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LES HYPERCALCI M IES Claire Le Jeunne a,* 1. Introduction L a calcemie normale d'un sujet adulte est de 2,30 & 2,60 mmol/I. Elle designe la calcemie totale c'est-&-dire la concentration plas- matique du calcium. La calciurie est de I'ordre de 2,5 & 7,5 mmol/ 24 heures, elle depend de I'apport alimentaire, elle est le reflet de la resorption osseuse et sera rapportee au debit urinaire de creatinine, ce qui corrige les erreurs de recueil [3]. La calcemie est une constante extr~mement precise avec une marge de variation faible, sa concentration intra et extra-cellulaire est finement regulee. Toute hypercalcemie resulte d'un exces d'apport dans le liquide extra- cellulaire et/ou d'une diminution de I'excretion renale du calcium. Pour comprendre le mecanisme des hypercalcemies, il est important de revoir la regulation de la calcemie. 2. Metabolisme du calcium Le calcium a de nombreuses fonctions biologiques et intervient dans de nombreuses regulations comme cofacteur enzymatique : la coagulation sanguine, I'excitabilite neuromusculaire, la permeabilite membranaire, la regulation hormonale. Le calcium est le composant mineral essentiel du squelette. 2.1. Repartition du calcium dans I'organisme Dans t'organisme, il y a en moyenne 1 500 grammes de calcium total, 99 % de ce calcium correspond au calcium osseux. Sur les 1 o/0 res- tant, 10 grammes appartiennent aux muscles, et le reste (5 g) est dans le secteur extracellulaire : 500 mg dans le sang circulant et 4 500 mg dans le secteur interstitiel. Cette partie est en echange permanent avec le secteur osseux (tableau I). 2.2. Repartition du calcium circulant Le dosage de la calcemie correspond au dosage du calcium total libre et lie. La baisse de I'albumine entraine une baisse de la calcemie par reduc- tion de la partie liee, ce qui fait que les chiffres de calcemie doivent Service de medecine interne H6teI-Dieu 1, place du Parvis Notre-Dame 75571 Paris cedex 04 Faculte de medecine Descartes - Paris 5 * Correspondance [email protected] © 2007 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves. lonis~ ,eu ~o. ~, Fraction & I albumme aux glebuhnes bi Io~i"uement t I I active et r~gul,e toujours etre interpretes en fonction de I'albuminemie permettant le calcul de la calcemie corrigee selon la formule : Ca corrige (mmol/I) = calcemie mesuree + 0,02 (40 - albuminemie g/I) Plus grossierement, toute augmentation de I'albuminemie de 1 g aug- mente la calcemie de 0,02 mmol/I et inversement. Toute variation du pH modifie egalement le taux d'ionisation du Ca libre ; si le pH diminue de 0,1, le Ca ionise augmente de 0,04 mmol/I. Pour depister une hypercalcemie moderee, la mesure du Ca ionise est superieure surtout en cas de desequilibre acido-basique, d'insuffisance renale, ou de grosses anomalies protidiques. En reanimation, elle per- met un ajustement fin des apports. 2.3. Les sources de Ca (tableaux II et III) Le Ca est essentiellement contenu dans les produits laitiers de I'ali- mentation : te lair de vache contient 1 200 mg /I (lait de femme Enfant 7-9 ans Adolescent 10-19 ans 700 1 , 900 Adulte Femme de plus de 55 ans Femme allaitante 900 I 000 Source : Apports nutritionnels conseilles pour la population frangaise, 2000. Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, f¢vrier2007 29

Les hypercalcémies

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Page 1: Les hypercalcémies

LES HYPERCALCI M IES

Claire Le Jeunne a,*

1. Introduction

L a calcemie normale d'un sujet adulte est de 2,30 & 2,60 mmol/I. Elle designe la calcemie totale c'est-&-dire la concentration plas-

matique du calcium. La calciurie est de I'ordre de 2,5 & 7,5 mmol/ 24 heures, elle depend de I'apport alimentaire, elle est le reflet de la resorption osseuse et sera rapportee au debit urinaire de creatinine, ce qui corrige les erreurs de recueil [3].

La calcemie est une constante extr~mement precise avec une marge de variation faible, sa concentration intra et extra-cellulaire est finement regulee.

