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Actualités pharmaceutiques n° 525 avril 2013 18 Les huiles essentielles à l’officine dossier Mots clés • Aromathérapie • Chémotype • Huile essentielle • Réglementation Keywords • Aromatherapy • Chemotype • Essential oil • Regulation Auteur correspondant Françoise COUIC-MARINIER [email protected] Françoise COUIC-MARINIER Annelise LOBSTEIN © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.02.005 A utrefois réservées à la parfumerie et à la phar- macie, les huiles essentielles (HE) sont aujour- d’hui omniprésentes dans notre quotidien : dans des produits d’hygiène ou dans des parfums d’am- biance, dans des huiles aromatiques destinées aux massages bien-être, commercialisées sous forme de complexes visant à purifier notre air pollué et nous débarrasser des acariens ou autres insectes, ou encore recommandées en cuisine pour personnaliser certains plats. L’utilisation de l’aromathérapie, aujourd’hui très “tendance”, remonte à des temps très anciens. Un peu d’histoire Les vertus curatives des HE étaient connues des civili- sations anciennes disparues (Égypte ancienne, Chine ancienne, Grèce antique…) ou toujours actuelles (Inde, Australie). Ainsi, à titre d’exemple, les aborigènes d’Aus- tralie utilisent depuis plus de 30 000 ans les vertus de “bonnes feuilles”, notamment issues de mélaleuques 1 , pour se soigner. Des alambics datant de plus de 5 000 ans avant Jésus-Christ ont été découverts en Asie. Enfin, en Inde, les “eaux aromatiques” récupérées en sor- tie d’alambic après distillation par entraînement à la vapeur d’eau de plantes aromatiques sont utilisées depuis plus de 7 000 ans et consignées par écrit depuis 3 000 ans. Dès l’Égypte antique, elles servaient à embaumer les morts grâce aux propriétés antiseptiques de plantes comme le cèdre du Liban, le nard de l’Himalaya, la can- nelle, le ciste ou encore des produits de sécrétion aro- matique comme l’encens ou la myrrhe. Des résines d’encens, toujours odorantes, ont en effet été décou- vertes dans le tombeau de Toutânkhamon environ 3 250 ans après son inhumation. En Grèce antique, le soldat ne partait jamais sans empor- ter une fiole de myrrhe pour être paré en cas de blessures. Ce n’est que bien plus tard que les remarquables proprié- tés antiseptiques et anti-inflammatoires de la myrrhe ont été démontrées, justifiant son usage pour favoriser la cicatrisation de plaies. Lors des grandes épidémies de peste, Hippocrate lui-même ordonnait des fumigations aromatiques de différentes Lamiacées dans les rues : le romarin, l’hysope, la sarriette et la lavande. La première HE, celle de rose, aurait été extraite par le plus grand médecin arabe du Moyen Âge, Avicenne, qui fut le premier à mettre au point le fonctionnement de l’alambic suite à des enseignements perses. Ce sont en effet les Arabes qui sont considérés comme les vrais fondateurs de l’aromathérapie. Peuple voyageur, ils ramenaient des plantes aromatiques venues d’Asie pour les cultiver eux-mêmes sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Ce sont eux qui ont élaboré la fameuse formule du laudanum ou teinture d’opium safrané, une ancienne préparation à base de poudre d’opium et de safran, additionnée d’HE de cannelle et de girofle, dispo- nible sous forme de gouttes et servant au traitement symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques. C’est au XVI e  siècle que le médecin suisse Paracelse (1493- 1541) le nomma laudanum, du latin laudare signifiant “louer” ou de labdanum désignant plus simplement un extrait de plante. Les croisades du Moyen Âge permirent de diffuser l’art de la distillation en Occident. L’aromathérapie devint alors la première source de médicaments en pharmacie. Les pharmaciens du Moyen Âge étaient d’ailleurs sur- nommés les aromatherii. La pharmacie et la parfumerie utilisèrent dès le XVI e  siècle le bigaradier, ou oranger Les huiles essentielles gagnent du terrain à l’officine L’usage des huiles essentielles pour leurs vertus curatives est très ancien et aujourd’hui très répandu. La tradition anglaise les utilise exclusivement par voie externe, dans un but de bien-être, d’amélioration de l’état psychique et émotionnel. L’école française a recours à plusieurs voies d’administration, notamment orale. Une réglementation stricte est à respecter pour certaines huiles essentielles à risques. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Essential oils gaining ground at the community pharmacy. The use of essential oils for their curative properties is an ancient practice which is nowadays very widespread. The British tradition uses them exclusively externally, to improve a person’s psychological and emotional well-being. The French school uses several methods of administration, notably oral. Strict regulations must be respected for certain essential oils which present a risk.

