LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS À GAZA (1946-1987)

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    1/13

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    2/13

    VINGTIME SICLE. REVUE DHISTOIRE, 115, JUILLET-SEPTEMBRE 2012, p. 3-14 3

    Les fondements historiques du Hamas Gaza (1946-1987)Jean-Pierre Filiu

    Les dbats actuels sur les origines du mou- vement Hamas sont intimement lis laquestion de sa lgitimit incarner le com-

    bat nationaliste contre Isral. Cet article vise dpasser ce postulat et rompre avecles deux lgendes symtriques qui polari-sent jusqu aujourdhui lhistoriographieconsacre au Hamas : lune, officielle ,qui en fait un mouvement viscralementindpendant de toute manipulation tran-gre (gyptienne ou isralienne) ; lautre, linverse, qui en fait une simple cration desservices secrets israliens, destine met-tre en chec le Fatah de Yasser Arafat. Ensappuyant essentiellement sur des sour-ces locales en arabe, lauteur montre quela ralit est plus complexe et que seule lalongue dure permet de saisir toutes lescomposantes dun mouvement qui est, entous cas aujourdhui, profondment enra-cin Gaza.

    Le mouvement Hamas, fond dans la bande deGaza en dcembre 1987, a suscit un nombreconsidrable dtudes, douvrages et danaly-ses, surtout depuis sa victoire aux lgislativespalestiniennes, en janvier 2006, et sa prise decontrle de Gaza, en juin 20071. Les fonde-

    (1) Hamas est lacronyme arabe du Mouvement de la rsis-tance islamique (harakat al-muqwama al-islamiyya). Le terme Hamas signifie zle, enthousiasme, ferveur, voire exalta-tion. Le travail pionnier tous gards sur ce sujet est Jean-Franois Legrain, Les Voix du soulvement palestinien, Le Caire,CEDEJ, 1991.

    ments historiques de ce parti, qui mane de branche des Frres musulmans tablie Gazen 1946, restent cependant peu tudis, alor

    mme que deux interprtations contraires sonlargement diffuses.La premire de ces interprtations relve d

    lhistoire officielle du Hamas, qui se prsente comme lhritier dune ligne militantdune sourcilleuse indpendance envers toules rgimes arabes, remontant jusqu Ezzdine al-Qassam, religieux syrien tomb learmes la main face larme britannique novembre 19352. Cette histoire officielle ,martele dans les publications du Hamas dtes aujourdhui Gaza, nie la moindre soltion de continuit sur les soixante-dix dernires annes, comme si les Frres musulmanavaient toujours t lavant-garde et au cdu combat nationaliste3. Cette prtention visenaturellement discrditer les autres factionpalestiniennes, commencer par le Fatahidentifi lactuelle Autorit palestinienne Ramallah.

    La seconde de ces interprtations prsentle Hamas comme un golem , une cratiodes services israliens Gaza, en vue dy di

    (2) La branche arme du Hamas, qualifie de brigades (katib, aussi traduit par bataillons ), a pris le nom dEzzedine al-Qassam et les roquettes artisanales tires par le Hamsur Isral sont, dans le mme esprit, des Qassam .

    (3) Voir, par exemple, les hagiographies des martyrs dHamas comme Falah Salama Sudfi et Atadal Saadallah Qana Assad al-muqawma, al-shahd duktr Abd al-Azz al-Rantss(le lion de la rsistance, le martyr docteur Abdelaziz RantisGaza, Maktab al-Jil, 2010, ou bien Yahya Sanwar, Al-Majd (lagloire), Gaza, Waed, 2009.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    3/13

    JEAN-PIERRE FILIU

    4

    ser et dy affaiblir le courant nationaliste1. Lefait que ce golem ait fini par se retournercontre ses matres, conformment dailleurs la parabole juive, est intgr cet argumentairepolmique, dont laxe majeur est le boycottagepar les Frres musulmans de la rsistance anti-isralienne mene par toutes les autres tendan-ces prsentes dans la bande de Gaza, aprs loc-cupation de juin 1967. Pour les tenants de cette contre-histoire du Hamas, il nest pas denationalisme authentique en dehors de lOr-ganisation de libration de la Palestine (OLP),

    fonde en 1964, et prise en main par Yasser Arafat et le Fatah en 1969.Une tude approfondie de la priode qui va

    de la fondation des Frres musulmans Gaza,en 1946, jusquau lancement du Hamas, en1987, ne valide pourtant aucune de ces deuxinterprtations tranches. En effet, les Frresmusulmans, loin davoir t en position conflic-tuelle avec le rgime gyptien tout au long desdeux dcennies de son administration de Gaza(1948-1967), se voient offrir en 1952 la direc-tion de la municipalit de Gaza. En outre, cestde la matrice des Frres musulmans que vontmerger Gaza les groupes arms, au premierrang desquels le Fatah. Enfin, les autorits isra-liennes vont certes laisser les militants islamis-tes attaquer en 1980 leurs rivaux palestiniensaccuss de communisme , mais cest avec lesoutien du Fatah que cette offensive contre lagauche arabe a t mene Gaza. Cet article sepropose dclairer de manire originale ces dif-frents points, en sappuyant sur diverses sour-ces, primaires ou secondaires, essentiellementen arabe, ainsi que sur des entretiens conduits Gaza en novembre 2010 (le fait que les Fr-