Toute hypercalcemie resulte d'un exces d'apport dans le liquide extra- cellulaire et/ou d'une diminution de I'excretion renale du calcium. Pour comprendre le mecanisme des hypercalcemies, il est important de revoir la regulation de la calcemie.

2. Metabol isme du calcium

Le calcium a de nombreuses fonctions biologiques et intervient dans de nombreuses regulations comme cofacteur enzymatique : la coagulation sanguine, I'excitabilite neuromusculaire, la permeabilite membranaire, la regulation hormonale. Le calcium est le composant mineral essentiel du squelette.

2 .1. R e p a r t i t i o n du c a l c i u m d a n s I ' o r g a n i s m e

Dans t'organisme, il y a en moyenne 1 500 grammes de calcium total, 99 % de ce calcium correspond au calcium osseux. Sur les 1 o/0 res- tant, 10 grammes appartiennent aux muscles, et le reste (5 g) est dans le secteur extracellulaire : 500 mg dans le sang circulant et 4 500 mg dans le secteur interstitiel. Cette partie est en echange permanent avec le secteur osseux (tableau I).

2.2. R e p a r t i t i o n du c a l c i u m c i r cu lan t

Le dosage de la calcemie correspond au dosage du calcium total libre et lie.

La baisse de I'albumine entraine une baisse de la calcemie par reduc- tion de la partie liee, ce qui fait que les chiffres de calcemie doivent

Service de medecine interne H6teI-Dieu 1, place du Parvis Notre-Dame 75571 Paris cedex 04 Faculte de medecine Descartes - Paris 5

* Correspondance [email protected]

© 2007 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves.

l o n i s ~

,eu ~o. ~ , Fraction & I albumme aux glebuhnes bi Io~i"uement

t I I active et r~gul,e

toujours etre interpretes en fonction de I'albuminemie permettant le calcul de la calcemie corrigee selon la formule :

Ca corrige (mmol/I) = calcemie mesuree + 0,02 (40 - albuminemie g/I)

Plus grossierement, toute augmentation de I'albuminemie de 1 g aug- mente la calcemie de 0,02 mmol/I et inversement.

Toute variation du pH modifie egalement le taux d'ionisation du Ca libre ; si le pH diminue de 0,1, le Ca ionise augmente de 0,04 mmol/I.

Pour depister une hypercalcemie moderee, la mesure du Ca ionise est superieure surtout en cas de desequilibre acido-basique, d'insuffisance renale, ou de grosses anomalies protidiques. En reanimation, elle per- met un ajustement fin des apports.

2 .3. Les s o u r c e s d e C a (tableaux II et III) Le Ca est essentiellement contenu dans les produits laitiers de I'ali- mentation : te lair de vache contient 1 200 mg /I (lait de femme

Enfant 7-9 ans

Adolescent 10-19 ans

700 1

, 9 0 0

Adulte

Femme de plus de 55 ans

Femme allaitante

900

I 000

Source : Apports nutritionnels conseilles pour la population frangaise, 2000.

Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, f¢vrier 2007 29

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L a i i i 2 ~ c r ~ $ U H T .... : 1 1 4

Source : Repertoire general des aliments, tome 2, Produits laitiers, 2 e edition (version 2002).

300 mg/I), ainsi que les fromages a p&te cuite : 1 g de Ca pour 1 O0 g de gruyere. Parmi les eaux minerales, I'eau de Vittel et la Contrexeville sont les eaux les plus riches.

Un regime sans produit laitier apporte environ 400 mg/ jour de Ca.

2.4. M e t a b o l i s m e du C a

Le calcium est absorbe dans le duodenum et la partie superieure de I'intestin grele sous la dependance de la vitamine D (1-25OH D3) seton un processus actif ; une diffusion passive existe egalement qui n'est pas regulee. 30 & 50 o/0 du calcium alimentaire normal est ainsi absorbe. La parathormone augmente le rele de la vitamine D, alors que les corticd~'des I'inhibent et & moindre degre les hormones thyrd(diennes et I'hormone somatotrope.

L'elimination du calcium est double, digestive et renale.

