Les grandes énigmes de l'histoire - Kevin Labiausse.pdf

  • Upload
    deflank

  • View
    62

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

  • 1

  • 2

    Kevin LABIAUSSE

    LES GRANDES NIGMES DE LHISTOIRE

    Librio indit

  • 3

    Quand ltre imite le non-tre

    le pige est pur : conscratoire.

    Et prs des pins

    lnigme vit aussi du vu dtre perce.

    Jean-Claude Renard, La Lumire du silence.

  • 4

    INTRODUCTION

    Selon le Petit Larousse, une nigme est un problme difficile rsoudre. Elle comporte plusieurs

    interrogations et fait entrer en jeu diffrentes disciplines pour tre rsolue. Lnigme entretient tout

    un flot dhypothses, des plus crdibles aux plus fantasques, et alimente parfois des rumeurs dont

    certaines passent la postrit.

    Si, aujourdhui, une nigme historique nest pas solutionne, cest souvent par manque dindices

    archologiques. Cest le cas des alignements de Carnac. Mais rien npuise les efforts des chercheurs

    qui sont anims du dsir de prouver la ralit historique des tmoignages crits laisss par nos

    anctres. Certains creusent dans le sol de lle dIthaque, dans lespoir de retrouver le dcor

    lgendaire des pomes homriques. Dautres gravissent le mont Ararat, dans le but de marcher dans

    les pas de No et de dcouvrir les restes de son arche.

    Parfois des nigmes nen sont plus, ou presque, grce aux fulgurants progrs de la science. La

    mdecine nous a beaucoup appris sur les cas danencphalie pour expliquer celui qui fut rencontr

    Vichy en 1897. La physique tente de comprendre pourquoi des phnomnes tranges sabattent sur

    les avions et les navires dans le triangle des Bermudes. Le gnie gntique, outil aujourdhui

    indispensable aux enquteurs, intervient pour mettre de lordre dans la vie du petit Louis XVII et

    dmasquer Franziska Schanzkowska.

    Cette dernire, qui a prtendu tre la rescape du massacre de lancienne famille impriale russe,

    nest ni la premire, ni la dernire, avoir joue de limposture. Avant et aprs elle, dautres ont su

    chafauder toute une lgende que lhistorien a mticuleusement dmonte. Que dire de Jeanne des

    Armoises se faisant passer pour Jeanne dArc ? Du Masque de fer dont le metteur en scne nest

    autre que son gardien de prison ? De la fortune de labb Saunire dont les principaux indices sur son

    origine ont t crs de toutes pices ?

  • 5

    Charges denjeux disciplinaires, certaines nigmes sont tombes dans loubli, selon la priode

    traverse, pendant que dautres ont connu une transformation dans les questions quelles posent. Le

    chevalier don, dont lindtermination sexuelle a donn matire des paris fous, est aujourdhui le

    sujet dune interrogation dordre essentiellement psychologique.

    limage de ce dernier cas, des nigmes restent en suspens. Elles nattendent peut-tre plus que

    vous pour profiter dun nouvel engouement et dune dcouverte capitale. Certains ne vous ont pas

    attendu et sont dj repartis sur les traces dun trsor cach, celui des cathares. moins que ce ne

    soit celui des Templiers

    Kevin Labiausse

  • 6

    I

    LANTIQUIT

  • 7

    LATLANTIDE

    Vers 9500 avant J.-C.

    Lexistence de lAtlantide nous est rapporte dans le Time et le Critias de Platon crits vers 355

    avant J.-C. travers les entretiens entre Socrate, le gnral syracusain Hermocrate, le philosophe

    pythagoricien Time et le politicien Critias, Platon nous confie la lgende. Le lgislateur Solon a

    appris de la bouche dun prtre du temple de Sas en gypte lexistence dune le appele Atlantide ;

    elle aurait abrit une brillante civilisation avant dtre engloutie. Le rcit ne manque pas de

    descriptions minutieuses et il plonge souvent son lecteur dans le doute. LAtlantide a-t-elle

    rellement exist ?

    Neuf mille ans avant ces rvlations, une le situe au large du dtroit de Gibraltar jouit dun

    immense prestige. Son site naturel, compos dune plaine centrale et de montagnes littorales, est

    jalonn de sources chaudes et froides. Lle serait donc une le volcanique. Lendroit offre aussi la

    possibilit de rejoindre le continent le plus proche que ce soit lAfrique ou lAmrique ? travers

    diffrents archipels. Offerte Posidon la cration du monde, ce dernier lgue la partie la plus

    riche son fils Atlas. Dirige par les rois atlantes, elle doit devenir une grande puissance commerciale

    grce ses ressources en mtaux prcieux et sa puissante agriculture.

    Le cur de lle est sa capitale. Dessine selon un plan circulaire, elle est domine par les palais

    royaux de Posidon. Grands btisseurs, les Atlantes rigent un luxueux temple la toiture dor et aux

    faades dargent ddi au dieu de la mer. lintrieur, la statue de la divinit, la plus haute de

    toutes, atteint les votes dor et dorichalque. galement grands navigateurs, les Atlantes voyagent

    dans le bassin mditerranen et soumettent le nord de lAfrique, de la Libye lgypte, ainsi que le

    sud de lEurope, de lEspagne lItalie. Les territoires dont ils se rendent matres dpassent

  • 8

    largement les frontires de lAsie Mineure entire. Cest en voulant dominer les Athniens que les

    rois atlantes entranrent leur propre chute. Vaincus, ils prissent suite de violents tremblements

    de terre et des inondations. Le cataclysme, qui na dur quun jour et une nuit, a englouti toute lle.

    Lle de Santorin en mer ge pourrait tre le lieu qui a servi dinspiration Platon. Cest une thse

    que Jacques-Yves Cousteau a longtemps dfendue. En effet, Santorin a abrit une civilisation

    brillante dont les richesses taient issues du commerce. Santorin a galement t engloutie lors

    dune explosion volcanique pour laisser la place un archipel. En fait, lunique problme de cette

    hypothse est la datation de lvnement : la catastrophe de lle de Santorin a eu lieu en 1470 avant

    J.-C., soit bien aprs la priode dcrite par Platon.

    Dautres rgions ont ainsi t explores et de nouveaux noms ont t avancs. Parmi eux, celui des

    Aores est retenir. Situ au milieu de locan Atlantique, 1 200 kilomtres de Lisbonne, larchipel

    a une situation qui semble parfaitement correspondre aux indications du philosophe. Il est mi-

    chemin entre lEurope et lAfrique. Vers 13000 avant J.-C., larchipel aurait subi une terrible

    catastrophe naturelle : leffondrement dun immense plateau. Mais les traces humaines manquent

    cruellement. La civilisation disparue de Tartessos serait un choix plus judicieux. Localise proximit

    du dtroit de Gibraltar, le long du Guadalquivir, ses habitants avaient dvelopp un important

    commerce de mtaux prcieux et attir les Phniciens qui y avaient install leurs comptoirs.

    Finalement, lAtlantide a t imagine aux quatre coins du monde. De nombreux spcialistes, plus ou

    moins reconnus, ont successivement parl des les des Canaries, de Madre, des Bahamas. Et il ne

    sagit que des exemples les plus connus. Dans cet incroyable foisonnement dhypothses, lexemple

    dHligoland mrite que lon sy arrte. Heinrich Himmler, atlantomane convaincu, avait ordonn des

    recherches sous-marines autour de cette le frisonne de la mer du Nord. Sans rsultat.

    En labsence de dcouverte dun site correspondant lAtlantide de Platon, il faut peut-tre voir dans

    ce rcit une allgorie. Cest lide quAristote dfendait. Il comparait le destin de lle une fable

    servant de base un enseignement, moral.

  • 9

    LE DLUGE

    Vers 7500 avant J.-C.

    La Gense nous raconte deux pisodes fondateurs qui suivent la cration du monde et le jardin

    dden : le Dluge et larche de No. Ces histoires expriment la punition de Dieu envers les hommes.

    Malgr lanantissement partiel de la construction terrestre, Dieu offre une seconde chance aux

    humains travers lunique personnage de No.

    Dieu, afflig de voir que lhomme nest anim que par la violence et le mal, dcide de faire

    disparatre tous les tres vivants. Une seule famille est pargne. Celle de No, car il est considr

    comme un homme bon et intgre. Dieu lui ordonne de construire une arche de bois. Le vaisseau doit

    possder trois tages et tre divis en cellules afin dabriter un couple de chacune des espces

    animales prsentes sur Terre. No respecte les instructions et Dieu dclenche le Dluge. Pendant

    quarante jours et quarante nuits, il pleut. Larche, dpourvue de rame et de voile, slve et flotte

    aveuglment au gr des courants. Les pluies torrentielles inondent toutes les terres merges

    jusqu la cime des montagnes.

    Au terme dune priode de cent cinquante jours, le niveau de leau commence baisser et le bateau

    vient schouer sur les hauteurs du mont Ararat, le plus haut sommet plus de 5 000 mtres

    daltitude dun massif situ dans lactuelle Armnie turque. Dieu demande No de faire sortir sa

    famille et les animaux et de profiter des richesses naturelles de la Terre dans un esprit de paix. Il

    promet aussi quil ny aura plus de dluge. No plante une vigne et devient vendangeur. Le

    repeuplement de la Terre est alors implicitement confi ses trois fils, Sem, Cham et Japhet. Ce

    dernier aura dailleurs sept enfants.

  • 10

    Le rcit biblique tire son origine de textes antrieurs. Le plus ancien est le mythe dAtrahasis, un rcit

    msopotamien du XVIIIe sicle avant J.-C. inspir de sources sumriennes. Une autre version, qui met

    en scne le roi Outa-Napishtim narrant Gilgamesh sa fuite lors du dluge, est grave au XIIIe sicle

    avant J.-C. Dans un contexte diffrent encore, lpisode cataclysmique est dcrit dans un pisode de

    la mythologie indienne frappant de similitude avec le texte de la Gense. No y est appel Manu. Au

    total, on recense seize rcits de dluge en Amrique du Nord, quatorze en Amrique du Sud, treize

    en Asie, neuf en Ocanie et sept en Amrique centrale.

    Ce bilan nous permet-il davancer lide de la ralit historique dun dluge qui se serait

    simultanment abattu sur tous les continents de la plante ? Faute de preuves, les spcialistes

    excluent cette hypothse. Ils prfrent voir dans le rcit biblique un ou plusieurs vnements bien

    localiss, issus dintenses perturbations mtorologiques, qui auraient servi dinspiration aux auteurs

    de lpisode. Mais quel type dvnement naturel et dans quelle rgion ? Il pourrait sagir des effets

    dun tremblement de terre, dun raz-de-mare, dun affaissement du continent, de la rencontre de

    deux plaques ou, plus impressionnant encore, du basculement de la Terre sur son axe.

