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M~decine et Maladies Infectieuses - 1990 - Hors S~rie Mars - 103 ~ 108 LES INFECTIONS A STAPHYLOCOQUES A COAGULASE NEGATIVE EN HEMATOLOGIE* par R. HERBRECHT**, K.L. LIU**, Y. FUHRER**, E JEHL***, et E OBERLING** RESUME L'inciclence des infections ~ staphylocoques coagulase-negative est en forte augmentation clans les services d'h~matologie depuis environ dix ans. La principale cause semble en etre l'usage de plus en plus frequent de voles vei- neuses centrales. Les autres facteurs exposant aux infections staphylococciques sont la neutrop~nie, l'hospitalisation souvent prolongee et surtout les lesions de mucite incluite par la chimloth~rapie et les infections herp~tiques. Les infections ~ staphylocoques coa- gulase-negative sont cependant rarement fatales. II ne parait pas indispensable de propo- ser l'introcluction cl'un glycopeptide anti-staphylococcique clans le traitement empirique des infections de tousles malades neutrop~niques. II est l&gitime de limiter cette attitude th~rapeutique aux patients les plus exposes au risque staphylococcique : les leuc~miques et les transplantes medullaires. Mots-cl~s : Staphylocoques coagulase n~gative - Neutrop~nie - Leuc~mie aigu~ - Greffe de moelle osseuse - Septic~mie. Depuis quelques ann~es, l'~volution des therapeu- tiques des hemopathies malignes s'est faite vers une intensification des chimiotherapies. Les p~riodes d'aplasie post-chimiotherapiques se sont ainsi consF clerablement allong~es. Cette approche th~rapeu- tique a et~ rendue possible par une amelioration du support transfusionnel et par l'acc~s ~ des antibio- tiques plus actifs en particulier dans la lutte contre les infections & bacilles & Gram n~gatif. Ces bacilles Gram negatif repr~sentaient la menace infectieuse la plus fr~quente et la plus grave. Le developpement de moyens de lutte plus efficaces la fois clans la prophylaxie et dans le traitement des infections ~ bacilles ~ Gram n~gatif mettent davanta- ge en relief les probl~mes infectieux pos~s par les germes ~ Gram positif et plus particuli~rement par ceux qui occupent maintenant la premiere place en terme de frequence : les staphylocoques coagulase- n~gative. La part croissante de ces infections ~ sta- phylocoques coagulase-negative chez les malades neutropeniques a dej~ ~te signalee par Wade en 1982 (23). II avait observ~ une augmentation de 7,3 * Communication pr~sent~e au colloclue Pharmuka sur le th~me : "Les staphylocoques coagulase-n~gatits et leur pathologie". Paris, 16 Mars 1990. ** Service d'Onco-H~matologie, CHU de Hautepierre, F - 67098 Strasbourg. *** [nstitut de Bact~riologie , 3 rue Koeberl~, 67000 Strasbour 9. fois de l'incidence des infections 8 Staphylococcus epiclerrnidis chez des patients leuc~miques entre 1974 et 1979. L'accroissement de la fr~quence des infections ~ Staphylococcus epidermidis a ~t~ depuis Iors confirm~e par d'autres ~quipes et eUe influence de faqon nette l'approche prophylactique et th~rapeutique des infections du sujet granulop~- nique (12, 15, 25). LES FACTEURS DE RISQUE La neutrop~nie Le premier facteur de risque est bien entendu la neu- trop~nie. Le risque infectieux est li~ 8 la fois ~ la pro- fondeur et ;~ la dur~e de la neutrop~nie. Ce risque est intimement li~ ~ la nature m~me de l'h~mopathie maligne et au traitement que celle-ci n~cessite. Les chimioth~rapies d'induction et de consolidation des leuc~mies aigu~s, my~Io'fcles en particulier, condui- sent r~guli~rement ~ des p~riodes d'aplasies sup~- rieures ~ 3 voire 4 semaines. II n'est donc pas sur- prenant d'observer le plus de complications infectieuses dans ce groupe de patients (ainsi que parmi les greff~s de moelle osseuse). Ce risque infec- tieux li~ ~ la granulop~nie n'est cependant pas limit~ aux staphylocoques coagulase-n~gative. Bien au 103

