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Les grands axes de recherche en météorologie et climatologie Philippe Bougeault Directeur de la Recherche, Météo-France

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Les grands axes de recherche en météorologie et climatologie

Philippe BougeaultDirecteur de la Recherche,

Météo-France

Un vaste sujet qui contient notamment…

� L’observation de l’atmosphère et des milieux qui interagissent avec elle (océan, biosphère, cryosphère)

� La compréhension des processus et de leurs couplages

� La prévision numérique du temps, la mesure de sa qualité, l’évaluation de la confiance qu’on peut attacher à une prévision, l’échéance maximale de prévision contenant de l’information utile

� L’anticipation des impacts des intempéries

� L’interprétation des extrêmes et des tendances, notamment en lien avec le changement climatique

Amélioration de la qualité des prévisions du CEPMMT en 30 ans

un jour en dix ans

Amélioration de la qualité des prévisions du CEPMMT en 30 ans

Proportion des très mauvaises prévisions à 7 jours

(Corrélation d’anomalie pour la température à 850hPa inférieure à 50%)

0

10

20

30

40

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60

70

1985 1990 1995 2000 2005 2010

Year

Per

cent

age

Winter

Summer

Erreurs comparées des prévisions à 48h sur l’Europe

Cyclone Nargis: Les prévisions faites le lundi 28 avril 2008montrent un événement très prévisible 5 jours à l’avance

Tempête Xynthia 28 février 2010

Prévision Arome du 15/06/2010 6TU

Prévision Arome du 15/06/2010 0TU

Précipitations observées, cumulées sur 24h (15-16 juin)

La catastrophe de Draguignan, 15 juin 2010

Prévision du brouillard par AROME

Qu’est-ce qui limite la qualité des prévisions?

� La capacité de représenter un phénomène dans un modèle numérique – Finesse de la grille de calcul

– Richesse physique du modèle

� La capacité de donner les bonnes valeurs initiales aux différentes variables qui influencent le phénomène, et à les faire évoluer dans le temps et dans l’espace sans s’écarter trop de la valeur réelle.

� La « prévisibilité intrinsèque » de l’événement – La sensibilité aux petites perturbations peut être extrême– Malheureusement la mécanique des fluides est non-linéaire! Si l’on

représente mal à l’instant initial ou dans le cours de la prévision un petit détail localisé, l’erreur peut contaminer progressivement l’ensemble du mouvement et aboutir à une très mauvaise prévision.

� En général il faut améliorer de nombreux aspects de l’état initial et du modèle pour améliorer un seul aspect de la prévision

Une « logique d’outils »

� Les modèles numériques: aspects dynamiques et algorithmiques� Les modèles numériques: aspects physiques� Les observations opérationnelles � L’assimilation des observations dans les modèles� Les ensembles et la prévision probabiliste des impacts

� Les progrès des connaissances et de l’interprétation

� Conclusion: Les engagements pris par Météo-France dans son Contrat d’Objectifs et de Performance 2012-2016

320-km resolution

80-km resolution

20-km resolution

Les modèles numériques, aspects dynamiques et algorithmiques

� Des grilles de plus en plus fines, grâce à la puissance croissante des calculateurs, mais aussi grâce aux progrès des méthodes numériques, notamment:– La décomposition spectrale des champs

– L’algorithme de transport semi-lagrangien

� Cet âge d’or est terminé– La vitesse des processeurs individuels stagne, il faut maintenant

augmenter massivement le nombre des processeurs– Aux mailles très fines, l’algorithme semi-lagrangien est moins

performant en raison du caractère 3D de l’écoulement

� Il faut de nouveaux algorithmes– Facile à paralléliser (mais les architectures évoluent vite)– Plus précis, plus stables, plus conservatifs

� Les cœurs dynamiques deviennent très complexes (100,000 lignes)– Besoin de modularisation, d’approche objet, de coupleurs flexibles, etc.– La construction et la maintenance d’un cœur dynamique devient un

métier hautement spécialisé

Grille actuelle d’ARPEGE

La grille «Yin-Yang» (Met Office) La grille «icosaédrique» (DWD-MPI)

Les grilles de calcul du futur?

