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DOMINIQUE BERNIER LES MESURES D'INTEGRATION DES VICTIMES DANS LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS Vers un équilibre entre les droits des victimes et les droits des adolescents? Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en droit pour l'obtention du grade de maître en droit(LL.M.) FACULTE DE DROIT UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2008 © Dominique Bernier, 2008

Les Mesures d'Integration Des Victimes

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Page 1: Les Mesures d'Integration Des Victimes

DOMINIQUE BERNIER

LES MESURES D'INTEGRATION DES VICTIMES DANS LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE

PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS Vers un équilibre entre les droits des victimes et les droits des

adolescents?

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en droit pour l'obtention du grade de maître en droit(LL.M.)

FACULTE DE DROIT UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2008

© Dominique Bernier, 2008

Page 2: Les Mesures d'Integration Des Victimes

RÉSUMÉ

Ce mémoire de maîtrise examine la relation pouvant exister entre le jeune

délinquant et la victime dans le cadre pénal canadien. La Loi sur le système de justice

pénale pour les adolescents, adoptée en 2003, contient des dispositions qui permettent

aux victimes de participer activement au processus pénal pour les mineurs. Nous nous

intéressons donc au fondement et à la mise en œuvre de ces dispositions. Les délinquants

mineurs ont un système de justice qui leur est propre et la présence active des victimes

doit s'inscrire dans cette perspective.

Il

Page 3: Les Mesures d'Integration Des Victimes

AVANT-PROPOS

Avant toute chose, j'aimerais sincèrement remercier plusieurs personnes qui ont

contribué à la réalisation de ce mémoire de maîtrise. Je désire d'abord remercier le Fonds

d'investissement de la faculté de droit de l'Université Laval pour le soutien financier

offert. J'aimerais aussi remercier les gens provenant d'organismes communautaires qui

ont bien voulu me rencontrer et discuter avec moi de leur précieuse expérience (clin d'œil

au personnel et aux jeunes de la rue de la Maison Dauphine... vous m'avez permis de

relativiser mes petits tracas quotidiens).

Je tiens à remercier sincèrement ma directrice de mémoire : Julie Desrosiers. Ses

conseils, encouragements et commentaires m'ont plus que grandement aidée à la

réalisation de ce projet; ils ont contribué à mon épanouissement au cours de ces deux

dernières années. Je me suis toujours sentie privilégiée de travailler sous sa direction.

Je remercie aussi les membres de ma famille, de ma belle-famille et mes ami(e)s

qui m'ont toujours soutenue avec amour (un merci spécial à ma mère pour sa générosité

et à mon père pour son exemple de détermination). Aussi, je désire remercier Bernard

pour ses encouragements dans ce projet qu'il n'a pas eu la chance de voir se terminer.

Un merci tout spécial à Maxime pour les corrections et commentaires rigolos (qui

ont été plus qu'appréciés...) et à Isabelle et Maxime-Steeve pour leurs judicieux conseils.

Enfin, milles mercis à Jean-Philippe. Ta présence, ton soutien, ton amour et ta

douce folie m'ont permis de poursuivre cette démarche tout en étant heureuse jour après

jour. Être à tes côtés, c'est mon équilibre.

III

Page 4: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Je crois que c 'est les injustes qui dorment le mieux, parce qu 'ils s'en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l'œil et se font du mauvais sang pour tout. Autrement, ils ne seraient pas justes.

Romain Gary, La vie devant soi

IV

Page 5: Les Mesures d'Integration Des Victimes

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ Il

AVANT-PROPOS III

TABLE DES MATIÈRES V

TABLES DES ABRÉVIATIONS VII

INTRODUCTION 8

TITRE PRÉLIMINAIRE 12

LES OBJECTIFS DE LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS 12

1- Bref historique 12

2- Les objectifs de la loi 14

TITRE 1 21

LA PERTINENCE JURIDIQUE DES MESURES D'INTÉGRATION DES VICTIMES ET LE DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES ET JURIDIQUES DES 50 DERNIÈRES ANNÉES : UN LIEN INCONTESTABLE 21

Chapitre 1 21

La présence des victimes dans le processus pénal canadien : développement et particularités. 21

1- Dans le système de justice pénale général 23

2- Dans le système de justice pour adolescents 35

Chapitre 2 40

La présence de la victime dans les divers modèles théoriques de justice pour mineurs 40

1- Les modèles classiques : la protection et la rétribution 41

2- Les nouveaux modèles : justice réparatrice 51

3- Le modèle autochtone 61

TITRE 2 69

LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES JURIDIQUES : NORMES INCITATIVES ET APPLICATION MITIGÉE 69

Chapitre 1 69

Le fonctionnement des mesures de participation et d'intégration de la victime 69

1- Le fonctionnement des mesures 70 V

Page 6: Les Mesures d'Integration Des Victimes

2- Les programmes ailleurs au pays 84

3- Les similitudes et les différences avec les lois précédentes 88

Chapitre 2 94

La mise en œuvre québécoise des mesures d'intégration des victimes 94

1- L'analyse jurisprudentielle 95

2- Les statistiques et rapports gouvernementaux 103

3- L'exemple de l'organisme L'Autre avenue 109

CONCLUSION 114

BIBLIOGRAPHIE 120

Doctrine 120

Jurisprudence 129

Législation 131

VI

Page 7: Les Mesures d'Integration Des Victimes

TABLES DES ABRÉVIATIONS

CAVAC -* Centre d'aide aux victimes d'actes criminels

C.cr. -* Code criminel canadien

IVAC ~* Indemnisation des victimes d'actes criminels

LSJPA -* Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

LJD -* Loi sur les jeunes délinquants

LJC ~* Loi sur les jeunes contrevenants

OJA -* Organismes de justice alternative

ROJAC -* Regroupement des organismes de justice alternative

VII

Page 8: Les Mesures d'Integration Des Victimes

INTRODUCTION

Au cours de l'adolescence, l'adulte en devenir traverse une délicate période. Tant

au plan personnel qu'au plan social, il fera de nouvelles expériences. Ces dernières ont

des conséquences positives ou négatives sur son développement vers la maturité. La

transgression des normes et la confrontation de l'autorité font partie de ces

expérimentations. Les principes défiés peuvent être de tout ordre (parental, scolaire,

légal, etc.)

La violation d'une règle légale peut entraîner des effets sur de nombreux aspects

de la vie des adolescents, surtout lorsqu'ils parcourent le système de justice pénale. En

2005, 73 000 jeunes Canadiens ont été mis en accusation par la police pour une infraction

au Code criminel1 et, selon Statistiques Canada, 96 000 jeunes ont fait l'objet d'autres

mesures par les policiers2. Le taux de criminalité des mineurs a été, pour l'année 2005, de

6603 jeunes infracteurs par 100 000 habitants.3

Les interrogations sont nombreuses et les opinions sont diversifiées sur la façon

adéquate de répondre à la délinquance juvénile. L'adolescent est à un stade particulier de

son développement. Il n'a pas encore atteint la maturité d'un adulte, mais il est conscient

de ses actes. Le système de justice pénale doit prendre en considération les

caractéristiques des mineurs délinquants.

Les questionnements sur le système de justice pénale pour les adolescents portent

aussi sur les différents acteurs impliqués. La victime d'un acte délictuel vit aussi une

période complexe. Les conséquences d'une victimisation peuvent être nombreuses et de

lCode criminel, L.R.C. (1985), c. 46, art. 745.1 [ci-après Code criminel ou C.cr.]. 2 CENTRE CANADIEN DE LA STATISTIQUE JURIDIQUE, Statistiques de la criminalité 2005 (2005) vol. 26, no 4 [EN LIGNE] http://www.statcan.ca/francais/freepub/85-002-XIF/85-002-XIF2006004.pdf page consultée le 15 juillet 2007. 3 M

Page 9: Les Mesures d'Integration Des Victimes

différents ordres : psychologiques, physiques, sociales, etc. La victime aura, tout comme

l'adolescent délinquant, mais dans une perspective différente, à confronter le système de

justice pénale.

Dans le cadre législatif canadien pour les mineurs délinquants, ces deux acteurs

aux besoins et aux caractéristiques différents sont liés par certaines dispositions. En effet,

dans la continuité de la Loi sur les jeunes contrevenants , des articles de la Loi sur le

système de justice pénale pour les adolescents5 prévoient l'intégration, à différents

niveaux, des victimes dans le processus pénal propre aux jeunes délinquants. Ces mesures

d'intégration de la victime seront au cœur de notre mémoire de maîtrise.

La LSJPA a été adoptée récemment. En 2003, après des années de réflexion sur la

délinquance juvénile au Canada, la loi a intégré plusieurs objectifs. Certains sont

nouveaux, comme l'assujettissement des jeunes aux peines pour adultes et la primauté du

principe de proportionnalité de la peine. D'autres approfondissent ce que les lois

précédentes contenaient déjà, comme la nécessité de réadaptation et de réinsertion

sociale. À partir de ces objectifs législatifs fondamentaux, qui définissent les tenants et

aboutissants du processus, nous analyserons le rôle des victimes. Nous nous intéresserons

à sa pertinence et nous vérifierons sa mise en œuvre.

Notre recherche s'articule donc autour des deux questions suivantes :

Est-ce que les mesures d'intégration des victimes dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sont pertinentes en regard des différents objectifs socio-juridiques de cette législation conçue pour les mineurs de 12 à 17 ans?

Dans le cas où cette pertinence est établie, est-ce que la mise en œuvre au Québec des mesures d'intégration des victimes est conforme aux objectifs socio-juridiques de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents?

Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, L.C. 2002, c. 1 [ci-après Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou LSJPA]. 5 Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), c. Yl (Abrogée, 2002, ch. 1, art. 199) [ci-après Loi sur les jeunes contrevenants ou UC].

9

Page 10: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Selon notre hypothèse de départ, les mesures d'intégration des victimes sont

pertinentes en regard des objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Toutefois, malgré la

« popularité » théorique de ces mesures, leur mise en œuvre, particulièrement dans le

cadre judiciaire québécois, s'avère mitigée. La Loi sur le système de justice pénale pour

les adolescents contient de nombreuses possibilités qui ne sont pas toutes utilisées.

Afin de bien positionner notre travail de recherche, nous ferons, dans le cadre

d'un chapitre préliminaire, la présentation des objectifs de la LSJPA. Puisque ces derniers

sont au cœur de notre analyse, nous déterminerons les visées juridiques poursuivies à

l'aide du Préambule, de la Déclaration de principes et d'autres sources. Ensuite, afin de

répondre à nos questions de recherche et de vérifier notre hypothèse de travail, nous

procéderons en deux parties distinctes.

Première partie : pertinence des mesures d'intégration des victimes au regard des

objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Afin de vérifier la pertinence de l'intégration des

victimes dans la LSJPA, nous commencerons par retracer la provenance et la justification

d'une plus grande implication des victimes dans le système pénal canadien. Nous

analyserons le rôle traditionnellement dévolu à la victime, les origines de ce rôle et ses

caractéristiques. Il existe par ailleurs diverses théories socio-juridiques proposant des

moyens de répondre à la délinquance juvénile. Or, nous croyons que le rôle accru de la

victime peut s'insérer à même ces courants théoriques, particulièrement les plus récents.

Nous ferons donc l'analyse du rôle de la victime au sein des différents modèles de justice

pour mineurs qui sont proposés.

Deuxième partie : mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes. Les

adolescents jouissent d'un système pénal qui leur est propre et qui doit répondre à leurs

intérêts. Nous examinerons si la présence de la victime contribue, dans les faits, à

répondre aux différents objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Cette analyse se fera en

10

Page 11: Les Mesures d'Integration Des Victimes

deux temps. Dans un premier temps, afin de bien saisir les nombreuses possibilités de

mise en œuvre qu'offre la loi, nous présenterons les dispositions pertinentes et nous

étudierons leur fonctionnement. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à

l'utilisation réelle des dispositions d'intégration des victimes, par l'intermédiaire de la

jurisprudence, des statistiques disponibles et des rapports gouvernementaux. Nous

désirons vérifier l'application concrète de ces dispositions. C'est dans la même optique

que nous nous pencherons sur le fonctionnement « terrain » de ces nouvelles mesures

d'intégration des victimes au moyen de données provenant des Organismes de justice

alternative, lesquels sont au cœur de certains aspects de la relation victime-délinquant au

Québec.

11

Page 12: Les Mesures d'Integration Des Victimes

TITRE PRÉLIMINAIRE

LES OBJECTIFS DE LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

Notre analyse des mesures d'intégration des victimes s'orientera autour des

objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Afin de déterminer ceux qui seront au cœur de

notre travail de recherche, nous présenterons, au cours de ce titre préliminaire, un bref

historique de la loi et un aperçu de son contenu.

1- Bref historique

Le Canada a fait très tôt le choix de séparer le système de justice pénale pour les

adolescents du système de justice pénale pour les adultes. Dès 1908, la Loi sur les jeunes

délinquants6 fut adoptée par le parlement fédéral. Comme le note Nicholas Bala :

This Act created a juvénile justice and correction System with a welfare-oriented philosophy based on positivist criminology and a distinct parens patriae (parent of the country) philosophy. »7

Pendant 73 ans, la situation des jeunes délinquants du pays a donc été régie par cette

législation. Affublée de critiques à partir des années 60, on reprochait principalement à

cette loi de nier les droits fondamentaux des adolescents et de laisser un grand pouvoir

discrétionnaire aux décideurs. De plus, selon ses détracteurs, la LJD faisait trop de place

au régime de protection et niait totalement la responsabilité de l'adolescent dans l'acte

délictuel.

6 Loi sur les jeunes délinquants, L C, 1908, c. 40 [ci-après Loi sur les jeunes délinquants ou LJD]. 7N. BALA, Youth criminal justice act, Toronto, Irwin Law, 2003, p. 7.

12

Page 13: Les Mesures d'Integration Des Victimes

C'est dans cette perspective que la Loi sur les jeunes contrevenants fut adoptée en

1981 et mise en vigueur en 1984. Cette loi tentait de corriger les lacunes de la précédente

tout en rendant le système accessible à tous les contrevenants mineurs du pays. Nicholas

Bala mentionne à ce sujet :

The YOA provided much more récognition of légal rights than the Juvénile Delinquent Act, as well as establishing a uniform national âge jurisdiction, developments consistent with emphasis in the Charter on due process of law and equal treatment under the law. The YOA tried to balance a concern for the spécial needs of youth with the protection of the public.8

Toujours dans l'optique d'augmenter la responsabilisation du jeune, en 1995, certains

amendements ont été adoptés afin de permettre plus facilement le transfert des

contrevenants violents vers les tribunaux pour adultes. De plus, des mesures alternatives

aux mesures judiciaires ont été ajoutées pour les contrevenants ayant commis des crimes

de moindre gravité.

Après les modifications de 1995, des acteurs politiques et le public continuaient de

critiquer cette dernière pour sa souplesse dans la réponse à la délinquance juvénile. Un

comité parlementaire a été formé afin d'étudier la LJC. Au cours de la fin des années 90,

cette étude s'est transformée en la proposition d'adopter une nouvelle loi. Cette idée ne

faisait pas l'unanimité. La philosophie à la base même du changement de législation

créait divergence. Certains voulaient augmenter la sévérité, d'autres, particulièrement des

acteurs québécois, désiraient un maintien des fondements de la LJC.

The original Bill was the subject of lengthy committee hearing during which it was criticized by the Canadian Alliance and Conservatives parties for being too soft on young offenders, while the Bloc Québécois continued to argue that no changes were needed in the YOA, expressing concern that the new law would resuit in more youths being treated as adults offenders.9

Une première version de la nouvelle loi fut proposée en 1999 puis, suite à des

commissions parlementaires, des comités sénatoriaux et surtout, une multitude de

modifications, la LSJPA a vu le jour en 2002.