    La communaut scientifique penche plutt pour un spectacle peu commun aux yeux des hommes,

    parfaitement situ et dat. La monte des eaux du Dluge prendrait directement ses sources dans

    une catastrophe naturelle cause par la fin de la dernire glaciation quaternaire, entre 10000 et 5000

    avant J.-C. La fonte des glaces aurait provoqu des pluies abondantes, entranant la monte du

    niveau de la mer ge et la rupture de la barrire rocheuse du Bosphore. Le dferlement des eaux

    aurait transform le lac deau douce existant en une mer lactuelle mer Noire et aurait fait fuir

    une population prise de panique. Les observations ralises sur des carottages et des prlvements

    de coquillages attestent ce scnario.

    Quen est-il donc de la fameuse arche de No, abandonne sur le mont Ararat ? En 1829, lalpiniste

    estonien Friedrich Parrot accomplit la premire ascension du massif mais ny dcouvre rien. En 1893,

    sans aucune preuve, larchidiacre Jean Joseph Nourri prtend lavoir dcouverte et examine de

    prs. Durant la Premire Guerre mondiale, laviateur russe Vladimir Roskovitski dclare lavoir

    survole. Enfin, en 1955, Fernand Navarra ramne un prtendu morceau du vaisseau qui, dat au

    carbone 14, se rvle tre largement postrieur lpoque du Dluge. Depuis, de nouvelles missions

    de recherche ont t menes mais elles nont donn lieu aucune dcouverte.

  • 11

    LES ALIGNEMENTS DE CARNAC

    Vers 3500 avant J.-C.

    Le village de Carnac, dans le dpartement du Morbihan, abrite le plus impressionnant site

    mgalithique du monde. Haut lieu culturel franais, il attire bon nombre de touristes et de

    passionns de la prhistoire tout au long de lanne. rigs bien avant la construction des pyramides,

    les 3 000 imposants menhirs pierres longues en celte qui se dvoilent aux yeux des visiteurs

    sont la preuve de toute la spiritualit et de toute lingniosit des hommes du nolithique. Ils sont

    aligns et dresss vers le ciel entre le IVe et le IIIe millnaire avant notre re.

    lorigine, les pierres taient au nombre de 10 000. Suite aux destructions volontaires au fil des

    sicles et au terrible tremblement de terre de 1722, il ne reste plus aujourdhui quun tiers dentre

    elles. Actuellement on peut observer trois groupes distincts de mgalithes sur un primtre de trois

    kilomtres : le Menec, Kermario et Kerlescan. Sur plus dun kilomtre de long, le Menec compte

    1 099 menhirs aligns sur 11 files ainsi quun cromlech 1 de 71 pierres. Sur une longueur similaire,

    Kermario runit 1 029 menhirs rangs en ordre dcroissant et disposs sur dix ranges. Enfin,

    Kerlescan, le site situ le plus lest, concentre 555 menhirs rpartis sur 13 files et se conclut son

    extrmit ouest par un cromlech de 39 pierres.

    1 Monument mgalithique form de menhirs dresss en cercle ou en

    ellipse.

  • 12

    La construction dun tel ensemble nest pas le travail dune seule gnration. Malgr les difficults

    des archologues pour dater le site, on peut imaginer que la dure du chantier a d stendre sur

    prs dun millnaire. Le site de Carnac est relier avec lentre des populations dEurope de lOuest

    dans un mode sdentaire. Les techniques de construction se devinent daprs notre connaissance

    des instruments que les hommes avaient leur disposition cette poque, en loccurrence des

    instruments de bois et des cordages. Des expriences de reconstitution des gestes ont permis de

    conclure la technique du levier pour dresser des pierres dont le poids se mesure en tonnes. Une

    autre question, essentielle, demeure lesprit des archologues. Quelle tait la fonction dune telle

    architecture ?

    Lhypothse du caractre sacr du lieu est avance. On sait que les menhirs ont t construits pour

    tre des spultures. Mais quel rle donner aux dolmens qui ont adopt la fonction de tombe

    postrieurement leur rection ? Lhypothse dune immense horloge astronomique nest pas

    exclure. On a pu observer que les mgalithes de Kerlescan avaient t disposs daprs la position du

    soleil son lever lquinoxe. On a galement constat que la place des menhirs de Kermario a t

    dtermine selon le lever du soleil au solstice dt. Aussi le professeur Alexander Thom a vu dans la

    position des pierres de Carnac la matrialisation dun calendrier prhistorique. Nanmoins, ses

    thories scientifiques, compltes avec celles issues de lobservation du site de Stonehenge, ont t

    remises en question et nont pas permis de mettre un point final aux interrogations. Les alignements

    bretons conservent encore une grande part de leur mystre.

  • 13

    LES PYRAMIDES DGYPTE

    Vers 2500 avant J.-C.

    Des sept merveilles du monde, La pyramide de Kheops est la seule que nous pouvons encore admirer

    aujourdhui. Avec les ensembles funraires qui lentourent, elle est classe au patrimoine mondial de

    lUNESCO depuis 1979. Incarnation du gnie des architectes de la civilisation gyptienne, elle

    reprsente lapoge une chelle monumentale dun art et dun savoir-faire qui ont volu en

    quelques sicles. Si la pyramide de Kheops fascine les spcialistes minents comme les plus jeunes,

    cest trs certainement parce quelle continue de renfermer de multiples nigmes. Des questions

    restent en suspens et animent les esprits les plus imaginatifs.

    Hritire de la pyramide degrs dont la premire ralisation, ddie au pharaon Djser, est

    construite vers 2650 avant notre re par larchitecte Imhotep Saqqarah, la pyramide de Kheops

    prsente quatre faces lisses, limage de celle de Snfrou qui la prcde. Le dbut des travaux

    commence ds la prise du pouvoir du pharaon qui rgne de 2590 2565 avant J.-C. Elle adopte

    dimpressionnantes dimensions proportionnelles la richesse du souverain. Dune hauteur de

    147 mtres, aujourdhui diminue de 9 mtres, et dune largeur de 230 mtres, elle couvre cinq

    hectares. Elle est traverse par de longs couloirs rectilignes qui mnent une chambre souterraine,

    la chambre de la reine et la chambre du roi. Dominant le plateau de Gizeh comme lont voulu ses

    architectes, elle sera par la suite entoure des pyramides de Kephren, de Mykerinos ainsi que du

    Sphinx.

    Labsence de dpouille dans le sarcophage de granit rose a fait natre bon nombre de thories.

    Depuis des sicles, les hypothses vont bon train. Le monument ne serait pas la spulture dune

    momie royale. Cest ainsi que la Grande Pyramide a successivement t vue comme un grenier bl,

  • 14

    une gigantesque bibliothque, un coffre-fort, une mmoire de lunit de mesure du pays, le lieu

    choisi pour les rites dinitiation du culte dIsis, un instrument astronomique, une matrialisation de la

    connaissance du nombre pi et de la rotondit de la Terre, la reprsentation architecturale de

    prophties ou du rcit de la Bible, mais aussi, et plus curieusement, une balise merge pour guider

    No en plein dluge, un sarcophage renfermant lArche dalliance, le tmoignage de rescaps de

    lAtlantide engloutie ou encore laccs vers un prtendu monde lintrieur de la Terre.

    La thse astronomique pourrait tre retenue car la disposition de la pyramide, dont les quatre faces

    sont exactement orientes en direction des quatre points cardinaux, peut surprendre et faire

    rflchir. De plus, les conduits de ventilation dans les chambres du roi et de la reine pointent en

    ascendance constante vers le nord et le sud. Mais il est inutile de faire de ces observations une

    interprtation hasardeuse et dnue de preuves matrielles. Nous pouvons simplement constater

    ltendue des connaissances, prcises et fiables, de la civilisation gyptienne dans les domaines des

    mathmatiques et de ltude des astres, ainsi que la croyance en llvation vers le ciel du pharaon

    dfunt.

    La question des conditions et du mode ddification de la pyramide de Kheops, et des deux autres

    pyramides de Gizeh, apporte un mme flot dhypothses et un dbut de certitudes. Les gyptiens ne

    nous ont en effet lgu aucun tmoignage ce sujet. Les rsultats des fouilles archologiques

    permettent davancer un tableau plus ou moins prcis du chantier. Celui-ci est une vritable

    fourmilire qui runit les contrematres, les gomtres et les divers artisans spcialiss, tels que les

    tailleurs de pierre. La main-duvre, recrute parmi les paysans du pays et non parmi des esclaves

    dirigs coups de fouet comme la lgende aime le rpter, peut compter jusqu 30 000 individus en

    priode de crue du Nil. Elle est loge et nourrie mais nest pas paye. Seul le patron du domaine

    agricole auquel appartient louvrier est ddommag. Daprs Hrodote, le chantier de la pyramide de

    Kheops a dur vingt ans.

    Linterrogation centrale reste celle-ci : comment les gyptiens ont-ils pu dplacer et lever 2 300 000

    blocs de pierre et en faire de telles merveilles architecturales ? Achemines sur le Nil en crue, les

    pierres taient dbarques sur le plateau avant dtre dposes sur des traneaux de bois pour tre

    dplaces vers le chantier. Et ensuite ? Diffrentes thses sopposent. Certains historiens, comme

    Hrodote, ont avanc lide du balancier mais le dispositif parat insuffisant vu le poids des blocs qui

    se mesure en tonne. Lventualit de lusage de la poulie et du treuil est tout aussi impossible quand

    on sait que la roue nexiste pas encore. Lhypothse de la rampe est donc la plus plausible, dautant

    plus que cette technique a laiss des souvenirs dans quelques dessins et dans le sol qui entoure la

    pyramide.

    La rampe, qui volue au fil de llvation du chantier, peut revtir diffrents aspects. La rampe

    hlicodale longe parfaitement les parois, la rampe en spirale senroule autour du monument, la

    rampe frontale se dirige depuis lextrieur vers un ct, la perpendiculaire de celui-ci. Les

    contraintes de chacun de ces dispositifs conduisent les archologues ne pas sarrter

    dfinitivement sur lun deux. La rampe hlicodale pose le problme du virage de la pierre 90et la

    rampe en spirale ne peut simaginer quen fin de chantier quand la rampe frontale devient trop

    longue ou trop incline pour atteindre les dernires hauteurs du monument.

  • 15

    Toutes ces thories, longuement labores, sont balayes par certains ufologues qui prtendent

    dtenir lexplication. Ils avancent lide que les gyptiens auraient simplement eu recours une aide

    extraterrestre. Conclusion qui nest pas sans dsarmer la communaut scientifique.

  • 16

    LES MGALITHES DE STONEHENGE

    Vers 2000 avant J.-C.

    Class au patrimoine mondial de lUNESCO en 1986, le monument mgalithique de Stonehenge

    parat magique aux yeux de ceux qui sy retrouvent depuis quatre mille ans pour assister au lever du

    soleil lors du solstice dt. rig lpoque du nolithique dans la plaine de Salisbury, au sud de

    lAngleterre, ce cercle de pierres dresses au milieu dun dsert est un lieu tout fait spectaculaire.

    Sil ne subsiste aujourdhui que la moiti des pierres de la construction originale, dont certaines sont

    tombes au sol, une rcente reconstitution lidentique a permis dobserver lampleur du travail

    ralis par les hommes de lpoque et leffet produit auprs des populations qui sy retrouvaient.

