4
Il faut d’abord retenir de ces deux interventions leur avantage commun avant leur divergence : les interventions de Latarjet et de Bankart sont gratifiantes pour le patient et pour le chirurgien. ES techniques chirurgi- cales applicables aux instabilités d’épaule est un sujet qui se réécrit en permanence. Les innova- tions techniques comme les ancres intra-osseuses ou l’arthroscopie, la remise en question des habitudes ou des atti- tudes d’école, des découvertes physiopathologiques ou de com- plications insoupçonnées se dé- masquant à long terme, modifient en permanence nos choix théra- peutiques. Ainsi ont disparu en pratique quotidienne, de façon presque irrémédiable pour les instabilités courantes, les ostéoto- mies humérales ou de l’omoplate. Certaines interventions sont de- venues confidentielles, limitées à une école ou à un chirurgien comme l’intervention de Gosset et de Trillat. En pratique, seules per- sistent de façon largement répan- due deux interventions principales (les interventions de type Latarjet- Bristow utilisant le transfert du tendon conjoint et de la coracoïde, et les interventions de réparation capsulo-périostée communément appelée “Bankart” avec ses nombreuses variantes, notamment par arthroscopie). C’est entre ces deux interventions que persiste parfois une polé- mique, souvent une discussion sur l’intérêt et les inconvénients respectifs de ces deux techniques. Les interventions rares ou obsolètes Les ostéotomies du col de l’omoplate et humérale Il peut s’agir d’une ostéotomie de soustraction postérieure (Meyer Burgdorff) ou d’une addition antérieure (Saha). Weber a également proposé une ostéotomie de dérotation externe de la diaphyse humérale pour les patients présentant une encoche de Malgaigne importante. Elle est associée au traitement de la lésion de Bankart si elle existe. Le risque de nécrose et d’ar- throse après ce type d’interven- tion d’après Hubert et Johnston permet difficilement de proposer ce type d’intervention de pre- mière intention. L’intervention de Gosset Celle-ci consiste à fermer l’es- pace coraco-glénoïdien par une butée osseuse constituée par une greffe prise sur la 4 e côte. Celle- ci est fixée par une broche de Kirschner allant du col de l’omo- plate à la tranche de section de la coracoïde. Bien que les résultats cliniques de cette intervention soient satis- faisants, celle-ci est tombée pres- que dans l’oubli. Le taux de reprise chirurgicale de 17 % associé à 22 % de complications postopératoires, notamment 1,3 % de pneumothorax, a fait abandon- ner cette technique par la plupart des auteurs. L’intervention de Putti- Platt Elle consiste à une plicature de la capsule et du sous-scapulaire sans tenir compte des lésions capsulaires. Le principe reposait sur la limita- tion de la rotation externe pour éviter au patient d’arriver en position luxante. Cette intervention s’est révelée arthrogène. Elle a eu le mérite de mettre en lumière les conséquen- ces néfastes et arthrogènes d’une limitation artificielle de la rota- tion externe. Les interventions d’actualité dans le traitement de l’instabilité antérieure Les interventions de type Bankart • La voie d’abord nécessite la section au moins partielle du sous-scapulaire. Des lâchages secondaires sont une des compli- cations graves de traitement secondaire difficile. Ils restent rares. Principe : celle-ci repose sur la réparation anatomique de la désinsertion ligamentaire. Celle- ci utilise différentes techniques de réinsertion ou de rétention ligamentaire. • Dans l’intervention classique de Bankart, la capsulotomie est réalisée au niveau du bord anté- rieur de la glène. Après excision éventuelle du bourrelet désinséré, la capsule est réinsérée au bord 13 KS n° 416 Novembre 2001 Les instabilités d’épaule : avantages, inconvénients et complications des différentes techniques chirurgicales Rémy Bleton* * Chirurgien des hôpitaux. Service de chi- rurgie orthopédique et traumatologique, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris. Clinique de la Défense, Nanterre (92). Texte issu des XXXIII e Journées de l’INK : “Sport et kinésithérapie : actualités”, 23 et 24 novembre 2001. MOTS CLES Arthroscopie Chirurgie Epaule Traumatologie L

Les Instabilites d'Epaule - Les Differentes Techniques Chirurgicales

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Il faut d’abord retenir de ces deux

interventions leur avantage communavant leur divergence :

les interventions de Latarjet

et de Bankart sont gratifiantes

pour le patient et pour le chirurgien.