Les huiles essentielles gagnent du terrain à l’officine

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Actualités pharmaceutiques

• n° 525 • avril 2013 •18

Les huiles essentielles à l’offi cine

dossier

Mots clés• Aromathérapie

• Chémotype

• Huile essentielle

• Réglementation

Keywords• Aromatherapy

• Chemotype

• Essential oil

• Regulation

Auteur correspondantFrançoise [email protected]

Françoise

COUIC-MARINIER

Annelise LOBSTEIN

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.02.005

A utrefois réservées à la parfumerie et à la phar-macie, les huiles essentielles (HE) sont aujour-d’hui omniprésentes dans notre quotidien :

dans des produits d’hygiène ou dans des parfums d’am-biance, dans des huiles aromatiques destinées aux massages bien-être, commercialisées sous forme de complexes visant à purifier notre air pollué et nous débarrasser des acariens ou autres insectes, ou encore recommandées en cuisine pour personnaliser certains plats. L’utilisation de l’aromathérapie, aujourd’hui très “tendance”, remonte à des temps très anciens.

Un peu d’histoireLes vertus curatives des HE étaient connues des civili-sations anciennes disparues (Égypte ancienne, Chine ancienne, Grèce antique…) ou toujours actuelles (Inde, Australie). Ainsi, à titre d’exemple, les aborigènes d’Aus-tralie utilisent depuis plus de 30 000 ans les vertus de “bonnes feuilles”, notamment issues de mélaleuques1, pour se soigner. Des alambics datant de plus de 5 000 ans avant Jésus-Christ ont été découverts en Asie. Enfin, en Inde, les “eaux aromatiques” récupérées en sor-tie d’alambic après distillation par entraînement à la vapeur d’eau de plantes aromatiques sont utilisées depuis plus de 7 000 ans et consignées par écrit depuis 3 000 ans.Dès l’Égypte antique, elles servaient à embaumer les morts grâce aux propriétés antiseptiques de plantes comme le cèdre du Liban, le nard de l’Himalaya, la can-nelle, le ciste ou encore des produits de sécrétion aro-matique comme l’encens ou la myrrhe. Des résines d’encens, toujours odorantes, ont en effet été décou-vertes dans le tombeau de Toutânkhamon environ 3 250 ans après son inhumation.

En Grèce antique, le soldat ne partait jamais sans empor-ter une fiole de myrrhe pour être paré en cas de blessures. Ce n’est que bien plus tard que les remarquables proprié-tés antiseptiques et anti-inflammatoires de la myrrhe ont été démontrées, justifiant son usage pour favoriser la cicatrisation de plaies. Lors des grandes épidémies de peste, Hippocrate lui-même ordonnait des fumigations aromatiques de différentes Lamiacées dans les rues : le romarin, l’hysope, la sarriette et la lavande. La première HE, celle de rose, aurait été extraite par le plus grand médecin arabe du Moyen Âge, Avicenne, qui fut le premier à mettre au point le fonctionnement de l’alambic suite à des enseignements perses. Ce sont en effet les Arabes qui sont considérés comme les vrais fondateurs de l’aromathérapie. Peuple voyageur, ils ramenaient des plantes aromatiques venues d’Asie pour les cultiver eux-mêmes sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Ce sont eux qui ont élaboré la fameuse formule du laudanum ou teinture d’opium safrané, une ancienne préparation à base de poudre d’opium et de safran, additionnée d’HE de cannelle et de girofle, dispo-nible sous forme de gouttes et servant au traitement symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques. C’est au XVIe siècle que le médecin suisse Paracelse (1493-1541) le nomma laudanum, du latin laudare signifiant “louer” ou de labdanum désignant plus simplement un extrait de plante.Les croisades du Moyen Âge permirent de diffuser l’art de la distillation en Occident. L’aromathérapie devint alors la première source de médicaments en pharmacie. Les pharmaciens du Moyen Âge étaient d’ailleurs sur-nommés les aromatherii. La pharmacie et la parfumerie utilisèrent dès le XVIe siècle le bigaradier, ou oranger

