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[email protected] (Sociologue) LES DIFFERENTES FORMES DE LUTTES SOCIALES POUR UN CHANGEMENT SOCIETAL : DES REFORMISTES AUX REVOLUTIONNAIRES TABLES DES MATIERES DES LUTTES SOCIALES REFORMISTES AUX LUTTES REVOLUTIONNAIRES La lutte sociale via la démocratie revendicative exerce une pression sociale (manifs, boycott, grève, dénonciation…). La lutte sociale fondée sur la sensibilisation, par la prise de conscience L’expérimentation concrète à un rôle éducatif, visant à promouvoir des alternatives. La lutte sociale peut prendre la forme plus consensuelle de la démocratie participative Le syndicalisme et démocratie sociale participative LES LUTTES SOCIALES PAR « BLOCAGES » (DITES « LUTTES NON VIOLENTES ») La lutte sociale, par la grève générale reconductible, vise à bloquer l’économie du pays. Les luttes sociales par des actions de blocages, peuvent prendre des formes diverses. La lutte sociale par la désobéissance civile consiste à ne pas respecter la loi légale LES RELATIONS ENTRE LES LUTTES SOCIALES REVOLUTIONNAIRES ET LA VIOLENCE La révolution signifie une transformation radicale d’un système Une part des luttes sociales a pour but la révolution et non pas les réformes La révolution peut aboutir par une prise de pouvoir par les élections. La révolution doit parfois être défendue par la violence des armes La révolution peut se faire par les armes. Une révolution peut prendre la forme d’un mouvement de masse menant des actions violentes, Le syndicalisme révolutionnaire vise à agir sur le terrain, dans les luttes sociales. L’action insurrectionnelle vise à créer des « étincelles » propageant la révolution Les luttes sociales par la destruction matérielle Il est difficile de scinder véritablement les luttes sociales violentes et non violentes. LES ELEMENTS DECLENCHEURS D’UNE LUTTE SOCIALE (REVOLUTION OU GREVE GENERALE) Le retour sur des anciens droits, sur des avantages acquis est un facteur généralement explosif Les actions, considérées comme injustes et injustifiables , suscitent parfois un mouvement de révolte populaire Une situation économique catastrophique peut favoriser les mouvements sociaux. Les situations économiques florissantes sont aussi favorables L’unification des luttes locales est un facteur de renforcement. RELATION ENTRE LUTTES SOCIALES, ASSOCIATIONS ET PARTIS POLITIQUES LUNITE ET LA DIVERSITE DANS LES LUTTES SOCIALES Les thématiques et les formes de luttes sociales sont variées et souvent complémentaires Les revendications unitaires (au plan local-national-international) Les alliances entre acteurs des luttes peuvent être conjoncturelles ou à long terme Il y a plusieurs stratégies d’alliance, pour un parti qui se lance dans la lutte électorale. 1

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[email protected] (Sociologue)

LES DIFFERENTES FORMES DE LUTTES SOCIALES POUR UN CHANGEMENT SOCIETAL :DES REFORMISTES AUX REVOLUTIONNAIRES

TABLES DES MATIERESDES LUTTES SOCIALES REFORMISTES AUX LUTTES REVOLUTIONNAIRESLa lutte sociale via la démocratie revendicative exerce une pression sociale (manifs, boycott, grève, dénonciation…).La lutte sociale fondée sur la sensibilisation, par la prise de conscience L’expérimentation concrète à un rôle éducatif, visant à promouvoir des alternatives.La lutte sociale peut prendre la forme plus consensuelle de la démocratie participativeLe syndicalisme et démocratie sociale participative

LES LUTTES SOCIALES PAR « BLOCAGES » (DITES « LUTTES NON VIOLENTES »)La lutte sociale, par la grève générale reconductible, vise à bloquer l’économie du pays.Les luttes sociales par des actions de blocages, peuvent prendre des formes diverses. La lutte sociale par la désobéissance civile consiste à ne pas respecter la loi légale

LES RELATIONS ENTRE LES LUTTES SOCIALES REVOLUTIONNAIRES ET LA VIOLENCELa révolution signifie une transformation radicale d’un systèmeUne part des luttes sociales a pour but la révolution et non pas les réformesLa révolution peut aboutir par une prise de pouvoir par les élections. La révolution doit parfois être défendue par la violence des armesLa révolution peut se faire par les armes.Une révolution peut prendre la forme d’un mouvement de masse menant des actions violentes, Le syndicalisme révolutionnaire vise à agir sur le terrain, dans les luttes sociales. L’action insurrectionnelle vise à créer des « étincelles » propageant la révolutionLes luttes sociales par la destruction matérielle Il est difficile de scinder véritablement les luttes sociales violentes et non violentes.

LES ELEMENTS DECLENCHEURS D’UNE LUTTE SOCIALE (REVOLUTION OU GREVE GENERALE)Le retour sur des anciens droits, sur des avantages acquis est un facteur généralement explosifLes actions, considérées comme injustes et injustifiables, suscitent parfois un mouvement de révolte populaireUne situation économique catastrophique peut favoriser les mouvements sociaux.Les situations économiques florissantes sont aussi favorablesL’unification des luttes locales est un facteur de renforcement.

RELATION ENTRE LUTTES SOCIALES, ASSOCIATIONS ET PARTIS POLITIQUESL’UNITE ET LA DIVERSITE DANS LES LUTTES SOCIALESLes thématiques et les formes de luttes sociales sont variées et souvent complémentairesLes revendications unitaires (au plan local-national-international) Les alliances entre acteurs des luttes peuvent être conjoncturelles ou à long termeIl y a plusieurs stratégies d’alliance, pour un parti qui se lance dans la lutte électorale.

LES ÉLECTIONS COMME INSTRUMENTS DE VISIBILITÉ ET DE COMMUNICATION.L’action politique est de nature électoraliste pour un parti politique et peut être de nature idéologique pour une association.LES LUTTES SOCIALES ET LA LUTTE DES CLASSESLa lutte des « classes » est une composante des luttes sociales. La conscience de classe et l’implication d’un individu dans les luttes socialesLa lutte des classes comporte des limites sur le plan de la rigueur théorique. Il y a des points communs et des différences entre classes sociales et PCS (CSP). LA LUTTE SOCIALE ET LA SOCIETE CIVILELes acteurs de la société civile luttent pour conquérir l’hégémonie idéologique. Les relations partis-entreprise-syndicats et associations dans les luttes sociales : la triarticulation

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LES DIFFERENTES FORMES DE LUTTES SOCIALES POUR UN CHANGEMENT SOCIETAL :

DES REFORMISTES AUX REVOLUTIONNAIRES

IntroductionLes luttes sociales ne parviennent que rarement à leur but directement. Il y a des étapes, des

acquis secondaires fruits de compromis avec les pouvoirs en place, qui sont autant de jalons vers le but de ces mouvements sociaux. Par exemple, dans les luttes pour la gratuité, entre les biens et services purement privés payant en totalité (transport, logement, eau, école...) et les biens et services complètement gratuits, il y a des phases intermédiaires. Progressivement, les mouvements sociaux parviennent à repousser le curseur vers le pôle de la gratuité, élargissant la proportion de gratuité par rapport à la part payante, donc en accroissant la part publique contre la part privée. Les services payants succèdent progressivement à la gratuité, comme les services privés au service public. Jean-Louis Sagot-duvauroux souligne que «la lutte pour les gratuités induit une extension nouvelle de la citoyenneté (...). La construction des rapports de forces nécessaires à la sauvegarde des gratuités existantes, et même certaines avancées significatives peuvent prendre corps sans l’intervention du pouvoir d’État, ou en dehors de lui et du personnel qui en brigue la chefferie. D’autres nécessitent la sanction et la mobilisation de la puissance publique, mais d’une manière bien insolite, puisque l’État protecteur des gratuités n’y garantit plus la volonté populaire en s’en décrétant le représentant, mais en devenant le garde frontière des zones de non pouvoir »1.

C’est l’exercice même de la démocratie qui est au cœur des revendications des syndicats et des associations portant notamment sur les droits sociaux et la gratuité Ils réclament notamment de pouvoir participer aux prises de décisions et à leur élaboration. La démocratie représente le pouvoir du peuple, et plus précisément le gouvernement des citoyens” (Delannoi 1998 : 62). Bernstein estime que la démocratie "est le régime politique où la souveraineté est exercée par le peuple"(Bernstein 1999:11)2. “La démocratie libérale est un régime politique fondé à la fois sur la participation de tous les citoyens majeurs à la décision politique et sur la garantie des libertés individuelles et publiques. La démocratie sociale est un régime dans lequel l'État intervient par la loi pour corriger, au profit des plus faibles et des plus démunis, les effets inégalitaires de l'économie de marché” (Bernstein 1999:265) 3. Sous la racine kratein, le pouvoir suppose donc une capacité à prendre des décisions. Ainsi dans le cadre de ce texte, nous définirons la démocratie comme la participation du plus grand nombre d’acteurs légitimes à une décision favorisant l’intérêt général.

La démocratie prend de multiples formes qui dépassent le seul usage de la démocratie représentative. La « démocratie revendicative » s’inscrit plus généralement dans la lutte des classes, et prend la forme de luttes sociales de grèves, de blocages, de désobéissance civile, d’actions symboliques, de sensibilisation.... Nous montrerons à travers plusieurs exemples comment les luttes sociales peuvent parvenir à des succès et accroître la sphère des droits sociaux et de la gratuité.

1 SAGOT-DUVAUROUX, Jean-Louis, De la gratuité, Desclée De Brouwer, 1995.2 DELANNOI Gil, “Démocratie, le mot et le critère”, in Urgences démocratiques, Esprit, février 1998. 3 BERNSTEIN Serge, La démocratie aux Etats Unis et en Europe occidentale, Editions Jacques Marseille, Paris, 1999.

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DES LUTTES SOCIALES REFORMISTES AUX LUTTES REVOLUTIONNAIRESLa lutte sociale via la démocratie revendicative exerce une pression sociale (manifs, boycott,

grève, dénonciation…), pour tirer les débats vers sa propre idéologie. La dimension revendicative relève des campagnes d’opinion, d’interpellation des élus locaux et nationaux, des organisations internationales publiques et des entreprises transnationales (ETN). Ce type de lutte consiste à faire pression sur le destinataire (pouvoir public, entreprises...) aux moyens de messages critiques ou alternatifs lancés dans le cadre de l’espace public (Manifestations, Tracts, messages dans les médias...). Les luttes sociales de nature revendicative, accélèrent et cristallisent la prise de conscience, comme dans le cas de la démocratie par la sensibilisation.

Luttes sociales pour l’assistance gratuite et la sécurité sociale (santé et retraite) prennent parfois la forme de la démocratie revendicative. Dès le Moyen âge, les corporations se fédèrent afin de créer une forme d’assistance entre les professionnels qui en sont membres. Jean Magnidas rappelle que « la première réponse cohérente au problème de la pauvreté vient de l'Angleterre élisabéthaine, précurseur avec ses lois successives donnant aux pauvres une certaine protection. La plus importante de ces lois date de 1601 et demeure en vigueur jusqu’en 1834. Elle confère un droit à l'assistance, à tous les membres d'une paroisse et à celle-ci, l'obligation d’assister en argent s'il s'agit d'un enfant ou d'un invalide et sous forme de travail, s’il s’agit d'un indigent valide (à domicile ou dans des ateliers collectifs) »4.

