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This article was downloaded by: [University of Newcastle (Australia)] On: 05 October 2014, At: 07:36 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Loisir et Société / Society and Leisure Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/rles20 Les jeux: quelle définition par et pour les sciences sociales? Manouk Borzakian a & Manouk Borzakian a a École polytechnique fédérale de Lausanne Published online: 02 Jul 2013. To cite this article: Manouk Borzakian & Manouk Borzakian (2012) Les jeux: quelle définition par et pour les sciences sociales?, Loisir et Société / Society and Leisure, 35:2, 341-360, DOI: 10.1080/07053436.2012.10707847 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2012.10707847 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan,

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This article was downloaded by: [University of Newcastle (Australia)]On: 05 October 2014, At: 07:36Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK

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Les jeux: quelle définition paret pour les sciences sociales?Manouk Borzakiana & Manouk Borzakiana

a École polytechnique fédérale de LausannePublished online: 02 Jul 2013.

To cite this article: Manouk Borzakian & Manouk Borzakian (2012) Les jeux: quelledéfinition par et pour les sciences sociales?, Loisir et Société / Society and Leisure,35:2, 341-360, DOI: 10.1080/07053436.2012.10707847

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2012.10707847

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les jeux : quelle défInItIOn par et pOur les scIences sOcIales ?

Manouk BorZAkiAn

École polytechnique fédérale de Lausanne

On m’objectera mille autres sens du mot mythe. Mais j’ai cherché à définir des choses, non des mots.

(R. Barthes, Mythologies, 1957)

Introduction

L’entreprise1 de définition du sport a mobilisé de nombreux auteurs, d’Elias (Elias et Dunning, 1986/1994) à Parlebas (1999), en passant par Bourdieu (1984/2002), pour ne citer que quelques étapes marquantes de cette réflexion. Celles-ci ont en commun l’idée que le sport se caractériserait par quelque chose en plus. Est ainsi sous-entendu un degré zéro de définition, qui concer-nerait des activités qui ne sont pas tout à fait des sports, quoi que puisse en penser, par exemple, le sens commun. Ce surplus permet, au sein d’une métacatégorie « jeu », rarement évoquée de manière explicite, d’isoler le sport comme activité possédant un certain nombre de caractéristiques décisives, pour le pratiquant comme pour le chercheur.

Cette comparaison entre le sport et les autres types de jeux suit deux directions principales, non exclusives, selon les caractéristiques manquantes à ces autres jeux que chaque auteur choisit de privilégier. La première opposi-tion sert de point de départ à Elias et Bourdieu et a été très largement reprise, avec de possibles nuances dans la formulation (Bordes, 2009 ; Borzakian et Ferez, 2010 ; Camy, 1995 ; Guttmann, 1978/2006 [1978] ; Loudcher, 2008 ; Parlebas, 1995 ; Ulmann, 1965/1971). Elle est de la sorte devenue l’un des enjeux majeurs des travaux de sciences sociales sur le sport et les activités physiques. Il s’agit de l’institutionnalisation ou sportification – plutôt que « sportivisation », terme qui semble gagner à être réservé à d’autres usages (Bordes, 2009) –, processus qui marque une rupture fondamentale entre les sports dits « modernes » et des jeux dits « traditionnels » – rupture tem-porelle qui n’exclut toutefois pas que certains représentants de la seconde

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catégorie soient encore pratiqués aujourd’hui. Il manque notamment à ces jeux traditionnels, en plus d’éléments qui en découlent, l’existence d’un corpus de règles régissant leur pratique, établi par une instance dirigeante et à vocation universelle.

Si le deuxième critère est souvent tacite, il est cependant formalisé de manière très explicite chez deux auteurs. Vernes (1967) distingue ainsi les « jeux conventionnels », dont le déroulement est uniquement régi par leurs règles, et « semi-conventionnels », dans lesquels interviennent également des éléments non strictement ludiques comme les lois de la physique : celles-ci modifient par exemple la trajectoire d’une fléchette ou d’une balle, alors qu’elles n’ont aucun impact sur le déplacement d’une pièce aux échecs ou sur la valeur d’une carte au bridge. Parlebas (1999) aboutit à une typologie assez similaire à l’aide de ce qu’il appelle la « pertinence motrice » : échecs, bridge ou scrabble peuvent être pratiqués par correspondance, « sans s’appuyer sur la motricité » (Parlebas, 2005), alors que football et fléchettes non.

Parlebas aboutit, logiquement, à une définition du sport centrée sur les deux caractéristiques qu’on vient de rappeler (institutionnalisation et pertinence motrice), complétées par une troisième caractéristique, qui est en fait un préalable à la première : la codification. Or ce même auteur, dans un dictionnaire (1999) qui ne compte pas moins de sept entrées composées sur le terme « jeu », ne définit pas celui-ci seul, le considérant probablement comme un donné sur la définition duquel il n’est pas utile de s’attarder, position qui semble jouir d’un assez large consensus, au moins par défaut.

Un tel consensus pose deux problèmes majeurs, qui constituent les deux questions auxquelles se propose de répondre cet article. Premièrement, quelles sont ces activités connues sous le vocable de « jeux », mais n’entrant pas toutes dans la catégorie « sport » ni dans des catégories approchantes? Que valent vraiment les définitions qui en ont été proposées et qui ne semblent pas mériter discussion, au point de n’être pas même évoquées de manière explicite? Deuxièmement, la double opposition exposée plus haut – pratiques institutionnalisées ou non et concernées ou non par la perti-nence motrice – constitue un découpage du réel qui laisse de côté d’autres discontinuités, d’autres contrastes. On se demandera dans quelle mesure ces omissions ont pu mener à laisser de côté des pistes de réflexion stimulantes, injustement marginalisées.