Les huiles essentielles gagnent du terrain à l’officineL’usage des huiles essentielles pour leurs vertus curatives est très ancien et aujourd’hui

très répandu. La tradition anglaise les utilise exclusivement par voie externe, dans un but

de bien-être, d’amélioration de l’état psychique et émotionnel. L’école française a recours

à plusieurs voies d’administration, notamment orale. Une réglementation stricte est à

respecter pour certaines huiles essentielles à risques.

© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Essential oils gaining ground at the community pharmacy. The use of essential oils for theircurative properties is an ancient practice which is nowadays very widespread. The Britishtradition uses them exclusively externally, to improve a person’s psychological and emotionalwell-being. The French school uses several methods of administration, notably oral. Strictregulations must be respected for certain essential oils which present a risk.

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Les huiles essentielles à l’offi cine

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Autrefois réservées à la parfumerie et à la pharmacie, les huiles essentielles sont aujourd’hui omniprésentes dans notre quotidien.

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amer, originaire de Chine mais introduit en Europe par les Arabes. La distillation permettait, à partir de ses feuilles, l’obtention de l’HE de petit grain figurant en bonne place dans la composition de l’eau de Cologne, avec les essences de bergamote, de lime et de citron. L’écorce du fruit fournissait de son côté l’essence de bigarade utilisée en parfumerie et dans la fabrication de liqueurs de type curaçao. Enfin, la distillation des fleurs produisait l’HE de néroli, du nom d’une célèbre duchesse qui en fit son parfum au XVIIe siècle.Les premières analyses des HE furent réalisées vers 1830. Puis, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, des recherches poussées mirent en évidence leurs propriétés antiseptiques. En 1910, William Martin-dale classa les HE en fonction de leur pouvoir anti-septique par rapport au phénol2. L’essence de citron fut également expérimentée avec succès pour tuer le pneu-mocoque en 3 à 12 heures et le bacille d’Eberth (un des agents de la typhoïde) en 1 à 3 heures. En 1922, Morel et Rochaix confirmèrent que le thymol et l’eugénol sont efficaces pour éradiquer les bacilles de Koch, d’Eberth, ainsi que le staphylocoque doré et le Proteus vulgaris. C’est René-Maurice Gattefossé (1881-1950), pharma-cien et chimiste français, qui est à l’origine du terme “aromathérapie”. En 1930, il se brûla les mains et le front dans son laboratoire lors d’une explosion. Il utilisa alors un remède vanté par les lavandières qui lui procuraient des HE de lavande officinale, de lavande aspic et de lavandins. Il fut très rapidement soulagé et cicatrisa sans aucune infection. Il édita ensuite de nombreux livres, dont un dans lequel il prédit un avenir extraordinaire à l’aromathérapie moderne3. En 1929, un pharmacien lyonnais, Sévelinge, élargit le spectre d’action des HE à l’usage vétérinaire et ce, avec grand succès.L’arrivée massive en France, dans les années 1930, de médicaments de synthèse (notamment les pénicillines), moins chers, de composition et qualité parfaitement reproductibles, contribua à ralentir considérablement l’intérêt pour l’aromathérapie. Néanmoins, grâce au travail acharné de certains médecins, chercheurs et autres phar-maciens, une aromathérapie scientifique continua à s’y développer.Dans les années 1960-1970, le docteur Jean Valnet, médecin militaire français, utilisa avec grand succès les HE sur les champs de bataille lors de la guerre d’Indochine. La publication de son ouvrage Aromathérapie [1] lança une nouvelle vague d’intérêt, tant chez le grand public que dans les corps médical et paramédical intéressés par le fait d’intégrer cette thérapeutique à leur arsenal de soins.En 1975, Pierre Franchomme, fondateur de l’École inter-nationale d’aromathérapie, aromatologue et pharmaco-logue reconnu, responsable d’enseignement et chargé de cours, écrivit un livre de référence : L’Aromathérapie exactement [2]. Il fut le premier à évoquer une notion

