 1,0 37,5 37,5 18,8 18,842 3,7 37,5 138,8 0,0 138,843 6,5 37,5 243,8 0,0 243,844 5,5 37,5 206,3 0,0 206,345 1,2 37,5 45,0 22,5 22,546 2,0 37,5 75,0 0,0 75,047 2,0 37,5 75,0 0,0 75,048 2,7 37,5 99,4 49,7 49,749 2,9 37,5 108,8 0,0 108,8

50 3,1 37,5 116,3 0,0 116,3

N° enquête noix prix moyen cout total noix noix A noix M

30 1,0 57,0 57,0 0,0 57,031 1,0 57,0 57,0 0,0 57,032 2,0 57,0 114,0 114,0 0,033 ? 57,0 ? ? ? 34 ? 57,0 ? ? ? 35 ? 57,0 ? ? ? 36 ? 57,0 ? ? ? 38 ? 57,0 ? ? ? 39 ? 57,0 ? ? ? 40 ? 57,0 ? ? ? 41 ? 57,0 ? ? ? 42 ? 57,0 ? ? ? 43 1,5 57,0 85,5 ? 85,544 0,0 57,0 ? ? ? 45 2,0 57,0 114,0 114,0 0,046 0,5 57,0 28,5 28,5 0,047 ? 57,0 ? 0,0 ? 48 ? 57,0 ? 0,0 ? 49 0,3 57,0 17,1 17,1 0,0

50 ? 57,0 ? ? ?

N° enquête

total coûts A (afg/adulte/mois)

total coûts M (afg/adulte /mois)

total coûts (afg/adulte /mois)

% achats dans conso. totale

30 337,7 212,4 550,1 61% 31 289,4 394,2 683,6 42% 32 676,4 37,5 713,9 95% 33 292,1 124,4 416,5 70% 34 478,3 57,5 535,8 89% 35 402,4 126,2 528,6 76% 36 568,6 413,3 981,9 58% 38 818,0 357,3 1175,3 70% 39 525,1 579,6 1104,7 48% 40 972,1 208,9 1180,9 82% 41 644,2 118,7 763,0 84% 42 387,6 600,2 987,7 39% 43 342,0 611,4 953,4 36% 44 452,9 571,3 1024,2 44% 45 592,5 275,5 868,0 68% 46 572,6 256,6 829,2 69% 47 483,0 75,0 558,0 87% 48 618,3 303,3 921,6 67% 49 423,1 366,1 789,1 54% 50 433,1 133,8 566,8 76%

moyenne 515,5 291,1 806,6 64%

Tableau 18 : Répartitions des aliments achetés et produits pour la totalité de l’alimentation « de base » des ménages enquêtés

Page 158: Les femmes afghanes, Au coeur de l’économie rurale

Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

146

Comparaison des coûts des aliments de base et de leur origine (achetés ou auto-produits).

0,0200,0400,0600,0800,0

1000,01200,01400,0

30 31 32 33 34 35 36 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50

moyen

nes

n° enquêtes

Coû

ts e

n A

fgha

nis/

adul

te/m

ois

total coûts Atotal coûts Mtotal coûts

Graphique 5 : Comparaison des coûts des aliments de base et de leur origine (achetés ou produits)

Ce graphique (données 2005) permet d’illustrer le tableau précédent des résultats totaux de la répartition entre les aliments achetés et les aliments produits par les ménages. Il donne, pour chaque ménage, le coût total de ces aliments achetés (en afs/adulte/mois, histogramme bleu), le coût total des aliments produits (histogramme violet) et le coût total de leur alimentation, aliments achetés et produits confondus (histogramme jaune).

A partir de ce graphique et du dernier tableau de cette annexe on peut calculer les ratios de la typologie des consommateurs pour chaque ménage enquêté:

Grâce aux histogrammes bleus et jaunes et à la colonne « % des achats dans la conso. Totale » du tableau, on peut donner la part des aliments achetés par rapport à la totalité de l’alimentation et on peut donc distinguer les ménages qui achètent plus de 50% de leur alimentation. Par exemple, le ménage n°30, achète pour 61% ces aliments dans sa consommation totale, il dépasse donc les 50%.