ES techniques chirurgi-cales applicables auxinstabilités d’épaule estun sujet qui se réécrit enpermanence. Les innova-tions techniques commeles ancres intra-osseuses

ou l’arthroscopie, la remise enquestion des habitudes ou des atti-tudes d’école, des découvertesphysiopathologiques ou de com-plications insoupçonnées se dé-masquant à long terme, modifienten permanence nos choix théra-peutiques. Ainsi ont disparu enpratique quotidienne, de façonpresque irrémédiable pour lesinstabilités courantes, les ostéoto-mies humérales ou de l’omoplate.

Certaines interventions sont de-venues confidentielles, limitées àune école ou à un chirurgiencomme l’intervention de Gosset etde Trillat. En pratique, seules per-sistent de façon largement répan-due deux interventions principales(les interventions de type Latarjet-Bristow utilisant le transfert dutendon conjoint et de la coracoïde,et les interventions de réparationcapsulo-périostée communémentappelée “Bankart” avec sesnombreuses variantes, notammentpar arthroscopie).

C’est entre ces deux interventionsque persiste parfois une polé-mique, souvent une discussionsur l’intérêt et les inconvénientsrespectifs de ces deux techniques.

● Les interventionsrares ou obsolètes

Les ostéotomies du colde l’omoplate et humérale

Il peut s’agir d’une ostéotomie desoustraction postérieure (Meyer

Burgdorff) ou d’une additionantérieure (Saha).

Weber a également proposé uneostéotomie de dérotation externede la diaphyse humérale pour lespatients présentant une encochede Malgaigne importante. Elleest associée au traitement de lalésion de Bankart si elle existe.

Le risque de nécrose et d’ar-throse après ce type d’interven-tion d’après Hubert et Johnstonpermet difficilement de proposerce type d’intervention de pre-mière intention.

L’intervention de Gosset

Celle-ci consiste à fermer l’es-pace coraco-glénoïdien par unebutée osseuse constituée par unegreffe prise sur la 4e côte. Celle-ci est fixée par une broche deKirschner allant du col de l’omo-plate à la tranche de section de lacoracoïde.

Bien que les résultats cliniquesde cette intervention soient satis-faisants, celle-ci est tombée pres-que dans l’oubli. Le taux dereprise chirurgicale de 17 %associé à 22 % de complicationspostopératoires, notamment 1,3 %de pneumothorax, a fait abandon-ner cette technique par la plupartdes auteurs.

L’intervention de Putti-Platt

Elle consiste à une plicature de lacapsule et du sous-scapulairesans tenir compte des lésionscapsulaires.

Le principe reposait sur la limita-tion de la rotation externe pour

éviter au patient d’arriver enposition luxante.

Cette intervention s’est réveléearthrogène. Elle a eu le mérite demettre en lumière les conséquen-ces néfastes et arthrogènes d’unelimitation artificielle de la rota-tion externe.

● Les interventionsd’actualitédans le traitementde l’instabilitéantérieure

Les interventions de type Bankart

• La voie d’abord nécessite lasection au moins partielle dusous-scapulaire. Des lâchagessecondaires sont une des compli-cations graves de traitementsecondaire difficile. Ils restentrares.

• Principe : celle-ci repose sur laréparation anatomique de ladésinsertion ligamentaire. Celle-ci utilise différentes techniquesde réinsertion ou de rétentionligamentaire.

• Dans l’intervention classiquede Bankart, la capsulotomie estréalisée au niveau du bord anté-rieur de la glène. Après excisionéventuelle du bourrelet désinséré,la capsule est réinsérée au bord

13KS n° 416 Novembre 2001

Les instabilités d’épaule : avantages, inconvénients et complications

des différentes techniques chirurgicales

Rémy Bleton*

* Chirurgien des hôpitaux. Service de chi-rurgie orthopédique et traumatologique,Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris.Clinique de la Défense, Nanterre (92).