En France, le principe de solidarité sociale est inscrit dans la déclaration des droits de l'homme de 1793, ceci quatre années après la révolution française de 1789. Ainsi, l'article 21 affirme que « les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler ». Pourtant, dès 1791, le décret d’Allarde abolit les corporations considérées comme des obstacles entre l’Etat et les citoyens, ce qui mettra fin à ce droit d’assistance.

Les mutuelles qui naissent dans la seconde moitié du 18e siècle, expriment un premier progrès dans la solidarité sociale. Elles seront encouragées ensuite, dans leur développement, par la « Charte de la mutualité ». Les principes du « mutualisme » sont ainsi posés par cette dernière. Le fonctionnement des mutuelles est fondé sur l’autogestion, dans la mesure où chacun des membres en est aussi propriétaire. Proudhon expliquait, en 1865, que « la mutualité, d'après son étymologie, consistant plutôt dans l'échange des bons offices et des produits que dans le groupement des forces et la communauté des travaux. »5 comme c’est le cas dans une coopérative. Dès 1942, au Royaume-Uni, le premier rapport Beveridge élabore les principes d’une sécurité sociale. En France, la seconde guerre mondiale suscite le besoin d’une solidarité nationale. Pendant la guerre, 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance intègre à son programme « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État». Ce qui conduira à créer Sécurité sociale assurant la santé et un système de retraite par répartition pour tous.

La sécurité sociale fut un des aboutissements de toutes les luttes sociales, durant les décennies et les quelques siècles précédents. On le voit, les acquis sociaux, sont à la fois le fruit de luttes sociales et en même temps, des compromis instaurés dans le cadre d’un rapport de force entre classes sociales. Ainsi, chaque progrès social peut être vu comme une avancée ou un recul. Chaque acquis nouveau détient, en son cœur, une possibilité de recul futur ou de renonciation à un idéal plus élevé, car certains syndicats révolutionnaires espéraient que les luttes de 1936 aboutiraient à une révolution socialiste, telle que la socialisation complète des moyens de production.

4 MAGNIADAS Jean, Histoire de la Sécurité sociale, Institut CGT d’histoire sociale, 9 octobre 2003.5 PROUDHON Joseph, De la capacité politique des classes ouvrières, (publication posthume ), Editions du Trident, 1865.

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Les luttes sociales pour des revenus aux chômeurs et des revenus inconditionnels, s’inscrivent aussi dans la démocratie revendicative. Les mouvements sociaux qui défendent un revenu universel inconditionnel, ne sont pas parvenus jusqu’alors à atteindre cet objectif. Cependant, le RMI créé en 1988, bien qu’il reste à la fois insuffisant et qu’il est assorti de contrainte de réinsertion, est un premier pas dans cette direction. Le revenu inconditionnel permet de libérer du temps pour des activités sociales et culturelles. La «production» de lien social crée une valeur économique que la société doit rémunérer en tant que telle, explique Moulier Boutang. De plus, la sphère de la réciprocité doit être reconnue économiquement en mesurant « l’apport du travail non rémunéré à l’économie » selon J.-L. Laville. Mais nous allons voir que ces luttes pour des revenus plus ou moins déconnectés du travail sont forts anciennes.

Dès le 18e siècle, en Angleterre, le Speenhamland Act de 1795 octroyait des compléments de revenus aux travailleurs journaliers paysans, qui ne pouvaient plus travailler sur les terrains communaux du fait de la loi sur les enclosures, rappelle A. Clément6. Ce droit fut obtenu sous la pression des luttes contre la loi sur les enclosures. Cependant, Karl Polany souligne qu’en «Angleterre, la terre et la monnaie ont été mises sur le marché bien avant le travail. De 1795 à 1834, la partie la plus intense de la révolution industrielle se fit sans qu'il existe un vrai marché du travail; le système de Speenhamland, en instituant le “droit de vivre”, un complément de salaire indexé sur le prix du pain, était la dernière tentative pour sauvegarder l'ordre traditionnel de la société. En fait, le système de Speenhamland a eu un effet pervers : se proposant d'aider les miséreux en libéralisant les “poor laws” élisabéthaines (qui prévoyaient que les indigents étaient tenus de travailler pour le prix qu'on leur proposait, sans qu'aucun complément de salaire ne soit prévu), il s'est traduit dans les faits par une paupérisation des masses, chassées de leur terre par la deuxième vague d'“enclosures” alors que les salaires qu'on leur proposait étaient tirés à la baisse par le fait que la collectivité assurait un complément leur permettant de subsister »7. On le constate à nouveau, chaque loi nouvelle, chaque acquis social nouveau, peut avoir des effets pervers qui peuvent aller à l’encontre du but recherché par les militants à l’origine.

Les luttes, pour l’indemnisation des chômeurs, s’inscrivent donc dans ces actions du passé et peuvent être considérées comme des demandes à une part croissante de gratuité. Au « début du XXème siècle, on envisageait sérieusement la possibilité de venir en aide aux sans-travail à l’aide d’indemnités, dites de chômage, versées aux chômeurs pendant une durée déterminée pour leur permettre de survivre en attendant d’avoir retrouvé un emploi. Dès 1903, la Chambre des députés fut saisie par le député du Rhône, Bonnevay, d’un amendement visant permettre à l’Etat d’intervenir « en faveur des caisses de secours contre le chômage involontaire » (...). Il existait déjà un assez grand nombre de caisses de secours aux chômeurs, dues à l’initiative privée, presque toutes d’origine syndicale en 1903». Mais les fonds étaient généralement insuffisants. C’est donc sous la pression et l’action des syndicats ouvriers que ces caisses d’indemnisation des chômeurs se sont constituées. « Les fonds départementaux et municipaux, qui se multiplièrent pendant la guerre de 1914 et se substituèrent rapidement aux caisses syndicales, furent réorganisés par un décret du 28 décembre 1926 ». Les lois de 1928 et 1930 qui créèrent les assurances sociales, furent obtenues après négociations. La crise mondiale de 1929-1935 accrut le nombre des chômeurs et les luttes sociales se développèrent, en conséquence, jusqu’aux luttes victorieuses de 1936. Cependant, « Léon Blum eut beau annoncer, dans sa déclaration ministérielle le 7 juin 1936, que le Fonds national de chômage viendrait, dans un second train de mesures (après les 40 heures, les congés payés, etc)» rien ne fut fait. Le régime d’assurance-chômage (UNEDIC) a finalement été créé en 1958, dans le cadre des négociations menées entre les employeurs et les syndicats de travailleurs, dont la CGT8.

Auparavant, la défense des chômeurs était plus généralement réalisée par les syndicats, mais en 1978, la CGT crée le Comité national de lutte et de défense des chômeurs, puis en 1984, des associations autonomes de chômeurs se créent par elles-mêmes. Il se créa par exemple, « l'association des Jeunes contre la galère à Pau", dont les membres viennent de la CGT chômeurs. En 1982, apparaît, le « Syndicat des Chômeurs », qui demande à être représenté dans les instances de l’Unedic et qui souhaite aussi que soit créé un revenu minimum garanti, comme celui existant à Besançon

6 CLEMENT A. « Revenu minimum : les leçons de Speenhamland », Lien social et politiques, RIAC, 1999, no 42 pp. 49-60.7 POLANYI Karl, La grande transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps, Édition française : Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 1983, 420 pages (New-York, 1944 ; Londres, 1945).8 INSTITUT SOCIAL ET SYNDICAL, « Les secours aux chômeurs avant l’UNEDIC », ISS, juin 2004.

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depuis 1968. A partir de 1984, suite à l’émission "Droit de réponse" qui lui permet une diffusion nationale, le Syndicat des Chômeurs se développe dans plusieurs villes de France. En 1985, se déroule une manifestation nationale des chômeurs à Paris, avec l’occupations d’ANPE et d’Assedic. La pression des chômeurs augmente et trois ans plus tard, ils obtiennent gain de cause concernant leur demande de revenu minimum garanti.

Cette revendication s’inscrit dans le droit à un revenu d’existence inconditionnel et dans les luttes pour l’indemnisation du chômage. Une première étape avait été atteinte en 1968, à Besançon, avec la création du « Minimum social garanti » mis en oeuvre par Henri Huot, adjoint aux affaires sociales, pour les personnes non indemnisées par l’assurance chômage. L’extension de cette mesure au plan national, sera le Revenu Minimum d’Insertion (RMI) qui sera voté le 1 er déc. 1988 par le gouvernement de Michel Rocard. Le RMI fut attribué, sous réserve d’un effort d’insertion professionnelle. Il ne s’agit pas d’un revenu d’existence octroyé sans condition, mais ce revenu est une indemnité, néanmoins attribué, sans travail en retour. En ce sens il est relativement révolutionnaire dans sa conception. Cela ouvre donc la voie, aux demandes d’un revenu d’existence inconditionnel, formulées par l’économiste Jacques Duboin et par de nombreuses associations.

L’association AC ! Agir contre le chômage, est une des associations de chômeurs les plus puissantes en France. Une de ses revendications principales est la suivante : « un travail c’est un droit, un revenu c’est un dû ». AC ! «s’est constitué autour d’un appel lancé en octobre 1993 par des syndicalistes, des militant-e-s associatifs et des chercheurs, pour en finir avec le chômage, pour lutter contre la résignation, pour une autre répartition du temps de travail et des richesses ». AC ! a pris de l’ampleur, grâce à son activité militante, telle que les "marches contre le chômage" qui durant plusieurs semaines, au printemps 1994, sillonnèrent la France (plus de 30 000 personnes à l’arrivée, à Paris), par ses initiatives lors des "Marches Européennes " qui sillonnèrent l’Europe (plus de 50 000 personnes à l’arrivée à Amsterdam en juin 1997, autant à Cologne en mai 1999 lors du Sommet Européen), par ses manifestations nationales contre la réforme de l’assurance-chômage en mars 1996, par le mouvement d’occupations (hiver 1997/98), par ses actions symboliques (occupations, réquisitions d’emplois, de nourriture) »9.

Sophie Maurer et Emmanuel Pierru rapportent que « de novembre 1997 à avril 1998, sur l’ensemble du territoire, à un rythme jusque-là inédit, des chômeurs se sont lancés dans des occupations de bâtiments administratifs (ANPE, ASSEDIC, bâtiments EDF…), de lieux de mémoire et/ou à haute valeur symbolique (Normale Sup’, IEP) et organisent de nombreuses manifestations locales ou nationales. Autour des revendications d’une prime de Noël de 3 000 francs, d’une revalorisation générale de tous les minima sociaux, plusieurs milliers de chômeurs, propulsés au devant de la scène médiatique, semblent défier les autorités publiques »10. Les luttes des chômeurs aboutiront à certains résultats, mais relativement insuffisants, à leurs yeux. Le premier ministre socialiste, Lionel Jospin, refuse de répondre à ces revendications et ce dernier déclare, le 21 janvier 1998, que seulement 1 milliard de francs sera attribué aux chômeurs (environ 300 F par personne) et que les minima sociaux seront augmentés de 1,1% (soit environ 25F/mois par bénéficiaire).

