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Eastenwest HS1 - http://eastenwest.free.fr 19 Les Lames du Destin Un scénario pour l’Appel de Cthulhu par Mario Heimburger Illustrations : Elisabeth Thiery Mise en place JACQUES MILLAUXM algré son âge avancé - près de soixante ans - Jacques Millaux n'a pas une once de sagesse. Pourtant, son apparence incite à la confiance. Plutôt petit, relativement corpulent, Jacques porte au-dessus d'un corps tout en rondeurs une tête du même acabit, aux joues pleines et au regard candide. Sur un nez aviné affublé d'un grain de beauté poilu se tiennent diffici- lement en équilibre une paire de besicles à la fine monture d'acier, qui donnent à ce visage rougeaud un air professoral du plus bel effet. En fait, si Jacques Millaux n'est pas beau, il apparaît tout du moins comme étant très sympathique. On ne mettra jamais assez en garde contre les apparences, car chez Jacques, comme chez tous les personnages de ce scé- nario, elles sont trompeuses. Jacques est en fait un escroc des plus originaux. Durant des années, dans sa jeunesse, son passe-temps favori était de vendre des objets qui ne lui appartenaient pas. Il parvenait grâce à de nombreux contacts dans la domesticité à s'introduire dans des demeures bourgeoises du sud de l'Angleterre à l'insu de tous, accompagné d'acheteurs innocents, à qui il proposait les œuvres d'arts exposées. Une fois la transaction effectuée, il donnait l'ob- jet en question à l'heureux acheteur, lui fai- sait signer un reçu en bonne et due forme, puis disparaissait en fermant la porte derriè- re lui. Le propriétaire de la maison revenu, il trouvait à la place de l'objet de valeur le sim- ple reçu, qui mettait bien dans l'embarras l'a- cheteur, forcé de restituer l'objet. Cette magouille fonctionnait fort bien, Jacques étant passé maître dans l'art de brouiller les pistes. Sa plus belle arnaque fut sans doute la vente d'un château complet à un couple d'é- cossais, désireux de changer de climat. Mais la chance ne dura pas. Un des domes- tiques d'une maison où un forfait avait été commis avoua sa duplicité à la maîtresse de maison, qui était également son amante. Ces confidences sur l'oreiller arrivèrent tout naturellement aux oreilles du propriétaire, qui alla immédiatement conter toute l'histoi- re à la police. L'enquête mit presque une année à aboutir, mais au bout du compte, Jacques fut pris, jugé, et envoyé en prison pour dix longues années. Mario HEIMBURGER Grand collectionneur devant l'éternel, il garde jalousement tous les jeux de rôle qu'il peut trouver. Il ne lui en manque pas beau- coup. Ce scénario pour l'Appel de Cthulhu se déroule en 1926 à Paris. Les personnages devront déployer une mine d'ingéniosité pour élucider un complot dont la dernière victime pourrait être le frère de l'un des leurs. Pour Maître et Joueurs confirmés. Parmi les personnages, un avocat serait bienve- nu. Les autres personnages doivent déjà se connaître

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Eastenwest HS1 - http://eastenwest.free.fr 19

Les Lamesdu Destin

Un scénario pour l’Appel deCthulhupar Mario Heimburger

Illustrations : Elisabeth Thiery

Mise en place

JACQUES MILLAUX…

Malgré son âge avancé - près desoixante ans - Jacques Millaux n'apas une once de sagesse. Pourtant,

son apparence incite à la confiance. Plutôtpetit, relativement corpulent, Jacques porteau-dessus d'un corps tout en rondeurs unetête du même acabit, aux joues pleines et auregard candide. Sur un nez aviné affubléd'un grain de beauté poilu se tiennent diffici-lement en équilibre une paire de besicles à lafine monture d'acier, qui donnent à ce visagerougeaud un air professoral du plus bel effet.En fait, si Jacques Millaux n'est pas beau, ilapparaît tout du moins comme étant trèssympathique.

On ne mettra jamais assez en gardecontre les apparences, car chez Jacques,comme chez tous les personnages de ce scé-nario, elles sont trompeuses. Jacques est enfait un escroc des plus originaux. Durant desannées, dans sa jeunesse, son passe-tempsfavori était de vendre des objets qui ne luiappartenaient pas. Il parvenait grâce à de

nombreux contacts dans la domesticité às'introduire dans des demeures bourgeoisesdu sud de l'Angleterre à l'insu de tous,accompagné d'acheteurs innocents, à qui ilproposait les œuvres d'arts exposées. Unefois la transaction effectuée, il donnait l'ob-jet en question à l'heureux acheteur, lui fai-sait signer un reçu en bonne et due forme,puis disparaissait en fermant la porte derriè-re lui. Le propriétaire de la maison revenu, iltrouvait à la place de l'objet de valeur le sim-ple reçu, qui mettait bien dans l'embarras l'a-cheteur, forcé de restituer l'objet. Cettemagouille fonctionnait fort bien, Jacquesétant passé maître dans l'art de brouiller lespistes. Sa plus belle arnaque fut sans doute lavente d'un château complet à un couple d'é-cossais, désireux de changer de climat. Mais la chance ne dura pas. Un des domes-tiques d'une maison où un forfait avait étécommis avoua sa duplicité à la maîtresse demaison, qui était également son amante. Cesconfidences sur l'oreiller arrivèrent toutnaturellement aux oreilles du propriétaire,qui alla immédiatement conter toute l'histoi-re à la police. L'enquête mit presque uneannée à aboutir, mais au bout du compte,Jacques fut pris, jugé, et envoyé en prisonpour dix longues années.

Mario HEIMBURGERGrand collectionneurdevant l'éternel, il gardejalousement tous les jeux derôle qu'il peut trouver. Il nelui en manque pas beau-coup.

Ce scénario pour l'Appel de Cthulhu se déroule en 1926 à Paris. Les personnagesdevront déployer une mine d'ingéniosité pour élucider un complot dont la dernièrevictime pourrait être le frère de l'un des leurs.Pour Maître et Joueurs confirmés. Parmi les personnages, un avocat serait bienve-nu. Les autres personnages doivent déjà se connaître

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La période en prison fut très éprou-vante pour cet homme qui ne commettait seslarcins que par ennui. Habitué à une vie sur-réaliste, il fut soudainement plongé de pleinfouet dans la réalité du monde carcéral.Quand il ressortit de cette épreuve, il n'étaitplus que l'ombre de lui-même. Alors âgé dequarante-cinq ans, Jacques accepta un travailfaiblement rémunéré chez un brocanteur (quin'avait heureusement jamais entendu parlerde lui) et vécut pendant de nombreusesannées dans un appartement moyenne-classede Paris. L'illégalité ne l'attirait plus du tout.

… EST TON FRÈRE !

Jacques Millaux est né en1863. Sa mère, JoséphineBourbal - alors âgée de 19

ans, dut précipiter le mariageavec Gustave Millaux, un honora-ble soldat, afin d'éviter le déshon-neur d'une naissance sans union.Gustave Millaux, bien peu préoc-cupé par cette femme qu'il n'avaitséduit que par jeu, pris très mal lasituation. Des années durant,Joséphine demeura seule à éleverson fils. Les occupations deGustave à ce moment n'avaientrien de reluisant, et c'est presqueavec soulagement que Joséphineapprit la mobilisation de Gustave.La guerre de 70 éclatait, etGustave fut envoyé au front pourcontrer l'offensive éclair des prus-siens. Il fut une des premièresvictimes de cette guerre danslaquelle la France n'eut aucunechance, et l'armistice fut signéeavant même que Joséphine ne sesoit vraiment rendue comptequ'elle était désormais veuve. Quelques années passèrent…Joséphine vivait d'une rente quel'armée versait aux malheureuses,et Jacques grandit dans un milieupauvre, mais distingué. Joséphinese saignait jusqu'aux veines pouroffrir à Jacques une éducationdigne de ce nom. Elle parvint à

l'envoyer dans une université anglaise, maisau prix de son propre confort. La vertu était une des dernières choses àlaquelle elle se raccrochait, et c'est cettemême vertu qui séduisit le père d'un des per-sonnages-joueurs. Peu de temps après leurrencontre, Joséphine se remaria avec lui, etde cette union nacquit le personnage.

Jacques Millaux se faisant de plus enplus rare, le personnage n'est pas très intimeavec lui. Il reçut tout au plus quelques lettresde Londres où Jacques passait le plus clair deson temps. Lorsque toutefois le scandaleéclata et que Jacques fut envoyé en prison, lechoc fut terrible pour Joséphine, qui ne pou-vait pas croire en la vérité. Elle ne se remitjamais de ce choc - quand bien mêmeJacques fut libéré et s'amenda, et une premiè-re attaque cardiaque la diminua aussi bienmentalement que physiquement. Son mari,

La Demiurge

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très inquiet, passait la majeure partie de sontemps à la veiller, assis au bord du lit où uneparalysie forçait Joséphine à passer ses jour-nées. Lorsque Joséphine mourut, voilà qua-tre ans, le père du personnage perdit goût àla vie. Il suivit bientôt sa femme dans latombe.

Jacques est désormais la seulefamille qui reste au personnage. Enfant terri-ble, cause de nombreux soucis, c'est toute-fois une relation de sympathie orageuse quilie les deux personnages. Jacques a été four-be, mais tout ceci est maintenant du passé.

Entrée en Scène

ACCUSÉ !

CHRONOLOGIE : LUNDI 6 SEPTEMBRE 1926

Le personnage qui interprète le frère deJacques Millaux a été absent et injoi-gnable pendant une longue période.

Vous pouvez faire jouer cette aventure aprèsune longue expédition dans des pays exo-tiques. Lorsque le personnage revient à sondomicile, il découvre une lettre envoyée dela Tour Pointue à Paris (La Tour Pointue estle sobriquet accordé au siège de la police cri-minelle) par l'inspecteur Froissard, l'infor-mant que Jacques Millaux a été arrêté et serajugé prochainement pour meurtre. Si le per-sonnage est aisé, ce sera le domestique quiannoncera la nouvelle.

Tout cela devrait l'étonner , carJacques Millaux a beaucoup de défauts,mais il n'a jamais été un criminel ! Rappelezalors au personnage les étranges péripétiesde son frère, et insistez sur le fait que cetteaccusation ne tient pas debout.

En se rendant chez l'InspecteurFroissard éventuellement accompagné deson avocat et/ou de quelques amis, le per-sonnage découvrira un homme affable etsérieux, qui prétendra d'emblée ne pas croi-re en la culpabilité de Jacques Millaux.