Les modèles numériques, aspects physiques

� Un domaine vaste et complexe, qui connaît des progrès constants mais peu visibles pour les usagers

� Exemple des nuages: – Autrefois: un simple seuillage de la vapeur d’eau à sa valeur saturante

– Maintenant: des variables séparées pour les gouttelettes nuageuses, les gouttes de pluie, la neige, les cristaux de glace, le grésil, etc…

– Dans quelques années: une représentation simplifiée du spectre dimensionnel des gouttelettes nuageuses (schéma « à deux moments ») et une description paramétrique de l’interaction avec les aérosols

� Exemple des surfaces continentales:– Autrefois: l’évapotranspiration potentielle (ETP, calcul immédiat)

– Maintenant: des modèles détaillés représentant les différents types de surface, la texture et la profondeur du sol, le type de végétation, l’effet du stress hydrique et thermique sur la transpiration des plantes

– Dans quelques années: des modèles de plantes encore plus détaillés, incluant l’interaction entre le cycle du carbone et de l’eau, et recalés en permanence sur des observations par satellite du couvert végétal

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Modélisation et télédétection des surfaces

Amélioration du modèle de surface SURFEX :

FLAKE(validation:

THAUMEX)

CANOPY

ISBA-A-gs(réservoirs de

biomassevalidation:

CarboEurope)

ECOCLIMAP-II

(Thèse A. Kaptue)

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Les grandes campagnes de mesures

� Exemple du programme AMMA (Mousson Africaine)– Campagne terrain en Afrique de l’ouest en 2006– Découverte de plusieurs mécanismes nouveaux : pulsations de mousson, rôle des hétérogénéités

d’humidité du sol, rôle de la température de l’océan dans le Golfe de Guinée– 600 scientifiques de nombreux pays, environ 900 publications scientifiques, dont 65 pour Météo-

France

Cycle saisonnier du flux sensible de surface

Enveloppe de l’ensemble des modèles de surface ALMIP

Boone et al (2010)

Observations agrégées sur le site méso-échelle du Mali

Deux défis pour l’avenir: 1. Mieux représenter la convection nuageuse

� Les nuages convectifs restent en grande partie non résolus par la grille de calcul des modèles

� Il faut « paramétrer » leurs effets sur l’écoulement de plus grande échelle

� Les processus qui gouvernent le déclenchement et la forme précise de ces nuages sont encore des sujets de recherche

� Les faiblesses sont bien visibles:– Cycle diurne de la convection en général faux dans les modèles

– Variabilité des écoulements dans les Tropiques fausse (oscillation de Madden-Julian amortie, double zone de convergence inter-tropicale)

� Importants programmes de recherche en cours– L’Aqua-Train et Mégha-Tropiques

– YOTC (Year of Tropical Convection)

– Campagnes de mesures AMMA, HYMEX– Les modèles comme laboratoires numériques

L’Aqua-Train (actuel) et EarthCare (à venir)

Deux défis pour l’avenir: 2. La composition chimique de l’atmosphère

� La composition chimique de l’atmosphère influence son évolution via le transfert radiatif, notamment:– Les aérosols (jusqu’à 10% sur le rayonnement solaire reçu au sol)

– L’ozone stratosphérique – Le CO2 (via l’assimilation des données satellite)

� Il faut donc développer des modèles couplés prenant en compte les principales variations de la composition chimique et leur impact sur la dynamique– Projet MACC

– Travaux amont sur l’ensemble des processus, notamment l’émission des aérosols, leur vieillissement, leur dépôt

– Campagnes de mesures FENNEC (Sahara), CHARMEX (Méditerranée)

Les aérosols désertiques

Campage de mesures FENNECLe cas du 21 Juin 2011: Soulèvement de poussières par les courants de densité issus de la convection sur l’Atlas

Evolution temporelle: 03, 09 et 15 TUF20: vol Falcon 20 de SAFIREBae: vol FAAM Bae 146

Diapo Cyrille Flamand, LATMOS

Le panache du volcan Eyjafjoll (Avril 2010)