La lutte sociale fondée sur la sensibilisation, par la prise de conscience s’inscrit dans la démocratie par la sensibilisation. Le tiers-mondiste, Paulo Freire11, avec sa théorie de la prise de conscience, suppose que l’accès à la conscience des problèmes est la première étape pour s’en affranchir. Les actions d’information, de formation, d’éducation populaire s’inscrivent donc dans cette optique. Pour les associations, il s’agit notamment de l’éducation au développement, dans les écoles, dans le cadre de conférence, etc... Chacune des orientations prises a un prix, car le temps et l’énergie (humaine et financière) qui y sont consacrés, diminuent le temps et l’énergie consacrés aux autres types d’actions démocratiques, telle la « démocratie revendicative ».

Cependant, Mathieu estime qu’en “présupposant la prise de conscience par des dominés (...) cela contribue à doter ce qui “savent” d’un savoir supérieur, alors que la vérité peut s’avérer parfois

9 AC ! AGIR CONTRE LE CHOMAGE, « Qui sommes nous ? », http://www.ac.eu.org/spip.php?article510 MAURER Sophie et PIERRU Emmanuel, « Le mouvement des chômeurs de l'hiver 1997-1998 Retour sur un « miracle social » », Revue française de science politique 3/2001 (Vol. 51), p. 371-407.11 FREIRE Paulo, Pédagogie des opprimés, Paris, Petite collection Maspéro, 1974.

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arbitraire. Cela peut ainsi créer une position de dominant par rapport au dominé, qui lui ne sait pas encore12. De plus Bourdieu souligne qu’une prise de conscience mentale ne suffit pas toujours à modifier des attitudes intériorisées, tel que l’habitus13. Cependant, ces limites ne viennent pas remettre en cause la dimension fondamentalement émancipatrice des idées, de l’idéologie et de la conscience comme moteur premier de l’action collective.

La théorie de l’agir communicationnel de Habermas peut être qualifiée de démocratie communicationnelle. Elle se rapproche de la démocratie par la sensibilisation. Habermas prône une démocratie radicale ou délibérative fondée sur la communication (l’agir communicationnel), la délibération au sein des espaces publics. C’est-à dire que les débats, les analyses, les polémiques, dans les conférences, les médias, les conversations, participent tous à éclairer l’opinion publique pour que celle-ci fasse les meilleurs choix dans ses décisions, dans le cadre des élections et de la démocratie participative (Habermas,1997 : 479)14.

L’expérimentation concrète à un rôle éducatif, visant à promouvoir des alternatives. Mener des expériences concrètes, collectives et locales permet de découvrir des alternatives, de prouver et de montrer qu’elles sont réalisables. Les sociétés de secours mutuelles entre les travailleurs ont été les avant garde de la sécurité sociale actuelle, tel que la gratuité des soins. Magnidas souligne qu’à partir du 18e siècle « la mutuelle traduit une première avancée de la conscience sociale. L’État ne peut s’y opposer en raison de leur objet et de leur caractère pacifique. Certaines existent depuis longtemps (la mutuelle des Menuisiers en meubles date de 1760). Elles se créeront sous la Convention, le Directoire, le Consulat, l’Empire. A la veille de la Révolution de 1830, les mutuelles se multiplient. Le point d’appui que constitue la Mutuelle, pour soutenir des actions de grève et de solidarité, traduit une volonté de résistance, d’indépendance : échapper à l’aliénation de la charité pratiquée par l’Église et la bourgeoisie et d’exprimer une solidarité qui s’élargit à de nouvelles pratiques. Ces processus objectifs et subjectifs sont liés, sans tomber dans un déterminisme réducteur, ils accompagnent la formation de la classe ouvrière (...). La Mutualité habituera les travailleurs à discuter de leurs intérêts communs, elle va les conduire à se concerter pour résister aux empiétements du capital (...) en s’organisant ensuite sous la forme de la ’’Chambre syndicale et le syndicat de luttes de classe’’» 15.

Les actions pour la gratuité des cantines relèvent d’expérimentation concrète. En janvier 2007, les communes de Drancy et la communauté de commune du Bourget ont décidé d’initier la cantine gratuite dans leurs écoles primaires. Drancy est dirigé par Jean Louis Lagarde, le député Maire du ‘’Nouveau Centre’’. La mesure avait été financée par la communauté de communes du Bourget. Le coût pour le Bourget est de 5 % de son budget, soit 1,1 millions d'euros. Ces villes ont été suivies ensuite par la commune de Dugny.

En septembre 2007 la commune de Noisy-le-Sec, alors dirigée par une municipalité du Modem, a instauré la gratuité de la cantine à l’école primaire. Cependant, la mesure n'aura finalement duré qu'une année scolaire, car la nouvelle municipalité PS a décidé d’interrompre l’expérience 16. En effet, le coût financier est plus important que prévu. Selon Jean-Paul Lefebvre, adjoint PS, de Noisy le Sec, « la mesure a déjà coûté près d'1,5 million d'euros à la ville : 300.000 euros de perte de recette, 400.000 euros de repas supplémentaires et près de 800.000 euros de dépenses nouvelles directes et indirectes liées à la réorganisation des équipes et des locaux »17.

A Drancy, après quelques mois de fonctionnement de la gratuité des cantines, les employés des cantines, ont lancé une grève, car la mesure avait tellement de succès, qu’ils étaient surchargés de travail. On le voit, le succès de la gratuité des cantines est très important, du coup, la mesure entraîne des difficultés de gestion financière et du personnel.

La lutte pour des logiciels libres prend la forme de lutte par la production d’alternatives concrètes. Ce combat à des objectifs politiques et s’inscrit dans les luttes pour la gratuité. Gaspard Datondji précise les opportunités offertes par les logiciels libres :12 MATHIEU Lilan, Comment lutter ? Sociologie et mouvement sociaux, Textuel, 2004.13 BOURDIEU Pierre, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998.14 HABERMAS, Droit et démocratie, Entre faits et normes, Gallimard, Paris, 1997.15 MAGNIADAS Jean, Histoire de la Sécurité sociale, (Op. Cit), 2003.16 LE PARISIEN, Seine-Saint-Denis : les parents regrettent la cantine gratuite, 30.08.2008.17 LA GAZETTE DES COMMUNES, Ile-de-France. A Noisy-le-Sec, la nouvelle majorité veut mettre fin à la cantine gratuite, 01/04/2008.

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« — La baisse des coûts liés aux technologies de l’information axées sur des logiciels libres et leur haut niveau de sécurité ;

— Le logiciel libre permet de lutter contre la piraterie (les logiciels propriétaires sont très souventpiratés) et d’éviter de faire face à une situation de monopole dans le domaine de l’industrie

logicielle;— Le logiciel libre “libère” de toute dépendance vis-à-vis du fournisseur et est évolutif».18

Finalement, cela permet de développer l’idée de biens communs de l’information, comme il existe des biens communs de la nature.

En 1969, Ken Thompson, créa un système d'exploitation mono-utilisateur déposé sous le nom UNIX par AT&T, qui devient l’un des premiers systèmes d’exploitation américain ». Aline Chareyron résume les autres temps forts du mouvement pour les logiciels libres, « Les premiers producteurs de logiciels libres furent l’Université de Californie, Berkeley, le MIT de Boston. De manière plus générale et au niveau mondial, les premiers contributeurs aux logiciels libres furent les laboratoires de recherche et les universités ». « L’acte fondateur des logiciels libres, au sens actuel du terme, se situe en 1984, lorsque Richard M. Stallman, un informaticien du MIT1 de Boston, irrité par la limitation croissante dans l’usage des logiciels, quitte le MIT ». Stallman fonde en 1985 la Free Software Foundation (FSF) dans le but de faire la promotion du logiciel libre. Il lance ensuite « le projet GNU (acronyme de GNU is not Unix). Richard M. Stallman. Il publie en 1985 le « manifeste GNU », dans lequel il fait connaître les motivations et les objectifs du projet et fait appel à l’appui de la communauté informatique mondiale ».

« En 1991, Linus Torvalds, un étudiant finlandais, diffuse sur le net son idée d’un système d’exploitation libre d’accès : Linux, un Unix simplifié. GNU, à qui il manquait un noyau, incorpore le noyau Linux, et devient complet sous le nom de GNU/Linux. Mis sous licence GPL3, il attire de nombreuses contributions et constitue le premier logiciel libre grand public. Le succès de ce système d’exploitation concurrence directement celui de Microsoft » 19. Il existe à présent plusieurs groupes défendant la création des logiciels libres, « Éliminer les Brevets Logiciels » « End Software Patents »), la campagne mondiale contre les brevets logiciels, ou encore Planète libre, GNU Generation, Defective by Design.

La lutte sociale peut prendre la forme plus consensuelle de la démocratie participative qui cherche à réduire les limites de la démocratie représentative par une plus grande proximité et participation à l’élaboration des décisions et aux votes d’un certain nombre d’entre elles. Dans ce type d’action, on trouve notamment les associations, les citoyens seuls, mais parfois aussi des représentants d’entreprises.

Entre ces deux pôles extrêmes, que sont la démocratie directe et la démocratie représentative, se situe une large variété de formes démocratiques dont la démocratie pluraliste (Aron 1964, Crémions, 1972), pour qui il y a une pluralité d’élites, de groupes d’intérêts souvent en désaccord et non pas une classe dirigeante. D’autres, tel Dahl, considèrent que les démocraties dites pluralistes sont encore imparfaites parce qu’une minorité d’élites limite le pouvoir du peuple et ils qualifient celles-ci de démocraties polyarchiques (R. Dahl : 1982)20.

La démocratie participative cherche ainsi à améliorer les processus de décision de la démocratie représentative. Par exemple, pour atteindre leurs objectifs, le collectif de l’éthique sur l’étiquette (ESE) et la CCC (Clean Clothes Campagnes) européenne utilisent différents modes de régulation. Lorsqu’ils participent à l’élaboration de la production des normes, comme à l’AFNOR ou au sein des pouvoirs publics nationaux ou européens, il s’agit d’un mode de régulation par la démocratie participative. Les mobilisations sont coûteuses en temps et en énergie. Il est donc parfois plus efficace de développer le

18 DATONDJI Gaspard, Le logiciel libre : moyen de lutte contre la pauvretédans un contexte de développement durable, Office des Postes et Télécommunications (Bénin), Colloque développement durable, Leçons et perspectives, Ouagadou, Burkina Faso, 2004, http://www.francophonie-durable.org/documents/colloque-ouaga-a4-datondji.pdf19 Aline CHAREYRON, Anne HEUQUEVILLE, Sarah TOURNERIE, Logiciels libres en bibliothèques, Mémoire pour le diplôme de conservateur de bibliothèque, ENSSIB, 2005.

20 ARON Raymond, Démocratie et Totalitarisme, Paris, Gallimard, 1964.GREMION Pierre, Le pouvoir périphérique, Paris, le Seuil, 1972.WILSON Frank, Interest Group Politics in France, Cambridge, University Press, 1987.DAHL Robert, A., Polyarchy : Participation et Opposition, New Haven, (Conn) Yale University Press, 1982.

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registre d’expertise et de se lier avec les “propriétaires des problèmes publics” comme les dénomme Gusfield (1981)21. Ils ont ainsi un accès privilégié aux “systèmes d’arènes interconnectées”. Cependant cela développe la logique d’institutionnalisation, l’accès à “un réseau d’opérateurs” et de ‘’guichets’’. Il y a alors le risque d’entrer “dans un scénario de domestification” (Hilgartner, Bosk, 1988) 22, au détriment du registre de la mobilisation plus radicale.