L'inspecteur, âgé d'à peine trente-cinq ans, le cheveux très court et rasé deprès, porte des habits de bonne qualité, quitémoignent que l'homme qui les porte est unhomme de goût. Il se montre sympathique etcompatissant avec le frère de Jacques, etindique qu'il pense "que nous sommes àdeux doigts d'une immense erreur judiciai-re”. Pour lui, il ne fait aucun doute que

Jacques Millaux sera condamné pour meurt-re, si ce n'est pour assassinat, ce qui l'amè-nera peut-être à embrasser le pied de laguillotine.

L'instruction est en cours depuistrois mois, et le début du procès a été fixé àla semaine prochaine, et l'avocat chargé de ladéfense - nommé d'office par manque d'ar-gent du prévenu - ne manifeste guère de zèleà faire son travail.

Voici toute l'affaire telle qu'elle seraexposée par l'inspecteur Froissard. Pendantqu'il énumérera les faits, il perd son ton sym-pathique pour prendre une voix mécanique :

CHRONOLOGIE : MERCREDI 2 JUIN 1926

"Le crime a été commis le 2 juin 1926. Nousavons appréhendé le suspect JacquesMillaux sur les lieux même du crime, chezM. Bernard Londrin. Lorsque nous sommesarrivés, il tentait de fuir par la porte du bal-con du bureau, pièce même où le corps deM. Londrin gisait à terre dans une mare desang. La cause du décès est une épée dedécoration qui a transpercé le cœur de la vic-time. Cette épée se trouvait accrochée aumur, en compagnie de sa jumelle et servaitoriginellement de décoration.

Le coffre-fort de M. Londrin étaitouvert, et vide. Dans les poches de l'accusé,nous avons trouvé deux mille francs enbillets de cent, somme que l'accusé n'est pasprédisposé à porter sur lui. De plus, si on encroit la comptabilité très précise que tenait lavictime, cela correspond exactement à lasomme qui se trouvait dans le coffre.

La manche droite de l'accusé portaitquelques éclaboussures de sang, qui pour-raient provenir de la blessure de la victime.

Enfin, le témoin qui nous a prévenu- un des plus proches voisins de la victime -a affirmé qu'entre le moment où il a perçu uncri et le moment où sommes arrivés, person-ne n'a quitté ni pénétré dans l'immeuble deM. Londrin."

Inutile de dire que les faits sontaccablants. On y trouve aussi bien un mobi-le, l'arme du crime, et tous les ingrédients ducoupable idéal. C'est justement ce dernierpoint qui pose problème à l'inspecteur : il necroit pas au coupable idéal. Mais son rôle àlui est terminé dans cette affaire. Son seultravail désormais est de garder l'accusé sousclefs jusqu'au procès.

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Si ce n'est pas fait spontanément parle frère de Jacques, l'Inspecteur insistera pourque l'accusé dispose d'un bon avocat : "unbon avocat peut faire en une semaine bienplus que ce que ferait l'avocat commis d'offi-ce". Enfin, sur demande des joueurs, il accor-dera la permission d'aller rencontrer Jacquesdans les cellules de la Tour.

ENTREVUE AVEC UN COUPABLE

Jacques n'affiche pas une très bonnemine. Cela fait maintenant déjà troismois qu'il loge dans une geôle qui, tout

en étant propre et chauffée, n'en est pasmoins une prison. Sa mine est grise, et il n'encroira d'abord pas ses yeux lorsque son frèreviendra lui rendre une visite sous l'œil atten-tif d'un policier de garde. La surprise passée,Jacques reportera ses dernières oncesd'espoir sur son frère, et sera heureux derépondre à toute question, même aux plusembarrassantes. Voici en substance ce qu'estsa version des faits :

voilà quelques mois, JacquesMillaux a rencontré dans l'échoppe de bro-canteur dans laquelle il travaille, un homme àla recherche d'un quelconque bibelot à offrirà un ami. L'homme, Ernest Gondureau s'estrévélé être un riche banquier, égalementgrand amateur d'art. Jacques et lui ont discu-té pendant de longues minutes, et le banquiers'est trouvé impressionné par le bagage cul-turel de Jacques.

Gondureau n'a pas réussi à trouverun bibelot qui lui convienne, mais a suffi-samment fraternisé avec Jacques pour l'invi-ter chez lui. C'est dans la grande demeure àl'extérieur de Paris que Jacques s'est trouvépour la première fois face à une œuvre dont ilest tout de suite tombé amoureux. Devantl'admiration dont faisait preuve l'ex-escroc,Jean-Baptiste lui a fait don du tableau, qui setrouve depuis au domicile de Jacques.

Comme Jacques cherchait d'autresœuvres du même peintre, Gondureau le pré-senta à Londrin, qui possédait lui-même uneœuvre du même acabit. Jacques se proposaimmédiatement de la lui acheter, maisLondrin en voulait deux mille francs.Jacques, ne pouvant se procurer tant d'argentfit à nouveau jouer sa toute nouvelle connais-sance. Il demanda à emprunter deux millefrancs à Gondureau, qui accepta en lui faisantsigner une reconnaissance de dette, pour les-quels il avait des formulaires tout prêts.

En se rendant chez Londrin poureffectuer la transaction, Jacques découvre laporte d'entrée ouverte, et ne recevant pas deréponse à ses coups (M. Londrin n'avait pasde domesticité), prend la liberté de rentrer.Comme il a déjà visité la demeure précédem-ment (pour examiner la toile avant de l'ache-ter), il se dirige directement vers le bureau, àl'étage où il découvre le corps sans vie de ceLondrin, et peu de temps après, entend l'arri-vée de la police. Sachant qu'il était le coupa-ble désigné, il prit peur et tenta de s'enfuir,mais alors qu'il enjambait la rambarde dubalcon, son vertige le prit, et il ne put serésoudre à sauter. C'est dans cette positionque les policiers le surprennent et l'arrêtent.

Jacques jure ne pas avoir tuéLondrin, et précisera tout point qui lui serademandé d'éclaircir avec empressement. Lesang sur sa chemise ? Ce matin-là, il s'étaitcoupé en se rasant, et ne l'avait pas remarquétout de suite. Ce n'est qu'en essuyant unehumidité au cou que Jacques s'est renducompte de la coupure.

Jacques pourra apporter les élémentssuivants : la victime était couchée de trois-quarts sur le sol. L'épée lui a transpercé ledos : l'attaque est clairement venue de derriè-re. La maison était probablement déserte, àmoins que quelqu'un ne se cache au rez-de-chaussée. La fenêtre du balcon était ferméequand Jacques est entré dans le bureau : il aété obligé de l'ouvrir pour tenter de fuir.

Malgré les explications enfiévrées deJacques, son innocence est bien difficile àcroire : les faits jouent contre lui. Pourtant,tout ce qu'il dit est rigoureusement exact !Jacques n'a qu'une seule chose à se repro-cher : s'être trouvé au mauvais endroit, aumauvais moment. Mais il est des destinsécrits bien à l'avance…

Quelques faits

LA VÉRITABLE EXISTENCE DE M.BERNARD LONDRIN

Bernard Londrin était très connu dansle milieu des affaires : industriel entextile, il possède de nombreuses usi-

nes dans l'est de la France (en particulier enLorraine et en Moselle), dans lesquelles ilfait traiter ses ouvriers comme des moins querien.

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Son pêché mignon : les femmes.Commençant à exercer des chantages à l'em-ploi sur ses ouvrières, Londrin perd rapide-ment le goût de cette chair trop facilementgagnée. Il vise bientôt des sphères plus hau-tes, l'aristocratie d'abord, puis, voyant qu'u-ne aristocrate n'est pas plus difficile à sédui-re qu'une paysanne, il se tourne vers lesactrices. C'est pour lui le début de la fin.

Car les actrices à ce moment sontbien plus courtisées que les nobles et lesbourgeoises. Elles sont toutes les femmes enmême temps, et ont donc autant d'amantsque toutes les femmes réunies. Gagner l'ex-clusivité de l'une d'entre elle peut coûter unefortune… Clara Duverdin est une de ces actrices, et pasla moins belle. Bernard Londrin en esttombé éperdument amoureux lorsqu'il l'a-perçut jouant une pièce intitulée : "Les affa-bulations comiques", par un certain JohannMaller. Londrin s'y était rendu la premièrefois par ennui, les suivantes, par passion.Londrin n'a jamais hésité à lui faire les plusbeaux cadeaux, mais Clara ne semblait pasêtre sensible à cette denrée. En fait, elle n'ac-ceptait les cadeaux que juste assez pour queLondrin continue à lui en faire. Profitantainsi de sommes incroyables, et comprenantque si elle ne se montrait pas plus réceptive,elle perdrait cette source de revenu, ellecondescendit à accepter quelques rendez-vous, mais jamais elle ne lui donna soncœur.

Londrin, rendu fou par cet amour,dépensa d'immenses fortunes pour se retro-uver bientôt au bord de la faillite personnel-le. Il commença alors à emprunter de l'ar-gent. Pour cela, il fit appel à son ami (ou plu-tôt relation) Ernest Gondureau, un riche ban-quier. Les sommes qu'il lui emprunta étaienttoutefois assez modestes, et le dernieremprunt ne s'élevait qu'à deux mille francs,que Londrin pouvait facilement récupérergrâce à l'exploitation de ses usines. Carmême dans sa passion la plus torride,Londrin ne compte pas s'endetter jusqu'à saperte.

Le jour du meurtre de Londrin, deuxmille francs se trouvaient dans le coffre de lavictime. Ces mêmes deux mille francs qu'ilse proposait de rendre à son ami banquier lejour même. Une heure à peine avant queJacques Millaux n'entre chez Londrin,Gondureau effectua une petite visite decourtoisie, comme il en a souvent l'occasion,

étant donné sa faible quantité de travail chezce même Londrin. L'industriel commençapar proposer au banquier un verre, et commeJacques Millaux était attendu vers onze heu-res, entra dans le vif du sujet et proposa àGondureau de rembourser immédiatementsa dette. Le banquier proteste : " ce n'est paspour cela que je suis ici, voyons. Vous aveztout le temps que vous désirez pour me rem-bourser ". Mais Londrin ouvre le coffre deson bureau et tend à Gondureau l'argent. Lecoffre étant désormais vide, il ne prend pasla peine de le refermer. Gondureau sort alorsde son portefeuille la reconnaissance dedette, et y met le feu avec les allumettes quilui servent à allumer sa pipe. Alors que lepapier finit de se consumer dans le cendrier,Gondureau prend congé et quitte Londrin,qui descend ramener les verres à la cuisine.