Pour cela, on commencera par proposer une relecture critique des travaux pionniers en termes de définition du jeu, dont les limites décisives ont été très marginalement mises en évidence par leurs commentateurs. Sur la base de cette réévaluation des définitions du jeu existantes, on proposera une définition plus restrictive, mais se voulant aussi par-là plus rigoureuse et, partant, opératoire. Enfin, dans le cadre d’une esquisse de typologie,

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on montrera l’intérêt qu’il peut y avoir à séparer clairement les questions de la pertinence motrice et de l’institutionnalisation, afin de montrer que celle-ci peut très bien concerner – aussi – des activités auxquelles celle-là est étrangère.

Retour critique sur les « classiques »

« Le jeu est plus ancien que la culture » (Huizinga, 1938/1951, p. 15). Fort de cette déclaration d’intention, Huizinga se livre, en 1938, dans son célèbre Homo Ludens, à un long travail de définition avec, en arrière-plan, la conviction que la culture découle du jeu, plus exactement qu’elle « nait sous forme de jeu » (Ibid., p. 84). Deux décennies plus tard, Caillois (1958/1967) publie Les Jeux et les hommes, où il propose une lecture critique de son prédécesseur, avant de donner sa propre définition, au demeurant très similaire. Ces deux ouvrages, élevés au rang de références incontournables, sont abondamment cités et critiqués. Toutefois, il semble que bien peu d’auteurs se soient véritablement interrogés sur les fondements ou, plus exactement, les présupposés de ces travaux pionniers. C’est l’objectif des lignes qui suivent.

Une confusion entre jeu(x) et « Idée » de jeu

Il faut commencer par souligner que Huizinga et Caillois ne partent pas de rien, mais sont les héritiers d’une longue évolution de la pensée européenne sur le jeu. À l’époque médiévale, celle-ci s’attèle surtout à distinguer, d’une part, de « bons » et de « mauvais » jeux et, d’autre part, un bon et un mau-vais usage des jeux : la question relève de la morale et appelle une réponse normative (Duflo, 1997, p. 7-11, 18-22).

Un retournement fondamental s’effectue avec la publication par Schiller, en 1795, des Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, dont nombre d’ouvrages consacrés au jeu ont extrait cette citation fameuse : « [L]’homme ne joue que là où dans la pleine acception de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là où il joue » (Schiller, 1795/1992, p. 221). Sans entrer dans les détails de la démonstration du poète allemand, qui trouve dans la « tendance au jeu » (Spieltrieb) une solution aux contradictions de la condition humaine, il faut retenir un point crucial : il est ici question du jeu, pris comme une « Idée » au sens kantien, un concept philosophique qui permet à Schiller de sortir d’une impasse intellectuelle. À l’opposé, les jeux se voient qualifiés dans le même texte d’« objets frivoles » (Schiller, 1795/1992, p. 219), introduisant une distinction fondamentale entre un mode de comportement humain, l’idée du jeu, et les artéfacts que sont les jeux, objets que Schiller prend bien soin d’exclure de son propos.

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Insensible à une telle distinction, Huizinga fait du jeu une « catégorie de la vie immédiatement reconnaissable pour chacun et absolument primaire, […] une totalité, s’il est jamais quelque chose qui mérite ce nom » (1938/1951, p. 18). Le principal reproche que l’on peut adresser à l’historien néerlandais relève alors de la logique. En effet, il commence par donner la définition suivante : « [Le jeu est une] activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie, mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie, et d’une conscience d’“être autrement” que la “vie courante” » (Ibid., p. 51). Puis, tout à sa démonstration que le jeu est décelable dans la totalité des activités humaines, il constate que certaines des caractéristiques énumérées conviennent effectivement assez bien pour décrire, entre autres, la justice ou la guerre.

En somme, une bonne partie du raisonnement de Huizinga repose sur un sophisme2, et encore l’une des prémisses de ce dernier ne relève-t-elle que de la spéculation. Un commentateur de Huizinga précise cette critique lorsqu’il relève avec justesse que « la politique peut devenir un jeu. Mais, dans la mesure précisément où elle est dévoyée, détournée de sa mission. […] Une institution sociale n’est pas en soi ludique, et ne peut pas l’être en tant qu’institution primaire » (Cazeneuve, 1967, p. 734, je souligne).

Pour sa part, et bien qu’il reprenne à son compte l’essentiel de la défini-tion du jeu de l’historien néerlandais, Caillois préfère nuancer la thèse défen-due dans Homo Ludens, en contestant la préséance du jeu sur la culture, à laquelle il préfère substituer un rapport de complémentarité, de connivence (1958/1967, p. 126-127). Cette critique, présentée comme fondamentale, ne change pourtant pas le fond du problème : le jeu continue d’être considéré comme une essence. Pire, toute la démarche de Caillois pose problème : comme Huizinga, on ne sait jamais bien, au long de son ouvrage, s’il traite des jeux ou plutôt du jeu, perçu comme une manière d’être au monde, une attitude humaine, décelable autant dans la politique que dans la religion ou encore l’art dramatique.

Un troisième auteur, Jacques Henriot, quoique très critique à l’égard des deux précédents, les suit sur ce point3, en affirmant : « Le Jeu est idée, au même titre que l’Amour, l’Enfance, la Mort, l’Art ou la Poésie » (Henriot, 1989, p. 24).

En somme, nombre de théoriciens considèrent, qu’ils l’admettent comme Henriot ou qu’ils ignorent la question, que le jeu est une essence. Il ne s’agit pas ici de défendre une position de principe, mais de montrer en quoi cette posture ne peut qu’aboutir à une définition insatisfaisante du jeu. Considérer celui-ci comme une essence, plutôt que comme une réalité socialement construite, fausse toute tentative de le définir, en butant sur deux écueils assez similaires. On a déjà évoqué le sophisme qui consiste

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à considérer comme jeu toute activité présentant un ou plusieurs points communs avec ce qui est, auparavant, défini comme relevant du jeu. Il y a plus grave : Huizinga, Caillois, Henriot et d’autres sont contraints, dans leur raisonnement, de définir le jeu par lui-même. C’est-à-dire qu’ils partent de tout ce que la langue rassemble sous le terme « jeu », activités dont ils tirent des caractéristiques diverses, qu’ils synthétisent dans une définition. Puis ils reviennent à leurs exemples initiaux en soulignant à quel point ces derniers correspondent à la définition proposée particulièrement large. Celle-ci, bien que présentée comme une « Idée », ne s’est donc à vrai dire jamais abstraite d’une réalité sociale, d’une conception du jeu située dans le temps comme dans l’espace, bien qu’elle prétende relever de l’abstraction.