Texte issu des XXXIIIe Journées de l’INK :“Sport et kinésithérapie : actualités”, 23et 24 novembre 2001.

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Arthroscopie

Chirurgie

Epaule

Traumatologie

L

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antérieur de la glène par despoints trans-osseux. La difficultéde ce geste technique en avait faitun des obstacles principaux. Unnombre très important d’artificestechniques ont été décrits et sonttombés en désuétude depuis l’in-troduction des ancres intra-osseuses. Celles-ci permettentdes réinsertions solides sur desbords antérieurs de la glène avi-vés de bonne qualité.

• Les variations techniques chi-rurgicales reposent en fait sur lesiège de la capsulotomie et l’as-sociation de plastie capsulaire.La réalisation première d’unecapsulotomie au même niveauque la ténotomie du sous-scapu-laire a beaucoup d’avantages etaméliore énormément l’exposi-tion chirurgicale, elle permet decontrôler l’absence de protrusionintra-articulaire des systèmesd’ancrage intra-osseux, uneapplication correcte des suturesau bord antérieur de la glène. Ellepermet ensuite de réaliser uneéventuelle capsuloplastie qui per-met de corriger la distensionplastique.

LE BANKART ARTHROSCOPIQUEET LE TRAITEMENT ARTHROSCOPIQUEDES SLAP

Cette technique est également réa-lisée depuis 10 à 15 ans par tech-nique arthroscopique. Ceci néces-site un chirurgien entraîné car laréalisation de nœuds et le posi-tionnement d’ancre dans la glèneest techniquement difficile etnécessite un matériel sophistiquéet complet qui fait actuellementréserver ce genre de technique àquelques centres. Il est fondamen-tal de différencier dans ses indica-tions et ses résultats le problèmedes SLAP et celui de l’instabilitéantéro-inférieure habituelle.

• Les SLAP : la lésion du com-plexe capsulo-labral est situéesur la partie supérieure de laglène qui est difficilement acces-sible par voie chirurgicale car lavoûte acromio-coracoïdienne etle muscle sus-épineux barrentl’accès et il n’est pas anodin deles sectionner.

Par ailleurs, la confirmation desSLAP nécessite souvent unearthroscopie qui a un bon accès àla partie supérieure de la glènecar les tubes de l’arthroscopies’immiscent facilement à ceniveau. Il n’y a pas de problème

de distension plastique de la cap-sule à ce niveau. Il existe donc unvéritable consensus sur la répa-ration arthroscopique des SLAP.

De nombreuses techniques defixation du bourrelet existent,allant du punaisage ou de lasuture par ancre intra-osseuse.

• Les instabilités antéro-infé-rieures : l’accessibilité de larégion est gênée par le plexus bra-chial qui empêche d’aborder leslésions de face et nécessite de lesréparer par voie supérieure. Lenombre d’ancres, le réglage de latension en sont gênés. La correc-tion de la distension plastique estdifficile, avec des essais de plica-ture ou de retention thermique.

Tout ceci explique, entre autres,que le taux de récidive resteimportant entre 10 et 20 % selonles auteurs. Les progrès tech-niques ont fait disparaître destaux prohibitifs de 50 % quiavaient été retrouvés dans lesessais historiques et étaient liés àla courbe d’apprentissage.

Il semble néanmoins qu’un tauxplancher d’environ 10 % resteinfranchissable depuis quelquesannées même dans les équipeshabituées. Le “Bankart arthros-copique” doit donc être limité auxchirurgiens très habitués et limitéau patient choisissant en prioritél’esthétique sur la fiabilité.

■ Les inconvénients théoriques de la technique

Ils étaient essentiellement sa dif-ficulté technique. L’invention etl’utilisation des ancres intra-osseuses a grandement facilité latechnique opératoire. La fragilitéde la réparation a pour corollaireun certain nombre de précautionspostopératoires. La ténotomie dusous-scapulaire et la suture de lacapsule ne permettent pas lamobilisation active immédiate.