    (1) Le Golem est, dans la tradition juive, ltre cr par unkabbaliste de Prague, au 16e sicle, qui a fini par lui chap-per. Le terme de golem pour dcrire les rseaux des Frresmusulmans Gaza est utilis par Avner Cohen, conseiller reli-gieux du gouverneur isralien de Gaza, dans une note internede mars 1984, cite dans Charles Enderlin, Le Grand Aveugle-ment , Paris, Albin Michel, 2009, p. 117.

    res musulmans naient eu quune phmreexistence lgale dans la bande de Gaza, durantla priode tudie, limite considrablement ladocumentation partisane disponible).Les Frres musulmans lombre delgypte Gaza et la naissance du FatahLgyptien Hassan al-Banna na que 21 anslorsquil fonde, en mars 1928, les Frres musul-mans (al-Ikhwn al-Muslimn). Instituteur Ismaliyya, nourri de culture religieuse auprsdun pre form luniversit Al-Azhar, Banna

    est aussi initi au sein dune communaut sou-fie de la rgion du Delta. Son ambition est, rebours du caractre litiste de ces ordres mys-tiques, dtablir un mouvement authentique-ment populaire alliant rgnration moralede lIslam en gypte et restauration politiquedes droits de son peuple, face au colonialismebritannique. Le jihad est au cur de la doc-trine des Frres musulmans, aussi bien danssa dimension spirituelle de jihad majeur ,contre les forces du mal, que dans sa dimensionmilitante, voire militaire de jihad mineur contre les ennemis de lIslam. Il sagit en ce casdun jihad dfensif , que chaque musulmanest enjoint de livrer jusqu la libration de saterre2. Paralllement aux protestations contrele protectorat britannique en gypte, les Fr-res musulmans organisent des campagnes deplus en plus importantes sur le thme de la

    Palestine, qui les distinguent des autres forma-tions politiques et contribuent largir lassisedu mouvement en gypte mme3.

    Lorsque Ezzeddine al-Qassam, juge reli-gieux (qdhi ) Hafa, lance la gurilla antibri-tannique en Palestine centrale, en 1935, il lefait au nom du jihad. Et la milice nationalisteconstitue autour de Jrusalem, en 1936, par

    (2) Pour une prsentation sommaire des diffrentes doc-trines du jihad, voir Jean-Pierre Filiu, Les Frontires du jihad ,Paris, Fayard, 2006, p. 25-26 et 36-38.

    (3) Awatif Abderrahmane, Masr wa Filistn (lgypte et laPalestine), Le Caire, Aam al-Maarifa, 1990, p. 115.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    4/13

    LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA

    5

    Abdelkader al-Husseini, prend pour appella-tion le Jihad sacr (al-jihd al-muqaddas ). Mais le mufti de Jrusalem, Hajj Amine al-Husseini, oncle dAbdelkader, qui est la figurede proue de cette Grande Rvolte ne donnepas suite aux propositions de Banna denvoi de volontaires gyptiens. Cette passivit imposepar les nationalistes palestiniens est acceptepar Banna, mais refuse par Ahmad Rifaat, unmilitant estudiantin, qui fait scession des Fr-res musulmans gyptiens pour partir combat-tre en Palestine. Il y trouve la mort dans des

    circonstances obscures, aux mains de gurille-ros palestiniens quil prtendait assister, et quiont sans doute souponn une tentative din-filtration britannique1. Il faut attendre octo-bre 1945 pour que les Frres musulmans, quiont alors dvelopp leur mouvement en gypte jusqu y atteindre un demi-million de mem-bres, se sentent assez forts pour ouvrir Jrusa-lem, et sous la direction de Sad Ramadan, leurbranche pour la Palestine2.

    Le fer de lance du jihad La section de Gaza des Frres musulmans dePalestine est tablie le 25 novembre 19463. Ladate est choisie pour concider avec le nou- vel an 1366 du calendrier islamique, mais lelieu est le trs profane cinma Samer, ouvertau centre-ville durant le second conflit mon-dial. La Confrrie met en avant deux sexa-gnaires respects Gaza : le cheikh OmarSawan, magistrat la retraite, a effectu unebrillante carrire sous lEmpire ottoman (avecune nomination au Ymen contre la volontde limam de Sanaa4), puis en Palestine man-

    (1) Abd Al-Fattah Al-Awaisi,The Muslim Brothers and the Palestine Question, 1928-1947 , Londres, I. B. Tauris, 1999,p. 95-96.

    (2) Ibid ., p. 135.(3) Invitation reproduite dans Ahmed Mohammed al-Saati,

    Al-tattawr al-thaqf f Ghazza (lvolution culturelle Gaza),Gaza, Universit islamique, 2005, t. II, p. 110.

    (4) Noman Abdelhadi Faysal, Alm min jl al-ruwd min

    dataire ; son adjoint est le cheikh Abdallaal-Qaychawi, prcheur de la grande mosqude Gaza et membre actif de sa chambre dcommerce et grand pourfendeur des vellitmissionnaires5. Mais lhomme cl est le secr-taire gnral de la section de Gaza, Zafer Shawdune gnration plus jeune que les cheikhSawan et Qaychawi, qui a dj une expriennourrie dorganisation de la jeunesse dans dclubs sportifs ou les Scouts islamiques6. Tousles trois appartiennent des familles de notbles, tablies de longue date Gaza7.