Les apports de la linguistique

Pour sortir de cette impasse, il faut commencer par s’arrêter sur un point fondamental : les exemples de jeu retenus par nos théoriciens sont ceux que leur langue désigne comme tel, et c’est sans doute là le principal point aveugle de leur raisonnement.

Caillois lui-même, dans une phrase manifestement ajoutée après-coup à l’un des dossiers concluant son ouvrage, prend conscience du problème et va jusqu’à affirmer : « Ce sont des données si hétérogènes qui sont chaque fois étudiées sous le nom de jeux, qu’on est porté à présumer que le mot jeu est peut-être un simple leurre qui, par sa généralité trompeuse, entretient des illusions tenaces sur la parenté supposée de conduites disparates » (Caillois, 1958/1967, p. 311-312). Henriot, pour sa part, ne se contente pas de souligner la difficulté, mais y répond par une question rhétorique : « Si l’on peut dire que l’enfant “joue”, que le musicien “joue”, que le bois “joue”, cette identité de termes ne doit-elle pas être posée comme une parenté de sens ? » (1989, p. 24). Il reprend un argumentaire également développé par Huizinga (1938/1951, p. 51-73), assumant une vision évolutionniste des langues et suivant lequel, ce sont les langues les plus élaborées qui ont su forger un terme synthétique, « jeu », désignant des activités que d’autres langues ne sont pas capables de réunir sous une même notion.

Comment considérer cette supposition comme autre chose qu’une hypothèse bien générale, sinon une pure spéculation ? Il ne suffit pas d’affir-mer qu’« il doit y avoir quelque chose en commun » à toutes les activités dési-gnées par le terme « jeu », « mais il faut observer s’il y a bien quelque chose de commun à toutes » (Wittgenstein, 1951/2004, p. 64). De fait, et sans même parler du jeu, les exemples abondent de différences entre les langues, dans leur manière de diviser le réel afin d’en rendre compte, ce qui implique, au minimum, de n’admettre cette « parenté de sens » évoquée par Henriot que dans un contexte culturel donné.

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Sur ce point, l’analyse du linguiste Louis-Jean Calvet est décisive4. Il rappelle que toutes les langues ne désignent pas de la même manière ce que le français, l’anglais, l’allemand et le néerlandais appellent jeu. La majorité des langues latines – en dehors du français, justement – n’établissent pas de lien entre activités ludiques et artistiques : pour un comédien et un ins-trumentiste, l’italien préfère les verbes recitare et suonare à giocare, tandis que l’espagnol substitue dans les mêmes cas representar et tocar à jugar (Calvet, 1978, p. 14-15), ce qu’ignore Huizinga en ne retenant que la racine latine iocus. L’accumulation d’exemples du même type permet d’arriver à la conclusion suivante : « le théâtre et la balançoire ne sont des jeux que parce que la langue le veut bien, ce qui ne suffit pas à fonder une analyse théorique » (Ibid., p. 207).

En somme, voir des jeux partout où il y a le mot « jeu » consiste à pos-tuler qu’un même signifiant désigne nécessairement un lien structurel entre les signifiés auxquels il renvoie, ce qui revient à prendre le modèle pour la réalité5. On aboutit dès lors à une « chimère métaphysique », « comme on forgerait une idée abstraite de chien en mêlant des caractéristiques prises de l’animal et d’autres prises de la constellation » (Chauvier, 2007, p. 15-18).

Par conséquent, on partira ici du principe suivant lequel « le jeu n’existe pas, il n’y a que les jeux, et les diverses façons de les pratiquer » (Ibid., p. 16, souligné par l’auteur), avec comme objectif de définir les jeux et non le jeu ou l’Idée du jeu. C’est le sens de la citation de Barthes proposée en exergue.

Les jeux : essai de définition

Les jeux : des dispositifs pratiques

Avant de pouvoir proposer une définition, un point reste à éclaircir. L’une des questions récurrentes lorsqu’il s’agit de définir le(s) jeu(x), consiste à établir s’il s’agit de définir une forme ou un contenu. Le point de vue essentialiste tend vers la première option : le jeu est une forme, un type de comporte-ment, capable de s’emparer de tout objet, de s’immiscer dans toute activité humaine. Inversement, l’approche défendue ici pourrait, en premier ressort, aboutir à considérer les jeux comme des contenus, des objets bien spécifiques, ne présumant pas des modalités de leur appropriation par les joueurs.

En réalité, cette opposition, centrale dans la démonstration de Huizinga et Henriot, pourrait bien passer à côté de l’essentiel et n’aboutir qu’à une aporie. Si je veux désigner le jeu d’échecs, avec ses diverses caractéristiques, ses règles et son histoire, je suis face à un contenu et non à une forme : l’artéfact « jeu d’échecs », par ailleurs identifiable par tout un chacun, est doté d’un certain nombre de caractéristiques permettant de l’isoler – parmi

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lesquelles la forme du plateau, le nombre de pièces et les règles régissant leurs déplacements. Cette approche est indispensable et permet de disqua-lifier le discours de Huizinga sur le bridge qui, encombré de stratégies com-plexes, de littérature technique et d’entraineurs rémunérés, ne serait plus un jeu, étant devenu « une affaire mortellement sérieuse » (Huizinga, 1938/1951, p. 272). Le bridge est bien, indiscutablement, un jeu, indépendamment de l’approche normative qui voudrait opposer jeu et sérieux. Inversement, si je me trouve confronté à une activité à priori non ludique qui, par l’évolution de l’attitude et des attentes de ses pratiquants, devient un jeu, j’ai besoin pour l’expliquer d’identifier une forme ludique, capable de s’insinuer dans à peu près n’importe quelle réalité humaine.