Comment, me direz-vous ? C'esttout ? Et bien non, Gondureau n'a pas tuéLondrin. Mais alors, si ce n'est pas Jacques,ni Gondureau, qui a tué Londrin ?Patience…

UN VOISIN AVISÉ…

Parlons maintenant du principal témoinà charge : Philippe Meugnot est ren-tier, et habite l'hôtel particulier situé à

droite de celui de Bernard Londrin. Le pau-vre homme est assez abandonné par safamille et vit seul avec une vieille domes-tique dans sa demeure. Il est alors compré-hensible que le pauvre homme n'ait riend'autre à faire que de guetter les bruits, lesvoisins et de façon générale ce qui se passedans son environnement. Sauf ce fameuxmatin où le crime a eu lieu…

Ce matin-là, Anastasie fut laissé engarde chez Philippe Meugnot par sa mère,exceptionnellement de retour à Paris pourrencontrer… nous garderons le silence surce point. Anastasie a passé une petite partiede sa matinée à jouer à la marelle sur le trot-toir, sous la surveillance de Edwige, labonne. Environ vers dix heures, un homme assezâgé est descendu d'une grande voiture noireavec l'aide de son chauffeur. L'homme aalors pris sa canne et s'est dirigé vers ledomicile de Londrin et passant à côtéd'Anastasie lui a souri d'un air affectueux eta passé la main sur la tête de la petite fille enplaisantant avec elle. Puis, il est entré chezLondrin. Edwige, qui avait suivi la scène

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d'un mauvais œil, décide alors qu'il est tempspour l'enfant de rentrer. Personne ne voit res-sortir Gondureau.Lorsque moins d'une heure plus tard, un criretentit dans le bureau de Londrin, Meugnotl'entend (le bureau de Londrin et le salon durentier ne sont séparés que par une cloison).Son premier réflexe est d'aller voir son voi-sin, mais il se ravise en pensant à la mauvai-se vie de Londrin. Il veut alors demander à sabonne d'appeler la police, mais se souvientqu'elle est allée faire quelques courses pourle repas de midi. Il prend alors lui-même letéléphone et contacte la police. Puis, il va seposter à la fenêtre pour observer les allées etvenues dans la rue.Selon ses dires, personne n'est sorti de lademeure, et personne n'y est entré jusqu'àl'arrivée de la police. En fait, il a quitté la ruedes yeux pendant une minute : lorsqueAnastasie lui a demandé un verre d'eau. C'estdurant cette minute que Jacques Millaux estentré dans l'hôtel particulier de Londrin. Etc'est peu après que la police intervient…

Déroulement de l'enquête

CHEZ LONDRIN

Bernard Londrin habitait au 72, rue duFaubourg St-Honoré à Paris. Sademeure est un petit hôtel particulier

de construction récente. La demeure estaccolée à la maison de M. Meugnot à gauche,et sur la droite, une cour couverte est entou-rée d'un mur qui fait corps avec la maison.L'hôtel ne dispose que d'une seule entrée,sous la forme d'une porte cochère donnantsur la cour. De là, le visiteur a le choix entrepénétrer directement par la cuisine ou entrerpar la porte principale en montant quelquesmarches.

La maison est luxueuse et décoréeavec soin. De nombreuses œuvres d'art sontexposées, bien que peu aient été produitespar des artistes renommés. Rien n'a étédérangé par les enquêteurs : Londrin n'avaitpas d'héritiers, et les affaires tournant aussibien sans lui qu'avec (mieux, diraient certai-nes employées), il n'a pas semblé nécessairepour le moment de faire quoi que ce soit. Adeux trois indices près, les enquêteurs tardifstrouveront autant d'informations que le jourdu crime. Si un nouvel avocat a été nommé,il obtiendra facilement l'autorisation de faire

quelques fouilles supplémentaires, mais uni-quement avec la présence de l'inspecteurFroissard. Sinon, les personnages devrontnégocier…

Le crime a eu lieu dans le bureau, quise situe au premier étage (en montant lesescaliers, c'est directement en face). Le grandtapis qui recouvre le sol se trouve taché demarron à l'endroit où le corps a été retrouvé,c'est à dire juste devant le bureau. Ce dernierest positionné au milieu de la pièce, selon leplan B. En face du bureau, Londrin a faitaccrocher le tableau fort impressionnant qu'ildevait céder à Millaux. Derrière le bureau, onpeut trouver sur le même mur le coffre-fort(ouvert) et le présentoir sur lequel étaiententrecroisées les deux épées, don l'une a étéla cause de la mort de Londrin. Ces armessont des objets de décoration, mais très capa-bles de tuer un homme !

Le tableau que devait acheterMillaux est aussi impressionnant que le pré-tendait celui-ci . Le style en est très particu-lier : une partie de l'œuvre est dessinée aufusain et seul le décor est peint. Cela donneune impression d'inachevé, mais cetteimpression disparaît lorsque l'on contemplele tableau pendant quelques minutes. Au pre-mier plan, occupant la plus grande surface dela toile est représentée une femme, nue, quisemble observer celui qui se trouve face autableau. Elle semble se tenir debout sansaucune pose particulière, immobile et serei-ne. Le plus curieux est sans doute le regard :il est vide de toute pupille, les yeux sontcomplètement blancs. Plus surprenant enco-re, l'arrière-plan : il s'agit d'un paysage assezbanal, mais incliné, comme si le paysageavait basculé.

Sur le bureau, rien d'intéressant, si cen'est un petit tas de cendres dans le cendrier.Ces cendres proviennent de la reconnaissan-ce de dettes de Londrin, mais il n'y auraaucun moyen de l'identifier. Le coffre estvide de tout contenu. Il est ouvert dans lamême position qu'au moment du crime.

Dans la cuisine, au rez-de-chaussée,on peut encore trouver deux verres utilisés,ainsi que la vaisselle du petit déjeuner deLondrin.

Les enquêteurs de la police n'ayantaucun doute sur l'identité du coupable n'ontpas fait beaucoup de cas de l'enquête. Il neleur est pas venu à l'idée que la scène dumeurtre tel qu'ils l'avancent est assez surréa-liste : si quelqu'un prend le temps de recons-

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tituer le crime, il se rendra compte que, siMillaux avait effectivement abattu Londrinavec cette épée, il aurait dû contourner lebureau, prendre l'épée, monter sur le bureaupuis s'accroupir pour planter l'épée dans lecorps de Londrin avec le bon angle. Toutceci alors que Londrin restait face autableau, puisque c'est dans cette positionqu'il a été tué. Cela n'accrédite que la mortpar surprise, ce qui n'est manifestement pasle cas puisque Millaux était attendu.

Bien sûr, une telle argumentation,aussi juste soit-elle n'explique pas tout, etelle ne convaincra pas forcément les jurés.Cependant, cela pourra les faire douter…

CHEZ MILLAUX

Une visite à l'appartementde Jacques Millaux n'ap-portera pas grand-chose

de plus. Situé dans le seizièmearrondissement de Paris, l'appar-tement est perché au troisièmeétage d'un immeuble en piteuxétat. Entrés dans la cage d'esca-lier, les visiteurs sont immédiate-ment assaillis par une odeur depâtes et de choux. L'escalier estgrinçant, et l'ensemble paraîtassez pitoyable.

Pourtant, dès que l'onpasse le seuil de l'appartement,cette impression se dissipe. Eneffet, le domicile de Millaux estmeublé avec soin et bien entrete-nu (bien qu'une légère couche depoussière recouvre l'ensemble,étant donné l'absence de son pro-priétaire depuis un certain temps).Jacques n'a pas beaucoup d'ar-gent, mail il lui arrive de se fairepayer par son patron en objetsdivers qui lui passent entre lesmains. Tout le mobilier et tous lesobjets d'arts sont anciens, maisdessinent une harmonie que n'ontpas beaucoup de demeures deriches bourgeois.

Pendu en plein milieu dumur de la chambre de Jacques setrouve le tableau que Gondureaului a offert. Un simple coup d'œilpermet de s'assurer qu'il a bien étépeint par le même homme : lestyle est identique, et l'on trouve

ici aussi le mélange qui semble incompletentre le fusain et la peinture à l'huile. Lascène représente un groupe de quatre hom-mes et trois femmes positionnés en demi-cercle face à l'observateur. Les personnagessont vêtus de toges romaines et leur maindroite est levée, pointant un index impérieuxvers le spectateur de la toile. A l'arrière-plan,on peut remarquer de nombreuses ruines detemples gréco-romains. Sur le bas du cadre,une petite plaque de cuivre gravée indique lenom de l'œuvre (ce qui n'était pas le cas chezLondrin) : "Le déclin".

Hormis cette toile, les personnagesne pourront que constater le goût certain deJacques Millaux pour l'art, et sa vie paisibleet honnête dans cet appartement. Aucunautre indice significatif ne s'y trouve.

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ERNEST GONDUREAU

Après avoir entendu son nom etcontemplé les toiles, les personnagesdésireront peut-être rencontrer

Ernest Gondureau, afin de vérifier certainspoints. Le mieux est peut-être de le rencont-rer au siège de la Banque Gondureau, unmagnifique bâtiment situé au centre de Paris.C'est là où l'homme passe le plus de temps.Et pourtant, l'homme n'a pas beaucoup detravail. A force de déléguer une très grandepartie de ses affaires (ce qui vaudra d'ailleursla faillite de la Banque six années plus tard),l'homme se retrouve désœuvré et oisif.N'ayant jamais vraiment su s'amuser, ErnestGondureau s'ennuie prodigieusement.Depuis des mois, sa principale occupation estd'aller voir des clients chez eux, afin de dis-cuter de la pluie et du beau temps. Il y ad'ailleurs 30% de chance pour que ce soit lecas lorsque les Personnages se présentent.Toutefois, si jamais Gondureau est présent aumoment où les personnages viendront le voir,il s'empressera de les inviter dans son bureauquelque soit la raison produite.

Gondureau est un quinquagénaire àl'apparence sèche. Vêtu d'habits sur mesurecouvrant un corps noueux et malingre, Ernestest un pur produit de la haute société pari-sienne. Il ne se déplace jamais sans sa cannerichement sculptée et dont le pommeau estorné d'un magnifique rubis. Il est poli etextrêmement serviable, et place l'amitié au-dessus de tout (y compris des lois). Ilaccueillera les personnages en leur proposantà boire, et ira jusqu'à les inviter à déjeuners'ils se montrent aimables.

