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LES GRANDES SOCIÉTÉS DE COMMERCE

JAPONAISES

les

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BIBLIOTHÈQUE JAPONAISE

Bibliographie des ouvrages traduits du japonais et des ouvrages en langues occidentales concernant le Japon, par Francine HERAIL. La fête d'Ôgi et le nô de Kurokawa, par Gérard MARTZEL. Fonctions et fonctionnaires japonais au début du X I siècle, par Francine HERAIL.

La genèse de la sculpture bouddhique japonaise, par François BERTHIER. La littérature japonaise, par René SIEFFERT. Le végétal dans la vie japonaise : l'utilisation alimentaire des plantes sauvages dans un pays de montagne, par Jane COBBI. La rizière et la banquise : colonisation et changement culturel à Hokkaïdo, par Augustin BERQUE. L'espace dans la société urbaine japonaise, par Jean BEL. La maison japonaise, par Jacques PEZEU-MASABUAU. Haïku satirique : le senruû, par Jean CHOLLEY. Fêtes et rites des quatre saisons au Japon, par Laurence BERTHIER. Arts du Japon : masques et portraits, par François BERTHIER. Les intellectuels japonais, d'ODA Makoto, traduit par Jean-Michel LECLERCQ.

COLLECTION «LES OEUVRES CAPITALES DE LA LITTÉRATURE JA- PONAISE» (récits épiques et poèmes), traduction et présentatioon par René SIEFFERT :

Chants et Palefreniers (Saibara-uta). Le dit du Genji de Murasaki-shikibu, première partie. Le dit de Hôgen, Le dit de Heiji. Le dit des Heiké. Journal de Murasaki-shikibu. Le journal de Sarashina. Journaux de voyage, de Bashô. Poèmes d 'amour du Manyô-shû. Théâtre du moyen-âge : nô et kyôgen. Le mythe des 47 rônin (trad. René Sieffert, Michel Wasserman). Eloge de l'ombre de Tanizaki Junichirô, essai traduit par René Sieffert. Japon, textes littéraires traduits et présentés par René Sieffert. Le Japon et la France : images d'une découverte, direction : René Sieffert (nombreuses illustrations noires et couleurs).

ENCYCLOPÉDIE PERMANENTE DU JAPON

Direction René Sieffert. 600 pages par an par livraison bimestrielle. Cinquième année d'édition.

ÉDITIONS EN MICRO-FICHES

Bibliothèque japonaise : 100 titres d'ouvrages anciens ou épuisés (catalogue sur demande). Histoire de la médecine japonaise moderne, par Alain Briot. Les grandes terres de Hokkaïdô, par Augustin Berque. Le Japon et l'inflation par Dominique Turcq.

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BIBLIOTHÈQUE JAPONAISE Collection dirigée par René Sieffert

LES GRANDES SOCIÉTÉS DE COMMERCE

JAPONAISES

les

par

JEAN-LOUP LESAGE

PUBLICATIONS ORIENTALISTES DE FRANCE

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Publication du CENTRE D'ÉTUDES JAPONAISES

de L'INSTITUT NATIONAL DES LANGUES ET CIVILISATIONS ORIENTALES

réalisée avec le concours de la FONDATION POUR L'ÉTUDE DE LA LANGUE

ET DE LA CIVILISATION JAPONAISE

© ALC - Premier trimestre 1983 ISBN 2-7169-0173-2

Tous droits de reproduction réservés : loi du 11 Mars 1957

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INTRODUCTION

Dans un monde où la compétition économique se développe de plus en plus, l'exemple du Japon fascine les observateurs. Pays sorti il y a seu- lement un siècle de ce que l 'on croit généralement être une torpeur féo- dale, il fit une entrée remarquée sur la scène internationale lors de la des- truction de la flotte russe à Tsushima en 1905. Les quarante années qui suivirent virent le développement d'une grande puissance militaire qui abou- tit finalement à la confrontation directe avec les Américains et à la pre- mière défaite de son histoire. Trente ans après ce traumatisme, il est devenu la deuxième puissance économique mondiale, talonnant les U.S.A. dans de nombreux domaines : c'est le miracle japonais.