Il est possible de dépasser cette opposition, en considérant les jeux comme des « dispositifs pratiques artificiels »6 (Chauvier, 2007, p. 50), autrement dit des cadres créés pour mettre des joueurs en action, en leur donnant un but et des moyens pour l’atteindre. Ni contenus ni formes, ils sont des systèmes de moyens et de fins, dans lesquels le joueur entre comme on entre « dans un certain rôle pratique » (Ibid., p. 48, souligné par l’auteur). Ces dispositifs remplissent un certain nombre de conditions qu’il reste à établir.

Vers une définition

Intérêt des définitions « classiques » des jeux

Les définitions « classiques » ont été abondamment commentées et critiquées. C’est notamment le cas de deux caractéristiques complémentaires mises en avant par Huizinga et Caillois, la gratuité et l’improductivité, qu’on peut réunir en parlant de caractère autotélique des jeux7.

Critique, Thierry Wendling rappelle que, loin d’être improductif et séparé de la vie courante, « le jeu produit du mythe, le jeu suscite des senti-ments esthétiques, le jeu confectionne un temps spécifique, le jeu engendre des champions… » (2002, p. 35). En cela, l’anthropologue dépasse toutefois le niveau de la définition et décrit une manière parmi d’autres de jouer. Il oublie que nombre de jeux ne produisent aucun mythe ni expérience esthétique, alors que tous partagent la caractéristique d’une gratuité a priori.

Cet exemple représentatif met en évidence le fait que nombre de critiques des définitions « classiques » demeurent en surface, en perpé-tuant une erreur que je n’ai pas encore évoquée, qui consiste à mettre sur le même plan les jeux et les modalités de leur pratique (Salen et Zimmerman, 2004, p. 75-80), erreur reproduite par exemple par Jesper Juul lorsqu’il ajoute à sa définition des jeux l’attachement des joueurs au résultat (2005, p. 36 et 40).

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Objectifs et règles ludiques

En réalité, c’est une tout autre critique qu’il faut adresser aux définitions « classiques » : il leur manque l’essentiel, la description du dispositif qu’est un jeu. Il faut les compléter en ajoutant, premièrement, la notion d’objectif. Un objectif peut être identifié dans tous les jeux, même les moins forma-lisés. Prenons l’exemple d’un enfant qui saute d’un escalier et, à chaque fois, réitère sa tentative depuis une plus haute marche ; le jeu prendra fin à cause d’une chute ou parce que le joueur n’osera pas s’élancer. Le jeu – ou « quasi-jeu », tel que je le désigne dans le tableau ci-après – est motivé ici par un objectif interne, assez vague, mais bien réel – qu’il soit ou non formulé – qui fait aussi, dans cet exemple simple, office de règle. Si l’on retient un exemple plus élaboré, celui des échecs, on retrouve la même structure. L’objectif est de mater le roi adverse – qu’on soit débutant ou joueur professionnel, soulignons-le une nouvelle fois. Qu’il ait été décidé, à une époque et en un lieu donné, que les échecs pouvaient donner lieu à une forme de rémunération, n’entre pas ici en ligne de compte et il s’agit d’un objectif externe au jeu lui-même. En cela, les jeux se définissent, d’abord, indépendamment de l’attitude, des attentes, des mythes qui peuvent ou non les entourer, par un objectif interne.

Deuxièmement, cet objectif ne peut être atteint et, même, ne peut avoir de sens, qu’en rapport avec un ensemble de contraintes acceptées par les protagonistes (Chauvier, 2007, p. 19), qui déterminent les modalités de déplacement et de capture des pièces sur l’échiquier – elles sont le deuxième élément constitutif de tout jeu. Ces contraintes se traduisent par un ensemble de règles, qui définissent un jeu donné, au même titre que son objectif et en rapport avec lui. On aboutit ainsi à la notion de « règles constitutives » : les jeux – mais d’autres activités sont concernées par cette caractéristique – ne sont jeux que parce que leurs pratiquants suivent des règles qui sont consti-tutives de ces jeux (Chauvier, 2007, p. 33-34).

Enfin, un troisième et dernier élément du dispositif ludique est que le résultat du jeu doit être mesurable, c’est-à-dire sanctionné par un résultat. C’est « l’issue mesurable » (« quantifiable outcome ») dont parle Jesper Juul (2005, p. 36-38), dont on notera toutefois qu’elle est sous-entendue par la notion d’objectif, qui ne peut qu’être atteint ou non, quelle que soit sa nature. En effet, l’objectif ludique, on l’a dit, n’a de sens que par rapport à des contraintes – et réciproquement. Or le rôle de ces dernières est pré-cisément de rendre possibles à la fois la réussite et l’échec, la victoire et la défaite. En ce sens, l’âme des jeux, c’est « ce qui fait perdre » (Chauvier, 2007, p. 49-52).

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Désapprendre la typologie de Caillois

On a donc deux éléments nécessaires et suffisants pour définir un jeu. Le premier consiste en un objectif interne absolument arbitraire, qui donne au jeu sa raison d’être et qui n’a pas, a priori, d’impact en dehors de ce même jeu. S’ajoute un ensemble de règles, tout aussi arbitraires, fixant les moda-lités permettant d’atteindre l’objectif. Ces deux éléments n’ont de sens que l’un par l’autre et se combinent pour rendre possible la défaite comme la victoire. Une telle définition fragilise la typologie ludique proposée par Caillois (1958/1967, p. 50-72) et largement reprise. Le sociologue y distingue quatre grandes catégories de jeux : l’« agôn » réunit les jeux qui consistent en une compétition, l’« aléa », les jeux « fondés sur une décision du destin », le simulacre ou « mimicry », ceux où l’on fait croire qu’on est un autre et, enfin, l’« ilinx » concerne les jeux liés à la recherche du vertige physique ou psychologique.