Les infections a staphylocoques a coagulase negative en hematologie

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Page 1: Les infections a staphylocoques a coagulase negative en hematologie

M~decine et Maladies Infectieuses - 1990 - Hors S~rie Mars - 103 ~ 108

LES INFECTIONS A STAPHYLOCOQUES A COAGULASE NEGATIVE

EN HEMATOLOGIE* par R. HERBRECHT**, K.L. LIU**, Y. FUHRER**, E JEHL***, et E OBERLING**

RESUME L'inciclence des infections ~ staphylocoques coagulase-negative est en forte augmentation clans les services d'h~matologie depuis environ dix

ans. La principale cause semble en etre l'usage de plus en plus frequent de voles vei- neuses centrales. Les autres facteurs exposant aux infections staphylococciques sont la neutrop~nie, l'hospitalisation souvent prolongee et surtout les lesions de mucite incluite par la chimloth~rapie et les infections herp~tiques. Les infections ~ staphylocoques coa- gulase-negative sont cependant rarement fatales. II ne parait pas indispensable de propo- ser l'introcluction cl'un glycopeptide anti-staphylococcique clans le traitement empirique des infections de tousles malades neutrop~niques. II est l&gitime de limiter cette attitude th~rapeutique aux patients les plus exposes au risque staphylococcique : les leuc~miques et les transplantes medullaires.

Mots-cl~s : Staphylocoques coagulase n~gative - Neutrop~nie - Leuc~mie aigu~ - Greffe de moelle osseuse - Septic~mie.

Depuis quelques ann~es, l'~volution des therapeu- tiques des hemopathies malignes s'est faite vers une intensification des chimiotherapies. Les p~riodes d'aplasie post-chimiotherapiques se sont ainsi consF clerablement allong~es. Cette approche th~rapeu- tique a et~ rendue possible par une amelioration du support transfusionnel et par l'acc~s ~ des antibio- tiques plus actifs en particulier dans la lutte contre les infections & bacilles & Gram n~gatif. Ces bacilles Gram negatif repr~sentaient la menace infectieuse la plus fr~quente et la plus grave.

Le developpement de moyens de lutte plus efficaces la fois clans la prophylaxie et dans le traitement des

infections ~ bacilles ~ Gram n~gatif mettent davanta- ge en relief les probl~mes infectieux pos~s par les germes ~ Gram positif et plus particuli~rement par ceux qui occupent maintenant la premiere place en terme de frequence : les staphylocoques coagulase- n~gative. La part croissante de ces infections ~ sta- phylocoques coagulase-negative chez les malades neutropeniques a dej~ ~te signalee par Wade en 1982 (23). II avait observ~ une augmentation de 7,3

* Communication pr~sent~e au colloclue Pharmuka sur le th~me : "Les staphylocoques coagulase-n~gatits et leur pathologie". Paris, 16 Mars 1990. ** Service d'Onco-H~matologie, CHU de Hautepierre, F - 67098 Strasbourg. *** [nst i tut de Bact~r iologie , 3 rue Koeberl~, 6 7 0 0 0 Strasbour 9.

fois de l'incidence des infections 8 Staphylococcus epiclerrnidis chez des patients leuc~miques entre 1974 et 1979. L'accroissement de la fr~quence des infections ~ Staphylococcus epidermidis a ~t~ depuis Iors confirm~e par d'autres ~quipes et eUe influence de faqon nette l'approche prophylactique et th~rapeutique des infections du sujet granulop~- nique (12, 15, 25).

LES FACTEURS DE RISQUE

La neutrop~nie Le premier facteur de risque est bien entendu la neu- trop~nie. Le risque infectieux est li~ 8 la fois ~ la pro- fondeur et ;~ la dur~e de la neutrop~nie. Ce risque est intimement li~ ~ la nature m~me de l'h~mopathie maligne et au traitement que celle-ci n~cessite. Les chimioth~rapies d'induction et de consolidation des leuc~mies aigu~s, my~Io'fcles en particulier, condui- sent r~guli~rement ~ des p~riodes d'aplasies sup~- rieures ~ 3 voire 4 semaines. II n'est donc pas sur- prenant d'observer le plus de complications infectieuses dans ce groupe de patients (ainsi que parmi les greff~s de moelle osseuse). Ce risque infec- tieux li~ ~ la granulop~nie n'est cependant pas limit~ aux staphylocoques coagulase-n~gative. Bien au