La démocratie participative vient compléter la démocratie représentative, où seuls les élus prennent les décisions. Ainsi, la nature des acteurs s’élargit dans la préparation des décisions, mais rarement dans la décision elle-même. De plus, la société civile qui participe à la démocratie participative est aussi composée des intérêts particuliers des acteurs économiques privés, tels les lobbies industriels. Or, ces derniers, de même que les associations citoyennes ou de travailleurs, n’ont pas la légitimité électorale, des élus, qui sont censés représentés l’intérêt général. Cependant, ce n’est pas si simple, car ces derniers appartiennent souvent aux classes dominantes et travaillent avec eux et pour eux, malgré un discours rassembleurs. Par exemple, le frère de Nicolas Sarkosy a été le numéro deux du Medef, le syndicat patronal.

Certaines formes de syndicalisme s’inscrivent dans le cadre de la démocratie sociale participative. Dans ce cas les syndicats de travailleurs et d’employeurs participent à l’élaboration des décisions avec les pouvoirs publics. Par exemple, les syndicats des cadres (CFTC), souvent la CFDT, ont pris une part active dans les négociations et l’adoption de la loi du 21 août 2003 sur la réforme des retraites, que l’on qualifie de « loi Fillon sur les retraites ».

On peut distinguer trois types de syndicalisme, 1) les syndicats associés au pouvoir (syndicalisme de négociation) tels que la CFDT, 2) le syndicalisme de contrôle (le syndicalisme réformiste) tel la CGT en 2010, 3) et le syndicalisme d'opposition (Sud), selon Touraine et Mottez (1961-1962: 263-281)23. Ce dernier est qualifié par Carrier (1967 : 72-75)24 de syndicalisme révolutionnaire, lorsque leur objectif reste la révolution tel la CNT.

Relevons les oppositions les plus fondamentales que nous retrouvons au sein de ces typologies: - Participation/non participation - Négociation collective/participation (aux structures paritaires, co-gestion...).- Remise en cause du capitalisme/pas de remise en cause.- Révolution/Réforme vis à vis du capitalisme.- Défense d’intérêt corporatiste/Défense d’intérêt général- Recours à des grèves courtes et limitées/Grève générale et illimitée

On a parfois considéré la négociation collective et la démocratie participative comme des voies opposées. La participation permet de prendre part à l’élaboration des décisions plus en amont, donc avant que celles-ci soient complètement formalisée mais qui ne permet pas toujours suffisamment la création d’un rapport de force suffisant. La négociation collective est souvent une situation fondée plus en aval et plus conflictuelle, mais qui permet d’exercer un rapport de force plus puissant. Selon Kester “La réponse serait donc de développer une stratégie double, visant à renforcer à la fois la négociation et la participation” (Kester 1995 : 66)25. Ainsi les acteurs sociaux au sein du processus de participation peuvent s’appuyer sur un rapport de force plus important et dans le cadre de la négociation collective, ils sont plus étroitement informés et actifs dans les prises de décision.

Ainsi une action pourrait être mener en amont et en aval. Pour les syndicats la limite de cette méthode consiste à lutter contre des mesures auxquelles, ils ont parfois été une des parties prenantes en amont. Cependant, généralement lorsque ces mêmes syndicats luttent en aval dans le cadre de négociation collective, c’est habituellement parce que les transactions dans le cadre de la participation en amont n’ont pas permis d’obtenir des résultats suffisants.

Les parties luttent et militent pour conquérir le pouvoir par l’élection. Les citoyens votent pour des élus, qui acquièrent alors une légitimité par l’élection, mais celle-ci manque de légitimité participative local ou nationale. C’est ce qui explique en parti la naissance des luttes sociales fondées sur la démocratie revendicative.21 GUSFIELD J. Drinking-Driving and the Symbolic Order: the Culture of Public Problems, Université of Chicago Press, Chicago, 1981 (1ère Ed. 1963).22 HILGARTNER S., Bosk C., “The Rise and Fall of Social Problems” American Journal of Sociology, vol. 94, 1988.23 TOURAINE & MOTTEZ, “ L’organisation professionnelle de l’entreprise”, in Friedmann G., Naville P. Traité de sociologie de travail,

Tome 1, 1961-1962.24 CARRIER D. La stratégie des négociations collectives, Paris, PUF, 1967.25 KESTER Gérard, HENRI Pinaud, Syndicats et participation démocratique, Scénario 21, Scénario pour le 21e siècle, l’Harmattan, 1995.

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Offerlé précise qu’un mouvement social qui dure et réussit, tend à se cristalliser en “groupe de pression”. Il dispose ainsi d’un espace d’accès ‘’routinisé’’ aux lieux de décisions. A l’inverse, un groupe de pression qui sent ses interlocuteurs peu attentifs peut devenir plus revendicatif (Offerlé, 1994) 26. C’est effectivement ce que fait la CCC européenne en usant aussi de démocratie par la revendication lorsqu’elles lancent une campagne d’opinion27, interpellent les dirigeants des ETN et les pouvoirs publics. Ensuite, elles participent avec eux à l’élaboration de codes de conduite et de normes de vérification Lorsque le rapport de force s’estompe, elle revendique ensuite de nouveau...

La démocratie participative, la démocratie revendicative sont donc parfois mises en oeuvre de manière complémentaire. La démocratie fondée sur la protestation, la revendication peut ainsi être qualifiée de démocratie revendicative. Cette dernière se caractérise par un mode de régulation fondé essentiellement sur un rapport de force s’appuyant principalement sur l’opinion publique, mais peu sur les négociations avec les autorités de régulation.

LES LUTTES SOCIALES PAR « BLOCAGES » (DITES « LUTTES NON VIOLENTES »)La lutte sociale, par la grève générale reconductible, vise à bloquer l’économie du pays. Elle

doit théoriquement tenir, jusqu’à ce que la revendication ait été exaucée par le gouvernement. Dans les luttes à visée révolutionnaire, elle peut être le début d’un renversement pacifiste visant à faire tomber le gouvernement, par le pouvoir de la masse. Les manifestations et la grève générale de 1968 ont failli aboutir à cette situation de changement de gouvernement. Tandis que les grandes grèves de 1936,elles, ont permis de nouvelles conquêtes sociales.

Les luttes sociales de 1936, par la grève générale ont abouti aux vacances rémunérées (congés payés) et aux 40 heures. Après la 1ère guerre mondiale, à partir de 1919, les luttes sociales se sont multipliées, jusqu’en 1936. Le 1er mai 1936, les grèves sont bien suivies, car la situation économique est difficile, depuis le krach de 1929. La victoire sociale de juin 1936, trouve aussi son origine dans les évènements du 6 février 1934, lorsque des militants fascistes tentent un coup d’Etat contre l a Chambre des députés (le Palais Bourbon). Les travailleurs prennent alors conscience du danger de la menace fasciste et entendent s’y opposer. Suite, à cette manifestation, des ouvriers sont licenciés, ce qui va relancer le mouvement de grève. Il y a alors les premières occupations d’usines et ce mouvement se propage dans la France entière. Après un mois de lutte, le 8 juin 1936, le patronat, sous la pression des grévistes, accepte de signer les accords de Matignon. Mais ces derniers estiment que le compte n’y est pas et les grèves se développent encore, jusqu’au 26 juin 1936 ou seront votées en urgence des lois sur les congés payés, les 40 heures, les conventions collectives. Ces réussites sont le résultat d’un mois et demi de grèves dures, impliquant les travailleurs au plan national. L’Etat et les employeurs ont dû lâcher du leste, face à ce rapport de force massif des classes laborieuses.

Les luttes sociales par des actions de blocages, peuvent prendre des formes diverses. Elles prennent la forme de sit-in (s’asseoir dans un lieu et refuser d’en bouger, tant que sa revendication n’est pas entendue), ou encore d’occupation d’un lieu stratégique afin de bloquer le fonctionnement d’une entreprise, un nœud stratégique de transport, ou d’approvisionnement énergétique. Elles s’appuient alors sur le pouvoir de blocage, grâce à des actions de sabotage des outils de travail, de transports, des ressources d’énergie stratégiques. Ainsi, la grève des routiers, en novembre 2002, pour la réduction du temps de travail, la grève des douanes françaises, puis celle des routiers, en Janvier-février 1984 qui auront une influence décisive, sur la signature de l'accord de Schengen, l'année suivante en 1985. La grève des dockers, dans les ports qui important du pétrole, risquait de créer des pénuries dans les pompes à essences, en octobre 2010. De même, les fréquentes grèves des cheminots, bloquant les transports ferroviaires français en de décembre 1986, à janvier 1987 en sont des exemples. Les luttes sociales, utilisant des actions de blocage, sont une des formes de lutte les plus efficaces, car leurs impacts se font sentir très rapidement, lorsque celles-ci touchent à des secteurs vitaux de l’économie.

La lutte sociale par la désobéissance civile consiste à ne pas respecter la loi légale , lorsqu’elle est considérée comme illégitime. Les faucheurs volontaires sous la conduite de José Bové, utilisent cette technique, ils sont ainsi parvenus à ce que le gouvernement français interdise la culture

26 OFFERLÉ Michel, Sociologie des groupes d’intérêt, Montchrestien, Paris, 1994.27 Nous définirons une campagne d’opinion, comme une action visant à sensibiliser l’opinion publique. Cette dernière signifiant “la somme d’opinions individuelles convergentes sur un sujet d’intérêt général” (AKOUN André, ANSART Pierre, Dictionnaire de sociologie, Le Robert, Seuil, Paris, 1999).

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de Colza et de riz OGM. Frank Furet rapporte que «durant les années 1960 le Conseil du grand Londres fut tenté de décréter les transports en commun gratuits. En France, les premières luttes sociales des chômeurs, portaient sur la gratuité des transports publics. Le réseau « No Pasaran ! » a mené des campagnes ‘’trains gratuits’’ à Cologne et à Monaco en 1999, à Nice en 2000; des initiatives locales ont vu le jour par ci par là en Europe : le STAS à Saint-Etienne, le RATP (qui sont dénommés ainsi par dérision) à Paris »... « Le CST à Marseille créé en septembre 2001 a tenté de sensibiliser les usagers à la question de la gratuité des transports publics, en ouvrant pendant trois quarts d’heure les barrières d’accès au métro du vieux port, distribuant des tracts » et en discutant . « Des luttes ont permis d’obtenir la gratuité de transports collectifs pour tous (Compiègne, 30. 000 habitants, Issoudun, 18.000) ou sous conditions de ressources (région Midi-Pyrénées, Caen), des avantages catégoriels commencent à être consentis » 28.

A Bruxelles et à Liège, le ’’Collectif Sans Ticket’’ (CST) s’est créé en 1998. Il représente une lutte sociale par la désobéissance civile, pour des transports gratuits. « Des collectifs de chômeurs de Liège et de Bruxelles et un centre social ne pouvaient plus supporter les dépenses de transport liées à leurs activités, les tarifs pratiqués par les sociétés de transport étant une entrave majeure à la possibilité de bouger et de faire réseau. Très vite le collectif prend le parti d’éditer une carte de droit aux transports(CDT), symbole de sa revendication; ses utilisateurs s’en servent au quotidien pour leurs trajets ordinaires ». « Ce morceau de carton libère la parole et confronte les dirigeants des sociétés de transport et les mandataires politiques, à un phénomène sur lequel ils n’ont aucune prise » 29.