    La structure des Frres musulmans en Palestine demeure trs intgre lappareil gyptien de la Confrrie et la section de Gaza efrquemment visite par des responsables dla maison-mre cairote8. mesure que sap-proche la fin du mandat britannique, la Paletine devient pour Hassan al-Banna le thtrprincipal de mobilisation, o il compte pesdans le jihad antisioniste et former des combattants capables de passer laction rvoltionnaire leur retour en gypte. la fin dlhiver 1947-1948, les forces britanniques orenonc de fait assurer ladministration ddistrict de Gaza, ce qui ne peut que favorisla minorit active des Frres musulmans. D19 au 22 mars 1948, Banna vient lui-mme g vaniser ses partisans sur place et inaugurer lebase de Nusseyrat9. Au cours du mois davril,des commandos islamistes, aussi bien palesniens qugyptiens, harclent les colonies ju ves du secteur, sans grand rsultat10. Des offi-

    Ghazzatu Hshem (figures de la gnration des pionniers dansla Gaza de Hachem), Gaza, Dar al-Duktur, 2010, p. 446.

    (5) Ibid ., p. 610-612.(6) Ibid ., p. 417.(7) Pour les arbres gnalogiques des Shawa, des Sawan

    des Qaychawi (dans cet ordre), voir Uthman Mustapha Taba Ithf al-izza f tarkh Ghazza (contributions la gloire de lhis-toire de Gaza), Gaza, Al-Yazji, 1950, 1999, vol. 3, p. 255-2281 et 393.

    (8) Abd Al-Fattah Al-Awaisi,op. cit ., p. 161.(9) Ibid ., p. 208.(10) Ham Levenberg,The Military Preparation of the Arab

    Community in Palestine, Londres, Frank Cass, 1993, p. 177.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    5/13

    JEAN-PIERRE FILIU

    6

    ciers gyptiens sont infiltrs en Palestine pourencadrer ces militants, notamment, le 10 mai,lors de lassaut (infructueux) contre le kibboutzKfar Darom1.La proclamation de ltat dIsral, le 14 mai1948, la veille du terme du mandat britanniquesur la Palestine, provoque lintervention desarmes arabes, dont dix mille militaires gyp-tiens dans le secteur de Gaza, ce qui margina-lise le rle des irrguliers islamistes. En outre,Hajj Amine al-Husseini charge Jamal Sourani,le fils dun ancien maire de Gaza, de rorga-

    niser la milice nationaliste du Jihad sacr dans le Sud de la Palestine2. Certes, les Frresmusulmans contribuent la prise de Yad Mor-dechai, le 24 mai, et ils semparent de la posi-tion dAsluj, le 17 juillet3. Mais leur refus desintgrer lordre de bataille ou de respecterles trves dtriore leurs relations avec larmegyptienne, dautant que la Confrrie mnecampagne sur le thme de la trahison des

    rgimes arabes face aux conqutes sionistes.La tension monte tellement au Caire que lePremier ministre, Mahmoud Noqrashi, dcrte,le 8 dcembre, linterdiction des Frres musul-mans et la confiscation de tous leurs biens. Lesmilitants islamistes se vengent en assassinant lePremier ministre, vingt jours plus tard. Et lecycle de violence se poursuit avec le meurtre,le 12 fvrier 1949, de Hassan al-Banna. La pro-

    pagande des Frres musulmans ne cessera plus,ds lors, de le reprsenter comme un mar-tyr , tomb pour avoir trop dfendu la Pales-tine, tandis que la milice islamiste sera censeavoir sauv en 1948 lhonneur arabe dvoypar les rgimes et leurs armes.

    (1) Awda Mohammed Ben Ayyash, Rafah, madna ala al-hudd(Rafah, une ville sur les frontires), Gaza, Centre cultu-rel Rashad Shawa, 2002, p. 93.

    (2) Noman Abdelhadi Faysal,op. cit ., p. 455-456.(3) Abd Al-Fattah Al-Awaisi,op. cit ., p. 209.

    Frres et fedayines Larmistice isralo-gyptien, sign le 24 fvrier1949 Rhodes, sous lgide des Nations unies,dfinit par la ligne de dmarcation entre les bel-ligrants le seul territoire de lancienne Pales-tine mandataire ntre ni incorpor Isral, niannex la Jordanie. Cette bande de Gaza de trois cent soixante kilomtres carrs compte,aux cts de ses quatre-vingt mille habitantsdorigine, quelque deux cent mille rfugis quiont tout perdu durant le rcent conflit et que lesNations unies installent dans huit camps tho-

    riquement provisoires. Les agglomrations de Jabalya, Deir al-Balah, Khan Younes et Rafah(du Nord au Sud du territoire) abritent moinsdhabitants que les camps de rfugis qui leursont accols et un camp de la Plage (Beachcamp, Shati en arabe) est implant dans le pro-longement du littoral de la ville de Gaza. Lad-ministration gyptienne, dirige par un gouver-neur militaire, avec rang de gnral, contrle

    la fonction publique locale, hrite du mandatbritannique, mais toffe par des cadres dpla-cs du reste du pays4. Les Nations unies assu-rent, du fait de leur assistance multiforme auxrfugis palestiniens, jusqu 20 % du PNB duterritoire, mais la gestion quotidienne commeles infrastructures publiques sont du ressort delgypte.