IJelimination digestive correspond au calcium non absorbe et aux eli- minations endogenes de I'ordre de 600 mg/j environ. Cette elimina- tion n'est pas regulee contrairement & I'elimination urinaire qui se fait sous forme de sels mineraux et organiques (100 & 300 mg/). 98 % du calcium filtre par le glomerule est reabsorbe soit I'equivalent de 10 g/j. 10 °/0 de cette fraction reabsorbee I'est dans le tube contourne distal sous la dependance de la parathormone (PTH).

La calciurie depend donc d'un certain nombre de parametres :

- la calcemie : evolution parallele de la calciurie,

- la natriurie et du regime sode : evolution parallete,

- ta PTH : la calciurie diminue car stimule la reabsorption du Ca,

- la calcitonine & fortes doses qui I'augmente,

- les cortical(des augmentent egalement la calciurie,

- le furosemide (diuretiques de I'anse) augmente egalement la calciurie & I'inverse des diuretiques thiazidiques.

Le taux de renouvellement quotidien du Ca est de I'ordre de 1 100 mg/ j en cas de bilan equilibre (apports egaux aux sorties).

2.5. Regu la t i on de la c a l c e m i e

Cette regulation fine est sous I'influence principale de deux hormones : la parathormone et la vitamine D ainsi que du calcium ionise agoniste des recepteurs sensibles au calcium Ca R (calcium sensing recep- tor) [1]. Ces recepteurs sont presents sur les cellules cibles essen- tielles : le tubule renal, les cellules principales des parathyroi'des. Leur activation secondaire aux variations du calcium ionise module la pro- duction des hormones de la regulation ainsi que les flux calciques.

2.5.1. La parathormone

II s'agit d'un polypeptide de 84 acides amines synthetise par les para- thyro'i'des de fa0on continue mais modulable a_ la minute pres en fonc- tion du calcium ionise circulant, il est egalement denomme fragment intact. Sa demi-vie est de 2 minutes. En dehors de la PTH, des formes reduites en acides amines sont egalement secretees parfois en quan- rite superieure & la PTH, ce sont des fragments de PTH actifs N ter- minaux ou inactifs C terminaux.

Tous ces fragments sont doses en radio-immunologie en meme temps que la PTH, ce qui rend I'interpretation des dosages difficiles. On admet que 5 & 25 0/o de la PTH immuno-active circulante correspond & des fragments biologiquement actifs contre 75 & 95 0/o inactifs.

De ce fait, la mise en evidence d'une terminaison carboxy et amino est devenue necessaire pour doser la PTH intacte gr&ce & un dosage immunoradiometrique & deux sites (double anticorps) permettant de differencier les hypercalcemies par hyperparathyro'l'die primitive, des autres.

Le dosage de la PTHrP (PTH related peptide) est plus complexe par un taux sanguin faible meme chez des patients ayant une hypercal- cemie maligne. II s'agit d'une PTH like qui ales memes proprietes que la PTH naturelte notamment la production d'AMP cyclique urinaire mais de structure differente synthetisee par certaines cellutes tumo- rales notamment les tumeurs bronchiques. II n'est pas reconnu par les dosages de PTH intacte. Le dosage se fait egalement par radio- immunometrie. II est plus difficile et ne se fait pas en routine.

Lorsque le dosage n'est pas disponible, si la calcemie est elevee, la PTH basse et I'AMP cyclique urinaire augmente, il s'agit s0rement d'un syndrome paraneoplasique et la PTHrP est probablement augmentee.

La PTH se lie & des recepteurs osseux et renaux avec comme finalite I'augmentation de la calcemie. La PTH augmente egalement la syn- these renale de la 1-25OH D3 qui & son tour augmente la reabsorp- tion intestinale du calcium et le flux calcique de I'os et du rein vers le sang circulant. L'augmentation du calcium & son tour regule la secre- tion de PTH & la baisse.

2.5.2. Le calcitriol 1-25 (01-1)2 D3

II est produit par les cellules tubulaires renales et se lie & des recep- teurs osseux, renaux et intestinaux. Cette vitamine a un rSle hyper- calcemiant en augmentant la reabsorption intestinale de Ca, en sti- mulant la resorption osseuse osteoclastique. Elle augmenterait la reabsorption tubulaire de Ca. Sa metabolisation en forme active par le rein est stimulee par la PTH.