Le ’’Collectif Sans Ticket’’ tente de mener sa lutte à la fois sur le terrain, mais aussi au niveau du gouvernement, des partis de la majorité gouvernementale, à Bruxelles, mais il cherche aussi à créer un rapport de force avec les instances judiciaires. Ce collectif tente d’élargir ensuite son secteur de lutte, en créant des passerelles avec le monde associatif, avec des associations de jeunesse, avec les restos du cœur ou des groupes environnementaux et aussi avec des salariés précaires. Ce type d’action s’inscrit dans la lutte par la sensibilisation, et la revendication.

La commune d’Hasselt, en Belgique, qui compte 70000 habitants, a voté la gratuité totale des transports en commun, en 1997. Frank Furet explique qu’« Hasselt a choisi la gratuité parce que certaines personnes ont osé modifier radicalement l’organisation des transports, refusant de procéder par petites retouches: le conseil communal a osé refuser la construction de parkings prévus en centre ville »30. Ils ont aussi osé lancer le débat sur la gratuité dans les instances municipales et auprès des habitants, en les réunissant, pour en discuter ensemble.

L’association AC ! Besançon, Agir ensemble contre le chômage s’est battue pour la gratuité des transports publics en Franche-Comté. En France, en 2006, l’association AC ! Agir ensemble contre le chômage décide de faire appliquer deux lois, qui ont été votées, mais toujours pas appliquées ! Il s’agit de la loi contre les exclusions du 29 juillet 1998, portant entre autre sur le tarif des transports pour les plus démunis et qui attribue aux RMIstes, aux bénéficiaires de l’ASS et aux jeunes sans ressources, des réductions dans les transports. Et celle du 13 décembre 2000, article 123, appelée SRU qui précise la précédente.

En Franche-Comté, cette loi n’était pourtant que partiellement mise en oeuvre, puisque seuls les RMIstes en bénéficiaient, alors que la loi de 1998, aurait dû entrer en application dès le 1er janvier 1999 Les bénéficiaires du RMI disposaient d’un aller et retour par mois, sur tout le réseau des TER Franche Comté avec 75 % de réduction, depuis 1er juillet 2002. Les élus socialistes francs-comtois refusaient d’appliquer une loi, votée par des députés socialistes, alors que Lionel Jospin était 1 er ministre ! Contre ce refus, les militants d’AC ! en Franche Comté, ont mené des luttes sur le thème "La région de Franche Comté hors la loi". Pour cela ils ont notamment collé des affiches, sur les trains TER, dans la gare de Besançon.

Le 16 mai 2006, AC ! Besançon demande à rencontrer la Communauté d’Agglomération du Grand Besançon (CAGB) qui estime que ce n’est pas à elle d’appliquer ces deux lois, mais aux 58 maires qui composent la CAGB. Néanmoins, le 28 juin 2007, AC ! Besançon parvient à faire voter l’application de l’article 123 de la loi SRU, octroyant un tarif spécifique non plus seulement aux Rmistes. Ainsi, l’association AC ! a obtenu que les bénéficiaires de la CMU et tous les ayants droits dont les revenus ne

28 FURET Frank, « Vers la gratuite des transports? » Banc Public n°104 , Novembre 200129 FURET Frank, Ibid.30 FURET Frank, Ibid.

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dépassent pas 598 €/mois, aient aussi droit à une réduction de 52,54 % sur l’abonnement mensuel Sésame à Besançon. Cela touchait donc 13 000 personnes dans la CAGB qui se compose de 58 communes.

Pour parvenir à leur fin, des actions symboliques ont été menées dans les gares par les militants d’AC ! et ils ont adressé plusieurs courriers à la CAGB du 16 mai 2006 au 28 juin 2007, ils ont rencontré trois fois le Directeur du service transports-déplacements et le vice-président délégué aux transports de la CAGB, et leur ont déposé un dossier complet de leurs revendications.

Plusieurs villes, dans le monde, ont mis en oeuvre la gratuité concernant les transports publics. Par exemple, Seattle aux Etats-Unis (580 000 habitants (h)), Hasselt en Belgique (70 000 habitants) ou Châteauroux (73 000 h) et Compiègne en France (42 000 habitants) Sophie Le Pennuisic, du « collectif pour les transports gratuits à Besançon » explique que, dans ces villes, la question du financement a généralement été réglée assez facilement car la billetterie ne représentait en moyenne que « 30 % des recettes, le reste provenant des subventions de la commune et de l’Etat »31.

Dans le but de légaliser l’accès aux déplacements et parce qu’il s’agit des besoins « essentiels », la gratuité, dans les transports publics locaux et régionaux, paraît une revendication légitime. Cependant, si une telle mesure était étendue au niveau national, voir international, la probabilité est grande, que les déplacements, en train, en avion à travers la France, l’Europe et le Monde, se mettent à exploser, si chacun décide de partir un week-end sur la côte d’azur, le suivant sur la côte atlantique... Avec le droit aux transports gratuits et illimités dans son pays, voir dans le monde, l’empreinte écologique par habitant et les émissions de carbone s’accroîtraient encore dans les pays développés. Or, un aller-retour Paris New York par an, ou 5000 km/an en voiture, ont chacun un coût de 500 kg équivalent carbone et c’est déjà l’impact maximum que chaque terrien peut se permettre de consommer pour l’ensemble de ses activités pour une année, pour ne pas accroître inconsidérément l’effet de serre.

C’est pourquoi, si la gratuité des transports locaux et régionaux peut être légitime, pour le respect de l’écologie et pour partager équitablement le peu de ressources disponibles sur la terre, une limitation des transports du national à l’international semble indispensable. Plusieurs systèmes sont envisagés par certains décroissants socialistes autogestionnaires, tel que des quotas de kilomètres de transport gratuit par hab/an. Ce dispositif permet d’éviter que seuls les plus riches puissent voyager. Une fois ce quota consommé, le prix monterait de manière exponentielle, en fonction du nombre de km parcouru par an, dans le but de dissuader l’excès de déplacement.

LES RELATIONS ENTRE LES LUTTES SOCIALES REVOLUTIONNAIRES ET LA VIOLENCELa révolution signifie une transformation radicale d’un système. Ce peut-être le passage de la

monarchie au parlementarisme, du capitalisme au socialisme, notamment... La lutte sociale, qu’elle soit à visée révolutionnaire ou non, peut s’exercer avec ou sans violence physique ou matérielle. La révolution porte souvent une connotation de violence (révolution française, russe...), mais elle ne l’est pas obligatoirement.

Une part des luttes sociales a pour but la révolution et non pas les réformes . Au début les luttes révolutionnaires s’attaquent au système capitalisme, dans l’espoir de le faire tomber. Cependant, l’accumulation des réformes peut aboutir à un résultat révolutionnaire, c’est à dire à passer du capitalisme néolibéral, au capitalisme néokeynésien, puis à coexistence de ce dernier avec des entreprises autogérées, jusqu’à aboutir à une économie socialiste autogestionnaire par exemple. Le passage des régimes monarchiques au régime républicain s’est parfois fait progressivement, sans faire tomber les monarques en place, mais en leur substituant pacifiquement le pouvoir du parlement, comme ce fut le cas notamment en Belgique, en 1831, lorsque la constitution de cette monarchie parlementaire fut votée.

La révolution peut aboutir par une prise de pouvoir par les élections. Ce passage peut s’opérer lorsque les consciences ont suffisamment évolué, notamment grâce aux luttes sociales, à la sensibilisation ou à l’éducation. La victoire, aux élections, de plusieurs dirigeants, situés nettement à gauche, tel Hugo Chavez, le 2 février 1999 au Vénézuéla, ou d’Evo Morales 18 décembre 2005, élu avec plus de 53% des voix en Bolivie, bien qu’elle ne peut être considérée comme une révolution, puisque l’économie capitaliste reste dominante, montre néanmoins qu’un virage politique radical peut 31 LE PENNUSIC Sophie, Campagne transports gratuits à Besançon pour le collectif, , http://www.brassicanigra.org/contributions/les-transports-publics-gratuits-a-besancon-c-est-possible.html

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s’opérer par la voie élective. En effet, ces pays ont été dans le passé gouvernés par des dirigeants menant des politiques d’extrême droite. Cependant, avec Chavez et Morales, ils mènent à présent des politiques sociales très fortes, où la part d’entreprises autogérées par les ouvriers croît rapidement.

A l’autre extrême de l’échiquier politique, en Allemagne, Hitler était parvenu au pouvoir en 1936, par des élections démocratiques, afin de mettre en place le national socialisme, un gouvernement fasciste. Il est vrai aussi, qu’entre le discours officiel du National Socialisme visant le partage des richesses avec les plus pauvres et la pratique du nazisme, il s’est opéré un large dérive.

Lorsque le pouvoir a été conquis sans violence (grève générale, élections...), la révolution doit parfois être défendue par la violence des armes, si les acteurs qui ont été battus refusent d’accepter la volonté populaire et qu’ils attaquent le nouveau régime par la violence armée.

Dans ce cas précis, la violence sera considérée par certains comme légitime, dans la mesure où elle défend la légitimité démocratique d’une élection, ou la légitimité de la masse, lors d’une grève générale aboutissant à un changement révolutionnaire de gouvernement. L’analyse de Max Weber sur « l’usage légitime de la violence »32 par l’Etat, via la force de la police, pour lutter contre la délinquance, le terrorisme, contre un gouvernement élu démocratiquement, s’applique de fait à un gouvernement dans un système capitaliste ou un système socialiste révolutionnaire. Cette légitimité de la violence se limite néanmoins à la légitimité démocratique de l’Etat, de plus la réponse violence est véritablement adaptée à la situation.

Dans le cas d’une révolution, les militants cherchent généralement, à se procurer des armes afin de se défendre contre des attaques éventuellement contre-révolutionnaires. Ils tentent alors de récupérer les armes de la police et de l’armée, en appelant ces corps de l’Etat à rejoindre la lutte populaire, au motif que ces fonctionnaires font d’abord parti du peuple et que la cause révolutionnaire défendue est plus légitime et juste que celle du gouvernement qui les commande. Ce type de stratégie visant à être rejoint par les forces militaires, fut mené avec plus ou moins de succès durant la révolution russe de 1917. Le 12 mars 1917 une part de la garnison de Petrograd rejoint les manifestants, puis ils forment la même journée, le soviet des ouvriers et soldats de Petrograd. De même le 14 juillet 1789, les soldats refusèrent de tirer sur les émeutiers qui entendaient s’emparer de la Bastille.

La révolution peut se faire par les armes. Il s’agit alors soit d’une prise de pouvoir par des acteurs se considérant comme les défenseurs des intérêts du peuple, c’est-à-dire ses élites éclairées, son avant-garde. Or, le peuple n’est pas toujours du même avis ! La révolution cubaine dirigée par Fidel Castro est un exemple de ce type de révolution par les armes, menée par une avant garde. Ses premières actions révolutionnaires, contre le gouvernement cubain, débutèrent le 26 juillet 1953 avec une centaine de guérilleros, pour s’emparer de la caserne de Moncada. Après avoir été capturé et jugé, Castro repasse à l’attaque, le 2 décembre 1956, en débarquant avec son frère et Ernesto Che Guevara et 185 guerilleros du Mouvement du 26 juillet. Ses actions se poursuivront avec le ralliement progressif de la population locale qui viendra grossir leurs maigres rangs, jusqu’au 1er janvier 1959, date à laquelle ils s’empareront du gouvernement de Battista.