    Les Frres musulmans, interdits Gaza au

    mme moment quen gypte, sy reconsti-tuent rapidement une faade lgale. Le 18 mai1949, Zafer Shawa, lancien secrtaire gn-ral de la Confrrie pour Gaza, devient le res-ponsable de l Association de lUnification ( jamiyyat al-tawhd ), dont les objectifs sontdfinis en termes trs gnraux : la diffu-sion de la foi et sa consolidation dans lmedes musulmans , la rforme gnrale et

    (4) Ilana Feldman,Governing Gaza, 1917-58, Durham, DukeUniversity Press, 2008, p. 102-103.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    6/13

    LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA

    7

    la justice sociale 1. LAssociation est cense dcourager ses membres de sengager dansla politique partisane 2. Les activits socialeset culturelles de lAssociation saccompagnentde camps de jeunesse, o Shawa met profitson exprience chez les Scouts islamiques. Uneformation de base au maniement des armes estdispense aux membres les plus dtermins3.Les Frres musulmans dveloppent ainsi leursrseaux, notamment dans les camps de rfu-gis, et peuvent compter dans toute la bandede Gaza sur une dizaine de sections (usra, litt-

    ralement famille ).Six jeunes militants des Frres musulmansde Gaza, Fathi Balawi, Salah Khalaf, Kha-lil al-Wazir, Youssef al-Najjar, Kamal Adwaneet Assad Saftaoui, tous rfugis dans le terri-toire en 1948, se distinguent par leur activisme.Ils sont rejoints par Selim Zaanoun, le seulmembre de cette jeune garde tre n Gaza4. Balawi et Khalaf poursuivent leurs tu-des au Caire, o ils simpliquent dans lUniondes tudiants palestiniens (UEP). Cest l quilsse lient avec Yasser Arafat, le fils dun commer-ant de la bande de Gaza, qui se serait radicalisavant 1948 au sein des Futuwwa, les Jeunessesislamiques (distinctes des Frres musulmans). Arafat nest pas un membre actif de la Confr-rie et il reprsente le compagnon de route idal pour Balawi et Khalaf, qui se mobilisent

    (1) Le concept dunification (tawhd ) renvoie la profes-sion de foi islamique sur lunicit de Dieu. Mais il a pris unedimension plus militante avec la prdication dAbd al-Wahhab(1703-1787) en Arabie centrale : ses disciples wahhabites se dnomment eux-mmes lesmuwahhidn, soit les adeptes dutawhd . Les partisans des diffrents mouvements fondamentalis-tes mettent en avant letawhdpour justifier leur exclusive len-contre des autres expressions de lIslam, voire leur rpression.

    (2) Statuts de lassociation reproduits dans Ahmed Moham-med Saati,op. cit., t. II, p. 109.

    (3) Beverley Milton-Edwards, Islamic Politics in Palestine,Londres, I. B. Tauris, 1996, p. 43-44.

    (4) Fathi Balawi est n en 1929 prs de Tulkarem, SalahKhalaf est n en 1933 Jaffa, Youssef al-Najjar est n en 1930 Yibna, Khalil al-Wazir, Kamal Adwane et Assad Saftaoui sontns en 1935, respectivement Ramla, Barbara et Majdal(lactuelle Ashkelon).

    pour assurer, en septembre 1952, son lectio la tte de lUEP du Caire5. Ces trois militantspalestiniens, unis par la mme passion natinaliste, esprent pouvoir dpasser lactivismestudiantin pour passer laction, et la bandde Gaza si proche, laquelle ils sont tous ltrois lis, apparat comme le dbouch naturde leurs aspirations.

    La rvolution des Officiers libres, en juillet 1952, renverse la monarchie gyptiennLes Frres musulmans appuient sans rserve junte rpublicaine, mais leur favori y est le g

    ral Mohammed Neguib, plutt que le coloneGamal Abdel Nasser, un ancien membre de Confrrie, qui la quitte en 1949. Le mouvment islamiste est en tout cas rcompens dson soutien Gaza, o le gouverneur gyptien nomme le cheikh Omar Sawan la ttde la municipalit. La Confrrie organise auslacheminement par trains gyptiens dune aihumanitaire que ses militants distribuent danla bande de Gaza6. Les Frres musulmans sen-gagent en contrepartie suspendre les infiltrtions menes en Isral par leurs partisans asein des forces de scurit de Gaza. Cette dcsion est combattue par les jeunes militants lplus dtermins, qui constituent deux groupucules dadolescents sous la direction respectidKhalil al-Wazir et de Salah Khalaf7. Wazirchoisit le nom de guerre dAbou Jihad et satche la loyaut sans faille dAdwane, tandis q

    Khalaf prend le pseudonyme dAbou Iyad, av ses cts Saftaoui et Zaanoun8.Ce sourcilleux quilibre des Frres musu

    mans conforte leur position Gaza, o ils so

    (5) Abou Iyad (Salah Khalaf), Palestinien sans patrie, Paris,Fayolle, 1978, p. 45 ; Hassan Balawi,Dans les coulisses du mouve-ment national palestinien, Paris, Denol, 2008, p. 55.