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contraire la neutropgnie, lorsqu'il s'agit du seul fac- teur de risque, expose davantage aux infections baciUes & Gram n~gatif et ~ levures (1). Nous avons retrouv~ cette notion, classique, clans une (~tude por- tant sur 53 septic&mies (10). Les infections & bacilles & Gram n(~gatif, Escherichia coli le plus souvent, pr~dominaient clans le groupe de patients atteints de lymphomes agressifs. Chez ces patients la neutrop~- hie est profonde, consequence d'une intensification des chimioth~rapies d'induction mais rarement pro- Iong(~e au-del& d'une semaine. La raret(~ des infec- tions ~ staphylocoques coagulase-n~gative dans ce groupe s'explique par l'absence d'autre facteur de risque. A l'oppos~ les patients atteints de leuc(~mie aigu~ cumulent plusieurs facteurs de risque (neutro- p&nie, l~sions muqueuses, vole veineuse centrale, hospitalisation prolong~e) et sont de ce fait bien plus concern(~s par les infections staphylococciques. Dans la revue de 36 septic~mies ~ staphylocoques coagu- lase-n~gative survenues entre le 1.1.89 et le 15.11.89 dans notre service, les patients atteints de leuc(~mie et les greff~s de moelle osseuse repr&sen- tent 55% de l'ensemble des cas (Tableau I). Les lym- phomes malins non hodgkiniens n'interviennent que pour 28% des cas. Cependant seuls 10 des 16 patients leuc~miques et 19 des 36 patients au total (~taient neutropgniques Iors de la septic~mie. Dans pr(~s de la moiti(~ des cas, ce sont donc d'autres fac- teurs de risques qui ont conduit & l'infection staphylo- coccique.

Les voies veineuses centrales La presence d'une voie veineuse centrale est sans nul doute le facteur de risque le plus (~lev~ pour les infec- tions & staphylocoques coagulase-nggative. Mais ce risque n'est en rien sp~cifique du sujet neutrop~- nique. Ainsi dans une gtude portant sur 100 cas de septic(~mies & Staphylococcus epidermidis, 93 patients gtaient porteurs d'une vole veineuse centrale ou d'une vole d'abord art~rielle (16). Mais seuls 15 d'entre eux ~taient atteints d'un cancer ou d'une h(~mopathie maligne. Les maladies cardiovasculaires, la prgmaturit(~ et les traumatismes rendaient compte de 53% de l'ensemble des cas. Darts une ~tude de Wang, 65% des septic(~mies en rapport avec un cath(~ter intraveineux (~taient dues & des staphylo- coques coagulase-n~gative (24). Vingt-et-un (58%) des 36 patients de notre service ayant pr(~sent~ une septic(Smie & staphylocoques coagulase-n(,,gative depuis d(~but 1989 gtaient porteurs d'un cath(~ter veineux central ou d'une chambre implantable. Dans 6 (17%) cas l'infection du cath(~ter a pu @tre prouv~e par la d(~tection du germe & sa surface Iors de son retrait.

La prgsence de signes inflammatoires au point d'entr&e est loin d'etre constante Iors d'une infection d'un cathgter chez un sujet neutropgnique. Winston retrouve un taux de 70% de signes Iocaux au point d'entr~e du catheter dans une analyse de 20 septic~- mies & staphylocoques coagulase-ni~gative d~velop- p(~es chez des malades immunocompromis (25). A l'inverse, Bodey ne rapporte que 30% de signes inflammatoires (I). Quoiqu'il en soit Iorsque les signes inflammatoires existent, ils restent pauvres en raison m&me de la neutropgnie et de la monocytop~- hie. La restauration h~matologique, ou des transfu- sions de leucocytes, entrainent volontiers une recru- descence des signes inflammatoires avant de mener

la rgsolution de l'infection.

L'utilisation de cath(~ter de Iongue dur(~e, de type Broviac ou Hickman ou plus simplement en (~lasto- re&re de silicone avec trajet tunnelis~, permet la r~duction du risque infectieux sans bien sQr l'annuler totalement. Une incidence variant entre 0,14 et 0,68 ~pisodes septic~miques pour 100 jours de pr~- sence d'un tel cath(~ter a (~t(~ rapport(~e (5,17). Dans ces gtudes, les staphylocoques coagulase-nggative ~taient encore majoritairement repr+sent(~s.

