Les Juifs de Franceby Patrick Girard

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Les Juifs de France by Patrick GirardReview by: Régine AzriaArchives de sciences sociales des religions, 31e Année, No. 61.2 (Apr. - Jun., 1986), pp. 261-263Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30191625 .

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cit-lhtat de Nauvoo et dans l'Etat du Deseret. Les relations conflictuelles de << l'Etat theo- cratique a mormon avec le gouvernement f6d6ral d6mocratique retiennent assez longue- ment son attention. C'est la polygamie qui, en d6finitive, donne a l'EItat f6d6ral l'occasion de reduire A l'obeissance (en 1890) le territoire auquel le statut d'ltat fut longtemps refuse (l'Utah est cre6 en 1896). << Au lieu de l'inde- pendance d'un empire, c'est l'integration dans l'Union (...) qui implique la d6sagr6gation du pouvoir temporel de l'Eglise>,. Commence alors ( la difficile separation de l'iglise et de l'Utah a qui aboutit avant la Seconde Guerre mondiale A la mise en minorite politique de Sl'lEglise-parti > par ses propres membres.

Apres la guerre il y a eu reprise en main de l'electorat et 6tablissement d'une < theo-d6mo- cratie a car, selon l'A., il ne peut y avoir dans I'Utah (< de d6mocratie pure et simple, car la situation majoritaire de l'Eglise, son totalitarisme culturel, son interventionnisme politique et 6conomique, faussent le libre jeu des institutions d6mocratiques >.

Ces dernieres lignes donnent le ton du livre de A.G.: denonciateur du totalitarisme mormon. Celui-ci repose sur des m6canismes institutionnels, economiques et relationnels (<< La douceur du lien a communautaire) et est au service d'une politique le plus souvent d'extreme-droite. Tout ceci suscite chez l'A. une forte hostilit6 ; n6anmoins ses descriptions sont interessantes. C'est particulierement le cas dans les chapitres consacr6s aux missions et A l'entreprise gigantesque de recherche et d'information g6nealogiques, command6e par la pratique du bapteme des morts.

La prodigieuse expansion mormone de ces vingt dernieres annees (les fideles seraient d6sormais plus de 5 millions) ne tient pas, selon I'A., au seul dynamisme de l'Eglise mais aussi, et peut-etre d'abord au < d6ferlement a spiritualiste des annees 70.

Deux idees-forces se retrouvent tout au long dn livre, caract6risant tant l'Eglise actuelle que l'Eglise pass~e : sa a richesse est plus tempo- relle que spirituelle >>, et elle exprime le projet d'< une Am6rique de droit divin >> (elle repre- sente une << incarnation religieuse et totali- taire >, du reve americain).

La grande d6fiance de l'A. vis-A-vis des mormons n'empeche pas son livre d'6tre cr6- dible et utile.

Frangoise Champion.

BULLETIN DES OUVRAGES

61.278 GILMARTIN (Richard J.), 6d. Suffering. Issues of Emotional Living in an Age of Stress for Clergy and Religious. Whitinsville (Mass.), Affirmation Books, 1984, X-118 p. (The Nineth Psychotheological Sym- posium).

<< La souffrance n'estjamais une amie, mais elle n'est pas obligatoirement une ennemie... Elle peut s'epanouir en cr6ativite (...) et nous unir au Christ souffrant L> (p. IX). Les deux termes ainsi poses balisent l'espace ofi pour- rait se construire une << psychotheologie a de la souffrance et introduisent, de fait, deux types de considerations :la plupart A resonance essentiellement edificatrice, certaines plus finement referees A des problemes de psycho- logie pastorale (par exemple, la distinction que fait R.J.G. entre le masochisme et la saintet6, p. 49-64) (cf. Arch., 46, no 380; 51, no 415; 51, no 450; 61, no 357).

Jean-Pierre Deconchy.