    (6) Hussein Abu Naml,Qit Ghazza, 1948-1967 (la bandede Gaza, 1948-1967), Beyrouth, Centre dtudes et de recher-ches palestiniennes, 1979, p. 67.

    (7) Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State,Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 81-82 ; Saqr AbFakhr, Gense des organisations de la rsistance palestnienne , Revue dtudes palestiniennes , 81, automne 2001, p. 50.

    (8) Noman Abdelhadi Faysal,op. cit ., p. 433.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    7/13

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    8/13

    LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA

    9

    dun groupuscule clandestin, mais il finit partre expuls vers le Kowet. Cest l quArafat, Abou Jihad et lui fondent en octobre 1959 le mouvement palestinien de libration , dsi-gn sous le nom de Fatah1. Adwane et Najjarparticipent cette initiative clandestine et sontbientt rejoints par Balawi et Zaanoun. Cestdire combien la composante des anciens isla-mistes de Gaza est dominante dans ce premiercercle du Fatah. Seul Saftaoui est demeur surplace, comme enseignant, puis proviseur dansdes coles des camps de rfugis, et il garde le

    contact avec lorganisation grce aux missionsque Mahmoud Abbas (Abou Mazen), un autredes fondateurs du Fatah, effectue Gaza autitre du ministre de lducation du Qatar2.

    Les militants islamistes de Gaza se veu-lent bien loin de cette agitation nationaliste,concentrs quils sont sur la survie des Fr-res musulmans comme organisation. Les figu-res paternelles des cheikhs Sawan et Qaychawisteignent respectivement en 1958 et 1962,tandis que Zafer Shawa est troitement sur- veill, et souvent harcel par la scurit gyp-tienne. Les Frres musulmans restent pas-sifs lors du lancement en 1964, linitiative delgypte, de lOrganisation de libration de laPalestine (OLP), qui recrute des milliers demembres dans la bande de Gaza. Cest cettepoque que se forge la vision islamiste de Nas-ser comme un tyran , voire un nouveau pharaon .

    Cest aussi dans ce contexte quAhmad Yas-sine, un pieux enseignant du camp de rfugisde Shati, mitoyen de la ville mme de Gaza, voit son audience progressivement grandir. Nen 1936 Joura, un village proche de lactuelle

    (1) Fatah est lacronyme arabe invers de Mouvementpalestinien de libration (harakat al-tahrr al-filistiniyya) etle Fatah, parfois orthographi Fath, dsigne dans lhistoriogra-phie arabe aussi bien la prise de La Mecque par le prophte Mohammed que les conqutes ( fath, pluriel futht ) menesau nom de lIslam.

    (2) Hassan Balawi,op. cit ., p. 67.

    Ashkelon, Yassine a rejoint les Frres musumans assez jeune, mais il a toujours suivi uligne moralisante, accordant la priorit la retauration spirituelle sur toute forme de militantisme actif. Immobilis dans une chaise rolante par une infirmit prcoce, Yassine prchdune voix tnue la mosque de Shati. Mmsil na accompli aucune tude religieuse (i juste parfait son cursus denseignant par uformation en arabe et en anglais lunivesit gyptienne dAn Chams), il est qualifi cheikh par le cercle de plus en plus larg

    de ses fidles.En aot 1965, Nasser accuse les Fr-res musulmans de tenter de se reconstituer eune nouvelle campagne darrestations frapples rangs islamistes. Sayyid Qotb, lidologgyptien de la Confrrie, incarcr cette occsion, est pendu un an plus tard. Gaza mmHani Bseisso, qui dirige clandestinement branche locale des Frres musulmans, est arret expuls vers le Golfe. Ahmad Yassine est aussi emprisonn, mais son absence denggement politique lui permet dtre assez vilibr3. Cest ainsi que le cheikh Yassine g d peine 30 ans, occupe le vide laiss pllimination des autres dirigeants de la Confrrie Gaza.

    Les deux dcennies dadministration gyptienne Gaza (de mai 1948 juin 1967, avlintermde des quatre mois doccupatioisralienne en 1956-1957) ont fini par produire un clivage durable au sein de lapparlocal des Frres musulmans, lui-mme trmarqu par lislamisme gyptien. La disprition des cheikhs et des notables qui avaiefond la section de Gaza de la Confrrie esuivie dune rpression intense, qui fait dAmed Yassine le responsable par dfaut durseau rescap et le convainc du bien-fonddune posture strictement lgaliste. Quant au

    (3) Noman Abdelhadi Faysal,op. cit ., p. 684.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    9/13

    JEAN-PIERRE FILIU

    10

    dissidents des Frres musulmans de Gaza, quiont lanc en 1959 le Fatah depuis leur exil dansle Golfe, ils sont aussi en butte la rpressionnassrienne et sont accuss par Le Caire defaire le jeu dIsral, du fait de leurs provoca-tions armes.

    Le nationalisme palestinien est en 1967domin dans la bande de Gaza par les forcesalignes sur lgypte : les nationalistes arabes,inspirs par Georges Habache, dune part, etlOrganisation de libration de la Palestine,dautre part, qui a pu se doter dune Arme

    (ALP), en fait des units suppltives intgresau dispositif gyptien. Les militants palesti-niens issus de la matrice des Frres musulmanssont, en revanche, trs affaiblis, soit quils aientopt pour le profil bas du cheikh Yassine,soit quils aient ralli les rares cellules du Fatah. Au sein de la direction de ce mouvement, seul Abou Jihad ne dsespre pas de reprendre piedun jour dans la bande de Gaza, alors que Yasser

    Arafat ou Abou Iyad simpliquent nettementplus en Cisjordanie ou en Jordanie.