Pour calculer le second ratio, on peut utiliser la limite (ligne rouge) des 900 afghanis par adulte et par mois (soit 30 afs/adulte/jour) pour distinguer les ménages qui dépassent ce minimum des autres (histogramme jaune qui dépasse la limite). Ces ménages correspondent donc aux enquêtes n°: 36, 38, 39, 40, 42, 43, 44 et 48

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

147

Annexe 27: Conceptual framework “vision” for AAD’s community development

programme (AAD Report, 2005)

Figure 18 : Schéma du cadre conceptuel des programmes d’Afghanaid

LLLooocccaaalll GGGooovvveeerrrnnnmmmeeennnttt

PPrroovv.. && DDiisstt..GGoovvtt.. aanndd CCDDCCss((SShhuurraass))

1.1.1 Civil Society

Children’s Peer Groups

Women’s Resource Centres

Self-Help Groups

Wheat Banks

Women’s Groups

Farmer’s Groups

Youth Groups

Irrigation Committees

Funding

Possible

National Solidarity Programme (NSP)

Strengthening local interest groups

Networking / forming associations

Capacity building

Shared learning / joint projects

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

148

Abréviations et acronymes

AKDN : AghaKhan Development Network (ONG). AREU : Afghanistan Research and Evaluation Unit FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations EBD: Enquêtes Budget-Dépense. LRRD Program : Linking Relief Rehabilitation Development Program. MSF: Médecins Sans Frontières N.S.P. : National Solidarity Program NRVA: National Risk and Vulnerability Assessment O.N.G. : Organisation Non Gouvernementale Groupe U.R.D. : Groupe Urgence Réhabilitation Développement USAID : United States Agency for International Development

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

149

Glossaire des mots en dari

• Abi : terre irriguée • Ailoqs : pâturages d’altitude où vont transhumer les animaux d’élevage pendant

les mois d’été. • Alloua : sorte de nougat blanc fait à partir de farine et d’huile et longuement

malaxé afin de la rendre mousseuse. • Arbob : chef villageois traditionnel. • Badakhshi : habitant du Badakshan • Baharakis : habitants de la vallée de Baharak • Chadri ou Burka : grand voile qui recouvre les femmes des pieds à la tête avec

juste un grillage en tissu au niveau des yeux. • Dayâs : ce terme désignait les sages-femmes traditionnelles mais correspond

aujourd’hui aux femmes formées par les ONGs (MSF, AAD) sur la zone pour la prévention des femmes enceintes et l’aide aux accouchements dans les villages.

• Domba : graisse animale du mouton notamment de race « Turki » avec une poche de graisse à l’arrière de l’échine.

• Eïd : fête religieuse musulmane • Grahwara bandaan : fête célébrée lors de la naissance d’un nouveau-né. • Jerib : unité de surface, correspond à 0.2 ha. • Kandaharis : éleveurs transhumants venus d’autres provinces que le

Badakhshan, comme Kunduz et sont d’ethnie pachtoune. Ces éleveurs possèdent souvent de grands troupeaux de petits ruminants qu’ils engraissent pour la viande. Ces populations nomades sont aussi appelées Kuchis.

• Kaling : dote qui serait inscrite dans les HADITHS, récit rapportant une parole ou un acte du prophète Mohammad

• Krout : petit lait résidu du beurre, bouillie, salé et égoutté qui prend la forme d’une petite balle très dure et s’apparente à du fromage.

• Lalmis : terres pluviales • Namahinda : chef villageois élus et mis en place pendant la guerre contre les

russes. • Osher : dû annuel des fidèles en argent ou en biens à leur Mollah. • Samenack : préparation culinaire à base de grains de blé germés, riche en

protéines et en vitamines. (voir chapitre 5 sur l’alimentation et les recommandations pour les programmes nutritionnels).

• Ser : unité de mesure, environ 7kg. • Shewas : pâturages d’altitude ou estives du district de Baharak. • Shewashis : habitants des Shewas toute l’année, de religion ismaélienne (courant

chiite). • Shura : groupe de villageois. • Suture : homme qui va établir le contrat de mariage avec le père de la future

mariée. • Tchapack : terme utilisé à Baharak pour désigner les disques de fumier mélangés

à de la paille que les femmes font sécher sur les toits et les murs et les utilisent comme combustible.

• Tandur : four à pain circulaire, creusé dans le sol (le pain est cuit contre ses parois chaudes).

