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Les Heures Tavernier

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Book of houes - Jean Le Tavernier

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  • Les Heures Tavernier

    ~ B

    FONDATION ROI

    BAUDOUIN

    KBR, ms. IV 1290

  • Couverture: Saint Luc peignant la

    Vierge (f 18(0)

    Colophon

    Publication de la Fondation Roi Baudouin, rue Brederode 21, 1000 Bruxelles (02/549.02.31 - [email protected])

    Sous la direction de Dominique Allard

    Coordination: Anne De Breuck, Carine Poskin, Stphanie Geubel

    Rdaction: Bernard Bousmanne, Pierre Cockshaw, Georges Colin, Frdrique Johan, Claude Sorgeloos, Cline Van Hoorebeeck, Dominique Vanwijnsberghe

    Adaptation: Mot Mot sprl

    Photographie: Bayerische Staatsbibliothek, Munich; Bibliothque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits, Bruxelles; Institut Royal du Patrimoine Artistique, Bruxelles; Koninklijke Bibliotheek, La Haye; Karel Moortgat, Gand

    Mise en page: Bailleul

    Impression: Euroset

    D/2002/2848/10 ISBN: 2-87212-396-2

    La Fondation s'est efforce de prendre contact avec les ayants droit des copyright d'illustrations figurant dans la prsente publication. Au cas o certaines illustrations auraient t publies sans l'accord pralable des ayants droit, ceux-ci sont invits prendre contact avec la Fondation Roi Baudouin, rue Brederode 21, 1000 Bruxelles.

    Les miniatures et tous les dtails du livre d'heures: Heures Tavernier, Pays-Bas mridionaux, vers 1450. Bruxelles, KER, ms. IV 1290.

  • Table des matires

    Avant Propos

    Introduction

    Les livres d'heures Frdrique Johan

    Les Primitifs Flamands Frderique Johan

    Les Heures Tavernier, un chef d'uvre dcouvrir Bernard Bousmanne et Ce1ine Van Hoorebeeck

    L'apport du texte et des lments de contenu Dominique Vanwijnsberghe

    Description codicologique Pierre Cockshaw et Frdrique Johan

    La reliure Georges Colin

    Antoine de Gavere Claude Sorgeloos

    Conclusion

    Annexes

    Trois prires du duc de Bourgogne Pierre Cockshaw et Frdrique Johan

    Tableau 1: Composition des cahiers Tableau II: Attribution des illustrations

    Lexique

    Bibliographie gnrale

    Le souci du patrimoine

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    SI

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    Avant Propos

    Commandes probablement par la cour de Bourgogne, superbement illustres par l'un des plus grands artistes de leur poque, ayant conserv - fait rare -leur reliure originale signe, les Heures Tavernier allaient-elles manquer une chance unique? Celle d'tre le troisime ouvrage depuis le congrs de Vienne en 1815 rejoindre la Librairie de Bourgogne dont elles proviennent et trouver leur place dans le fonds hrit des ducs par la Bibliothque royale de Belgique? L'achat de ce livre d'heures par la Fondation Roi Baudouin lors d'une vente Londres en juin 2001 permit d'crire, aprs deux sicles d'errance, une fin heureuse ses prgrinations. Une acquisition particulirement symbolique, comme la Fondation Roi Baudouin s'efforce d'en faire quand elle le peut, dans la mesure de ses ressources, lorsque des uvres d'art ou des documents, tmoins privilgis du patrimoine national, sont menacs de dispersion ou lorsqu'ils peuvent tre ramens au pays.

    La mme anne 2001 aura vu la Fondation Roi Baudouin acqurir les archives de l'explorateur H.M. Stanley et une sculpture Art nouveau de Philippe Wolfers. Cet clectisme illustre adquatement la volont de la Fondation, en raison de ses ressources limites, de s'attacher des pices emblmatiques qui correspondent de prs aux priorits qu'elle s'est donnes sans exclusive d'poque ou de genre, sans prfrences non plus. La Fondation a confi une commission indpendante prside par le professeur Guy Delmarcelle soin de la guider dans ses choix. Sa reconnaissance va spontanment aux membres de cette commission pour la sagesse et parfois l'audace de leurs dcisions.

    Les Heures Tavernier ont dsormais leur place la Bibliothque royale aux cts des manuscrits de la Librairie de Bourgogne conservs en Belgique. Le hasard veut que les spcialistes de tous pays y convergent l'automne 2002 lors d'un colloque organis la Bibliothque royale. Les Heures y sont prsentes cette occasion dans la chapelle de Nassau en compagnie d'autres ouvrages enlumins contemporains, dont certains galement dus Jean Tavernier.

    Que soit remerci chaleureusement ici Bernard Bousmanne, conservateur du Cabinet des Manuscrits de la Bibliothque royale de Belgique, qui cette publication et la prsentation des Heures doivent tant. L'ont entour Pierre Cockshaw, Georges Colin, Frdrique Johan, Cline Van Hoorebeeck, Dominique Vanwijnsberghe et Claude Sorgeloos: la gratitude de la Fondation leur est acquise.

  • Introduction

    Le livre d'heures acquis par la Fondation Roi Baudouin est un ouvrage rare. Non seulement par la qualit intrinsque de ses illustrations mais aussi, et peut-tre surtout, par son histoire et l'importance de son commanditaire. Selon toute vraisemblance en effet, ce codex faisait partie, l'origine, de la prestigieuse Librairie de Bourgogne. Bibliothque remarquable plus d'un titre, cette collection s'est constitue sous Philippe le Hardi, prince de Valois et premier duc de Bourgogne, qui l'a lgue ses successeurs, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Tmraire. Plus que quelques dizaines de livres, c'est une vritable passion que Philippe le Hardi transmet ses hritiers: tous, selon les opportunits et les inclinaisons personnelles, n'auront de cesse d'enrichir l'hritage. En 1477, aprs le dsastre de Nancy qui voit la mort du Tmraire et tourne une page de l'histoire des Pays-Bas bourguignons, le nombre de volumes de la bibliothque ducale force l'admiration: prs de mille livres, un chiffre imposant qui tmoigne lui seul du got prononc des ducs pour les lettres. Quantit rime ici avec qualit: il n'est pas un domaine du savoir mdival qui ne soit reprsent. En mcnes et amateurs clairs, les ducs s'entourent d'artistes de renom. Parmi eux, les enlumineurs Jean Tavernier et Loyset Lidet ainsi que le relieur Antoine de Gavere. Tous trois participent la ralisation du prsent manuscrit, command, nous le pensons, par Philippe le Bon pour son usage priv.

    Depuis le congrs de Vienne en 1815 et le retour dans nos rgions des livres transfrs Paris par les commissaires de la Rpublique franaise en 1794, soit depuis prs de deux sicles, seuls deux manuscrits issus de la librairie des ducs de Bourgogne avaient pu tre rcuprs par la Bibliothque royale de Belgique: l'exemplaire personnel de Philippe le Bon de la Vita Christi I , copi par David Aubert en 1461 et enlumin par Loyset Lidet, et une version franaise du Hiron ou De la tyrannie de Xnophon, traduit par Charles Soillot pour Charles de Charolais, le futur Charles le Tmraire. Enlumin par un suiveur du Matre de Girart de Roussillon, ce texte s'avre du plus grand intrt pour l'histoire de la littrature profane la cour de Bourgogne. il constitue en effet un tmoin privilgi du courant humaniste et du mouvement de vulgarisatiofl d'uvres grecques qui s'effectua par le biais de textes latins venus d'Italie. Aprs plusieurs sicles d'errance, un nouvel ouvrage, que nous proposons d'appeler Heures Tavernier en rfrence l'intervention de cet enlumineur dans le codex, rintgre la place qui lui revient dans les collections de la Bibliothque royale de Belgique.

    I Bruxelles, KBR, ms. N 106.

    2 Bruxelles, KBR, ms. N 1264. 5 1

  • Fuite en Egypte (f 116.jl)

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  • Les livres d'heures

    Au bas Moyen Age, le livre d'heures fut certainement l'ouvrage de dvotion le plus lu3 Destin la lecture prive, il connut un important succs auprs du monde laque. Ce livre de pit est le fruit d'une trs lente volution sur laquelle, assez paradoxalement, l'Eglise n'exera pratiquement aucun contrle.

    C'est ds le VIlle sicle qu'est tabli l'office quotidien qui va rythmer la vie monastique. Observant les heures canoniales , les moines se rassemblent dans le chur de l'glise et rcitent les prires et oraisons adquates. Ainsi le temps est divis en huit parties distinctes: matines correspondant environ minuit, laudes 3 heures, prime 6 heures, tierce 9 heures, sexte midi, none 15 heures, vpres 18 heures et complies 21 heures. Les moines disposent alors d'un livre appel brviaire dans lequel se retrouvent, la suite du calendrier, les diffrentes prires , les psaumes et les vies de saints, passages accompagns, bien videmment, du moment o ils doivent tre rcits. Au fil du temps viennent se greffer cet office canonique d'autres textes tels que des litanies, les psaumes de la pnitence, l'office de la Vierge ou encore l'office des morts. Ces ajouts se gnralisent la fin du XIe sicle sous l'influence de l'abbaye de Cluny et restent pratiquement inchangs depuis.

    Si l'univers monastique et clrical est bien organis, chaque individu devant se conformer la rgle, il en va tout autrement pour les lacs. Mis part quelques exceptions, le seul livre dont ils disposent, et ce depuis l'poque carolingienne, est le psautier. Or, celui-ci devient de moins en moins appropri la demande dvotionnelle. En effet, l'aube du XIIIe sicle voit le dveloppement des villes et des universits. La bourgeoisie et la petite noblesse accdent l'enseignement et donc la lecture. Le besoin se fait sentir de possder un livre de dvotion qui leur soit plus particulirement destin.

    Tout comme le brviaire, le traditionnel psautier va s'enrichir de prires additionnelles refltant les nouvelles aspirations: l'espoir de salut, l'attente de la mort, la ncessit de faire pnitence. De sorte qu' ct du calendrier et des psaumes apparaissent des textes comme les litanies, l'office des morts et le petit office de Notre-Dame, ou petites heures de la Vierge, cette dernire partie constituant la base, et par extension le nom, du nouveau livre de pit.

    3 Pour l'histoire des livres d'heures , voir: Achten 1987; Backhouse 1985; Bousmanne et Voelkle 2001; Delaiss 1974, p. 23-225; Harthan 1985; Kastler 1984, p. 95-128; Labarre 1969; Leclercq 1930, col. 1836-1882; Leroquais 1927; Plottek 1987; Van Hoorebeeck 1997; Wieck 1988.

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    Avec le concours de la lecture silencieuse et de la dvotion prive, dont l'image serait une sorte de plerinage intrieur, nat un courant de spiritualit d'un type neuf. Autour du texte central, chacun peut, dans l'exercice de sa mditation, choisir au sein du livre d'heures les prires qui lui correspondent le mieux. Quoique les heures des lacs sonnent en mme temps que celles des moines, on peut douter qu'elles soient toutes religieusement suivies. A la fin du XIIIe sicle une base commune s'impose dont voici les parties rencontres le plus couramment:

    Le calendrier: la rgle veut que le calendrier suive l'usage liturgique d'un diocse prcis. Il mentionne donc pour chaque jour de l'anne le saint ou la fte qui doit tre clbr. Ce calendrier revt une importance considrable pour la dtermination de l'origine ou de la

  • destination d'un manuscrit car, pour un jour dtermin, le saint clbr sera diffrent d'un diocse l'autre. De mme, certains saints locaux, populaires dans une rgion prcise, y remplaceront d'autres qui sont l moins connus ou moins estims.