Cette catégorisation a été beaucoup critiquée (voir par exemple un assez long développement sur ce point dans Bernard, 2005, p. 55-61), mais ce ne sont le plus souvent que les insuffisances inhérentes à tout modèle, par son inévitable tendance à simplifier le réel et à en effacer les nuances, qui ont été mises en évidence. Caillois lui-même souligne ces limites, montrant que certaines pratiques peuvent appartenir, à des degrés variables, à plusieurs catégories à la fois (1958/1967, p. 150). Il semble plus important de formuler une critique visant les fondements mêmes de cette typologie – ou au moins certaines utilisations qui en ont été faites.

Si l’on accepte que la notion d’objectif soit centrale pour définir les jeux, alors tout jeu implique, à un degré ou un autre, une forme de compétition, y compris s’il s’agit d’une « compétition avec soi-même » (Yonnet, 2004, p. 72). Dans tout jeu, il faut affronter un certain nombre d’obstacles contenus dans les règles. Les contraintes évoquées plus haut sont génératrices de compéti-tion : on cherche à faire mieux que les autres ou, en l’absence d’adversaire, le mieux possible et ce mieux peut se mesurer à l’aune de l’objectif fixé au départ. Voilà qui ne se contente pas de rendre superflue, dans la typologie de Caillois, la présence de la catégorie « agôn », puisque les jeux de hasard ne font pas exception, bien au contraire : on y affronte d’autres joueurs et le fait qu’on s’en remette au hasard pour désigner le vainqueur n’annule aucu-nement la compétition. Les jeux et la compétition entretiennent donc une relation structurelle, la seconde étant constitutive des premiers8.

Enfin, la question du simulacre permet de résumer la totalité de ce qui précède. Il semble en effet difficile de déceler a priori une dimension agonistique dans des pratiques telles que de jouer à la dinette ou à la poupée, ou encore de s’imaginer le héros d’une aventure policière – même si toutes

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peuvent servir de cadre à divers jeux dont les protagonistes auront fixé les règles. Posons la question autrement : puisqu’on joue à la dinette, la dinette est-elle pour autant un jeu ? C’est dans cette formulation que se situe l’une des clés du problème. Pour répondre, il faut dissocier le « jouer » du « jeu », ce que font les anglophones avec play et game. Le jouer ou action de jouer peut, dans la langue française, être approximativement synonyme de s’occuper – en particulier dans le langage de l’enfance – ou de se divertir, au même titre que le fait de tendre et détendre un élastique au bout de ses doigts. La personne qui fait cela joue peut-être, mais elle ne joue pas à un jeu : « Le concept d’un jeu n’est pas le concept d’un acte déterminé de jouer » (Chauvier, 2007, p. 15, souligné par l’auteur).

On retiendra donc que le simulacre et le hasard – mais aussi le vertige, pour lequel vaut la même démonstration – peuvent être des ingrédients du jeu, mais pas leur caractéristique première, rôle tenu par la compétition. Ce qui n’empêche pas que la définition proposée ici, aussi restrictive qu’elle puisse paraitre, laisse le chercheur face à un ensemble d’objets au sein des-quels il reste à tracer de nouvelles lignes de démarcation pertinentes.

Jeux, jeux conventionnels, sports : comment et pourquoi classer le réel

Pour effectuer un tel tri, diverses typologies ont été proposées, insistant sur telle ou telle opposition, telle ou telle discontinuité entre pratiques ludiques. Ces découpages du réel ont été effectués essentiellement dans le but d’isoler les sports d’autres pratiques physiques, reléguant au second plan d’autres options tout aussi porteuses.

Quelques cas-limites

La définition proposée a permis d’exclure des pratiques ne se définissant pas par leur objectif et les règles permettant de l’atteindre : la politique ou la guerre, mais aussi le théâtre, la musique, des activités de simulacre comme la dinette, les calembours – toutes des réalités qu’incluent les définitions « traditionnelles ». On peut tout au plus attribuer à certaines pratiques, que le sens commun associe spontanément à la sphère ludique, le vocable « pseudo-jeu » : objectif et règles en sont mal définis et le plus souvent tacites, mais on y décèle un proto-dispositif ludique – certaines comptines, par exemple, peuvent être incluses ici.

Il reste en revanche des cas-limites, identifiés notamment par des auteurs intéressés par les jeux vidéos (Juul, 2005, p. 44 ; Salen et Zimmerman, 2004, p. 81-82). Ce sont des jeux dont les règles sont claires, mais l’objec-tif moins bien établi, le jeu vidéo Sim City faisant figure d’exemple type.

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Dans ce jeu où l’on endosse le rôle d’un maire-aménageur, l’environne-ment créé par les concepteurs permet et ne permet pas un certain nombre d’actions ; il y a donc un cadre règlementaire, doublé d’un objectif tacite – avoir des administrés nombreux et satisfaits. Cependant, cet objectif n’est pas mesurable, au sens où il n’y a pas de situation dans laquelle le joueur peut affirmer avoir ou non gagné ; il n’est pas plus possible de perdre – une majorité de mécontents ne poussera pas le maire à la démission, et donc à la défaite du joueur. Le terme « jouets vidéo » a été proposé (Juul, 2005, p. 35 ; Natkin, 2004, cité dans Alvarez, Djaouti et Rampnoux, 2011, p. 56), mais le support informatique, par les contraintes qu’il impose au joueur, en permettant et prévenant certaines actions, peut être assimilé à un corpus de règles9, à des caractéristiques du dispositif ludique tel qu’on l’a décrit. Celui-ci s’impose au pratiquant, même s’il lui laisse une certaine liberté. Je propose donc plutôt le terme « quasi-jeux ».

Cet exemple parmi d’autres, à la lisière de la définition retenue, ne consti-tue pas l’objet d’un débat crucial, ne serait-ce que parce que son statut tend, par définition, à donner lieu à des discussions condamnées à ne pas aboutir à une conclusion claire. On retiendra que des jeux de ce type ont en commun une codification embryonnaire, liée à la réalisation d’un objectif mal ou non défini. Lorsque cette codification se précise, alors peut-on parler de jeux10.