indispensable en aromathérapie, le chémotype. D’autres grands hommes contribuèrent à faire avancer l’aroma-thérapie scientifique. Citons les docteurs Daniel Pénoël [3], Christian Durrafourd et Jean-Claude Lapraz [4], Dominique Baudoux [5] et le pharmacien Michel Faucon, auteur d’un ouvrage de référence [6].

Aromathérapie et huiles essentielles : défi nitionsL’aromathérapie et les HE doivent être clairement dis-tinguées.

L’aromathérapieL’aromathérapie vient du grec aroma, qui signifie odeur, et de therapia, qui signifie soin. Il s’agit donc d’une méthode de soin naturel par les “odeurs”. Il existe deux écoles d’aromathérapie :• l’école anglaise, orientée sur le bien-être et le mieux-être,

valorise les impacts psychologique, psychique, émo-tionnel et énergétique des HE. C’est une esthéticienne française, également biochimiste, Marguerite Maury, qui l’a développée en Angleterre dans les années 1960. Elle a écrit un ouvrage de référence p aru en 1961 [7], décrivant une méthode de rajeunissement par les aromates et les parfums. Les HE y sont utilisées uni-quement par voie externe, à des doses infinitésimales ;

• l’école française est quant à elle très axée sur l’identité botanique et la biochimie précise (espèce botanique, chémotype) pour dénommer le plus exactement pos-sible une plante et son HE ainsi que ses constituants.

Notes1 Le mélaleuque à feuilles linéaires (Melaleuca linariifolia) est un arbre de la famille des Myrtaceae, originaire de l’est de l’Australie.2 Martindale WH. Essential oils in relation to their antiseptic powers as determined by their qarbolic coeffi cients. Perfumery Essential Oil Res. 1910;1:266-96.3 En 1937, René-Maurice Gattefossé publia Aromathérapie (Librairie des Sciences Girardot et Cie), synthèse de ses travaux et recherches sur la thérapeutique par les huiles essentielles.

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Plusieurs voies d’administration sont possibles : orale, rectale, nasale, cutanée, olfactive et à des doses beaucoup plus pondérales. Dans ce cas, les HE pré-sentent des activités pharmacologiques et cliniques comparables à celles d’un médicament allopathique.

Les huiles essentiellesUne HE est une substance odorante et volatile, non grasse, extraite d’un végétal sous forme liquide. Elle pro-vient d’une sécrétion élaborée par certains végétaux et contenue dans des structures spécialisées (poils, poches et canaux sécréteurs). Selon l’HE, la totalité de la plante aromatique, voire plus spécifiquement certains de ses organes (racine, écorce, feuille, fleur, fruit, graine…) seront sélectionnés pour en extraire les composés aromatiques.Une HE a une composition moléculaire complexe qui lui confère des vertus uniques. Elle ne contient ni protéines, ni lipides, ni glucides, ne renferme pas de minéraux ni de vitamines : elle n’a donc aucune valeur nutritionnelle.Plusieurs facteurs peuvent déterminer sa qualité :• la garantie de la reconnaissance botanique ;• l’organe producteur de l’HE ;• le chémotype ou chimiotype de la plante ;• le mode de culture ;• l’organisme certificateur de la garantie biologique.