    Les Frres musulmans sous occupationisralienne Gaza et le dveloppementdu FatahLoffensive isralienne contre lgypte, laubedu 5 juin 1967, dbouche trs vite sur une atta-que blinde de la bande de Gaza o, aprs desvres combats Rafah et Khan Younes,le gouverneur gyptien capitule, au matin du7 juin. Mais, instruits par lexprience de laprcdente occupation isralienne, les rseauxnationalistes demeurent sur place, notammentles combattants de lArme de libration de laPalestine (ALP). LALP perd dans la dbandadegyptienne sa fonction de suppltif du Caire, etelle acquiert ainsi une vritable indpendanceoprationnelle. Les diffrents partis politiquessaccordent secrtement pour constituer laplus vaste alliance possible face lenvahisseur.

    Communistes, baasistes, nationalistes arabes1 et syndicalistes se retrouvent autour de person-nalits connues pour leur patriotisme, tel Hay-dar Abdel Shafi, un des membres fondateursde lOLP, ou Mounir Rayess, le maire de Gazadpos par les Israliens en 19572.

    Il parat vident toutes ces parties prenan-tes que les Frres musulmans vont se joindre cette union sacre contre loccupant pour sen-gager dans une rsistance, au moins de typecivil comme en 1956-1957. Quelle nest doncpas la surprise de lmissaire dpch auprs

    du cheikh Yassine lorsquil sentend oppo-ser un refus catgorique3. Il sagit bel et biendune dcision consciente , endosse parlappareil local des Frres musulmans, qui ne veut pas compromettre, dans une confronta-tion juge perdue davance avec Isral, ce qui apu tre prserv de la rpression nassrienne4.La littrature islamiste est alors dune rare vio-lence lencontre du rgime gyptien dfait en juin 1967, voyant dans cette humiliation le ch-timent inflig aux faux prophtes de la libra-tion et de la rvolution, aux hros mensongersqui ont dnatur leurs peuples, qui ont exilles prcheurs de lIslam, qui ont jet en pri-son la jeunesse musulmane la plus pure, qui ontcombattu toute prdication islamique sincre,non sans encourager la corruption morale,la dviance intellectuelle et les modes de vieimports5 .

    (1) Le Mouvement des nationalistes arabes (MNA), qui abnfici Gaza du soutien de Nasser et de ses services, sef-fondre en juin 1967, mais il est relanc six mois plus tard par ladcision de deux de ses dirigeants palestiniens, Georges Haba-che et Wadih Haddad, de transformer la branche palestiniennedu MNA en organisation autonome, qui amalgame deux grou-puscules fedayines pour constituer le Front populaire de lib-ration de la Palestine (FPLP).

    (2) Abdelkader Yassine,Umr f al-manf (une existence enexil), Damas, Dar al-Wataniyya al-Jadida, 2009, p. 61-62.

    (3) Entretien avec Ghazi Sourani, Gaza, 9 novembre 2010.(4) Expression dun dirigeant des Frres musulmans de

    Gaza, cite dans Beverley Milton-Edwards,op. cit ., p. 92.(5) Cit dans Adnan Abou Amir, Al-haraka al-islamiyya f

    qit Ghazza (le mouvement islamique dans la bande de Gaza), Le Caire, Markaz al-Alam al-araby, 2006, p. 17.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    10/13

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    11/13

    JEAN-PIERRE FILIU

    12

    Yazouri, que lon retrouvera aux commandesdu Hamas une quinzaine dannes plus tard.

    Les Frres musulmans de la bande de Gaza,qui ntaient quune cinquantaine en 1969,profitent du dveloppement du Mujamma pourrecruter de plus en plus largement1. Leur orga-nisation islamiste est dirige par un conseilexcutif , ou bureau de sept membres, lui-mme adoss un conseil consultatif (majlisal-shra) reprsentatif des cinq secteurs du ter-ritoire : Gaza, Khan Younes, Rafah, Nord (BeitHanoun, Jabalya et Beit Lahya) et Centre (Deir

    al-Balah, Nusseyrat et Maghazi)2

    . Coupe dela maison-mre gyptienne, elle noue des rap-ports de plus en plus troits avec la branche jor-danienne des Frres musulmans, dont dpendlappareil islamiste en Cisjordanie3. En 1976, laConfrrie tend son dispositif Gaza en insti-tuant une organisation caritative, lAssociationislamique (al-Jamiyya al-islmiyya), qui admi-nistre un dispensaire dans le camp de Shati,sous lautorit de Khalil al-Qawqa, limam dela mosque du camp4.