61.279 GIRARD (Patrick). Les Juifs de France. Paris, Bruno Huisman, 1983, 192 p. (Coll. a Index >).

Dans ce volume petit format de moins de 200 pages l'auteur, historien, se propose de dresser un tableau des Juifs de France. I1 commence par rappeler tres brievement a les grandes 6tapes de la pr6sence multis6culaire des Juifs en France a (30 p.), puis il s'interesse aux structures d6mographiques et socio-pro- fessionnelles de cette communaute (30p.), suivi par la presentation des institutions qui la composent et des courants de pens6e qui la traversent (70 p.). Enfin, I'ouvrage se cl6t sur un chapitre intitule le judaisme frangais: bilan et perspective , dans lequel I'A. formule son jugement personnel fortement teinte de militantisme.

C'est lA un bien vaste programme en bien peu de pages, ce dont P.G. a conscience. II s'excuse d'ailleurs des raccourcis oblig6s qu'il est contraint de prendre. Se pose ici le pro- bleme de ce genre de Digests mis sur le march6, pour le compte du savoir universitaire : A qui s'adresse-t-il prioritairement? S'adressant A un pubic non initie cela produit parfois des phrases quelque peu sibyllines qui n6cessi- teraient pourtant quelques mots d'explication. J'en veux pour preuve celle-ci ot l'A. nous dit, p. 29 : On sait que la d6gradation du capitaine alsacien (il s'agit du capitaine Dreyfus) est A

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

l'origine du sionisme politique incarn6 par Herzl a. La relation de cause A effet n'est pas si 6vidente pour ceux (nombreux, A n'en pas douter) qui ignorent que Theodore Herzl 6tait l'envoy6 sp6cial, en poste A Paris, d'un journal viennois pour le compte duquel il couvrait 1'<< Affaire >. C'est A cette occasion qu'eut lieu le sursaut, la prise de conscience qui devait infl6chir le destin personnel de ce Juif dandy et assimilk ainsi que celui de l'histoire juive moderne.

Pour ce qui concerne les aspects quanti- tatifs, I'A. explique, avec raison, les difficult~s techniques qui se pr6sentent d~s lors qu'il s'agit de faire des 6valuations chiffr6es. Dif- ficult6s li6es A l'impossibilit6 de d6finir exac- tement qui estjuif ; les d6mographes ne devant pas n6cessairement se limiter aux seuls critbres prescrits par la juridiction religieuse; diffi- cult6s li6es aussi A l'absence d'informations

syst6matiques (recensements, 6tats-civils, etc.) indiquant l'appartenance religieuse. C'est sans doute pourquoi on constate A plusieurs reprises des flottements qui font osciller la population juive de France entre 600 000 et 700 000 ou qui font dire A I'A. (p. 79) A propos de Paris, qu'elle constitue la ville oti est concentr6e l'immense majorit6 des Juifs frangais >, alors que le tableau pr6sent6 p. 51 indique que Paris et la r6gion parisienne rassemblent 53,8 % de la population juive en France. Un peu plus loin sur la m~me page il indique encore le chiffre de 270 000, soit 41 % pour Paris intra muros.

Je laisserai de c6t6 la discussion de certains passages probl6matiques pour r6futer vigoureusement par contre une analyse difficilement acceptable, celle du procks intent6 contre le hassidisme, lorsque P.G. nous dit, p. 129, A propos du retour A la pratique religieuse : < Le cas le plus significatif est la soudaine importance prise dans les milieux pratiquants par les hassidim de Loubavitch dont la religiosit6 comporte une bonne dose d'obscurantisme et fut vigoureusement combattue au si~cle dernier par tout un courant rabbinique ainsi que par la haskalah (mouvement des Lumitres) polono-russe > et un peu plus loin ( (les) individus juifs... s'auto-complaisent dans une vision id6alis6e et un tant soit peu nostalgique du courant hassidique alors que ce dernier par son antisionisme militant et sa pi6t6 naive, a frein6 l'acc~s des Juifs A la modernit6 >. A la page suivante I'A. qualifie le hassidisme d'c< h6r6sie surgie au XVIIPI si~cle >. Une page plus loin enfin, consid6rant le hassidisme