La plupart des auteurs conseillentune protection en Dujarier coudeau corps d’environ 6 semaines.Pendant les 3 premières semai-nes, la mobilisation sera pru-dente, limitée à la mobilisationpassive et pendulaire.

Voici quelques-uns des conseilsdonnés au patient : une manœu-vre intempestive en rotationexterne en menant la main vio-lemment à l’extérieur, une rota-

tion interne volontaire violenteen voulant ramener la main verssoi, peuvent entraîner une trac-tion sur le muscle et donc risquerd’entraîner la rupture de la répa-ration qui est assez grave.

Pour protéger ce muscle ainsi quela réparation justifiée par l’opéra-tion, quelques précautions sontnécessaires : la première est l’im-mobilisation de l’épaule dans uneattelle qui évite les manœuvresintempestives notamment la nuitoù le bras n’est pas sous contrôlede la conscience, voire dans la viequotidienne notamment dans lestransports. La réparation est néan-moins solide pour permettre unemobilisation prudente. Il est doncainsi possible de faire une mobili-sation pendulaire pour l’habille-ment et la toilette.

Il est également possible de bou-ger le bras devant soi coude flé-chi dans un secteur qui corres-pond à un quart de sphère situéen dedans et en dessous duniveau de l’épaule. Bien entendules mouvements doivent resterrares, non répétitifs et sans force.Il ne faut notamment pas faire derotation interne en force commeramener un objet vers soit vio-lemment et dépasser en arrière lecontact entre la main et la pochedu pantalon. Il est ainsi possiblede retirer l’attelle pour prendreune douche, d’écrire quelquesmots et de tenir un couvert.

La période de protection sedivise une première période de 3semaines où il faut être particu-lièrement prudent et où la mobili-sation doit être très douce car ellepeut entraîner les phénomènesinflammatoires et douloureux.Les 3 semaines suivantes, l’am-plitude et l’importance des mou-vements peuvent aller en s’ac-croissant, sans néanmoinsdépasser 0° de rotation externe et90° d’élévation, c’est-à-dire leniveau du cœur.

Une mobilisation trop précocepeut être à l’origine de rupture dusous-scapulaire dont 4 cas ont étérécemment décrits par Greis etHawkins. Cette immobilisationpeut être à l’origine d’une raideurarticulaire secondaire, touchantnotamment la rotation externe.

Chez les patients pratiquant unsport de lancer, cette limitation estdécevante. L’absence de correctionde l’éculement du bord antérieurde la glène, la fréquence de celui-

ci, peuvent expliquer les résultatssur la stabilité sur lesquels nousreviendrons ultérieurement.

■ Les avantages théoriques

Ils sont la restitution d’une anato-mie et d’une physiologie nor-males de l’épaule sans recréerune nouvelle physiologie. Lesavantages et les conséquences ensont nombreux : toute instabilitéarticulaire est arthrogène. La res-titution d’une physiologie nor-male peut donc prétendre à laprévention de l’arthrose.

L’intervention de Bankart restitueles différents plans de glissementset les structures capsulo-ligamen-taire dans leur disposition initiale.En cas d’échec, les difficultéstechniques de dissection de lareprise chirurgicale ne diffèrentpas significativement de cellesd’une épaule “vierge”.

Enfin, l’intervention peut s’adap-ter aux variantes anatomiquesdes lésions : réinsertion simpleen cas de désinsertion isolée traumatique de type Bankart,capsuloplastie en cas de disten-sion isolée capsulo-ligamentaireou panachage des deux en casd’association.

L’intervention est plus mesuréepar rapport au Latarjet. Elle resti-tue le contrôle proprioceptif enreconstituant la capsule riche enrécepteur positionnel en positionanatomique. Ceci est d’autantplus intéressant que les luxationsrécidivantes deviennent plusrares par rapport aux subluxa-tions et équivalents.