Pertinence motrice et institutionnalisation : deux manières de voir

La pertinence motrice : point aveugle révélateur

C’est parmi ces jeux qu’intervient la question de la définition du sport. On a évoqué, en introduction, la question de la pertinence motrice, qui semble aller de soi pour beaucoup d’auteurs et n’est donc mise en avant que par quelques-uns. Elle trace une limite nette entre, d’une part, des activités allant de la pétanque au football, en passant par saute-moutons et les fléchettes et, d’autre part, des pratiques réunissant morpion, petits chevaux, échecs et mots croisés. Elle s’oppose assez clairement à l’argumentaire développé par les responsables fédéraux de certains jeux, désireux d’obtenir le statut de sport par décision ministérielle, qui mettent en avant l’endurance physique que nécessitent les pratiques concernées, en particulier dans le cadre de compétition de haut niveau.

C’est le cas des dirigeants de la Fédération française des échecs (FFE), qui militent depuis plusieurs années pour la reconnaissance de ce jeu comme sport – auprès de la classe politique française et du Comité international olympique (CIO). Interrogés sur la question, ils s’insurgent contre l’attribution du statut de sport à des pratiques comme la pétanque – que l’un d’entre eux,

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lors d’un entretien sur le sujet, pour appuyer son argumentaire, associait avec complaisance à l’indolence méridionale – et soulignent les qualités d’athlètes dont font preuve certains joueurs d’échecs de haut niveau. En cela, ils passent toutefois à côté de l’essentiel : les échecs se caractérisent par leur pertinence combinatoire et symbolique, pas motrice (Parlebas, 2005).

De fait, l’intéressant n’est pas tant le contre-sens des dirigeants de fédérations en quête de reconnaissance, mais plutôt le fait que les définitions du sport ont tendance à bruler une étape en n’insistant pas, contrairement à celle de Parlebas, sur cette question de la motricité. Ainsi, lorsqu’Elias (1986/1994, p. 218-238) utilise la chasse au renard comme exemple fondateur de transformation d’une activité en sport par sa codification et l’imposition de contraintes dans la manière d’atteindre un but, il omet que la codification ne fait pas le sport, elle fait le jeu. Lorsque cette codification s’universalise, elle ne définit toujours pas le sport, mais peut aussi bien concerner des jeux à pertinence combinatoire. Elle est un processus tout à fait indépendant de la motricité. De la même manière, lorsque Bourdieu (1984/2002) décrit l’autonomisation du champ sportif, il n’interroge pas non plus la motricité, celle-ci est un présupposé de la réflexion.

Il y a donc dans la réflexion sociologique sur le sport le cheminement suivant. Premièrement existent des activités physiques, mais non ludiques, comme, parmi une infinité d’exemples, courir pour son bienêtre ou sauter à clochepied pour se divertir. Viennent ensuite des activités motrices codi-fiées, comme la marelle ou saute-mouton. Arrivent enfin des pratiques qui se distinguent des précédentes par le fait qu’elles ont suivi un processus de sportification ou institutionnalisation. Institution est ici à comprendre à la fois dans les deux sens habituels du terme (Dubet, 2006) : premièrement, les jeux codifiés sont des institutions au sens très large de pratiques sociales relativement stables et transmises d’une génération à l’autre ; deuxièmement, certaines pratiques ludomotrices se dotent d’institutions au sens de groupe-ments avec leurs règles, régissant à la fois le fonctionnement interne de ces groupements et les modalités de pratique des jeux concernés. Autrement formulées, des pratiques ludomotrices se sont autonomisées par rapport à d’autres pratiques sociales, notamment par rapport aux célébrations reli-gieuses, dont elles pouvaient constituer des éléments secondaires (Vigarello, 2009), et leurs pratiquants se sont réunis dans des clubs et des fédérations, celles-ci étant chargées d’élaborer des règlements visant à définir des modes de pratique légitimes et d’organiser des compétitions nationales et interna-tionales (Bordes, 2009 ; Guttmann, 1978/2006 ; Parlebas, 1995, 1999).

Une telle description consiste à suivre la colonne de droite du tableau (figure 1), dont l’unité est la motricité. Les travaux sur l’institutionnalisation ont permis d’identifier des discontinuités cruciales entre des activités que le

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sens commun tend à associer abusivement, du fait de la pertinence motrice commune à toutes. Ce qui revient, dans le même temps, à ignorer d’impor-tantes passerelles avec d’autres pratiques ludiques.

fIgure 1

Les activités ludiques, schéma récapitulatif

QUASI-JEUX– Règles– Pas d’objectifs précis

QUASI-JEUX– Règles– Pas d’objectifs précis

QUASI-JEUXINSTITUTIONNELS

QUASI-JEUXINSTITUTIONNELS

SPORTS– Règles �xées par une fédération– Existence de clubs– Compétition instituée

JEUX INSTITUTIONNELS

– Règles �xées par une fédération– Existence de clubs– Compétition instituée

PERTINENCE COMBINATOIRE

(Calembours, rondes, comptines)

Codi�cation partielle

(Sim City, jeux de rôles)

(Petits Chevaux,morpion)

Institutionnalisation partielle

(Belote aux enchères, Othello)

(Bridge, échec, go)

INSTITUTIONNALISATION

PSEUDO-JEUX– Règles– Pas d’objectifs précis

JEUX– Règles– Objectif ludique

PERTINENCE MOTRICE

(Course à pieds,saut à l’élastique)

Codi�cation partielle

(Épervier, marelle, saute-mouton)

Institutionnalisation partielle

(Joutes lanquedociennes)

(Fooball, course à pieds, natation, pétanque)

« SPORTIFICATION »

CODIFICATION

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Que faire des jeux institutionnels?

En effet, les pratiques ludomotrices ne sont pas les seules à avoir suivi un processus d’institutionnalisation : on décèle également les caractéristiques de ce phénomène dans des jeux à pertinence combinatoire. Ainsi, de même que les country clubs anglais ont permis l’unification des règles du football au xixe siècle, d’abord à l’échelle nationale (Elias, 1986/1994, p. 49-50), des jeux comme le whist, puis le bridge, ont progressivement vu leurs règles se fixer et apparaitre dans des règlements officiels, publiés par les principaux clubs de gentlemans, comme celui de Portland (Parlett, 1991, p. 215-222), auquel le code édicté par la World Bridge Federation (WBF) rend encore aujourd’hui hommage. De même, les premiers matchs par correspondance entre clubs d’échecs débouchent sur la rédaction de règles communes qui, progressivement, se généralisent (Wendling, 2002, p. 145-146).