Au sujet de l'affaire, il ne pourra pasdire grand-chose. Il confirme toutefois ce queMillaux prétend, à savoir que le tableau inti-tulé "Le déclin" a bien été offert au vieuxbrocanteur en signe d'amitié, et queGondureau a bien prêté deux mille francs àJacques pour que celui-ci puisse acheter undeuxième tableau du même peintre. Il pourraaussi nommer ce peintre, bien qu'à ce stadede l'enquête, le lien entre les meurtres et lestableaux ne puisse pas encore être établi. Le peintre se nomme Anatole Brancard.Gondureau l'a rencontré à plusieurs repriseset le décrira comme quelqu'un de très aima-ble, mais maladivement timide.A aucun moment Gondureau n'avouera êtrepassé chez Londrin au cours de la matinée du

crime. Il est bien conscient que cela le trans-formerait en suspect, et tient à éviter toutscandale.

AUTRES ÉLÉMENTS

Les personnages devront trouver pareux-mêmes la plupart des indices duscénario.

Une des sources est bien évidemment le voi-sin de Londrin. Bien sûr il affirmera mordi-cus que sa version est exacte, mais la bonneEdwige ne sera pas aussi catégorique. Ellepourra parler de l'homme à la canne, qui asalué la petite-fille de Meugnot. Elle ne pour-ra donner aucune information sur ce qui s'estpassé à l'heure du crime, dans la mesure oùelle était sortie.Une autre source, qui les informera notam-ment sur la vie quelque peu dissolue deBernard Londrin, ce sont les potins mon-dains. Ils apprendront là toute la vérité sur laliaison entre Londrin et Clara Duverdin.Chose plus surprenante encore, ils appren-dront que Clara Duverdin reçoit égalementde fortes sommes de Gondureau. Si on inter-roge celui-ci sur le sujet, il se montrera trèsgêné, puis se laissera aller à des confidencessur le thème "vous savez, les gens de monâge et de ma catégorie sociale ont parfoisbesoin de se divertir un peu…". Il n'estcependant pas au courant de la liaison entreClara et Londrin. Le mettre en confrontationavec cette information fera pâlir le banquier.Il demandera des informations supplémentai-res, et il est très visible que cette nouvellel'affectera beaucoup. Cela aurait pu être lemobile du crime, si Gondureau avait étéinformé de cette liaison. Mais les personna-ges peuvent être lancés sur une fausse pistequi durera au moins jusqu'au troisièmejour…

Le Troisième JourCHRONOLOGIE : MERCREDI 8 SEPTEMBRE1926

LA VISITE DU PEINTRE

Alors que l'enquête des personnagesavance petit à petit (faites en sortequ'elle avance lentement, et n'hésitez

pas à leur faire ressentir l'urgence de leurmission), le frère de Jacques Millaux reçoitune visite inattendue en la personne deAnatole Brancard.

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Celui-ci ne paye pas de mine :l'homme est très petit (il ne mesure pas plusd'un mètre 55) et chauve. Cependant, il nes'agit pas de cette calvitie noble et imposan-te de la vieille aristocratie d'Europe centrale,mais plutôt de la calvitie bas-peuple : elle nesied vraiment pas au personnage. Son visageest relativement anodin, et il porte devant luiun imposant embonpoint qui semble àjamais le séparer de son interlocuteur.L'homme parle avec une voix assourdie, àtel point qu'il est indispensable de fairesilence pour le comprendre. A aucunmoment, il n'élèvera la voix et préférera setaire plutôt que de parler dans le vide. Cen'est pas quelqu'un qui cherche à s'imposer.Pendant toute la conversation, il regardera àterre et s'excusera à tout moment du déran-gement qu'il occasionne. Jouez-le comme unpersonnage pitoyable et légèrement éner-vant. Je vous assure que c'est le meilleurmoyen de détourner les soupçons desjoueurs.La raison de la visite du peintre est la sui-vante : après des années de travail dont lepoint d'orgue a eu lieu ces derniers mois, unegalerie de Paris lui a enfin proposé d'exposerses toiles. Anatole prépare cet événementdepuis bien longtemps. Cherchant à réunirses meilleures toiles en vue de les exposer, ilavait déjà contacté Jacques Millaux avant lesproblèmes de ce dernier, pour lui demanderde prêter le tableau qu'il possédait pour cetteoccasion unique. Jacques a bien évidemmentdonné son accord, et a signé une petite auto-risation que le peintre produira aux person-nages s'ils hésitent à lui confier le tableau. Anatole était plutôt inquiet ces dernierstemps, ne recevant plus de nouvelles deMillaux, il a mené sa petite enquête et adécouvert ce qui s'était passé. Ne désirantpas se mêler des affaires de la familleMillaux, il a tout de même réussi à trouverl'adresse du frère, et c'est pour s'assurer qu'iln'y aura pas de problème qu'il est venu voirles personnages.Le vernissage de l'exposition ayant lieu cesamedi 11 septembre (soit dans 4 jours), ilpropose au personnage de dépêcher undéménageur dans la journée de Jeudi, afin derécupérer la toile. Ceci étant acquis (il ne démordra pas avant),il offre au personnage des invitations pour lasoirée de vernissage, et se retirera en s'excu-sant, non sans avoir laissé une petite cartebien modeste portant la mention de son nomet de son adresse. " Si vous voulez bien me

pardonner l'impolitesse de vous avoir déran-gé à un moment si délicat, je serais heureuxde vous accueillir chez moi quand vous lesouhaiterez ".Cette visite doit laisser aux joueurs uneimpression de non-importance, un simplefait en passant. Et pourtant, cette visite pré-pare la fin de l'aventure…

Toute la vérité

ANATOLE BRANCARD

Avant que vous n'imaginiez un nou-veau Machiavel, je tiens à rectifiertout de suite ce que j'ai laissé sous-

entendre : Anatole Brancard est parfaitementinnocent.

Cela fait des années que cet homme(aujourd'hui âgé de près de quarante ans)essaye de percer dans le domaine artistique.Hélas, il lui a toujours manqué ce qui fait levrai peintre : le talent. Mais Anatole n'ayantaucune autre qualification et étant peu dési-reux de rencontrer du monde (sa timiditémaladive l'en empêche), il persévéra danscette voie et vit depuis des années d'une mai-gre obole versée par des amateurs d'art peuéclairés.

Cherchant sans cesse de nouvellessources d'inspiration, il passe le plus clair deson temps dans les galeries et dans lesbibliothèques, à la recherche du déclic quilui fera enfin produire une grande œuvre Seplongeant dans des lectures de plus en plushétéroclites (aussi bien des ouvrages reli-gieux, de simples romans que des ouvragesplus hermétiques), il se rendra bien vitecompte que ce sont ces derniers qui lui fontle plus d'effet. Le pouvoir, proposé entre leslignes d'ouvrages pseudo-diaboliques l'attireinconsciemment, comme toute personne fai-ble est intimement fascinée par la force, etses recherches iront dorénavant dans cettedirection.

Pour avoir une idée du type de livresque possède Anatole dans sa collection pri-vée, jetez donc un coup d'œil sur les en-têtesdes chapitres du " Pendule de Foucault "d'Umberto Eco. Vous y trouverez égalementdes citations qui vous donnerons une idée deleur contenu. Mais ce ne sont pas ces livresqui ont soudainement changé la vie de cepeintre…

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CARACTÉRISTIQUES DEANATOLE BRANCARD

FOR : 10 CON : 11TAI : 8 INT : 14POU : 3 DEX : 15APP : 10Points de Vies : 10SAN : 10

Compétences : Astronomie 10%,Art (Peinture) 50%Bibliothèque 30%Histoire de l'Art 50%,Lire/Ecrire Grec 50%,Occultisme 50%,Discrétion 40%

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L'ouvrage qui marque le début detoute cette aventure s'intitule tout simplement" Votre avenir avec le Tarot ". Le livre estécrit par un certain Malet, sans indication duprénom et semble d'édition assez récentequoique artisanale. Il n'y a en effet aucunemarque d'éditeur. L'ouvrage en lui-même n'arien de fascinant, mais gare à celui qui s'yplonge en quête de vérité… il finira par ytrouver quelque chose d'insidieux qui finirapar le posséder inconsciemment. Qui saitquelle est l'origine de le livre ? S'agit-il d'unecopie parfaite d'un ouvrage plus ancien ? Lestyle ne s'y prête pas. Contient-il l'esprit d'unsorcier du siècle dernier ? Possible, mais quelest son but ?

Toujours est-il que du moment oùAnatole s'est plongé dans l'ouvrage, sontalent a fait un prodigieux bond en avant. Sestoiles se sont mises à attirer du monde. Maistout succès se paye. La fascination qu'exer-çaient les tableaux d'Anatole était égalementde source morbide, car chaque tableau porteen lui la mort de son propriétaire…

LA MORT DE LONDRIN

Gondureau parti, Bernard Londrin seretrouvait seul dans son bureau. Ildescendit poser les verres à la cuisi-

ne, puis remonta pour attendre son prochainvisiteur, Jacques Millaux. S'asseyant à nou-veau à son bureau, il contempla pour la der-nière fois ce tableau intitulé " La demiurge "par son auteur. Au départ, cette toile l'avait fasciné : il avaittoujours aimé les belles femmes, et celle-cilui plaisait plus que toutes les autres réunies.Excepté Clara Duverdin. Puis, son regard l'a-vait dérangé. Il y avait quelque chose d'in-quiétant à être regardé par des yeux aveugles,mais l'expression du visage était tel que lafemme sur le tableau semblait le juger. Il yavait une certaine sévérité dans l'expression,qui le mettait mal à l'aise et qui l'avait finale-ment décidé à vendre le tableau.Jacques Millaux s'était présenté spontané-ment, facilitant grandement la tâche de l'in-dustriel. Alors que les pensées de Londrinerraient de-ci de-là, il s'aperçut soudainementd'un détail qu'il n'avait pas remarqué jusqu'àprésent : certaines touches de couleurs sur lesjoues et sur le corps de cette femme qui nel'avaient pas frappé auparavant. Intrigué, il seleva, et fit le tour du bureau pour se placerface à la toile et l'examiner ainsi de plus près.