8 N. Bala, op. cit., note 7, p. 12. "Ici., p. 23.

13

Page 14: Les Mesures d'Integration Des Victimes

2- Les objectifs de la loi

a. Les objectifs politiques

Puisque cette loi est née dans la tourmente politique en raison des positions

diamétralement opposées des partis politiques et des acteurs du milieu, il s'avère

nécessaire de comprendre le but du législateur. La nouvelle loi avait, au moment de son

adoption, deux principaux objectifs décrits par les auteurs Nicholas Bala et Julian V.

Robert :

Although the new Act is very complex, it has two primary objectives. For the relatively small number of youth found guilty of the most serious violent offences, the Act facilitâtes the process of imposing a more severe adult sentence. For the vast majority of young offenders who commit less serious offences, however, the YCJA [LSJPA], is intended to reduce Canada's reliance on the use of courts and youth custody10.

Ces deux visées découlent de deux problématiques différentes rencontrées sous l'égide de

la Loi sur les jeunes contrevenants.

Tout d'abord, le Canada ne pouvait nier qu'il avait « l'un des plus hauts taux

d'incarcération des jeunes délinquants." ». De plus, ce taux s'avérait plus élevé chez les

adolescents que chez les adultes. Les délinquants mineurs incarcérés étaient quatre fois

plus nombreux que les délinquants adultes12' La LSJPA s'inscrivait donc dans la

perspective de baliser les règles d'incarcération pour en diminuer l'utilisation. Les

préceptes de la nouvelle législation encouragent la détention seulement dans les cas où

elle s'avère réellement nécessaire.

J. V. ROBERT et N BALA, « Understanding sentencing under the youth criminal justice act », (2003) 41 Alta. Law Rev. 395, p. 396. 11 Traduction libre "one of the highest rates in the world of use custody for adolescents offenders" N. BALA, op. cit., note 7, p. 401. 12 S. ANAND, «Crafting Youth Sentences: The Rôles of Rehabilitation, Proportionality, Restraint, Restorative justice and Race under the Youth criminal justice act» (2003) 40 Alta Law R. 943, p.944.

14

Page 15: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Ensuite, le manque de sévérité envers les mineurs ayant commis des actes

délictuels graves ou dénotant une grande violence était très critiqué. En effet, les

sondages montraient que la population trouvait trop indulgentes les peines imposées aux

jeunes contrevenants. 80,6 % des Canadiens auraient préféré des peines plus dures .

Tout comme certains partis politiques14, la population exigeait une plus grande sévérité.

Dans cette perspective, les articles 61 et suivants prévoient un mécanisme où

l'adolescent peut être assujetti à une sanction pour adulte dans les cas où, pour un crime

similaire, un majeur serait admissible à une peine de plus de deux ans. Les peines pour

adultes sont, en effet, beaucoup plus rigides que celles prévues pour les délinquants

mineurs. Par exemple, dans le cas du meurtre au premier degré, l'article 745.1 du Code

criminel prévoit pour les mineurs une peine d'emprisonnement à perpétuité avec une

libération conditionnelle au bout de cinq ou dix années, dépendamment de l'âge du

délinquant. Un adulte coupable de cette infraction est, quant à lui, détenu à perpétuité

sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, et ce, en vertu de l'article 745

a) du Code criminel.

En plus de ces deux objectifs généraux, le texte de la loi contient plusieurs autres

visées que nous allons maintenant examiner.

b. Le Préambule et la Déclaration de principes

Dès le début de la loi, le législateur a clairement indiqué ses objectifs socio-

juridiques. Le Préambule et la Déclaration de principes contiennent les principaux

éléments qui déterminent les tenants et aboutissants de cette législation pour les mineurs

délinquants.

13 J. BARBER et A .N. DOOB, « An analysis of the public support of the severity and proportionality in the sentencing of youthful offender » (2004) 46 Canadian journal of criminology and criminal justice 327. 14 Supra, note 9.

15

Page 16: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Traditionnellement, les préambules ne contiennent pas de mesures législatives. Ils

contiennent les grands buts de la loi15' Aujourd'hui, ce texte introductif peut, selon la

tendance, être utilisé dans le cadre d'interprétation législative. Comme le mentionne un

auteur : « It is now accepted that a preamble can be used to assist and determining a

statute's purpose and object, even if the provision of the law are clear. » Dans cette

perspective, le Préambule de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

comporte plusieurs éléments dignes d'intérêt puisqu'ils soutiennent directement le

dessein de celle-ci.

Le Préambule contient cinq paragraphes stipulant des objectifs tels que : la

nécessité que la société réponde et soutienne les adolescents jusqu'à l'âge adulte, le désir

de respecter les engagements internationaux du Canada en matière de droits de l'enfant,

le droit du public à l'information concernant le système de justice pénale, l'accent mis sur

la prévention de la délinquance en s'attaquant à ses causes et la réponse aux besoins des

jeunes par les différents acteurs impliqués. Le dernier paragraphe retient particulièrement

notre attention. Plusieurs objectifs y sont prévus :

... la société canadienne doit avoir un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, tient compte des intérêts des victimes, favorise la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale, limite la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminue le recours à l'incarcération des adolescents non violents. 1?

Notons que le législateur mentionne l'importance de respecter les intérêts des

victimes. Cela laisse présager que la loi contient d'autres mesures s'inscrivant dans cette

perspective. De plus, un accent particulier est mis sur la responsabilisation du mineur

15 Loi d'interprétation, L .R.C. (1985), c. 1-21, art. 13 : « Le préambule fait partie du texte et en constitue l'exposé des motifs. ». 16 N. BALA, op. cit., note 7, p. 76. 17 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, Préambule.

16

Page 17: Les Mesures d'Integration Des Victimes

délinquant. La responsabilisation s'ajoute aux objectifs de réadaptation et de réinsertion

sociale.

La Déclaration de principes se trouve à l'article 3 de la loi. Cette disposition

prévoit les principes qui doivent soutenir l'application de la législation. L'article 3(l)a)

décrète deux éléments essentiels, soit l'importance d'un système de justice pénale qui

vise à prévenir le crime par la suppression de ses causes sous-jacentes et aussi un système

qui vise à réadapter et réinsérer le jeune dans la société par l'intermédiaire de

perspectives positives et d'une protection du public durable. L'article 3(1 )b) réitère

l'importance d'un système de justice pénale pour les adolescents qui est distinct de celui

des adultes. Pour ce faire les éléments suivants sont primordiaux:

(i) leur réadaptation et leur réinsertion sociale,

(ii) une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité,

(iii) la prise de mesures procédurales supplémentaires pour leur assurer un traitement équitable et la protection de leurs droits, notamment en ce qui touche leur vie privée,

(iv) la prise de mesures opportunes qui établissent clairement le lien entre le comportement délictueux et ses conséquences,

(v) la diligence et la célérité avec lesquelles doivent intervenir les personnes chargées de l'application de la présente loi, compte tenu du sens qu'a le temps dans la vie des adolescents;18

Dans la même perspective, l'article 3(1 )c) expose la nécessité de respecter le

principe de responsabilité juste et proportionnelle, tout en prenant des mesures qui

favorisent le renforcement des valeurs de la société; qui favorisent la réparation du

dommage causé à la collectivité et à la victime; qui offrent des perspectives positives; qui

tiennent compte du niveau de développement des adolescents; qui font participer les

parents, la famille, la collectivité et les organismes sociaux; qui prennent en compte les

différences culturelles, sexuelles, linguistiques; qui tiennent compte des besoins propres

aux autochtones.

18 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 3(l)b). 17

Page 18: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Finalement, l'article 3(l)d) spécifie l'importance de règles procédurales propres

aux adolescents et au système telles que : le respect des droits et libertés de l'adolescent;

la possibilité de se faire entendre pour l'adolescent et la victime; le traitement courtois

des victimes en leur faisant subir le moins d'inconvénients possible et en les informant

des procédures intentées; l'obligation d'informer les parents et de leur offrir un soutien.

Bref, le préambule et la déclaration de principes contiennent une vaste gamme

d'objectifs devant imprégner le système de justice pour les adolescents. Le législateur

démontre par ce texte législatif ses priorités dans la réponse à la délinquance juvénile au

Canada.

c. Les objectifs judiciaires et extrajudiciaires

En plus des objectifs indiqués au début de la loi, d'autres principes fondamentaux

liés au système se trouvent tout au long du texte législatif. Nous désirons en mentionner

quelques-uns qui s'inscrivent dans la continuité des objectifs de diminution de

l'incarcération, de la responsabilisation de l'adolescent et de respect de la victime.

Dès le tout début de la LSJPA, une section est destinée aux mesures

extrajudiciaires. Ces dernières sont considérées comme l'une des meilleures façons de

s'attaquer à la délinquance juvénile. Le législateur mentionne que les mesures

extrajudiciaires sont rapides et efficaces. Elles s'adressent à ceux et celles qui ont commis

une infraction sans violence et qui n'ont jamais été déclarés coupables d'une infraction

Lorsqu'ils ont déjà été déclarés coupables d'une infraction, les mesures doivent être

compatibles avec les objectifs de cette section de la loi.

18

Page 19: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Dans le cadre des mesures judiciaires, les articles qui concernent la détermination

de la peine énoncent les objectifs suivants: les peines ne doivent pas être plus graves que

celles qu'aurait un adulte pour le même crime; les peines imposées doivent être

semblables d'une région du Canada à l'autre; elles doivent être proportionnelles à la

gravité et au niveau de responsabilité de l'adolescent et elles doivent être le moins

contraignantes possible; elles doivent offrir des possibilités de réadaptation et de

réinsertion sociale tout en suscitant le sens des responsabilités de l'adolescent.

d. Les objectifs au cœur de notre analyse

Rares sont les lois contenant autant de principes fondamentaux devant soutenir les

décideurs. Résumons brièvement toutes ces visées législatives. En plus de diminuer le

taux d'incarcération et d'être plus sévère envers les adolescents ayant commis un acte

grave, le législateur désire, d'abord, un système propre aux adolescents et à leurs

caractéristiques de développement qui respecte leurs droits et libertés et qui cherche à

enrayer les causes de la délinquance. Ensuite, le système doit permettre au jeune de se

responsabiliser face à son acte délictuel tout en permettant sa réadaptation et sa

réinsertion sociale. Enfin, le système veut favoriser les droits de ceux qui gravitent autour

de ce dernier : les victimes, les parents, la communauté, etc.

Dans le cadre de notre mémoire de maîtrise, deux de ces objectifs retiennent

particulièrement notre attention et seront au cœur de notre analyse. D'une part, notre

intérêt porte sur le rôle de la victime dans la LSJPA. Nous nous intéresserons donc aux

divers objectifs de prise en considération des besoins de cette dernière. À la différence de

la Loi sur les jeunes contrevenants, il est mentionné dès le Préambule que la victime doit

être l'une des préoccupations. La Déclaration de principes réitère cette nécessité.

D'autre part, l'objectif de responsabilisation de l'adolescent sera au cœur de notre

travail puisqu'il a un lien avec la victime. L'un des moyens de responsabiliser le 19

Page 20: Les Mesures d'Integration Des Victimes

délinquant est de le confronter avec les conséquences de son crime. Créer des interactions

entre le jeune et la victime peut permettre de le responsabiliser.

Ensemble, ces deux objectifs législatifs tracent la voie d'une participation

beaucoup plus active de la victime dans le cadre du processus judiciaire. C'est à ce rôle

accru de la victime que nous nous intéresserons dans la prochaine partie de notre

mémoire.

20

Page 21: Les Mesures d'Integration Des Victimes

TITRE 1

LA PERTINENCE JURIDIQUE DES MESURES D'INTÉGRATION DES VICTIMES ET LE DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES CRIMINOLOGIQUES ET JURIDIQUES DES 50 DERNIÈRES ANNÉES : UN LIEN INCONTESTABLE

L'intérêt de cette première partie réside autour de la pertinence des mesures

d'intégration des victimes dans la LSJPA. Pour ce faire, nous allons procéder à l'examen

de deux éléments majeurs. D'abord, dans le cadre du premier chapitre, nous verrons

comment s'est développé l'intérêt pour les victimes et quelles ont été les revendications

de ces dernières. Nous analyserons aussi le rôle de la victime dans le système de justice

pénale canadien tant général que juvénile. Ensuite, dans le cadre du chapitre suivant, nous

analyserons le rôle des victimes dans les différents modèles théoriques utilisés pour

répondre à la délinquance juvénile.

Chapitre 1

La présence des victimes dans le processus pénal canadien : développement et particularités

Sans être absent par le passé, l'intérêt contemporain lié au rôle de la victime dans le

système de justice pénale s'est particulièrement développé après la Deuxième guerre

mondiale. Une large réflexion est entamée sur le rôle des victimes et surtout sur le

traitement qui doit leur être réservé. Cette remise en question s'est effectuée au sein de

nombreuses disciplines (psychologie, sociologie, criminologie, droit) et au sein de

plusieurs mouvements sociaux (mouvement des femmes). Le Canada n'y fait pas

exception, et ce, particulièrement à partir des années 1960-1970. Par exemple, en 1974, la

Commission de réforme du droit mentionnait certains éléments pouvant favoriser

l'amélioration du sort de la victime :

21

Page 22: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Même au procès, l'intérêt porté à la violation des droits de la victime devrait se manifester de plusieurs façons; ainsi, on devrait entre autres (1) tenir compte de ce qui convient à la victime, en accordant des ajournements, (2) permettre à la victime d'exprimer son opinion sur la sentence qu'elle considère appropriée et (3) accorder la priorité, dans la détermination de la peine et le prononcé de la sentence, à la restitution et à l'indemnisation pour la perte et le dommage subi.19

La présence de la victime dans le système de justice pénale pour les adolescents est liée à

cette large réflexion sur les victimes qui a débuté il y a plus d'un demi-siècle. En effet, le

développement d'un intérêt pour cet acteur a eu des impacts sur son rôle au sein du

processus pénal.

Nous tenterons, dans ce premier chapitre, de vérifier pourquoi et de quelle

manière la victime a acquis un rôle au sein du système de justice pénale. Cette analyse

nous permettra d'évaluer la pertinence d'y inclure les victimes et elle nous permettra

d'explorer l'élaboration des préoccupations pour les victimes dans les objectifs socio-

juridiques de la LSJPA.

Cette analyse se fera en deux temps. Dans un premier temps, nous nous intéresserons

à la victime dans le système pénal général. Sur le plan social, nous évaluerons d'où

provient l'intérêt pour la victime et quelles revendications il a entraînées. Sur le plan

juridique, nous ferons l'examen des possibilités existantes pour la victime. Dans un

second temps, nous observerons les revendications particulières des victimes dans le

cadre du système de justice pénale pour les adolescents ; d'abord dans une perspective

sociale, puis dans une perspective politique.

19 COMMISSION DE RÉFORME DU DROIT DU CANADA, Les principes de détermination de la peine et du prononcé de la sentence, Document de travail 3, 1974, p. 21.