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

150

Liste des cartes

Carte 1: L'Afghanistan, une mosaïque de population (source : Le Monde Diplomatique, 1997)......................................................................................................................... 2

Carte 2: Les 13 districts de la province du Badakhshan (source Bassira.net) .................. 6

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

151

Liste des figures

Figure 1: Schéma actuel de la vallée de Baharak (2005). .............................................. 22 Figure 2: Schéma de l'évolution de l'agriculture de 1900 à nos jours dans la vallée de

Baharak (JC Duchier, 2006). .................................................................................. 23 Figure 3: Schéma des espaces sociaux de la vallée de Baharak (2005). ........................ 25 Figure 4: Schéma des 6 types de ménages de la vallée de Baharak issu du diagnostic (JC

Duchier, 2006). ....................................................................................................... 33 Figure 5: Schéma des rôles féminins selon la position génésique et matrimonial des

femmes. .................................................................................................................. 38 Figure 6 : Schéma de la transformation du lait en ses différents sous-produits. ............ 42 Figure 7:Schéma du cycle intergénérationnel de la malnutrition (MOH-UNICEF, 2003).

................................................................................................................................ 53 Figure 8: Schéma du lien entre agriculture et nutrition (C.DUFOUR, 2005, a)) ........... 54 Figure 9: Schéma des principales causes du « statut nutritionnel » d’un ménage (C.

Dufour, 2005, b)) .................................................................................................... 55 Figure 10: Typologie des consommateurs de la vallée de Baharak. .............................. 65 Figure 11: Organigramme du projet des jardins potagers pour le district de Baharak

(2005). .................................................................................................................... 69 Figure 12: Schémas des challenges des programmes de jardins potagers (2005). ......... 77 Figure 13: Les principaux challenges des groupes de femmes initiés par AAD (2005). 80 Figure 14 : L’approche systémique ................................................................................ 94 Figure 15 : Schéma de la vallée avant 1930 ................................................................. 108 Figure 16 : Schéma de la vallée entre 1930 et 1980..................................................... 109 Figure 17 : Schéma de la vallée de Baharak aujourd’hui ............................................. 110 Figure 18 : Schéma du cadre conceptuel des programmes d’Afghanaid ..................... 147

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

152

Liste des graphiques

Graphique 1: Part de pain consommée dans les apports énergétiques moyens d'un adulte de la zone (données 2005). (AE : Apports Energétiques, pdt: pomme de terre) .... 58

Graphique 2: Variabilité de l'alimentation moyenne des habitants de la vallée de Baharak selon les saisons (données 2005).............................................................. 60

Graphique 3: Comparaison des consommations (en volume d’aliments de base) des 20 ménages enquêtés dans la vallée (données 2005)................................................... 64

Graphique 4 : Coûts de l’alimentation de base selon les saisons (données 2005, Baharak) ............................................................................................................... 121

Graphique 5 : Comparaison des coûts des aliments de base et de leur origine (achetés ou produits)................................................................................................................ 146

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Liste des photographies

Photo 1 : Afghanes à Kaboul dans les années 70 (Source : www.negar.org) .................. 4 Photo 2: Femmes en Burka (à droite) et écolières (à gauche) de la vallée (juillet 2005).

................................................................................................................................ 20 Photo 3 : Petites filles devant un métier à tisser fabriqué et utilisé par les femmes de

Baharak (Octobre 2005). ........................................................................................ 34 Photo 4: Battage du yaourt dans le mashk (peau de veau). ............................................ 43 Photo 5 : Femmes pétrissant la pâte à gâteaux pour l’Eïd du Ramadan (Octobre 2005).

................................................................................................................................ 55 Photo 6: Boulanger de Baharak en plein travail (Octobre 2005). .................................. 61 Photo 7: Quelques femmes de Baharak participant à un Self Help Group (Octobre

2005)....................................................................................................................... 72 Photo 8: Ruches d'AAD préparées pour un apiculteur e Baharak (juillet 2005)............ 79 Photo 9 : Le début d’un partenariat entre le lycée agricole de Baharak et AAD (Octobre

2005)....................................................................................................................... 82

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Méthodologie de l'étude (2006)................................................................... 15 Tableau 2: Les principales activités agricoles des femmes de la vallée......................... 40 Tableau 3: Emploie du temps journalier « type » d'une femme de la vallée en été (2005)