De fa¢on plus annexe, le calcium regule par I'intermediaire des R au calcium la secretion de caIcitonine par les cellules C de la thyroide qui inhibe la resorption osseuse et favorise I'excretion renale du calcium, toutefois sa signification physiologique chez t'homme n'est pas claire.

3. Mecanisme des hypercalcemies Les hypercalcemies procedent de deux mecanismes principaux.

- Une alteration primitive de la secretion d'hormones parathyrdfdiennes avec une perte de sensibilite de la secretion de PTH & la calcemie.

30 Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, fevrier 200?

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Dans ces situations, la calcemie est elevee, la PTH est elevee ou nor- male, non adaptee au niveau de calcemie. Ces hypercalcemies sont souvent asymptomatiques.

- Une alteration primitive du remodelage osseux avec une augmen- tation importante de la resorption osseuse, diminution de la masse minerale osseuse et un bilan calcique negatif. Dans ces situations, la valeur de PTH est basse, adaptee & la calcemie et la calciurie elevee. Le bilan calcique est negatif. Ces formes sont souvent cNniquement parlantes et les signes cliniques sont souvent le mode de decouverte de I'hypercalcemie.

4. Diagnostic d'une hypercalcemie [1]

On parle d'hypercalcemie quand, & plusieurs dosages de suite, la cal- cemie corrigee est superieure & 2,6 mmol/I.

EIle entrafne des signes cliniques quand I'elevation se fair rapidement en quelques jours et/ou quand elle depasse 3 mmol/I.

Souvent, elle est de decouverte fortuite Iors d'un bilan biologique (0 ,1% de la population) fair pour un autre motif.

Cliniquement, elle sera evoquee sur I'association d'un certains nombres de symptemes non specifiques :

- des signes generaux : asthenie physique constante parfois intense, avec etat pseudo depressif et hypotonie musculaire ;

- des signes digestifs : anorexie, nausees puis vomissements, consti- pation au maximum tableau d'occlusion intestinale ;

- des signes neurologiques : obnubilation, troubles de la conscience au maximum coma hypotonique avec areflexie (Ca > 3,5 mmol/I) ;

- des signes cardiaques : tachycardie sinusale avec raccourcissement de QT, suivi d'extrasystoles ventriculaires traduisant une hyperexci- tabilite myocardique avec un risque de fibrillation ventriculaire. L'hyperkaliemie majore ce risque ainsi que les traitements par digita- liques qui doivent etre alors immediatement arretes ;

- une polyurie s'installe egalement par insensibilite du tubule distal I'ADH et une fuite obligatoire de Na. Cette polyurie associee aux vomis- sements entra~ne rapidement une deshydratation avec insuffisance renale fonctionnelle, malgre une polydipsie.

Si I'hypercalcemie est due a un myelome, la deshydratation peut entraF ner une precipitation des paraproteines dans les tubules et une insuf- fisance renale aigue.

L'hypercalcemie chronique peut egalement etre & I'origine d'une nephrite interstitielle chronique avec nephrocalcinose et/ou lithiase renale.

On recherche egalement la notion de dosages anterieurs, les medi- caments en cours (thiazidiques, vitamine D ou vitamine A, acide reti- ndique, lithium), une pathologie connue evolutive notamment une sar- cdfdose ou une pathologie maligne.

Uexamen clinique est souvent pauvre mais il permet d'apprecier le degre de deshydratation.

4.1. M a r q u e u r s b i o l o g i q u e s p e r m e t t a n t d ' i n t e rp re te r une h y p e r c a l c e m i e

- En presence d'une hypercalcemie confirmee, il faut completer le bilan par un dosage de la PTH 1-84 intacte.

Si celle-ci est normale ou haute, il s'agit d'une secretion inappropriee de PTH, on peut alors conclure & une hyperparathyro'idie primitive le plus souvent ; si elle est basse, I'hypercalcemie est independante de la PTH, on s'orientera alors vers une pathologie maligne ou des causes plus rares.

- La calciurie & jeun depuis la veille avec un regime pauvre en produit laitier exprime dans ces conditions la resorption osseuse nette.