Comme ce pays plus petit que la France (377 389 k m contre environ 543 998 k m particulièrement dévasté en 1945, sans ressources minéra- les, a-t-il pu parvenir à se hisser à ce niveau ? Il est en effet frappant de remarquer que le Japon est un pays pauvre qui doit importer la majeure partie de ses matières premières : pétrole, gaz, composants pour l'indus- trie chimique, minerais pour la sidérurgie sont importés à presque 100 % avant d'y être travaillés pour en être réexportés.

Un pays exceptionnellement homogène en dépit de ses origines lointai- nes, une population industrieuse et travailleuse, des syndicats très politi- sés, l 'un des taux d'éducation les plus élevés au monde, une conscience civi- que particulièrement développée sont parmi les facteurs les plus souvent évoqués pour expliquer cette réussite. Mais cela ne suffit pas car pour sur- vivre, le Japon doit faire du commerce. La survie du Japon réside en effet dans la possibilité d'importer pour transformer et réexporter. Le commerce international est donc devenu une nécessité et une priorité absolue en par- ticulier avec une facture pétrolière qui s'alourdit de plus en plus.

Ce rôle est en grande partie tenu par un certain nombre de Sociétés de Commerce qui n 'ont aucun équivalent dans notre monde occidental. Ces sociétés : les sôgô s h ô s h a , à la fois héritières des zaïbatsu d'avant-guerre et de grandes firmes textiles ont vu leur chiffre d'affaires multiplié par 2,6

(1) En anglais, General Trading Company, et en français, grande société de commerce. Ces deux définitions sont imparfaites car elles ne couvrent qu 'une partie de leurs activités : le commerce.

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entre 1970 et 1978. En 1981, le volume de leurs transactions représente 34 % du produit national brut du Japon. Elles traitent actuellement 55 % des importations, plus de 48 % des exportations et environ 40 % du commerce total du Japon transite par leurs c a n a u x

Au Japon, elles sont omniprésentes ; chacun les connaît, leurs noms sont partout, que ce soit sur des panneaux d'affichage, à travers des mar- ques de produits ou dans les mass-médias. Elles sont un symbole de puis- sance et d'organisation à la fois pour les Japonais et les étrangers. Lors- que dans les années 1960, elles commencèrent à inonder les marchés de pro- duits moins chers et, pensait-on, de mauvaise qualité, bien peu furent ceux qui les prirent réellement au sérieux ; maintenant, elles nous vendent, nous achètent, parfois submergent nos industries ; elles agissent comme inter- médiaires, investissent ou empruntent sur nos places financières, participent ou organisent des joint-ventures ; en un mot, elles deviennent de plus en plus présentes sinon envahissantes.

On les accuse aussi de promouvoir un nouveau style d'invasion, d'être le fer de lance de l'impérialisme économique japonais, de chercher à recréer la fameuse sphère de co-prospérité nippo-asiatique d'avant-guerre. En fait, bien peu de pays asiatiques n 'ont pu, ou su éviter de tomber dans leurs griffes, et nombreux sont ceux pour qui le Japon est devenu non seule- ment un modèle, mais aussi un maître. On dit qu'elles spéculent sur tout, qu'elles alimentent l 'inflation, qu'elles exportent leurs usines polluantes dans d'autres pays. Néanmoins, on les admire pour la manière dont elles traitent et concluent les affaires, pour la confiance qu 'on peut leur accor- der, les relations stables que l 'on peut établir avec elles. On cherche même à les imiter.

Leurs noms sont connus du moins pour les plus importantes. Ce sont :

• MITSUBISHI Corporation 70 307 19,4 % • MITSUI and Co. LTD 70 757 19,5 % • C ITOH and Co. LTD 53 726 14,8 % • MARUBENI Corporation 48 900 13,5 % • SUMITOMO Corporation 46 346 12,6 % • NISSHO IWAI Corporation 31 259 8,6 % • TOYO MENKA 15 583 4,3 % • KANEMATSU GOSHO LTD 14 026 3,8 % • NICHIMEN JITSUGYO 12 401 3,4 %

(Chiffre d'affaires en millions de dollars US pour Mars 1981. Les noms sont les noms officiels traduits en anglais dans leurs bilans. Documents des shôsha).