    Lesftagments d'Evangiles: il s'agit de passages choisis dans chacun des quatre Evangiles dans lesquels saint Jean, saint Luc, saint Matthieu et saint Marc racontent la venue du Christ. Traditionnellement se retrouvent les extraits de la messe de Nol pour Jean (1, 1-14) et des rcits de l'Annonciation pour Luc (1, 26-38), de l'Epiphanie pour Matthieu (II, 1-12) et de la mission des aptres pour Marc (XIV, 14-20).

    Saint jean Patmos (f 16,.0)

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    Heures du Saint-Esprit (f 108,'1)

    Les heures de la Vierge: noyau central du livre d'heures, elles sont constitues de diffrents textes voquant les grands moments de la vie de la Vierge. Elles se composent, pour chaque heure, d'un verset (brve phrase psalmodique) et d'un rpons (rponse au prcdent verset) d'introduction, suivis du Gloria, d'une antienne (verset chant) , de psaumes, de capitules (petits passages lus aprs un psaume) , d'hymnes (pomes liturgiques chants) et de prires ou collectes (orationes). Toutes ces subdivisions sont le plus souvent crites l'encre rouge ou bleue (rubriques) afin de retrouver les diffrents passages plus aisment.

    Les heures de la Croix et les heures du Saint-Esprit: les unes et les autres sont trs brves et ne comprennent ni psaumes, ni leons, ni rpons, mais seulement un hymne, une antienne et une prire. Les heures de la Croix sont centres autour de la passion du Christ et celles du Saint-Esprit ont pour thme la Pentecte.

  • Arrestation du Christ (f 64,'1)

  • Flagellation (f 67(0)

  • Les psaumes de la pnitence: ils sont au nombre de sept et comptent galement parmi les textes fondamentaux du livre d'heures en raison de l'universalit du sentiment de foi ardente qui s'y exalte. Attribus David pour cinq d'entre eux, ils expriment la conscience du pch, le repentir, l'espoir du pardon.

    Les litanies des saints: remontant directement aux origines du culte chrtien, les litanies sont une des formes les plus anciennes de prire liturgique. Il s'agit d'une suite de suppliques par lesquelles le fidle implore la misricorde divine. Aprs la triple invocation du Kyrie et l'appel la sainte Trinit, la Vierge et aux archanges, dfilent tous les noms des saints communs et ventuellement ceux de saints locaux.

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    > Litanies des saints (f 148~)

    ( Martyr de saint Sbastien (r 34,.0)

    I.:office des morts: cette partie tmoigne de la prsence obsdante de la mort dans l'esprit des hommes de cette poque. Non que celle-ci fut morbide, mais il importait tout moment de se prparer au mieux pour le Jugement dernier. Il ne s'agit pas de la messe des morts dont le texte est consign dans le missel, mais d'une suite de prires axes sur la confiance place en Dieu afin de se garantir le repos ternel.

    Les suffia.ges aux saints: ces courtes prires empruntes au brviaire sont composes d'une antienne, d'un verset, d'un rpons et d'une oraison. Le choix, opr dans chaque manuscrit, d'invoquer tel ou tel saint peut, l'instar du calendrier, se rvler une prcieuse source d'informations pour dterminer l'origine ou la destination du livre. Les saints locaux sont en effet frquemment reprsents et, dans une certaine mesure, directement choisis selon les vux du commanditaire.

  • David en prire (ra 133(0)

  • Scne funbre (f 157,.0) 1 16

    Voici, brivement rsumes, les diffrentes parties qui constituent le livre d'heures ainsi que l'ordre dans lequel on les rencontre le plus souvent. Car, au gr de la fantaisie du copiste ou par la volont du commanditaire, certaines prires sont rajoutes tandis que d'autres disparaissent. L'on pourrait mme affirmer que chaque codex conserv aujourd'hui forme une variante du modle dcrit ou prsente tout le moins d'infimes particularits tant au point de vue du choix des textes, de leur nombre et de leur agencement que de celui des illustrations.

    En effet, sachant que les livres d'heures taient destins la sphre prive, il ne surprend gure de rencontrer parmi eux de vritables petits chefs-d'uvre de la miniature. Ce type d'ouvrage n'tait pas seulement un support la dvotion individuelle mais galement un objet de luxe qui participait au prestige de son propritaire. Au xve sicle, la richesse de la dcoration atteindra d'ailleurs son apoge.

    Les livres d'heures, de par leur utilisation, leur diffusion, leur texte et leur programme d'illustration, constituent un tmoignage essentiel pour l'tude de l'histoire religieuse de nos rgions et, en ce sens, ils nous permettent de mieux comprendre les proccupations spirituelles et matrielles des lacs de la fin du Moyen Age.

  • Les Primitifs Flamands

    Si pendant longtemps, la miniature a constitu un art majeur du Moyen Age ct successivement des arts du mtal, de la sculpture, de la fresque et de la tapisserie, le xve sicle va connatre une vritable rvolution avec l'irruption de la peinture sur panneau d'abord puis sur toile. Sans doute n'y eut-il pas rupture: certains miniaturistes se firent peintres, des livres de modle circulaient, mme les techniques utilises n'taient pas fondamentalement diffrentes. Rvolution galement, suite la nouvelle perception acquise par l'image en temps que telle mais galement par les techniques utilises pour rendre celle-ci la plus authentique possible. La conception et la matrialisation de l'uvre se voient transformes par la volont du peintre de figurer la ralit. La peinture devient miroir du rel. Participent cette qute, le souci de la reprsentation de la troisime dimension (avec les recherches sur la perspective initie par les Italiens), l'actualisation temporelle et spatiale (les personnages sont vtus suivant la mode de la cour et reprsents le plus souvent devant ou dans des architectures contemporaines), ou encore certains procds de trompe-l'oeil (objets dbordant du cadre, insectes semblant s'tre poss sur le panneau), autant d'astuces dont le but est de parfaire cette illusion.

    La technique picturale est celle de la peinture l'huile. Longtemps attribue la virtuosit des frres van Eyck, celle-ci tait pourtant bien connue et cela depuis le VIlle sicle. La vritable innovation tient dans l'ingnieuse utilisation qu'ils en ont faite.

    Pourtant, l'art de la miniature, dont Paris fut le grand centre au sicle prcdent, avait lui aussi volu vers une esthtique tout fait neuve. Lorsque Paris, abandonne de la cour et de son cortge de grands seigneurs, se retrouva ville anglaise, Philippe le Bon dcide de se retirer dans les provinces du Nord et y emmne tout naturellement ses artistes. L'tablissement du prince, la situation politique et conomique propice, l'existence de grands centres urbains, favorisrent les changes culturels et artistiques. Robert Campin (le Matre de Flmalle) exerce jusqu'en 1444 Tournai ainsi que son apprenti Jaques Daret qui devient franc-matre en 1432. Jan Van Eyck s'installe Bruges vers 1430. Rogier Van der Weyden, aprs sa formation Tournai, s'tablit Bruxelles en 1435. Petrus Christus est lui Bruges depuis 1444. De Louvain, Thierry Bouts devient le peintre

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    officiel en 1468. Hugo van der Goes travaille Bruges et ensuite Gand vers 1467. Hans Memling dont l'arrive Bruges se situe vers 1465 y restera jusqu' sa mort en 1494. Tous choisirent de s'installer dans ces grandes villes, proche de leur prince o ils trouvrent scurit et riches commanditaires.

    Certains de ces artistes, moyennant taxes, avaient le droit de disposer d'une boutique ou d'un comptoir de vente qui, comme nous l'entendrions aujourd'hui, pouvait tenir lieu de galerie d'art . La noblesse, les hauts fonctionnaires mais galement les riches bourgeois venaient y passer commande. Des foires o les artistes pouvaient exposer et vendre leurs uvres librement se tenaient notamment Bruges, Anvers et Bergen-op-Zoom. Les confrries mais aussi les gildes des peintres, dont les miniaturistes taient membres part entire, permettaient les rencontres et fortiori l'mulation. Nul doute, les grands matres se ctoient. Ceci prsuppose ncessairement qu'au-del de certaines formations particulires au sein d'un atelier, les uvres taient connues de l'une et de l'autre des institutions artistiques. Ds lors, les similitudes de compositions et de styles entre certaines miniatures et la peinture de chevalet n'tonne plus. A titre d'exemple, l'on peut citer Simon Marmion aussi appel prince des enlumineurs a qui l'on doit la ralisation du retable de Saint-Omer conserv Berlin et Jean Tavernier dont certaines miniatures rappellent sans conteste les uvres de Robert Campin.

  • Commanditaire recevant la communion (f 52,0)

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    4 Voir au sujet de cet enlumineur: Winkler I978, p. 58-66 et 75-76;

    Miniature flamande I959, nos 85,87, 88, 90 et 98 ainsi que p. 86-90 et 97-98;

    Frederickx I960, p. 83-I07; Dogaer I987, p. 70-76; Avri l I999, p. 9-22; et

    Vanwijnsberghe 200I, p. 2I-25.

    < Saint Nicolas (r 3 1,.0) > Martyr de saint Quentin (r 30,.0)

    Les Heures Tavernier, un chef d'uvre dcouvrir

    Attribution des miniatures: gense d'un manuscrit hybride

    A l'exception des miniatures de saint Nicolas (f' 3uO), de saint Adrien (f' 3SrO), de saint Antoine (f' 37rO) et de deux scnes reprsentant le commanditaire (f's ssro et 179rO), que l'on peut attribuer Loyset Lidet, ainsi que de deux autres illustrations (f's 30ro: saint Quentin et 34ro: saint Sbastien) qui relvent sans doute d'un troisime miniaturiste anonyme, les illustrations du livre d'heures achet par la Fondation Roi Baudouin sont l'uvre de Jean Tavernier, un des enlumineurs les plus prestigieux ayant bnfici du mcnat des ducs de Bourgogne4 Probablement originaire d'Audenarde, ville clbre l'poque pour ses tapisseries, l'artiste est connu et sa carrire, du moins dans sa premire partie, relativement bien documente.

    Comme en tmoignent les influences de Robert Campin et de Rogier van der Weyden qui se retrouvent tout au long de sa production, Tavernier est largement tributaire du Hainaut quant sa formation. Son nom figure dj dans le Registre d'inscription de la corporation des peintres et verriers tournaisiens en 1434. Tavernier accde alors la matrise, un titre qui lui permet d'exercer son art lgalement et en toute libert. On ignore toutefois si, dj ce moment, il est franc-

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    Sainte Barbe (fG 28,.0)

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    S L'tat de la question concernant la formation tournaisienne de Tavernier est donn dans Vanwijnsberghe 2001,

    p. 23-24, notes 13S-141. Sur les dbuts de sa carrire, soit avant 14So, et les

    premires commandes ducales, il faut prsent consulter en priorit Avril 1999,

    p. 9-22, propos d'un livre d'heures galement attribu Jean Tavernier et acquis rcemment par la Bibliothque

    nationale de France (Paris, BNF, ms. nouv. acq. lat. 322S).

    < Annonciation aux bergers, Heures de La Haye,

    Pays-Bas mridionaux, Audenarde (?), vers 1450-1460

    (f 136,.0). La Haye, KB, ms. 76 F 2.

    > Philippe le Bon agenouill en prire

    Heures de La Haye, Pays-Bas mridionaux, Audenarde (?),

    vers 1450-1460 (f 44~) La Haye, KB, ms. 76 F 2.

    matre dans une autre ville ou si c'est rellement Tournai qu 'il commence son apprentissage. Pour l'instant, rien ne permet de rpondre cette questionS.