L'utilisation plus large de chambres totalement implantables (de type Port-a-Cath) pourrait permettre de r~duire le risque infectieux ~ moins de 0,1 infec- tion pour 100 jours (20). Dans une ~tude prospecti- ve comparant cath(~ter et dispositif implantable, II apparait un b~n~fice net en faveur de la chambre implantable. La difference faible et non significative au 100 ° )our de pr(~sence devient nette au 400 e jour d'utilisation (14). II semble d(~s Iors Iogique de prof,-

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rer une chambre implantable pour tousles patients justiciables de traitement it~ratifs sur plus de 4 tools. Cependant la pose d'une chambre implantable peut ~tre malais~e en cas de thrombor~nie, ce qui est habituel a la phase initiale de la prise en charge d'un patient atteint de leuc~mie aigu~.

L'impr~gnation argentique du manchon des cathe- ters de Hickman paralt (~galement efficace dans la r~duction des infections li~es aux catheters (7). Des essais comparatifs plus larges sont cependant n~ces- saires avant d'accepter ces conclusions.

Les autres corps ,~trangers Seuls les r@servoirs sous-cutan~s avec catheter intra- ventriculaire (r(~servoir d'Omaya) sont sp~cifiques aux patients atteints d'h@mopathie maligne parmi les nombreux corps (~trangers utilisables en th~rapeu- tique. Ces r~servoirs permettent l'administration directe et r~p~t~e de cytostatiques lots d'envahisse- ments blastiques des m~ninges cr&niennes. Dans une ~rie de 31 patients, Trump a relev@ 21% d'isole- ments de germes (Staphylococcus epidermiclis pour l'essentiel) sur un total de 374 pr(~l~vements de liqui- de c~phalo-rachidien (22). Ces dispositifs sont cepen- dant moins fr~quemment utilis~s a l'heure actuelle ; la preference est donn~e a la majoration des posolo- gies des cytostatiques susceptibles de franchir la bar- ri~re h~mom~ning~e.

Les 16sions des m u q u e u s e s Les l~sions muqueuses induites par la chimioth(~ra- pie, par une infection candidosique ou par un herp@s virus repr~sentant une porte d'entr@e microbienne importante. Les infections h bacitles h Gram n(~gatif du canc~reux ont toujours (~t~ associ(~es de faqon pri- vil@gi~e aux ulc@rations gastro-intestinales caus~es par la chimioth~rapie. Ceci a conduit ~ la g~n~ralisa- tion du principe de la d~contamination digestive. L'efficacit~ des m(tlanges d~contaminants dans l'(~ra- dication des bacilles a~tobies h Gram n(~gatif de l'intestin est incontest~e. Cependant cette ~radica- tion permet la colonisation du tube digestif par des coccis h Gram positif : ent~rocoques en tout premier lieu, staphylocoques h un moindre degr~. Une d~contamination trop s~lective sur les bacilles Gram n@gatif pourrait ainsi favoriser les infections cocci h Gram positif (4). D@s lots beaucoup d'~quipes ont ~tendu le spectre de la d~contamination digestive aux coccis h Gram positif en ajoutant la vancomycine per os. Si cette approche permet une excellente @li- mination des coccis h Gram positif intestinaux, elle n'a par contre qu'une faible efficacit~ sur la colonisation des muqueuses ORL (23, 26).

Nous avons pour notre part ~tudi~ l'int~r~t de l'asso- ciation pristinamycine (50 mg/kg/j en 3 prises) et amikacine (3 x 500 mg/j) per os dans la d~contami-

nation digestive bact~rienne et la prophylaxie des infections staphylococciques chez les greff~s de moelle osseuse (9). Quarante-deux patients (28 greffes allog~niques et 14 greffes autologues) ont (~t~ alnsi trait~s. Nous n'avons observ~ aucune infection staphylococcique grave chez ces patients, ce qui t~moigne d'une indiscutable efficacit~. Cependant la tol~rance digestive de la pristinamycine, particuli~re- ment m~dlocre clans ces situations, et son interaction puissante (majoration des concentrations sanguines) avec la ciclosporine (11), nous a falt renoncer a cette approche prophylactique. De plus si l'(~radication des bact~ries a~robies a Gram n~gatif et des staphylo~ coques a ~t~ compl~te (seuil de d~tection : 10 -~ germes par gramme de selles) darts les selles clans tousles cas, des staphylocoques coagulase-n~gative ont ~t~ retrouv~s au frottis de gorge et de nez chez la plupart des patients.