Effectivement, il lui semblait que là où il n'yavait que du fusain se trouvaient maintenantdes taches roseâtres, qui rehaussaient un peule tableau. Puis les yeux de la femme s'en-flammèrent sous les yeux de l'industriel. Prisde panique, ne comprenant rien à la situation,celui-ci se recula. Il n'eut même pas le temps de percevoir lefrottement du métal contre le métal avantqu'une des épées qui s'était détachée le frap-pa avec une force hors du commun. Pendantle cours laps de temps que dura son agonie, ilsentit comme un froid intense alors que sonâme était lentement aspirée vers le tableau.

UN AUTRE MORT…

CHRONOLOGIE : MERCREDI 26 MAI 1926

C'est cette même sensation qu'éprouvaMichel Dubresse, le patron d'un desplus importants journaux de France

quelques semaines plus tôt. Dans sa cabinede verre, surmontant de quelques mètres àpeines les lourdes machines, il avait faitaccrocher ce tableau impressionnant exécutépar un peintre qu'il avait rencontré par hasardchez un de ses amis.

Le tableau, simplement intitulé"Atlas", représentait un homme que l'ondevine très fort sous des vêtements noirs demagistrat tente de porter sur son dos la terre.Si le sujet n'a rien d'original, c'est dans l'exé-cution que le tableau se démarque : fidèle austyle d'Anatole Brancard, la terre est dessinéeau fusain, mais son aspect est encore plusassombri, et en observant attentivement latoile, on peut se rendre compte de silhouettesse découpant dans la masse planétaire : dessilhouettes tordues et torturées.

Dubresse contempla longuement letableau le soir où il fut retrouvé mort. Iladmirait avant tout l'expression de souffrancepeinte sur la figure du magistrat. L'artisteavait su retranscrire la difficulté de soutenirune forte charge, et aux jambes déjà ployées,on se rendait compte que le pauvre hommen'en avait plus pour longtemps avant d'êtreécrasé.

Dubresse était très heureux de sonacquisition, même si parfois, la toile lui sem-blait étrangement prémonitoire. Et ce soir là,alors que la plupart des journalistes étaientrentrés, et que le journal du lendemain s'im-primait, il ressentit cette impression avec uneacuité insupportable. Etait-ce la mauvaiseluminosité qui lui fit croire que les silhouet-

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tes s'étaient mises à bouger ? Pour s'en rend-re compte, il alluma toutes les lampes de sonbureau. Alors qu'il s'approchait de la toile, iln'y avait plus aucun doute : non seulementles silhouettes étaient animées comme desflammes, mais en plus, elles en prenaient lacouleur !

Ce n'est qu'après s'être rendu comp-te de ce fait incroyable, qu'il s'aperçut que laterre elle-même était en train de grandir,qu'elle enflait jusqu'à prendre toute la lar-geur de la peinture. C'est à ce momentqu'Atlas ploya et laissa tomber la terre…

Nul ne sait exactement ce qui arrivace soir-là. Le corps de Dubresse fut retrouvédans les rotatives, par les techniciens, immé-diatement alertés lorsque les machines s'ar-rêtèrent. Sur son visage, on pouvait lire lesnouvelles du lendemain : "Révoltes auMaroc : échec des autonomistes".

La policea conclu aun acci-dent. Lesmeilleurs experts sontd'accord sur le fait queDubresse a cherché à éviter quelque chose etqu'il s'est précipité maladroitement à traversla paroi vitrée. L'expression de terreur surson visage n'ayant été provoquée que parl'imminence de la mort…

ET ENCORE UN…

CHRONOLOGIE : MARDI 15 JUIN 1926

Paul Dubois - père Paul Dubois,devrais-je dire - était un passionnéd'astronomie. Il avait installé dans les

combles de son presbytère une petite salle,qu'il avait rendu accueillante par l'adjonctionsavante de tapis et d'œuvres d'art. Dans uncoin de cette garçonnière (!), était posé enbonne position une lunette astronomique,dont le prix aurait même fait pâlir le ban-quier Gondureau. Chaque soir, le vieux prê-tre passait de nombreuses heures à observerle ciel, persuadé que c'est au firmament dia-manté que l'on pourrait lire le prochain mes-sage de Dieu.

C'était un de ces soirs. Faisant unepause dans ses observations, le père Pauls'assit dans le fauteuil confortable où il avaitl’habitude de prendre le thé que lui préparaitsa bonne. Bien installé, il avait tout loisir decontempler sa dernière acquisition : l’élé-ment qui lui manquait pour finir l'installationde cette pièce. Le peintre qui l'avait exécutéesemblait l'avoir fait au hasard, sur le coupd'une inspiration. Mais le vieux curé étaitpersuadé qu'il s'agissait d'un discret clind'œil du Seigneur. La toile en effet représen-tait exactement ce que l'astronome recher-chait : il y avait trois grandes étoiles sur cettepeinture. Celle de gauche était fortementteintée de bleu alors que celle de droite étaitde couleur rougeâtre.

Mais ce quiprenait le plus deplace sur l'image,était cette étoilecentrale, pla-

cée légère-ment plus haute

que les deux

aut-res. Elle était

exécutée aufusain, et semblait

inachevée, maison pouvait clairement reconnaître danscette étoile la silhouette d'un homme

crucifié qui ne pouvait être que Jésus, leMessie. Et pour le père Paul, c'était un dou-ble message. La toile était inachevée carl'œuvre de Dieu était inachevée. Et l'analo-gie des étoiles n'était que trop frappante.

Cette observation lui redonna ducœur à l'ouvrage, et il se remit à son poste,légèrement courbé pour mieux apposer sonœil à la lunette. Un léger courant d'air par-courut la pièce. La saison allait vers l'obscu-rité, et les nuits seraient bientôt plus longueset froides… "il est temps que je pense àinstaller un petit chauffage à bois", se dit-il,l'œil fixé sur les étoiles, lorsque trois pointsdistants attirèrent son attention. Il s'agissaitd'un groupe d'étoiles dont la position rappe-lait fortement la position des étoiles sur latoile. De plus, il lui semblait que les étoilesextrêmes avaient les mêmes colorations quesur la peinture.

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Passablement excité, le curé tenta defaire le point en triturant les nombreusesmanettes de son engin. Et l'étoile centralesemblait grandir dans l'objectif. Piétinant surplace, le curé attendit de voir la merveille quiallait se présenter à lui, la sueur lui coulantsur le front. Mais alors que la forme s'appro-chait encore et toujours de lui, il se renditsoudainement compte que quelque chosen'allait pas. Le corps cloué sur l'étoile, enposition de crucifié ne pouvait pas être celuid'un humain : de larges ailes membraneusesremplaçaient les bras, et le corps entier étaitde couleur grisâtre, comme la peau d'unvieux cadavre. Mais le plus horrible était cer-tainement la tête, un crâne animal, munid'une bouche aux dents impossiblement lon-gues, et d'orbites vides au fond desquelsbrillait une lueur verdâtre et malveillante.N'en croyant pas ses yeux, le vieux prêtrerecula instinctivement, mais le cauchemar nes'arrêta pas pour autant, car en se retournant,il vit très clairement sur la toile de la cruci-fixion se détacher le visage hideux de cettecréature. Et cette créature remua ses lèvresracornies et lui dit : " je suis là pour toi, monfils ".

"Je lui avais pourtant dit que ce n'était passage de sa part ! Rester éveillé si tard, a-t-onidée ! A son âge !" se lamentait AdelaïdeVontrin, la bonne du père Dubois, interrogéepar la police."Voyez-vous, il faisait de plus en plus froiddans cette chambre, et rester debout pendantdes heures, ce n'est pas une très bonne idée.On finit par ne plus savoir où on est. Et avecson cœur tellement fragile, il aurait du faireattention. Ah, pauvre père Dubois ! Mais quevais-je devenir ?"

UNE ÉPIDÉMIE DE MORT…

Dans l'ensemble de la capitale, denombreuses personnes trouvaient lamort dans des circonstances soit

accidentelles, soit mystérieuses. La policen'est jamais arrivée à faire le lien entre toutesces affaires, mais l'inspecteur Froissard estprêt à donner toutes les informations que lespersonnages désirent, pour peu que le pointcommun entre les victimes semble évident :elles possédaient toutes un tableau d'AnatoleBrancard.

Vous trouverez toutes les informa-tions concernant les autres victimes et les

autres tableaux dans l'Annexe B. Mais inté-ressons nous un peu plus à la finalité de l'af-faire…

La finalité

UNE NOUVELLE TENTATIVE

Qui a dit que les créatures du mytheavaient besoin d'adorateurs cons-cients pour agir à leur guise dans ce

monde qui les a oubliées. S'il en est bien unequi n'a pas besoin des humains, et qui ne s'ensert que pour le plaisir de les manipuler, ils'agit bien de Nyarlatothep. Car c'est lui quise cache derrière tous ces évènements. On ditde lui qu'il inventa de nombreuses chosespour les humains, et l'une de ces choses est letarot divinatoire, dont il susurra l'idée àquelques adorateurs dans les temps anciens.

Le pouvoir qu'il mit dans chacunedes arcanes était immense, mais fortementdissipé par les humains qui les utilisaient.Pourtant, celui qui arriverait à utiliser cescartes et ces symboles pourrait acquérir unpouvoir sans limite sur le monde, un poten-tiel de décision énorme. Jetant toujours plusloin ses filets, le Grand Ancien voulait enfinrécupérer les dividendes de ses peines.

Le livre "Votre avenir avec le Tarot"apparut à la fin du siècle dernier. Malet, l'au-teur de l'ouvrage, était totalement inconnu, etl'ouvrage ne semble avoir été édité qu'en unseul exemplaire. Lorsqu'il tomba entre lesmains de Brancard, ce dernier fut incons-ciemment fasciné par le contenu, bien qu'àpremière vue, il ne soit pas révolutionnaire…Inspiré par ce qu'il lisait, il se mit à peindredes toiles ayant pour support les cartes dutarot. Et dans chacune des œuvres du peintre,l'âme de Malet, qui n'était autre que l'HommeNoir, plaça une partie du pouvoir de la cartecorrespondante, décidant du même coup del'avenir du futur propriétaire de la toile.

Mais tout ceci a bien évidemment unbut, et c'est à cause de l'accomplissement dece but que les toiles sont incomplètes. Cen'est pas pour rien que le peintre semble lais-ser un espace inachevé sur la toile (cette par-tie dessinée au fusain, constante dans l'œuvrede Brancard) : c'est pour y laisser la placepour l'âme du défunt.

Car Nyarlatothep a besoin de l'essen-ce même de ces âmes pour y puiser le pou-voir nécessaire à son incarnation dans lecorps d'un avatar. Chaque mort servira à aug-

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menter la puissance de l'Avatar de l'HommeNoir, qui fut représenté dans le jeu de tarotsous la forme de l'Arcane 0 : Le Mat.