    Toujours est-il qu'en I440 il engage un apprenti, un certain Hacquinot Le Franc, pour l'aider dans sa tche, ce qui montre que ds cette poque les commandes deviennent rgulires. Mais l'activit de Jean Tavernier ne se limite pas Tournai. Trs tt - sans doute ds son accession la matrise - il semble avoir cherch des nouveaux marchs, et surtout des acheteurs potentiels, dans les villes avoisinantes. En I436, puis en I44I-I442, il est mentionn Gand, mtropole riche et opulente qui lui offre bien d'autres perspectives que les villes de province. On le cite aussi Bruges, cette fois cependant sans aucune certitude.

    Jean Tavernier fait partie de ces entrepreneurs itinrants qui n'hsitent pas voyager et se rendre l o se trouvent les principaux commanditaires. Mais cette volont manifeste d'largir sa clientle ne s'accomplit pas sans heurts. A Gand par exemple, l'pisode tourne mal. Jean Tavernier s'attire les rancurs et l'animosit de ses pairs . On l'accuse de faire fi des usages en refusant de s'affilier la corporation des peintres locaux. Le reproche, il est vrai, n'est pas

  • sans fondement. Les principales villes des Pays-Bas mridionaux connaissent en effet durant ces annes une expansion sans prcdent, tant sur le plan commercial que dmographique. Les cits bourguignonnes voient affiuer quantit de marchands, d'artisans, de banquiers, d'orfvres et surtout d'artistes d'horizons divers. Que les peintres et enlumineurs locaux aient, dans ce contexte, cherch se prmunir en rgentant et codifiant le commerce des uvres d'art n'est pas tonnant. Toujours est-il que l'enlumineur d'Audenarde, peut-tre plus sous la contrainte que par relle conviction, doit s'engager en 1441 devant les chevins de la Keure ne plus accepter de travaux de peinture tant qu'il ne fait pas partie de la gilde.

    Ces conflits restent nanmoins anecdotiques. Ils n'altrent en tout cas pas la renomme naissante de Tavernier, puisque ce dernier parvient s'attirer les faveurs du plus grand mcne de son temps: Philippe le Bon. A l'vidence, son talent novateur ne laisse pas le duc de Bourgogne indiffrent. En 1454, le nom de Tavernier apparat en effet dans les archives ducales - aux cts de plusieurs autres peintres - dans les rles des dpenses relatives la prparation du banquet du Faisan qui se tient Lille. Un vnement sans prcdent, porte culturelle mais aussi politique, qui vise renforcer et lgitimer la puissance du duc. Aid d'un varlet, un assistant, Tavernier travaille seize jours l'organisation des festivits et peroit

    Sige de la ville de Buda David Aubert, Chroniques et conquestes de Charlemaine, vol. /, Pays-Bas mridionaux, 1458-1460 (r 106v"). Bruxelles, KBR, ms. 9066.

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  • 1 24

    6 La Haye, KB, ms. 76 F 2. Voir au sujet des Heures de La Haye: Mueller 1958, p. 42-53 et II2-II4; Lieftinck 1970, p. 237-

    242; et Schatborn 1970, p. 45-48. L'identification de ce manuscrit avec le

    livre d'heures en grisaille command par Philippe le Bon Jean Tavernier est

    cependant remise en question, avec beaucoup de pertinence, par Anne

    Korteweg dans une tude paratre en 2002 dans le prochain volume du

    Corpus ofIlluminated Manuscripts. Un des points de son argumentation porte sur une pice d'archives date de 1455,

    dont l'interprtation serait errone.

    7 Lille, Archives dpartementales du Nord, B 2037, pices comptables, n' 1.

    8 Bruxelles, KBR, mss. 9066, 9067 et 9068.

    ( Prsentation du manuscrit Philippe le Bon

    David Aubert, Chroniques et conquestes de Charlemaine,

    vol. /, Pays-Bas mridionaux, 1458-1460 (f 11,'1).

    Bruxelles, KBR, ms. 9066.

    > Ambassadeurs de Charles devant Geoffroy

    David Aubert, Chroniques et conquestes de Charlemaine,

    vol. /, Pays-Bas mridionaux, 1458-1460

    (f 169yO) Bruxelles, KBR, ms. 9066.

    un salaire plus lev que celui de ses collgues, ce qui laisse entrevoir la qualit et l'ampleur de son travail.

    A partir de ce moment et jusqu'en 1460 au moins, Tavernier, signal alors comme rsident d'Audenarde, figure rgulirement dans les comptes bourguignons. Sans tre officiellement attach la cour, il devient peu peu un des enlumineurs en faveur auprs du duc. En quelques mois, Philippe le Bon lui octroie plusieurs commandes importantes, notamment un livre d'heures peint en grisaille, longtemps identifi un manuscrit conserv La Hay. Il est d'ailleurs intressant de relever que ce manuscrit et les Heures Tavernier prsentent tous deux un groupe de trois prires en franais qui, comme l'a expos Dominique Vanwijnsberghe, ne se retrouve que dans les livres de dvotion personnels du duc.

    Vers 1459-1460, Tavernier est rtribu par mandement ducal pour diffrents travaux d'enluminure et notamment pour certaines histoires de blanc et de noir, que, de nostre commandement et ordonnance, il afaictes ou premier volume du livre de Charlemai9ne, qui est presentement porte par devers nous, comme de celles qu'il doitfaire au second volume dudit livre de Charlemai,gne, L escuz [ ... ]7. L'ouvrage a rsist aux vols, spoliations, destructions et autres alas de l'histoire. Il s'agit des clbres Chroniques et conquestes de Charlemaine conserves la Bibliothque royale de Belgique8 Une uvre exceptionnelle, en deux volumes l'origine et trois aujourd'hui, que beaucoup considrent comme le chef-d'uvre de Tavernier. Selon le prologue, le copiste David Aubert, connu aussi comme remanieur)) et escripvain, a commenc la

  • rdaction du texte l'initiative de Jean V de Crquy, aristocrate install dans les provinces du Nord de la France. Jean de Crquy ne recevra jamais cet ouvrage. Aprs en avoir vu la premire partie, Philippe le Bon, fort de son pouvoir absolu dans les Pays-Bas mridionaux, en exigera la proprit et fera terminer la transcription son intention9

    Les Chroniques et conquestes de Charlemaine comportent pas moins de cent cinquante scnes en grisaille, des ymaiges de blanc et de noim comme on se plat les dfinir alors. La technique de la grisaille, peinture en camaeu o ne sont utilises que les teintes noires, grises et blanches, parfois rehausses d'or, est cette poque une mode trs prise dans les milieux de bibliophiles et en particulier la cour de Bourgogne. Tavernier y excelle. Il tmoigne en outre dans les Chroniques et conquestes de Charlemaine d'un talent peu commun de conteur. Les enluminures sont enrichies de nombreux personnages, de mouvements, d'lments anecdotiques qui rendent bien la ralit et donnent aux scnes illustres une vracit qu 'on rencontre rarement chez les autres ' miniaturistes contemporains. Inscrites dans des espaces qui - c'est nouveau - tiennent compte de la profondeur et o la ligne d'horizon place trs haut entrane une vue panoramique, les compositions sont

    9 Le colophon du troisime volume (Bruxelles, KBR, ms. 9068, 1" 279v') mentionne cene modification comme suit: .cyjine le second volume dtS conqutSttS du noble emptrtur Charltmaine Itqutl par le cammandemmt et ordonnance de [ .. . ] Phelippe duc de Bour,goin,gne [ ... ] a mee oorait et cauchie en cler ftancois par David Aubert lan de ,grace mil quatre cms cinquantthuit .

    < Dpart de l'arme des croiss franais Guillaume Adam, Avis pour faire le passage d'Outremer, Lille, 1455 Cf 9~) Bruxelles, KBR, ms. 9095.

    > Alexandre le Grand et Hannibal dbattant de l'honneur en prsence de Scipion l'Africain devant Minos, juge des Enfers Recueil didactique, traduction franaise de jean Milot, Pays-Bas mridionaux, 1449-1450 Cf 3f ). Bruxelles, KBR, ms. 9278-80.

    25 1

  • Saint Adrien (f 35';;)

  • varies et parfaitement agences. Elles offrent surtout une vision syncrtique des vnements en juxtaposant dans une mme image des pisodes diffrents. Des armes, des oriflammes, des bannires, des objets divers, voire des fragments de personnages dbordent parfois les encadrements comme si l'espace qui leur est imparti s'avrait trop troit. Ces innovations dcoulent naturellement du sujet trait. Dans la littrature pique et profane, en effet, les enlumineurs bnficient d'une libert d'imagination que ne leur permettent pas les ouvrages religieux. Toutes ces caractristiques se retrouvent pourtant de faon sous-jacente dans les Heures Tavernier.

    On peut encore ajouter au catalogue de Jean Tavernier les miniatures en grisaille des Miracles de Notre-Dame, version en prose d'un pome marial de Gautier de Coincy. L'uvre est rpartie aujourd'hui en deux volumes , conservs respectivement Oxford et Paris 10. Autre lment important: la plupart des manuscrits illustrs par Jean Tavernier pour Philippe le Bon ont t rdigs, compils, voire copis par Jean Milot, secrtaire ducal et futur chanoine de Lille. C'est le cas notamment d'un Trait sur l'oraison dominicale, dat d'aprs 145i\ d'un Dbat entre les trois princesl \ d'un volume de l'Advis directif pour faire le passage d'Outremer de Guillaume Adam en 1455 13, d'une version franaise (Trait des quatre dernires choses) du De quatuor novissimis de Grard de Vliederhoven14 ou encore du Mortifiement de vaine plaisance de Ren d'Anjou, enlumin pour Isabelle de Portugal, pouse de Philippe le BonIS. Tavernier intervient encore, pour deux scnes, dans le Brviaire personnel du ducl6 , illustr par Willem Vrelant,

    IO Paris, BNF, ms. fr. 9198 et Oxford, BodJeian Library, ms. Douce 374.

    Il Bruxelles, KER, ms. 992.

    12 Bruxelles, KER, ms. 9278-80.

    13 Bruxelles, KER, ms. 9095.

    14 Bruxelles, KER, ms. Il129. Concernant la version franaise du De quatuor novissimis de Grard de Vliederhoven, voir la notice de Ann Kelders dans Bousmanne et Van Hoorebeeck 2001, p. 302-304. Il est admis prsent que le chartreux Denys de Ryckel, rdacteur du trait De quattuor hominis novissimis, n'est pas l'auteur du De quatuor novissimis, malgr l'indniable similitude du thme et de l'intitul des deux uvres.

    15 Bruxelles, KER, ms. 10308.

    16 Bruxelles, KER, ms. 9SIl, pars hiemalis.

    ( Scne de l'enfance du Christ, jsus parmi les docteurs Ludolphe de Saxe, Vita Christi, traduction franaise de jean Aubert, Pays-Bas mridionaux, 1449-1450 (f 49~) Bruxelles, KBR, ms. IV 106.

    > Nativit (f 96~)

    27 1

  • 1 28

    Baptme du Christ Ludolphe de Saxe,

    Vita Christi, traduction franaise de jean Aubert,

    Pays-Bas mridionaux, 1449-1450 (f 531jJ) .