Puis, toujours suivant un processus similaire à celui suivi par le sport, l’institutionnalisation des jeux conventionnels s’est manifestée par l’émer-gence de « corps de spécialistes » distincts des pratiquants (Bourdieu, 1984/2002, p. 174), autrement dit par une bureaucratisation des pratiques (Guttmann, 1978/2006, p. 38-39). Certains de ces « spécialistes » sont garants du bon fonctionnement des fédérations, d’autres du respect des règles fédé-rales : à titre d’exemple, environ 3 % et 2 % respectivement des licenciés à la Fédération française de bridge (FFB) et à la Fédération française d’échecs (FFE) sont titulaires d’un diplôme arbitral. D’autres encore écrivent dans des journaux spécialisés, entrainent les meilleurs joueurs, organisent des compétitions.

Témoins du caractère avancé de l’institutionnalisation de plusieurs jeux conventionnels, leurs règles se parent d’une complexité croissante visant toujours plus à « mettre en ordre » (Parlebas, 1995) les pratiques et à circons-crire des manières « légitimes » de jouer. Les rapports entre participants des compétitions sont encadrés, la taille des instruments – cartes, plateaux de jeu, tables – standardisés, les classements internationaux, nationaux et régionaux de plus en plus souvent mis à jour.

On voit donc que l’institutionnalisation n’est pas nécessairement une sportification, en ce sens qu’elle concerne aussi des jeux conventionnels, dont la pertinence n’est pas motrice et qui, bien qu’institutionnalisés, ne sont pas des sports. Et, s’ils ne sont pas des sports, ils partagent toutefois avec ceux-ci des points communs incontournables pour leur étude historique, sociologique, géographique ou autre.

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Conclusion

Les travaux pionniers de Huizinga et Caillois font aujourd’hui référence et peut-être est-ce là, en un sens, que se situe finalement leur principale faiblesse. Les critiques qui leur sont ici adressées ne valent en effet pas véri-tablement pour l’objet sur lequel travaillent finalement ces deux auteurs, qui est l’esprit du jeu, du ludique, qu’ils tentent de déceler au sein des sociétés humaines. Leur approche, à laquelle il manque d’être plus explicite et mieux assumée, consiste à utiliser le jeu comme un concept philosophique, comme une catégorie du comportement humain. Cette posture a été reprise en psychanalyse par Winnicott (1971/1975), puis plus récemment en sciences sociales, par une « socioanthropologie du jeu » (Delchambre, 2009), dans laquelle la notion de jeu sert de cadre d’analyse, sans qu’il soit nécessaire-ment question de pratiques ludiques spécifiques, de « jeux concrets » (Ibid.).

C’est donc surtout leur utilisation dans le cadre d’analyses sur les jeux qui, paradoxalement, pose problème. Le chercheur désireux de travailler sur les jeux se doit en effet de définir quelles activités ne peuvent être qualifiées que de jeux (Chauvier, 2007, p. 10), ce qui implique de changer de focale et, surtout, d’éviter trois dérives possibles. La première consiste à élaborer une définition normative des jeux, réservant ainsi leur pratique à certaines catégories sociales – par exemple les enfants – ou encore excluant certaines manières de jouer de la définition – par exemple celle des joueurs profes-sionnels. La deuxième revient à chercher une essence des jeux, là où il n’y a que des objets ou, plus précisément, des « dispositifs d’action » possédant une série de caractéristiques communes.

Plutôt que de se contenter de spéculations, l’appropriation des jeux par les sciences sociales doit s’appuyer, avant tout, sur des bases empiriques. Il s’agit de mettre en garde contre la confusion des genres en prenant acte de l’émancipation des sciences sociales à l’égard de la philosophie, qui manie des abstractions sans être soumise à la tension de l’empirie (Lévy, 1999, p. 37-38). De telles abstractions sont transposables aux sciences sociales, en témoigne l’exemple de la « socioanthropologie du jeu » évoquée plus haut. Elles ne peuvent néanmoins se réduire à une confusion a priori entre concept du jeu et réalité sociale des jeux, qui brouille les pistes quant à la compréhension de ces derniers et des conditions sociales de leur pratique.

Il faut donc, plutôt que de balayer d’un revers de main les incohérences des définitions existantes, relever le défi et céder à la « tentation définition-nelle » disqualifiée par Thierry Wendling (2002, p. 34-40). Définir les jeux a minima comme on l’a fait dans les paragraphes qui précèdent, loin d’être un luxe ou un exercice de style, est en effet une condition de leur constitu-tion comme objet de recherche. La troisième erreur consiste à confondre les jeux et les joueurs, définissant les premiers à l’aide des comportements

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et représentations des seconds. Or définir les jeux consiste à prendre le temps de les décrire, description dont l’enjeu est de ne pas rater l’essentiel11 : elle est une étape indispensable pour être en mesure de comparer les jeux entre eux, mais aussi et surtout, d’étudier sur cette base l’infinie diversité des manières de les pratiquer et de discourir sur eux, suivant les groupes humains, les lieux et les époques.

Justement, cette diversité des actions de jouer, du jeu, constitue un objet d’investigation scientifique, mais ne peut se laisser enfermer dans des définitions, celles-ci étant condamnées à n’aboutir qu’à deux situations éga-lement insatisfaisantes : soit l’émergence d’un concept « polymorphe » du jeu, trop théorique et condamné à être sans cesse redéfini selon l’objet particulier de recherche ; soit celle de concepts « sténographiques », valables pour des terrains spécifiques, mais exclus de toute généralisation (Passeron, 1991).