................................................................................................................................ 47 Tableau 4: Disponibilité alimentaire en produits agricoles dans la vallée selon les

saisons..................................................................................................................... 59 Tableau 5: Historique du programme de jardins potagers à Baharak............................. 70 Tableau 6 : Présentation des enquêtes .......................................................................... 112 Tableaux 7 : Résultats statistiques de présentation des enquêtes ................................. 115 Tableau 8 : Estimation des quantités consommées en légumes et en viande ............... 119 Tableau 9 : Consommation des aliments de base maximale et minimale selon les saisons

.............................................................................................................................. 120 Tableau 10 : Tableau des coûts de l’alimentation de base moyenne selon les saisons :

.............................................................................................................................. 120 Tableaux 11 : Quantités consommées en aliments de base pour les ménages enquêtés

.............................................................................................................................. 123 Tableau 12 : Apport énergétique de l’alimentation de base des ménages enquêtés..... 139 Tableau 13 : Croisement des quantités consommées par les ménages avec la typologie

du diagnostic......................................................................................................... 140 Tableau 14 : Répartition des aliments achetés ou produits selon les ménages enquêtés :

.............................................................................................................................. 143 Tableau 15 : Coûts de consommation en pommes de terre pour les ménages enquêtés :

.............................................................................................................................. 143 Tableaux 16 : Coûts de consommation en riz, en sucre, en légumes frais, en blé et en

huile pour les ménages enquêtés : ........................................................................ 144 Tableaux 17 : Coûts de consommation en viande, noix et lait pour les ménages

enquêtés : .............................................................................................................. 145

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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Table des matières INTRODUCTION......................................................................................................................................1 1 CHAPITRE I : EN QUOI LA QUESTION DES FEMMES EST-ELLE AU CŒUR DES PROBLEMATIQUES DE RECONSTRUCTION EN AFGHANISTAN ?...........................................2

1.1 RAPIDE « VUE D’ENSEMBLE » DE L’AFGHANISTAN:...................................................................2 1.2 LES ENJEUX DE LA RECONSTRUCTION EN LIEN AVEC LA QUESTION DES FEMMES. .......................3

1.2.1 Améliorer la condition des femmes afghanes, plus qu’un enjeu médiatique ........................3 1.2.1.1 Rappel historique : la condition des femmes en Afghanistan depuis les années 70................... 3 1.2.1.2 Le nouveau ministère de la condition féminine......................................................................... 4

1.2.2 S’acheminer vers une démocratie plus paritaire. .................................................................5 1.2.2.1 Centralisation du gouvernement et démocratisation :................................................................ 5 1.2.2.2 Création de nouvelles dynamiques villageoises : ...................................................................... 7

1.2.3 Mieux contrôler les pouvoirs traditionnels dans les zones rurales: .....................................7 1.2.4 Rendre plus pertinents les programmes de développement à destination des femmes. ........8

1.2.4.1 Les difficultés du passage de l’urgence au développement: ...................................................... 8 1.2.4.2 Des programmes souvent mal adaptés à la demande des femmes. ............................................ 9 1.2.4.3 Le manque de coordination entre les organismes de développement met en péril leurs liens avec les bénéficiaires...................................................................................................................................... 9

1.3 LA PROBLEMATIQUE ................................................................................................................10 1.3.1 Qui sont les demandeurs d’une telle étude ? ......................................................................10

1.3.1.1 Le Groupe URD : .................................................................................................................... 10 1.3.1.2 Afghanaid (AAD).................................................................................................................... 10

1.3.2 En quoi le sujet de l’étude a-t-il évolué depuis l’arrivée sur le terrain et quels en ont été les nouveaux objectifs? .....................................................................................................................11 1.3.3 Quelles sont les hypothèses de travail ? .............................................................................12

1.4 METHODOLOGIE D’ETUDE ET D’ANALYSE DES DONNEES..........................................................15 1.5 LES LIMITES D’UNE TELLE ETUDE.............................................................................................17

1.5.1 Les limites liés au contexte social de la zone......................................................................17 1.5.2 Les limites liées à la méthodologie. ....................................................................................18 1.5.3 Les limites liées aux estimations chiffrées. .........................................................................18