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comme une des < formes les plus minoritaires et les plus marginales , il lui conteste son caractbre de < contestation radicale au sein du monde juif >. L'aversion qu'il 6prouve A l'6gard de ce mouvement religieux ne doit tout de m~me pas aveugler son regard d'historien et yjeter A ce point la confusion. P.G. melange ici les 6poques, leslieux, les situations. Il oublie de rappeler qu'en son temps et dans son contexte social d'origine le hassidisme fut effectivement un mouvement de contestation de l'ordre 6tabli - r~gi par le pouvoir rabbinique - dans la communaut6 juive traditionnelle polono-russe. II oublie de preciser que le hassidisme se partage entre un grand nombre d'ob6diences qui se distinguent les unes des autres par leurs options politiques ou par leurs pratiques religieuses et rituelles. Ainsi, toutes les communaut6s hassidiques actuelles ne sont-elles pas antisionistes loin de 1A et encore faut-il s'entendre sur le sens A donner A ce label dans ce contexte pr6cis. Par ailleurs le sionisme n'a jamais constitue la seule voie ou- verte aux Juifs pour acc6der A la modernit comme il semble le sugg6rer ici. En tant qu'historien il se devait de signaler en quoi le hassidisme de Loubavitch tranche sur les autres courants. En effet et d~s son origine il s'est singularis6 en n'adoptant pas leur attitude anti-intellectualiste. A l'inverse, il a fond6 sa spiritualit6 et son pi~tisme sur l'6tude, mais A partir d'une lecture nouvelle des textes de la tradition, tranchant sur la s6cheresse et l'ex6- g~se rationaliste des rabbins, et A partir d'un corpus traditionnel mystique, jusque lA exclu- sivement r6serv6 A quelques kabbalistes, tenus au secret. II oublie ainsi d'expliquer comment le hassidisme a ouvert A certains Juifs mar- ginalis6s, d'avant les Lumibres, les voies d'une spiritualit6 ou du moins d'une vie juive reva- loris~es. Non point marginale et minoritaire mais 6galitairement offerte A tous, lettr6s et illettr~s. La participation populaire au dialo- gue divin, pour les plus dou6s, ou au simple rituel, pour tous les autres, est sans doute une des pratiques les plus novatrices, les plus modernes, de par son caractbre de contestation implicite de l'ordre (bourgeois) 6tabli, qu'ait connue la tradition religieuse juive post-exi- lique. Qu'elle n'en ait entrain6 qu'une minorit6 dans son sillage importe peu et ne le rend pas pour autant marginale. Le mouvement peut 16gitimement prendre sa place dans l'histoire juive. Et peut-6tre est-ce pr~cis~ment A ce chapitre qu'il serait intdressant de chercher une des explications A ce nbo-hassidisme que condamne si rapidement I'A.: ne retrouve-t-



on pas dans ce cas de figure (r6serve faite, bien sir, des contextes) la m~me volont6 de retrou- ver l'61an, la m~me tentative de briser un carcan social, institutionnel et religieux perqu comme abusivement coercitif ?

Ce r61e totalement n6gatif attribu6 au hassidisme, pass6 et actuel, est d'autant plus difficilement acceptable qu'il est victime d'un d6faut d'analyse s6rieuse de m~me que son rejet hors du judaisme; le qualifier d'h~r~sie c'est, soit ignorer le sens de ce mot, soit m6connaitre le hassidisme.