Une révolution peut prendre la forme d’un mouvement de masse menant des actions violentes, dans lequel les individus sont plus ou moins armés, afin de faire tomber le gouvernement en place. Ainsi, le 14 juillet 1789, une foule de près de 50000 personnes attaque les invalides, s’empare des quelques 30 000 fusils, puis les révolutionnaires se rendent au château de la Bastille dont ils s’emparent.

Le syndicalisme révolutionnaire vise à agir sur le terrain, dans les luttes sociales. Il s’agit d’une préparation, sur le long terme, à la révolution. Dans ce but, il s’agit pour ces syndicalistes de se former eux-mêmes, pour ensuite former les autres travailleurs à la lutte sociale et créer des alliances avec d’autres travailleurs n’ayant pas à priori des visées révolutionnaires. Ainsi, dans ce cadre, chaque droit, conquis concrètement, permet de préparer la révolution. C’était la stratégie menée à ses débuts par le syndicat CGT ou, actuellement, par la CNT défendant l’anarcho-syndicaliste.

L’action insurrectionnelle vise à créer des « étincelles » propageant la révolution. Cela prend la forme d’action terroriste, de sabotage, de violence ou d’assassinat politique. A ses débuts, l’action insurrectionnelle était une stratégie, prônée par certaines tendances anarchistes. Elle fut mise en pratique, le 5 avril 1877, en Italie, à Bénévent, par Errico Malatesta, Carlo Cafiero. Ils brûlèrent les actes de propriété communale. Une série d’attentats anarchistes fut initiée, à Paris,entre 1892 et 1894. En 32 WEBER Max, (1919), Le savant et le politique. Paris : Union Générale d'Éditions, 1963

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Ukraine, le mouvement de la Makhnovchtchina, débuta durant la guerre 1914-18, contre les troupes allemandes, puis se poursuivra, jusqu’en 1921, en Ukraine, dans le cadre des luttes révolutionnaires contre les forces tsaristes russes. Ce mouvement utilisa la tactique insurrectionnelle, afin de favoriser un climat révolutionnaire33.

Dans le cas du communisme révolutionnaire, prôné par Georges Sorel (1847-1922), lui et ses partisans revendiquèrent l'action illégale, l'usage de la violence, la grève générale révolutionnaire, qui représentaient leur stratégie idéale, pour atteindre leur objectif d’un changement de système. Sorel affirme qu'il ne faut pas examiner les effets de la violence, en partant des résultats immédiats qu'elle peut produire, mais de ses conséquences lointaines. (...) Nous ne comparons pas deux méthodes de réformisme, mais nous voulons savoir ce qu'est la violence actuelle par rapport à la révolution sociale future"34. La dimension de la violence insurrectionnelle est présente, dans ce cas, cependant elle est surtout limitée aux périodes ponctuelles des tentatives de révolution.

C’est ce même type de lutte, de nature insurrectionnelle, qui est revendiqué en 2007, par le collectif ayant rédigé l’ouvrage « l’insurrection à venir »35, dont certains considèrent que Julien Coupat en est un des leaders. Dans ce livre, ses auteurs défendent, le sabotage de l’infrastructure capitaliste, comme les moyens de transports. Ce comité revendique la multiplication des luttes micro-actions locales, par des groupes organisés en réseau, en groupe d’affinités (les bandes d’amis), plutôt que les luttes de masse dirigées du sommet par les grands syndicats ou partis. Par exemple, le sabotage des lignes électriques des TGV est considéré par le comité invisible, comme un moyen d’action local et efficace, pour contribuer à accélérer l’écroulement inexorable du capitalisme. Julien Coupat et son groupe d’amis furent accusés des sabotages de lignes TGV en 2008 et d’avoir rédigé le livre l’insurrection à venir, mais faute de preuve ils ont été relâchés par la suite.

Pour se préparer à cette forme de lutte ainsi qu’aux autres, le comité invisible préconise aussi de sortir autant que possible du système, en travaillant moins, non pour gagner moins, mais pour disposer de temps pour militer, pour se former, pour forger des alternatives sur le terrain et dans les idées, pour ne pas être dépendant du pouvoir du patronat, afin de parvenir à lutter plus radicalement maintenant…

A l’exception de certains groupuscules anarchistes et de grande manifestation de masse (contre le G8 par exemple), cette stratégie insurrectionnelle est à présent relativement peu suivie, dans les situations de paix, dans la mesure où elle fait le jeu des forces répressives d’Etat, dans leur tâche de contrôle des mouvements révolutionnaires. Les forces répressives d’Etat sont alors légitimées dans leurs actions visant à arrêter, emprisonner les militants, des plus pacifistes aux plus violents, de même que dans le contrôle des populations, des mouvements sociaux, et des régions et pays qu’ils cherchent à contrôler. Ce fut notamment le cas, en Afghanistan, lorsque le gouvernement des Etats Unis, envahit ce pays, au motif qu’il fallait le sécuriser. Or, la motivation première était le contrôle de l’oléoduc pétrolier du pays.

Les luttes sociales par la destruction matérielle visent à renforcer l’impact symbolique ou financier de l’action. Elles peuvent être considérées, comme des actions violentes par certains et non violentes pour d’autres, selon que l’on estime que la violence ne concerne que les personnes ou qu’elle peut aussi concerner les objets. Les agriculteurs usent fréquemment de cette forme de lutte. Le 8 février 1999 fut « un épisode très médiatisé à l'époque : le bureau de la ministre Dominique Voynet, sens dessus-dessous, avait été photographié sous toutes les coutures (...). Ce jour-là, ils sont venus du Loiret, de l'Eure-et-Loir, de l'Oise, du Loir-et-Cher et d'Ile-de-France, à l'instigation de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Nom de code : ’’Opération penalty’’. Le but ? Protester contre la Politique agricole commune et s'opposer au projet d'écotaxe ». Pour mener cette action, chaque militant devait amener «1 kilo de farine et 500 grammes de petits pois»36.

Il est difficile de scinder véritablement les luttes sociales violentes et non violentes. En effet, même une action de nature non violente peut être vécue, comme violente par celui qui la subit. La frontière, entre la violence et la non violence, fluctuent en fonction des situations et de la subjectivité

33 CINNELLA Ettore, Makhno et la révolution ukrainienne (1917-1921), Editions ACL.34 SOREL Georges, Réflexions sur la violence, Pages libres, 1908, réédition Rivière, 1972.35 LE COMITE INVISIBLE, L’insurrection qui vient, La Fabrique, 2007.

36 LIBERATION, Ni saccage ni dégâts, personne n'a rien vu, 21/06/2001.

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des personnes visées, comme des acteurs de ces actions. On observe donc différents niveaux de l’action qui peut être qualifiée de non violente contre des individus :

- Le blocage du fonctionnement social (grève)- Le blocage physique (barrage dans les circuits de transports, l’entrée des organisations...)- Destruction de biens matériels sans agression des êtres humains- Agression verbale sans agression physique- Blocage physique d’individus sans violence physique.

LES ELEMENTS DECLENCHEURS D’UNE LUTTE SOCIALE (REVOLUTION OU GREVE GENERALE)

Il y a plusieurs facteurs susceptibles de déclencher une lutte sociale, qui peut déboucher parfois ensuite sur une grève générale, voir une révolution.

Le retour sur des anciens droits, sur des avantages acquis est un facteur généralement explosif. En plus du contexte politique et économique de l’époque, l’étincelle, qui a déclenché la révolution de juillet 1830 en France, fut un retour en arrière. Les ordonnances du 25 juillet 1830 supprime la chambre parlementaire et le système électoral, qui avaient été acquis par la révolution précédente. Du coup le 27 au 31 juillet 1830, les insurgés font la révolution et chassent le roi Charles X du pouvoir monarchique.

Plus récemment, ce fut aussi, le cas en octobre 2010, durant les grèves contre les retraites qui mobilisèrent un nombre très important de manifestants, plus de 3 millions de personnes pendant plusieurs jours, car le gouvernement Fillon-Sarkosy remettait notamment en cause un avantage acquis, le départ de la retraite à 65 ans maximum.

Les actions, considérées comme injustes et injustifiables, suscitent parfois un mouvement de révolte populaire. Par exemple, le non-respect de l’Etat de droit par un élu. En 1974, aux Etats Unis, les pratiques illicites de l’équipe président Nixon, dans le cadre des écoutes illégales du Watergate, a conduit le président Nixon à démissionner. En juin 2009, les élections, considérées comme truquées en Iran, ont conduit le peuple à manifester en masse, pendant plusieurs jours, contre le gouvernement en place.

Une situation économique catastrophique peut favoriser les mouvements sociaux. La grande dépression économique des années 1930 a accouché d’une grève générale, en 1936, et permis d’obtenir de nouveaux droits sociaux dont les 40 heures et les congés payés notamment.

Les difficultés économiques, la pauvreté, sont parfois des stimulateurs de révolte (les jacqueries de l’ancien régime), mais elles sont, le plus souvent, des agents du despotisme, dans la mesure où les plus pauvres canalisent toute leur énergie à survivre, en cherchant à se nourrir ou à se loger. Ils n’ont plus alors le temps de se former ou de lutter contre le pouvoir en place. La pauvreté endémique, en Afrique, depuis sa colonisation, n’a que rarement engendré des révolutions.

C’est pourquoi, les situations économiques florissantes sont aussi favorables, aux luttes sociales, à la volonté et à la possibilité d’instaurer des alternatives. Les mouvements sociaux et la grève générale de mai 1968 étaient l’aboutissement des trente glorieuses, années de relative opulence et du plein emploi.

L’unification des luttes locales est un facteur de renforcement. En 1968, les étudiants ont été rejoints par les ouvriers et le mouvement se transforme en grève générale. La diffusion par l’exemple, est un facteur important de luttes sociales. La réussite du LKP, dans la grève générale qui a eu lieu à la Guadeloupe, en 2009, a conduit l’autre département français d’outremer qu’est la Martinique, à faire de même, quelques jours après. En novembre 2010, quelques jours après la fin des grandes manifestations contre la réforme des retraites en France, les plus grandes manifestations étudiantes depuis Mai 1968, sont lancés contre la privatisation du système scolaire par le gouvernement conservateur de J. Cameron.

Plus loin dans le passé, la révolution anglaise de 1641, puis de 1649,a conduit à décapiter le roi Charles 1er. Après la restauration monarchique, la seconde révolution fut déclenchée en 1688 et aboutit à la création d’un parlement républicain. La révolution en Amérique dura de 1776 à 1783, elle donna des ailes aux révolutionnaires d’autres pays d’Europe. Ainsi, ce fut ensuite le tour de la révolution française, quelques années plus tard, en 1789. Cet évènement à lui-même entraîné la création d’une

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flopée de « république soeurs » dont certaines tiendront peu de temps. Il s’agit notamment de la République d'Alba (Piémont) (1796), de la République d'Ancône (1797-1798) , République cisalpine (Lombardie) (1797-1802) qui devient la République italienne en 1802, ou encore de la République helvétique (1798-1803).

L’élément déclencheur d’un conflit social, d’un grand mouvement social ou d’une révolution, suppose aussi une préparation en amont, par l’éducation des consciences et de petites luttes sociales répétées, qui permettent un temps de formation des militants et de la population.

RELATION ENTRE LUTTES SOCIALES, ASSOCIATIONS ET PARTIS POLITIQUESL’UNITE ET LA DIVERSITE DANS LES LUTTES SOCIALESLes thématiques et les formes de luttes sociales sont variées et souvent complémentaires .