(2) Documents Marubéni 1973, Documents C ITOH 1981. Business bulletin Marubéni n° 79 Jan- vier 1980.

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Les connaissant très mal, nous nous arrêtons souvent à leur activité de négoce international. Or, à la différence de nos sociétés de commerce occi- dentales, elles ne se contentent pas de fournir des produits en fonction d'une demande précise, mais ont une vue beaucoup plus globale du marché dans la mesure où elles tentent de faire coïncider une offre et une demande tou- jours fluctuantes, qu'elles essaient d'accroître en permanence. Ce sont des initiatrices de courants commerciaux.

Et puis, fruits d 'une longue histoire mouvementée, elles évoluent dans un contexte original et se livrent à de multiples activités. La distribution de produits, soit japonais soit étrangers sur le marché national, représente, en 1981, 40,4 % de leurs ventes totales, mais celles-ci sont souvent mas- quées par la publicité donnée à leur rôle dans les importations (23,5 %) et les exportations (19,9 %). Une couverture de services annexes tels que transport, stockage, assurances etc., permet dans de nombreux cas à l'uti- lisateur final de n'avoir qu 'un seul interlocuteur. Mais tout cela ne pour- rait se faire sans leur organisation typiquement japonaise, leur potentiel humain et leurs gigantesques ressources financières qui leur donnent la sta- bilité nécessaire pour commercer et les ressources pour préparer l'avenir.

Nouveaux zaïbatsu, mères poules ayant trop grandi, canards boiteux en perte de vitesse (trois expressions relevées dans la presse économique), probablement aucune de ces appellations ne convient aux shôsha ni ne peut expliquer leur réussite. Cependant, à l'origine de celle-ci se trouve peut- être un secret très simple, une organisation remarquable avec des moyens très puissants en permanence à l'écoute du marché mondial.

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C H A P I T R E I

D E L ' È R E M E I J I À NOS J O U R S

Le volume de leurs ventes représente environ 30 % du Produit Natio- nal Brut du Japon ; elles assurent 50 % des importations de ce pays et lar- gement plus de la moitié des exportations ; universellement connues, on les appelle sôgô shôsha, ou grandes sociétés de commerce ; leurs noms ? Mitsui, Mitsubishi, Marubeni, Tomen, Kanematsu-Gosho, Ataka, Nichi- men, etc.

Sans équivalent de leur taille dans le monde occidental, elles sont le résul- tat d 'une longue histoire dans un environnement très particulier. Ce cha- pitre a pour but de présenter en quelques traits leur évolution jusqu'au stade actuel.

DU SHÔGUNAT À L'ÈRE MEIJI

Lorsque les premiers Européens arrivèrent au Japon, des relations com- merciales avaient depuis longtemps été établies avec les pays voisins, en particulier la Chine et la Corée ; les nouveaux arrivants, en s'établissant, développèrent leur commerce et, étant chrétiens, se mirent à évangéliser le pays. Leur réussite fut telle que le gouvernement en vint rapidement à les considérer comme un danger potentiel, car les nouveaux convertis juraient fidélité à un chef d'au-delà des mers, le Pape, et ne pouvaient donc être dignes de confiance. C'est ainsi qu 'à partir de 1587 et par étapes suc- cessives, tous les missionnaires furent expulsés, les étrangers interdits de séjour, les chrétiens massacrés, et qu'en 1635, un décret promulgua l'in- terdiction à tout Japonais de quitter son pays ou d 'y revenir, même s'il était à l'étranger. C'était le début de l'isolationnisme japonais, sakoku, qui devait durer jusqu'en 1868 et qui, jusqu 'à cette date, n 'autorisa qu 'une seule ouverture sur l 'étranger, à Déshima, un îlot dans la rade de Naga- saki destiné aux seuls Hollandais.