UNE VISITE CHEZ BRANCARD

Commençant probablement à se poserdes questions au sujet du peintre (quise manifestera à nouveau en fin de

semaine pour récupérer son tableau), les per-sonnages pourraient bien se souvenir de l'in-vitation de Brancard à visiter son atelier.

Celui-ci n'a franchement rien de par-ticulier. De la rue, on ne voit à l'adresse indi-quée qu'une maison en ruine. Ses fenêtressont brisées, le toit est troué et on a l'impres-sion que l'ensemble du bâtiment est aban-donné. Pourtant, il ne s'agit pas d'une fausseadresse. L'atelier est en fait situé derrière lamaison (que Brancard a hérité de sesparents, et n'y trouvant pas d’utilité, a laissétomber en décrépitude). Il s'agit d'une petitemaisonnette d'appoint, visiblement de fabri-cation récente, et entièrement construite enbois. La température y est assez fraîche, carAnatole ne voit pas l'intérêt de chauffer l'u-nique pièce avant que ses doigts ne soientengourdis.

En fait d'atelier, les personnagesdécouvriront son " chez lui " : un matelasposé à même le sol lui sert de chambre àcoucher, dans un coin, un antique poêle àcharbon lui sert de coin cuisine et de chauf-fage. Tout le reste est occupé par des tonnesde tréteaux, tables, etc. toutes encombréesde pots de peintures, de pinceaux et de liv-res. Des draps maculés de couleurs tapissentle sol, et l'ensemble donne une impressionde capharnaüm terrible. Pourtant, lors de lavisite des PJs, aucun tableau ne se trouvedans l'atelier : ils sont tous déjà partis endirection de la galerie pour l'exposition desamedi.

Anatole sera probablement chez lui,et c'est avec sa timidité naturelle qu'ilaccueillera les personnages dans son modes-te lieu de travail. Il commencera par leurproposer maladroitement à boire, avant de serappeler qu'il ne peut leur offrir que du thé,de l'eau ou un whisky (il doit lui en resterune bouteille qu'il passera dix minutes àtrouver). Puis, il bavardera aussi civilementque possible avec ses visiteurs, répondantavec amabilité aux questions, bien qu'ils'embrouille et commette quelques impairs.

En fait, le seul élément intéressantde cette visite devrait être le livre " Votre

avenir avec le Tarot " qui se trouve posé aumilieu des autres ouvrages. Mais la profu-sion de publications hostiles peut inquiéterbien plus des joueurs habitués. En effet, celivre qui est le centre de cette histoire estprobablement le plus anodin de tous. Lespersonnages pourront quand même observerque le livre de Malet semble être fréquem-ment consulté. En l'ouvrant et en le feuille-tant (Anatole n'y voit aucun inconvénient),on peut s'apercevoir qu'il est organisé endeux parties : une partie théorique qui pré-sente dans un charabia digne de la meilleurediseuse de bonne aventure les fondements etla puissance des arcanes majeurs du Tarot etune partie référentielle décrivant chaquearcane majeur, avec sa représentation sur lapage de gauche, et sa signification dans lapage de droite. C'est dans cette partie que lespersonnages pourront lire de nombreusesphrases qui, prises hors contexte peuventsembler banales, mais qui dans le cas présentsemblent étrangement prémonitoires (inspi-rez- vous des horoscopes publiés dans lesdifférentes revues, mais en les noircissant unpeu…). L'ouvrage dans son intégralité nedépasse pas les 150 pages.

Bien sûr, Anatole réitérera son invi-tation au vernissage de son exposition, puis,après que les joueurs aient posé toutes lesquestions qu'ils désirent, les raccompagnerajusqu'à la rue. Pendant toute cette scène, rap-pelez vous que Anatole Brancard est inno-cent. Vous pouvez toutefois ajoutez des élé-ments bizarres dans l'atelier (un personnagese sent observé, certaines couleurs semblentchangeantes, en fonction de l'angle d'obser-vation, des ombres changent de formes, etc.)

LE PROCÈS

Il ne faut cependant pas oublier que le butde tout ce scénario est d'empêcherJacques Millaux de perdre sa tête (au

sens propre du terme). Le procès aura lieuvendredi (la veille de l'exposition deBrancard), et les joueurs doivent avoir étéparticulièrement brillants pour empêcher lacondamnation à mort.

En effet, à l'origine, tout est contreJacques Millaux. Même si les personnagesont découvert des incohérences avec la ver-sion de l'accusation, cela ne devrait pasconvaincre les jurés, car pour la plupart d'en-tre eux, un homme déjà condamné est tou-jours coupable de ce qu'on lui reproche.

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Si l'avocat est joué par un personna-ge, n'hésitez pas à jouer les réquisitoires duprocureur, puis de la défense. Du côté du pro-cureur, n'hésitez pas à faire transparaître enJacques Millaux le monstre, libéré de toutscrupule, pris en flagrant délit et refusantd'admettre la vérité. Appuyez sur chacunedes évidences, avec une colère juste dans lesyeux, un ton dur, sauf quand il s'agit d'évo-quer la pauvre et innocente victime d'uncrime crapuleux et prémédité ! En bref, inspi-rez-vous des plus mauvais films de procès.

Puis, laissez l'avocat parler et expo-ser à son tour la vérité. Mais que peut-ildire ? Que des tableaux maudits tuent desgens dans Paris ? Cela serait considérécomme une injure à magistrat… En fait, lemeilleur parti à prendre consiste à tenter d'at-tirer les soupçons vers Gondureau (même siles personnages ont la conviction que le ban-quier est innocent également). Mais mêmedans ce cas, c'est la parole de Gondureaucontre celle de Millaux. Et comme on ne s'at-taque pas impunément aux institutions, lesjurés choisiront la condamnation de Millaux.

Pendant toute la scène du procès, fai-tes sentir aux joueurs l'importance de la mal-édiction et le pouvoir des tableaux. Toute"preuve" avancée par les personnages rece-vra un plus mauvais accueil qu'une preuveavancée par le procureur. Au final, considé-rez l'alternative suivante : si le tableau possé-dé par Jacques Millaux a été détruit (ce qu'ilfaudra expliquer à Anatole, mais bon…),celui-ci pourra s'en tirer avec une lourdepeine de prison. Dans le cas contraire, c'est lacondamnation à mort.

Et comme L'Homme Noir a besoinde son âme avant le lendemain, cette exécu-tion aura lieu le lendemain même, à l'aube !

LE FINAL

CHRONOLOGIE : SAMEDI 11 SEPTEMBRE 1926

Le final aura lieu le soir de l'exposition.Toutes les toiles seront exposées depart et d'autre d'une vaste salle blan-

che. De nombreux visiteurs seront présentsce soir, et l'ensemble du gratin de la ville seraprésent, car la réputation du peintre s'estrépandue, de bouche à oreille, et tout lemonde veut voir les toiles magiques dont onleur a parlées les jours précédents. Les per-sonnages auront peut-être l'occasion de ren-contrer au cours de la soirée Clara Duverdin,accompagnée pour l'occasion de Ernest

Gondureau, mais ce couple essaiera de resterle plus discret possible, en particulier si lespersonnages sont au courant de leur liaison.

La réelle vedette du spectacle secache encore, mais tout le monde pourra voir,trônant au fond de la salle, la dernière toile dupeintre, celle qui ne sera présentée que plustard dans la soirée. Elle semble être d'un for-mat bien plus imposant que les autres, et estrecouverte d'un immense drap d'un blancéclatant. Un cordon de sécurité est posédevant, et personne ne peut s'approcher de latoile sans que le directeur de la galerie l'enempêche. De plus, s'approcher de la toile,revient à s'attirer le dédain de tous les gensprésents, car tout le monde en meurt d'en-vie…

Ce n'est que tard dans la soirée (atta-cher vous à rappeler sans cesse la présencedu tableau - en particulier si les personnagesont découvert ce qui se trame - tout en leurdonnant l'impression d'une soirée mondaineclassique) que Anatole Brancard fait sonapparition : il se dirige d'un pas cérémonieuxvers la toile, et plus particulièrement vers lecordon qui va lui servir à découvrir sonœuvre. Il semble ailleurs, comme s'il étaitdrogué, et est en fait sous l'emprise directe del'Homme Noir. Arrivé à hauteur de la toile, iltire violemment sur le cordon, exposant aupublic sa dernière œuvre.

Dans un premier temps, c'est la cons-ternation : le tableau ne représente qu'unesimple tache noire, qui prend toute la placesur la toile. Et cette tache se trouve sur unfond blanc. Les gens commencent à murmu-rer, ne sachant pas trop s'il s'agit d'une œuvregéniale, ou d'une immense supercherie. Danstous les cas, Anatole reste silencieux à côtéde la toile, les yeux perdus dans le vide.

A ce moment, les personnages atten-tifs à ce qui se passe autour d'eux, peuvent serendre compte que les toiles environnantes(les 21 toiles du peintre) commencent une àune à se modifier. Comme tout le mondeobserve la dernière œuvre du maître, ilsseront probablement les seuls à le remarquer.Le changement est assez inquiétant et pro-gressif : la partie noir et blanc de l'œuvrecommence à se teinter doucement de cou-leurs, comme si elle se reconstituait par ellemême. Et quand le premier tableau est entiè-rement coloré, le deuxième commence lamétamorphose, et ainsi de suite. Ce proces-sus est toutefois assez rapide, et il faudramoins de 3 minutes aux tableaux pour êtretous colorés. Cela laissera néanmoins le

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temps aux personnages de détruire certainesœuvres sous l'œil médusé des invités.

Ce n'est que lorsque tous lestableaux intacts auront pris de la couleur,que la tache sur le tableau maître commen-cera elle aussi à se métamorphoser, bien quele changement ne soit pas du tout du mêmetype. Dans un premier temps, la forme som-bre dessinée sur la toile commencera à bou-ger et à changer de forme. Ce qui produiraun recul instinctif de la foule, bien que l'étatde panique ne soit pas encore atteint. En fait,celui-ci ne sera provoqué que par la prise devolume de la tache. En effet, la tache sembleprendre une troisième dimension, et tout enprenant forme humaine, semble s'extraire ducadre pour empiéter dans la réalité. Bientôt,l'Avatar se dresse devant le cadre déchiré, etrécoltera toutes les âmes emmagasinées dansles autres tableaux. Cela aura la forme dejets de couleurs provenant des autres arcanesqui seront absorbées par la forme noire.Puis, ce sera le massacre. L'Avatar se préci-pitera sur tous les invités tentant de fuir,mais trouvant les portes d'entrées ver-rouillées (c'est Brancard qui les a ferméesavant de révéler son œuvre). Le pauvre pein-tre sera d'ailleurs la première victime dumonstre : le corps de l'homme étant littérale-ment absorbé et dissous dans la forme telle-ment sombre qu'elle semble manger la réali-té.