Les observations opérationnelles

Source: WMO

Les observations opérationnelles: satellites

� Principales avancées– Les sondeurs micro-ondes et infra-rouge (fort impact de IASI)

– Les diffusiomètres

– Les systèmes de radio-occultation des signaux GPS

� METOP représente 24% de l’information totale apportée dans ARPEGE par les observations – Rôle croissant de l’OMM pour coordonner les études d’impacts et

l’optimisation du système global (THORPEX)

� Les centres de PNT sont associés à la préparation des futures missions opérationnelles (EPS-SG, MTG)

� La recherche produit de nouveaux instruments– SMOS (vole depuis 2010)– ADM-Aeolus (lancement en 2014-2015)

Mission AEOLUS: la première mesure directe du vent parfaisceau laser depuis l’espace (2014?)

Des progrès importants aussi dans les systèmes basés au sol

� Couverture croissante des océans par des flotteurs mesurant la pression atmosphérique, le courant et la température de sub-surface

� Utilisation des signaux GPS reçus au sol pour déduire l’humiditédes basses couches

� Utilisation des radars météorologiques en prévision numérique– AROME en pointe au niveau mondial

– Vent (effet Doppler), réflectivité, polarimétrie, réfractivité

� Projet MOZAYC et IAGOS: mesure opérationnelle de la composition de l’atmosphère par des avions de ligne

� Projet de réseau de lidars pour les aérosols et la sécurité aérienne

Réseau de mesures de surface par bouées dérivantes

Le développement de l’océanographie opérationnelle:

les flotteurs Argo

Prévision numérique du temps

Système Arome à résolution horizontale de 2,5 km :

� Utilisation opérationnelle des réflectivités des rad ars dans l’analyse de l’humidité

L’assimilation des observations dans les modèles

Depuis 10 ans, la méthode « 4D-VAR » permet de forcer la trajectoire du modèle vers les observations dans des « fenêtres d’assimilation » de 6 à 12 heures (application des méthodes du contrôle optimal)

Les progrès en cours pour l’assimilation des observations dans les modèles

�La représentation des erreurs (biais, variances et corrélations) du modèle et des observations, de manière à améliorer encore les poids respectifs du modèle et des observations dans l’analyse

– Utilisation d’un « ensemble d’assimilation » pour quantifier les erreurs du modèle

�L’assimilation des radiances satellites dans les zones « difficiles »:– En présence de pluie et de nuages – Au dessus de surfaces de neige ou de glace

– Au dessus des surfaces continentales dont l’émission de rayonnement est mal connue

�L’optimisation des algorithmes en fonction des besoins– Fenêtres longues pour la prévision à longue échéance, courtes pour la

prévision à courte échéance, très courtes pour la prévision immédiate

– L’adaptation des algorithme aux calculateurs massivement parallèles peut amener à des révisions importantes des concepts de base

Limite glace de mer

19 ballons stratosphériques, 640 Dropsondes transmises en temps réel

Diapo Philippe Cocquerez, CNES

L’expérience CONCORDIASI (CNES, Météo-France, et autres organismes, USA, Italie, etc…)

Diapo Thomas August, EUMETSAT

Comparaison des modèles et des données de IASI aux dropsondes sur le Plateau Antarctique

Les ensembles et la prévision probabiliste

Un domaine en développement rapide

� Les ensembles permettent de quantifier la confiance que l’on peut accorder à une prévision– Cette confiance est variable en fonction du lieu, du temps, du

paramètre étudié

� Les ensembles permettent une formulation « probabiliste » de la prévision– Probabilité qu’une variable dépasse un seuil donné (utile notamment

pour les usagers qui prennent des décisions sur la base d’un calcul de rentabilité économique)

� Les ensembles permettent de dépasser la limite de prévision déterministe– Prévision mensuelle, saisonnière, exploration du décennal

� Les ensembles permettent une anticipation des impacts– Ensembles couplés, comparaison avec des cas de référence du passé