    Lentre tait symbolise par deux normes blocs de pierre appels pierres talons. Trois blocs

    rectangulaires, appels pierres de sacrifice, conduisaient un premier cercle, le cercle extrieur,

    compos de 30 pierres de sarsen soutenant 30 linteaux. lintrieur de ce cercle se dressaient 5

    trilithes 2 de sarsen disposs selon une forme de fer cheval. Lun de ces trilithes mesurait plus de

    7 mtres et dominait le cercle extrieur. Enfin, 89 pierres bleues taient places en cercle et en fer

    cheval. La plus haute, nomme pierre dautel, slevait plus de 4 mtres de hauteur.

    Depuis toujours, cet trange monument suscite les plus grandes interrogations. De quelles rgions

    proviennent les deux types de pierre utiliss ? Comment les hommes ont-ils russi transporter ces

    2 Construction compose de deux pierres supportant une troisime

    pierre qui constitue un linteau.

  • 17

    blocs jusqu une plaine encadre de relief, de marcages et de fort ? Par quelle technique les

    mgalithes ont-ils t dresss ? Quelle tait la fonction de la construction ? Sagissait-il dun

    calendrier astronomique ? Ou tait-ce un lieu de culte ? De sacrifice humain ?

    Une multitude de missions de recherche et dexpriences ont en partie permis de rpondre ces

    questions. Dabord, les fouilles archologiques ont conduit affirmer que ce sont plusieurs

    Stonehenge qui se sont succd. Le monument sest transform au fil des sicles. Entre 3000 et 2000

    avant notre re, il sagit dun foss circulaire, de petites excavations nommes trous dAubrey et

    dune premire pierre talon. En 2000 avant J.-C., des pierres en plus grand nombre font leur

    apparition avant dtre associes des mgalithes durant le millnaire qui suit. Pour cette ultime

    tape lrection du cercle extrieur les blocs, quils aient t destins remplir la fonction de

    pilier ou de linteau, ont t mticuleusement sculpts avec un autre outil de pierre.

    Lorigine des pierres et leur mode de transport ont pu tre dtermins. Les pierres bleues sont de la

    roche volcanique que lon trouve dans un seul endroit en Grande-Bretagne, dans les Preseli Hills, au

    pays de Galles, 385 kilomtres louest de Stonehenge. Les 89 blocs, dont certains psent jusqu

    4 tonnes, ont d tre transports par des bateaux qui longeaient les ctes galloises jusquau canal de

    Bristol pour ensuite emprunter la rivire Avon et une courte voie terrestre. Les pierres de sarsen

    proviennent des Marlborough Downs, situes 30 kilomtres du monument. Ces blocs, dont certains

    psent plus de 40 tonnes, ont d tre arrims des structures en bois pour tre dplacs grce des

    leviers qui adoptaient le mouvement dune rame.

    Tour dresser les mgalithes, les hommes glissaient ceux-ci dans des trous pentus avant de les tirer

    la verticale grce un chevalet rudimentaire. Les linteaux, eux, dun poids de 12 tonnes environ,

    taient levs 4 mtres au-dessus du sol grce des plateformes de bois qui gagnaient en hauteur

    par la superposition de rondins. Les efforts fournis pour acheminer et riger tous ces blocs de pierre

    nous laissent imaginer limportance que le site devait recouvrir lpoque de la prhistoire.

    La disposition des pierres ne sest absolument pas faite au hasard. La reconstitution du site de

    Stonehenge, dont lorientation a t dtermine en fonction de la position prcise du soleil

    lpoque du nolithique, a permis de confirmer plusieurs constatations. Au solstice dt, le soleil se

    levait prcisment entre les deux pierres talons et ses premiers rayons atteignaient le centre du

    cercle. Au solstice dhiver, le soleil tait encadr par le plus grand trilithe quand il se couchait. Le

    monument a galement t bti en fonction de la position de la Lune. Selon lastronome anglais

    Gerald Hawkins, le cercle form par les trous dAubrey avait un lien direct avec le cycle des clipses

    lunaires. Et le fait de dplacer six pierres dun trou chaque anne permettait de prvoir les

    mouvements de lorbite sur de longues priodes. Stonehenge devait donc certainement se rapporter

    une fonction astronomique, mais tait-il un observatoire entirement matris ?

    Si lon considre la pierre comme spulture, on peut galement associer Stonehenge un monument

    bti la mmoire des morts. Des ossements humains brls y ont t retrouvs. Dautres sites,

    proches en apparence de celui de Stonehenge, ont t btis en bois, un matriau faire

    correspondre au monde des vivants. La rivire Avon aurait donc incarn le rle de passage

    symbolique de chaque individu de la vie la mort. Vu sous ce prisme, le monument constituerait une

    des premires reprsentations du sacr. tait-ce un lieu funraire ou un thtre religieux ?

    Organisait-on des rites lintrieur du cercle ? La disposition confine des pierres nous le laisse

    imaginer. En effet, on peut considrer deux zones indpendantes, une zone publique et une zone

  • 18

    secrte. Plac dans lune de ces zones, on ne peut voir ou entendre ce qui se passe dans lautre, et

    inversement.

    En 2008, des archologues anglais avancent une nouvelle thse, celle du haut lieu thrapeutique. En

    raison du prtendu pouvoir curatif de ses pierres, le site de Stonehenge aurait attir de nombreux

    malades. Participe cette thorie la dcouverte de la spulture dun jeune homme, enterr avec des

    fragments de pierre, probablement utiliss comme des talismans.

    Toutes ces hypothses, mme si elles ne sont pas encore confirmes, ont davantage de crdit aux

    yeux des scientifiques et des chercheurs que ce que certains ufologues ont voulu voir dans le

    monument de Stonehenge : un lieu dont la fonction se rapprocherait de celle des lignes de Nazca,

    interprtes comme des aires datterrissage pour vaisseaux spatiaux.

  • 19

    LES MINES DU ROI SALOMON

    Vers 950 avant J.-C.

    Au Xe sicle avant notre re, le royaume dIsral est majoritairement domine par le rgne de

    Salomon. Celui-ci offre son pays une prosprit commerciale et conomique sans prcdent. Grand

    btisseur, le roi rige des forteresses, des cits entrepts et un palais dans lequel il entretient toute

    une cour. Sa richesse ne passe pas inaperue. Elle est mme dcrite dans lAncien Testament qui en

    livre lorigine : le pays dOphir.

    Le premier Livre des Rois nous offre le rcit dune expdition maritime qui part du port dEzion-

    Geber, lactuelle Eilat, en mer Rouge. Les navires, fournis par le roi phnicien Hiram de Tyr,

    reviennent avec 420 talents dor. Ce premier voyage est le point de dpart dun flot de richesses

    destin Salomon. En un an, ce sont 670 talents dor, du bois de santal et des pierres prcieuses qui

    arrivent sur les ctes du royaume. Les attributs de la royaut se couvrent alors de mtal jaune : le

    trne divoire, les boucliers et le temple de Jrusalem. Mais o se trouvent ces fameuses mines dor

    qui ont fait toute la lgende de Salomon ? Dans le chapitre X, il est dit que la reine de Saba aurait

    personnellement offert de lor au souverain. Les deux puissants sapprovisionneraient-ils sur le

    mme site ?

    Lexplorateur allemand Karl Mauch pense avoir dcouvert cet endroit unique quand, en 1871, il

    rvle au grand jour Great Zimbabwe, une impressionnante cite de lAfrique subsaharienne de prs

    de 80 hectares, entirement construite en pierre, fortifie par un rempart de 11 mtres de haut et de

    6 mtres dpaisseur et domine par une tour conique de 9 mtres. Persuad quil sagit des mines

    du roi Salomon, il appuie sa thse sur les idologies racistes de son poque : seul un peuple blanc, les

    Juifs en loccurrence, pouvait tre capable de btir de tels difices. Sa conviction emporte des

  • 20

    crivains dont linspiration se trouve relance. En 1885, le romancier anglais sir Henry Rider Haggard

    publie Les Mines du roi Salomon.

    Mais laffirmation de Mauch soppose rapidement aux observations de lAnglais David Randall-

    MacIver qui, en 1905, avance lide que Great Zimbabwe est dorigine locale. La datation de ce

    centre commercial, unique sur le continent africain, permet de mettre un terme dfinitif la querelle

    archologique. Ldification entire ne remonterait quentre le XIe et le XVe sicle. Great Zimbabwe

    nen demeure pas moins une dcouverte exceptionnelle. Tmoignage de la civilisation bantoue des

    Shona, elle est classe au patrimoine mondial de lUNESCO en 1986.

    Paralllement, en 1938, est dcouvert le site dEzion-Geber, le lieu de dpart des expditions, par

    larchologue amricain Nelson Glueck. Ses vestiges rvlent lexistence passe dinstallations,

    comme des hauts fourneaux destins la transformation du cuivre et du fer. Cest un systme simple

    dchanges qui se dcouvre. Parmi dautres produits, lor import tait troqu contre des objets

    fabriqus dans Le port.

    Reste lnigme de la localisation des mines de Salomon. Vers quelle destination se dirigeaient les

    navires qui quittaient Ezion-Geber et longeaient les ctes de la mer Rouge ? Si Great Zimbabwe nest

    pas ce lieu lgendaire, la cl pourrait quand mme se trouver en Afrique australe. Lactuel Zimbabwe

    est riche de gisements aurifres, comme le Mozambique.

    la lecture de la version arabe de lAncien Testament et des crits de Lhistorien Flavius Josphe,

    certains spcialistes ont prfr se tourner vers les Indes, rgion productrice du bois de santal, un

    des lments de la cargaison des bateaux. Dautres encore se sont orients vers le Ymen,

    lextrmit sud-ouest de la pninsule arabique. Mais une expdition terrestre aurait d suffire pour

    une destination si directe. Lensemble, de ces localisations hypothtiques a un point commun : leur

    situation en bordure de la moiti ouest de locan Indien. Finalement, peut-tre que la richesse de

    Salomon nest que la somme des productions des rgions aurifres disperses autour de la mer des

    Indes.

  • 21

    LA TOUR DE BABEL

    Vers 600 avant J.-C.

    La Gense nous raconte les circonstances et les conditions de la construction de la tour de Babel

    jusqu labandon de son chantier. limage du Dluge qui le prcde, cet pisode reprsente une

    nouvelle punition divine face aux desseins contestables des mortels. Il est lorigine de la dispersion

    des humains travers le monde et de la diversit des langues.

    Les descendants de No, qui parlent tous la mme langue, se retrouvent dans une plaine, au pays de

    Shinar, et dcident de la peupler. Ils choisissent de faonner des briques pour btir une ville ainsi

    quune tour dont le sommet doit pntrer le ciel, selon la volont de leur reprsentant, Nemrod.

    Dieu, descendu sur Terre pour constater les travaux, prend ombrage de ce projet unanime, appel

    Babel ou Babylone Porte de Dieu qui conduit confondre le royaume divin et le monde terrestre.

    Pour interrompre lentreprise, il cre diffrents langages et disperse les hommes. Sans tre dtruit, le

    chantier est abandonn pour toujours.