Par ailleurs, il est compréhensible que les tentatives de définition du sport se soient faites en regard d’autres activités ludomotrices, i.e. en tendant à ignorer, consciemment ou non, les jeux privés de « pertinence motrice ». On a montré que ce découpage du réel n’en est qu’un parmi d’autres, ouvrant la voie à des investigations, là encore plus rigoureuses, des jeux conventionnels – institutionnalisés ou non – par les sciences sociales.

nOtes

1. Je tiens à remercier les deux relecteurs anonymes pour leurs remarques. Ma reconnaissance va également à Gilles Fumey, professeur de géographie à l’uni-versité de Paris-Sorbonne et directeur de la thèse de doctorat, soutenue en 2010, dont est en grande partie tiré ce texte. Enfin, j’adresse mes remerciements aux membres de l’équipe du laboratoire junior « Jeux Vidéo » de l’ENS-Lyon, avec lesquels j’ai eu l’occasion de discuter une partie des idées présentées ici.

2. Reconnaissons à Huizinga qu’il est le premier à admettre, en introduction, les insuffisances d’un travail pionnier. De plus, Homo Ludens a été rédigé dans le contexte de la menace exercée sur l’Europe par l’avènement en Allemagne du nazisme. Le désir de mettre en avant la dimension ludique des institutions sociales peut alors être interprété comme une critique du national-socialisme, la rigueur scientifique passant au second plan. Merci à Thierry Wendling de m’avoir signalé cette lecture originale de l’ouvrage de Huizinga (Wendling, 2000).

3. Henriot a le mérite de s’attaquer à certains impensés des propositions de Huizinga et Caillois, ce qui lui permet d’aboutir à une définition à la fois plus rigoureuse et plus complexe : « On appelle jeu tout procès métaphorique résultant de la décision prise et maintenue de mettre en œuvre un ensemble plus ou moins coordonné de schèmes consciemment perçus comme aléatoires pour la réalisation d’un thème délibérément posé comme arbitraire » (1989, p. 300). Définition qui, toutefois, ne se départ pas de l’approche essentialiste combattue ici.

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4. Eu égard à ce qui vient d’être rappelé, je souligne l’importance de l’analyse de Calvet non par les données qu’il mobilise, proches de celles mises en avant par Huizinga, mais par le fait que le linguiste se défait de l’ethnocentrisme et de l’évolutionnisme qui sous-tendent tout le raisonnement de Huizinga, pour qui les langues germaniques – dont le néerlandais – l’emportent sur les langues romanes et les langues plus anciennes par leur capacité d’abstraction, qui les rend aptes à identifier la notion synthétique de jeu.

5. Et ignorer la mise en garde formulée par Nietzsche (1873/1991) contre le risque de considérer la vision du monde contenue dans sa langue comme la seule pos-sible, alors que le langage ne permet pas de posséder plus que « la métaphore des choses ».

6. L’idée de dispositif pratique me semble plus adaptée que celle de « système » (Salen et Zimmerman, 2004, p. 80), très large et un peu abstraite.

7. Caractère qui, paradoxalement, entre en totale contradiction avec la thèse de Huizinga : encore une fois, la politique – au même titre que la guerre et la religion – n’a pas sa fin en soi, mais vise explicitement un but qui la dépasse (Cazeneuve, 1967, p. 733), ce qui l’exclut de la définition du jeu de Huizinga lui-même.

8. Ce que perçoit bien Huizinga, mais celui-ci renverse la logique en affirmant, sans qu’on voie ce qui lui permet d’arriver à cette conclusion, que toute compétition relève du jeu. Ce n’est pas, comme il le dit, « l’agôn [qui] accuse tous les traits formels du jeu » (1951 [1938], p. 62), mais bien le contraire.

9. Quoique bénéficiant d’une liberté d’action et d’interprétation, le joueur ne peut entièrement s’abstraire d’injonctions contenues dans le fonctionnement du jeu et traduisant les partis pris des concepteurs (Ter Minassian et Rufat, 2008).

10. Le passage du « mal codifié » au « bien codifié » ne correspond pas à une rupture nette : il n’y a pas entre les quasi-jeux, les pseudojeux et les jeux des lignes de démarcation, mais un gradient, une évolution continue.

11. Je reprends la démarche préconisée par Jacques Lévy (1999, p. 205-206) pour décrire et donc définir la ville, étape indispensable pour être en mesure de comparer les villes et types de villes entre eux et s’interroger « sur ce que les villes ont à voir avec les sociétés d’ici et de maintenant » (souligné par l’auteur).

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Manouk BorZAkiAn

Les jeux : quelle définition par et pour les sciences sociales?

résumé

Faute d’un véritable travail de définition, comparable à celui dont ont été l’objet les sports, les jeux dits conventionnels demeurent un objet aux limites apparemment consensuelles, mais en réalité particulièrement floues. Cette incertitude, liée à une absence de véritable remise en question des présup-posés des définitions fondatrices de Huizinga et Caillois, ne permet pas à proprement parler une appropriation des jeux par les sciences sociales, en vue de l’étude des innombrables modalités de leur pratique. Pour y remé-dier, on proposera, à partir d’une relecture critique des ouvrages classiques sur le jeu, une définition d’autant plus restrictive qu’elle se veut rigoureuse, ainsi qu’une réflexion sur l’arbitraire poussant à distinguer les sports des autres jeux, tout en ignorant d’autres lignes de démarcation tout aussi cruciales et porteuses.

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360 Manouk Borzakian

Manouk BorZAkiAn

Games : What definition is given to them by and for social sciences?

abstract

For lack of a real definition, comparable to the one of which sports were the object, the conventional said games remain an object to the apparently consensual limits, but in reality, particularly vague. This uncertainty is due to a lack of serious questioning of presuppositions found in Huizinga’s and Caillois’s founding definitions. It does not allow an appropriation of games by the social sciences, with the goal of studying the countless terms of their usage. As a remedy, a much more restrictive and rigorous definition and a consideration on the arbitrary pushing distinction between sports and other games is proposed, using critical readings of classic works on Games, while ignoring dividing lines just as crucial and informative.

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