    Bruxelles, KBR, ms. IV 106.

    un enlumineur originaire d 'Utrecht mais install Bruges, qui bnficie lui aussi des largesses du Grand Duc d'OccidentI7

    Un deuxime miniaturiste est intervenu dans les Heures Tavernier en ralisant les scnes des folios 3I1"", 351"", 371"", 551"" et I791"": Loyset Lidet. Artiste fcond, originaire de Hesdin en Artois, Lidet est attest en I468 Bruges o il fait partie de la gilde des enlumineursl8 C'est l, semble-t-il, qu'il officiera jusqu' son dcs en I479. Lui aussi est souvent repris dans les archives bourguignonnes. En I468, par exemple, il reoit paiement pour cent treize miniatures: vingt-deux dans le troisime volume des Chroniques de Hainauf9, vingt dans une Bible moralise non retrouve, vingt aussi dans une version de la Vengeance de Notre-SeigneurO et cinquante et une pour le premier volume d'un Renaut de Montauban21 En I470, il assume cent deux miniatures dans une version en quatre volumes de l'Histoire de Charles Martel , commande par Philippe le Bon22 Bien d'autres commandes suivront. Lidet produit beaucoup. Trop, diront certains, car la qualit de sa production est ingale. S'y ctoient des uvres de belle tenue et d'autres de qualit bien moindre. En peine quatre ans, Lidet participe, de prs ou de loin, plus de vingt manuscrits, soit plusieurs centaines de miniatures. Une production norme qui ne peut se concevoir sans l'apport d'assistants et de collaborateurs. Son style est aisment reconnaissable: des personnages l'aspect effil, souvent trop grands, avec des attitudes strotypes

    17 SurWillem Vrelant, voir Bousmanne empreintes d'un certain manirisme qui rappellent les travers du style 1997 et Bousmanne 2000, p. 75-82. Les

    scnes illustres par Jean Tavernier dans courtois. Des critiques justifies, tempres toutefois par des qualits le Brviaire de Philippe le Bon (Bruxelles,

    KBR. ms. 951I) voquent l'arbre de Jess indniables de narrateur qui donnent ses peintures une grande vivacit. (f" 15r") et la Nativit (f" 43v") . Tavernier a-t-il excut des dessins prparatoires pour certaines miniatures, enlumines

    ensuite par Vrelant aprs que l'artiste d'Audenarde eut abandonn le travail?

    Cette hypothse de Franois Avril, qu'il applique notamment la scne de la

    Pentecte du folio 232v", mrite en tout cas d'tre souligne; voir Avril 1999,

    p. 12 et 21, note 17.

    18 Sans doute en raison de l'abondance de sa production, il n'existe pas pour l'instant de monographie consacre

    Loyset Lidet Diffrentes tudes pourtant lui ont t consacres. Pour la

    bibliographie, voir Bousmanne 2000, p. 80, note 22.

    19 Bruxelles, KBR, ms. 9244.

    20 Chatsworth, Coll. Duke of Devonshire, ms. 7310.

    21 Paris, B. Arsenal, ms. 5072.

    22 Bruxelles, KBR, mss. 6, 7, 8 et 9.

  • Saint Christophe(f 27(1)

  • 23 Bruxelles, KBR, ms. IIo35-37 et Cambridge, Fit2william Museum, ms.

    3-1954. 24 Il fut rappeler que le Bruxellmsis 10392

    constitue en ralit le second volume d'un couple de livres de pit dont le

    premier volume originel, appel Grandes Heures de Philippe le Hardi, a t scind par

    la suite pour former deux manuscrits distincts: le Bruxelles, KBR, ms. II035-

    37 et le Cambridge, Fit2william Museum, ms. 3-1954. Sur ces manuscrits l'histoire mouvemente, voir les

    contributions de Claudine Lemaire et Cline Van Hoorebeeck dans Bousmanne

    et Van Hoorebeeck 200I, p. 229-242 et 264-272.

    La ralisation du manuscrit et les diffrentes campagnes d'illustration: essai de reconstitution

    Reste comprendre la gense des Heures Tavernier. Autrement dit, en relater, tape par tape, la confection. Le problme n'est pas simple car l'laboration du manuscrit s'est droule en plusieurs phases, des moments diffrents et dans des conditions inhabituelles. A y regarder de prs, comment dfinir l'apparent dsordre qui rgne au sein des textes et des illustrations? Comment apprhender l'absence de logique des lments dcoratifs ou de la mise en pages? On peut cet gard mettre une hypothse. Loin d'avoir t ralis d'un seul tenant, ce manuscrit serait plutt le fruit de plusieurs additions et campagnes successives. Un ouvrage htrogne, compos de parties diverses qu'on aurait essay d'unifier et d'harmoniser pour en faire un ensemble plus ou moins cohrent. En soi, ce phnomne n'est pas exceptionnel: bon nombre de manuscrits mdivaux ont fait l'objet d'ajouts et de remaniements. Le livre au Moyen Age n'est pas qu'un objet de luxe. On le lit, on le consulte, on lui ajoute des gloses. Il n'est pas hrtique de le modifier en lui insrant ou en lui enlevant des parties de texte. Philippe le Bon lui-mme est coutumier du fait. L'exemple le plus fameux au sein de la Librairie de Bourgogne est sans doute le livre d'heures qu'il reoit en hritage de son grand-pre, Philippe le HardF3. On y retrouve l'intervention de Jean Milot qui l'on doit les nombreuses additions-notamment des prires et les neufleons des vigiles des morts des folios ggyO 144yO -, crites probablement aprs 145124.

    Mais revenons aux Heures Tavernier. Vers 1450 ou peu aprs, un commanditaire important choisit de confier Jean Tavernier, alors jeune artiste au talent prometteur, l'excution d'un livre d'heures pour son usage personnel. Plusieurs lments permettent de penser que ce commanditaire de haut rang n'est autre que le Grand Duc d'Occident lui-mme. A l'appui de cette thse, et comme le mentionne Dominique Vanwijnsberghe, des arguments textuels mais aussi codicologiques et iconographiques. Une premire conclusion s'impose donc: il n'est pas absurde de voir dans les Heures Tavernier une commande personnelle du duc. Pas d'indice absolu, mais de nombreuses convergences; un faisceau de prsomptions, certes indirectes mais dont la conjonction s'avre nanmoins significative. Aucune preuve dterminante donc, mais on serait tent de dire que bon nombre de manuscrits mdivaux ont t attribus des miniaturistes ou rapprochs des comman-ditaires sur des bases bien plus fragiles.

  • Vierge l'Enfant entoure d'anges musiciens (f 39f )

  • 1 32

    Pour rpondre la demande du duc, Tavernier ralise lors d'une premire campagne les miniatures des fragments des Evangiles (f's 16t>, 18t>, 21t> et 23t et des suffrages saint Christophe et sainte Barbe (f's 27t>-28t, ainsi que celles de la Vierge l'Enfant pour l'oraison Obsecro te (f' 39t, du commanditaire en prire (f' 46t et recevant les saintes espces cr S2t - illustrant toutes deux des prires en franais -, de l'Arrestation du Christ pour les heures de la Croix (f' 64t et du suffrage la sainte Trinit (f' ISSt. Il s'acquitte aussi des initiales histories, miniatures de petit format qui ne ncessitent pas un travail trop important (f's 6SyO, 67t>, 67Vo, 68yO et 69yO).

    La ralisation du codex est en bonne voie. Il restera pourtant inachev. Pour quelle raison? Philippe le Bon s'est-il dsintress du projet? A-t-il expressment demand l'enlumineur d'Audenarde de s'atteler un autre programme iconographique et de laisser en attente le manuscrit en cours de ralisation? D'autres raisons imprieuses ont-elles empch Tavernier de terminer son travail? A ce stade-ci de nos connaissances, difficile de rpondre cette question. Le mystre reste entier.

    Quoi qu'il en soit, lorsque Philippe le Bon s'teint Bruges en juin 1467, l'ouvrage est toujours l'tat embryonnaire. Celui qui sera le dernier duc de Bourgogne, Charles le Tmraire, hrite alors de la prestigieuse bibliothque ducale, constitue patiemment par ses aeux depuis plus d'un sicle et demi. On l'a dit, l'inventaire de cette librairie dress l'occasion du dcs de Philippe le Bon mentionne

    Descente de Croix (f 69tf1) plus de neuf cents ouvrages, couvrant tous les domaines de la pense: thologie, Ecriture sainte et doctrine religieuse, romans de chevalerie, textes scientifiques, didactiques, historiques, auteurs classiques, mais aussi littrature courtoise, autant de genres qui trouvent leur place dans les armoires ou les coffres de la collection ducale.

    Mais cette bibliothque comporte aussi des lacunes, des ouvrages laisss en attente, des livres inachevs qui n'ont pu tre termins faute de temps ou de relle volont. L'inventaire de 1467-1469 signale en effet plusieurs volumes non parfaits (

  • Sainte Trinit (f 155,.0)

  • 1 34

    26 Bousmanne 2000, p. 75-82. Une interprtation quelque peu diffrente de

    la problmatique des ouvrages non parfaits est propose par Antoine De

    Schryver dans une contribution intitule Jacques de Brgilles, responsable de la

    librairie des ducs de Bourgogne sous Charles le Tmraire, dans Chroniques

    de Hainaut 2000, p. 83-89.

    27 Bruxelles, KBR, ms. 9261.

    28 Paris, BNF, ms. fr. 9200-9201.

    29 Paris, BNF, ms. fr. 12754.

    30 Bruxelles, KBR, ms. 9244.

    31 L'image du commanditaire au folio 55r" mrite toute notre attention, en

    particulier la monstrance (l'ostensoir prsentant l'hostie). Sa prsence dans

    les Heures Tavernier, mais aussi dans le Brviaire de Philippe le Bon (Bruxelles,

    KBR, ms. 9026, f 258r", pars aestivalis), n'est pas fortuite. Elle

    renvoie en effet directement la sainte hostie, cadeau du pape Eugne IV en 1433 au duc de Bourgogne pour son

    appui lors du concile de Ble. Le prsent, confi la Sainte-Chapelle de Dijon, dut faire forte impression. Afin d'offrir un crin digne de ce nom la

    sainte espce, Philippe le Bon commanda un ciboire de deux pieds,

    tandis que pour les occasions solennelles un ostensoir en argent dor aux armes parties Bourgogne-Portugal

    fut galement ralis, cette fois sur l'ordre d'Isabelle de Portugal; voir

    Bousmanne 1997, p. 173-174 et Sotheby's 2001, p. 138-139.

    32 Paris, BNF, ms. fr. 6275.

    33 Le Matre de Mansel doit son nom l'illustration de deux tomes de La fleur

    des histoires, chronique universelle compose vers 1466 par Jean Manse/, receveur de Philippe le Bon Hesdin (Bruxelles, KBR, mss. 9231 et 9232). Ce

    miniaturiste anonyme aurait illustr la majeure partie du premier volume, mais

    serait seulement intervenu dans le volume II pour le frontispice. Voir Avril

    et Reynaud 1993, p. 73-75; Dogaer 1987, p. 43-47; et Smeyers 1998, p. 3II-3I3.

    bourguignonnes26: le Recueil des histoires de Troyes27, le Songe du vieil plerin28 , l'Histoire d'Olivier de Castille29 ou encore le troisime volume des Chroniques de Hainaut de Jacques de Guise30. Les Heures Tavernier font probablement partie du lot.

    Fin lettr l'esprit alerte, maniant avec aisance le latin et les langues trangres, Charles le Tmraire, celui qu'on nomme aussi le Hardi ou le Travaillant, aime les comptes justes et les choses en ordre. Que ce soit par fidlit envers son pre ou, plus probablement, pour rpondre ses propres aspirations et affermir ses nouvelles fonctions au travers de l'crit, il opte pour une politique de cohrence au sein de la librairie. Ainsi, entre 1468 et 1470, soit peu de temps aprs son accession au pouvoir, le jeune duc passe nombre de commandes diffrents enlumineurs pour complter l'illustration des manuscrits inachevs. Certaines entreprises importantes sont confies Livin van Lathem dont le nom figure dans les paiements ducaux au cours de ces annes pour divers travaux d'enluminure. D'autres -la plupart - sont attribus Loyset Lidet qui reoit donc commande de l'essentiel des manuscrits terminer.