L'utilisation syst~matique d'acyclovir chez les patients risque majeur d'infection herp(~tique (greff~s de

moelle osseuse et leuc~miques) permet une prophy- laxie constante des mucites herp~tiques et une indis- cutable r~duction des infections bact~riennes et fon- giques se d~veloppant du fait des l(~sions muqueuses virales (8).

L'hospitalisation prolong~e L'intensification des chimioth~rapies et l'extension des indications de transplantation m~dullaire avec paralRlement une amelioration des r~sultats th~ra- peutiques prolongent et souvent multiplient les hos- pitalisations. Vingt-et-une (58%) des septic~mies staphylocoques coagulase-n~gative de notre ~tude ont ~t~ acquises ~ l'h0pital avec un d~lai moyen entre l'admission et la septic~mie de 14 jours. Tous les autres patients avaient s~journ~ a l'h6pital dans les 3 semaines pr~c~dant l'infection.

FREQUENCE DES INFECTIONS A STAPHYLOCOQUES

COAGULASE NEGATIVE DANS UN SERVICE D'HEMATOLOGIE

Peu d'~tudes sont consacr~es a l'analyse des infec- tions a staphylocoques coagulase-n~gative dans les services d'oncologie ou d'h~matologie. Wade a attir~ l'attention sur le probl~me pos~ par ces germes en 1982 ; en l'espace de 5 ans il a vu croitre l'incidence des infections h Staphylococus epidermidis de 7,3 fois (23). Winston constate ~galement une forte aug- mentation du hombre de septic~mies ~ staphylo- coques coagulase-n~gative (25). Ces germes initiale- ment responsables de 17% des septic~mies sont devenus majoritaires (54%) quatre ans plus tard. Klastersky confirme tout ~ fait cette (~volution tout au

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long des cliff, rents protocoles de I'EORTC (12). Staphylococcus epiderrnidis intervenait respective- ment pour 3,4%, 8,1% et 16% dans les essais I (1978), II (1980) et III (1982). Dans l'essai IV (1986) la fr~quence des infections ~ Staphylococcus epi- dermidis ~tait un peu moindre (8,2%) alors que les autres germes ~ Gram positif, Streptococcus viri- clans en particulier, ~taient plus fortement repr~sen- t~s. Ces pourcentages rapport~s par I'EORTC peu- vent sembler bas, mais ils ne rendent compte que des infections initiales avant raise en route d'un trai- tement antibiotique empirique, et ne tiennent pas compte des surinfections survenant au cours d'une antibioth~rapie.

Nous avons revu l'ensemble des septic@mies surve- nues clu ler Janvier 1985 au 15 Novembre 1989 dans notre service. Nous avons retrouv~ 159 (30%) infections ~ staphylocoques coagulase-n~gative parmi un total de 537 septic~mies. L'~volution dans le temps apparait figure 1. II existe donc une aug- mentation depuis 1987 mais qui ne semble passe poursuivre pour l'instant. Quarante-cieux pour cent des septic~mies staphylococciques observ~es en 1989 sont des surinfections survenues au cours de traitements anti-bact~riens syst~miques. Cecl explique que les staphylocoques apparaissent moins frequents Iors de l'analyse de nos protocoles th~ra- peutiques de premiere intention (10).

INFLUENCE SUR L'ANTIBIOTHERAPIE DE PREMIERE INTENTION CHEZ LE PATIENT

NEUTROPENIQUE FEBRILE

L'importante augmentation de fr~quence des infec- tions staphylococciques dans les services d'h~matolo- gie a indiscutablement influenc~ le choix des proto- coles actuels de traitement de premiere intention en cas de fi~vre chez un sujet neutrop~nique. En effet une grande part des ~checs th~rapeutiques clans les infections bact~riennes sont imputables aux staphylo- coques coagulase-n~gative dont le caract~re m~thicil- line-r~sistant est devenu quasi-constant (78% des germes isol~s par h~mocultures en 1989 darts notre service). Seul un tiers des septic~mies staphylococ- ciques ont ~t~ trait~s avec succ~s par l'association pip~racilline et n~tilmicine que nous utilisons en pre- mitre intention. Cepenclant la gu~rison a ~t~ rapide- merit obtenue dans tousles ~checs apr~s adjonction de vancomycine au traitement initial et aucun patient n'est d~c~d~ d'une infection ~ staphylocoques coagu- lase-n~gative pendant toute la dur~e de cette ~tude (10).