L’intervention de Bristow-Latarjet

• La dissociation horizontale desfibres alignant les deux tiers,supérieur et inférieur, est la plusrespectueuse des structures ana-tomiques mais ne permet qu’unevoie d’abord limitée notammentchez les patients très musclés.

• Principe. Celui-ci repose surdeux éléments principaux : l’effetde butée osseuse et l’effet hamacdu tendon conjoint. L’effet debutée osseuse augmente le dia-mètre antéro-postérieur et doncla stabilité par congruence del’articulation gléno-humérale. Ilest efficace en soi comme lemontre l’efficacité de l’interven-

Les instabilités d’épaule : avantages, inconvénientset complications des différentes techniques chirurgicales

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tion de Gosset et celle de Eden-Ebinett. Elle nécessite de faireaffleurer exactement le bord de labutée avec la surface articulaire.

L’effet de hamac du tendonconjoint repose sur le transfert dutendon conjoint du coraco-bicepsqui se positionne donc en face dela tête humérale en position deluxation lors de mouvementsd’armé du bras.

Cet effet hamac est doublé parcelui exercé sur la partie infé-rieure du sous-scapulaire. Eneffet, la partie laissée intacte dusous-scapulaire est abaissée parle transfert de la coracoïde et réa-lise en lui-même un second effet“hamac”. Cet effet est principale-ment recherché dans l’interven-tion de Bristow initialementdécrite lorsque les butées étaientfixées en extra-articulaire endedans du bord de la glène.

Enfin, il peut être perfectionnéselon Patte qui préconise de sutu-rer les ligaments gléno-humérauxinférieurs au moignon du liga-ment acromio-coracoïdien laisséattenant à la coracoïde et au ten-don conjoint. Il réalise un tripleverrouillage.

■ Les avantages immédiats

L’avantage immédiat de l’inter-vention est la qualité de l’exposi-tion liée à l’ostéotomie de lacoracoïde. L’autre avantage estsa facilité technique essentielledu geste consistant à visser lacoracoïde.

Il est ainsi possible, lorsque lesgestes intra-articulaires sontréduits, de se contenter d’unesimple dissociation horizontaledes fibres du sous-scapulairespour positionner et fixer la cora-coïde. Cette préservation dusous-scapulaire et la tenue del’ostéosynthèse de la coracoïdeautorisent une mobilisation plusprécoce et plus énergique quepour les interventions de type“Bankart”.

■ Les inconvénients théoriques

Ils sont nombreux et sont liés aucaractère non physiologique decette intervention : la section duligament acromio-coracoïdien et latranslation du coraco-biceps enposition basse et postérieure n’ontpas fait le sujet d’étude particulière.

La force de flexion du coude a étéétudiée et ne semble pas pertur-bée grâce à l’hypertrophie com-pensatrice du long biceps. La sup-pression du seul antépulseur del’épaule avec le faisceau antérieurdu deltoïde n’est pas documentée.

Les modifications de la course dusous-scapulaire, qui est transfixiéen son milieu et dont la partieinférieure est coudée et abaisséeartificiellement par le tendonconjoint, semblent associées àune amyotrophie et une dégéné-rescence graisseuse, d’aprèsPicard et Saragaglia. Il s’y asso-cie une perte de la force de larotation interne.

L’intervention de Latarjet nerecrée pas une physiologie nor-male ne corrigeant ni la disten-sion capsulo-ligamentaire ni lesdésinsertions. Il existe donc unrisque théorique d’arthrose àlong terme. Ceci est bien mis enévidence par certains articles telcelui de Rockwood, rapportant10 % de reprise par prothèsetotale d’épaule et 52 % de lésionschondrales sur une série de 40complications d’intervention deBristow-Latarjet.

Ceci est à mettre en parallèleavec le taux élevé d’arthroseradiologique. La table ronde de laSOFCOT rapporte ainsi 8,8 %d’arthrose Samilson 2 et 3 contre5,7 % pour les Bankart, dont lerecul est double.