    C'est sans doute dans ce contexte - vers 1468-1469 - qu'il faut situer la deuxime phase d'excution des Heures Tavernier. Comme pour les autres livres non parfaits repris dans l'inventaire ducal, Charles le Tmraire souhaite que les manquements de la campagne d'excution initiale soient rapidement combls. Loyset Lidet prend alors en charge le reste des illustrations du manuscrit. Il ralise ainsi, lors d'une deuxime campagne, les miniatures des suffrages aux saints Nicolas, Adrien et Antoine (f>s 3uo, 3Sro et 37rO) et deux scnes qui reprsentent le commanditaire (f>s SS~ et I79r)31. Ce n'est pas la seule fois que Loyset Lidet terminera un ouvrage partiellement enlumin par Tavernier. C'est aussi le cas pour une version du Speculum humanae salvationis copie par Jean Milot32. Lidet ne s'attelle pas seul ce travail. Un artiste le seconde dans sa tche: un miniaturiste qui jusqu' prsent n'a pu tre identifi avec certitude mais dont le style prsente certaines similitudes avec celui du Matre de Manse}33. Cet assistant s'acquitte des miniatures de saint Quentin (f> 30rO) et de saint Sbastien (f> 34rO).

    Reste enfin une autre squence. Une troisime campagne qui donne aux Heures Tavernier un attrait supplmentaire. On constate en effet que la fin du codex, soit les textes des heures de la Vierge (f>s 71~-132yO) ,

  • Commanditaire en prire (f 55,'1)

  • 1 36

    des psaumes de la pnitence (fbS 133ro-146vO), des litanies (fbS 146yO-1S4yO) et de l'office des morts (fbS 1S7~-I76yO), n'est pas celle prvue l'origine. Les diffrences sont marquantes, que ce soit au niveau des encadrements, des dcorations marginales ou du style.

    En d'autres termes, il est probable qu'on ait ajout au noyau existant une partie destine un autre livre d'heures. Pour quelles raisons? Pour terminer l'ouvrage au plus vite? Pour unifier moindres frais des cahiers pars qui, sparment, ne pouvaient constituer un ouvrage complet? La question reste ouverte et devra certainement tre approfondie. Toujours est-il que la dernire partie des Heures Tavernier comprend des textes et des offices de seconde main, terme qui dans le cas prsent ne revt aucune connotation pjorative. Ce genre d'amnagements tardifs n'a rien d'exceptionnel. Runir dans un mme ouvrage des textes d'origines diffrentes est monnaie courante au Moyen Age.

    Par contre, le fait que les illustrations qui accompagnent ces textes additionnels (fbS 83~, 96yO, I03yO, Il2~, Il6yO, I2SyO, 133~ et 1S7~) soient dues aussi Jean Tavernier pose question. Ces scnes sont de la main de Tavernier, mais ralises une poque antrieure comme semblent l'attester d'videntes diffrences de style avec les miniatures de la premire phase.

    Que s'est-il pass? A-t-on eu recours des feuillets qui se trouvaient alors dans l'atelier de Tavernier? A-t-on voulu, un certain moment, runir en un seul livre des parties diffrentes pour viter qu'elles soient dfinitivement abandonnes? C'est possible, d'autant qu'un cahier se singularise de l'ensemble: le Ile, qui comprend la squence de matines des heures de la Vierge (fbS 71-78), illustre par une miniature de l'Annonciation (fb 71~). L aussi, il s'agit d'une squence trangre au livre prvu l'origine. Ce cahier est le seul du codex o les initiales sont ornes de dveloppements floraux dans les marges. Une dcoration secondaire trs diffrente des premiers folios. Dans ce cas galement, il faut sans doute parler d'un cahier de remploi.

    Quoi qu'il en soit, et quelle que soit l'explication avance, il n'en demeure pas moins qu' ce stade de la composition se retrouvaient dans un mme ouvrage des miniatures de diffrentes origines: celles ralises par Tavernier lors de la premire campagne, celles excutes plus tard par Lidet et le suiveur du Matre de Mansel, et celles

  • Annonciation (f 71f)

  • 1 38

    34 Inscrites juste avant que le manuscrit ait t reli, les signatures des cahiers suivent en effet un ordre parfaitement logique et ne refltent pas ces erreurs.

    35 Voir ce propos le chapitre consacr la description du manuscrit par Pierre

    Cockshaw et Frdrique Johan.

    36 Voir les notices descriptives du manuscrit dans Leuchtendes Mittelalter

    1989, p. 185-27 n' 35 ; Leuchtendes Mittelalter 1991, p. 95-97, n' A; et Sotheby's 2001, p. 134-151, n' 28.

    prvues l'origine pour un ou deux autres livres d'heures mais enlumines aussi par Jean Tavernier (voir tableau II, p. 73).

    Pour runir ces diverses parties et donner au codex un profil relativement cohrent, on a procd par ailleurs une sorte d'uniformisation du manuscrit. Il fallait certes que les textes se suivent de faon rationnelle, que les illustrations soient conformes aux traditions, mais aussi que la dcoration, la mise en forme du manuscrit, rponde une certaine logique. Pour ce faire, les initiales filigranes des cahiers 12 15 et 19 ont t surpeintes en initiales champies pourpre et bleu afin de les rendre similaires celles employes dans la premire partie du livre. Cette faon de procder est tout fait singulire. Elle tmoigne nanmoins d'une volont manifeste de rendre cohrents des feuillets antinomiques l'origine.

    On peut imaginer que ce travail d'uniformisation a t confi Lidet. Il s'avre toutefois que l'entreprise n'a pas t exempte d'erreurs au moment de l'assemblage des textes. Ainsi, le suffrage de la sainte Trinit Cf" 155r"-156r") se trouve de faon tonnante en fin de codex, alors qu'il devrait figurer en dbut de manuscrit avec les autres textes de ce genre (f's 27~-38~). De mme, les prires finales, qui clturent le codex (f's I79~-187~), sont probablement mal places. Il serait plus logique qu'elles suivent leurs corollaires aprs le folio 57. Pourtant, l'interversion de ces sections n'a, semble-t-il, pas t remarque lorsque les cahiers ont t runis avant d'tre relis34

    Dj chaotique, l'histoire des Heures Tavernier n'en est pas finie pour autant. Le manuscrit disparat ds le XVIe sicle. Conserv sans doute successivement dans une ou plusieurs bibliothques prives, passant peut-tre de main en main, il a d connatre le lot habituel des ouvrages de collection. Un certain nombre de miniatures ont t dcoupes, probablement pour tre revendues bon prix des bibliophiles peu scrupuleux35 On ne sait rien d'autre de cette priode, si ce n'est que le codex, alors aux mains d'un collectionneur anglais anonyme, a t restaur en 1989 par James Brockman. Pour le reste, on demeure dans l'expectative, et ce jusqu'au moment o le manuscrit apparat Rotthalmnster chez le libraire Heribert Tenschert. Achet par J.R. Ritman, il entre alors dans la collection de la Bibliotheca Philosophica Hermetica d'Amsterdam avant d'tre mis en vente chez Sotheby's Londres36

  • Visitation (f 83f)

  • Annonce aux bergers (f 103.jJ)

  • ~apport du texte et des lments de contenu Avec sa srie de prires et d'offices qui se rptent sans surprise de manuscrit en manuscrit, le texte des livres d'heures peut, au premier abord, paratre rbarbatif. Comment expliquer ds lors l'irrsistible attrait qu'il exerce sur certains spcialistes, au point qu'on les surprendra passer de longs moments sur d'arides pages couvertes d'criture, oubliant presque de prter attention la superbe dcoration qui encadre les autres folios? C'est que, contrairement la plupart des objets d'art mdivaux, les livres d'heures contiennent, inscrits dans leur texte, de prcieux indices qui permettent, bien souvent, de dterminer la destination du manuscrit, c'est--dire l'endroit prcis (une glise, un chapitre, une abbaye ... ) ou parfois mme le personnage pour lequel ils ont t raliss. Sous un contenu apparemment strotyp se cachent des usages locaux, qui s'observent en plusieurs endroits nvralgiques: le calendrier, les petites heures de la Vierge et l'office des morts, les litanies et les suffrages. Nous allons, dans les paragraphes qui suivent, examiner ces diffrentes units de contenu pour tenter de cerner le profil du destinataire des Heures Tavernier et voir s'il est compatible avec l'hypothse d'une commande ducale37

    L'tude du calendrier montre que le scribe a utilis deux sources distinctes. De janvier la mi-mars et de la mi-avril la fin juin, un modle parisien a servi d'exemple. Il correspond trs fidlement aux

    37 Je tiens remercier Erik Drigsdahl, spcialiste des livres d'heures et de leur texte, pour le fructueux change de vues que nous avons eu sur les Heures Tavernier. Pour un approfondissement mthodologique, on consultera en priorit Leroquais 1927 et Delaiss 1974

    41 1

  • 1 42

    38 Munich, Bayerische Staarsbibliothek, Cod. gal!. 40.

    39 La Haye, KB, ms. 76 F 2. Concernant ce livre, voir la dernire synthse en

    date: Korteweg, 2002 ( paratre).

    40 Il reste expliquer pourquoi deux dates (le 7 septembre et le 26 octobre)

    sont restes vides.

    41 Le problme est complexe. On constate que la premire dviation par

    rapport au modle parisien (seconde moiti du mois de mars et quinze premiers jours d'avril) (f" 5v"-6r")

    s'obseIVe dans des pages qui se font face. Par contre, la seconde partie dviante

    commence sur un recto, aprs un verso orthodoxe (seconde quinzaine de

    juinfdbutjuillet) (f" 8v"-9r").

    calendriers d'autres livres de prires connus de Philippe le Bon, conservs Munich38 et La Haye39 Le reste - de la mi-mars la mi-avril et de juillet fin dcembre - est calqu, quant la forme, sur le principe franais du calendrier complet (une fte par journe), mais s'en distingue en revanche par la prsence d'un grand nombre de ftes universelles appartenant au calendrier romain. On signalera en outre que nombre d'entre elles, parfois parmi les plus solennelles, sont dcales d'un, voire de plusieurs jours: ainsi, la Visitation figure le 3 juillet au lieu du 2. La mme nonchalance s'observe dans la transcription des noms, parfois peine reconnaissables (

  • connaissons jusqu' prsent qu'un seul quivalent, dans un codex essentiel la comprhension du manuscrit bruxellois: les Heures de Claudio Villa, attribuables un artiste de premier plan, proche de Jean Tavernier42

    Matines Laudes Prime Tierce Sexte None Vpres Complies

    KBR, ms. IV 1290 Annonciation Visitation Nativit Annonce aux bergers [Prsentation] Adoration des Mages

    Cycle flamand Annonciation Visitation Nativit Annonce aux bergers

    X Adoration des Mages Prsentation Fuite en Egypte X Massacre des innocents Massacre des innocents Fuite en Egypte _

    Si l'on compare ce cycle celui de deux autres livres d'heures attribus Tavernier (tableau 2) , il apparat que le codex bruxellois et les Heures de Claudio Villa se distinguent par leur fidlit , prime et tierce, la solution flamande (tableau r) . Par contre, ils partagent avec les manuscrits de La Haye et de Paris l'inversion sexte/none et vpresl complies, caractristique du groupe Tavernier, dont ils constituent en somme une variante plus orthodoxe. L'examen du cycle d'illustrations confirme donc ce que montrait dj l'analyse stylistique, savoir le lien troit unissant le Bruxellensis N 1290 l'uvre de Jean Tavernier.