22

Page 23: Les Mesures d'Integration Des Victimes

1- Dans le système de justice pénale général

a- Au plan social

Les interrogations contemporaines sur le rôle des victimes débutent entre les deux

conflits mondiaux. L'un des pionniers a débuté ses recherches en 1937. Mendelsohn,

avocat pénaliste, « s'insurgea contre la différence de traitement réservée au criminel et à

la victime qui devait supporter le fardeau de la preuve et ne percevoir que rarement les

dommages et intérêts octroyés, en raison de l'insolvabilité des criminels » . Selon le

postulat de base de cette large réflexion, les victimes n'avaient qu'une place accessoire

dans le cadre du système de justice pénale qui ne répondait pas à leurs besoins. Nous

nous intéresserons à l'évolution de ce postulat et de la place accordée aux victimes par

l'intermédiaire du mouvement en faveur des victimes et de la victimologie.

i- Le mouvement en faveur des victimes

Plusieurs facteurs sociaux sont à l'origine de l'apparition du mouvement en faveur

des victimes. La criminologue Jo-anne Wemmers en présente quatre.21 Premièrement, la

mouvance politique des années 60 remettait en question le rôle de l'État dans le cadre du

système. Le rôle des acteurs, leurs droits et les relations entre ceux-ci devaient être

redéfinis. Deuxièmement, l'augmentation du taux de criminalité a, dans la même

perspective, mené à de grandes interrogations sur les conséquences de celle-ci dans nos

sociétés modernes. Le crime affectait le tissu social et devait être mieux compris et mieux

considéré. Troisièmement, l'activisme pro-victime a largement contribué à l'apparition

du mouvement. Plusieurs groupes ont adopté une position revendicatrice en faveur des

victimes. Quatrièmement, les mouvements féministes se sont intéressés aux femmes

victimes de violence. « Au Canada et au Québec, les premières initiatives [d'aide aux

20 G. LOPEZ et S. TZITIS, (dir.) Dictionnaire des sciences criminelles, Paris, Dalloz, 2004, p. 963. 21 J.-A. WEMMERS, Introduction à la victimologie, Montréal, Les presses de l'université de Montréal, 2003, chapitre 3.

23

Page 24: Les Mesures d'Integration Des Victimes

victimes] ont reposé largement sur l'apport des groupes de femmes et des bénévoles dans

la communauté. »22 Dès 1975, une première maison pour femmes battues était fondée au

Québec . Ces groupes de femmes ont vite réclamé plus de droits pour les femmes ayant

vécu une victimisation.

Le mouvement en faveur des victimes a d'abord eu de l'influence sur la

reconnaissance de certains groupes de victimes. Ils ont sensibilisé la société à différents

types de victimisation : « sexual victimization, child abuse, family violence, and drunken

driving, to mention but a few. »24 Puis, cette reconnaissance s'est élargie à tous les types

de victimes d'actes criminels. Comme le mentionne un auteur :

The movement has been influential in changing social attitudes to victims of râpe and domestic violence, among others, and in changing the practices of the criminal justice system regarding those victims and, in gênerai, ail crime victims.25

La reconnaissance de l'ensemble des types de victimes a permis une prise de conscience

générale de leurs besoins dans le système pénal.

Au Québec, il existe quelques associations de victimes. Par exemple,

l'Association québécoise plaidoyer-victime , existante depuis 1984, a pour mission de

représenter, de soutenir les victimes et de sensibiliser la population à ces dernières. Ces

mouvements ont milité en faveur des droits des victimes tout en faisant certains constats

et certaines revendications. Dans cette même perspective et dans le cadre de cette même

conjoncture, une discipline propre aux sciences sociales s'est développée : la

victimologie.

A. GAUDREAULT, L'aide aux victimes d'actes criminels au Canada et au Québec: Esquisse d'un parcours (2001), p.2 [EN LIGNE] http://www.aqpv.ca/ag2001b.pdf, page consultée le 21 mai 2007. 23 J.A. WEMMERS, op. cit., note 21, p. 45. 24 E.A.FATTAH, « Victimology: Past, Présent and Future » (2000) 33 Criminologie 17, p.41. 25 Id., p 45. 26 Voir : http://www.aqpv.ca/

24

Page 25: Les Mesures d'Integration Des Victimes

ii- La victimologie

Cette discipline est apparue vers les années 1940. Plusieurs types de victimologie

existent : le volet pénal, qui s'intéresse à la relation entre la victime et le crime, et

d'autres catégories, qui s'intéressent à l'étude des victimes de catastrophes, d'accidents

ou de conflits armés. Notre intérêt repose évidemment sur la première catégorie ainsi

définie:

Often referred to as a sub-discipline of criminology, it has paralleled development of its parent discipline in demonstrating an early concern with victim typologies and the responsibility of the victim for the création of a criminal event to a more récent focus on the structural dimensions of criminal victimization.27

La victimologie permet de connaître les caractéristiques de la victime, pourquoi

elle vit une victimisation et surtout, elle permet de connaître ses besoins. « Understanding

the nature and the impact of criminal victimization has been one of the key concerns of

victimology. »28 Pour ce faire, la victimologie utilise diverses méthodes liées aux

sciences sociales. Par exemple, la collecte de données sur les personnes ayant vécu un

acte criminel permet de dégager des caractéristiques communes. « One of the primary

tasks of theoretical victimology is to collect empirical data on crime victims...»29 L'un

des objectifs de ces recherches est de pouvoir déterminer, puis éventuellement offrir aux

victimes ce qu'elles requièrent après l'événement criminel.

La victimologie a permis de dégager plusieurs théories sur les victimes. Au

départ, on accordait une large responsabilité à cette dernière. « Il est un peu ironique

d'observer que la victimologie de l'époque laisse quelques fois entendre que la victime

est peut-être responsable de l'acte criminel ».30 Cette position vertement critiquée31 s'est

E. MC LAUGLHIN E. et J. MUNCIE, (dir.), The Sage Dictionary of criminology, London, Sage, 2001, 314. Id. E. A. FATTAH, loc. cit., note 24, p.26. J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 36.

25

Page 26: Les Mesures d'Integration Des Victimes

rapidement modifiée, et ce, en raison de diverses positions plus favorables aux victimes.

Il s'avérait nécessaire de comprendre la victime pour lui venir en aide plutôt que de lui

déposer une part, parfois très grande, de la responsabilité sur les épaules.

Sous l'influence du mouvement féministe et du mouvement en faveur des victimes, la théorie selon laquelle la victime serait responsable de sa victimisation est rejetée ouvertement, les tenants de ces mouvements affirmant qu'il faut cesser de blâmer la victime.32

Pour expliquer la victimisation, certains facteurs se sont dégagés des principaux

modèles théoriques. Ezzat A. Fattah , fait état de dix catégories de facteurs pouvant

expliquer pourquoi la victime a subi un acte criminel. L'opportunité, le facteur de risque

(âge, genre, lieu de résidence, etc.), la motivation du délinquant, l'exposition au danger,

l'association à un criminel ou à un groupe criminel, les lieux et les moments dangereux,

les comportements dangereux, les activités risquées et les tendances structurelles et

culturelles sont des facteurs de victimisation. Les études ont aussi permis de dégager les

besoins de la victime après un événement criminel. L'auteure Jo-Anne Wemmers résume

ainsi les principaux besoins de la victime : « le besoin d'information; les besoins

pratiques; les besoins de réparation et de dédommagement; le besoin d'un soutien

psychosocial; le besoin d'un statut dans le système pénal; le besoin de protection. »34

Chacun de ces besoins est présent chez la victime à différents niveaux.

Cette compréhension nouvelle de la victime, par l'intermédiaire d'une discipline

des sciences sociales, a eu des impacts sur le sort réservé à celle-ci dans le cadre des lois

pénales. La meilleure connaissance de la victime, à laquelle ont aussi contribué les

mouvements en faveur des victimes, a permis l'intégration de mesures répondant à ses

31 E.A. FATTAH, loc. cit., note 24, p. 25: « Theoretical victimology became the object of unwarranted attacks and unfounded ideological criticism. It was portrayed by some (Clark and Lewis, 1977) as the "art of blaming the victim". » 32E.A. FATTAH, loc. cit., note 24, p. 25.

33 Id. p. 30-32. 34 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 40.

26

Page 27: Les Mesures d'Integration Des Victimes

besoins comme nous le verrons ultérieurement. D'ailleurs, il s'avère pertinent de

s'attarder à certains constats ayant été faits au fil du temps.

Page 28: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Mi- Les constats

Avec le mouvement en faveur des victimes et le développement de la

victimologie, les recherches et études sur cet acteur du système de justice pénale se sont

multipliées. Sans prétendre faire une analyse complète de ces études, nous croyons que

certains constats peuvent se rattacher à la pertinence du rôle de la victime dans le système

pénal. Nous avons choisi deux constats très généraux, soit l'insatisfaction des victimes et

le désir de participation de celles-ci. Très globalement, ils justifient, selon nous, la

présence de mesures tentant de donner certains droits aux victimes pour améliorer leurs

trajectoires dans le processus de justice.

D'abord, les victimes sont insatisfaites du système de justice pénale. Elles se

sentent souvent laissées pour compte et désirent obtenir plus de considération. Ce constat

est chronologiquement l'un des premiers à avoir été fait et il est encore, à un niveau

différent, présent aujourd'hui. «Dès les années 1970, on commence à étudier les

expériences des victimes dans le système pénal. Ces études indiquent que plusieurs

d'entre elles sont mécontentes [...] »35Plus récemment, dans le cadre d'un rapport de

recherche sur le parcours des victimes dans le cadre du système correctionnel canadien,

Arlène Gaudreault, membre de Y Association québécoise plaidoyer-victime, mentionne

d'entrée de jeu que : « Plus souvent qu'autrement, les intervenants du système

correctionnel devront aussi composer avec des victimes qui sont peu satisfaites des

réponses apportées par le système de justice pénale aux étapes précédentes. »36

Les répercussions d'un mauvais soutien de la victime peuvent être assez

dévastatrices pour augmenter l'altération de son état. D'ailleurs, ce phénomène est

nommé, en victimologie, seconde victimisation. «La seconde victimisation fait référence

35 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 79. 36 A.GAUDREAULT, Parcours des victimes dans le système correctionnel canadien (2003) [EN LIGNE] http://www.aqpv.ca/ag2003.pdf, page consultée le 21 mai 2006.

28

Page 29: Les Mesures d'Integration Des Victimes

à une perception de la victime, selon laquelle elle n'est pas acceptée ni soutenue par les

autres.» Donc, en plus des conséquences générales de la victimisation (physique,

psychologique, monétaire, etc.) le manque d'appui dans le système crée chez la victime

des répercussions négatives. Pour remédier à cette situation, il faut adapter le processus

judiciaire aux besoins généraux que nous avons énoncés précédemment. Diverses

mesures, que nous verrons plus loin, ont été adoptées dans cette perspective.

Le second constat que nous désirons présenter est une forme de réponse à

l'insatisfaction des victimes. Afin de vivre une meilleure expérience dans le cadre du

système de justice, certaines victimes désirent y participer plus activement. « Plusieurs

études indiquent que les victimes voudraient participer au système pénal; or, elles ont

l'impression d'être un objet du procès plutôt qu'un sujet.» Cette possibilité permet aux

victimes de sentir que leurs besoins ont été mieux considérés. Certaines études faites sur i n

un mode participatif de justice, la justice réparatrice , démontrent que les victimes sont

plus satisfaites de leurs parcours lorsqu'elles ont participé au processus. L'auteur Lode

Walgarve mentionne à ce sujet :

Ail comparison of victims' expériences finds that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative

40 process.

Ce constat s'avère fort intéressant puisque certaines mesures de la LSJPA encouragent

cette participation. En plus de considérer leurs besoins et de leur accorder des droits, les

mesures participatives peuvent renforcer le sentiment d'avoir été soutenu.

37 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 80. 38 Id, p. 86. 39 Infra, Chapitre 2, p. 50 : pour explications sur la justice réparatrice. 40 L. WALGRAVE, « Restoration in Youth Justice System» dans TONTRY Michael et Anthony DOOB (dir.), Youth crime and youth justice: Comparative and cross-national perspectives, Chicago, The university of Chicago Press, 2004, p. 563.

29

Page 30: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Ces deux constats justifient, selon nous, la présence de mesures favorables aux

victimes pour les réconcilier avec le système pénal. D'ailleurs, certaines mesures du

système canadien s'inscrivent dans cette optique de satisfaction et de participation de la

victime.

b- Au plan juridique

La victime a acquis une certaine place dans le processus pénal. Une multitude de

programmes et de dispositions législatives existent afin d'améliorer le contact des

victimes avec le système de justice. Nous examinerons trois éléments présents dans le

système canadien. D'abord, afin de démontrer leur volonté réelle d'agir, les différents

paliers de gouvernement ont créé des organes pour les victimes. Ensuite, diverses

mesures juridiques ont été intégrées dans les lois pénales. Enfin, les lois publiques

d'indemnisation des victimes d'actes criminels ont été adoptées dans la perspective de

répondre aux besoins des victimes.

i- Les organes gouvernementaux

Il existe, tant dans les gouvernements provinciaux qu'au gouvernement fédéral,

des organes qui sont responsables des victimes, soit dans l'application des lois, soit dans

la recherche et dans le soutien de ces dernières. Ces organismes permettent de voir

l'intérêt des gouvernements à améliorer le sort des victimes et à répondre à leurs

insatisfactions.

Au fédéral, le Centre de la politique des victimes4 a pour mission de faire de la

recherche, de sensibiliser à la condition des victimes, de travailler sur des réformes

législatives, d'élaborer des projets favorables aux victimes et de financer divers projets. Il

ne s'agit pas d'un organisme qui intervient directement auprès des victimes. De plus, le

41 Voir: http://www.justice.gc.ca/fr/ps/voc/index.html 30

Page 31: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Bureau national pour les victimes d'actes criminels42 permet aux victimes d'un

délinquant sous responsabilité fédérale d'obtenir de l'information et encourage les

diverses instances à prendre le point de vue des victimes en considération.

Au Québec, deux organismes sont responsables des victimes. Les CAVAC43

(Centre d'aide aux victimes d'actes criminels) organismes à but non lucratif sous la

responsabilité de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, offrent des services de

première ligne aux victimes. Ils informent, assistent et accompagnent les victimes tant sur

les plans sociaux que juridiques. « L'intervention des CAVAC s'effectue majoritairement

dans un contexte juridique, sur une base individuelle et volontaire.»44 Aussi, le Bureau

d'aide aux victimes d'actes criminels, organisme rattaché au Ministère de la Justice du

Québec, est responsable des CA VAC et travaille à promouvoir le droit des victimes.

ii- Les possibilités juridiques existantes

En premier lieu, le Code criminel contient des dispositions favorables aux

victimes. Le Projet de loi C-12745, adopté en 1983, modifiait considérablement les

dispositions sur les infractions sexuelles. L'auteure Josée Néron mentionne à ce propos :

Par son intervention, le législateur a pour objectif, entre autres, l'amélioration de la situation comme témoins des femmes victimes d'agression sexuelle : il amende certaines dispositions et abroge certaines règles de preuve qui portent préjudice aux plaignantes lors des procès. Son intervention vise aussi l'augmentation du nombre de plaintes..46

Voir: http://www.publicsafetv.gc.ca/prg/cor/nov/nov-bnv-fr.asp Voir: http://www.cavac.qc.ca/

42

43

44 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 167. A5Loi modifiant le Code criminel en matière d'agression sexuelle et d'autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, L.C. 1982, c. 127. 46 J. NÉRON, L'agression sexuelle et le droit criminel canadien : L'influence de la codification, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté des études supérieures, Université Laval, 1994, p. 129.

31

Page 32: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Six ans plus tard, une autre loi entrait en vigueur. La Loi C-89 incluait aussi plusieurs

dispositions favorables aux victimes. En plus de mentionner pour la première fois le mot

victime dans le Code criminel, cette loi contenait des mesures de protection et de

restitution.

Ces mesures sont encore présentes dans le Code criminel. Par exemple, un

dédommagement peut être ordonné en vertu de l'article 738 C.cr.. Le décideur peut

considérer le dommage subi par la victime dans le cas d'une perte matérielle ou d'un

dommage physique. Une autre mesure intéressante est la suramende compensatoire48.