Une des forces des associations et des ONG, telles Greenpeace, Artisans du Monde ou l’association Survie, consiste à se spécialiser sur un thème (social, écologie, économie, droits…), plutôt qu’ à chercher à mener plusieurs thématiques de front, comme le pratiquent notamment Attac et les partis politiques. Ainsi, elles développent une expertise afin de mener une action concrète qui aboutit plus facilement, car elle est plus limitée et circonscrite.

Cependant, mener des actions de nature généraliste ou multi-thématiques, tel que le pratique Attac, permet d’avoir une cohérence entre les thèmes de lutte, afin d’agir sur les fondements des problèmes et non pas seulement sur les formes superficielles, sur l’écume des choses. En effet, il y a parfois une certaine discordance et un manque de vue d’ensemble dans la multitude des projets des associations.

Les revendications unitaires (au plan local-national-international) peuvent s’édifier dans le cadre de plate forme d’idées recherchant le plus petit dénominateur commun. Cela a été tenté, par exemple, dans le cadre du Forum social mondial (FSM). A l’issu de l’un de ceux-ci, Bernard Cassen, l’ancien président d’Attac France, a fait signer, par une dizaine de personnalités présentes au FSM, un socle de revendications communes minimums, autour du refus du libéralisme économique mondialisé et des carences démocratiques. Mais cela n’avait pas été voté par l’ensemble des associations parties prenantes du FSM. Ce consensus était donc limité.

Chercher à obtenir une plate forme d’idées communes comporte le risque de pousser vers la sortie, certains membres qui estiment que le minimum n’y est pas. Par exemple, les anarchistes estiment qu’une lutte, qui n’est pas aussi anticapitaliste, est vaine. A l’inverse, certains mots d’ordre très politiques effrayeront des associations telles Greenpeace ou le WWF, qui préfèrent se cantonner à des objectifs environnementaux. C’est largement ce qui explique que, jusqu’à présent, les forums sociaux mondiaux n’ont pas décidé vraiment de formuler un socle de revendications communes minimums.

En réalité, le fait, que chacun des acteurs mène sa lutte localement ou spécifiquement, n’est pas forcément préjudiciable, dans la mesure où cela permet une autonomie, une créativité, une variété, des objets et des formes de luttes. La synthèse de ces différences forment, finalement, une unité, un consensus pas toujours très formalisé, mais qui se dessine néanmoins à chaque contre-sommet international, tel celui de Rio en 1981, de Copenhague en 2010, par exemple.

Les alliances entre acteurs des luttes peuvent être conjoncturelles ou à long terme . Une alliance conjoncturelle se dessine, face à un ennemi commun, par exemple la lutte contre des organisations ou des acteurs défendant le néolibéralisme en matière économique, sociale écologique, ou encore contre des élites qui nient l’utilité de la démocratie et des droits de l’homme.

Cependant, les alliances peuvent éclater, lorsque le projet est plus profond et plus fondamental, car apparaissent, alors souvent, des incompatibilités idéologiques à terme. Ce qui peut aboutir à une lutte entre les membres de l’alliance, comme le firent Bakounine et Marx, dans le cadre de l’Internationale ouvrière, à partir de 1889. Chacun voulait la révolution face au capitalisme, mais l’un voulait le remplacer par le communisme et l’autre par l’anarchie. Pour qu’une alliance perdure, à long terme, il est donc nécessaire qu’il existe une compatibilité idéologique (long terme) et stratégique (moyen terme), mais aussi tactique (court terme).

Il y a plusieurs stratégies d’alliance, pour un parti qui se lance dans la lutte électorale. Il peut gouverner, s’il parvient à être majoritaire, et sinon il peut s’allier au gouvernement, s’il est minoritaire.

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Par contre, si ses idées politiques sont trop éloignées du parti majoritaire, il risque de se décrédibiliser, du fait du transfert de réputation qui s’opère alors, au détriment du plus « côté » et à l’avantage du moins « côté ». C’est ce qui est arrivé, au parti des Verts et au PC, au cours du gouvernement pluriel de la gauche, dirigé par Lionel Jospin, membre du PS. Pour cette raison, le NPA veille, depuis sa création en 2009, à ne pas s’allier à des partis susceptibles de s’allier avec le PS.

LES ÉLECTIONS COMME INSTRUMENTS DE VISIBILITÉ ET DE COMMUNICATION.L’action politique est de nature électoraliste pour un parti politique et peut être de nature

idéologique pour une association. Par exemple l’association Attac, qui lutte contre le néolibéralisme, sans participer aux élections comme candidat, mène une lutte politique de nature idéologique. Par contre, les associations profitent souvent du temps des élections, pour porter au devant de la scène, leurs revendications. Attac publia un manifeste pour les élections présidentielles de 2006, mais sans être candidat. Cependant, même une action individuelle et locale peut avoir une dimension politique, par exemple, le fait de moins prendre l’avion, de trier ses déchets ou d’acheter des produits de telle origine (être consom’acteur), contribue à influer sur les politiques environnementales.

Certaines associations, telles Attac, ne cherchent pas à devenir des partis politiques, afin de conserver leur utilité et leur légitimité spécifique, comme l’explique Perlas (2003). Par contre, d’autres associations choisissent de se transformer en parti politique, pour faire aboutir leurs luttes, c’est le cas du M’PEP, regroupant d’anciens militants d’Attac, tels son ancien président, Jacques Nikonoff.

Pour un parti politique, la participation aux élections, notamment la lutte pour la visibilité, s’inscrit surtout dans la démocratie par la revendication, mais aussi dans celle de la démocratie par la sensibilisation. Les membres d’un parti politique, s’ils savent qu’ils ne seront pas majoritaires, peuvent néanmoins participer aux élections, afin de faire passer leurs idées et non pas pour chercher à gouverner ou pour avoir des élus. Il s’agit d’une « élection porte-voix », pour un parti politique dont la première phase passe par l’utilisation des médias, durant la période électorale et dont la seconde phase consiste à utiliser les éventuels rares élus obtenus, pour faire entendre leurs idées dans cette nouvelle arène, qu’est le conseil (municipal, régional ou le parlement), en direction des autres élus, des médias et de l’opinion publique. Cette stratégie fut suivie par exemple par le NPA et le Parti de gauche, lors des élections régionales de 2010 notamment.

Cependant, même dans ce registre de la lutte pour la seule visibilité, on relève une inégalité dans la capacité des partis politiques à diffuser des informations liées aux ressources financières dédiées à la communication publique ainsi qu’à l’appui ou non des médias dominants.

LES LUTTES SOCIALES ET LA LUTTE DES CLASSESLa lutte des « classes » est une composante des luttes sociales. Marx explique que la lutte

des classes ne concerne pas seulement l’exploitation économique, la domination sociale et politique, l’aliénation idéologique au sein de l’entreprise mais touche l’ensemble des rapports sociétaux et se manifeste jusque dans des luttes, elles plus visibles, telles les luttes sur le terrain (manifestations, grève, syndicalisme…), pour la défense des droits sociaux ou pour la gratuité notamment.

Ce combat est une lutte entre les classes dominantes et dominées. Elle oppose la classe dominante composée des propriétaires des moyens de production et des élites politiques à leurs services, aux classes dites dominées (classe populaire, prolétaire, salariées...) détenant seulement leur force de travail. Bien sûr, la séparation nette, entre ces deux classes, se révèle difficile à établir précisément, dans la mesure où la limite entre les deux n’est pas toujours très nette, lorsqu’un directeur ou un cadre supérieur est aussi un salarié par exemple.

En fonction de la conscience de classe d’un individu, la forme et le niveau d’implication d’un individu dans les luttes sociales variera. Aussi, Marx distingue les classes en soi, liées à l’organisation objective (l’inconscience d’appartenir à une classe), des classes pour soi. Ces dernières sont liées à la conscience collective, à la conscience d’appartenir à une classe sociale et d’avoir donc des intérêts communs.

Mais l’approche en termes de classe n’est pas suffisante, car dans de nombreuses luttes sociales, la dimension « classiciste » n’est pas toujours centrale. Par exemple, en France en 2000, la lutte contre l’adoption de la constitution européenne. En effet, dans ce contexte, l’extrême droite et l’extrême gauche votaient toutes deux contre le cette constitution. Wievorka et Touraine soutiennent, à juste titre,

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qu’il en est de même des luttes féministes, écologistes, des luttes pour le droit des homosexuels, pour les droits de l’homme…37 Cependant, ces nouveaux mouvements sociaux, n’ont pourtant pas fait disparaître les anciens fondés sur la lutte des classes.

La lutte des classes comporte des limites sur le plan de la rigueur théorique. Afin de nuancer cette simple distinction, en deux classes, dans le livre intitulé, « Les Luttes de classes en France », Marx estimait qu’il existait en fait entre 3 et 7 classes: l'aristocratie financière, la bourgeoisie industrielle, la bourgeoisie commerçante, la petite bourgeoisie, la paysannerie, le prolétariat, le lumpenprolétariat. Ces derniers correspondant aux travailleurs subissant une situation encore plus difficile que celle des prolétaires (ouvriers, employés...)38.

Etant donné qu’il s’avère finalement assez difficile de différencier ces classes de manière précise et scientifique, les néolibéraux en particulier ont attaqué cette notion de classe et de lutte, pour affirmer qu’un employeur propriétaire de son entreprise et un salarié sont solidaires, ont des intérêts communs, puisqu’ils sont tous les deux dans le même bateau. Si l’entreprise coule, le revenu de chacun d’eux disparaît. Cependant, si ce dernier point est exact, il n’en reste pas moins que des inégalités de classes et une lutte des classes persistent dans l’entreprise et à l’extérieur.

Il y a des points communs et des différences entre classes sociales et PCS (CSP). Il ne faut pas confondre les classes sociales et les PCS (CSP) qui sont les professions et catégories socioprofessionnelles. Il y a 6 PCS : les exploitants agricoles, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, les cadres et professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers. Cependant, on ne peut considérer que, seulement, certaines PCS sont dominantes ou exploitantes. Par exemple, un exploitant agricole peut être très riche dans la Beauce et un chef d’entreprise peut être très pauvre s’il n’a qu’un salarié. Néanmoins, les intérêts et les revenus de certaines CSP dominent les autres.

LA LUTTE SOCIALE ET LA SOCIETE CIVILELes acteurs de la société civile luttent pour conquérir l’hégémonie idéologique. Car c’est le

moyen pour devenir l’acteur hégémonique. Dans le cadre d’un numéro spécial sur la société civile, François Houtard (1998 : 12-16)39

distingue ainsi trois principales conceptions : non analytique, préanalytique et analytique populaire, afin de pointer son ambiguïté.

La conception non analytique (angélique) de la société civile. Cette vision ne prend pas en compte les rapports sociaux basés sur l’exploitation et la domination. La société civile se limite, selon cette vision, aux ONG, aux associations, aux organisations alternatives, culturelles... Elle se base sur la dénonciation des abus du système capitaliste libéral, mais ne s’attaque pas à sa logique d’exploitation, d’aliénation et de domination entre les classes sociales.