    KBR, ms. IV 1290 LaHaye, ms. Paris, BNF, et Heures de KB,76F2 ms. nouv. acq. Claudio Villa lat. 3225 (localisation inconnue)

    Matines Annonciation Annonciation Annonciation Laudes Visitation Visitation Visitation Prime Nativit Annonce aux Annonce aux X bergers bergers

    Nativit [Nativit] Tierce Annonce aux bergers

    Sexte [Prsentation] Prsentation Prsentation None Adoration des Adoration des [Adoration des

    Mages Mages Mages] Vpres Fuite en Egypte Fuite en Egypte Fuite en Egypte Complies Massacre des Couronnement Massacre des

    innocents de la Vierge innocents

    Tableau 1 - Cycle de l'Enfance des Heures Tavernier compar au cycle flamand

    42 Voir Avril 1999, p. 20, note 7. Sur les Heures de Claudio Villa, signales pour la dernire fois en 1939, voir Sotheby's 1939, n 12. Le manuscrit tait pass dans les collections Perkins, Spitzer et Van Zuylen: voir Perkins 1873, lot 599; Spitzer 1892, n 26, p. 140-141; Sotheby's 1929, n 190 (avec mes remerciements Heribert Tenschert pour m'avoir fait profiter des ressources infinies de sa collection de catalogues de vente). Inutile de dire qu'on attend avec impatience de voir resurgir ce trsor!

    Tableau 2 - Cycle de l'Enfance des Heures Tavernier et des Heures de Claudio Villa, compar deux livres d'heures du groupe Tavernier

    43 1

  • 1 44

    Une autre particularit intressante du petit office de la Vierge est son usage liturgique. Avant l'uniformisation progressive du rite au XVIe sicle et la gnralisation de l'usage romain, de multiples glises, chapitres ou autres institutions religieuses taient susceptibles de possder une variante liturgique propre, caractrise par un agencement spcifique des textes de prire composant l'office (psaumes, hymnes, antiennes, capitules, rpons, versets ... ). Ces usages taient trs varis dans les Pays-Bas bourguignons. Pour nombre d'entre eux, on a malheureusement perdu trace de l'institution laquelle ils taient attachs. Tel est le cas des Heures Tavernier, dont l'office de la Vierge reste une variante unique, non localise. Par bonheur, les diffrents textes qui le constituent, considrs isolment, sont bien connus. Une analyse des plus rares d'entre eux permet d'en resserrer l'origine gographique. Ainsi, Erik Drigsdahl a not que le capitule Virgo verbo concepit ne se retrouve l'heure de laudes que dans la partie septentrionale de l'archidiocse de Reims, c'est--dire dans nos rgions. De mme, la prsence complies de l'hymne Fit porta Christi, originaire de monastres bndictins allemands, ne semble se rencontrer que dans les pays de langue germanique ou directement soumis leur influence. On le trouve trs tt dans le diocse de Lige et il se diffuse plus tard en Flandre. Il apparat aussi Sainte-Gertrude de Nivelles, Sainte-Waudru de Mons, dans les monastres brabanons soumis la rforme de Windesheim, ainsi qu' la collgiale Sainte-Gudule de Bruxelles. On pourrait ds lors se demander si l'usage des Heures Tavernier n'est pas propre l'un des sanctuaires frquents par Philippe le Bon lors de ses sjours dans la capitale brabanonne.

    S'il est fort peu probable que la chapelle palatine du Coudenberg puisse tre prise en compte, en raison de son caractre domestique, on sait par contre que l'glise de Saint-Jacques sur Coudenberg jouissait d'une faveur particulire auprs des souverains: c'est en ses murs que furent baptiss Antoine de Bourgogne en I43I et Marie de Bourgogne en I457; c'est l aussi que se tinrent les funrailles d'Isabelle de Bourbon, pouse du Tmraire (I465)43 . L'glise tait desservie par une prvt (communaut de religieux dirige par un prvt) , affilie la rgle de saint Augustin. Il n'est pas impossible qu'elle ait suivi un usage distinct de celui de Sainte-Gudule.

    43 Voir Lefvre 1942, p. 91-92. Je remercie Antoine de Schryver pour les

    prcieux renseignements qu'il m'a Les litanies reprennent une longue numration de saints dont le fournis sur la communaut du

    Coudenberg. fidle invoque la prire. Trs souvent, ces listes sont, elles aussi,

  • Adoration des Mages (r 112(0)

  • 1 46

    44 Not par Peter Kidd. Voir Sotheby's 2001, p. 136, 138, n' 28.

    45 Paris, BNF, ms. lat. 1364.

    46 Voir Vos 1894, p. 21; Boeren 1988, n' 16, p. 46-47.

    47 Bruxelles , KBR, ms. II035-37, f" 83v"-87r'

    48 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. gal!. 40,

    f" 133-147.

    49 La Haye, KB, ms. 76 F 2 , f" 4Iv"-45v".

    5 Sotheby's 2001, p. 141, n' 28.

    SI Un colophon au folio 144v" prcise en effet: . Cy finent les ix lecons des

    vegiIJes des mors translatees en prose A BrouxeIJes lan mil CCCC [et) 1 vng.

    52 En se fondant galement sur la palographie: Delaiss 1959', n' 92;

    Korteweg 2002 ( paratre) .

    indicatives de la destination du livre d'heures. Comme le calendrier, elles mettent en vidence des dvotions locales ou prives. Dans le cas prsent, on notera tout particulirement la prsence d'un grand nombre de saints lis la Bourgogne et l'est de la France - saint Bnigne de Dijon, saint Philibert de Tournus, saint Seine, fondateur du couvent de Sicaster prs de Dijon, saint Mamms de Langres, saint Claude de Besanon -, de sorte que l'on peut bon droit parler d'une litanie dijonnaise. Ce fort accent bourguignon constitue bien entendu un argument de poids en faveur d'une commande ducale.

    A cela s'ajoute le haut rang de saint Philippe dans la liste des aptres: il apparat en cinquime position44 Reste, comme le souligne juste titre Erik Drigsdahl, expliquer certains lments atypiques, telle la prsence, unique jusqu' prsent Dijon, des surs de la Vierge-Marie Clophas et Marie Salom. On se contentera de relever que cette fte n'tait pas inconnue dans le diocse de Tournai, qui couvrait, rappelons-le, une grande partie des territoires bourguignons du nord: les sOTOres beate Marie apparaissent ds les environs de 1400 dans les litanies d'un livre d'heures tournaisien45 Il faut noter en outre que, vers 1450, Thurien de Praelles, doyen de la cathdrale Notre-Dame de Tournai, fonda le double de cette fte la date du 25 mai46 Comment cette litanie hybride a-t-elle vu le jour? A nouveau, le copiste des Heures bruxelloises a pu puiser diverses sources pour constituer une liste de saints dans laquelle l'lment bourguignon reste toutefois prdominant.

    La caractristique la plus spectaculaire du texte de cette nouvelle acquisition est sans conteste la prsence d'une squence de trois prires en franais qui se retrouvent exclusivement, sous cette forme, dans des recueils d'oraisons ayant appartenu personnellement Philippe le Bon: dans la partie qu'il fit ajouter vers 1451 au livre d'heures de son grand-pre, Philippe le Hardi47 , dans le Petit Livre de prires de Munich48 et - on l'avait oubli jusqu' prsent - dans les Heures de La Haye peintes par Jean Tavernier49 On trouvera en annexe le texte de ces prires, dont Peter Kidd a suppos qu'elles furent composes spcialement pour le duc par son secrtaire Jean Milot50 A l'examen, cette hypothse parat tout fait vraisemblable.

    Dans les Heures de Philippe le Hardi, la squence de prires fait partie d'une srie d'ajouts attribuables, sur la base d'une analyse de l'criture, Milot et raliss aprs 145151 . C'est Milot aussi qui, selon Lon Delaiss5\ aurait transcrit la partie originale des Heures de

  • Massacre des innocents (f 12S",P)

  • 1 48

    53 Signal par Peter Kidd . Voir Sotheby' s 2001, p. 136, 138, n' 28.

    54 Voir Mechtilde de Hackeborn 1930, 1"" partie, chapitre 47.

    ( Philippe le Bon en prire devant le prtre l'autel

    Heures de La Haye, Pays-Bas mridionaux, Audenarde (?),

    vers 1450-1460 (f 41~). La Haye, KB, ms. 76 F 2.

    > Matre du Petit Livre de prires de Munich,

    Philippe le Bon en prire Petit Livre de prires de Munich,

    Pays-Bas mridionaux, vers 1450 (f 144(1) Munich,

    Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Ga//. 40.

    La Haye, celle-l mme laquelle appartiennent les trois prires. Le caractre personnel de ces oraisons ressort aussi clairement de leur contenu. La premire adresse Dieu une requte qui ne peut tre que celle d'un souverain: Donne moy sens et entendement de moy et de mes subgetz gouverner en telle justice et telle equit [ ... ] (f> sov)53. Dans les anciens Pays-Bas bourguignons, qui d'autre que Philippe le Bon aurait-il pu lgitimement invoquer la divinit en ces termes? A cela s'ajoute que, dans deux des manuscrits ducaux o elles apparaissent - La Haye et Munich -, ces prires sont illustres par une repr-sentation du commanditaire en prire, dont l'identit ne fait aucun doute: il possde les traits du duc. Dans le Petit Livre de prires de Munich, il porte mme le collier de la Toison d'or. On peut donc bon droit mettre des doutes quant l'ventualit que, dans les Heures Tavernier, un autre commanditaire ait os se faire reprsenter un endroit aussi charg symboliquement.

    Le livre comporte galement les Trois Ave Maria de sainte Mechtilde de Hackeborn (1241-1298), grande mystique allemande qui la Vierge promit d'tre prsente sa dernire heure si elle rcitait quotidiennement trois Ave, adresss chacune des personnes de la Trinit54 Cette prire assez rare n'apparat pas dans les autres livres

  • Commanditaire en prire (f179,o)

  • 1 5

    55 Les fichiers de la KBR n'en signalent qu'une copie, dans le ms. 4483, un livre d'heures en franais et en latin l' usage

    de Soignies, peut-tre ralis Bruxelles. Voir Oelaiss 1959', n' 168;

    Ottosen 1993, p. X et 146.

    56 Paris, BNF, ms. nouv. acq. fr. 16428, f' 16r".

    de dvotion du duc55 On notera toutefois qu'un suffrage sainte Mechtilde figure dans un livre de prires de Philippe le Bon conserv Paris56 Peut-tre le duc avait-il une dvotion particulire pour cette sainte.

    L'analyse du texte permet donc, notre avis, de retenir l'hypothse d'un livre destin l'usage personnel du duc de Bourgogne. Mlange de caractristiques franaises et flamandes, son contenu correspond parfaitement au profil mixte du Grand Duc d'Occident. En outre, la prsence de prires sans doute composes spcialement pour le souverain taie fortement cette prsomption.

  • Description codicologique

    Support

    Ce livre d'heures est compos de I92 folios de parchemin d'une facture moyenne. Le traitement du parchemin en vue de recevoir l'criture prsente en effet des diffrences de qualit: certaines traces de ponage sont encore visibles57, ainsi que les traces d'implantation des poils58, ou ailleurs des dchirures qui ont vraisemblablement t recousues au moment de la ralisation du manuscrit59 Les dimensions du codex sont d'environ I87 mm de haut sur I24 de large. Les tranches sont dores sur les trois cts.

    Organisation des cahiers60

    A l'examen de la composition des cahiers, on remarque immdiatement le nombre variable de feuillets les composant-un bi-feuillet, six ternions, quinze quaternions et quatre qui nions -ainsi que le nombre lev de cahiers irrguliers, huit sur vingt-six.