Cette amende obligatoire pour le délinquant est automatiquement affectée à l'aide aux

victimes.

De plus, au plan plus participatif, au moment de la détermination de la peine, la

victime peut procéder à une déclaration en vertu de l'article 722 C.cr.. La déclaration de

la victime concerne les dommages subis et elle doit être prise en considération par le juge

dans le cadre de la détermination de la peine. Ce type de déclaration est souvent critiqué.

On lui reproche d'avoir peu d'impact sur l'issue du procès: « [t]he available research

suggests that victim impact statements typically do not hâve a noticeable effect on

sentencing. » 49 II semblerait que la victime peut émettre diverses opinions, mais que peu

de considérations sont octroyées à ce processus dans le choix de la peine fait par le

décideur.

En matière de droits des victimes, notons au Québec la présence de la Loi sur

l'aide aux victimes d'actes criminels50. En plus d'édicter plusieurs droits pour les

victimes, tel que le traitement avec courtoisie et respect, cette loi prévoit la possibilité

Loi modifiant le Code criminel, L.C. 1988, c.89. 4iCode criminel, précité, note 1, art. 737. 49 K. ROACH, «The Rôle of Crime Victims under the Youth Criminal Justice Act» (2003) 40 Alta. L. Rev. 965 par. 62. 50 Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels, LRQ, c. A-13.2.

32

Page 33: Les Mesures d'Integration Des Victimes

d'obtenir une indemnisation ou une restitution des biens, d'être informé tout au long de

son parcours dans le système pénal et d'obtenir l'aide et l'assistance nécessaire. Pour ce

qui est du rôle de la victime, dans la mesure du possible, il est souhaitable qu'elle

collabore au procès pénal.

En second lieu, les victimes peuvent obtenir divers types de dédommagement. La

toute première possibilité est le recours civil. Il est possible pour les victimes de

poursuivre le délinquant pour les dommages qu'elles ont subis, et ce, conformément aux

dispositions relatives à la responsabilité civile . Par ailleurs, ce processus est très peu

utilisé. Les poursuites entreprises par les victimes sont pratiquement inexistantes.

Pourtant, ce genre de recours possède plusieurs aspects positifs. Il permet à la victime

d'obtenir une réparation complète du véritable préjudice vécu. Selon Micheline Baril,

pionnière de la victimologie au Québec à l'école de criminologie de l'Université de

Montréal, «les raisons possibles pour lesquelles si peu de victimes ont recours au droit

civil, alors qu'il leur offre tant d'avantages, sont l'ignorance, le désabusement, les

craintes, le peu de connaissances légales.»52 De plus, l'insolvabilité de certains auteurs

d'actes criminels ne permet pas aux victimes d'obtenir le montant d'argent leur ayant été

consenti dans le cadre des procédures civiles.

Depuis les années 1950, il existe une alternative aux poursuites privées, les

législatures provinciales ayant adopté des régimes d'indemnisation publique pour

permettre aux victimes d'obtenir une réparation des dommages subis. Ces mesures

s'inscrivent dans la reconnaissance collective des conséquences du crime et de la prise en

considération des besoins des victimes. Dès 1967, le Manitoba adoptait une toute

première loi d'indemnisation publique pour les victimes d'actes criminels . Le Québec

emboîtait le pas en 1972. La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels

permet aujourd'hui aux victimes ayant été blessées ou aux familles des victimes tuées

51 Code civil du Québec, LRQ, c. C-1991, art. 1467 et suivants. 52 J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 21.

53 A. GAUDREAULT, loc. cit., note 22, p. 3. 54 Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, LRQ, c. 1-6.

33

Page 34: Les Mesures d'Integration Des Victimes

d'obtenir une indemnisation liée aux dommages corporels. L'IVAC (indemnisation des

victimes d'actes criminels), organisme en charge de l'application de cette loi, traite les

demandes des victimes d'actes criminels et juge de l'octroi du montant. Pour les pertes

matérielles, un montant maximal de 1000$ est possible. Toutefois, ces programmes sont

très critiqués :

Les programmes d'indemnisation publique sont critiqués pour ne pas avoir donné la priorité aux victimesf...]. Selon certains auteurs[...], ces programmes ont surtout une fonction symbolique pour montrer l'intérêt du gouvernement pour les victimes, mais sans rendre disponibles les ressources financières pour répondre aux vrais besoins des victimes55

De plus, ces programmes peuvent créer de grandes attentes pour les victimes aux moyens

financiers critiques. « Plutôt que d'être un levier, l'indemnisation devient un frein à

l'autonomie et au rétablissement des victimes (Bélanger, 1998). »56 Certaines victimes

perçoivent l'indemnisation comme un dû plutôt qu'une réparation du dommage.

D'ailleurs, ce système est actuellement revu par les instances gouvernementales57.

Grâce à ce survol, nous constatons facilement la présence de mesures favorables

pour les victimes. Elles permettent d'établir que le législateur, et plus largement les

instances gouvernementales, reconnaissent depuis plusieurs années la pertinence de

dispositions et de programmes pour des victimes. Malgré les critiques, ces mesures

tentent de répondre aux besoins de ces dernières. Voyons, à partir d'un angle

sociopolitique, comment cela s'opère spécifiquement dans le système de justice pénale

pour les adolescents.

J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 142.

56 A. GAUDREAULT, loc. cit., note 22. 57 Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et d'autres dispositions législatives, LQ, c. 41.

34

Page 35: Les Mesures d'Integration Des Victimes

2- Dans le système de justice pour adolescents

a- Les constats et revendications spécifiques des victimes dans le cadre du système de justice pénale pour les adolescents

Le système de justice pénale pour les adultes et le système de justice pénale pour

les adolescents possèdent des différences importantes. L'auteur de l'acte délictuel est

mineur et le traitement qui lui est réservé prend en considération son degré de

développement. Généralement, les objectifs envers le délinquant sont moins punitifs que

pour les adultes. Les victimes doivent être conscientes de ces différences fondamentales.

Évidemment, les revendications générales, telles que celles vues précédemment,

demeurent. Les victimes désirent un traitement respectueux et approprié: « For example,

ail crime victims, regardless of whether the crime was committed by an adult or a young

person, arguably should hâve the right to be treated with respect and to be informed about

the proceedings. »58

Certaines nuances doivent cependant s'imposer en raison de la nature du système

de justice pénale pour les adolescents. Par exemple, comme le mentionne l'auteur Kent

Roach, les victimes ne peuvent exiger les mêmes informations que dans le système pour

adultes :

Similarly, because of concerns about rehabilitation, victims may not be entitled to the same amount of information about young offenders as about adult offenders. Concern about preserving a distinct approach to youth justice may limit the degree to which victim concerns, especially punitive victim concerns, are integrated into youth criminal justice.59

K. ROACH, loc. cit., note 4949, par. 9. Id., par. 10.

35

Page 36: Les Mesures d'Integration Des Victimes

La confidentialité qu'impose le système pour adolescents ne peut répondre à toutes les

exigences des victimes. La stigmatisation du jeune doit être limitée et la victime doit en

être consciente.

Par ailleurs, les victimes peuvent avoir envie d'aider et de soutenir l'adolescent.

Dans leur processus de résilience, elles désirent parfois donner une chance de

réconciliation à l'adolescent. Par exemple, les mesures extrajudiciaires permettront au

jeune d'éviter les rouages d'un procès pénal. L'auteure Jo-Anne Wemmers mentionne

que les victimes peuvent voir cette procédure d'un bon œil :

Dans les programmes [programmes extrajudiciaires] auprès des jeunes délinquants, nous remarquons que les victimes veulent souvent aider le jeune et le fait qu'il puisse éviter d'avoir un dossier judiciaire est un facteur motivant pour la victime (Marshall et Merry, 1990). De plus, les victimes voient la restitution comme une peine légitime (Blanchette 1996; Van Hecke et Wemmers, 1992). En revanche la majorité des programmes s'occupe des jeunes délinquants qui ont commis des crimes moins graves. Il est probable que les victimes de crimes graves auraient des objections à la déjudiciarisation de leur victimisation.»60

Dans les cas de crimes plus graves, les revendications plus générales s'appliquent.

Selon nous, malgré la nature du système de justice pénale pour adolescents et les

nuances qu'il impose, les revendications sont sensiblement les mêmes. S'ajoute à cela un

certain désir de soutenir l'adolescent dans sa trajectoire pénale. D'ailleurs, dans le cadre

de la création de la LSJPA, tous ces éléments ont été présentés par l'intermédiaire de

divers groupes.

b- Les revendications lors de l'adoption de la LSJPA

Tel que nous l'avons mentionné dans le chapitre préliminaire, l'adoption de la

LSJPA s'est faite dans une complexe controverse sociale, politique et juridique.

D'ailleurs la ministre de la justice de l'époque, Ann Me Millan, a déclaré en 1998, pour

J-A WEMMERS, op. cit., note 21, p. 180. 36

Page 37: Les Mesures d'Integration Des Victimes

en justifier l'adoption : « in the eyes of many Canadians [the youth justice System] has

fallen short »61. Dans les travaux préparatoires à la loi, où plus de 160 modifications ont

été proposées , de nombreux groupes ont fait part de revendications et demandes

diverses. Les consultations ont mené à trois rapports prenant en compte leurs diverses

positions . Évidemment, certains groupes représentant les victimes ont évoqué la

nécessité d'améliorer leur rôle. Nous présenterons trois points de vue différents provenant

de divers intervenants, puis nous terminerons avec le contenu des rapports.

La première position est d'encourager la présence de mesures favorisant les

victimes. Le Barreau du Québec s'était prononcé dès 1998 en faveur d'une meilleure

reconnaissance des droits des victimes. Dans le mémoire du Barreau concernant le projet

de loi qui donnera naissance à la LSJPA, les dispositions aidant les victimes sont

conseillées avec certaines réserves :

Bien que l'ouverture du projet de loi à la participation active des victimes soit bénéfique, le Barreau du Québec soumettra au fur et à mesure de ses commentaires particuliers certaines réserves sur l'approche préconisée par le projet de loi. Par ailleurs, nous devons admettre que les victimes ne sont pas que des auxiliaires de la justice; elles sont aussi des personnes qu'une infraction a lésées et qui peuvent désirer, ajuste titre, une forme de réparation ou de restitution64.

L'autre proposition est le maintien de la LJC, tel que le mémoire de la Coalition

pour la justice des mineurs le mentionne: « [La Loi sur les jeunes contrevenants] est déjà

en mesure de garantir la protection de la société, la réprobation sociale du crime, la prise

en compte de la situation des victimes... »65 Par ailleurs, ce constat n'est probablement

61 N. BALA, op. cit., note 7. "MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents . résumé et historique, justice pour les jeunes, Au service des Canadiens, Ministère de la Justice du canada, pi. 6iInfra, p. 37 64 BARREAU DU QUÉBEC, Mémoire loi c-7, loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, septembre 2001, [EN LIGNE] http://www.barreau.qc.ca/fr/positions/opinions/memoires/2001/c7.pdf page 31. 65 COALITION POUR LA JUTSICE POUR MINEURS, Une justice pénale pour ou contre les adolescents : commentaire sur le projet de Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents mémoire, septembre 1999. [EN LIGNE] www.rojaq.qc.ca page consultée le 4 avril 2007.

37

Page 38: Les Mesures d'Integration Des Victimes

pas propre à la seule situation des victimes. La LJC était perçue par certains groupes

comme une bonne loi de manière générale.

Les victimes peuvent être prêtes à venir en aide au jeune délinquant. C'est dans

cette optique que le Regroupement des organismes de justice alternative, quant à lui, a

proposé l'ajout de mesures réparatrices, où la victime participe de façon active à la

solution :

Dans ce projet de loi, on souligne bien les mérites de la justice réparatrice, mais du bout des lèvres seulement et en la confinant à la petite délinquance dans un cadre très local. Or, notre expertise nous permet d'affirmer qu'une telle approche s'avère très efficace et qu'elle permet aux victimes, aux jeunes contrevenants et à la communauté de trouver des solutions à la criminalité des mineurs.66

À la suite à ces représentations diverses, trois rapports67 ont été produits et ont

mené au texte législatif en vigueur aujourd'hui. Dans la Stratégie de renouvellement de la

justice pour les jeunes, il est mentionné que : « Le rôle des parents et des victimes dans le

processus de justice pour les jeunes doit être défini plus clairement. »68 Cette affirmation

s'inscrit dans la continuité du Rapport sur le renouvellement de la justice pour les jeunes

de 1997. Au chapitre 6, le Comité permanent de la justice mentionnait ceci:

D'après ce que le comité a entendu, les interventions officielles dans le système de justice pour la jeunesse sont dispendieuses, traitent les victimes comme des preuves, ne permettent pas la pleine participation des victimes ni de la famille du jeune contrevenant et échouent souvent pour ce qui est de rendre le délinquant réellement coupable de sa conduite.70

ROJAC, Mémoire sur la Loi sur le système de justice pénales pour les adolescents, 2000 [EN LIGNE] http://www.roiaq.qc.ca/MemoireC-03.html, page consultée le 1 mai 2007. 67 GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA JUSTICE APPLICABLE AUX JEUNES, « L'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice pour les jeunes du Canada » , Rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice applicable aux jeunes (1996) ; COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE DE LA CHAMBRE DES COMMUNES « Rapport sur le renouvellement de la justice pour jeune » Chambre des communes du Canada, avril 1997 [EN LIGNE] http://www.parl.gc.ca/35/Archives/committees352/iula/reports/l31997-04/jula-13-cov-f.html. ; MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA, Stratégie de renouvellement de la justice pour jeune [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/yj/aboutus/voasl.html page consultée le 21 mai 2007. 68 Id, MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA. 69 Id., COMITÉ PERMANENT POUR LA JUSTICE. 70 Id. chapitre 6.

38

Page 39: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Pour pallier à cette problématique, le Comité recommandait l'ajout de mesures de

rechange participatives tant pour la victime que pour le délinquant. À la lumière de ces

rapports et des mémoires présentés dans le cadre de la création de la loi, le désir de

considérer la victime est clairement établi. Nous verrons plus loin comment cela se

traduit concrètement dans la LSJPA.

Dans le cadre de ce chapitre, nous avons fait un grand tour d'horizon de la

situation de la victime en droit pénal canadien. Au fil du temps, l'intérêt pour cet acteur

du processus judiciaire s'est accru et une reconnaissance de ses droits et de ses besoins

s'est développée. Par l'intermédiaire de disciplines comme la victimologie, certains

constats ont été faits et ont permis des changements législatifs comme le

dédommagement ou la déclaration des victimes. L'un des besoins décrits plus haut

auquel nous portons une attention particulière est le désir des victimes de participer au

processus. La LSJPA contient des dispositions en ce sens. Nous nous attarderons à ces

mesures prévoyant un rôle actif pour les victimes dans la seconde partie de notre

mémoire.

Mais avant, la victime n'est pas l'unique acteur du système de justice pénale qui

doit être considéré. L'étude des modèles théoriques prévoyant le fonctionnement et les

conséquences du parcours pénal de l'adolescent nous permettra de découvrir comment

peut s'opérer un équilibre entre les droits de l'un et les droits de l'autre.

39

Page 40: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Chapitre 2

La présence de la victime dans les divers modèles théoriques de justice pour mineurs

Depuis 1908, les adolescents délinquants sont séparés du système de justice

pénale des adultes. Ce postulat de base a été présent dans les trois législations pour

mineurs délinquants. La Loi sur le système de justice pénale pour adolescents rappelle

dès son préambule : « que la société se doit de répondre aux besoins des adolescents, de

les aider dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu'à l'âge

adulte71, »

Afin de particulariser le système pour mineurs, il existe de nombreux modèles

théoriques. Désirant répondre aux caractéristiques et aux besoins de l'adolescent, ces

modèles présentent différentes conceptions du système de justice pénale tant sur son

fonctionnement que sur ses conséquences. En plus de l'adolescent, ils s'intéressent aussi

aux autres acteurs impliqués comme la victime.