La conception préanalytique (néo-libérale ou sociale libérale). Dans cette perspective, les rapports sociaux sont régis par le marché conçu comme une loi naturelle qui ne peut pas être remise en cause et par les critiques émises par les mouvements sociaux au sein de la société civile. En effet, selon cette conception, le marché favorise à long terme l’enrichissement collectif. “La société civile, dans cette conception, signifie prendre en compte prioritairement le monde de l’entreprise, sur celui des associations citoyennes” selon Houtard (1998: 14).

La conception analytique selon Gramsci. Ce dernier définit, quant à lui, la société civile comme “l’ensemble des organismes vulgairement appelés privés... et qui correspondent à la fonction d’hégémonie que le groupe dominant exerce sur l’ensemble de la société” (Gramsci, 16 : 1972)40. Paule Bouvier,quant à elle, précise que l’État, avec son appareil institutionnel, “constitue l’instrument de domination directe, la société civile, en représente la forme de domination indirecte, la composante culturelle. Les institutions propres à la société civile, qui

37 DUBET F., TOURAINE A. et WIEVIORKA M., Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 198438 MARX Karl, ENGELS Frederich, l'Idéologie allemande, 1845.39 HOUTARD François (Sous la direction de), “le concept de société civile dans le débat contemporain”, in Société civile,

Alternatives Sud, L’Harmattan, Bruxelles, Vol V, 1998.40 GRAMSCI Antonio, 1975 Cahier de prison, Paris, Gallimard.

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sont les canaux par lesquels le groupe dominant exerce sa fonction hégémonique, sont principalement l’école, l’église et toute autre organisation susceptible d’influencer l’opinion publique. (Bouvier, 1998 : 13)41. Selon Gramsci, la société civile ne se compose donc pas seulement des associations de solidarité nationale et internationale, mais aussi des lobbies industriels (groupements, associations, syndicats, ONG, médias...) notamment.

Le terme de société civile nuit à une lecture claire des enjeux politiques, dans la mesure où il recouvre des classes différentes et en conflit. Au sein de la société civile, luttent donc différents acteurs, afin de conquérir l’hégémonie idéologique et politique et pour la défense des plus défavorisés. Nous les qualifierons, pour notre part, d’associations civiques (ONG notamment), d’associations de travailleurs et de mouvements sociaux.

Les relations partis-entreprise-syndicats et associationsdans les luttes sociales : la triarticulationCivicus est un réseau mondial, regroupant des acteurs des trois secteurs, au sein de 60 pays et

qui pratique la régulation triarticulée. Cependant, Perlas estime que, dans ce cas, « la triarticulation est purement institutionnelle, car il manque la reconnaissance pleine et entière du fait que la société civile est, dans son essence, une institution culturelle et donc un défenseur de la sphère culturelle » (Perlas, 2003 : 230)42. Dans la perspective de Perlas, si les acteurs ne sont pas conscients de leur spécificité et de leur appartenance à ce groupe (que sont les associations citoyennes, les mouvements sociaux) disposant d’objectifs et de capacités qui leur sont propres, il n’y pas de « conscience de classe », pourrait-on dire, en reprenant les termes de Marx, et donc pas de « triarticulation consciente » et maîtrisée.

Si les membres de la société civile ne sont pas suffisamment vigilants, ils risquent « d’être piégés et d’être instrumentalisés » (Perlas, 2003 : 226). Jürgen Habermas, dans son livre « Raison et Légitimité » (1992) parlait de la nécessité d’une sphère culturelle indépendante qui légitimerait les processus politiques et économiques (Habermas, 1992).

Caractéristiques des trois secteurs principaux de la société chez Waddell (1999)43

Thèmes SecteurEtat Marché Société civile

Intérêt principal Politique Economique Social Principale forme de pouvoir Coercitive Rémunératrice NormativeBiens produits Publics Privés De groupePrincipaux buts Ordre social Création de

richesseExpression de valeurs

Critère d’évaluation Légalité Rentabilité Justice

Base relationnelleRéglementation

s Transactions Valeurs

Dans l’analyse de Waddell, les différences fondamentales qui apparaissent sont les suivantes (tableau 3.2) :

Tandis que la principale forme de pouvoir de l’Etat est coercitive, celle du marché est rémunératrice et celle de la société civile, normative. Le pouvoir de cette dernière relevant donc de la création d’idées, de normes et de valeurs. Il rejoint en cela l’analyse de Cutler (1999) qui fonde le pouvoir des ONG sur « l’autorité morale » en particulier ;

Alors que la base relationnelle de la société civile est fondée sur les ‘’valeurs’’, celle de l’Etat l’est sur la ‘’réglementation’’, et celle du marché réside dans la ‘‘transaction’’ (Waddell, 1999) ;

Le principal but de l’Etat est ‘l’ordre social’, celui du marché, la ‘‘création de richesse’’ et celui de la société civile relève de ‘‘l’expression de valeurs’’ (d’idées) ;

41 BOUVIER Paule, “Le concept de société civile: mythe ou réalité”, Cahiers Cercal, n°23, Bruxelles, 1998.42 PERLAS Nicanor, 2003, La société civile : le 3e pouvoir, Ed. Yves Michel. 43 WADDELL Steve, The Evolving Strategy Benefit for Business in Collaboration with Nonprofits in Civil Society: A Strategic Ressources, Capabilities and Competencies Perspective, USAID et http://www.usaid.gov/pubs/isp/resource/evolve.html, 1999.

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Le critère d’évaluation principal de l’Etat est la ‘‘légalité’’, celui du marché, la ‘‘rentabilité’’ économique et celui de la société civile est ‘’la justice’’ (Waddell, 1999).

Ces différenciations formulées par Waddell sont intéressantes, en revanche, elles nécessiteraient une analyse plus précise et plus conflictuelle de la société civile, dans la lignée de Gramsci. En effet, ce type de régulation tripartite ou ‘triarticulée’ risque fort de conduire à un disparition, ou une manipulation du cœur de la société civile. Rappelons que la vision néo-libérale de la société civile y inclut les entreprises privées. De plus, si les associations citoyennes se laissent absorber par les autres acteurs du triptyque, elles perdent la légitimité spécifique. Si elles ne parviennent pas à conserver leur indépendance et leur nature unique, elles deviennent des Gongos (ONG gouvernementale) ou des Bingos (NGO ou ONG de Business) et perdent du coup l’apport spécifique qu’elles sont susceptibles de proposer à la société.

Nous pouvons donc tirer, des analyses de Perlas et Waddell, le fait que la légitimité et l’utilité des associations civiques peuvent opérer, mais dans un champ bien spécifique. Les associations civiques s’avèrent les seules, à disposer simultanément de la légitimité participative et de la légitimité par l’indépendance économique. De plus, à la différence de l’Etat (les partis élus au gouvernement), pour proposer une idée nouvelle, elles n’ont pas besoin de s’autocensurer, par crainte de ne pas être légitimée par les élections. Ceci leur confère la plus grande légitimité pour la production d’idées, grâce à leur créativité et à leur exercice critique, en particulier. En revanche, cela ne signifie pas pour autant qu’elles contrôlent l’hégémonie idéologique et politique de la société civile.

En effet, la société civile ne se limite pas aux associations citoyennes ayant des idées avant-gardistes, mais elle est composée par d’autres acteurs plus puissants qui, eux, détiennent cette hégémonie, tels que les médias, l’école, l’église, les chercheurs, les intellectuels au service des classes dominantes, les thinks tanks, les Gongos, les Bingos. . . Si une large partie des idées est créée au sein la société civile, cette dernière est le lieu d’un conflit, entre différents groupes. Cependant, comme l’explique Gramsci, seules les idées, qui servent les intérêts des classes dominantes, parviennent à devenir hégémoniques. En effet, avec le principe de bloc historique (infrastructure et superstructure), Gramsci rappelle que la classe économique dominante (les acteurs économiques privés) « domine » l’Etat, et l’Etat « domine » la société civile, grâce à ses relais idéologiques (médias, école, université, recherche. . . ). Ceci, même si la société civile dispose aussi de la capacité d’influer, de manière active, sur l’Etat et les infrastructures économiques.

Ainsi, à travers le tableau suivant, nous proposons une vision quelque peu différente de celle de Waddell et de Perlas, qui nous semble plus adaptée à la réalité.

Comparaison entre les trois secteurs : dimension de la triarticulation(Chacun des thèmes présents n'est que l'axe principal et non l'axe unique)

THEMES POUVOIR PUBLIC ECONOMIQUE SOCIETE CIVILE Mouvements sociaux

Sphère principale-Champ d’action Juridique et Politique Economique Socio-culturel

Principale fonction actuelle

Arbitrer en fonction de l'intérêt général

Production de biens et services Création de valeurs

But principal Ordre social Rémunération- Justice et création de valeurs

Principale formes de pouvoir Coercitif Rémunératrice-Capacité de

production et propriété privée Normatif

Moyens d'action Réguler (décision) Lois ProductionExpression de valeurs

par la communication (dénonciation)

Biens produits Publics Privés Idées-Valeurs-CultureCritère d'évaluation Légal rationnel Rentabilité Justice

Légitimité Elective-Indépendance économique Productive Morale-Participative-Indépendance économique

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On observe donc des conflits ou des complémentarités, entre ces différents pôles de légitimité qui permettent de renforcer la démocratisation de la régulation sociétale :

- légitimité élective / légitimité participative, - légitimité élective / légitimité morale et par les idées,- légitimité participative / légitimité par l’indépendance économique. Par ailleurs, précisons qu’en fonction des instances de régulation, la légitimité d’un même acteur

peut varier. Par exemple, la légitimité participative d’une ONG sera plus importante, dans le cadre d’un collectif qui vise à défendre les travailleurs et qu’elle aura elle-même créé. Tandis que sa légitimité sera moindre, au sein d’une organisation internationale de défense des travailleurs (la CISL, la CMT, la CES ...) créée par des salariés d’entreprises. Par conséquent, en fonction des instances de régulation, la pondération du pouvoir de décision finale (du droit de vote) devrait aussi varier.

ConclusionCes différentes formes de luttes violentes et non violentes, peuvent se renforcer les unes les autres,

en fonction des situations. Leur usage n’est pas exclusif. Les acquis sociaux les plus importants sont généralement le résultat de luttes sociales et très rarement des offres altruistes et généreuses, adressées aux salariés, par les élus des partis majoritaires. Ces luttes prennent des formes diverses, telles : la démocratie revendicative, les actions de sensibilisation, les luttes pour plus de visibilité, la désobéissance civile, les actions de blocage, de grèves, les expérimentations concrètes alternatives et éducatives.

Les luttes peuvent être réformistes et aussi révolutionnaires, violentes ou non violentes. Les éléments déclencheurs d’une lutte sociale (révolution ou grève générale), varient, ils prennent parfois la forme de du refus de la perte d’anciens anciens droits, d’avantages acquis. Ces luttes peuvent débuter lorsque les situations qu’ils considèrent que les situations qu’ils subissent sont injustes et injustifiables.

Les élections sont aussi un instrument d’accroissement de la visibilité, de communication, mais l’action politique est de nature électoraliste pour un parti politique et peut être de nature idéologique pour une association. Dans la lutte électorale, il y a plusieurs stratégies d’alliance entre acteurs, par exemple elles peuvent être conjoncturelles ou à long terme.

Enfin, il existe des tentatives de changement réformiste, qui ne s’inscrivent pas dans la lutte sociale directe, mais plutôt sous la forme de démocratie participative, de négociation ou encore de triarticulation entre entreprises, pouvoirs publics et associations ou syndicats.

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