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1 LES INTERMITTENCES DU LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE EN SUISSE AVENIR SUISSE Musée de l’Elysée, Lausanne 17 octobre 2007 Jean-Christian Lambelet Prof. hon. DEEP/HEC/UNIL

LES INTERMITTENCES DU LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE EN SUISSE

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LES INTERMITTENCES DU LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE EN SUISSE. Jean-Christian Lambelet Prof. hon. DEEP/HEC/UNIL. AVENIR SUISSE Musée de l’Elysée, Lausanne 17 octobre 2007. - PowerPoint PPT Presentation

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LES INTERMITTENCES DU LIBÉRALISME

ÉCONOMIQUE EN SUISSE

AVENIR SUISSEMusée de l’Elysée, Lausanne

17 octobre 2007

Jean-Christian LambeletProf. hon. DEEP/HEC/UNIL

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Comment mesurer le flux/reflux du libéra-lisme économique dans un pays donné ?

- On peut examiner les décisions des autorités en matière de politique économique ;

- Ou l’évolution du « cadre réglementaire » de l’activité économique ;

- Ou, à un niveau plus fondamental, les va-leurs dominantes dans le public, « l’air du temps » et ses fluctuations ; etc., etc.

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Il y a cependant, en Suisse, un « filon » qui, à mon avis, n’a pas été exploité suffisamment :

Les votations populaire et leurs résultats.

Une vaste littérature existe certes dans ce do-maine (dont je n’ai pas encore fait le tour en entier), mais elle est soit très générale, soit limitée à une courte période et à un petit échantillon de votations, soit critiquable du point de vue méthodologique.

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Exemple : l’ouvrage « classique » de Hans-peter Kriesi et al. (1993) qui s’appuie exclu-sivement sur les enquêtes VOX. Conclusion :

« Nous avons trouvé qu’un tiers des citoyens manquent largement des compétences requi-ses pour la démocratie directe, qu’un quart environ sont moyennement compétents, alors que presque la moitié peuvent être considérés comme étant aptes à prendre des décisions en connaissance de cause ». En outre, c’est sur-tout parmi les « incompétent » que l’absten-tionnisme sévit. - Plutôt rassurant, non ?

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Recherche (passionnante) en cours : prendre toutes les votations populaires « sous la loupe » et les examiner, entre autres - mais pas uniquement - sous l’angle économique.

Depuis 1848 (fondation de la Conféd. moder-ne), il y a eu 544 « objets » soumis à votation, dont la moitié depuis 1976 : les prendre sous la loupe est donc beaucoup de travail, mais j’ai presque fini. Environ 40% de ces objets sont dans le domaine économique.

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Qu’est-ce que cela donne ?

L’analyse, en revanche, est loin d’être ache-vée et je dois donc me limiter ici à quelques « pistes » qui se dégagent déjà - dont pour commencer les cas qui vont dans le sens des intermittences du libéralisme économique.

1/ Le domaine du logement, des loyers et des baux. Depuis 1945 : 14 votations dans ce domaine. 1945 : contrôle étatique presque complet. Puis, jusqu’en 1970 : démantèle-ment. 1970-72 : liberté complète (au niveau féd.). Depuis lors : recul vers le contrôle.

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2/ La politique agricole (cf. les récents travaux d’Avenir Suisse). Au total, 22 votations (1ère en 1882). Image qui se dégage : lorsqu’il s’agit d’objets d’ordre général (loi de 1952, p.ex.), c’est la sympathie pour le monde pay-san qui l’emporte. Mais quand la défense des intérêts étroits de l’agriculture est trop appa-rente, la réaction du peuple est souvent du genre : « Ah non, là ils exagèrent! » (arrêté sur les betteraviers en 1986, p.ex.).Conclusion : libéralisme très sporadique...

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3/ Autre cas d’intermittence. Une initiative est soumise au peuple en 1923. Elle prône le retour au libre échange par des tarifs doua-niers plus bas. Un journal du parti qui a lancé l’initiative écrit : « La hausse des tarifs doua-niers en Suisse comme à l’étranger contribue à diminuer les échanges commerciaux, à para-lyser l’industrie, à favoriser le chômage, à diminuer les ressources fiscales ». Bel exem-ple de libéralisme économique, n’est-ce pas ?

Question : Quel était ce parti politique ?

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Réponse : Le parti socialiste suisse ! (Journal : « La Sentinelle »). Le PSS lancera un réfé-rendum dans le même sens en 1929. Dans les deux cas, le peuple vote contre le libre échan-ge, par ~75% des voix. A l’époque, c’étaient la droite et le centre qui étaient protectionnis-tes. Aussi à l’étranger : le tarif Smoot-Hawley de 1930 aux USA et la « préférence impéria-le » en Angleterre à la même époque ont été adoptés par des gouvernements conservateurs. Quant au PSS, c’est au début des années 1930 qu’il changera son fusil d’épaule (cf. « l’ini-tiative de crise » en 1935).

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A noter encore que les économistes n’ont pas toujours été (quasiment) unanimes à soutenir le libre échange, comme c’est largement le cas aujourd’hui. Keynes, par exemple, n’était pas vraiment pour le libre échange - voir son apologie du mercantilisme.