La LSJPA intègre les préceptes de plusieurs modèles théoriques de justice pour les

mineurs. Dans le cadre de ce chapitre, nous ferons un examen des grandes

caractéristiques de ceux qui y sont présents. Nous nous pencherons sur leurs

philosophies, leurs fondements et les critiques qu'ils soulèvent. De plus, afin de vérifier

la pertinence d'un rôle actif pour les victimes dans le système de justice pénale pour les

adolescents, nous analyserons comment s'y articule leur présence. Nous utiliserons des

exemples concrets dans la LSJPA et, à titre de comparaison, des exemples provenant des

législations précédentes.

71 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, Préambule. 40

Page 41: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Trois types de modèles théoriques ont retenu notre attention. D'abord, nous

étudierons les modèles classiques. Ceux-ci sont utilisés depuis longtemps dans les

législations pour mineurs délinquants. La rétribution et la protection ont été largement

éprouvées; elles étaient d'ailleurs au cœur de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ensuite, nous nous intéresserons aux nouveaux modèles de justice, plus particulièrement

à la justice réparatrice. Assez récente, la justice réparatrice jouit actuellement d'une

grande popularité. Dans LSJPA, on en retrouve diverses applications. Enfin, nous

examinerons un modèle, propre au Canada, conçu pour répondre aux besoins des groupes

autochtones . Le rôle de la victime y est particulier et son analyse s'avère pertinente.

1- Les modèles classiques : la protection et la rétribution

a- La rétribution

i- Fondements

L'adolescent est un adulte en devenir. Selon ce modèle théorique, il fait des choix

et il doit en assumer les conséquences. Afin de présenter le modèle de rétribution, nous

présenterons d'abord les principes sur lesquels il repose.

Dans ce modèle de régulation sociale, le jeune doit répondre de ses actes. S'il

transgresse une règle, il doit être puni en conséquence. La rétribution met l'accent sur les

choix de l'adolescent et sur l'imputabilité qui en découle. Il est responsable de ce qui lui

arrive et ses comportements ne peuvent être expliqués par sa situation personnelle

(familles, réseau social, etc.). À ce sujet, Jean Zermatten mentionne ceci :

Il fait un sort à l'idée de l'enfant victime systématique de son milieu et érige le mineur en être responsable, qui ne doit plus forcément être traité, mais qui peut être

Nous incluons dans les groupes autochtones les Premières nations, les Inuits et les Métis. 41

Page 42: Les Mesures d'Integration Des Victimes

sanctionné, car la délinquance et la déviance ne sont pas un état pathologique, mais résultent d'un choix personnel.73

Pour expliquer simplement ce modèle théorique, nous avons retenu la définition

suivante : «Punishment inflicted upon offenders in conséquence of their wrong doing.

Retributivism is the view that the moral justification for punishment is that the offender

deserves it. »74 La rétribution permet de punir adéquatement l'adolescent tout en ayant

un aspect dissuasif. La peine vécue par le jeune doit le décourager de perpétrer de

nouvelles infractions.

La proportionnalité de la peine est l'un des moyens d'application de la rétribution.

La punition sera proportionnelle à la gravité de l'acte commis. « Retributive justice

requires that severity of punishment be proportionate to his seriousness of the offences

and the blameworthiness of the offender. »75 Afin d'évaluer la gravité de l'acte, deux

éléments sont primordiaux. Au plan plus général, certaines infractions, pour obtenir une

peine plus sévère, doivent être perçues comme étant plus graves que d'autres. L'échelle

de gravité répond à des normes morales qui doivent être endossées par la société. « The

retributive justice model of sentencing also assumes that the public can agrée on the

relative seriousness of différent offences and the relative severity of différent

punishment.» Au plan plus spécifique, pour assurer une proportionnalité adéquate de la

peine, une attention particulière est portée aux caractéristiques de l'événement pénal. Les

éléments classiques de la commission d'une infraction sont pris en considération : « no

other punishment gives so much importance to actus reus (a guilty act) and mens rea (a

guilty state of mind). »77

J. ZERMATTEN, «La prise en charge des mineurs délinquants : quelques éclairages à partir des grands textes internationaux et de quelques exemples européens » (2003-04) 34 RDUS 10. 74 E. MC LAUGLHIN et J. MUNCIE, (dirs.), The Sage Dictionary ofcriminology, London, Sage, 2001, p. 249. 75 M.J. MILLER et R. A. WRIGHT, (dirs)., Encyclopaedia of criminology, vol 3, New York, Routledge, 2005, p. 1430. 76 Id., p. 14 32.

77 D. LEVINSON, (dir.), Encyclopaedia of crime, vol 4, SAGE, 2002, p. 1394. 42

Page 43: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Dans le contexte de la délinquance juvénile, ce système de régulation sociale

propose une vision où la personne est responsable de ses décisions et de ses actes.

Lorsque ces gestes sont réprimés par la société, ils méritent une punition adéquate et

proportionnelle à leur gravité. L'adolescent encourt une sanction qui le punira et qui sera

suffisamment dissuasive pour éviter toute récidive.

ii- Exemples législatifs de ce modèle théorique dans les législations canadiennes pour mineurs délinquants

La rétribution est l'une des assises pénales du Code criminel . « Even countries

such as Canada that employ mixed sentencing model subscribe to the principle of

proportionality that is at the heart of the retributive perspective. »79 Cette méthode est

largement utilisée dans le système pénal pour les adultes. Les fondements de ce modèle

de régulation sociale où la responsabilité du délinquant est centrale s'avèrent aussi

présents dans la législation canadienne pour mineurs délinquants.

Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, sans être le seul objectif, la

responsabilité de l'adolescent était considérée :

3 (1) a.l) les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes; toutefois, les jeunes doivent assumer la responsabilité de leurs délits 80

Dans la LSPJA, le législateur a fait plus de place à l'imputabilité de l'adolescent.

Elle est centrale dans divers objectifs de la loi. Dans la déclaration de principe de l'article

3 de la loi, il est mentionné que:

3(1 )b) le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et mettre l'accent sur

Code criminel, précité, note 1. D. LEVINSON, (dir.), op. cit., note 77. Loi sur les jeunes contrevenants, précitée note 5, art. 3(1) a.l).

43

Page 44: Les Mesures d'Integration Des Victimes

ii) une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité

De plus, dans le cadre de la détermination de la peine, l'article 38(2)c) prévoit que

la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'acte délictuel et au degré de

responsabilité de l'adolescent dans celui-ci. La responsabilité de l'adolescent prend place

dans tous les aspects de la loi. Dans le cadre d'une critique, Jean Trépannier affirmait :

La préoccupation de tenir l'adolescent responsable de ses actes y est affirmée de manière péremptoire. Elle fait même partie de ce que la loi présente comme l'objectif central de la détermination de la peine : la sanction doit viser à ce que l'adolescent réponde de l'infraction qu'il a commise81

Un exemple d'utilisation de la rétribution, que nous jugeons très pertinent, est

l'assujettissement des jeunes délinquants aux peines pour adultes, prévu à partir de

l'article 61. Ce mécanisme met l'accent sur la responsabilité de l'adolescent et sur les

conséquences que son geste entraîne. Son geste est assez moralement grave pour

entraîner une peine qu'aurait eue un adulte pour le même acte délictuel.

iii- Critiques de ce modèle

Évidement, ce modèle ne fait pas fi des critiques. L'accent mise sur le

comportement du jeune est à la base du principal reproche fait contre la rétribution. La

situation personnelle de l'adolescent, dans le cadre duquel s'inscrit son comportement

déviant, n'est pas prise en considération. De plus, le jeune est un adulte en devenir; il

acquiert avec les années une maturité plus complète.

Selon cette critique, il est néfaste de faire abstraction de la situation personnelle de

l'adolescent puisqu'il n'est pas encore entièrement responsable de ses actes. Les

conditions personnelles de l'adolescent permettent de comprendre pourquoi il a

transgressé une règle. Un traitement suivant ses besoins peut alors être prévu lui

81 J. TREPANIER, « L'avenir des pratiques dans un nouveau cadre légal visant les jeunes contrevenants », (2003-04)R.D.U.S47 par. 13.

44

Page 45: Les Mesures d'Integration Des Victimes

permettant de se réinsérer adéquatement dans la collectivité. De plus, l'accent mise sur la

punition ne permet pas d'éduquer le jeune à la vie en société. À ce sujet, Jean Zermatten

précise ceci :

S'agissant de la prévention générale et de la rétribution, elles renforcent l'arsenal répressif, faisant fi de tous les efforts de diversion effectués dans le monde entier et laissant au rencart les mesures éducatives et thérapeutiques, qui ont fait pourtant leurs preuves.82

iv- Rôle de la victime dans ce modèle

Dans le cadre de la rétribution, la victime n'a pas de véritable rôle. Selon les

préceptes de ce modèle de régulation sociale, la satisfaction générale est assurée par la

proportionnalité de la peine. La punition obtenue par l'auteur de l'infraction doit

contenter les personnes impliquées. Dans l'application d'un modèle de rétribution

étatique, comme au Canada, la place de la victime n'est pas centrale. « [...] the victim is

not a formai party to the criminal proceeding. [...] Because the criminal act is considered

to be a wrong done to the community, the Crown prosecutes the case on behalf of the

State»83.

Toutefois, même si son rôle n'est pas précisément défini, la victime peut avoir une

place dans le cadre d'un processus pénal basé sur la rétribution. Lorsque la victime agit

comme témoin, elle peut avoir une certaine influence sur la détermination de la peine. La

proportionnalité de la peine est tributaire des modalités de perpétration de l'infraction.

L'évaluation de Yactus reus et de la mens rea de l'infraction peut reposer sur les dires de

la victime. Le tribunal prendra en considération son témoignage pour déterminer la peine

appropriée. La victime peut alors être satisfaite du processus.

82 J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 14. 83 S. BACCHUS, «The rôle of the Victims in the Sentencing Process» dans J. V. ROBERT et D. P. COLE (dirs), Making Sensé of Sentencing, Toronto, University of Toronto press, 1999, p. 218.

45

Page 46: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Si nous appliquons ce cadre à notre analyse des systèmes pour mineurs, dans une

législation complètement basée sur la rétribution, au sens classique du terme, la place de

la victime serait plutôt périphérique. Certes, elle a une place dans le cadre du procès

pénal et un rôle à jouer dans le cadre de la détermination de la peine lorsqu'elle est un

témoin clé de l'affaire, mais son rôle s'avère plutôt passif lorsqu'elle n'est pas impliquée

dans les procédures. Évidemment, le modèle pénal canadien pour les adolescents n'est

pas exclusivement répressif. Au contraire, il fut longtemps basé presque exclusivement

sur un modèle de prise en considération des éléments externes de la situation du mineur

délinquant, soit le modèle dit de protection.

b- La protection

i- Fondements

L'adolescent est en relation avec son environnement. Selon ce second modèle,

contrairement au précédent, il n'est pas encore complètement responsable, il subit les

conséquences d'une situation qu'il ne contrôle pas, d'un milieu qui est favorable ou

défavorable à son développement. Nous présenterons d'abord les fondements de la

protection; ensuite, nous nous attarderons à son application.

Le modèle de protection est centré sur l'auteur de l'acte délictuel; l'infraction y

est secondaire. Puisque l'accent est mis sur l'adolescent contrevenant, son milieu et sa

condition personnelle ont nécessairement une plus grande place. Cette situation explique

les raisons ayant mené le jeune vers la délinquance. Comme le mentionne un auteur : « Il

part de la considération que le comportement délinquant est lié de manière évidente à une

situation sociale, économique ou familiale défavorable.»84 Conséquemment, la réponse à

la délinquance prendra en considération les caractéristiques extérieures du jeune.

J. ZERMATTEN, loc. cit., note73, p. 9. 46

Page 47: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Le modèle de protection désire venir en aide à l'adolescent en lui offrant, par

l'intermédiaire de divers types de mesures, des perspectives de traitement, d'éducation et

de réadaptation. L'objectif de ces mesures est de permettre au jeune un retour vers la vie

en société. « When a judge imposes a sentence for the purpose of rehabilitation, the aim

is to restore the offender to the community by changing him or her from an "offender"

into a law-abiding citizen. »85 Les soins procurés à l'adolescent l'aideront donc à revenir

dans le droit chemin et ainsi à éviter de nouveaux comportements criminels.

Les programmes de traitement sont diversifiés. Comme caractéristiques

principales et communes, ils doivent répondre aux besoins spécifiques de l'adolescent en

considérant ses caractéristiques personnelles. Dans une récente méta-analyse sur les

traitements orientés vers la diminution de la récidive, faite sous l'égide de la Direction de

la recherche du Ministère fédéral de la Justice86, les chercheurs donnaient diverses

suggestions pour parfaire les méthodes de traitement. Le lieu, l'encadrement, les

aptitudes recherchées, l'implication de la famille sont divers exemples des éléments

pouvant favoriser, dans le cadre d'une utilisation adéquate, la réussite d'un programme .

ii- Exemples législatifs de ce modèle dans les législations canadiennes pour les mineurs délinquants

Dès 1908, la Loi sur les jeunes délinquants 88 proposait un système de justice

pénale pour adolescents fondé sur le modèle de protection. Comme le mentionne Jean

Trépannier :

Alors que le droit criminel d'inspiration classique considérait les infracteurs responsables de leurs actes et les punissait pour les avoir commis, les promoteurs de la loi de 1908 voyaient dans les mineurs délinquants des victimes d'un milieu et de

85 J.V. ROBERT and D. P. COLE «Introduction» dans Making Sensé ofSentencing, (dirs.) J. V. ROBERT et D. P. COLE, Toronto, University of Toronto press, 1999, p . 9. 8 J. LATIMER, Le traitement des adolescents qui ont des démêlés avec la justice : nouvelle méta-analyse, avril 2003, Ministère de la justice du Canada, Recherche sur la justice pour les jeunes, [EN LIGNE] http://www.justice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/2003/rr03vi-3/vi-3.pdf. 87W., p. 19 : Voir les recommandations empiriques pour favoriser la réussite d'un programme de traitement 88 Loi sur les jeunes délinquants, précitée, note 6.

47

Page 48: Les Mesures d'Integration Des Victimes

circonstances qui les avait menés vers une délinquance dont ils ne devaient pas être tenus responsables. Dès lors, les interventions devaient viser non pas à les punir, mais à les protéger contre les circonstances adverses qui étaient à l'origine de leur comportement. L'infraction et la punition s'effaçaient derrière la personne du délinquant qu'il convenait de protéger.89

Le modèle de protection était aussi présent dans la Loi sur les jeunes

contrevenants. Cette loi tentait l'amalgame entre la prise en considération de la

responsabilité du jeune et un modèle de protection où les caractéristiques personnelles du

jeune avaient leur place dans le processus. Tel que précisé par Jean Trépannier :

Le mineur n'était plus vu comme le seul produit de circonstances sur lesquelles il n'avait aucun contrôle; sans nier l'existence de telles influences, on le présentait comme un acteur qui engageait sa responsabilité, sans toutefois que celle-ci n'équivaille à celle d'un adulte.90

La situation personnelle de l'adolescent devait être envisagée dans le choix de la peine

appropriée. Par exemple, il était mentionné dans la déclaration de principe que :

3(l)c.l) la protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servie par la réinsertion sociale du jeune contrevenant, chaque fois que cela est possible, et le meilleur moyen d'y parvenir est de tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer son

91 comportement;

La toute dernière législation concernant les jeunes délinquants ne renie pas le

modèle de protection. « Belief that adolescents are more likely to be rehabilitated than

adults remains a fondamental principle of Canada's youth justice system under the YCJA

[LSPJA]. »92 En ce sens, l'article 38(2)e)(ii), prévoyant les principes de détermination de

la peine, stipule que celle-ci doit offrir les meilleures chances de réadaptation et de

réinsertion sociale au jeune délinquant.