    Le rcit de la Gense repose-t-il sur une ralit historique ? Peut-on envisager la construction dun tel

    difice une poque aussi recule ? Aujourdhui encore, aucun btiment na atteint les 1 000 mtres

    de hauteur et on est trs loin du ciel. La dernire prouesse architecturale en date reste la Burj Duba,

    encore en chantier ; la flche ne devrait culminer qu 900 mtres daltitude.

    En 1913, larchologue allemand Robert Koldewey dcouvre dans lantique Babylone lempreinte

    dune tour carre de plus de 91 mtres de ct, appele Etemenanki maison du haut lieu entre le

    Ciel et la Terre. Cette tour va rapidement tre associe la tour de Babel. Si les vestiges ne

    confirment pas la ralit historique de la construction lgendaire Etemenanki ne compte que sept

    tages et atteint seulement 90 mtres de hauteur , son projet la rend assez semblable.

  • 22

    Etemenanki, dont lorigine de la fondation nous reste inconnue, prend toute son ampleur sous le

    rgne de Nabopolassar (625-605 avant J.-C.) qui en a reu lordre par Mardouk, le dieu tutlaire de

    Babylone. Ldifice atteint un haut degr de sophistication sous Nabuchodonosor II (605-562 avant J.-

    C.). Son sommet est orn de briques dmail bleu en accord avec le lieu quil vise atteindre.

    Contrairement au texte biblique, il nest pas une reprsentation du dfi des humains lgard de

    Dieu mais lincarnation du respect et de lobissance envers celui-ci. Par ailleurs, la diversit de

    lorigine et des langues des constructeurs na pas empch le chantier dtre achev.

    Etemenanki connat une histoire mouvemente qui la rduit en poussire. La tour subit les mfaits

    des combats qui opposent Les Babyloniens aux Perses. Redcouverte avec admiration par Alexandre

    le Grand en 331 avant J.-C., elle na jamais t restaure et est tombe en ruine. La population sest

    servie de ses pierres pour difier de nouveaux btiments, jusqu ce quun chantier sinstalle sur ses

    propres fondations.

    Faute de vestiges, peut-tre ne doit-on voir dans la tour de Babel quune allgorie, directement

    inspire des ziggourats monumentales de la rgion de Babylone.

  • 23

    LES POMES HOMRIQUES

    Vers 550 avant J.-C.

    LIliade et lOdysse sont deux longs pomes attribus Homre. Transmis de gnration en

    gnration depuis lAntiquit, ils sont considrs comme incontournables et ncessaires toute

    ducation littraire et historique. Runissant dans une seule et mme uvre des personnages divins

    et mortels, des sentiments de haine et damour, des gestes hroques et quotidiens, ils offrent au

    lecteur une vue trs large de ce qutait la civilisation grecque.

    LIliade nous raconte la dernire anne de la guerre de Troie, dclenche neuf ans plus tt par

    lenlvement dHlne, pouse du roi Mnlas, par le troyen Paris. Il se concentre en particulier sur

    le personnage de lAchen Achille qui, aprs avoir abandonn la bataille, retourne au combat pour

    venger la mort de son ami Patrocle par Hector. LOdysse nous permet den apprendre davantage sur

    les premires annes de La guerre de Troie ainsi que sur son issue. On suit alors le parcours sem

    dobstacles dUlysse, depuis son dpart de Troie o il a combattu jusqu son arrive dans son

    royaume dIthaque o il vainc les prtendants.

    La tradition attribue lcriture de ces textes Homre, surnomm le Pote, un personnage mal connu

    dont la biographie repose essentiellement sur les Vies dHomre, rcit majoritairement lgendaire,

    hrosant lcrivain et lui offrant un statut quasi divin. Ayant probablement vcu au Xe ou au IXe sicle

    avant J.-C., il fait lobjet dune bataille entre plusieurs cits. Sept cits au total prtendent tre le

    berceau du pote, selon lAnthologie Palatine : Chios, Colophon, Cumes, Smyrne, Pylos, Argos et

    Athnes. Quen est-il rellement ? Homre a-t-il exist ? Est-il lauteur de ces deux pomes ?

    En 1670, le thoricien du thtre Franois Hdelin, abb dAubignac, affirme que les crits dHomre

    ne sont quune uvre collective et que le pote aveugle na jamais exist. Cette thse est raffirme

  • 24

    par lhellniste allemand Friedrich August Wolf en 1795. La question homrique prend corps la

    lumire des deux textes compars et analyss : il exist une vraie diffrence entre lIliade et

    lOdysse. Alors que le premier volume est un rcit pique, bien structur, qui dcrit des combats

    sanglants faisant appel la prsence de divinits, le second pome est un texte initiatique, assez

    dsordonn, dfendant les valeurs du courage et de lamour fidle dans des scnes o se succdent

    monstres, sirnes et sorcires. Le manque dunit, flagrant dans lOdysse, laisse supposer une

    tentative de combinaison dpisodes issus de la tradition orale. On le remarque dans les

    anachronismes rpts et les formules typiques employes.

    Cest assurment ce patrimoine immatriel, incarn dans le rcit mme de lOdysse travers les

    personnages dades 3 de Phmios et Dmodocos, qui va constituer la base dune premire fixation

    du rcit, tablie Athnes au VIe sicle avant notre re. Hipparque en ordonne la rcitation annuelle

    dans la cit, loccasion de la fle des Panathnes. Au sicle suivant, les deux pomes servent

    lapprentissage de la lecture et lducation morale et religieuse des jeunes Grecs.

    Le problme de lorigine des deux textes rsolu, se pose une autre question : les faits quils relatent

    se fondent-ils sur une ralit historique et gographique ? Longtemps, les passionns dHomre se

    sont demand si la guerre de Troie, situe aux environs de lanne 1250 avant J.-C., avait bien eu lieu

    et si la cit mme de Troie avait exist. De nouveaux lments rvls accumuls au fil des sicles

    permettent en partie de rpondre ces interrogations.

    Cest le riche commerant allemand, passionn dhistoire antique, Heinrich Schliemann, qui, le

    premier, tente de prouver la ralit des textes homriques. En 1871, il dbute ses fouilles sur la

    colline dHissarlik, lentre du dtroit des Dardanelles, dans lactuelle Turquie. Deux ans plus tard, il

    y dcouvre ce quil nomme et pense tre le trsor de Priam, du nom du roi troyen. Si les ruines quil

    dvoile sont, bien celles de la cit lgendaire, Schliemann fait une erreur de datation que lavenir

    rvlera. Le trsor, quil fait remonter au XIIIe sicle avant J.-C., est bien antrieur la guerre car il

    date du IIIe millnaire avant notre re. Mycnes, les fouilles de lAllemand sont tout aussi

    fructueuses. Schliemann dcouvre la porte des Lions et des tombes renfermant des objets prcieux

    quil fait correspondre, de faon encore errone, au trsor dAgamemnon, personnage contemporain

    de lIliade. Ce quil dcouvre date du IIe millnaire avant J.-C.

    La reprise des campagnes de fouilles de la cit troyenne, dirige par Wilhelm Drpfeld, plus

    mthodique que son prdcesseur, permet de dresser une chronologie prcise de lhistoire du site

    de Troie. Lobservation des vestiges conduit dgager neuf cits superposes, la plus ancienne

    remontant au IIIe millnaire avant J.-C., la plus rcente tant dpoque romaine. Troie VII (1300-1200

    avant J.-C.) porterait-elle les traces dun conflit ? Ses ruines tmoignent dun incendie mais la

    superficie quelle occupe est infrieure celle qui est dcrite dans les pomes. Troie VI (1800-1200

    avant J.-C.) sapparente davantage dans ses dimensions au rcit homrique mais elle a subi les effets

    dun tremblement de terre et non dune guerre. La question de la ralit historique du conflit reste

    donc pose. Il en va de mme pour le royaume dIthaque. Les fouilles sur lle ponyme nont apport

    aucune rvlation sur le personnage dUlysse, mis part la dcouverte dune pierre grave portant

    une ddicace en son honneur.

    3 Potes piques et rcitants de la Grce.

  • 25

    Enfin, Heinrich Schliemann a voulu voir dans les plus vieux vestiges de Troie et de Mycnes les codes

    dune civilisation emprunts par Homre pour lcriture des pomes. Mais la reconstitution de la

    socit mycnienne na quasiment rien voir avec les descriptions des deux rcits dont les lments

    relvent davantage des sicles obscurs, une priode qui stend de 1200 800 avant notre re, et de

    lapparition des premires cits-tats. En dfinitive, limage du site archologique de Troie, lIliade

    et lOdysse, uvres de tradition orale formes au fil des sicles, sont le rsultat dune

    superposition, celle des traces des diffrentes civilisations et traditions qui se sont succd dans le

    monde grec, assorties de connaissances gographiques et de limagination fertile de ses auteurs.

  • 26

    II

    LE MOYEN GE ET LES TEMPS MODERNES

  • 27

    LE VASE DE SOISSONS

    486

    Au milieu du Ve sicle ; la Gaule nest encore quune mosaque de peuples barbares. Clovis, qui hrite

    du petit royaume de son pre Childric en 481, na alors quune seule volont, celle de conqurir les

    territoires de ses voisins, notamment ceux des Wisigoths. Mais le jeune roi des francs dcide de faire

    dbuter sa marche en direction des Romains et de son gnral Syagrius qui a tabli sa capitale

    Soissons.

    Les soldats de Clovis profitent de leurs conqutes pour piller les lieux les plus somptueux et runir un

    butin quils ont lhabitude de partager eu parts gales, en tirant au sort, selon la loi de la guerre.

    Soissons, Clovis fait clairement part de son dsir de recevoir un vase liturgique, proprit dun

    vque, sur la demande de ce dernier. Lun des soldats francs, prsent lors du partage, proteste

    contre cet abus et frappe lobjet convoit pour le briser. Honteux, Clovis doit rendre le vase abm

    lvque et vit ce moment comme une preuve. Lecclsiastique semble nanmoins honor de

    pouvoir rcuprer lobjet disparu.

    Un an plus tard, en passant ses troupes en revue, Clovis se retrouve face lhomme qui a cass le

    vase. Lui reprochant la ngligence de sa tenue, il jette les armes du soldat terre et profite du fait

    que celui-ci se soit baiss dans le but de les ramasser pour le frapper mortellement la tte avec sa

    hache et lui crier : Ainsi as-tu trait le vase de Soissons. Tel est le rcit que nous livre le prlat

    Grgoire de Tours dans ses Dix livres dhistoire, improprement appels Histoire des Francs. Mais cet

    vnement, devenu lun des grands pisodes dune histoire de France mythifie, a-t-il bien exist ?

    Aujourdhui, les historiens reconnaissent la probable vracit du fait mais sont galement daccord

    pour dire que laltercation entre Clovis et le soldat a t dlibrment exagre par le chroniqueur,

  • 28

    habitu aux dveloppements oratoires et aux rcits dallure lgendaire, consquences de la nature

    de ses sources, dorigine essentiellement orale. En tmoigne une autre version de lpisode, plus

    authentique et crite de la main de Frdgaire. Celui-ci ne mentionne pas la mort du soldat rebelle.

    Clovis a pu adopter la mme force en frappant son guerrier que celle de ce dernier sur le vase. Dans

    ce cas, le roi naurait port aucun coup fatal.