Des problématiques de recherche nouvelles

� Qu’est qu’un bon ensemble? Comment vérifie-t’on qu’un système de prévision d’ensemble progresse?– Notion de fiabilité statistique, de résolution statistique, d’incertitude

statistique

� Sur quels paramètres doit on jouer pour faire progresser la prévision d’ensemble?– La qualité de l’ensemble dépend de la qualité du système de prévision

sous-jacent, mais aussi d’autres aspects– La représentation des incertitudes initiales sur tous les paramètres, et

des erreurs additionnelles venant du modèle de prévision– Recherche de méthodes optimales de perturbation de l’état initial et des

tendances calculées par le modèle de prévision

– La calibration statistique de la dispersion (par comparaison au passé)

� Le développement des modèles d’impact

Ensemble AROME et impact sur les débits

Thèse B. Vié Thèse B. Vincendon

Ensemble ISBA-TOPMODEL

Ensemble AROME

Le progrès des connaissances

� L’étude des observations et des simulations numériques permet de progresser dans la compréhension des processus qui gouvernent l’évolution de l’atmosphère– L’influence de la langue d’eau froide équatoriale sur la mousson

africaine– Le lien dynamique entre le courant jet et les tempêtes de l’atlantique

nord– Les régimes d’écoulement orographiques et leur influence sur les

épisodes de précipitations intenses cévenols

– Les microclimats urbains et leurs liens avec les choix d’urbanisme

� Les outils de la climatologie ont aussi progressé– Les techniques d’homogénéisation des observations (projet HOMER)

– Les techniques de détection et attribution du changement climatique– Les techniques de qualification des événements extrêmes (projet

CLIMSEC sur les sécheresses)

Détection de ruptures de séries de mesures par différentes méthodes (projet HOMER)

Diapo Olivier Mestre, Météo-France

La « réanalyse », un outil essentiel pour la météorologie et la climatologie

� Les réanalyses sont des bases de données produites à l’aide des outils de la prévision

� Elles synthétisent l’ensemble des observations existantes en un seul jeu de données cohérent, représentant l’histoire de l’atmosphère depuis 50 ans (projets en cours pour remonter plus loin)

� Elles permettent de filtrer les tendances climatiques fictives liées aux évolution des systèmes d’observation (par exemple les dérives liées à la perte d’altitude des satellites)

� Elles permettent de présenter l’histoire du climat passé et les projections du climat futur sous une forme cohérente

� Elles sont l’outil de base pour produire et vérifier les prévisions saisonnières et explorer la prévisibilité aux échéances décennales

� La production de réanalyses a concerné initialement l’atmosphère, s’est étendue à l’océan, et va bientôt concerner la cryosphère et toutes les surfaces continentales, ainsi que la composition de l’atmosphère

Les engagements de Météo-France: COP 2012-2016

� Orientations générales de la recherche – Intégrer la recherche de Météo-France dans le contexte universitaire français

– Valoriser AMMA, conduire HYMEX et CHARMEX (Chantier MISTRALS)– Préparer le renouvellement des infrastructures (ex: les avions de recherche)

� Prévision numérique du temps– Augmenter les résolutions de tous les systèmes et le nombre d’observations

assimilées

– Créer trois nouveaux systèmes de prévision: Prévision d’ensemble AROME, Prévision Immédiate AROME, AROME-Aéroport

� Surveillance de la qualité de l’air et des pollutions accidentelles– Améliorer MOCAGE et le coupler à AROME

� Soutien à la prévision hydrologique– Progresser dans la prévision d’ensemble des crues lentes, des crues rapides

et des sécheresses

Les engagements de Météo-France: COP 2012-2016

� Aéronautique et défense– Préparer l’avenir du service météorologique à la navigation aérienne

– Prévoir à l’échelle de l’aéroport (brouillard, turbulence)

– Détecter et prévoir les cendres volcaniques sur la métropole

� Climat– Apporter une contribution forte aux rapports du GIEC

– Poursuivre le développement d’un modèle du système Terre – Produire et diffuser de nouvelles projections climatiques globales et

régionales, notamment sur la métropole, l’outremer, la Méditerranée et l’Afrique

– Mettre en place des web-services climatiques (portail DRIAS)

– Faire progresser la prévision saisonnière et ses applications

– Contribuer aux réanalyses globales et régionales

� Informer le public des progrès de la science de la météorologie et du climat

Merci de votre attention