89 J. TRÉPANNIER, loc. cit., note 81, par. 5. 90 Id., par. 6. 91 Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 3(l)c.l). 92 N. BALA, op. cit., note 7 , p. 101.

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Page 49: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Toutefois, la place accordée à ce modèle est moins grande que dans la UC. La

responsabilité de l'adolescent semble l'emporter telle que nous l'avons observé

précédemment. D'ailleurs, à l'époque de l'adoption de la loi, diverses critiques ont été

formulées à ce sujet, particulièrement de la part d'acteurs québécois. Comme l'a fait

savoir, à l'époque des travaux de préparation de la loi, le Barreau du Québec dans son

mémoire : « la protection de la société passe par la réinsertion sociale de l'adolescent et

sa réhabilitation.»93

iii- Critiques de ce modèle

Ce modèle basé sur l'adolescent est, lui aussi, affublé de diverses critiques. Les

efforts déployés pour protéger le jeune de ce qui l'a mené vers la délinquance connaissent

quelques difficultés.

L'une des critiques principales concerne la difficulté de trouver le moyen adéquat

afin de réadapter ou de réinsérer correctement les adolescents. Il existe différentes

possibilités de programmes dénotant plus ou moins d'efficacité dans leurs résultats sur les

jeunes délinquants. Comme le précise Jean Zermatten :

La notion de soins et de traitement laisse planer beaucoup d'incertitudes sur le genre et la durée des mesures dites de protection; c'est là un écueil d'importance dans la perspective des objectifs mêmes de ces mesures prises pour des enfants qui ont justement besoin de certitude.94

Concernant la durée du processus, il existe entre le modèle de rétribution et le modèle de

protection une différence importante. Le modèle de rétribution s'appuie sur la

proportionnalité entre l'acte délictuel et la conséquence et, de ce fait, il existe une

certaine stabilité et cohérence entre les peines octroyées. À l'inverse, le modèle de

protection s'attarde aux besoins spécifiques de l'adolescent. Certains adolescents vivent

des situations familiales et sociales plus complexes que d'autres. Conséquemment, le

BARREAU DU QUÉBEC, op. cit., note 64, p. 62. J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 13.

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Page 50: Les Mesures d'Integration Des Victimes

traitement sera plus long. Il est donc possible qu'un jeune ait une peine beaucoup plus

longue qu'un autre pour un même acte.

D'autres, quant à eux, critiquent le manque de sévérité de ce modèle, car malgré la

présence d'éléments externes pouvant expliquer les gestes délictuels, l'adolescent a tout

de même un certain niveau de responsabilité qui doit être considéré. Tel que le mentionne

un auteur : « Conservatives also maintained that the rehabilitative model made excuses

for criminals and provided insufficient attention to the offender's responsibility or

crime.»95

iv- Rôle de la victime dans ce modèle

Malgré les énormes différences entre le modèle de rétribution et le modèle de

protection, nos constats sur le rôle de la victime sont semblables. Le modèle de protection

se base sur la situation du délinquant et les circonstances l'ayant mené à perpétrer une

infraction. Conséquemment, le rôle de la victime n'est pas au cœur des préoccupations. Il

ne serait pas pertinent d'intégrer les victimes dans le cadre d'un système de protection à

l'état brut puisque l'orientation principale est le traitement de l'auteur de l'infraction. Par

contre, il n'est pas impossible que les victimes participent à certains niveaux dans le

traitement, et ce, dépendamment du programme choisi dans la large gamme possible. Par

exemple, dans le cadre d'une mesure de réinsertion et de réadaptation, une jeune pourrait

devoir participer à un programme de sensibilisation aux victimes.96

La présence du modèle de protection a diminué au fil des nouvelles législations. Il

côtoie la rétribution (depuis l'avènement de la LJC) et, désormais, de nouveaux modèles

proposant de toutes nouvelles perspectives dans la réponse à la criminalité juvénile.

95 D. LEVINSON, op. cit., note 77, p. 1362, 96 À titre d'exemple, LSJPA-068, C. Q., Montréal, n° 525-03-032232-050 - 525-03-033599-051 525-03-033600-057, 19 janvier 2006, j . Carole Brousseau.

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Page 51: Les Mesures d'Integration Des Victimes

2- Les nouveaux modèles : justice réparatrice

Ayant été principalement développée dans les pays anglo-saxons, la justice

réparatrice est mieux connue sous le terme restorative justice. En français, certains

auteurs préfèrent aussi utiliser les termes justice restorative91 et droit réparateur**. Nous

avons choisi d'utiliser l'expression plus fréquemment rencontrée, soit justice réparatrice.

Notons que, dans le cadre des diverses possibilités de mesures alternatives de résolution

des conflits pénaux, la justice réparatrice côtoie d'autres modèles ayant des fondements

relativement similaires qui ont d'autres appellations telles que la médiation pénale qui est

présente dans le système pénal français.

i- Fondements

La justice réparatrice existe depuis très longtemps. Effectivement, cette façon

d'assurer la régularité sociale existait, sous d'autres formes, à des époques relativement

lointaines. Par exemple :

«L'objectif de la justice médiévale n'est pas de punir des coupables, mais de rétablir la paix entre les familles pour éviter le déchaînement de la vengeance privée, moyennant réparation du préjudice causé à la victime ou à sa famille. La victime se trouve ainsi au centre des préoccupations de la justice.»100

Comme l'expose l'historienne du droit pénal Maire-Sylvie Dupont-Bouchat, après la

période médiévale, des formes de justice réparatrice plus ou moins évoluées ont coexisté

97 WALGRAVE, L., «La justice restaurative : à la recherche d'une théorie et d'un programme» (1999) 32 Criminologie 8. 98 L. BERNARD, Médiation et négociation en relation d'aide et en contexte d'autorité, Québec, Les presses de l'Université Laval, 2002, p. 106. 9 Voir à ce sujet le débat sur les différences entre la justice réparatrice et la médiation pénale dans :

JACCOUD Mylène, (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003. 100 M.-S. DUPONT-BOUCHAT, «Le crime pardonné. La justice réparatrice sous l'Ancien Régime (XVIe -XVIIe siècles)» (1999) 32 Criminologie32,p. 33.

51

Page 52: Les Mesures d'Integration Des Victimes

avec le système pénal étatique. Ce dernier a, cependant, largement dominé. Par

ailleurs, tout récemment, un regain majeur d'intérêt pour ce modèle de justice pénale est

apparu. L'engouement nouveau pour la justice réparatrice répond à la conjoncture d'une

multitude d'événements débutant à la fin des années 60 comme :

« [...] des courants critiques des années 1960-1970 qui ont traversé les sciences sociales [...] Les croisades morales entreprises par les mouvements de défense et de promotion des droits des victimes [...] La réhabilitation des droits des peuples autochtones et de leurs pratiques ancestrales en matière de résolution de conflits [...] la crise de l'État-providence»102

Les caractéristiques de la justice réparatrice telle qu'elle est présentée aujourd'hui

correspondent donc à un développement de plus de 30 ans dont les débuts concordent

avec une réflexion sur les fonctions de l'État en matière pénale.

La justice réparatrice se différencie des deux modèles de régulations sociales

présentés précédemment par son analyse de l'acte délictuel. Il n'est ni central, ni

accessoire. À ce sujet, Mylène Jaccoud et Lode Walgrave précisent ceci :

Ce modèle part de l'idée que le système de protection n'est pas assez axé sur l'infraction et qu'il n'accorde pas assez de place à la notion de responsabilisation du mineur. Il s'appuie aussi sur l'idée que le système dit de justice se réclame trop de l'acte commis et de la sanction et qu'il va finalement à fin contraire car la peine ne «soigne» pas, mais plutôt détourne le mineur de la société, voire le révolte contre elle. Il s'agit donc de retrouver un mode d'intervention qui se recentre, au moins en partie, sur l'acte, en même temps qui cherche à responsabiliser l'auteur de cet acte, et si possible qui puisse le réconcilier avec la société.103

La justice réparatrice est généralement présentée comme un renouveau

dans les modes de résolution des conflits pénaux et, surtout, comme une méthode

alternative de résolution de ceux-ci. L'auteur Lode Walgrave s'est attardé longuement à

trouver l'exacte définition de la justice réparatrice. « Restorative justice is every action

that is primarily oriented towards doing justice by restoring the harm that has been caused

M. JACCOUD et L. WALGRAVE «Introduction » (1999) 32 Criminologie 5. J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 11.

Page 53: Les Mesures d'Integration Des Victimes

by a crime »104 Évidemment, il existe d'autres manières de définir cette théorie. Deux

éléments primordiaux sont, selon nous, à retenir: l'implication des divers acteurs et la

réparation.

D'abord, la justice réparatrice tente de réconcilier tous les acteurs impliqués dans

le système pénal. Celui-ci est, selon les postulats de ce modèle, empreint d'une logique

punitive et il résout les conflits en déterminant «un perdant et un gagnant»105. Une

confrontation est encouragée. La justice réparatrice envisage plutôt l'acte délictuel

comme le point de départ d'une relation entre divers acteurs. Les conséquences de la

commission d'une infraction se font ressentir sur son auteur, sur les victimes et sur la

communauté où celle-ci s'est produite. Tous doivent être satisfaits de l'issue du litige.

C'est pour cette raison que ce modèle de justice encourage la participation des acteurs

afin qu'ils prennent part aux processus et, surtout, aux décisions.

Le processus est centré sur une réparation et une résolution du conflit. Le premier

niveau que doit atteindre la réparation est celui du tissu social par la recherche des

éléments suivants: «une restauration des liens sociaux entre victime et contrevenant, entre

victime et communauté, entre contrevenant et communauté».106 Le second niveau que

doit atteindre la réparation concerne la conséquence de l'acte délictuel. Pour y arriver, le

préjudice causé par le crime est au cœur des préoccupations. Comme le mentionne un

auteur :

[...] on doit considérer le problème posé par un délit sous l'angle du préjudice qu'il a causé et non pas sous l'angle de la transgression d'une norme juridique (selon la

,U4 L. WALGRAVE, op. cit., note 97, p. 9. 105 BONAFÉ-SCHMITT, J.-P., « Justice réparatrice et médiation pénale : vers de nouveaux modèles de régulation sociale? » dans JACCOUD M., (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003, p.55.

106 ARCHIBALD, B. P., « La justice restaurative: conditions et fondements d'une transformation démocratique en droit pénal» dans JACCOUD M., (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003 p. 120

53

Page 54: Les Mesures d'Integration Des Victimes

justice punitive) ni sous celui des besoins du délinquant (selon la justice 107 réhabilitative).

Ainsi, une réparation satisfaisante pourra être exécutée pour chacun des acteurs

impliqués. La réparation peut prendre plusieurs formes directes ou indirectes : une

compensation, une restauration, une réparation, une réconciliation, des excuses, etc.

Plusieurs applications sont possibles : «La médiation (et notamment les programmes de

réconciliation entre contrevenants et victimes), les conférences familiales, les cercles de

guérison forment les processus les plus souvent associés à cette forme de justice.»109

La justice réparatrice peut s'appliquer dans plusieurs situations. Comme le mentionne un

auteur :

Elle peut servir, en premier lieu, à prévenir le crime dans plusieurs contextes, par exemple, lorsqu'on recourt à la médiation pour résoudre les conflits avant qu'ils ne dégénèrent en comportement criminel. La justice réparatrice a été utilisée au Canada à toutes les étapes du processus de justice pénale, de la déjùdiciarisation policière à l'étape postsentencielle110.

Malgré sa polyvalence, nous remarquons que la justice réparatrice est utilisée lorsque la

culpabilité est établie (reconnue par l'auteur de l'infraction ou autrement établie). Au

Canada, chez l'adolescent comme chez l'adulte, cette exigence est obligatoire111.

Les tenants de ce modèle sont très nombreux. Les expériences liées à celui-ci sont

de plus en plus fréquentes :

Plus de 150 programmes de réconciliation entre victimes et contrevenants sont actuellement en vigueur au Canada et aux États-Unis. Les pays européens ont emboîté le pas des premières expériences nord-américaines qui se sont développées

07 L. WALGRAVE, loc. cit., note 97, p. 10. M, p. 11. 108

109 M. JACCOUD et L. WALGRAVE, loc. cit., note 102, p. 4. 110 Robert B. CORMIER, La justice réparatrice : orientations et principes - évolution au canada, 2002-02, rapport pour spécialistes, Ministère du Sollicitateur général du Canada, p. 2. 111 Code criminel, précité, note 1 Erreur ! Signet non défini., art. 717.1 e); Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 10(3).

54

Page 55: Les Mesures d'Integration Des Victimes

au début des années 1970 et offrent maintenant de nombreux programmes de médiation. 112

Selon nous, l'une des expériences les plus complètes se déroule en Nouvelle-Zélande. En

1989, le pays a instauré un important système de conférences familiales dans le cadre du

système de justice pénale pour adolescents où de très nombreux acteurs sont impliqués

(délinquant, victime, leurs familles élargies, la communauté). Ces conférences, lorsque

l'adolescent reconnaît la commission de l'infraction ou lorsqu'il en a été reconnu

coupable, portent:

[...] essentiellement sur l'acte lui-même et sur les circonstances qui l'ont entouré. Les participants à la conférence élaborent un plan pour le jeune et font des recommandations en vue de le tenir responsable de son délit.113

Dans cette perspective, voyons brièvement comment ce modèle s'applique dans les

législations canadiennes.

ii- Exemples législatifs de ce modèle dans les législations canadiennes pour mineurs délinquants

Nous ne procéderons pas à un examen exhaustif de toutes les dispositions pouvant

être associées à la justice réparatrice. Cependant, nous croyons essentiel de mentionner

dès maintenant la présence de certaines dispositions liées au rôle de la victime.

Sur le plan plus général, les dispositions prévoyant les principes de la loi incluent

des aspects provenant de la justice réparatrice:

Section 3(l)c)(ii) reflects a "restorative justice philosophy"; whenever possible, a sanction imposed on an offender should attempt to restore harmonious relationships between the offender and those who hâve been harmed by the offence, namely the victim and the community.114

112 M. JACCOUD et L. WALGRAVE, loc. cit., note 102, p. 4. 113 A. MORRIS et G. MAXWELLE « Perspectives néo-zélandaises sur la justice des mineurs au Canada » (1999) 32 Criminologie 45. 114 N. BALA, op. cit., note 7 p. 99.

55

Page 56: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Dans l'ensemble de la loi, diverses mesures peuvent aussi être associées aux

préceptes de la justice réparatrice. D'une part, les objectifs des mesures extrajudiciaires

établissent des principes liés à ce mode de régulation sociale tels que la responsabilisation

du jeune, la participation collective et la réparation pour la victime.

5. Le recours à des mesures extrajudiciaires vise les objectifs suivants :

a) sanctionner rapidement et efficacement le comportement délictueux de l'adolescent sans avoir recours aux tribunaux;

b) l'inciter à reconnaître et à réparer les dommages causés à la victime et à la collectivité;

c) favoriser la participation des familles, y compris les familles étendues dans les cas indiqués, et de la collectivité en général à leur détermination et mise en œuvre;

d) donner la possibilité à la victime de participer au traitement du cas de l'adolescent et d'obtenir réparation;

e) respecter les droits et libertés de l'adolescent et tenir compte de la gravité de l'infraction.