    Quant au vase, constamment regard comme bris, on en retrouve sa trace, bien aprs la mort de

    Clovis, dans le testament de saint Remi, lvque de Reims, dont lidentit navait pas t rvle

    dans le rcit de Grgoire de Tours. Lobjet prcieux, en relatif bon tat, est en argent et doit tre

    destin tre transform en un encensoir et un calice grav de reprsentations . Le vase devait

    donc tre lourd et beau.

    Au-del de ces considrations, lpisode du vase de Soissons est important car il nous informe sur les

    intentions de Clovis durant sa campagne militaire. Le roi des Francs impose incontestablement sa

    supriorit ses guerriers en refusant le partage du butin parts gales. Il rappelle son droit de vie

    et de mort en tant que chef de guerre en frappant lun de ses soldats. Enfin, il tente de sattirer

    lalliance du haut clerg de Gaule en rpondant la requte de saint Remi.

  • 29

    LE TRSOR DES CATHARES

    1244

    Au XIIe sicle, le catharisme est un mouvement religieux qui se dveloppe dans le midi de la France,

    surtout en Languedoc. Accusant le pouvoir, la violence et la richesse de la papaut chrtienne, ses

    adeptes forment une contre-glise. Celle-ci prne un retour lidal vanglique et dfend le

    dualisme qui repose sur la coexistence du monde matriel de Satan et du royaume ternel de Dieu.

    Solidement implante par ladhsion de seigneurs occitans, elle est galement clairement

    hirarchise. Elle existe grce des bnfices commerciaux et des dons qui serviront bientt sa

    survie clandestine. Les principaux centres cathares se situent Albi, Bziers, Carcassonne,

    Montauban et Toulouse.

    En 1208, le pape Innocent III appelle la guerre sainte contre les hrtiques. Autorise par le roi

    Philippe Auguste qui ny participe pas, elle est commande par Arnaud Amaury, abb de Cteaux, et

    les barons du Nord, rapidement rejoints par le seigneur Simon de Montfort. Aprs le sac de Bziers et

    la prise de Carcassonne en 1209, laffrontement contre les albigeois devient le prtexte une

    conqute territoriale de La royaut sur lensemble du Sud-Ouest. Cest une guerre sanglante qui va

    durer plus de trente-cinq ans. Alors que les seigneurs sont traqus et dpossds de Leurs fiefs,

    lInquisition, son apoge, commet ses crimes. La condamnation contre les hrtiques, nonce par

    le IVe concile du Latran en 1215, est renouvele par le concile de Toulouse en 1229. Cette mme

    anne, le trait de Paris officialise le rattachement du Languedoc au royaume de France.

    En 1243, les derniers parfaits trouvent refuge Montsgur, une forteresse accroche un peron

    rocheux, en plein cur du pays de Foix. Le sige du chteau, ordonn par le roi Louis IX en personne,

    dure dix mois. Le 16 mars 1244, les hrtiques, qui refusent dabjurer, se dirigent deux-mmes vers

  • 30

    le bcher dont lemplacement est aujourdhui appel champ des Brls. Cette issue, qui ne met pas

    rellement un terme dfinitif au catharisme, fait merger lide que des survivants de Montsgur

    auraient t les dpositaires dun trsor. Selon des tmoignages, celui-ci aurait t discrtement

    sorti de la forteresse, la veille de la reddition, pour rejoindre une cache secrte situe dans lune des

    nombreuses grottes des environs. Cette version na pas laiss de marbre les chercheurs de trsor,

    professionnels et amateurs, qui se sont jets sur toutes les cavernes, parfois au pril de leur vie, sans

    prouver la moindre trace du butin.

    Anne Brenon, spcialiste des hrsies mdivales, nous livre une version toute diffrente et trs

    dcevante pour les passionns. Le trsor, tel que nous limaginons aujourdhui, ntait quune simple

    rserve montaire que lon pouvait trouver dans bien dautres communauts religieuses de la rgion.

    Nous connaissons mme le sort de celui de Montsgur. Plac sous la surveillance du beau-frre du

    seigneur de la forteresse Nol 1243, il a t confi quatre hommes qui ont vit le supplice du feu

    et lont achemin jusqu Crmone, ville refuge de lglise cathare occitane.

  • 31

    LE TRSOR DES TEMPLIERS

    1307

    Consacr par le concile de Troyes le 13 janvier 1128, lordre du Temple a pour fonction la

    conservation de la Terre sainte, conquise en 1099. Ses chevaliers, qui ont fait vu de pauvret, de

    chastet et dobissance, doivent protger les colons qui sy trouvent et les plerins qui sy rendent.

    Paralllement, ils dveloppent une activit bancaire laquelle ils se consacrent pleinement aprs la

    perte du royaume de Jrusalem en 1291. Lordre runit alors une fortune considrable,

    essentiellement compose de terres et de btiments. Il aurait possd jusqu deux mille

    commanderies, deux millions dhectares cultivs et la moiti des maisons de Paris.

    Devenus bien plus riches que le royaume de France lui-mme, les Templiers sattirent la haine du roi

    Philippe le Bel qui ordonne, sous de faux chefs daccusation, leur arrestation collective en 1307. Jets

    en prison, ils vont traverser une lente agonie jusqu la mort de leur haut reprsentant, Jacques de

    Molay, dernier grand matre de lordre, le 18 mars 1314.

    Quest-il alors advenu de la fortune des Templiers ? Au moment de larrestation, les officiers royaux

    fouillent lensemble des commanderies. Ils ny trouvent que quelques archives sans importance. O

    est donc pass tout largent que les religieux manipulaient quotidiennement ? A-t-il t sorti du

    royaume pour tre plac en scurit dans un lieu secret ou est-il rest enfoui quelque part en France

    sans que personne soit encore parvenu le retrouver ? Doit-on lire dans les graffitis de Chinon, de

    Domme et de Gisors que les Templiers ont gravs lors de leur dtention des indications codes

    permettant de nous conduire au fameux trsor ? Une rumeur prtend que, la veille de larrestation

    de lordre, trois lourds chariots ont discrtement quitt le Temple de Paris pour une destination

    demeure inconnue.

  • 32

    Pour Roger Lhomoy, un jardinier du chteau de Gisors, la rponse est toute trouve. Durant la

    priode de la Seconde Guerre mondiale, il dcouvre sous la forteresse une crypte renfermant des

    sarcophages et trente coffres de mtal prcieux. Cest en tout cas ce quil prtend. Car les

    campagnes de fouilles, rclames par Andr Malraux, qui se tiennent successivement en 1962 et

    1964, naboutissent rien, sauf la dstabilisation des fondations du chteau qui manque de

    seffondrer. Des travaux de consolidation sont venus rparer les mfaits de cette chasse au trsor et

    les fouilles Gisors sont aujourdhui interdites.

    En fin de compte, on est en droit de se demander sil a vraiment existe un trsor. Certes, chaque

    commanderie disposait dun peu de numraire pour ses affaires courantes mais lessentiel de la

    fortune de lordre, amass grce aux dons ou aux bnfices de lactivit bancaire, tait le plus

    souvent intgralement rinvestie dans de nouveaux domaines. Limage de coffres remplis dor et

    dargent continue nanmoins danimer les plus courageux, bien dtermins prouver quun trsor

    sommeille sous nos pieds.

  • 33

    LE SUAIRE DE TURIN

    1357

    Depuis sa premire exposition publique en 1357, le suaire de Turin fascine le monde chrtien et

    mme au-del. Cette pice de lin fil, tisse serg chevrons, longue de 4,40 mtres et large de

    1,10 mtre, serait le linceul du Christ. Les images du visage et du corps de ce dernier y sont

    clairement imprimes. Relique authentique ou faux moyengeux ? La question reste pose depuis

    plusieurs sicles.

    Lorigine du suaire de Turin est obscure. Au terme dun cheminement particulirement chaotique, le

    suaire ddesse, devenu suaire de Constantinople, et celui de Turin ne seraient quun. Cest la

    conclusion de certaines thses qui restent confirmer. La premire certitude sur le suaire est son

    exposition en lglise de Lirey, prs de Troyes, en 1357. Sa propritaire, la veuve de Geoffroy Ier de

    Charny, dit tenir la relique de son mari, sans aucune autre explication. Alors que lglise ne certifie en

    rien lauthenticit de la pice, Lirey devient un haut lieu de plerinage. Pass la famille du duc de

    Savoie en 1453, le suaire est expos en lglise ducale de Chambry qui devient, elle aussi, lieu de

    plerinage. Il chappe de justesse aux flammes en 1532 et connat ses premires restaurations deux

    ans plus tard, renouveles en 1694 et 1868. Transfr Turin en 1578, il appartient au Vatican

    depuis 1983.

    Dj lpoque de ses premires ostensions, le suaire est sujet polmique. Lvque de Troyes,

    Pierre dArcis, est catgorique : la relique est fausse et cest luvre dun vulgaire peintre. Pourtant,

    ce sont les premires photographies du suaire, ralises par lavocat italien Secundo Pia en 1898, qui

    vont rvler lincroyable nettet des images imprimes de lhomme supplici. Celles-ci sont dautant

    plus tranges quaucun pigment na t retrouv sur le tissu et que des analyses laissent penser

  • 34

    que le drap a pu recouvrir un cadavre. Comment un corps humain a-t-il pu laisser sa trace sur un

    tissu ? Pourquoi limage est-elle parfaitement plane alors quelle devrait tre dforme ? Daprs les

    croyants, le phnomne sest produit lors de la Rsurrection. Quel que soit le processus

    dimpression, il est saisissant dobserver les dtails contenus dans ces images. On y retrouve les

    cicatrices du fouet, le coup de lance sur le flanc, les traces de la couronne dpine, les poignets

    percs (et non les mains) et les coules dun liquide identifi par certains biologistes comme du sang

    humain.

    Les moyens modernes de la science ont t mis au service de lanalyse du suaire. En 1988, une

    datation au carbone 14 est effectue sous la coordination des experts du British Museum. Ces

    derniers apportent des conclusions claires : le tissu date dune priode situe entre 1260 et 1390. Le

    suaire serait donc un faux moyengeux. Les rsultats sont contests. En effet, les prlvements sur la

    pice de tissu ont t raliss uniquement sur les bordures, des endroits qui peuvent ntre que des

    restaurations. Lglise na pas autoris le prlvement de nouveaux chantillons jusqu aujourdhui.

    Par ailleurs, la mthode de tissage du suaire est celle qui tait pratique au Moyen Orient il y a deux

    mille ans. Enfin, des pollens retrouvs sur le tissu rvlent un sjour de la relique en Palestine. Cette

    dernire conclusion, qui peut participer lauthentification du linceul, est battue en brche par de

    nouveaux spcialistes. Le suaire de Turin, objet de ferveur pour les uns, continue dtre un sujet de

    questionnements et daffrontements scientifiques pour les autres.

  • 35

    LE RETOUR DE JEANNE DARC

    1436

    Tombe aux mains des Anglais en 1430, Jeanne dArc est juge Rouen lanne suivante. Son

    tumultueux procs se clt par une condamnation mort. La Pucelle est brle sur la place du Vieux-

    March de la ville. Afin deffacer toute trace de son souvenir, ses cendres sont jetes dans la Seine.