    Chaque cahier est numrot l'exception du premier que constituent les deux pages de garde. Le systme de numrotation utilis est celui de la lettre minuscule suivie d'un chiffre. Le manuscrit se compose de vingt-six cahiers mais la numrotation ne commence qu'au deuxime. Aprs le 22e, les lettres e, i, j, u et w tant absentes, deux lettres grecques (?) sont utilises. Ensuite, pour les 2s e et 26e , il s'agit de lettres doubles, aa et bb, suivies des chiffres. Les cahiers 5, I8 et 23 sont munis d'une double numrotation. Le 4e prsente lui un double systme qui ne peut tre cohrent par rapport la constitution mme du cahier (les lettres c et d sont reparties de part et d'autre de la couture).

    Un parallle s'impose d'emble entre cette numrotation inhabituelle et le fait que les cahiers qui en sont porteurs prsentent aussi des anomalies de constitution, anomalies rencontres galement dans d'autres cahiers dont la composition est la suivante:

    58 Noires au f" 1481" ou brunes au f" 1231".

    59 f'" 58, 61, 92, II9 , 155, 161 et 178.

    60 La composition des cahiers du manuscrit se prsente comme suit (l'exposant indique le type de cahiers) : l ' ; 2-3' ; 4'~' (10' insr avec onglet); 5'"' (2' et 3' perdus); 6'~' (3' et S' perdus) ; 7'~' (Itt perdu); 8"; 9'" (2' perdu); 10'' (2' insr avec onglet et 7' perdu); II-I4' ; 15'"' (6' perdu) ; 16-17'; 18'" (Itt insr avec onglet); 19-23' ; 24' ; 25' ; 26' (6' coll au plat) .

    51 1

  • 1 52

    Cahier 4

    1

    1

    fOl.1S Onglet. fOl.16 . fOl.17: numrot IIC i l) . fOl.18 : numrot IIC jjl) . fOl.19: numrot IIC iiil) . Couture

    fOl.20 . fol. 21. fol.n. fOl.23 fOl.24: numrot IId ill. fOl.2S: numrot IId iill .

    Dans ce cahier, deux folios apparaissant aprs la couture sont numrots. Ceci tant absolument anormal, on pourrait supposer que ce cahier procde d'une reconstitution ultrieure de deux cahiers spars l'origine. En effet, le Se cahier prsente aussi une lettre d au folio 27. Mais vouloir reconstituer cet tat matriel antrieur en suivant ladite numrotation semble tout fait improbable. Si le folio 24 est mont sur onglet, le texte des pricopes figure sans lacune et de manire homogne pour ce qui est de la copie, de la dcoration du texte ou encore des miniatures dont il est pourvu.

    Cahier 5

    l

    fOl.26: vierge avec rglure, numrot lit ? II et II ? II. Talon qui semble provoqu par la perte dufolio. Talon qui semble provoqu par la perte dufolio. Couture

    fOl.27 : numrot IId iiiili et lit::. iiiill. fOl.28. fOl.29V : vierge avec rglure.

    Les lettres du folio 26, s'il s'agit bien de lettres, ne sont suivies d'aucun chiffre. La place que laissent attendre la lettre d et cette autre lettre Ll, toutes deux suivies du chiffre iiii, en contradiction avec la situation du folio aprs la corde, inivite penser que ce cahier devait tre constitu diffremment au moment de la reliure originale. Toutefois, comme vu

  • prcdemment avec le 4e cahier, cette reconstitution originale est problmatique. Une trace d'encre rouge qui semble de mme nature que celle utilise pour transcrire la rubrique est visible sur le recto du deuxime talon.

    Cahier 6

    ,-------

    1 l

    fo1.3 0.

    fol.31 Talon qui semble provoqu par la perte dufolio. fol.p: numrot et 33t> prsentent tous deux la fin d'une prire et, lorsque l'on sait que chaque texte s'ouvre par une miniature, il semble vident que les deux folios ont t coups sciemment. De plus, seul le folio 32t> est numrot en fiiii et, si l'on suppose que les deux talons ont un jour exist en tant que folios, le folio 32 est bien le quatrime.

    Cahier 7

    ~

    1

    1

    Talon qui semble provoqu par la perte dufolio. foI.38:]ln d'une prire. fo1.39 fo1.40: numrot 9 iiiiN.

    fo1.41: numrot 9 VII .

    Couture

    fo1.42.

    fo1.43

    fo1.44

    fo1.45 fol.46v: rclame.

    53 1

  • 1 54

    Cette fois c'est le talon situ entre le folio 37 du prcdent cahier et le folio 38 de celui-ci qui participe du mme raisonnement. Le texte du folio 38ro est la fin d'une prire dont le dbut manque. Il semblerait donc nouveau que ce folio, qui devait comporter une miniature, a t enlev. La numrotation des deux derniers folios avant la couture le confirme: le folio 4o~ est numrot g iiii et le folio 4I~ g v.

    Cahier 9

    ,--

    1

    l

    fo1.57 Talon qui semble provoqu par la perte dufolio. fo1.58 : numrot k ii (? >. fo1.59 : numrot (?)>> Couture

    fol.6o: numrot h. fol. 61. fo1.62 . fo1.63

    A nouveau, le talon prsent entre le folio 57 et le folio 58 procde du mme phnomne, celui d'une miniature subtilise. En effet, le dbut du texte, savoir les heures du Saint-Esprit, manque. La numrotation du cahier, outre la lettre k, a disparu lors d'un rognage et ne peut donc constituer ici un indice supplmentaire. Comme pour les 4e et 5e

    cahiers, cette lettre se situant aprs la corde ne trouve pas d'explication.

    Cahier 18

    1

    1

    fOI.126: numrot

  • t remont lors d'une restauration. Dans l'tat actuel de nos connaissances, aucun indice ne peut notre sens expliquer la double numrotation des folios I28 et I29.

    Cahier 23

    1

    1

    fo1.165: numrot Id jN. f01.166: numrot Il! jjN. f01.167: numrot Il! jjjN. f01.168: numrot Il! jjjjN et 110 bN.

    Couture

    fo1.169 f01.17 0.

    f01.17!.

    f01.17 2.

    Comme pour le r8e, la raison de cette double numrotation reste inconnue dans ce cahier. Il s'y trouve galement une autre anomalie: la rglure du folio 172 est de couleur pourpre alors que son pendant, le folio r65, qui fait face porte une rglure l'encre rose. Les deux folios sont pourtant bel et bien joints.

    Les observations que soulvent la composition des cahiers et la numrotation des folios ne semblent pas corollaires. Toutefois, il faut admettre que le manuscrit n'a pas toujours t dans l'tat que nous avons sous les yeux. La prsence de fonds de cahiers volants enserrant chaque cahier, le bon tat de conservation de la tranchefile

    Fond de cahier rr 102ojJ-l03f)

    55 1

  • 1 56

    61 f' 3 14.

    62 Cahiers 5 8, II, 14, 17, 19, 21, 24 et 26.

    63 Cahiers 1 3, 24 et 26.

    64 Cahiers 4 6 et IO 22.

    65 Cahiers 7 9 et 23 26.

    66 Par exemple fos 47\1", 48r", 66\1", 127r", etc.

    67 Cahiers 9, 23, 24 et 25 .

    68 Cahier II.

    69 f" 133r" ou cahier 19.

    7 Cahiers 4 , II , 16 et 17.

    71 f' 85r" et 157r" ou cahiers 12 et 22.

    72 Cahiers 2, 3, 5 9 et II 26.

    73 Cahiers 10, 14, 15, 17 et 20 22.

    74 Cahier II.

    75 Cahiers 12 15 et 19.

    rose et blanc, ainsi que la prsence d'onglets dont le parchemin date incontestablement du xxe sicle sont les indices certains d'une restauration rcente. Nous reviendrons d'ailleurs en dtail sur ce point dans le paragraphe consacr l'histoire matrielle du manuscrit.

    Justification

    Deux faits singuliers mritent mention en ce qui concerne la transcription du texte. Tout d'abord les piqres, rencontres relativement souvent au sein du manuscrit, appartiennent deux types. Les folios du calendrier sont percs dans la marge de gouttire d'une double srie de points parallles, deux fois huit trouS6I Les autres cahiers dont les piqres apparaissent encore dans les marges prsentent une seule srie de quinze points62 En fonction de ces repres sont donc tires dix-huit lignes rectrices et dix-sept lignes crites pour le calendrier, contre quinze rectrices et quatorze crites pour le reste du manuscrit. Le texte est rdig ligne longue, avec une largeur identique dans l'ensemble du codex. Les piqres pour cette dimension-l se rencontrent donc en quatre trous: deux dans la marge de tte et deux dans la marge de queue. Seul le calendrier, qui ncessite un repre supplmentaire pour tracer l'emplacement des lettres indiquant les jours de la semaine, prsente six trous en marge de tte et en marge de queue. La justification mesure environ 108 mm de haut sur 73 de large avec une unit de rglure de 6 mm pour le calendrier, le reste tant de dimension gale mis part l'unit de rglure de 8 mm.

    Le second fait insolite rside dans l'encre utilise pour le trac de la rglure, qui relve galement de deux types: fines lignes au trac sr l'encre pourpre d'une part63, lignes plus paisses au trac moins certain l'encre rose ple d'autre part64 Quelques cahiers prsentent la fois l'une et l'autre de ces variantes65

    Ecriture

    Le type d'criture est une btarde bourguignonne. La copie du texte n'est cependant pas homogne et diffrentes mains sont perceptibles. Deux systmes de csure de mots se retrouvent dans la copie, l'un consistant en un simple trait oblique, l'autre, plus

  • frquent dans la seconde partie du manuscrit, en deux traits obliques plus petits que le prcdent.

    L'encre utilise pour la copie est brun fonc. Ce ton sombre, visible dans la plus grande partie du codex, offre cependant des nuances. Sur certains folios dont le parchemin n'a pas t trait de manire satisfaisante, la transcription sur le ct chair donne un aspect us et donc une tonalit nettement plus claire. En effet, l'encre n'ayant pu adhrer correctement au support, la calligraphie des lettres est ajour6

    Les rubriques ainsi que la mention des heures canoniales, des hymnes, des rpons et des antiennes sont retranscrites l'encre rouge. Des notes au rubricateur sont d'ailleurs trs distinctement visibles dans plusieurs marges de couture et de gouttir7

    Dcoration du texte

    Plusieurs types de dcoration ont t apports la copie du texte, avec nouveau des singularits qui, on le verra, peuvent donner de prcieux renseignements sur l'histoire matrielle de ce manuscrit. On retrouve les varits suivantes: initiales histories68, dragonnes69, fleurdelises70, guilloches7I , champies72, champies avec prolongements filigrans73 , champies avec prolongement en rinceaux de fleurs et fruits74, filigranes75, lettres rehausses d'encre jaune et d'encre rouge-orange et bouts de ligne champis. Les initiales histories sont considres par Bernard Bousmanne dans le chapitre concernant l'illustration du manuscrit. Celles-ci mises part, il ne s'agit pas tant de prendre en compte le nombre important de types de dcoration pour en tirer des conclusions que d'examiner l'agencement de ces types entre eux ainsi que des motifs au sein de chaque catgorie.

    Portement de Croix (f 67~)

    Christ devant Pilate (f 65~)

    Crucifixion (f 68~)

    Instructions au rubricateur (f 183f )

    57 1

  • 1 58

    ,

    III trnt Initiale champie orne

    d'un /ion blanc (f 93,.0)

    Variante l'initiale champie classique (f 161~)

    77 1" 951"'.