- LAMP cyclique urinaire est le temoin d'une stimulation des recep- teurs des cellules tubulaires renales par la PTH ou un analogue. Si la PTH est indetectable et AMPc augmente, il existe une secretion de PTHrP signant le syndrome d'hypercalcemie humorale des neoplasies.

- Metabolites de la vitamine D

La 25OH vitamine D reflete le capital en vitamine D soit 10 & 40 ng/ml.

La 1 25 OH 2 vitamine D est I'hormone biologiquement active. Sa syn- these est renale.

Son dosage permet de mettre en evidence des defauts de synthese ou au contraire des intoxications par production accrue (granulomes ou surdosage medicamenteux).

5. Les causes d'hypercalcemies

Deux etiologies principales sont & I'origine de 80 & 90 % des hyper- calcemies : I'hyperparathyrdidie primitive, et les pathologies malignes.

5.1. Les h y p e r c a l c e m i e s a s s o c i e e s & une PTH e levee

5.1.1. HyperparathyroTdie primitive

II s'agit d'une secretion inappropriee d'hormone parathyrofdienne pri- mitive.

Le plus souvent, elle est decouverte fortuitement par un dosage de calcemie. II s'agit d'une pathologie relativement frequente : 25 & 30 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants. Elle apparaft plutet awes 60 ans, 2 fois sur 3 chez la femme. Sinon, elle dolt 6tre evoquee devant des signes osseux : douleurs, fractures pathologiques, mais aussi des signes radiologiques comme une osteoporose, une osteite fibrokystique (historique), une chondrocalcinose. Une lithiase renale ou une nephrocalcinose attireront egalement I'attention et enfin des signes digestifs : ulceres duodenaux recidivants voire des signes de pancreatite.

La biologie retrouve une augmentation de la PTH, une calciurie moins importante que ne le voudrait la calcemie, I'hypophosphatemie est inconstante : elle est due & une diminution de la reabsorption tubu- laire des phosphates. La chloremie est augmentee et le rapport chlo- remie/phosphatemie en mmol/I est > 102,3 en cas d'hyperparathy- roidie dans 92 % des cas et < 93 dans 92 % des hypercalcemies independantes de la PTH. Uhyperchloremie serait due & I'acidose tubu- laire renale secondaire a la nephrocalcinose.

En fair, les seuls dosages de la calcemie corrigee ou du calcium ionise et de la PTH 1-84 permettent de faire le diagnostic.

Cette hypersecretion est en rapport avec un adenome unique le plus souvent soit multiple (75 & 80 % des cas) soit & une hyperplasie des parathyroTdes visibles en echographie par une echographiste che- vronne (20 % des cas).

Elle est le plus souvent isolee mais parfois elle s'associe & d'autres endocrinopathies dans le cadre des neoplasies endocriniennes mul- tiples de type 1 (adenome hypophysaire et/ou pancreatique) syndrome de Werner, ou de type 2 syndrome de Sipple (cancer medullaire de la thyrdl'de et pheochromocytome le plus souvent bilateral).

Le traitement de I'hyperparathyroidie primitive est chirurgical et consiste en I'ablation de I'adenome. Toutefois, compte tenu de I'evolutivite tres prolongee, cette indication est remise en cause par certaines equipes qui conseillent une simple surveillance de la calcemie [5].

5.1.2. Hypercalc~mie familiale b~nigne ou hypercalc~mie hypocalciurique familiale

C'est une maladie autosomale dominante due & une mutation du gene du recepteur sensible au calcium, qui le rend moins sensible & la

Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, fevrier 2007 31

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49 Journ6es de biologie clinique

calcemie, ce qui en retour entrafne une augmentation de la PTH ; FeN- mination urinaire du Ca est moindre par insensibilite des recepteurs b. la PTH egalement. Elle se caracterise par une hypercalcemie moderee.

Dans les formes homozygotes, le tableau est celui d'une hyperparathy- roVdie severe avec hypercalcemie et signes osseux des le plus jeune &ge.

Ces anomalies sont probablement le fait de mutations du gene du recepteur du Ca reparties sur I'ensemble du gene et peuvent affec- ter la traduction, le routage ou la fonction du recepteur [4].