    Pourtant, des rumeurs courent travers le royaume. La fidle allie du roi Charles VII ne serait pas

    morte. Elle aurait t remplace par une autre dtenue sur le bcher. Certains pensent mme quelle

    se serait vade grce un souterrain creus depuis sa cellule.

    En 1436, cinq ans aprs la mort de Jeanne, une jeune femme dnomme Claude provoque la

    stupfaction Metz. Des seigneurs sont persuads de voir en elle la Pucelle et lincitent vivement

    retrouver ses frres. Lors de la rencontre fatidique, ces derniers sont sous le choc : il sagit bien de

    leur sur, brle quelques annes plus tt. La nouvelle de la survie de Jeanne dArc se rpand dans

    tout le pays. Quelques-uns de ses anciens compagnons accourent pour la reconnatre, parmi lesquels

    le sire Nicolle Lowe, le sire Nicolle Groingnait et le seigneur Aubert Boulay. Tous sont formels : il

    sagit bien de Jeanne. Pour preuves, ne sait-elle pas monter cheval, porter les armes et rpondre

    aux questions de ses proches ?

    Elle repasse par la ville de Metz dans laquelle elle est acclame et couverte de prsents avant de

    gagner la confiance de la duchesse du Luxembourg Arlon et du comte de Warnenbourg Cologne.

    Elle se marie avec Robert des Armoises, un seigneur lorrain, qui lui fait deux enfants et lui donne le

    titre de Pucelle de France. Leurs deux blasons sont unis pour lternit. Paralllement, lun des frres

    de Jeanne se fait messager en rpandant la bonne nouvelle, notamment Orlans o tout le monde

  • 36

    croit au miracle. Une seule personne rsiste la jeune femme, le roi Charles VII, qui ne rpond

    aucune de ses missives.

    En 1439, Jeanne des Armoises entre dans Orlans o elle est clbre par toute la population qui la

    reconnat. Immdiatement, la ville prend la dcision de cesser la commmoration quelle organisait

    chaque anne en souvenir de sa disparition. Au terme de cet pisode heureux, la jeune femme

    retrouve le marchal de France Gilles de Rais qui la tant servie dans le pass. Lui aussi est formel : il

    a bien la Pucelle devant lui.

    Un an plus tard, on retrouve Jeanne des Armoises Paris, dans des conditions bien moins favorables

    qu Orlans. La jeune femme sexplique devant des magistrats, dans la grande cour du Palais. En

    prsence du peuple, elle avoue tre une menteuse et demande pardon. Elle raconte avoir frapp ses

    parents, avoir visit le pape pour rentrer en grce, avoir fait la guerre en habit dhomme et avoir tu

    par deux fois. Jeanne des Armoises est emprisonne plusieurs mois avant de se remarier avec un

    certain Jean Douillet.

    La survie de Jeanne dArc ne fut donc pas une nigme trs longue. La Pucelle a bien t brle

    Rouen. Certes, le jour de sa mort, lordre donn de ne pas communiquer avec elle pouvait tre

    interprt comme un indice suspect. Mais les Anglais sont attachs ce principe : il ne peut y avoir

    aucun doute sur sa disparition. cette fin, Jeanne dArc a t volontairement prsente plusieurs

    reprises aux spectateurs durant son excution. Que peut-on alors penser des proches de la Pucelle et

    de leurs tmoignages ? Certains dentre eux ont assurment voulu croire au plus profond deux-

    mmes la survie de lhrone. Dautres, limage des deux frres, ont probablement t tents de

    profiter de loccasion pour mener grand train.

  • 37

    LES PROPHTIES DE NOSTRADAMUS

    1555

    Pass la postrit sous le nom de Nostradamus, Michel de Nostredame nat Saint-Rmy-de-

    Provence le 14 dcembre 1503. Il aurait dj appris les bases de la mdecine et de lastronomie

    durant son enfance avant dentrer la facult de mdecine dAvignon, puis celle de Montpellier.

    Professionnellement install Agen o il est mari et pre de deux enfants, sa vie se trouve

    bouleverse quand son foyer succombe une pidmie. Parti seul pour Bordeaux en 1539, il dcide

    de devenir mdecin itinrant. Ses priples travers la France permettent de faire clore une

    premire lgende sur des prophties quil prononcerait au gr des rencontres faites sur son chemin.

    Ainsi la mmoire collective a retenu le fait quil ait reconnu le futur pape Sixte V.

    g dune quarantaine dannes, Nostradamus retourne dans sa rgion natale o il se remarie. Il

    stablit Salon-de-Provence et continue de soigner les malades, happs par la peste, en parcourant

    le sud de la France et lItalie. Cette nouvelle vie connat une autre rupture quand, en 1555, est publi

    un premier ouvrage, Les Prophties de M. Michel Nostradamus. Sous des quatrains dun style tortur,

    prsents en centuries, Nostradamus dvoile sa passion pour lastronomie et ses qualits de

    prophte. Il est convaincu que les astres, qui influencent le comportement du corps, sont galement

    les instruments dune prdiction pour celui qui a reu un don de ses aeux. Son livre rencontre un tel

    succs que de nouvelles ditions, enrichies au fil des annes, se succdent intervalles rguliers.

    Invit la cour de Catherine de Mdicis, il prdit celle-ci que, fait exceptionnel, ses trois fils

    rgneront. Lhistoire le confirmera. Lanne 1564 est la conscration de la carrire de Nostradamus :

    il est nomm conseiller et mdecin ordinaire du jeune roi Charles IX quand celui-ci passe par Salon-

  • 38

    de-Provence. Jusqu son dernier souffle, Nostradamus est au service de ses patients. Il meurt dans la

    nuit du 2 au 3 juillet 1566.

    Depuis leur premire publication jusqu aujourdhui, les crits de Nostradamus ont provoqu de

    vives critiques qui en ont fait oublier toute lintelligence et lhumanit de lhomme, un savant lou

    par Ronsard et pleinement install dans son sicle. Il faut cependant bien avouer qu la premire

    lecture, les quatrains du prophte paraissent obscurs. Sans aucun respect de la chronologie et de la

    syntaxe, ils ncessitent une interprtation. Celle-ci peut alors facilement conduire le lecteur les

    rapprocher dun vnement personnel. Dans ce cas, les strophes de Nostradamus ne portent en elles

    quun caractre universel. Les nombreuses ditions des strophes de Nostradamus nont-elles t

    quune simple opration commerciale ? Pas si sr lorsque lon se penche sur certains passages qui

    parviennent jeter le trouble jusque dans les esprits les plus sceptiques.

    Dans le quatrain 35 de la centurie I, Nostradamus prdit, quatre ans lavance, la mort du roi

    Henri II :

    Le Lyon jeune le vieux surmontera,

    En champ bellique par singulier duelle,

    Dans cage dor les yeux lui crvera,

    Deux classes une puis mourir mort cruelle 4.

    Nous retrouvons dans ces vers les lments de lvnement du 30 juin 1559, lors dun tournoi : la

    dmonstration militaire dHenri II et du jeune Gabriel de Montgomery, la lance de ce dernier

    transperant lil du roi et la lente agonie du souverain.

    Nostradamus na-t-il pas dans ces vers prophtis lassassinat du duc de Guise qui survient le 23

    dcembre 1588 ?

    En lan quun il en France rgnera,

    La Cour sera un bien fascheux trouble.

    4 Fontbrune (Jean-Charles de), Nostradamus, ditions du Rocher,

    1980 (sources : seconde dition de 1605 faite par Benoist Rigaud

    Lyon).

  • 39

    Le Grand de Bloys son amy tuera,

    Le rgne mis en mal et doubte double 5.

    (Centurie III, quatrain 55)

    Il annonce en une ligne La condamnation mort de Charles Ier par Le Parlement anglais. Le roi sera

    dcapit Londres, devant le palais de Whitehall, le 30 janvier 1649.

    Snat de Londres mettront mort leur Roy 6.

    (Centurie IX, quatrain 49)

    Dans un registre tout proche, cest lpisode de la fuite de Louis XVI jusqu Varennes que lon peut

    imaginer dans le quatrain 20 de la centurie IX :

    De nuict viendra par la fort de Reines,

    Deux pars vaultorte Herne la pierre blanche

    Le moine noir en gris dedans Varennes,

    Esleu cap cause tempeste, feu, sang, tranche 7.

    La dernire ligne nvoque-t-elle pas les troubles meurtriers de la Rvolution ? Dailleurs,

    Nostradamus a prdit une grande transformation pour lanne qui suit la fuite du roi. Dans sa lettre

    5 Ibid.

    6 Ibid.

    7 Ibid

  • 40

    Henri II date du 27 juin 1558, il crit : Lan 1792 que lon pensera tre une rnovation du sicle 8.

    Nest-il pas question de la proclamation de la Ire Rpublique ? celle-ci suit le temps des excutions

    royales :

    Le trop bon temps, trop de bont royale

    Faicts et dffaicts prompt, subit, ngligence.

    Lger croira faux despouse loyale

    Luy mis mort par sa bnvolence 9.

    (Centurie X, quatrain 43)

    Cest aussi le personnage et la carrire de Napolon que lon croit dcouvrir travers trois quatrains

    dissmins dans le recueil :

    Un Empereur naistra prs dItalie,

    Qui lempire sera vendu bien cher,

    Diront avec quels gens il se ralie

    Quon trouvera moins Prince que boucher 10.

    (Centurie I, quatrain 60)

    De la cit marine et tributaire

    La teste raze prendra la Satrapie :

    8 Lignon (Yves), Raynaud (Olivier) et Morisson (Jocelyn), Les nigmes

    de ltrange, First, 2005, p. 295.

    9 Fontbrune (Jean-Charles de), Nostradamus, op. cit.

    10 Ibid.

  • 41

    Chassez sordide qui puis sera contraire.

    Par quatorze ans tiendra la tyrannie 11.

    (Centurie VII, quatrain 13)

    De soldat simple parviendra en empire.

    De robe courte parviendra la longue

    Vaillant aux armes en glise ou plus pyre,

    Vexer les prtres comme leau faict lesponge 12.

    (Centurie VIII, quatrain 57)

    On retrouve Napolon Bonaparte, n en Corse, se faisant connatre lors du sige de Toulon, avant

    darriver quelques annes plus tard au pouvoir en faisant basculer la France dun Directoire

    dmocratique un Empire autoritaire et belliqueux.

    Mme sil est certain que ces extraits ne sont choisis que parce quil sagit des plus convaincants,

    comment ne pas tre troubl par tant de prophties que lhistoire a valides ? Alors que certains ne

    voient dans luvre crite de Nostradamus quune conjugaison au futur des choses du pass,

    dautres prtent une oreille plus attentive aux ventuelles capacits parapsychologiques du mdecin.