A 14 ans de recul, Goutallier rap-porte à la SOFCOT 96, 62 %d’arthrose. Mansat, dans lescahiers d’enseignement, rapporte

31 % d’arthrose tous stadesconfondus pour les butées contre0 % dans les Bankart. Rowe nerapporte aucune arthrose sur unesérie de 160 Bankart revus à 6ans de recul.

Certes, les auteurs s’accordentpour retrouver un facteur péjora-tif à une mauvaise positiondébordante de la butée, au reculet à l’âge des patients. Ils s’ac-cordent également sur le carac-tère souvent peu ou pas sympto-matique de cette arthroseradiologique. Il est néanmoinsintéressant de constater un cer-tain parallélisme entre les résul-tats sur les douleurs et l’arthroseradiologique sur laquelle nousreviendrons.

Il est également inquiétant deconstater que cette arthrose s’ag-grave avec le recul et le temps(Mansat : 41 mois de recul pourles Samilson 1 contre 124 moispour les Samilson 3).

La nouvelle anatomie recrée parl’intervention de Bristow-Latarjet complique égalementsingulièrement les reprises chi-rurgicales : les plans de dissec-tions séparant les muscles longspolyarticulaires et le plan desmuscles de la coiffe des rotateursest transfixié par le tendonconjoint. Le garde-fou que repré-sente le coraco-biceps vis-à-visdu plexus brachial a disparu.

Tous les auteurs, et notammentRockwood, s’entendent pourtémoigner de la difficulté desreprises chirurgicales après cesinterventions. Le résultat final

s’en ressent directement avec87,62 et 50 % de bons et excel-lents résultats selon respective-ment Rowe, Walch et Rockwood.

Le pronostic de ces reprisessemble lié à la prévalence d’ins-tabilité multidirectionnelle et aunombre d’interventions anté-rieures. La morbidité de cetteintervention semble égalementlégèrement plus importantequ’après Bankart.

Pour Ferlic, le taux de reprise estde 14 %. Dans la table ronde dela SOFCOT, elle était de 8,2 %contre 4 % au Bankart et 2 % auvissage capsulaire. Les héma-tomes (1 % peut être lié au sai-gnement de la section de la cora-coïde) et les reprises (2,4 %, liésaux pseudarthroses et au lyse debutée) en semblent responsables.

Les complications neurologiquesintéressent essentiellement lenerf musculo-cutané. Il s’agitessentiellement d’élongationlors de la prise et de la transposi-tion du greffon. Ces complica-tions spontanément résolutivesdans la plupart des séries ne sontpas notablement différentes desélongations par les écarteurs lorsdes interventions de Bankart.Elles ne suffisent pas à condam-ner la technique.

Les fractures, pseudarthroses,migrations et lyse des butées sonttrès diversement appréciées dansla littérature : Hovelius rapporteainsi 28 % de pseudarthrose, 16 %de migration et 4% de lyse. Ilattribue les instabilités rési-duelles à ces complications. La

Les instabilités d’épaule : avantages, inconvénientset complications des différentes techniques chirurgicales Technique

Pratique

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■ Tableau 1

Résultats objectifs Subjectifs Mobilité Douleurs

Excellentet SOFCOT Mansat SOFCOT SOFCOT Mansat SOFCOT Mansat

bons résultats

BANKART 62 % 89 % 83 % 83 % 93 % 100 % 67 %

LATARJET 76 % 79 % 89 % 87 % 75 % 94 % 64 %

■ Tableau 2

STABILITE RECIDIVE APPREHENSION STABLE

SOFCOT Rockwood SOFCOT Mansat Goutallier

BANKART 7 % 17 % 85 %

LATARJET 1 % 0-10 % 13 % 82 % 88 %

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table ronde de la SOFCOT rap-porte 8 % de pseudarthrose sansincidence clinique. Mansat rap-porte 35 % de problème de butéedont les conséquences portentplus sur l’arthrose que sur l’insta-bilité. Il semble donc que cesproblèmes de butée ont unerépercussion clinique ou radio-logique qui s’exprime par desdouleurs ou une instabilité.