2 CHAPITRE II: VULNERABILITE DES MENAGES DE LA VALLEE DE BAHARAK......20 2.1 LA VALLEE DE BAHARAK, « L’EDEN » DU BADAKHSHAN. ......................................................20

2.1.1 Vue d’ensemble de la zone d’étude.....................................................................................20 2.1.2 L’histoire agraire de la vallée marquée par une intensification agricole :........................23 2.1.3 Des productions longtemps valorisées : .............................................................................24

2.2 LES COMMUNAUTES ACTUELLES : UNE MOSAÏQUE DE POPULATIONS. ......................................25 2.2.1 Une société lignagère en réseaux :.....................................................................................26 2.2.2 Une organisation fondamentale : la famille. ......................................................................26 2.2.3 L’organisation minimale: le ménage..................................................................................27

2.3 LA SEGREGATION DES FEMMES ENCOURAGEE : ........................................................................29 2.4 LES FETES TEMOIGNENT DE L’ATTACHEMENT DES FEMMES AUX TRADITIONS..........................30 2.5 L’ACCES DES FEMMES A DES METIERS SALARIES:.....................................................................30 2.6 LE NOUVEAU BAZAR DIFFUSE LE MODELE DES SOCIETES MODERNES. ......................................30 2.7 TYPOLOGIE DES MENAGES LES PLUS VULNERABLES.................................................................31

2.7.1 Le choix de deux facteurs discriminants : la terre irriguée et le travail.............................31 2.7.2 Quels sont les ménages les plus vulnérables ? ...................................................................33 2.7.3 Les femmes, au cœur des stratégies de survie des ménages. ..............................................34

3 CHAPITRE III : LE ROLE DES FEMMES EN AGRICULTURE ET DANS L’ÉCONOMIE DES MENAGES. ......................................................................................................................................36

3.1 LES PRINCIPALES ACTIVITES DES FEMMES DANS LA VALLEE DE BAHARAK...............................36 3.2 FACTEURS DE DIVERSITE DES TACHES FEMININES ....................................................................36

3.2.1 Facteurs démographique et économique............................................................................36 3.2.2 Les statuts génésiques et maritaux des femmes. .................................................................37 3.2.3 Les relations entre femmes au sein d’un village. ................................................................39

3.3 LE ROLE DES FEMMES DANS L’AGRICULTURE...........................................................................39 3.3.1 Des activités féminines limitées dans l’espace : .................................................................39 3.3.2 Répartition des activités selon les saisons..........................................................................41 3.3.3 La transformation est surtout destinée à l’autoconsommation...........................................41

3.3.3.1 Le séchage des fruits et des légumes :..................................................................................... 41 3.3.3.2 La transformation du lait : ....................................................................................................... 42

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

156

3.3.3.3 La transformation de la laine et de la peau :............................................................................ 44 3.3.4 Historique des activités maraîchères et fruitières. .............................................................44

3.3.4.1 Une Histoire déjà ancienne pour les femmes des vallées. ....................................................... 44 3.3.4.2 Le retour des réfugiés et l’arrivée des ONGs ont permis le développement des productions de fruits et légumes. .......................................................................................................................................... 44 3.3.4.3 L’essor de la production maraîchère permet aux femmes de dégager des petits revenus. ....... 45

3.4 LES FEMMES ABSENTES DE LA GESTION ECONOMIQUE DU MENAGE, UN A PRIORI ? ..................45 3.4.1 L’héritage culturel limite l’accès aux prises de décisions financières. ..............................45

3.4.1.1 Les négociations autour du foncier sont réservées aux hommes ............................................. 45 3.4.1.2 Une femme ne doit pas négocier de grosses sommes d’argent................................................ 46

3.4.2 Les activités domestiques éloignent les femmes du budget de leur ménage. ......................46 3.4.2.1 Des tâches ménagères gérées au jour le jour, sans « budget prévisionnel ». ........................... 46 3.4.2.2 Les femmes n’ont pas le temps pour de nouvelles activités génératrices de revenus. ............. 46

3.4.3 Certaines femmes sont amenées à gérer seules une partie des dépenses du ménage. ........48 3.4.4 Les femmes participent à des échanges qui entrent dans l’économie des ménages............49