    11 Ibid.

    12 Ibid.

  • 42

    LHOMME AU MASQUE DE FER

    1669

    En 1661, le jeune Louis XIV ordonne larrestation de son surintendant des Finances, Nicolas Fouquet,

    accus de malversations. DArtagnan participe la mission et se voit confier par le roi la surveillance

    du dtenu la forteresse de Pignerol. Le mousquetaire refuse et propose le nom de Bnigne de

    Saint-Mars pour le remplacer. Marchal des logis de confiance, Saint-Mars devient donc en 1665

    gouverneur de la prison de Pignerol, situe une soixantaine de kilomtres au sud-ouest de Turin.

    Quatre ans plus tard, il y reoit un nouveau dtenu. Les conditions dincarcration de ce dernier sont

    la fois prcises et particulires. Le prisonnier doit tre surveill jusqu sa mort par le gelier, son

    identit doit rester secrte et il ne doit en aucune manire communiquer avec lextrieur. Sil rvle

    son nom ou parle dautres sujets que de ses ncessits , il doit tre immdiatement tu. Pourquoi

    de telles prcautions et un tel mystre autour dun condamn ? Saint-Mars lui-mme semble

    lignorer.

    En 1681, le gouverneur est nomm au chteau dExilles, une autre prison du royaume, proche de

    celle de Pignerol. Il emmne avec lui linconnu et y demeure jusquen 1687, date laquelle il obtient

    un nouveau poste, celui de gouverneur de la forteresse de Sainte-Marguerite, dans larchipel des

    Lrins. Pour ce nouveau transfert, Saint-Mars fait preuve dun tel zle quon le souponnerait

    presque de forger lui-mme le mythe du Masque de fer en suscitant la curiosit du peuple.

    Respectant les consignes qui lui avaient t transmises lors de lentre de linconnu Pignerol, le

    gardien impose une chaise porteurs intgralement couverte de moleskine et un masque de velours

    noir que le prisonnier ne quittera plus et que la Lgende, lance par Voltaire, transformera en

    masque de fer quip de ressorts dacier. Cest dans le cadre de Sainte-Marguerite que se serait tenu

    lpisode de lassiette dargent sur laquelle le dtenu aurait grav un message avant de la lancer La

  • 43

    mer. Rcupre par un pcheur, lassiette aurait t un sujet dangoisse pour Saint-Mars jusqu ce

    que celui-ci apprenne que le dtenteur de lobjet tait analphabte. La scne, issue des crits de

    Voltaire, reste historiquement contestable mais participe la survivance de la lgende.

    En 1698, Saint-Mars obtient un dernier poste, celui de gouverneur de la Bastille. Une fois de plus, il

    prend toutes Les prcautions qui simposent pour respecter lanonymat de linconnu. Dans la

    forteresse parisienne, le dtenu, est de nouveau plac lcart des autres prisonniers et continue de

    se dplacer masqu. Son visage a pourtant vieilli avec le temps et serait difficilement reconnaissable.

    Linconnu meurt le 19 novembre 1703 aprs trente-quatre ans demprisonnement. Il est enterr au

    cimetire Saint-Paul sous le nom de Marchiali. Saint-Mars disparat cinq ans plus tard. Dans sa tche,

    le gelier tait assist dtienne du Junca, le premier sintresser lidentit de lobscur

    personnage souhaitant faire taire les rumeurs. Malgr le srieux de ses investigations, cc sont toutes

    les hypothses, des plus srieuses aux plus incongrues, qui vont se succder au fil des annes. Parmi

    elles, se distingue celle qui dsigne Molire comme tant le Masque de fer.

    Pour dcouvrir la vrit, il faut examiner de prs les registres tenus par Saint-Mars ainsi que la

    correspondance quil entretenait avec le marquis de Louvois, puis avec son fils Barbezieux. Au total,

    ce sont sept dtenus qui sont enregistrs Pignerol. Parmi eux doit forcment se trouver le Masque

    de fer. Il sagit de savoir ce quils sont devenus aprs leur entre dans la forteresse alpine pour en

    arriver lidentit du mystrieux prisonnier.

    Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances dchu et emprisonne vie, meurt en mars 1680,

    avant que Saint-Mars ne rejoigne son poste Exilles.

    Le comte de Lauzun, marchal de camp du roi, est condamn rejoindre Pignerol en 1671 suite

    des propos outrageants lgard de Mme de Montespan mais quitte la forteresse en 1681. Devenu

    due de Lauzun, il meurt en 1723.

    Un moine, condamn lemprisonnement pour escroquerie autour dune pierre philosophale

    imaginaire, entre Pignerol en 1674 et devient fou. Il meurt en prison en 1694.

    La Rivire, fidle valet de Fouquet, reste en prison aprs la mort de son matre et meurt pendu

    Exilles en 1687.

    Lofficier Dubreuil, accus despionnage au service de lEspagne, est libr en 1684.

    Le comte Matthioli, condamn pour avoir dvoil un trait secret entre Louis XIV et le duc

    Charles IV de Mantoue, entre dans la forteresse de Pignerol en 1679 avant de rejoindre directement

    Sainte-Marguerite o il meurt probablement en 1694, anne partir de laquelle son nom disparat

    des registres. Saint-Mars rcupre trs certainement son patronyme et le dforme pour donner une

    identit au Masque de fer lors de ses funrailles au cimetire Saint-Paul.

    De ces six dtenus, aucun ne peut tre le Masque de fer. Selon de nombreux historiens, linconnu

    serait donc le septime de la liste, Eustache Dauger (ou Danger). Peu de choses nous sont parvenues

    sur ce personnage, il aurait t valet et se serait fait arrter Calais en juillet 1669. Conduit par le

  • 44

    major de Dunkerque, Alexandre de Vauroy, jusqu Pignerol pour tre emprisonn, il y touche une

    pension identique celle des gens ordinaires. Il faut croire que limportance du secret quil porte

    dcrot avec le temps car il est autoris entrer au service de Fouquet au sein mme de la forteresse

    de Pignerol ds 1675.

    Une seule question reste sur toutes les lvres : quelle tait la nature du secret de cet nigmatique

    Dauger ? Y avait-il un lien avec une affaire diplomatique de premier ordre ? Ces questions senses,

    qui restent encore poses aujourdhui, ne balaient daucune manire les anciens questionnements

    toujours aussi prsents dans linconscient collectif. Linconnu ntait-il pas lenfant illgitime de la

    reine Anne dAutriche, mre de Louis XIV ? Mieux encore, ntait-il pas le frre jumeau du Roi-Soleil ?

    Dans ce cas, son secret ne reposait-il pas sur son visage, en tous points identique celui du

    monarque ?

    Aprs sa mort, les geliers sappliquent ne laisser aucune trace matrielle de son passage. Ses

    objets personnels sont dtruits et les murs de sa cellule sont poncs. Son identit aurait t rvle

    par le Roi-Soleil lui-mme au futur rgent, Philippe dOrlans, qui nvoquera jamais le sujet. Le

    mystre est donc rest entier, pour le plus grand plaisir des crivains et des cinastes qui ont vu en

    ce prisonnier, le plus connu de France, tantt une victime de larbitraire royal, tantt une figure

    typiquement romantique.

  • 45

    LES GANTS DE LLE DE PQUES

    1722

    Class au patrimoine mondial de lUNESCO en 1995, le dcor de lle de Pques fascine les visiteurs

    qui sy rendent pour admirer les clbres moai, ces immenses statues dresses sur le littoral. Situe

    au cur de locan Pacifique, plus de 3 500 kilomtres des ctes chiliennes, lle a abrit une

    civilisation encore obscure aux yeux des plus grands spcialistes.

    Lle, aperue par le flibustier Edward Davis en 1687, est visite pour la premire fois par Jacob

    Roggeveen le 10 avril 1722. Les Polynsiens lui ont dj donn un nom, Rapa Nui. Mais le

    commandant hollandais la baptise le de Pques en raison du calendrier. La rencontre entre les

    Europens et les autochtones se fait dans de singulires circonstances. Parce que les habitants de

    lle ont vol du matriel sur le navire de Roggeveen, celui-ci dcide de les punir en les attaquant

    avant de quitter les lieux. Il noublie cependant pas de faire dcrire ce qui fait lle dans son journal de

    bord, et notamment la prsence dtranges statues sculptes, lui semble-t-il, dans largile,

    En novembre 1770, cest au tour de lEspagnol Felipe Gonzales y Haedo de dcouvrir lle. Ignorant le

    passage des Hollandais, il la nomme San Carlos , du nom du roi dEspagne, et lannexe la

    couronne. Pour rendre compte de ce nouveau territoire son souverain, il dresse la premire carte

    du lieu et sinterroge, lui aussi, sur lorigine et la signification des statues disperses sur son sol qui

    font toute son admiration. Lorsquils dcouvrent lle en 1774 et 1786, lAnglais James Cook et le

    Franais La Prouse se posent les mmes questions. En 1862, plus dun millier dhommes sont

    dports et rduits en esclavage par les Pruviens. La majorit dentre eux meurent sur le continent

    la mme anne. Cette ponction annonce le dclin de la civilisation pascuane qui saffirme quand, dix

  • 46

    ans plus tard, le futur Pierre Loti visite lle. En 1888, le Chili annexe le territoire, Il y construira un

    bagne et y relancera ainsi lactivit humaine.

    La premire tude ethnographique de lle est mene par lAnglaise Katherine Routledge en 1914 et

    1915. Dans les annes 1950, une tude archologique est dirige par le Norvgien Thor Heyerdahl.

    Ce dernier tente notamment de comprendre le mode drection et la signification des 800 statues

    dont certaines ont t places dos la mer. Atteignant une hauteur de 20 mtres pour les plus

    grandes, leur poids se mesure en tonnes. Elles ont t sculptes dans le tuf, la roche volcanique de

    lle. Elles reprsentent des hommes au visage rectangulaire, dpourvus de membres infrieurs.

    Quelques-unes ont loriginalit dtre couronnes dun grand chapeau taill dans un minral

    diffrent de celui du corps, mais bon nombre dentre elles nont jamais t acheves, abandonnes

    mme la carrire. lorigine, leurs yeux immenses, faits de corail blanc et de tuf noir ou rouge,

    taient tourns vers le ciel. Tombs, ils ont laiss ces immenses visages cubiques des orbites vides.

    Retrouvs lors de fouilles menes par larchologue pascuan Sergio Rapu en 1978, ils ont t

    replacs comme lorigine.

    Les recherches menes tout au long de la seconde moiti du XXe sicle permettent aujourdhui

    daffirmer que les moai ont t rigs entre le XIIIe et le XVIIe sicle, priode durant laquelle le

    nombre dhabitants sur lle tait le plus lev. La population usait de la fort dense qui couvrait lle

    pour fabriquer les leviers et les madriers ncessaires llvation des statues. Cette dforestation

    aurait t la cause de la progressive extinction du peuplement autochtone. Des spcialistes avancent

    galement lhypothse de luttes intestines et dpidmies.

    La question la plus importante qui reste encore sans rponse claire est celle-ci : pourquoi avoir rig

    ces immenses statues ? Lexplication est peut-tre contenue dans des tablettes de bois graves. Ces

    tablettes parlantes , retrouves sur lle et appeles rongo-rongo , portent des inscriptions qui

    restent encore aujourdhui indchiffrables. Le docteur Steven Fischer, directeur de lInstitut des

    langues et des littratures polynsiennes Auckland en Nouvelle-Zlande, avance lide quelles

    tmoigneraient des croyances du peuple de lle.