Nous pouvons donc penser queles résultats cliniques reflèteronsces inconvénients. Peu de sériessont comparatives. La tableronde de la SOFCOT à Estoril en1990 et les séries successives deMansat permettent de se faireune idée des particularités res-pectives des différentes tech-niques rapportées dans lestableaux 1 et 2.

● Conclusion

1. Il faut d’abord retenir de cesdeux interventions leur avantagecommun avant leur divergence :les interventions de Latarjet et deBankart sont gratifiantes pour lepatient et pour le chirurgien. Lesrésultats sont globalement bonsavec un taux de satisfactionoscillant globalement entre 80 et90 %.

2. Il faut ensuite pondérer desséries successives comme cellede Mansat. L’amélioration desrésultats de deux séries succes-sives dans le temps opérées parun seul et même opérateur peuttémoigner également des progrèsliés au temps. Les connaissancesthéoriques, une sélection plusrigoureuse des patients, les pro-grès techniques du matériel etl’expérience grandissante del’opérateur avec le temps peu-vent influencer tout autant que latechnique chirurgicale elle-même. Il est en tout cas rassurantde constater sur des mêmes cri-tères cliniques le progrès desrésultats.

3. L’analyse comparative desrésultats de la table ronde de laSOFCOT et de la littérature sem-blait donner une réponse simple.L’intervention de type Bristow-Latarjet, semble donner unelégère supériorité en terme derésultats objectif et subjectifimmédiats sur les luxations vraies.Cette différence semblait liée à demeilleurs résultats sur la stabilitéet à moindre degré sur la mobilité.

Cet avantage semblait devoir sepayer par l’existence de douleurset surtout par une morbidité plusimportante représentée essentiel-lement par une arthrose bieninquiétante.

En bref, l’intervention deBristow privilégiait le coursterme et le Bankart le long terme.Ceci est valable pour les luxa-tions récidivantes vraies. Pour lessubluxations et l’instabilité pure-ment douloureuse, le Bankart ouassimilé semble plus logique, carle risque de récidive est modesteet il n’est pas logique de réaliserune intervention curatrice d’unedouleur avec un risque secon-daire de douleurs.

4. Pour résumer les indications :l’indication élective du Latarjetsemble donc être celle de la luxa-tion récidivante traumatique chezle sportif passionné pratiquantdes sports contacts ou de combat.

A contrario, l’indication du ban-kart est indiscutable dans l’insta-bilité discrète avec subluxationessentiellement douloureuse.L’arthroscopie est particulière-ment indiquée dans les lésions dubourrelet supérieur ou SLAP, etse discute essentiellement pourdes raisons cosmétiques dans lesinstabilités discrètes.■

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Les instabilités d’épaule : avantages, inconvénientset complications des différentes techniques chirurgicales

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▲ Fig. 1 : intervention de Bankart avec plastie capsulaire.

▲ Fig. 2 : intervention de Latarjet avec l’effet hamac du coraco-biceps.

POUR EN SAVOIR PLUS

1. BANKART A.S.B. The pathology and treatment of recurrent dislocation of the shoulder joint. Br. Med. J. 1923;2:1132-33.2. BIGLIANI L.U., POLLOCK R.G., SOSLOWSKY L.J., FLATOW E.L., PAULUCK R.J., MOW V.C. Tensile properties of the inferior glenohume-

ral ligament. J. Orthop. Res. 1992;10:187-97.3. HUBER H.M. Incidence of recurrence and of osteoarthritis after rotational osteotomy according to Weber. J. Bone Surg. (Br) 1992;74

B(suppl):7.4. JOHNSON H.H., HAWKINS R.J., HADDAD R., FOWLER P.J. A complication of posterior glenoïd osteotomy for recurrent posterior shoul-

der instability. Clin. Orthop. 1984;187:147-49.5. MANSAT M. Instabilité chronique de l’épaule. Cahier d’enseignement de la SOFCOT, n° 49.6. PAGNANI M.J., WARREN R.F. Stabilizers of the glenohumeral joint. J. Shoulder Elbow Surg., may-june 1994.7. WALCH G. Luxation récidivante antérieure de l’épaule. Table ronde de la SOFCOT, mai 1990.