D'ailleurs, il est possible d'intégrer de manière active les victimes dans le cadre d'un

groupe consultatif dont certaines caractéristiques ont des similitudes avec les conférences

familiales néo-zélandaises. D'autre part, pour la détermination de la peine, lorsque des

mesures judiciaires sont entreprises, il est possible d'imposer, en vertu de l'article 42(2)h)

des mesures, en nature ou en service, pour réparer le tort causé par la perpétration de

l'infraction.

iii- Critiques de ce modèle

Malgré la nouveauté et la popularité de la justice réparatrice, ce modèle de justice

connaît certaines critiques. Notre intérêt portera sur les reproches majeurs faits à ce

modèle. De nombreuses critiques existent quant à des aspects pointus de l'application de

la justice réparatrice auxquelles nous ne nous intéresserons pas.

56

Page 57: Les Mesures d'Integration Des Victimes

En premier lieu, la justice réparatrice entraîne une participation active de la

victime. Cette dernière n'est pas toujours prête à participer à ce processus, préférant

parfois laisser la justice suivre son cours. « La justice réparatrice contient en elle-même

des limites objectives : la confrontation entre l'auteur et la victime est soumise à l'accord

nécessaire de cette dernière de rencontrer le mineur. » En ce sens, dans le cadre d'une

étude concernant la participation des victimes dans un processus de médiation auprès

d'un organisme montréalais, les données révèlent que toutes les victimes ne sont pas

intéressées, pour diverses raisons telles que le manque d'intérêt ou de temps : «Of the 59

victims in the sample, 13 had refused to participate in médiation.»116 Selon cette étude, la

crainte de rencontrer le délinquant n'apparaît pas comme étant une raison majeure de

refus.117 Par exemple, certaines victimes connaissaient le délinquant et ne voulaient pas

être en contact avec lui; d'autres ne voulaient pas participer par manque de temps,

manque d'intérêt ou en raison de maladie; quelques-unes se sont fait conseiller de ne pas

participer (par les parents ou par un thérapeute).

En second lieu, la relative nouveauté de ce modèle de régulation sociale explique

une autre des critiques soulevées. Les études prouvant les bienfaits de la justice

réparatrice sont parfois encore à l'état embryonnaire. Comme le précise Jean Zermatten :

« Les expériences à ce sujet sont récentes (une dizaine d'années) mais semblent

prometteuses. »118 Par ailleurs, cette lacune est en voie de changer considérablement.

Dans certains pays comme la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, après la mise en œuvre

de programmes de justice réparatrice, de très nombreuses études ont été faites afin de

déterminer l'efficacité de ce processus de justice119. En Nouvelle-Zélande, où le système

est établi depuis de nombreuses années, une étude faite auprès de 157 jeunes délinquants

115 J. ZERMATTEN, lot. cit., note 73, p. 14. 116 WEMMERS, J-A. et K. CYR «Can Médiation Be Therapeutic for Crime Victims? An Evaluation of Victims' Expériences in Médiation with Young Offenders1 » (2005) Revue canadienne de criminologie et de justice pénale 527'. 1,7 Id. 118 J. ZERMATTEN, loc. cit, note 73, page 13. " 9 À titre d'exemple, voici deux articles qui discutent des résultats obtenus dans le cadre de l'application de programme de justice réparatrice aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. G. BAZEMORE, L. LEIP et J. NUNMAKER, «La participation des victimes dans le processus décisionnel de la justice des mineurs» (1999) 32 Criminologie 134 ; A. MORRIS, G. MAXWELL, loc. cit., note 113.

57

Page 58: Les Mesures d'Integration Des Victimes

100

et 176 parents démontrent un taux de satisfaction élevé à 84% . En ce qui concerne la

victime, les auteurs Mark S. Umbreit, Robert B Coates et Betty Vos ont fait le bilan de 27

études empiriques provenant des États-Unis, du Canada de l'Angleterre et de l'Ecosse sur

l'impact des programmes de médiation délinquant/victime incluant 14 études sur des

programmes s'adressant aux délinquants mineurs. Le résultat sur la satisfaction des

victimes est éloquent. Us concluent ainsi :

In the context of criminal justice programming, victim's response to their expérience with victim offender médiation is quite remarkable. Across multiple sites and cultures, among many différent kinds of victims, on the whole, victims who choose to participate in VOM walk away quite satisfied with the process and the resuit of their encounter with the criminal justice System. Certainly, there are those who were not pleased with their expériences, but research demonstrates that thèse represent a distinct minority121.

En troisième lieu, Lode Walgrave, l'un des grands promoteurs de la justice

réparatrice, indique l'une des difficultés intrinsèques à l'application de ce modèle

théorique : «Restorative practices are often isolated from their theoretical foundations and

simply inserted into a rehabilitative juvénile system.»122 Il est fort simple de trouver des

exemples où ce type de justice est simplement intégré aux législations. La LSPJA

contient des mesures de justice réparatrice à travers les mesures de rétribution et de

protection. Certains préféreraient une abolition des systèmes actuels pour implanter la

justice réparatrice sans interférence avec les autres modèles. Pour notre part, nous

adhérons plutôt à l'idée de l'auteur Jean Zermatten. Ce dernier propose que la justice

réparatrice ne soit pas un modèle en soi. Il s'agit plutôt d'une méthode d'application de la

justice pour mineur :

L'intéressant est alors de souligner que la justice réparatrice alliée au modèle de protection aide celui-ci à faire un pas vers le modèle de justice [rétribution], en faisant appel aux notions de responsabilisation et de proportionnalité, alors que le modèle de justice, en quittant la logique purement répressive pour s'ouvrir aux

120 K. DALY, « Conferencing in Australia and New-Zealand: variations, research findings and prospects» dans A. MORRIS et G. MAXWELLE (dirs.), Restorative justice for juvéniles: conferencing, médiation and circles, Portland, Hart publishing, 2002, p. 71. 121 M. S. UMBREIT, R. B COATES et B. VOS « Victim impact meeting with young offenders two décades of victim offender médiation practice and research." dans A. MORRIS et G. MAXWELLE (dirs.), Restorative justice for juvéniles: conferencing, médiation and circles, Portland, Hart publishing, 2002. P. 138. 122L. WALGRAVE, loc. cit. note 40, p. 573.

58

Page 59: Les Mesures d'Integration Des Victimes

concepts de réparation de d'intérêt communautaire, se rapproche un peu du modèle de protection123.

La justice réparatrice devient alors un processus qui équilibre les droits et intérêts de

chacun et qui cohabite naturellement avec les deux autres modèles théoriques présentés

précédemment.

fv- Rôle de la victime dans ce modèle

Contrairement aux deux modèles précédents, le rôle de la victime est central dans

l'idéologie de la justice réparatrice. La justice réparatrice considère que l'acte délictuel a

des conséquences à plusieurs niveaux. La victime, ayant subi un préjudice, a le droit

d'être impliquée dans le processus. «Quand les préjudices de la victime sont connus, on

peut travailler à leur restauration. Au lieu de déployer des efforts pour tenter d'arrêter et

de punir le délinquant, l'État devrait d'abord se concentrer sur la souffrance et les

dommages subis par la victime.»124 Peut-être faut-il d'abord éclaircir la notion de

victime. Qui est vraiment la victime de l'acte délictuel? Selon les divers auteurs, le

concept de victime est plus ou moins élargi. L'on reconnaît facilement les victimes

directes (personne, corporation ou autre) et les victimes indirectes. Cependant, les

difficultés résident dans l'élargissement du concept. Comme le mentionne Jean

Zermatten :

Les «restaurativistes» sont en désaccord quant à savoir si l'on doit considérer la société comme une victime elle aussi. Certains craignent que ceci nous ramène à la situation actuelle, dans laquelle l'État s'est imposé comme la victime principale, tout en plaçant la victime concrète dans une position subordonnée.125

Nous croyons que, dans le système de justice actuel, la notion de victime doit être étroite

pour assurer le bon fonctionnement de la justice réparatrice. Particulièrement en

délinquance juvénile, il faut éviter la stigmatisation du jeune par la société. Le processus

doit s'opérer entre les personnes impliquées.

ni J. ZERMATTEN, loc. cit., note 73, p. 16. 124L. WALGRAVE, loc. cit., note 97 , p. 10-11. 125 L. WALGRAVE, « La justice restaurative et la perspective des victimes concrète» dans JACCOUD Mylène, (dir.), Justice réparatrice et médiation pénale : Convergences ou divergences, Paris, L'Harmattan, 2003,p.l65.

59

Page 60: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Une fois la victime identifiée, celle-ci peut participer au processus et ultimement

obtenir réparation. Les procédés législatifs utilisés sont très diversifiés. Il peut, par

exemple, y avoir une médiation individuelle, une conciliation de groupe ou comme en

Nouvelle-Zélande une conférence familiale où la victime participe au choix de la

réparation.

La satisfaction des victimes dans le cadre d'une participation à un processus de

justice réparatrice est soulevée comme argument en faveur de ce modèle de régulation

social. Les défenseurs de ce modèle y voient un rétablissement de l'équilibre des droits

du délinquant et des droits des victimes.

Ail comparison of victims' expériences find that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative process.126

La justice réparatrice encourage une participation active de la victime dans le

processus judiciaire. Cette approche détonne par rapport à celles suggérées dans les

autres modèles présentés précédemment. Nous croyons que certaines dispositions de la

LSPJA qui intègrent la victime s'inscrivent directement dans ce courant de justice. Selon

les préceptes de celle-ci, la victime a un rôle bien précis et elle doit inévitablement

participer au processus afin que les conséquences du crime soient résolues dans leur

intégrité.

L. WALGRAVE, loc. cit., notel25, page 563. 60

Page 61: Les Mesures d'Integration Des Victimes

3- Le modèle autochtone

/- Fondements de ce modèle

Sans être un modèle théorique en soi, le modèle autochtone présente des

caractéristiques très pertinentes dans le cadre de notre étude. Très près de la justice

réparatrice, ce mode de régulation propre aux populations autochtones canadiennes est

basé sur une vision communautaire de la justice pénale. Dans le cadre de ce mémoire,

nous ne ferons qu'une présentation sommaire de ce modèle. Notre tour d'horizon ne

permettra pas d'apprécier toutes les nuances existantes. Les communautés autochtones

étant différentes les unes des autres et l'application de ce mode n'étant pas uniforme au

Canada, nous tâcherons de présenter lès grandes lignes du modèle tout en conservant

comme point d'ancrage notre principal intérêt : le rôle de la victime.

Connu sous plusieurs appellations telles que cercle de conciliation, cercle de

détermination de la peine ou cercle de guérison, ce mode de régulation sociale s'est

développé dans les années 1980. Il témoigne d'une vision autochtone de la justice pénale

différente des modèles généralement proposés. La création de ces divers cercles répond à

un besoin d'autonomie des peuples autochtones. «La prolifération de ces initiatives,

soutenues et encouragées par les pouvoirs publics, s'explique ou est du moins justifiée 197

par les séquelles laissées par plusieurs siècles de colonisation.» Les groupes autochtones ont donc participé à la création d'un mode de justice qui se veut être en

symbiose avec les traditions autochtones et qui tend à se détacher du système pénal

canadien pour devenir indépendant.

Les principales caractéristiques de ce mode de régulation sociale réunissent un

ensemble de principes et de croyances communes provenant de plusieurs groupes

autochtones. Ces peuples avaient développé des modes de justice différents les uns des

127 M. JACCOUD, « Les cercles de guérison et les cercles de sentence autochtones au Canada» (1999) 32 Criminologie 80, p. 82.

61

Page 62: Les Mesures d'Integration Des Victimes

autres. Le modèle rassemble les caractéristiques des modes de justice qui étaient

communes aux nations autochtones :

La flexibilité des processus mis en œuvre, le désir ultime de rétablir l'harmonie sociale au sein du groupe en cas de transgressions et l'implication constante des membres influents de la communauté (par exemple les Aînés) dans la recherche de solutions aux problèmes ou perturbations vécus forment les traits communs d'une justice axée sur des principes de conciliation et de réparation, contrairement à l'approche utilisée dans les systèmes juridiques occidentaux qui, eux, privilégient

• • • 128 une justice punitive.

Tout comme dans le cadre de la justice réparatrice, l'acte délictuel est perçu comme

un événement ayant des conséquences sur l'ensemble d'un groupe. Il est nécessaire de

trouver une solution entraînant la réparation du tissu social de la communauté, aux

membres parfois peu nombreux, et où les personnes affectées vivent en interrelation

quotidienne. De plus, les cercles ont une dimension spirituelle importante : « Lorsque les

participants embrassent ces concepts de la conciliation autochtone, le cercle donne

naissance à une spiritualité collective qui aide grandement à trouver des terrains d'entente

et à bâtir le consensus. »129 Correspondant à des croyances traditionnelles, cette

spiritualité est aussi ressentie au plan individuel par les participants.

ii- Exemples de l'utilisation de ce modèle au Canada

Au Canada, il existe diverses applications de ce modèle de justice. Afin d'en

dégager les grands principes, nous nous intéresserons au déroulement général des cercles.

Le juge retraité du Yukon, Barry Stuart, utilise le terme cercle de conciliation

communautaire. Ce terme générique regroupe différents types de cercles qu'il décrit

ainsi :

Les différences se manifestent dans le degré de participation des partenaires du système judiciaire officiel, dans le mode de fonctionnement et dans le rôle des intervenants clés. Certains cercles ne comptent que des participants autochtones, d'autres ne comptent que des participants non autochtones et, au Yukon, la plupart

128 M. JACCOUD, loc. cit., note 1277, p. 81. 129 B. STUART « Stratégie relative à l'application de la justice aux autochtones; Créer des partenariats de justice communautaire : le cercle de conciliation communautaire » Ministère de la justice du canada, p. 10, [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/ais/pubs/stuart/bsr.pdf, page consultée le 5 mars.

62

Page 63: Les Mesures d'Integration Des Victimes

des cercles communautaires sont composés d'une combinaison d'Autochtones et de non-Autochtones. '30

Le processus général de ces cercles comprend de nombreuses étapes telles l'admission au

cercle des membres ayant droit d'y participer, la préparation des membres et du cercle,

l'audience et le suivi. Dans les cercles de conciliation communautaire, l'on retrouve, n i

d'une part, les cercles de détermination de la peine . Dans ces derniers, la communauté

est impliquée dans le choix de la condamnation adéquate pour l'auteur de l'acte délictuel.

Ce processus reste lié avec le processus judiciaire canadien puisque les représentants

habituels s'y trouvent (juêe> procureur, agent de probation, etc.) Comme le dénote

Mylène Jaccoud :

Un cercle de sentence[détermination de la peine] consiste à faire participer la communauté au processus d'imposition des sanctions. Concrètement, les participants (des membres de la communauté) sont assis en cercle avec le juge, l'accusé et la victime pour exprimer et partager leurs points de vue sur le conflit afin d'arriver à une décision (recommandation) qui puisse guider le juge dans le prononcé de la sentence.132

D'autre part, il existe aussi les cercles de guérison qui sont plus globaux et

permettent une solution plus complète et adaptée. L'acte délictuel est perçu comme une

problématique pouvant être régularisée par l'intermédiaire d'un rétablissement, d'une

guérison, de toutes les personnes impliquées. « Le processus de guérison est holistique,

c'est-à-dire qu'il englobe les aspects physique, affectif, psychologique et spirituel de la 133

vie. »

Évidemment, il existe de nombreuses différences et de nombreuses applications de

ce mode de justice communautaire. Un nombre important d'initiatives de cercle de

130 B. STUART, op. cit, notel29, p. 15. 131 Les termes anglais sentencing circle sont souvent utilisés. 132 M. JACCOUD, loc. cit., note 127, p. 90. 133 M, p. 87. 63

Page 64: Les Mesures d'Integration Des Victimes

conciliation communautaire sont présentes dans chacune des provinces134. Il s'avère donc

incontournable de voir comment la victime s'y intègre de manière générale.