La force de l'Avatar dépendra dunombre d'âmes qu'il a réussi à absorber. Ilest peu probable toutefois que les personna-ges aient réussi à détruire toutes les toiles.Voir l'Annexe A pour les caractéristiques dumonstre.

Le combat (s'il y en a un) doit avoirlieu dans une ambiance apocalyptique.N'hésitez pas à mettre en scène des massac-res gratuits : en plein milieu de la confronta-tion, une femme est happée par la bête etréduite en moignons sanglants, des éclairsdus à la puissance mise en œuvre zèbrent lasalle, les gens fuient dans tous les sens ethurlent de façon hystérique. Certainsdeviennent fous sur le moment (c'est peut-être aussi le cas des personnages) et le nom-bre de morts est impressionnant. S'il vousprend des idées sadiques, faites en sorte queles personnages soient les seuls survivantsdu massacre (qu'ils auront alors à expliqueraux policiers).

Si les personnages remportent lavictoire, ils se retrouveront au milieu du car-nage. D'éventuels survivants sont plongésdans un état de catatonie ou d'hystérie, et lachose, une fois à terre se dissoudra dans unegrande tache d'encre, qui ne pourra jamaisplus être effacée. Les tableaux sont redeve-nus normaux : dessinés en partie au fusain,ils ont maintenant perdu toute leur magie. Cene sont plus que des œuvres inachevées,dont l'histoire ne retiendra rien, car ni lestyle, ni l'exécution ne semblent maintenanttrès novateurs. Le charme qui agissait sur lestableaux est maintenant passé.

Si les personnages échouent, ilsseront assimilés à leur tour par la chose, quiaprès en avoir fini avec les autres invités, irase cacher dans un endroit sombre, dans unevieille bâtisse par exemple, en attendant sonheure : le moment où son maître aura besoind'elle.

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CARACTÉRISTIQUES DELA CHOSE DU TABLEAU

(les caractéristiquesmarquées d'un * sont àmultiplier par le nomb-re de tableaux intacts)

FOR* : 2 CON* : 6TAI* : 3 INT : 14POU* : 4 DEX : 12APP : -Points de Vies* : 4,5

Pertes de SAN :1D6/1D20 Armure : sans

Attaque spéciale : absorption : à chaquefois que la chose toucheun humain, elle lui vole4 points de magie et1d10 points de SAN (letoucher est particulière-ment horrible). Si la vic-time tombe à 0 dans unede ces deux caractéris-tiques, elle commence àêtre absorbée par laChose. Cette action estirrévocable et dure 1d3rounds. Une fois absor-bée, les points de vierestants, les points deTAI et les points deCON de la victime sontadditionnés à ceux de lachose.

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Chaque tableau peint par Anatole Brancardcorrespond à une des Arcanes Majeures duTarot. Ils sont tous décrits selon le modèlesuivant :

N° Arcane - Nom Arcane Nom : Nom officiel de l'œuvreReprésentation : Description de l'œuvrePropriétaire : nom et profession du proprié-taire de l'œuvreDate Mort : Date où le tableau entre en actionCirconstances : causes apparentes et nom dudécès

21 - Le MondeNom : AtlasReprésentation : représente un homme quel'on devine très fort sous des vêtements noirsde magistrat qui tente de porter sur son dos laterre. Si le sujet n'a rien d'original, c'est dansl'exécution que le tableau se démarque : fidè-le au style d'Anatole Brancard, la terre estdessinée au fusain, mais son aspect est enco-re plus assombri, et en observant attentive-ment la toile, on peut se rendre compte de sil-houettes se découpant dans la masse plané-taire : des silhouettes tordues et torturées. Propriétaire : Michel Dubresse, propriétairede quotidien.Date Mort : 25 Mai 1926Circonstances : Chute dans les rotatives deson journal.

20 - Le JugementNom : Le déclinReprésentation : La scène représente ungroupe de quatre hommes et trois femmespositionnés en demi-cercle face à l'observa-teur. Les personnages sont vêtus de togesromaines et leur main droite est levée, poin-tant un index impérieux vers le spectateur dela toile. A l'arrière-plan, on peut remarquer denombreuses ruines de temples gréco-romains.Propriétaire : Jacques Millaux, antiquaireDate Mort : (Peut-être 11 Septembre 1926)Circonstances : Condamnation à mort par laguillotine.

19 - Le SoleilNom : La FrontièreReprésentation : Pourquoi ce petit coin deterre au milieu de la toile est-il dessiné aufusain ? Et pourquoi ces craquelures, commesi la terre avait été brûlée ? En plus de cettepartie, un crâne animal est également dessinéen noir et blanc, alors que tout le reste de latoile représente un paysage nordique, ennei-gé, décoré de multiples sapins.Propriétaire : Ludovic Tranchet, BijoutierDate Mort : 24 mai 1926Circonstances : Nul ne sait ce qui s'est passéexactement, mais Ludovic Tranchet a étéretrouvé dans son officine la langue boursou-flée, comme mort de soif. La police penchepour le crime crapuleux, bien qu'aucun poi-son n'ait été détecté. Mais par manque de pis-tes, l'enquête est en sommeil

18 -La LuneNom : Les observateursReprésentation : Le tableau représente unepleine lune dessinée au fusain, derrièrelaquelle se cachent en observation des créa-tures mi-hommes, mi-bêtes qui semblentguetter celui qui se trouve devant la toile. Enarrière-plan, un ciel étoilé du plus beau bleusombre.Propriétaire : Baron Hervé du PlançoisDate Mort : 12 juin 1926Circonstances : mordu à mort par un loup(probablement) alors qu'il chassait dans sapropriété des Pyrénées-Atlantiques.

17 - L'EtoileNom : RenouveauReprésentation : il y avait trois grandes étoi-les sur cette peinture. Celle de gauche étaitfortement teintée de bleu alors que celle dedroite était de couleur rougeâtre. Mais ce quiprenait le plus de place sur l'image, était cetteétoile centrale, placée légèrement plus hauteque les deux autres. Elle était exécutée aufusain, et semblait inachevée, mais on pou-vait clairement reconnaître dans cette étoilela silhouette d'un homme crucifié qui ne pou-vait être que Jésus, le MessiePropriétaire : Paul Dubois, prêtre catho-liqueDate Mort : 15 juin 1926

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ANNEXE : LES TABLEAUX

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Circonstances : Crise cardiaque lors del'observation des étoiles.

16 - La Maison-DieuNom : Retour aux sourcesReprésentation : La toile représente unevieille cathédrale abandonnée, envahie parles racines des arbres qui sont passées à tra-vers les vitraux. A l'avant-plan, sur la droite,un arbre semble s'être transformé en nichepour accueillir une statue de vierge dessinéeau fusain.Propriétaire : Gérard Wilson, archéologuemondainDate Mort : 3 mai 1926Circonstances : Lorsqu'il visita le site defouilles en Bretagne qu'il avait financé etdont il comptait en retirer tout le mérite etqui avaient permis de mettre un jour un trèsancien site religieux Gaulois, situé dans unegrotte, cette grotte s'est effondrée, tuant dumême coup l'ensemble de son équipe, soit 8personnes.

15 - Le DiableNom : EchangeReprésentation : Il s'agit probablement d'uncomptoir. Un homme au regard compréhen-sif, la tête légèrement inclinée et dont levisage est dessiné au fusain semble observerun enfant, posé par des mains féminines (lereste est hors-champ) sur le comptoir.Derrière l'homme, on peut reconnaître ungabarit, destiné à mesurer un enfant.Propriétaire : David Wagner, médecinDate Mort : 31 juillet 1926Circonstances : Quelle ironie : un hommequi durant des années a prescrit médicamentsur médicament ! Mourir en inversant deuxflacons et en voulant soigner un rhume…

14 - La TempéranceNom : La place des chosesReprésentation : Le tableau représente unefemme, peinte (ou plutôt dessinée au fusain)à la manière des tableaux bibliques italiens :très douce, aux traits estompés. Mais à laplace de son ventre, on ne peut voir qu'untrou. La femme tient derrière son dos unerose d'un rouge sombre, que l'on peut voir àtravers ce trou. Elle semble évoluer dans unchamp cultivé : des choux.Propriétaire : Félicie Frongier, romancièreDate Mort : 15 août 1926Circonstances : Alors qu'elle était en trainde jardiner dans sa petite propriété à l'exté-rieur de Paris, la pauvre femme voulut ran-

ger ses outils dans la petite remise sans fenê-tre prévue à cet effet. Alors qu'elle se trou-vait à l'intérieur, la porte se referma soudai-nement, la laissant dans le noir. Là, se coin-çant la jambe dans l'amas d'outil, elle fit unemauvaise chute et se brisa la cheville. Ellene put jamais ressortir de cette remise. On latrouva à la fin du mois, amaigrie et décédée.

13 - L'arcane sans NomNom : DéfaiteReprésentation : C'est sans doute le tableaule plus sujet à controverse de Brancard : ilreprésente en effet le Christ, cloué sur sacroix. L'élément polémique - outre le faitque Jésus soit dessiné au fusain - étant que leChrist est devenu un squelette, sur lequel estencore apposé la couronne d'épine. Le décordu tableau représente par contre plutôt undésert Californien qu'un paysage Israélien.Le Christ semble seul, et le soleil brille enarrière-plan.Propriétaire : Jean Malcoeur, Essayistecontroversé.Date Mort : 4 juillet 1926Circonstances : Le pauvre homme, aprèsune soirée de beuverie dans une réceptionmondaine, est rentré chez lui, et est tombédans l'escalier menant à sa cave (probable-ment pour aller y chercher une autre bou-teille). Dans sa chute, il s'est empalé sur uneplanche trouée qui traînait négligemment.Le clou rouillé lui a transpercé le cœur.