5,1.3. Hypercalc~mie induite par le fithium

Au cours du traitement de la maladie maniacodepressive par le lithium, apparaft une augmentation progressive du Ca avec augmentation du niveau de PTH et une augmentation progressive du volume des glandes parathyrd~'des. Cette hypercalcemie se normalise & I'arret du lithium en quelques mois. Parfois, elle persiste avec une PTH aug- mentee. Dans les rares cas operes, une hyperplasie de parathyrdldes est plus souvent retrouvee, I 'adenome est moins frequent.

5 .2. Les h y p e r c a l c e m i e s i n d e p e n d a n t e s d e la PTH

Dans ces cas, la PTH est basse de fa?on adaptee toujours < 25 pg/ml et parfois indetectable. Dans la plupart des cas, it s'agit d'hypercal- cemies malignes.

5.2.1. L'hypercalcemie des affections malignes

La plupart des hypercalcemies au cours des cancers surviennent & un stade avance de la maladie souvent en phase terminale. Le tableau est souvent aigu marque par une confusion, une deshydratation des nausees et vomissements, les troubles de conscience sont souvent au premier rang. Le diagnostic peut etre parfois retarde du fait des symptemes communs avec certaines Iocalisations de la maladie, ou bien parce que la denutrition et I'hypoalbuminemie donnent une fausse normocalcemie, il faudrait alors doser le calcium ionise. Le traitement est souvent efficace dans un premier temps entrafnant une ameliora- tion spectaculaire provisoire et permettant eventuellement I'instaura- tion d'un traitement etiologique.

On distingue deux mecanismes d'hypercalcemie.

5.2.1.1. L'hypercalcemie par ost#olyse maligne

Les pathologies les plus souvent en cause sont le myelome et le can- cer du sein. Au cours du myelome, les cellules tumorales n'ont pas une action osteolytique propre, mais stimulent les osteoclastes b. proximite par I'intermediaire de cytokines stimulant la resorption osseuse notam- ment les interleukines 1 (z et ~ et interleukine 6. Un traitement inter- mittent par bisphosphonates inhibe cette resorption et reduit I'incidence des douleurs osseuses, des fractures et de I'hypercalcemie

Dans le cancer du sein, les mecanismes sont assez proches. Ce sont les cytokines liberees par la tumeur qui stimulent I'action des osteo- clastes. Lb. encore, les bisphosphonates associes au traitement spe- cifique du cancer du sein ont une action tres efficace permettant de normaliser la calcemie et de diminuer les douleurs.

5.2.1.2. L'hypercalc#mie humorale

C'est en 1941, qu'AIbright evoque la possibilite de la secretion d'une hormone mimant la PTH chez des patients souffrant de cancer, ayant une hypercalcemie sans atteinte osseuse. 40 ans plus tard, le profil biologique de ces patients est defini : hypercalcemie, hypophos- phoremie et taux eleve d'AMP cyclique urinaire comme dans I'hyper- parathyrdfdie primitive mais avec une PTH normale ou effondre. Cette hypercatcemie est due b. la synthese par la tumeur d'une proteine proche de la PTH, la PTHrP dont les actions sont celle de la PTH 1- 84 sans qu'elle soit mise en evidence par le dosage de la PTH. II s'agit d'un veritable syndrome paraneoplasique dont le traitement repose

egalement sur les bisphosphonates mais surtout sur le traitement de la tumeur.

Les cancers les plus souvent en cause sont les cancers epidermdfdes bronchiques et les cancers de la tete et du cou. La calcemie est alors un veritable marqueur tumoral.

5.2.2. Autres causes d'hypercalc~mie ~ PTH basse

- La sarcofdose et autres granulomatoses : I'hypercalciurie est I'ano- malie biologique la plus frequente au cours de la sarcdfdose. Ceci est de a. la synthese non regulee de 1 25 (OH)2 D3 par les macrophages des granulomes sarcdfdosiques. Les glucocorticoides qui inhibent la transformation de la vitamine D3 en 1 25 OH D3 diminuent ce phe- nomene.

- Au cours des hyperthyroidies, I'hypercalcemie moderee est due & une action directe des hormones thyrdfdiennes sur la resorption osseuse, reversible sous beta-bloquants.