(1) Ère Meiji ou époque de la Restauration du pouvoir impérial. Cette restaurat ion fut proclamée le 3 janvier 1868.

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Le gouvernement, en pratiquant une telle politique, espérait ainsi main- tenir et perpétuer un système «féodal» dont il garderait la suprématie. Isolé, le Japon devait donc vivre sur lui-même et développer une culture origi- nale. Mais quand il s'ouvrit de nouveau aux relations internationales dans la deuxième moitié du X I X siècle, il se trouvait très en retard sur les nations occidentales qui avaient toutes commencé à prendre leur essor économi- que. Ce retard était toutefois beaucoup plus technologique qu'intellectuel, le fil ténu des relations avec les Hollandais ayant préparé le terrain à la révolution industrielle.

Cette époque de repli total n'avait pas été complétement négative pour le pays. Unique période de paix et de stabilité, on ne pouvait guère imagi- ner de meilleures conditions pour en homogénéiser la population et d 'une certaine manière les comportements. C'est ainsi que petit à petit, un système de distribution très élaboré et couvrant tout le pays s'était mis en place.

On vit la montée d 'un petit groupe d 'hommes entreprenants, pour une part issus de la classe des marchands, et pour l 'autre composée d'anciens bushi (surtout samuraï) reconvertis, entre autres les Mitsui spécialisés dans le commerce du saké et surtout des tissus dans leur célèbre boutique d'Échigo, les Sumitomo qui furent les premiers à développer les mines de cuivre de Besshi, les Gumi, les Iida.

Toutes ces familles animées par un fort esprit d'entreprise démarrèrent à partir d 'une base solide, s'engagèrent naturellement dans la vente du riz, principal élément de nourriture et se diversifièrent rapidement en faisant, dès le X V I I siècle, de la ville d'Ôsaka parfois appelée la Venise de l'Extrême- Orient, la première ville commerçante du Japon et le centre du système bancaire. Vers 1850, elles étaient devenues un groupe puissant dont la par- ticipation à la vie du pays était loin d'être négligeable.

Le s h ô g u n a t s'écroula peu après l'arrivée des bateaux de l 'Amiral Perry en baie d ' É d o qui ouvrirent le pays aux influences étrangères. En moins de 15 ans, ce régime féodal bi-centenaire fut renversé par une révolte principalement à l'instigation de deux daïmyats (fiefs) du Sud-Ouest, les clans de Satsuma et de Chôshû soutenus par des marchands, et fut rem- placé par le pouvoir impérial. L 'un des paradoxes de l'histoire japonaise est que c'est en fait ce mouvement d 'abord hostile aux étrangers qui abou- tit finalement à l 'ouverture du pays aux influences occidentales.

L'isolationnisme japonais était maintenant rompu, et une énorme accu- mulation de deux cents ans de capital et d'énergie était prête à être utilisée,

(2) Gouvernement militaire dirigé par le shôgun ou général qui imposa son pouvoir de 1630 à 1868, date à laquelle l 'empereur reprit le pouvoir.

(3) Ancien nom de Tôkyô.

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mais moins de deux ans après l 'ouverture du pays, kaïkoku, le commerce a v e c l ' é t r a n g e r é t a i t d é j à à 9 5 % a u x m a i n s d e s o c i é t é s é t r a n g è r e s

DE L'ÈRE MEIJI JUSQU'À LA SECONDE GUERRE MONDIALE : L'ASCENSION ET LA CHUTE

Le nouveau gouvernement comprit très vite qu'il avait une tâche énorme à réaliser : la nécessité d'avoir une armée forte, une industrie à créer, le développement de Hôkkaïdô encore en partie non explorée, des dettes importantes à rembourser aux pays occidentaux.