12 -Le PenduNom : RévélationsReprésentation : La scène représente unefoule nombreuse, dont la plus grande partiea le dos tourné au spectateur. Mais le pluscurieux, c'est la présence de cet homme des-siné au fusain, pendu par les pieds à uncroissant de lune, les bras écartés en unesorte de bénédiction. Il sourit et affiche unair béat.Propriétaire : Aaron Mildred, aventurier(entendez par là explorateur)Date Mort : 30 avril 1926Circonstances : Aaron s'est tout simplementpendu à la corde d'escalade, dans les AlpesFrançaises, qu'il tentait de traverser avec unminimum de ressources. On pense qu'il aglissé et que dans la chute, la corde s'estenroulée autour de son cou.

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11 -La ForceNom : EssaiReprésentation : Ce tableau représente unhomme dans un cirque. Il soulève une balei-ne, portant sur son dos un éléphant, portantsur son dos un cheval, portant sur son dos unlivre. Le tout représenté au fusain dans undécor coloré.Propriétaire : Philippe Zortan, anciendompteur.Date Mort : 2 septembre 1926Circonstances : C'est probablement la mortla plus misérable causée par les tableaux.L'homme est tout simplement mort en faisantsa commission aux toilettes. La pressionétant devenue trop forte, ses intestins ontéclaté, causant une hémorragie interne qui luia été fatale.

10 -La Roue de la FortuneNom : Vie et OeuvreReprésentation : La scène est très sombre,puisqu'il s'agit du côté non exposé d'une col-line vue depuis son pied. Le soleil passe unœil discret par dessus le sommet et de nom-breuses personnes semblent tenter de la gra-vir. A leur silhouette, on les devine décharnéset malades. Seule la personne à l'avant plan,dessinée au fusain et que l'on voit de dos,semble joyeuse et normale. Ses poches pen-dent en-dehors de son pantalon.Propriétaire : Francis Norguard, lanceur decouteaux.Date Mort : 12 juillet 1926Circonstances : C'est le seul cas où ce n'estpas le propriétaire de la toile qui est tué, maissa fille. C'est lorsque Francis s'entraînait danssa maison de Montmartre que le couteau,pourtant moucheté, toucha sa cible au lieu dela rater, alors qu'Aline était en train de tour-ner accrochée à une roue jaune et rouge. Lecouteau, atteignant la fille à la tempe la tuasur le coup.

9 - L'ErmiteNom : Seul à ParisReprésentation : L'action se passe dans unerue passante de Paris (on reconnaît le Sacré-Coeur en arrière-plan). La foule est nom-breuse, et tous les détails de la vie quotidien-ne sont là. Seule une personne se détache net-tement du lot. Un homme à la mine triste etau visage suintant (bien que dessiné aufusain, on dirait qu'il est blessé). Il est mêlé àla foule, qui ne semble pas lui accorder atten-tion.Propriétaire : Boris Morgonov, diplomate

Date Mort : 29 mai 1926Circonstances : Boris Morgonov a été prisde malaise alors qu'il déambulait sur lesChamps-Elysées. Des témoins prétendent l'a-voir entendu crier " Ou êtes vous tous passés" avant qu'il n'écarquille les yeux et décèded'une crise cardiaque.

8 -La JusticeNom : La DemiurgeReprésentation : Au premier plan, occupantla plus grande surface de la toile est repré-sentée une femme, nue, qui semble observercelui qui se trouve face au tableau. Elle sem-ble se tenir debout sans aucune pose particu-lière, immobile et sereine. Le plus curieux estsans doute le regard : il est vide de toutepupille, les yeux sont complètement blancs.Plus surprenant encore, l'arrière-plan : il s'a-git d'un paysage assez banal, mais incliné,comme si le paysage avait basculé.Propriétaire : Bernard Londrin, industrieltextileDate Mort : Mercredi 2 juin 1926Circonstances : Transpercé par une épée dedécoration.

7 - Le ChariotNom : La grande pesteReprésentation : Le tableau représente unlarge chariot, conduit par des individus à têtede rats. Sur le chariot, on peut reconnaîtresous les bâches des morceaux de jambes et debras pourrissants. Le contenu du chariot étant(y compris les vers et les mouches) dessinéau fusain. Détail amusant : les cadavres sontégalement recouverts de papiers journauxrécents.Propriétaire : Patrick Marcellin, rentierDate Mort : 18 juillet 1926Circonstances : Patrick Marcellin a été vic-time d'un accident de la route. Un véhicule,accéléré par une pente a perdu ses freins, et lavoiture a happé le rentier alors qu'il traversaitla route. Sa jambe, arrachée par la violence,est retombée dans le caniveau et a roulé pen-dant un instant avant de s'immobiliser.Patrick était déjà mort.

6 -L'AmoureuxNom : RevancheReprésentation : La scène représente uncouple enlassé. Seul l'homme est vu de face,son visage passant par dessus l'épaule de lafemme, et le couple est dessiné au fusain. Ladague que la femme s'apprête à enfoncer àson insu dans le dos de son amant est par-

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contre peinte, ainsi que le décor médiéval.Propriétaire : Klaus MargeronDate Mort : 7 juillet 1926Circonstances : Le jeune homme s'estdonné la mort en avalant du poison (bien quela fiole qui le contenait n'ait pas été retro-uvée). Faut-il noter l'incroyable ressemblan-ce entre le modèle du tableau et la victime ?Et qu'en pense Emilie, sa petite amie ?

5 - Le PapeNom : L'InachevéReprésentation : Un homme nu , dessiné aufusain, est couché dans son lit à baldaquin.Du moins, on imagine qu'il s'agit d'unhomme à l'absence de ses seins, mais il n'apas de sexe non plus. Ses traits sont toutefoismasculins. Il est entouré de multiplesvieilles personnes qui semblent le condam-ner ou le plaindre. Propriétaire : Jean-Baptiste Flandrois, pro-priétaire terrienDate Mort : 13 juin 1926Circonstances : L'homme était un ferventadmirateur de chevaux. C'est alors qu'il s'en-traînait à sauter des obstacles avec Vaillant!,son cheval favori, que l'animal rua violem-ment en refusant de sauter. Jean-Baptiste futprojeté vers l'obstacle (un tronc d'arbre sur-élevé. On ne sait si c'est la douleur ou lechoc qui le tuèrent, mais le pauvre hommeatterrit avec un pied à gauche et un pied àdroite de la poutre. Ce qu'il y avait au milieune fut plus que bouillie…

4 - La PapesseNom : L'InachevéeReprésentation : Imaginez une marée debébés hurlant de faim, posés à même le soldans une grande salle carrelée. Imaginez unefemme (on imagine que c'est une femme, carses traits sont féminins), ne possédant pas depoitrine, ni de pubis en train de s'arracher lescheveux, et vous aurez une assez bonnereprésentation de la toile. Ah ! J'oubliais : lafemme est bien évidemment dessinée aufusain.Propriétaire : Euridice LombardDate Mort : 25 août 1926Circonstances : Mal en a pris à BernardLombard d'offrir cette toile à sa femme.Celle-ci, déjà enceinte de 7 mois ne goûtapas la plaisanterie. C'est lorsqu'elle accoucha(un accouchement difficile et douloureux) etqu'elle regarda pour la première fois son

enfant qu'elle partit dans un immense éclatde rire et essoufflée, mourut d'épuisement.Pourtant, l'enfant se porte bien…

3 - L'EmpereurNom : La fin de l'EmpireReprésentation : Debout sur une tour, dontle sommet visible est dessiné au fusain, unhomme observe le soleil couchant. Mais leplateau sur lequel est construit cette tour estentouré par les crevasses, et à en juger lesmaisons de villageois qui basculent dans levide, les terres rapetissent… Propriétaire : Yann Moritaire,Conservateur de muséeDate Mort : 9 août 1926Circonstances : Yann effectuait sa tournéehabituelle dans son musée. Il l'effectuait tou-jours avant de partir, en souvenir du tempsoù il était simple gardien. Mais il ne s'atten-dait sûrement pas ce soir-là à trouver toutesles momies éveillées. Et il ne s'attendait pasà ce qu'elles forment une garde d'honneur, enle conduisant inexorablement vers leurempereur. Quand celui-ci abattit sa dague,Yann accueillit la mort avec grâce. Quand àConrad Vardener, le gardien de service cettenuit-là, il fut accusé de meurtre…

2 - L'ImpératriceNom : Le Bal des sorcièresReprésentation : Elle était là, au milieu desa cour. Trônant comme la plus belle femme,au teint pâle et aux traits délicats. Mais est-ce bien difficile quand on est entourée desorcières qui se battent grossièrement pourêtre à l'avant-plan. Par goût pour l'esthétis-me, il aurait fallut inverser les dessins : enle-ver les couleurs aux sorcières, et en ajouter àla reine.Propriétaire : Lydia Hortense, fille de bour-geois.Date Mort : 4 juillet 1926Circonstances : Qu'est ce qui amena LydiaHortense, une des plus belles femmes de lacapitale à se mutiler comme elle l'avait fait ?A l'aide d'un couteau, elle s'entailla profon-dément le visage et les mains, qu'elle avaitdélicates. Alors qu'elle avait tous les hom-mes de Paris à ses pieds, elle a choisi de met-tre fin à son règne de la façon la plus gro-tesque possible. Est-ce parce qu'elle s'étaitrendu compte de sa stupidité qu'elle achevale travail par la gorge ?

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1 - Le BateleurNom : La dernière EpreuveReprésentation : Un funambule, dessiné aufusain, est en train de traverser un gouffre. Ilporte une large perche sensée l'aider à garderl'équilibre. Mais sur le côté gauche de la per-che est posé la Bible, alors que sur le côtédroit est posé un homme. Pourtant, c'est ducôté gauche que penche la perche. Alors quel'artiste est à deux doigts de tomber, on peutremarquer qu'au fond du gouffre se trouventdéjà de nombreux squelettes humains et aut-res.Propriétaire : Michel Sondre, étudiantDate Mort : 16 juin 1926Circonstances : Alors que Michel traversaitle Pont-neuf pour se rendre à l'Universitédans le quartier Ste-Geneviève, il lui prit l'ir-repressible envie d'escalader le parapet et de

contempler le monde de plus haut. Trompépar le mouvement de la Seine, le jeunehomme perdit l'équilibre et chut. On retrouvason corps bien des centaines de mètres plusloin…

0 - Le MatNom : AucunReprésentation : le tableau ne représentequ'une simple tache noire, qui prend toute laplace sur la toile. Et cette tache se trouve surun fond blanc.Propriétaire : AucunDate Mort : Samedi 11 septembre 1926Circonstances : Tués par la chose surgie dutableau lors du vernissage de l'exposition.

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