Plus généralement, il n’est pas toujours facile d’interpréter les résultats des votations d’un point de vue libéral, même avec le bénéfice du recul. Un exemple récent : le rejet, en 2002, de la loi sur l’électricité.

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Au lendemain de la votation et aujourd’hui encore, ce rejet est déploré comme illustrant la méfiance du peuple suisse envers l’économie de marché et la libéralisation - et aussi comme une démonstration des dangers de la démo-cratie directe en matière économique.

A y regarder de près, ce n’est pas évident car la loi était très « mal ficelée ». Sur le marché de l’électricité, les sociétés productrices étaient censées se faire concurrence. Mais en tant qu’actionnaires de la société en charge du réseau, elles étaient censées collaborer !

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En rétrospective, on peut donc dire que le peuple a bien fait de rejeter cette loi, même s’il a été « right for the wrong reasons » : se-lon VOX, beaucoup de citoyens ont voté « non » parce qu’ils étaient contre une privatisation - laquelle ne figurait pas du tout dans la loi ! Il s’agissait de libéralisation du marché, mais aucunement de privatisation...

A noter encore que la nouvelle loi sur l’élec-tricité souffre des mêmes graves défauts. Voir un récent « working paper » d’Avenir Suisse (Urs Meister).

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L’ancienne loi et la nouvelle illustrent une proposition générale, que je vous soumets : en Suisse, on n’a pas (encore ?) la culture de la concurrence, hélas. Au rude combat concur-rentiel, on préfère le plus souvent des arran-gements confortables et « cozy ».

On peut déplorer ce manque de vrai libéra-lisme, mais il faut bien voir qui en est respon-sable : pas la gauche, mais le centre et la droite. L’UDC et le PDC ne sont pas des partis libéraux. Quant au PRD, il ne brille guère pas son engagement dans ce domaine.

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C’est pourquoi je pense que si une fondation comme Avenir Suisse a un rôle à jouer pour promouvoir le libéralisme, ses efforts doivent viser non pas la gauche, mais le centre et la droite. Dans mon expérience, il est très diffi-cile, voire souvent impossible, de faire chan-ger d’avis la plupart des gens de gauche - du moins à court terme (dans le long terme, c’est une autre histoire : voir Tony Blair et le «New Labour»). - Alors, chers amis d’Avenir Suis-se, cherchez avant tout à éclairer et fortifier un peu ceux qui, au centre et à droite, devraient faire passer de bonnes solutions libérales.

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Cependant, on n’observe pas uniquement des intermittences du libéralisme économique, mais aussi de belles constantes.

Un exemple : les limites légales à la durée du travail. Il y a eu 7 votations portant directe-ment sur cette durée et 8 indirectement. Le thème était toujours une réduction. Le verdict du peuple a été uniformément négatif, par des majorités de 65-75% : la durée du travail est l’affaire des partenaires sociaux, pas celle de l’État.

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Dans la plupart des cas, c’étaient des initia-tives qui, évidemment, venaient de la gauche.

Dans le livre que je suis en train d’écrire (et qui sera achevé dans ~1 année, si les dieux le veulent bien), il y aura un chapitre intitulé :« Les labeurs de la gauche : Winkelried ou Sisyphe ? » Ces labeurs concernent la politi-que sociale, pas seulement la durée du travail.

Conclusion provisoire : un peu de Winkelried, beaucoup de Sisyphe...

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Dans l’ouvrage en question, les votations sont groupées en 10 catégories, dont la principale est - comme dit - celle des questions économi-ques. Bien d’autres sujets seront donc traités en rétrospective, en plus de celui des intermit-tences du libéralisme économique - dont :

1/ La démocratie directe peut-elle déboucher sur des cas de « tyrannie de la majorité » ?

2/ Ou sur des cas, plus difficiles à identifier, de « dictature de la minorité » - par le jeu des abstentions et des coûts d’information ?

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3/ Les citoyens sont-ils bien informés et votent-ils en connaissance de cause et plutôt froidement ?

4/ Ou bien a-t-il eu des cas où c’est l’émotion et « les tripes » qui ont décidé ?

5/ Le peuple suisse est-il congénitalement conservateur ( libéral) ? Réponse provisoire : oui, le plus souvent - mais souvent aussi à bon escient. Cependant, pas de conservatisme dans les domaines de l’environnement ou de la pro-tection des animaux. Là, c’est plutôt le peuple « qui pousse » et les autorités qui freinent.

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Conclusions générales et toute provisoires :

Il y a eu des cas où l’on peut clairement dire, en rétrospective, que c’étaient de regrettables « dérapages ». Mais ces cas sont peu nom-breux et, dans l’ensemble, la démocratie directe suisse fonctionne bien, mieux proba-blement que tout autre système politique.

D’où la question : ce système est-il expor-table ? L’expérience suisse montre qu’il nécessite en tout cas un très long apprentis-sage. Beaucoup parmi les premières votations (dès 1866) ont été des désastres.

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Pour bien fonctionner, la démocratie directe exige aussi des règles claires et précises. Rien de plus nocif, par exemple, que les référen-dums « au cas par cas » - voir les discussions actuelles sur le traité de l’UE qui veut rempla-cer le projet de constitution.

FINIS

MERCI DE VOTRE ATTENTION !