C'est ainsi qu'il poursuivit une politique financière rigoureuse, et sous l'égide du Ministre des Finances de l 'époque, Matsuda, vendit les usines et les chantiers navals lui appartenant à ceux qui avaient les moyens de les racheter, de les rentabiliser et qui devaient fournir le noyau des futurs zaïbatsu. Ces groupes, avec leur expérience et leurs ressources, étaient les seuls à pouvoir mener à bien de telles affaires dans les conditions de l'épo- que. Parmi les premiers à profiter d 'une telle opération, furent Mitsui et son éternel rival Mitsubishi.

Les zaïbatsu

Chaque zaïbatsu se développa dans le secteur qu'il avait racheté et déve- loppé, et étendit progressivement son emprise sur une multitude de sociétés diverses dont il centralisa les relations commerciales dans l 'une de ses divi- sions qui finit par devenir la Trading C o m p a n y l 'ancêtre des shôsha actuelles.

Qu'est-ce qu 'un zaïbatsu ? Littéralement le mot signifie groupe finan- cier. Ce mot au Japon a été utilisé pour caractériser un certain type de socié- tés organisées en groupe autour d 'une société mère, et dont les rapports étaient régis par un code aux règles très strictes. En Occident, ce mot a un écho quelque peu différent tout en gardant la même signification de base. Ce sont principalement les éléments (groupes de sociétés) qui ont per- mis au gunbatsu, les militaires, de se donner les moyens de réaliser leur politique impérialiste qui mena le Japon à la guerre.

L'établissement des zaïbatsu

Les zaïbatsu sont nés de marchands entreprenants qui, bien avant l'épo- que de la Restauration impériale, avaient commencé à exercer leurs a c t i v i t é s Durant l'ère Meiji, le souci principal du gouvernement fut de

(4) Voir «Using Trading Companies to export to J apan» par le J E T R O , + 1976.

(5) Afin d'éviter des répétitions, nous utiliserons alternativement, grande société de commerce, ou Trading Company, ou Trading Firm, ou sôgô shôsha.

(6) Voir en annexe 1, l 'année officielle de fondat ion de chacun de ceux-ci. Cette année officielle est celle qui est annoncée dans leurs documents et non celle de la création de leur premier établissement.

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rattraper les pays occidentaux, sans toutefois être colonisé, comme l'étaient déjà les Chinois et les I n d o c h i n o i s Le gouvernement devait agir rapi- dement alors qu'il n 'en avait pas les moyens. Il demanda alors une cer- taine assistance technique étrangère : les Hollandais, les Allemands pour la médecine, les F r a n ç a i s puis les Allemands pour l 'armée, mais ces interventions ne furent que des interventions d'appoint. La prise en charge et le développement de l 'économie furent confiés à ceux qui en avaient les moyens et avaient déjà fait leurs preuves. Ces sociétés, auxquelles de nom- breux avantages furent concédés, s 'habituèrent dès le début de l'élargisse- ment de leurs activités à travailler avec l 'État, pratique qui se développa particulièrement dans les années qui suivirent et se poursuit encore à ce jour.

On considère généralement que les grands zaïbatsu étaient au nombre de quatre : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, Yasuda.

Les années 80 virent la reprise en main du pays par l 'Empereur, la mise en pratique du principe Fukoku Kyôhei (pays riche, armée forte) et le déve- loppement d'une industrie de guerre. C'était le début du complexe militaro- industriel qui mena progressivement les zaïbatsu à dominer la majeure partie de l 'économie du pays, et même à participer à la vie p o l i t i q u e

Les sociétés de commerce sur les talons de l 'armée

Dès le début de l 'expansion en M a n d c h o u r i e les zaïbatsu s'instal- lèrent dans ces nouveaux territoires afin d'en organiser l 'économie. Ainsi Taïwan, la Mandchourie, la Corée, les zones occupées en Chine furent- elles rapidement colonisées économiquement. En 1915, le total du capital libéré, par rapport à l'ensemble des investissements japonais, était de 44,5 % et 30 % pour Mitsui en Mandchourie et en Chine du Nord-Est. Ces chif- fres étaient respectivement de 33,2 % et 26,7 % pour M i t s u b i s h i

L'expansion coloniale se développa très rapidement grâce à l'absence de droits d ' importat ion et aux traitements préférentiels. Progressivement, les zaïbatsu prenaient de plus en plus d' importance dans ce que l 'on appe- lait en reprenant une expression ancienne le Grand Japon, Da ï Nippon.