- Les diuretiques thiazidiques peuvent augmenter I'hypercalcemie des hyperparathyro'i'dies, ils ne sont pas hypercalcemiants b. eux seuls.

- Les intoxications b. la vitamine A (retinol) ou bien ses derives notam- ment I'acide retino'l'que (isotretinoine et tretinoine) prescrits dans le traitement de I'acne, peuvent 6tre & I'origine d'une hypercalcemie notamment en cas de surconsommation. L'hypercalcemie s'associe aux signes d'intoxication b. la vitamine A. L& encore, il s'agit d'une action directe sur I'os.

- Intoxication b. la vitamine D : des apports superieurs b. 100 000 uni- tes/ jour sont necessaires pour provoquer une intoxication, elles sont le plus souvent iatrogenes et rares de meme que le syndrome des buveurs de lait favorise par I'association avec des bicarbonates. II se voyait avant les traitements modernes de I'ulcere duodenal. Actuellement, ce phenomene pourrait se voir chez les patients qui consomment plusieurs grammes par jour de carbonate de calcium comme traitement adjuvant de I'osteoporose, ce qui est peu probable du fait de la mauvaise tolerance digestive de ces apports.

6. Traitements

Outre les mesures specifiques b. chaque etiologie, notons le boule- versement de la prise en charge des hypercalcemies notamment des hypercalcemies & evolution rapide par les bisphosphonates.

Ces medicaments s'opposent & la resorption osteoclastique de fa?on plus ou moins intense en fonction des molecules. Dans les formes d'hy- percalcemie aigue, le traitement est administre par vole veineuse en meme temps qu'une forte hydratation.

La puissance de ces produits a augmente de fa?on considerable depuis la commercialisation de I'etidronate premier representant de la classe. Les deux plus utilises dans cette indication sont le pamidro- nate : 60 & 90 mg sur 4 heures et le zoledronate : 4 mg en 15 minutes, qui permettent de normaliser la calcemie des la 48 e heure et ceci pour une duree d'au moins 3 semaines en fonction du niveau de depart de la calcemie, de I'intensite de I'osteolyse, et du traitement etiologique. Parfois une seule injection suffit. Dans 1 0 o/0 des cas, il y a une fievre non specifique qui suit I'injection. Globalement, le traitement est plutet bien tolere.

La raise A disposition de ces medicaments a permis d'abandonner les anciens traitements dont les diureses forcees au furosemide qui neces- sitaient une surveillance en reanimation.

A cete de ces traitements de I'urgence, une nouvelle classe est en plein developpement : les calcimimetiques : ces medicaments miment les effets d'un calcium eleve sur les recepteurs sensibles au calcium, ils sont indiques dans les hyperparathyrdl'dies.

32 Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, fevrier 2007

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[_'existence d'une regulation de la secretion de PTH par le calcium ionise au moyen d'un recepteur de surface couple & une proteine G a entrafne le developpement de molecules dirigees sur ce recepteur, permettant ainsi une inhibition de la secretion de la PTH, on les appelle des calcimimetiques.

II en existe de deux sortes :

- les types 1 agonistes des recepteurs du Ca ionise : ils stimulent directement I'activite du recepteur comme le magnesium ou le gadolinium ;

- les types 2 agissent comme des modulateurs al losteriques posi- tifs en augmentant la sensibil ite au Ca des recepteurs sensibles au calcium. Un medicament de cette classe, le cinacalcet Mimpara ~", est actuel lement commercial ise dans I ' indication ,, hyperparathyroi'die secondaire chez les patients insuffisants renaux chroniques ,, et dans les hypercalcemies refractaires des carcinomes parathyroTdiens.

Cette classe en pleine expansion permettra d'apporter des solutions & certaines formes malignes de secretion inappropriee de PTH.

R f rences [1] Bringhurst ER., Demay M.B., Kronenberg H.M., Hormones and disorder of mineral metabolism (800 rat), Williams textbook of endocrinology, 2003, Saunders, t 0 th edition, 1303-13'71. [2] Brown E.M,, Physiopathology of the extra cellular calcium sensing recep- tor, Am. J. Med. 106 (1999) 238-253. [8] Houiller P., Hypemalc~mie, Rev. Prat. 52 (2002) 1478d480.

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Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, fevrier 2007 33