  • 47

    LE CHEVALIER DON

    1755

    Homme ou femme ? Le chevalier don reste lun des personnages les plus nigmatiques de toute

    lhistoire de France. N le 5 octobre 1728 Tonnerre, en Bourgogne, Charles Genevive don de

    Beaumont est issu dune famille de la noblesse de robe. Ses prnoms, masculin et fminin, dvoilent

    une certaine ambigut que lintress ne cessera de cultiver durant toute sa vie. Brillant lve, il est

    envoy dans la capitale o il suit les enseignements du collge des Quatre Nations et les cours

    descrime du clbre Teillagory. Devenu avocat au parlement de Paris, il rdige une thse sur les

    finances royales sous Louis XIV. Remarqu pour ses crits, il devient censeur royal pour lHistoire et

    les Belles Lettres 21 ans seulement.

    Son mystre nat un soir de 1755, quand il arrive costum en femme Versailles loccasion dune

    fte de carnaval. cette poque, le travestissement est trs librement pratiqu dans les milieux

    nobles et aristocrates, dans un but de sduction ou despionnage. Cest ainsi que lon retrouve de

    nombreux personnages dguiss dans les pices de thtre. Lune des figures historiques tes plus

    emblmatiques de cette mode est labb de Choisy, un ecclsiastique original qui aimait sexhiber

    habill en robe et par de bijoux. Laccoutrement fminin va si bien Charles Genevive que le roi

    Louis XV lui-mme est sduit. Victime de la supercherie, ce dernier se rend vite compte quil dtient

    en cet tre troublant un atout trs utile pour faire avancer sa politique trangre. Don est aussitt

    plac au service du secret du roi , le premier service de renseignements du royaume.

    la veille de la guerre de Sept Ans, la France cherche resserrer ses liens avec lEmpire russe. Pour

    entrer en contact avec la tsarine Elisabeth Petrovna, Louis XV ne voit quun seul intermdiaire :

    Charles Genevive don. Envoy la cour de Russie, travesti en femme sous lidentit de sa sur,

  • 48

    Lia de Beaumont, sa mission consiste gagner la confiance de la Cour et obtenir la signature dun

    trait dalliance. Le plan du roi fonctionne merveille : lespion parvient mme devenir lectrice au

    chevet de la tsarine (fait contest par les sources russes). Un accord est conclu et la France obtient le

    soutien de la Russie pour affronter les Anglais. En guise de rcompense, Louis XV offre don une

    tabatire en or et le nomme lieutenant des Dragons. La lgende se rpand : le serviteur du roi doit

    certainement avoir une nature diffrente de celle quil veut bien montrer pour avoir russi berner

    la tsarine de toutes les Russies.

    Devenu capitaine, don sillustre dans les combats de la guerre de Sept Ans. Il gagne le titre de

    chevalier en recevant la croix de lordre de Saint-Louis. Cette distinction ajoute un peu plus de

    mystre encore son personnage. Est-il un pdant effmin ou plutt un valeureux guerrier ?

    Au terme de la guerre, le chevalier don est envoy Londres. Nomm secrtaire dambassade

    auprs du comte de Guerchy, il doit prparer en toute discrtion un plan pour venger la dfaite de la

    guerre de Sept Ans : le dbarquement des armes de Louis XV en Angleterre. Labsence de Guerchy

    lui fait perdre la tte. Sa mission accomplie, il donne des ftes somptueuses, reprend naturellement

    le costume fminin et se fait appeler Miss Terry . Devenu lune des grandes figures mondaines du

    moment, il fait lobjet dincroyables paris. Les Anglais jouent des sommes considrables sur une seule

    et mme question : don est-il un homme ou une femme ? On cherche mme le kidnapper pour

    obtenir la vrit. Louis XV voit dun trs mauvais il ce train de vie dispendieux qui met mal les

    finances de ltat. Don se sert du secret militaire dont il a connaissance pour faire taire le roi. Ce

    dernier doit envoyer Beaumarchais pour ngocier. Lors de sa mission, lcrivain en profite pour

    percer le mystre. Crdites par sa grande exprience de sducteur, ses conclusions sont formelles :

    don est une femme.

    Arriv au pouvoir, Louis XVI connat bien la lgende du travesti. Convaincu lui aussi quil est une

    femme, il lui propose de rentrer en France aprs un exil de quinze ans. Il lui impose une condition :

    conserver de manire dfinitive lhabit fminin. Le chevalier la respecte et devient donc Mlle don

    de Beaumont. Il se montre dabord en robe la cour de Versailles avant de partir faire un sjour

    Tonnerre o la population locale, qui a bien connu le jeune Charles Genevive, nen revient pas de le

    retrouver en dame. En 1786, pour rgler des affaires financires, celui qui aime se surnommer la

    pucelle de Tonnerre regagne lAngleterre. En grande difficult plus de 60 ans, il doit cder sa

    bibliothque londonienne et participer des exhibitions payantes descrime travers le pays. Avec la

    Rvolution, le chevalier ne bnficie plus de lappui financier du roi et ses biens situs en France sont

    vendus. Ruin et bloqu outre-Manche, il est emprisonn avant de trouver refuge chez Miss Mary

    Cole. Don meurt en femme le 21 mai 1810, lge de 81 ans.

    En France, en Russie et en Angleterre, le chevalier a aliment une lgende aujourdhui passe la

    postrit. Dans ses crits autobiographiques, na-t-il pas avou tre n fille mais avoir t lev

    comme un garon ? Objet de fantasmes, son physique androgyne, sans barbe et avec un peu de

    poitrine, a suscit de multiples questions auxquelles les historiens et les mdecins nont rpondu

    quen partie. Lautopsie de son corps, effectue en prsence de prs dune vingtaine de tmoins,

    offre nanmoins une certitude : le chevalier tait pourvu d organes mles parfaitement forms .

    En excluant lhermaphrodisme, son inclination pour le travestissement partir de son premier sjour

    Londres relverait donc essentiellement de la psychologie. Diffrentes thses se sont affrontes

    ce sujet. Pour certains, don aurait t homosexuel. Pour dautres, il aurait t impuissant. Pour

  • 49

    dautres encore, il aurait t dnu de tout dsir sexuel et son costume aurait remplace sa libido.

    Lhypothse du syndrome de Klinefelter a donc t avance. Aucune supposition na pu tre retenue

    de faon dfinitive. Le chevalier devenu chevalire nen a pas termin de susciter la curiosit des

    passionns.

  • 50

    LA BTE DU GVAUDAN

    1764

    Pendant trois ans, de 1764 1767, dans la province du Gvaudan, lactuelle Lozre, une bte

    inconnue agresse et tue, provoquant langoisse et la superstition de toute une population. Ceux qui

    rchappent ses griffes la dcrivent comme un animal ressemblant un loup, aux pattes puissantes,

    aux mchoires destructrices et la queue touffue. Dans une rgion couverte de montagnes, de

    grottes et de forts, Les recherches sont particulirement difficiles et laissent les hauts dignitaires

    impuissants face la sauvagerie des actes commis. Les cadavres des victimes portent les traces dune

    frocit rarement observe. Le plus souvent, le ventre est dchiquet, La gorge est tranche.

    Aux yeux de ceux qui lont croise, la bte a un comportement singulier et droutant. Elle saventure

    sur des prairies occupes par les troupeaux, mais elle sen prend dabord aux femmes et aux enfants,

    la campagne comme en bordure des bourgs, parfois plusieurs reprises dans une seule et mme

    journe. Traque pendant des heures, elle est capable de continuer provoquer la population le soir,

    en rdant autour des maisons. Insensible aux coups de fourche quelle reoit, elle lest galement

    aux coups de fusil. Cette invulnrabilit a fait dire quelle tait une crature de Satan, envoye sur

    terre pour punir les pcheurs et les hrtiques, ou un homme dguis pour assouvir ses pulsions

    morbides.

    Face au dsastre, les autorits ragissent vite. tienne Lafon, syndic du diocse de Mende, en appelle

    la participation des dragons qui, placs sous le commandement du capitaine Duhamel, chassent la

    bte partir du mois de septembre 1764. Paralllement, les paysans sarment de leurs outils et se

    lancent dans dimportantes battues, en vain. Deux mois plus tard, La Gazette de France, journal

  • 51

    officiel du royaume, publie une premire description de ltrange animal qui, ds lors, suscite la fois

    la peur et la fascination dans tout le pays.

    Le 12 janvier 1765, cest tout un groupe denfants qui rencontre la bte. Ayant courageusement

    dfendu la vie de ses jeunes amis, le trs modeste Jacques Portefaix reoit une prime de trois cents

    livres et se trouve protg par la monarchie qui lui fait pouser une carrire militaire. Peut-tre

    sagit-il l dun vif encouragement de la part du roi Louis XV en direction de la population locale

    vaincre Lanimal. Mais les battues noffrent aucun rsultat et le commandant Duhamel se retire.

    Cest un louvetier, Martin Denneval, fort de ses prcdents succs, qui prend le relais en offrant ses

    services au mois de fvrier 1765. Ses observations lui font rapidement dire que la bte nest

    probablement pas un loup. Alors que les frres Martel de la Chaumette prtendent avoir tu

    lanimal, tort, les soupons se tournent en direction de deux hommes, Jean Chastel et son fils

    Antoine. Ces derniers tranent une mauvaise rputation et sont des cibles toutes trouves pour une

    population devenue paranoaque au regard dun bilan particulirement lourd. En un an, la bte a tu

    soixante-six personnes.

    Versailles supporte mal limmobilisme dans lequel est plong le Gvaudan. Louis XV dcide dy

    envoyer son porte-arquebuse, le marquis Franois Antoine de Beauterne. Loptimisme des habitants,

    provoqu par larrive du reprsentant du roi, est de courte dure. La crature continue de se cacher

    et de svir dans un primtre qui ne cesse de slargir. Enfin, le 21 septembre, Beauterne annonce

    avoir tue lanimal qui est identifi par quelques survivants et dont le corps empaill est prsent la

    cour de Versailles. Laffaire est officiellement close et le porte-arquebuse se retire du Gvaudan.

    Pourtant, partir du mois de dcembre 1765, les agressions reprennent. Face au silence du roi, La

    rgion seule se mobilise. Le marquis Jean Joseph dApelier organise de nouvelles battues auxquelles

    participe toute la population paysanne. Le 19 juin 1767, Jean Chastel tue un loup, reconnu

    responsable des horreurs qui frappent le pays depuis trois ans. Fier de son exploit, il se prsente

    Versailles o il nobtient aucune distinction. Il permet nanmoins aux habitants du Gvaudan de

    retrouver une certaine tranquillit. La bte ne frappera plus jamais.

    Des questions subsistent. Y avait-il un lien entre Chastel et lanimal ? Lide que lhomme avait dress

    la bte avant de la tuer de ses propres mains a t avance. Une autre hypothse, celle de la runion

    des actes de plusieurs loups, nest pas exclure. moins que, considrant la nature trop craintive de

    ces animaux, il se soit agi des actes dun seul homme, Chastel en loccurrence, couvert de fourr