Vers 1930, Mitsui Bussan, Tôyô Menka, Iwaï et Ataka, traitaient envi- ron 40 % du commerce du pays ; à cette même époque, les banques des groupes Yasuda, Mitsui, Mitsubishi allèrent jusqu'à détenir 70 % des dépôts de l'ensemble du p a y s ; 1 500 millions de yens avaient été investis

(7) Il y eut au Japon des concessions internationales qui prirent fin dès les années 90 (Yokohama, + Kobé).

(8) Après la chute de l 'Empire, les Japonais remplacèrent progressivement les Français par les Allemands.

(9) Mitsui soutenait le Seiyûkaï et Mitsubishi le Minseitô, deux partis politiques importants.

(10) Vers 1895, pendant la guerre sino-japonaise.

(11) Nihon no bôéki ron, «Remarques sur le commerce du Japon» par Umézu Kazuo.

(12) The Mitsui Story : Three centuries o f Japanese business par Mitsui.

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depuis la guerre russo-japonaise, dont la majeure partie provenait des zaï- batsu et avait été investie par la société de commerce correspondante.

En 1929, Mitsui exportait : 25 % de la soie, 50 % du charbon, 40 % des machines, 30 % du camphre.

Il importait : 35 % du coton, 70 % des médicaments, 40 % du soja, 45 % du jute, 30 % du riz du J a p o n

Cette période aurait pu ne pas être aussi favorable aux zaïbatsu car d'une part, ainsi que M. R e i s c h a u e r l'écrit : «l 'armée et la marine n'éprou- vaient aucune attirance vers le capitalisme industriel et beaucoup d'offi- ciers penchaient vers le national-socialisme européen», d 'autre part, les patrons de l 'économie étaient alarmés par la politique menée par les mili- taires à l'étranger et les budgets inflationnistes ; mais aucun des deux côtés ne radicalisa sa position et une sorte de mariage de raison s'ensuivit ; l 'ar- mée ne pouvait à elle seule développer les territoires conquis et se devait de trouver un partenaire adéquat. Le complexe militaro-industriel avait atteint sa perfection, les grandes sociétés liées au gouvernement travaillaient main dans la main avec lui et permettaient aux militaires d'utiliser leur dépar- tement de commerce comme réseaux de renseignements en plus de leur acti- vité commerciale ordinaire.

Pourcentage des exportations et des importations des Trading Compa- nies de 1937 à 1943, tiré de Nihon no Zaïbatsu to sono kaïta ῑ (la dissolu- tion des zaïbatsu japonais). Comité de décartellisation. 1948.

% parmi les % parmi Nom de la société sociétés citées toutes les sociétés

Mitsui Bussan 27,1 18,3 Mitsubishi Shôji 15,3 10,3 Tôyô Menka 9,6 6,5 Nichimen Jitsugyô 7,3 4,9 Goshô 5,9 4,0 Kanématsu 2,8 1,9 Nisshô 1,7 1,2

Nous avons donc rapidement évoqué le rôle joué par les zaïbatsu dans le Japon d'avant-guerre. Les quatre grands cependant n'étaient pas seuls. Il existait, en effet, des zaïbatsu moins importants qui, à la différence des précédents, étaient des sociétés spécialisées. Nous citerons, pour exemple : Nissan (voitures), Asano (ciment), Furukawa (mines), Okura (finances, construction navale), Nakajima (avions), Nomura (valeurs mobilières).

(13) Umezu Kazuo : Nihon no Bôéki Shôsha (les sociétés de commerce Japonaises). (14) Ancien ambassadeur américain au Japon, auteur de nombreux ouvrages dont : Japan Past

et Present — Japan : the story of a nation. Tuttle.