On attendait mieux que cette ex6cution sommaire d'un A. qui, par ailleurs, apporte des conclusions provocantes, qui sonnent comme un signal d'alarme et auxquelles nous ne souscrivons que partiellement, mais qui mbri- tent en tout cas notre attention. Voici ce qu'elles nous disent : pour la plupart des Juifs frangais, < l'appartenance A la France joue un r61e central, (p. 176); leur sensibilit6 parti- culibre vis-A-vis d'Israel, appelde israclophilie, se manifeste comme une a forte tendance A un israelocentrisme r6ducteur des autres compo- santes de l'identit6 juive et A un conformisme intellectuel navrant,> (p. 137); cette israelo- philie < est l'expression ultime d'une identit6 qui cherche A ne point disparaitre totalement > (p. 140); < si nouvelle identit6 juive il y a, elle ne concerne, selon l'A., qu'une infime minorit6 de la judaicit6 frangaise contempo- raine, (p. 165).

R6gine Azria.

61.280 GIUNTELLA (Maria Cristina), PELLEGRINI (Giancarlo),

TOSI (Luciano), 6ds. Cattolici e societAI in Umbria tra Ottocento e Novecento. Rome, Ed. Studium, 1984, XXXVIII-516 p.

Treize articles dejA publi~s dans divers recueils de ml61anges et revues sont r6unis ici. Leurs points communs: la pbriode chrono- logique qui va de la fin du XIXC si~cle aux ann6es du premier apr~s-guerre, l'Eglise et les catholiques, et surtout l'Ombrie, cette r6gion de l'Italie centrale, qui proc6dait, comme le montre Alberto Monticone dans son texte qui ouvre le volume, A la fois du Nord et du Mezzogiorno.

Dans une premiere partie sont 6tablies les origines du mouvement catholique avec une longue synth~se de Pietro Borzomati sur la

BULLETIN DES OUVRAGES

( Nova Juventus > fond6e au d6but du si~cle et qui eut localement une grande importance dans l'organisation de la jeunesse catholique, alors que l'oeuvre des Congrbs s'est peu affir- m6e (M. Casella). Lorenzo Bedeschi et Teresa Cavalcanti soulignent les ferments de r6no- vation spirituelle et culturelle qui ne sont pas sans se heurter A des structures eccl6siastiques pas toujours adapt6es.

Une seconde partie porte sur le monde agricole, la pr6sence des catholiques dans les campagnes (L. Bellini), les luttes agraires (A. Grohmann, G. Pellegrini), les problimes de l'6migration (L. Tosi) etles formes de solidarit6 que sont les cooperatives (M. Tosti).

Le troisibme partie enfin embrasse les an- n~es de la guerre (P.L. Meloni) et des debuts du fascisme (G. Pellegrini, M.C. Giuntella).

Le rapprochement de l'ensemble de ces articles est certainement utile: il met A dis- position des textes qui ne sont pas toujours faciles A trouver et montre l'6volution de l'historiographie italienne qui apris les recher- ches d'ensemble men6es par Fausto Fonzi, Pietro Scoppola, Giorgio Candeloro, Gabriele De Rosa et quelques autres, tend A red6couvrir l'histoire locale comme v6rification de l'histoire nationale. Andrea Riccardi le souligne dans sa trbs intdressante introduction en forme de bilan historiographique. En excellent connaisseur de la recherche frangaise [malgr6 un malencontreux < Fernand Chaunua (p. XIX)] il montre combien celle-ci s'est de- puis longtemps attach6 A ne pas couper l'histoire de la gbographie, l'6volution g~n~rale des r6alit6s locales. II a raison de se r6jouir d'6tu- des locales qui puissent < ra6crire la g6ogra- phie historique du catholicisme italien par r6gions et par 6glises locales (p. XXVIII).

Le pr6sent volume en est certainement un exemple. Mais au-delA de son utilit6 incontes- table, force est de constater que ce n'est pas une juxtaposition d'articles qui constitue une syn- these et qu'il manque toujours des histoires dioc6saines et des biographies scientifiques d'6v~ques et notamment de Gioacchino Pecci avant qu'il ne devienne pape.

Jean-Dominique Durand.

61.281 GOBEL (Karl-Heinrich). Moderne Schiitische Politik und Staatsidee, nach Taufiq al-Fukaiki, Muhammad wid Mugniya, Rulhullih Iumaini (Khomeyni).

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