    Un combat anti-communiste avant dtreanti-isralienLa dcision isralienne daccorder, en sep-tembre 1979, une autorisation officielle au Mujamma sinscrit dans lpreuve de forceentre les autorits doccupation et le courantnationaliste, dtermin refuser lautono-mie prvue dans le trait de paix rcemmentsign entre Isral et lgypte5. Le Mujamma

    (1) Adnan Abou Amir,op. cit ., p. 36.(2) Ibid ., p. 35.(3) Les Frres musulmans jouissent en effet dun statut lgal

    en Jordanie, dont ils ont endoss les vises annexionnistes surla Cisjordanie, do une organisation islamiste gre depuis Amman, mais active sur les deux rives du Jourdain.

    (4) Adnan Abou Amir,op. cit ., p. 48.(5) Le trait sign entre Menahem Begin et Anouar Sadate,

    le 26 mars 1979 Washington, est laboutissement des ngo-ciations menes Camp David, en septembre 1978, souslgide de Jimmy Carter. Il comporte deux volets, lun sur lapaix isralo-gyptienne proprement dite, lautre sur la question

    tire de cette autorisation des facilits accruesdorganisation administrative et de mobilisa-tion financire. Le cheikh Yassine se croit assezfort pour prendre le contrle du seul vritableconcurrent du Mujamma dans le champ social,le Croissant rouge de Gaza, quHaydar AbdelShafi a fond en 1972 et a transform en bas-tion nationaliste.

    Les Frres musulmans sont encourags danscette manuvre par le Fatah, car Abou Jihad,exil avec la direction de lOLP Beyrouth, veut reprendre la main sur les communistes

    et le FPLP Gaza. Lartisan de ce rapproche-ment antimarxiste est Assad Saftaoui, le seuldes anciens fedayines islamistes de Gaza nepas avoir rejoint le Golfe lors de la fondationdu Fatah, deux dcennies plus tt. Saftaoui,second par Yazouri du Mujamma, se prsentecontre Abdel Shafi la prsidence du Croissantrouge, mais le vote des quelque quatre millemembres de lassociation, en dcembre 1979,donne une trs large victoire la direction sor-tante. En reprsailles, plusieurs centaines demanifestants islamistes saccagent les locauxdu Croissant rouge, le 7 janvier 1980, avantde sattaquer des cafs, des vidoclubs ou desdbits de boisson au centre-ville. Les nationa-listes dnoncent la passivit avre de larmeisralienne lors de ces violences6.

    Les annes suivantes sont mailles dinci-dents du mme ordre, o les partisans du cheikh Yassine brutalisent leurs adversaires palesti-niens, qualifis de communistes . Mais lesagressions du Mujamma, initialement centressur le FPLP marxisant et ses allis, se tour-nent bientt contre le Fatah lui-mme, notam-ment lors des luttes acharnes que se livrent lesdeux mouvements pour le contrle de lUni- versit islamique de Gaza, le seul tablisse-

    palestinienne. Ce second volet envisage lautonomie despopulations de la Cisjordanie et de Gaza, dont les territoiresdemeurent sous occupation isralienne.

    (6) Beverley Milton-Edwards,op. cit ., p. 106-107.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    12/13

    LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA

    13

    ment denseignement suprieur du territoire,tabli en 1978. En janvier 1983, le Bloc isla-mique , manation du Mujamma, remporte51 % des votes lors des lections estudiantinesde lUniversit de Gaza et il impose sa loi sur lecampus1. Les Frres musulmans de Gaza parti-cipent galement des dmonstrations de forceislamistes en Cisjordanie, o la polarisation dela scne palestinienne favorise leur implanta-tion. Ces tensions sont exacerbes par la crisede lOLP, expulse du Liban par larme isra-lienne lt 1982, et confronte une dissi-

    dence manipule par la Syrie depuis le prin-temps 1983.En juin 1984, la dcouverte par larme

    isralienne dune soixantaine de pistolets etde mitraillettes, caches dans la mosque decheikh Yassine, entrane larrestation du fonda-teur du Mujamma et sa condamnation treizeans de prison. Mme si ces armes taient avanttout destines intimider les autres factionspalestiniennes, lincarcration de Yassine per-met ses partisans de le laver de tous les soup-ons de collusion avec Isral2. Le dirigeantislamiste est libr ds mai 1985, dans le cadredun accord dchange de prisonniers entreIsral et un groupe dissident de lOLP, bas Damas, le FPLP-Commandement gnral(FPLP-CG). Rantissi et Yazouri grent dsor-mais le Mujamma au nom du cheikh Yassine,dont le prestige, magnifi par cette incarcra-tion dun an, saccrot bien au-del de la mou- vance islamiste.

    Les Frres musulmans nont pourtant pasamend leur ligne de refus de la confrontationavec Isral. Ils ont largement profit, sous loc-cupation, du doublement du nombre de mos-ques dans la bande de Gaza, qui passent desoixante-dix-sept en 1967 cent cinquante

    (1) Shaul Mishal et Avraham Shela,The Palestinian Hamas ,New York, Columbia University Press, 2000, p. 24.