Les huiles essentielles, nomenclature, obtention, conservation

F La garantie de la reconnaissance botanique cor-

respond au nom latin exact de la plante à l’origine de

l’extraction de l’huile essentielle. Par exemple : Ocimum basilicum L. pour le basilic tropical ou Ocimum sanctum L. pour le basilic sacré. La précision éventuelle de la variété utilisée permet aussi d’éviter des confu-sions, la composition et, par conséquent, les propriétés des HE pouvant varier d’une variété à une autre. C’est le cas dans la famille des eucalyptus où plus de 500 espèces différentes portant toutes le nom de genre

Eucalyptus sont recensées dans le monde.La confusion classique entre l’HE de ravensara (extraite de Ravensara aromatica) et l’HE de ravintsara (extraite de Cinnamomum camphora) perdure encore malheu-reusement chez certains distributeurs d’HE en Europe et en Amérique du Nord [8].

F Selon l’organe producteur, l’HE peut avoir des

propriétés et un usage totalement différents. C’est le cas de l’HE d’oranger amer par exemple, dont la distilla-tion des feuilles permet l’obtention d’HE de petit grain bigarade, riche en esters (acétates de linalyle, de géra-nyle, de néryle), alors que la distillation des fleurs donne l’HE de néroli riche en linalol.

F Le chémotype, également appelé type chimique

de la plante, indique le composant biochimique

majoritaire et distinctif présent dans l’HE. Cet élé-ment permet de distinguer les HE extraites d’une même espèce ou variété botanique mais de composition bio-chimique différente. Ce chémotype (CT) est repéré grâce à une analyse chromatographique et spectrométrique qui reconnaît et identifie les molécules présentes dans l’HE. Cette classification est indispensable car elle per-met de sélectionner les HE pour une utilisation plus précise, plus sûre et plus efficace. Ainsi, par exemple, l’HE de Thymus vulgaris CT thujanol présente d’impor-tantes propriétés anti-infectieuses tout en ayant une action stimulante et régénératrice au niveau hépatique, alors que l’HE de Thymus vulgaris CT thymol est forte-ment antibactérienne mais dermocaustique et hépato-toxique à doses élevées et prolongées.

F Le mode de culture est un autre critère qui déter-

mine la qualité et guide la sélection des HE : leur qualité varie en effet considérablement selon le moment de la cueillette, la région de la culture, le savoir-faire du distillateur (qualité de l’eau, température et durée de distillation) et leur mode de conservation.

F Les HE sont obtenues par distillation à la vapeur d’eau ou par expression à froid dans le cas particulier des agrumes. On parle alors d’essence et non pas d’HE.

Références[1] Valnet J. Aromathérapie.Traitement des maladies par les essences des plantes Paris: Maloine; 1990.

[2] Franchomme P, Jollois R, Pénoël D. L’aromathérapie exactement. Encyclopédie de l’utilisation thérapeutique des extraits aromatiques. Tours: Roger Jollois; 2001.

[3] Pénoël D, Pénoël RM. Urgences et soins intensifs en médecine aromatique intégrée. Tome I. Aouste-sur-Sye: Osmobiose; 1998.

[4] Valnet J, Duraffourd C, Lapraz JC. Une médecine nouvelle, phytothérapie et aromathérapie : comment guérir les maladies infectieuses par les plantes. Paris: Presses de la Renaissance; 1978.

[5] Baudoux D. L’aromathérapie. Se soigner par les huiles essentielles. Bruxelles: Amyris; 2009.

[6] Faucon M. Traité d’aromathérapie scientifi que et médicale. Paris: Sang de terre; 2012.

[7] Maury M. Le capital jeunesse : une méthode nouvelle de rajeunissement par les aromates et les parfums. Paris: La Table ronde; 1961.

[8] Andrianoelisoa H, Menut C, Danthu P. Phytothérapie. 2012;10:161-9.