    Les initiales dragonnes, fleurdelises et guilloches restent rares dans ce manuscrit. Il n'est pas grand-chose en dire sinon de signaler leur prsence. Par contre, deux des initiales champies sont ornes en leur centre d'un lion blanc: rampant, de profil et sur fond bleu pour la premire76, sur le dos, de profil et sur fond grenat pour la seconde77 Il faut souligner que le ton blanc utilis pour le dcor filigran des initiales champies est celui que l'on retrouve le plus couramment dans le manuscrit. Ces lions sont-ils indice ou partie d'armoiries? Indpendamment de la couleur, ce lion rampant et l'autre tendu sur le dos font-ils rfrence un personnage en particulier? Rien n'est moins certain, toutefois il faut mentionner cette possibilit tant donn le caractre disparate de l'ensemble des dcorations et aussi eu gard la provenance du manuscrit.

    Le phnomne le plus curieux se rencontre dans le type ou groupe des initiales champies. La premire remarque est d'ordre quantitatif. Le nombre d'initiales ne se retrouve pas de manire homogne dans l'ensemble du codex. Les huit premiers cahiers ainsi que les deux derniers offrent un maximum de dix initiales champies par cahier alors qu' partir du ge le nombre va croissant de trente-deux jusqu' cent trois. Un rapide examen des textes explique ce phnomne. Il est vident que les textes prsentant des heures demandent des csures bien distinctes qui, pour que le lecteur puisse immdiatement retrouver le passage qui l'intresse, sont gnralement mises en vidence par une dcoration. Pour la copie d'une prire dont le texte peut tre crit en un paragraphe, ou du moins vhicule une pense consubstantielle, il n'est par contre plus besoin d'en dcorer diffrents passages. Le caractre insolite de ce manuscrit ne rside donc pas dans la quantit respective des initiales champies au sein des diffrents cahiers mais plutt dans la nature et l'excution htrognes des initiales de ce type.

    Une premire variation des initiales champies classiques apparat dans les cahiers 10, 14, 15, 17 et 20 22. Pour les lettres proches des marges, qu'elles soient de tte, de queue, de couture ou de gouttire, vient se greffer sur la dcoration habituelle un trait noir partant de l'un des quatre coins du cadre. Certains de ces traits sont droits, d'autres, en forme de boucle, se terminent par un point bleu ou grenat78

    La seconde variante se rencontre au Ile cahier. Chacune des sept initiales champies qui le dcorent sont prolonges sur quelques centimtres dans les marges par de fins rinceaux noirs termins par

  • Saint Marc vangliste (f 21(0)

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    des fleurs et des fruits79 Ce cahier commence avec les heures de la Vierge, qui se prolongent jusqu'au folio 132ro du 18e cahier. Or, seul le Ile cahier prsente ce type de dcoration: les cahiers 12 18 en sont dpourvus mme si le texte se poursuit.

    Mais la singularit la plus parlante se trouve dans les cahiers 12 15 et 19. Ils sont pourvus, sous chaque initiale champie, d'initiales filigranes en alternance bleu marine et rouge. Si certains de ces filigranes ont t soigneusement gratts, la majorit reste visible autour de la seconde dcoration. Les filigranes qui ont t gratts le sont dans des endroits o le texte n'a pas eu en souffrir, comme dans les marges et l o la taille de l'criture a permis un grattage entre les lignes. Cette rgle n'est toutefois pas absolue et les filigranes de l'un de ces cinq cahiers sont intacts et mme, pour certains, trs grands8o.

    Enfin, on notera que le soin apport la technique de la pose de l'or est galement irrgulier. A partir du 23e cahier et jusqu' la fin du codex, l'or utilis dans le trac des lettres dborde systmatiquement du cadre bleu ou grenat dans lequel celles-ci sont insres. Cet aspect

    Surpeint champi sur peu soign ne se retrouvant pas avant dans le codex, il est tentant d'y initiales filigranes voir une fois encore une nouvelle main.

    (f 137,.0)

    Initiale champie avec excdent d'or (f 166vD)

    Initiale champie avec prolongements filigrans

    (f 71vD)

    80 Par exemple aux f'" 136v" et 137r"4.

    Histoire matrielle

    Afin d'essayer de donner un sens toutes les particularits releves lors de ces diffrents examens, il faut d'abord mettre l'accent sur

  • deux moments ne pas confondre dans l'histoire matrielle du manuscrit: le moment de sa cration, voici plus de cinq sicles, et celui de l'une de ses restaurations connues, il y a une douzaine d'annes.

    Concernant les circonstances de sa cration, plusieurs indices nous invitent penser que cet ouvrage n'a pas t constitu d'un seul esprit. Le fait de mains diffrentes pour la copie du texte et pour l'ornementation qui l'accompagne, mais aussi la prsence des filigranes sous les initiales champies portent croire que cinq au moins de ces vingt-six cahiers furent destins un autre manuscrit. A tout le moins, ils n'ont pas t dcors dans l'esprit d'ensemble que nous serions tents de rechercher aujourd'hui. Ils sont vraisemblablement des cahiers dits de remploi, mme si le texte qui s'y trouve ne reflte pas totalement la dsorganisation de la mise en forme. En effet, le I2e cahier, le premier comporter les filigranes comme dcoration sous-jacente, est le deuxime des heures de la Vierge, aprs celui pourvu de prolongements filigrans de fleurs et de fruits dans les marges. Ces filigranes sous-jacents sont partout prsents jusqu'au ISe cahier, qui se termine au folio I09yO. Celui-ci ne porte cependant pas la fin du texte qui, pour rappel, s'achve au folio I32ro. Le dernier cahier comportant ces filigranes est le Ige. Alors qu'il commence le texte des psaumes de la pnitence, le 20e qui en voit la fin au folio I46yO ne prsente plus ce type de dcoration. Rien ne peut expliquer pareille pratique sinon qu' un moment donn quelqu'un a dcid d'insrer ces cinq cahiers dans le manuscrit et d'en harmoniser la dcoration afin d'obtenir une uvre homogne. Nous en voulons pour preuve leur numrotation, qui s'avre correcte si l'on tient compte des folios disparus: a fortiori, elle l'tait donc aussi avant le premier montage du manuscrit. Il s'agit alors de cahiers de remploi.

    Le second moment de l'histoire du codex dont nous ayons connaissance pourrait apporter des lments de rponse aux questions conc~rnant la numrotation des cahiers et les folios manquants. Il s'agit de la restauration effectue en 1989 par James Brockman. Le restaurateur anglais dit avoir d reli le manuscrit, en avoir nettoy les folios et consolid certains. Chaque cahier s'est vu renforc par une languette de papier volante extrieure et la couture a t effectue travers les points de piqre originaux. Brockman dclare encore ne rien savoir sur l'histoire du manuscrit depuis 1989.

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    Il semblerait vident que, vu sa charge, ce restaurateur ait essay de respecter scrupuleusement l'ordre des folios et cahiers qu'il avait sous les yeux avant de drelier le manuscrit. Pourtant, rien n'est moins sr. Ce remontage pose encore une autre question: quatre folios qui l'origine devaient comporter chacun une miniature ont disparu. L'examen de la mthode d'enlvement montre que l'instrument utilis pour le premier talon, situ entre les folios 31 et 32, fut une paire de ciseaux alors que, pour celui localis entre les folios 32 et 33, une trace de lame au folio 33 semble indiquer l'emploi d'un cutter. Puisque les barbes vives de ces bords prouvent incontestablement que les enlvements ont t raliss alors que le manuscrit tait reli, la question qui se pose est donc de dterminer quand. Au vu du soin apport la restauration (certains folios sont remonts sur onglet rcent)8r , on peut supposer que le restaurateur n'aurait pas laiss des traces de vol aussi flagrantes. Il n'en fait en tout cas pas mention. Certains de ces folios taient-ils encore prsents en Ig8g? Etant donn que James Brockman n'a pas tabli de dossier ni ralis de reproductions et que le commanditaire de la restauration souhaite rester anonyme, l'nigme concernant le moment o ces miniatures ont t subtilises ne sera peut-tre jamais rsolue. Cependant, le fait mme qu'elles l'aient probablement t dans un pass proche laisse planer un espoir quant leur

    81 Par exemple f'" 24, 65 etI26. rapparition sur le march de l'art.

    < Talon rsultant d'un enlvement aux ciseaux (rS 31~-32,n)

    > Talon rsultant d'un enlvement au cutter (rS 32~-33,n)

  • La reliure

    La reliure du livre d'heures dpos la Bibliothque royale de Belgique par la Fondation Roi Baudouin est due Antoine de Gavere ou van Gavere. Ce relieur actif Bruges, mort en 1505, entra dans la gilde en 1459. Il a reli notamment pour Philippe le Beau et pour Jean Crabbe, abb des Dunes.

    Nous connaissons aujourd'hui une douzaine de reliures portant sa signature. Celle de la Fondation Roi Baudouin est de veau brun sur ais de bois, et mesure 197 mm de haut sur 125 de large. Sur l'un et l'autre des deux plats se retrouvent quatre empreintes d'une plaque divise en deux ranges de chaque fois quatre animaux affronts, placs dans des rinceaux: oiseaux ploys et cervids couchs. En bordure de chaque empreinte figure un texte en lettres gothiques: ob laudem 1/ epristi librum hune 1/ recte ligaui 1/ anthonius de gauere (

  • second plat. Penture, agrafe et contre-agrafe sont en laiton, comme de coutume.

    Cette disposition de l'agrafe fixe au premier plat et de la contre-agrafe au second est conforme aux habitudes du comt de Flandre, de la France et de l'Angleterre, mais pas celles du Brabant, de la Hollande et de l'Allemagne. Pour que l'agrafe puisse tre manipule aisment lorsque le livre est pos plat, cette disposition implique que le commencement du texte se trouve en dessous et la fin au-dessus. Cet usage, qui peut sembler peu commode et mme illogique au lecteur d'aujourd'hui, habitu ouvrir ses livres par leur dbut, s'explique par l'absence de page de titre dans les ouvrages mdivaux et par le rejet dans le colophon, la suite du texte, des mentions d'auteur et de titre.

    Les onglets qui renforcent les fonds des cahiers ont t dcoups trs maladroitement. Comme on conoit mal qu'un relieur mdival ou un restaurateur moderne ait t ngligent sur ce point, il est tentant d'attribuer ces onglets au restaurateur ancien responsable du dos en cuir mdiocre.

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    ob laudem Il epristi librum hune Il reete ligaui

    Il anthonius de gauere

    Antoine de Gavere

    Centre politique et commercial au xve sicle, ville de culture, Bruges abrite plusieurs ateliers de reliure en mesure de fournir les amateurs de manuscrits et les acqureurs des tout premiers livres imprims: Jan van der Lende (en activit 1459-1493), Lieven Bloemaert (1480-1481), lve du prcdent, Jean Guillibert (1465-1489), Ludovic Bloc (1484-1529), lve du prcdent, ainsi que le relieur et rubricateur Willem van den Velde ou Wilhelmus de Campo (1481-1512).

    Antoine de Gavere, inscrit la gilde en 1459 et dcd en 1505, appartient une famille de relieurs brugeois comptant notamment Guillaume (1450-1471) et Jacobus (1454-1465), Michel (1473-1490), Jean (1473-15IO) et Thomas (1481-1501). Un libraire et deux relieurs gantois, Josse l et Josse II van Gavere, exerant aux xve et XVIe sicles, leur sont peut-tre apparents. Antoine de Gavere, fils de Guillaume, a reli pour l'abb des Dunes Jan Crabbe (1457/1459-1488) et pour Philippe le Beau entre 1495 et 1505. D'aprs des extraits de comptes publis par Pinchart ds 1860, il restaurait galement les manuscrits et leurs miniatures.

    Antoine de Gavere utilisait volontiers une plaque dcor d'animaux dans des rinceaux, portant son nom, mais aussi des petits fers (dragon, griffon, lion, lis, rosette et autres animaux et vgtaux), ainsi que des frises (petites plaques rectangulaires) portant des anges musiciens