    (2) Charles Enderlin,op. cit ., p. 117-118.

    en 19863. Mais cet attentisme est contest deplus en plus activement par une nouvelle fomation, le Jihad islamique, anim Gaza pFathi Shikaki, qui multiplie partir de 1986 attaques anti-israliennes4. Yassine dcide enretour de doter son organisation de son proprappareil de scurit, le Majd5, qui a une doublefonction de protection des rseaux islamist(contre Isral ou contre les autres factions) de rpression des dviations sociales (droguprostitution, etc.)6. Mme au sein de cette pre-mire branche arme des Frres musulmans

    Gaza, la priorit demeure lennemi intrieuet non loccupant isralien.Les Frres musulmans sont autant pris

    de court que lOLP par le dclenchementle 9 dcembre 1987, dmeutes dans toute bande de Gaza, qui stendent la Cisjordansous le nom dintifada. La direction islamisest tente de garder un profil bas et cest lcheikh Yassine qui impose ses partisans diss la participation au soulvement anti-isralien7. Cette rupture avec la priode antrieurese traduit, le 14 dcembre, par la cration fomelle du Hamas, ddi la rsistance islamque . Il faudra attendre deux mois pour que sigle soit pleinement valid et huit mois poque soit adopte la charte du Hamas8. Maisles Frres musulmans ont opr le choix strtgique de loption nationaliste, prenant pal mme leur indpendance envers la branch

    (3) Shaul Mishal et Avraham Shela,op. cit ., p. 21.(4) Fathi Shikaki (1951-1995), n Gaza dans une famil

    rfugie de Jaffa, assure longtemps la liaison entre les Frmusulmans de Cisjordanie et de Gaza. Mais la Rvolution inienne de 1979 lamne rompre avec la ligne quitiste cheikh Yassine et fonder en 1981 sa propre organisation, Jihad islamique, dont les attaques contre larme isralienaccentuent le prestige Gaza.

    (5) Majd, qui signifie gloire , est lacronyme arabd Organisation du jihad et de la prdication (munazzamatal-jihd wa al-daawa).

    (6) Shaul Mishal et Avraham Shela,op. cit ., p. 34.(7) Entretien avec Rabah Mohanna, Gaza, 5 novembre

    2010.(8) Shaul Mishal et Avraham Shela,op. cit ., p. 35.

    D o c u m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o

  • 8/12/2019 LES FONDEMENTS HISTORIQUES DU HAMAS GAZA (1946-1987)

    13/13

    JEAN-PIERRE FILIU

    14

    jordanienne de la Confrrie. La fondation duHamas, quarante et un ans aprs celle de la sec-tion locale des Frres musulmans, tourne bien Gaza une page de lhistoire palestinienne.

    Bien loin des rcits difiants des deux mou- vements qui se disputent aujourdhui le pri- vilge dincarner le nationalisme palestinien,le Fatah et le Hamas ont connu des parcoursintimement lis Gaza, le premier en mer-geant par dissidence des Frres musulmans, lesecond en se nourrissant des rseaux sociauxdes mmes Frres musulmans, avant de pas-ser tardivement la rsistance islamique etdadopter son nom actuel. bien des gards, le cheikh Yassine a impos en 1987 ses parti-sans la ligne quil avait contribue dfaire, en1957, lors du rejet par les Frres musulmans delappel dAbou Jihad la lutte arme.

    Militants nationalistes et islamistes nont

    dailleurs pas cess de jouer fronts renverss aucours de cette prhistoire du Hamas. La rpres-sion a beau svir en gypte contre les Frresmusulmans, de 1957 1967, et obliger des mil-liers dentre eux lexil, ce sont les futurs fon-dateurs du Fatah qui sont contraints de quitterGaza sous pression gyptienne, alors que leursanciens camarades des Frres musulmans par- viennent, malgr tout, rester implants dans

    le territoire. La direction de lOLP, exile en Jordanie, puis au Liban, et enfin Tunis, entre-tient ds lors une relation complexe avec lesnationalistes de Cisjordanie et, plus encore, deGaza.

    Cette tension entre extrieur et int-rieur est en revanche absente chez les Frresmusulmans de Gaza, qui consolident leur enra-cinement durant les deux premires dcenniesde loccupation isralienne. Le paradoxe estque cette territorialisation de lislamisme pales-tinien va donner naissance au Hamas et consti-

    tuer son principal atout, alors que cest lOLPde lextrieur , donc la diaspora palesti-nienne, qui est finalement porteuse du projetdtat indpendant aux cts dIsral1.

    Jean-Pierre Filiu,Sciences Po, 75006, Paris, France.

    Jean-Pierre Filiu est professeur associ Sciences Po, aprsavoir t professeur invit dans les universits de Columbia(New York) et de Georgetown (Washington). Il a notammentpubli Mitterrand et la Palestine (Fayard, 2005),Les Frontiresdu jihad (Fayard, 2006),La Vritable Histoire dAl-Qaida (Fayard/Pluriel, 2011) etHistoire de Gaza (Fayard, 2012). Son ouvrageintitul LApocalypse dans lIslam (Fayard, 2008) a obtenu le prixAugustin-Thierry des Rendez-vous de lhistoire de Blois et at traduit en anglais (Presses de lUniversit de Californie,2012) et en italien (ObarraO, 2011). ([email protected])

    (1) Une version anglaise de cet article sera publie dans le Journal of Palestine Studies , 41 (3), printemps 2012.

    m e n

    t t l c

    h a r g

    d e p u

    i s w w w . c

    a i r n . i n

    f o -

    i e p

    _ p a r i s - -

    1 9 3

    . 5 4

    . 6 7

    . 9 3 -

    0 6 / 0 9 / 2 0 1 2 1 0 h 2 0

    . P r e s s e s

    d e

    S c i e n c e s

    P o