[9] Décret n° 2007-1198 du 3 août 2007 modifi ant l’article D. 4211-13 du Code de la santé publique relatif à la liste des huiles essentielles dont la vente au public est réservée aux pharmaciens, JORF n° 182 du 8 août 2007:13280, texte n° 40. http://www.legifrance.gouv.fr/

[10] Article L. 3322-5 du Code de la santé publique. http://www.legifrance.gouv.fr/

En 1630, la peste décime la ville de Toulouse. Quatre voleurs pro-fitent des circonstances pour détrousser les cadavres de leur for-tune. Lorsqu’ils sont arrêtés et interrogés par la maréchaussée, ils expliquent comment, en s’enduisant le corps et en buvant tous les jours, voire plusieurs fois par jour, un vinaigre de leur composition, celui-ci les protégeait de manière infaillible de la peste.Ce vinaigre fut inscrit au Codex dès 1748 et vendu en officine comme antiseptique externe, puis comme protecteur cutané, sous forme de lotion nettoyante, tonique tant cutanée que capillaire.

Sa préparation est en fait relativement simple et les plantes utili-sées pour sa confection s’avèrent être toutes très riches en huiles essentielles antiseptiques : 1 litre de vinaigre de cidre, 120 g de plantes séchées à parts égales (absinthe, lavande, menthe, roma-rin, rue, sauge), 9 g de poudres séchées à parts égales (cannelle, clous de girofle, muscade râpée) ainsi que 3 gousses d’ail, 20 g d’acide citrique et 5 g de camphre. Après mélange des constituants, la macération doit durer 2 semaines. Après filtration, puis mise en bouteille, le remède anti-peste est prêt.

Connaissez-vous l’origine du vinaigre des quatre voleurs ?

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Le rendement dépend de chaque espèce et peut être, pour certaines plantes, extrêmement faible. À titre d’exemple, il faut 20 000 roses, soit 4 tonnes de pétales, cueillies avant le lever du soleil, pour obtenir 1 kg d’HE de rose. Ce faible rendement explique le prix élevé de certaines HE et les tentatives de falsification. À l’inverse, il ne faut “que” 7 kg de clous de girofle (qui correspondent aux boutons floraux du giroflier, recueillis avant leur épa-nouissement) pour obtenir 1 kg d’HE de girofle.

F La conservation des HE nécessite quelques précau-

tions. Le flacon doit être opaque, protégé de la lumière (généralement de couleur brune pour les HE et bleue foncée pour les hydrolats) et de la chaleur. Il doit être soigneusement fermé après chaque usage. La durée de conservation des HE est de 5 ans et celle des essences extraites de zestes d’agrumes (citron, pamplemousse, orange douce ou amère, bergamote…) de 3 ans.

Propriétés physico-chimiques des huiles essentielles

F À température ambiante, les HE sont liquides, hormis quelques cas particuliers : les HE de myrrhe et de santal sont plutôt visqueuses et celles de rose et de camphrier peuvent être cristallisées.

F À basse température, certaines HE cristallisent : celles d’anis, de menthe des champs ou de thym satu-réioïde lorsque les flacons sont stockés au réfrigérateur.

F Les HE sont volatiles, ce qui les oppose aux “huiles fixes” ou “huiles végétales” (généralement abrégées HV dans les formules). Cette volatilité explique leur carac-tère odorant ainsi que leur mode d’obtention par entraî-nement à la vapeur d’eau.

F Les HE sont très solubles dans les huiles grasses

(qui constituent un très bon véhicule lorsque l’on sou-haite les diluer), les lipides (d’où le principe de l’enfleu-rage anciennement utilisé pour extraire les HE en les mettant en contact avec une graisse animale comme la lanoline), l’éther, la plupart des solvants organiques ainsi que dans l’alcool (de titre élevé).