3.4.4.1 Les échanges avec les commerçants :...................................................................................... 49 3.4.4.2 Les échanges réciproques avec le proche voisinage. ............................................................... 49 3.4.4.3 Les dons ou échanges non réciproques, liés à la reconnaissance sociale................................. 49

3.4.5 Les femmes jouent un rôle capital dans la gestion des préparatifs de festivités.................50 3.4.6 Acquérir une « indépendance financière » ? ......................................................................51

4 CHAPITRE IV : LES FEMMES AU SEIN DES DYNAMIQUES DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE.......................................................................................................................................53

4.1 LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA NUTRITION EN AFGHANISTAN.................................................53 4.1.1 Encourager le « lien agri-nutrition » : ...............................................................................54 4.1.2 Intégrer les femmes dans les programmes nutritionnels. ...................................................54 4.1.3 Adapter les programmes nationaux au niveau local : ........................................................56

4.1.3.1 Les distributions alimentaires:................................................................................................. 56 4.1.3.2 Les programmes sur l’allaitement et la prévention des femmes enceintes: ............................. 56 4.1.3.3 Les programmes nutritionnels à l’école................................................................................... 56 4.1.3.4 Les programmes de fortification de la farine :......................................................................... 57

4.2 DYNAMIQUE DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE DANS LA VALLEE DE BAHARAK.....................57 4.2.1 Le pain, à la base de l’alimentation: ..................................................................................58 4.2.2 Une alimentation variable selon les saisons.......................................................................59 4.2.3 De nouvelles habitudes alimentaires :................................................................................60

4.2.3.1 L’achat de pain « blanc » en boulangerie. ............................................................................... 60 4.2.3.2 Moins de produits animaux ..................................................................................................... 62 4.2.3.3 De nouveaux fruits et légumes : .............................................................................................. 62 4.2.3.4 L’attrait des produits préemballés : ......................................................................................... 62 4.2.3.5 De nouveaux savoir-faire culinaires. ....................................................................................... 63

4.2.4 Une typologie des consommateurs basée sur les styles alimentaires .................................63 5 CHAPITRE V : IMPACT DES PROGRAMMES D’AFGHANAID .........................................68

5.1 DES PROGRAMMES POUR GROUPES VILLAGEOIS DE FEMMES. ...................................................68 5.2 LE PROJET DES JARDINS POTAGERS ..........................................................................................68 5.3 LES WOMEN RESSOURCE CENTER. ............................................................................................71 5.4 DES WOMEN’S GROUPS AUX SELF HELP GROUPS: .....................................................................72

6 CHAPITRE VI : AMELIORER LES PROGRAMMES DESTINES AUX FEMMES ............75 6.1 REPONSE A LA PROBLEMATIQUE : ............................................................................................75 6.2 PROPOSITIONS POUR LES PROGRAMMES DE KITCHEN GARDEN : ................................................77

6.2.1 De nouvelles techniques culturales : ..................................................................................77 6.2.2 Des groupes d’échanges de savoir-faire : ..........................................................................78

6.3 REVALORISER LES ACTIVITES DE TRANSFORMATION: ..............................................................78 6.3.1 Une petite unité de transformation de fruits et légumes. ....................................................78 6.3.2 Les produits de l’élevage domestique :...............................................................................79

6.4 APPUYER LES DYNAMIQUES COLLECTIVES EXISTANTES. ..........................................................80 6.4.1 Les fours communautaires :................................................................................................80 6.4.2 Des femmes leaders :..........................................................................................................80 6.4.3 De nouvelles activités pour les Women Ressources Center : .............................................81

6.5 AMELIORER LES PROGRAMMES NUTRITIONNELS ......................................................................81 6.6 COORDONNER LES ACTEURS LOCAUX DU DEVELOPPEMENT .....................................................82

CONCLUSION.........................................................................................................................................84 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................85

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Les femmes afghanes, au cœur de l’économie rurale

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TABLE DES ANNEXES..........................................................................................................................87 ABREVIATIONS ET ACRONYMES..................................................................................................148 GLOSSAIRE DES MOTS EN DARI....................................................................................................149 LISTE DES CARTES ............................................................................................................................150 LISTE DES FIGURES...........................................................................................................................151 LISTE DES GRAPHIQUES..................................................................................................................152 LISTE DES PHOTOGRAPHIES .........................................................................................................153 LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................................................154 TABLE DES MATIERES .....................................................................................................................155