II est tentant d'introduire un glycopeptide dans ]e traitement empirique de l'infection du sujet neutrop~-

nique. Cette approche th~rapeutique a ~t~ r~alis~e par plusieurs ~quipes (2,6,13,19,21). De fa96n g~n~rale les r~sultats sont satisfaisants mais le l~n~fi- ce r~el de l'adjonction d'un glycopeptide dans le trai- tement de premiere intention reste encore difficile appr~cier y compris dans les ~tudes randomis~es qui ont ~t~ r~alis~es (3, 18). En effet le taux de succ~s augmente bien scar dans les bras incluant le glycopep- tide mais il n'y a aucune amelioration en terme de survie. L'adjonction du glycopeptide peut clonc ~tre retard~e de 24 ou 48 h clans l'attente de r~sultats microbiologiques. L'introduction d'embl~e de vanco- mycine ou de teicoplanine introduit un surcoC2t indis- cutable et majore le risque de n~phrotoxicit~ en par- ticulier Iors de son association ~ un aminoside (3).

CONCLUSIONS

L'augmentation de l'incidence des infections 8 sta- phylococlues coagulase-n~gative est incontestable dans les dix derni~res ann~es. Cette augmentation

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peut @tre expliqu~e par plusieurs facteurs dont le principal ne semble pas ~tre la neutrop_,_~nie mais la plus grande fr~quence d'utilisation de voles veineuses centrales.

Tousles patients neutrol~niques ne sont pas ~gaux face au risque staphylococcique. Celui-ci sera parti- culi~rement important chez les patients greffas de moelle osseuse ou atteints de leuc~mie aigu/~, expo- s~s & une Iongue r~riode d'aplasie, porteurs d'un catheter veineux central et souffrant de l~sions muqueuses chimioinduites. A l'inverse les traitements de tumeurs solides ou de lymphomes peuvent entrai- ner des granulop(mies profondes mais courtes n'imposant ni hospitalisation prolong~e ni vole vei- neuse centrale, lls exposent de ce fait bien moins au

risque d'infection & staphylocoques coagulase-n~gati- ve. L'utilisation d'un glycopeptide dans le traitement de premiare ligne clu malacle neutrop(mique f~brile ne parait pas justifi~e clans toutes les situations. Le b~n~fice r(~el d'une telle attitude n'est pas d(~montr(~ face au risque accru de n~phrotoxicit~ et au surcoQt qu'elle entraTne. II parait sage de r~server cette pres- cription empirique aux patients les plus exposes aux infections & staphylocoques coagulase-nagative : les greff~s de moelle osseuse et les leuc~miques. Ce sont ~galement ces patients qui profiterons le plus des mesures prophylactiques qu'il est indispensable de mettre en oeuvre : soins apport(~s au choix, & la pose et & l'entretien des voies veineuses centrales, praven- tion des l(~sions muqueuses herr~tiques, dacontami- nation de la sphere ORL et du tube cligestif.

SUMMARY COAGULASE NEGATIVE STAPHYLOCOCCAL INFECTIONS IN HAEMATOLOGY

The incidence o f coagulase-negative staphylococcal infections was highly increasing during the last decade in patients with malignancies. The main cause is the large use of central venous catheters. The other risk factors are severe neutropenia, pro- longed hospitalisation and mucositis. However coagulase-negative staphylococci seldom cause fatal infection. The use o f a glycopeptide antibiotic in the first line therapy o f febrile episodes appears not necessary in all neutropenic patients. It seems better to use it only in the patients with the highest risk to staphylococcal infections : the leukemic patients and the bone marrow transplantation recipients.

K e y - w o r d s : Coagulase negative staphylococcus - Neutropenia - Acute leukemia - Bone marrow transplantation - Septicemia

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