F De caractère liposoluble, les HE ne se dissolvent pas dans l’eau. Rajoutées dans un bain, par exemple, elles flottent – leur densité est généralement inférieure à 1 – et sont susceptibles de provoquer des irritations, voire des brûlures cutanées. Il faut donc impérativement utiliser un tensio actif pour permettre leur mise en sus-pension dans l’eau. Elles possèdent un indice de réfrac-tion élevé et ont souvent un pouvoir rotatoire.La plupart d’entre elles sont colorées :• bleu clair pour les HE de patchouli et de camomille matri-

caire ;• bleu foncé pour l’HE de tanaisie ;• rougeâtre pour les HE de cannelle et une variété de thym ;• rouge sang pour l’HE de certaines sarriettes ;• orange pour l’HE de sarriette des montagnes ;

• rose pour l’HE de gaulthérie odorante ;• vert émeraude pour l’HE d’inule odorante ;• vert pâle pour les HE de bergamote et d’absinthe ;• vert foncé pour l’HE de mandarine verte ;• jaune pâle pour les HE de sauge sclarée et de romarin

officinal. F Les HE sont altérables, sensibles à l’oxydation,

mais ne rancissent pas. Elles ont, en effet, tendance à se polymériser pour former des produits résineux. Leur conservation nécessite de l’obscurité (flacons en verre opaque) et de l’humidité.

Réglementation française sur les huiles essentielles

F La délivrance au public d’un certain nombre d’HE est

réservée aux pharmaciens par le décret n° 2007-1198 du 3 août 2007 [9] :• grande absinthe (Artemisia absinthium L.) et petite

absinthe (Artemisia pontica L.) ;• armoise commune (Artemisia vulgaris L.), armoise

blanche (Artemisia herba alba Asso) et armoise arbo-rescente (Artemisia arborescens L.) ;

• cèdre blanc ou thuya du Canada (Thuya occidentalis L.) et cèdre de Corée (Thuya Koraenensis Nakai), dit “cèdrefeuille” ;

• chénopode vermifuge (Chenopodium ambrosioïdes L. et Chenopodium anthelminticum L.) ;

• hysope (Hyssopus officinalis L.) ;• moutarde jonciforme (Brassica juncea [L.] Czernj. et

Cosson) ;• rue (Ruta graveolens L.) ;• sabine (Juniperus sabina L.) ;• sassafras (Sassafras albidum [Nutt.] Nees) ;• sauge officinale (Salvia officinalis L.) ;• thuya (Thuya plicata Donn ex D. Don.) ;• tanaisie (Tanacetum vulgare L.).

F Cinq HE sont inscrites sur les listes des subs-

tances vénéneuses :

• sur la liste I, les HE de sabine, de rue et de Juniperus phoenica ;

• sur la liste II, les HE de chénopode et de moutarde. F Enfin, l’article L. 3322-5 du Code de la santé

publique [10] réglemente l’usage et la vente des HE d’anis, de badiane, de fenouil et d’hysope qui ne peu-vent être délivrées que sur prescription médicale, en préparation ou en nature. Une comptabilité spéciale est imposée sur un registre avec acquis-à-caution. w

Pour en savoir plus• Bonnabel-Blaize M. Santé et bien-être par les huiles essentielles. St-Rémy-de-Provence: Edisud; 2004.

• Scimeca D, Tétau M. Votre santé par les huiles essentielles. Le Guide pratique pour prévenir et guérir tous les maux quotidiens. Monaco: Alpen; 2004.

• Teuscher E, Anton R, Lobstein A. Plantes aromatiques : épices, aromates, condiments et leurs huiles essentielles. Paris: Lavoisier; 2004.

• Willem JP. Les huiles essentielles. Médecine d’avenir. Paris: Du Dauphin; 2002.

Déclaration d’intérêts :

les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

Les auteursFrançoise COUIC-MARINIERDocteur en pharmacie, 201 bis

avenue du Général-Leclerc,

54000 Nancy, France

[email protected]

Annelise LOBSTEINProfesseur des universités,

pharmacognosie, Faculté

de pharmacie de Strasbourg,

74 route du Rhin, CS 60024,

67401 Illkirch cedex, France

[email protected]