134 Pour une liste des programmes existant dans chacune des provinces : http://www.iustice.gc.ca/rr/ps/ais/programs.html. page consultée le 2 mars 2007.

64

Page 65: Les Mesures d'Integration Des Victimes

iii- Rôle de la victime dans ce modèle

Puisqu'il s'agit d'une approche communautaire, où l'ensemble des personnes

ayant vécu les conséquences de l'acte délictuel sont impliquées, les victimes ont

certainement un rôle pertinent à jouer. La réparation du tissu social ne pourrait s'opérer

sans la présence de l'un des principaux acteurs du litige pénal. Dans le cadre de ces

cercles, la victime occupe une place centrale. Ses besoins sont traités de manière égale à

ceux du délinquant. À ce sujet, le juge Stuart précise : « La participation de la victime

contribue profondément et de maintes façons à la réalisation des objectifs du cercle. On

doit donc n'épargner aucun effort pour encourager la victime à participer et pour la

soutenir dans cette entreprise. »

Le juge Stuart mentionne un aspect fort important dans le déroulement de cette

justice communautaire. La victime doit être préparée et soutenue à toutes les étapes de la

réalisation du cercle. « Il faut donc que celle-ci ait accès à tous les services pertinents, y

compris les programmes de réconciliation entre le délinquant et elle-même et les services

expressément axés sur ses propres besoins, tant avant qu'après l'audience. »136 Cette aide

doit s'opérer dès le tout début. Avant la réalisation du cercle, un groupe de soutien de la

victime doit être constitué. De plus, la victime, si elle le désire, doit pouvoir rencontrer le

groupe de soutien du délinquant. Ensuite, tout au long du processus et à la fin de celui-ci,

des services d'aide, communautaires ou professionnels si nécessaire, doivent être

disponibles pour la victime137. Sans cette considération importante, les victimes

n'auraient peut-être pas le même intérêt à y participer. Afin de répondre aux objectifs de

ce type de justice collective, une intégration pertinente de la victime passe par la réponse

à ses besoins et à ses attentes.

135 B. STUART, op. cit, note 129, p. 56. 136 Id, p. 57. 137 Le juge Stuart parle d'un coordonateur de l'aide aux victimes qui a comme responsabilité de superviser l'ensemble des opérations en lien avec les victimes. Id., p. 57-58.

65

Page 66: Les Mesures d'Integration Des Victimes

iv- Critiques de ce modèle

Certaines études ont été réalisées afin de vérifier la satisfaction des autochtones

dans le cadre de l'application de ce processus de justice communautaire. La satisfaction

des participants semble mitigée. « Tout porte à croire que les opinions des personnes de

la communauté sont partagées puisque 44 % des personnes ayant participé au cercle

estiment avoir vécu une expérience positive et 33 % une expérience négative. » La

victime, bien qu'on lui accorde une place importante, ne considère pas toujours que cette

expérience ait été positive. En effet, seulement 28% des victimes se sont dites satisfaites

dans le cadre d'une étude faite sur un modèle pilote d'évaluation fait en 1993 . Ces

données sont cependant remises en questions par l'auteure Mylène Jaccoud. La

méthodologie ne permet pas de comparer le taux de satisfaction des victimes ayant

participé à ce processus et des victimes provenant du système de justice pénale

régulier140.

Dans un autre ordre d'idées, certains affirment que ces cercles ne correspondent

pas véritablement à leur modèle de justice traditionnelle. Il est difficile de transposer ce

modèle à l'ensemble des communautés puisque celles-ci sont très différentes et que les

croyances ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois. « L'une des critiques adressées à ces

initiatives est celle qui consiste à douter de la persistance des traditions et des valeurs

ancestrales en matière de résolution de conflits. »141 Ne répondant pas aux croyances de

base d'une communauté en matière de justice, il est évident que la réponse des membres

de celle-ci ne sera pas aussi favorable.

Le modèle de régulation sociale autochtone canadien est l'un des plus

intéressants. Se basant sur une approche communautaire et proposant un rôle majeur à la

victime, ce processus, associé généralement à un modèle de justice réparatrice, présente

138 M. JACCOUD, loc. cit., note 129, p. 99. 139 Id, p. 98. 140 Id, p. 99. mId, p. 99.

66

Page 67: Les Mesures d'Integration Des Victimes

des similitudes avec les propositions d'intégration des victimes de la LSJPA, par

l'intermédiaire du groupe consultatif, que nous aborderons plus loin.

* * *

Dans ce second chapitre, nous avons fait une analyse des principaux modèles de

justice. Le système de rétribution fondé sur l'infraction et la punition met une grande

emphase sur la responsabilité du mineur et le rôle de la victime y est très peu développé.

À l'inverse, le modèle de protection cherche à réadapter et à réinsérer le jeune dans la

société en optant pour des mesures éducatives adaptées à ses caractéristiques. Encore là,

la victime n'a pas vraiment de place définie. Dans une optique différente, la justice

réparatrice considère l'acte délictuel comme le point de départ d'une suite de

conséquences liant l'auteur de celui-ci, la victime et la communauté. La justice doit

permettre de réparer et de résoudre ces problèmes. L'implication de la victime y est

majeure. Finalement, le modèle autochtone présente des caractéristiques de justice

communautaire et la victime a, tout comme dans la justice réparatrice, un rôle important à

jouer. Nous observons l'importante mixité du système canadien de justice pénale pour

adolescents. Tous les modèles examinés sont présents dans la LSJPA. Les rôles que la

victime peut jouer y sont donc très nombreux, et ce, au sein d'une même législation.

En terminant cette première partie, nous concluons à la pertinence de l'intégration

de mesures participatives pour la victime en regard des objectifs socio-juridiques de la

LSJPA. Ces objectifs s'inscrivent dans une redéfinition du rôle des victimes dans le

système de justice pénale. Nous avons vu, dans le premier chapitre, la provenance de

l'intérêt pour cet acteur du processus judiciaire. L'apparition des mouvements en faveur

des victimes et de la victimologie ont favorisé la reconnaissance des caractéristiques des

victimes et surtout entraîné la prise en considération de ses intérêts. Les lois canadiennes

se sont ajustées, au fils des ans, en incluant diverses mesures pour permettre aux victimes

d'être satisfaites à l'issus du processus pénal qui peut parfois être une lourde épreuve.

67

Page 68: Les Mesures d'Integration Des Victimes

L'indemnisation des victimes d'actes criminels ou la déclaration de la victime dans le

cadre de la détermination de la peine en sont quelques exemples.

La LSJPA contient d'ailleurs des dispositions dans cette perspective. La nécessité

d'un système de justice pénale pour les adolescents qui respecte et prend en considération

les victimes est réitérée à plusieurs reprises : dans le Préambule, dans la Déclaration de

principes, dans les sanctions extrajudiciaires, dans le cadre de la détermination de la

peine.

De plus, ces objectifs se positionnent aussi dans les nouveaux modèles théoriques

de réponse à la délinquance juvénile que nous avons vus dans le cadre du second

chapitre. La place de la victime est différente dans chacun de ces modèles. La justice

réparatrice et la justice communautaire autochtone sont les deux modèles prévoyant le

rôle le plus participatif pour la victime. En plus d'aider la victime dans son parcours par

sa participation active, ces modèles s'intéressent aux résultats de l'interaction entre

l'adolescent et la victime. La justice réparatrice favorise la responsabilisation du jeune

délinquant par sa confrontation avec les conséquences de son acte délictuel. La LSJPA

contient aussi des objectifs dans cette perspective : la déclaration de principe mentionne

d'emblée la nécessité de mettre l'accent sur la responsabilité juste et proportionnelle de

l'adolescent.

Bien que la pertinence des mesures d'intégration des victimes dans le cadre d'une

loi régissant le système de justice pénale pour les adolescents soit établie, nous désirons

nous attarder plus précisément aux dispositions de la LSJPA. Nous analyserons donc les

particularités de la mise en œuvre des mesures juridiques d'intégration des victimes et la

conformité de celles-ci avec les objectifs de la LSJPA.

68

Page 69: Les Mesures d'Integration Des Victimes

TITRE 2

LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES JURIDIQUES: NORMES INCITATIVES ET APPLICATION MITIGÉE

L'intérêt de cette seconde partie réside autour de la mise en œuvre des mesures

d'intégration des victimes dans la LSJPA en regard des objectifs socio-juridiques de cette

dernière. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. D'abord, dans le cadre du

présent chapitre, nous verrons le fonctionnement des dispositions. Ensuite, dans le cadre

du chapitre suivant, nous analyserons l'application de ces articles dans le cadre juridique

québécois.

Chapitre 1

Le fonctionnement des mesures de participation et d'intégration de la victime

Nous avons précédemment fait état des nombreux objectifs de la LSJPA. Comme

nous l'avons mentionné au chapitre préliminaire, cette législation contient deux types

d'objectifs liés à notre étude sur le rôle des victimes. Premièrement, il est précisé que la

victime doit être traitée avec respect et que ses intérêts doivent être considérés.

Deuxièmement, la loi énonce que le jeune doit être responsabilisé relativement à son acte

délictuel. Cette responsabilisation peut s'opérer par l'intermédiaire d'une prise de

conscience des conséquences de son geste. La victime fait partie des éléments pouvant

permettre à l'adolescent de comprendre les répercussions de ses actes. De ces objectifs

découlent plusieurs articles qui seront au cœur de ce troisième chapitre.

Pour analyser la mise en œuvre des mesures pouvant impliquer les victimes, nous

ferons un examen exhaustif de leur fonctionnement au Québec et ailleurs au pays. De

plus, afin de déterminer si la loi amène des changements significatifs, nous verrons les

différences entre la LSJPA et les lois antérieures.

69

Page 70: Les Mesures d'Integration Des Victimes

1- Le fonctionnement des mesures

Nous avons choisi de traiter distinctement du processus judiciaire et du processus

extrajudiciaire. Malgré leurs ressemblances quant à certains aspects, les différences

l'emportent largement et surtout, l'objectif sous-jacent n'est pas le même. L'auteur Kent

Roach résume ainsi la philosophie de ces modes de justice relativement à la protection

des droits des victimes :

The dominant direction, particularly at the level of législative reform, has been towards a punitive model of victims' rights, with a focus on the criminal trial process and the imposition of punishment. The goal in this approach is to facilitate the application of criminal sanctions, and to do so in a manner that is less harmful to victims. [...]The alternative direction that has influenced local practice, and some forms of législative reform in Canada and abroad is towards a non-punitive model of victims' rights, with a focus on crime prévention and restorative justice. Often, the goal in this approach is to protect the interests of victims and potential crime victims by preventing crime and providing réparation and acknowledgement of the harm done to victims and the community142.

Dans cette perspective, nous pouvons facilement associer le rôle de la victime dans le

processus judiciaire aux modèles théoriques de protection et de rétribution, alors que le

rôle qu'elle joue dans le mode extrajudiciaire correspond plutôt aux nouveaux modèles de

justice. Cette dichotomie crée deux types d'intégration des victimes.

a- Fonctionnement des mesures extrajudiciaires

i- Fonctionnement général

Les mesures extrajudiciaires sont prévues par les articles 4 à 12 de la LSJPA, afin

de permettre aux adolescents ayant commis un crime de moindre gravité, et surtout aux

adolescents n'ayant pas un long parcours pénal, de faire face à une justice rapide aux

stigmates mineurs. Deux types de mesures impliquant les victimes sont prévues.

K. ROACH, loc.cit., note 49, par. 6.

70

Page 71: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Premièrement, l'agent de police dans le cadre de son intervention avec

l'adolescent, a le choix de prendre des mesures très simples et rapides. Il s'agit d'un

simple avertissement, d'une mise en garde ou d'une mesure de renvoi. Ces mesures

n'impliquent pas directement les victimes. Toutefois, dans le cadre des mesures de

renvoi, l'adolescent peut être référé à un organisme communautaire pour suivre un

programme de conscientisation relativement aux conséquences de son infraction. Les

programmes peuvent contenir des éléments en lien avec les impacts de l'acte délictuel sur

la victime. Il est du ressort des gouvernements provinciaux d'établir le fonctionnement

des renvois et des programmes qui y sont afférents.

Deuxièmement, la seconde catégorie comporte les sanctions extrajudiciaires.

Outres les critères d'admissibilité143, la loi donne très peu d'indications sur le type de

sanctions possibles. Encore là, il est de la responsabilité des provinces et des territoires de

décider du fonctionnement de ces sanctions. Par ailleurs, de manière générale, les parents

de l'adolescent doivent être informés des mesures ayant été prises à l'égard de leur jeune.

De plus, puisque le jeune ne transige pas par le système judiciaire, l'article 12 LSJPA

Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée note 4 : Article 10. (1) Le recours à une sanction extrajudiciaire n'est possible que dans les cas où la nature et le nombre des infractions antérieures commises par l'adolescent, la gravité de celle qui lui est reprochée ou toute autre circonstance aggravante ne permettent pas le recours à l'avertissement, à la mise en garde ou au renvoi visé aux articles 6, 7 ou 8. (2) En outre, il est assujetti aux conditions suivantes : a) la sanction est prévue dans le cadre d'un programme autorisé soit par le procureur général, soit par une personne désignée par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province ou faisant partie d'une catégorie de personnes désignée par lui; b) la personne qui envisage de recourir à cette sanction est convaincue qu'elle est appropriée, compte tenu des besoins de l'adolescent et de l'intérêt de la société; c) l'adolescent, informé de la sanction, a librement accepté d'en faire l'objet; d) l'adolescent, avant d'accepter de faire l'objet de la sanction, a été avisé de son droit aux services d'un avocat et s'est vu donner la possibilité d'en consulter un; e) l'adolescent se reconnaît responsable du fait constitutif de l'infraction qui lui est imputée;/) le procureur général estime qu'il y a des preuves suffisantes justifiant la poursuite de l'infraction; g) aucune règle de droit n'y fait par ailleurs obstacle. (3) Il n'est toutefois pas possible de recourir à une sanction extrajudiciaire lorsque l'adolescent a soit dénié toute participation à la perpétration de l'infraction, soit manifesté le désir d'être jugé par le tribunal pour adolescents. (4) Les aveux de culpabilité ou déclarations par lesquels l'adolescent reconnaît sa responsabilité pour un fait précis ne sont pas, lorsqu'il les a faits pour pouvoir bénéficier d'une mesure extrajudiciaire, admissibles en preuve contre un adolescent dans toutes poursuites civiles ou pénales.

71

Page 72: Les Mesures d'Integration Des Victimes

oblige aussi les personnes responsables des sanctions extrajudiciaires à informer les

victimes.

L'un des objectifs spécifiques de cette section de la loi est de favoriser la

reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité. Les victimes ne

désirent pas toutes participer au processus144 et il est nécessaire de respecter ce choix.

Comme le mentionne un auteur : « Victims should not be pressured into participating,

and the meetings must be conducted with sensitivity to ensure that neither the victim or

youth feels intimidated by the expérience. »' 5 Les mesures extrajudiciaires n'imposent

pas un mécanisme participatif pour les victimes146. D'autres mécanismes peuvent être mis

en place pour que le jeune délinquant comprenne les conséquences de son acte.

Les sanctions extrajudiciaires encouragent la réparation des dommages causés à la

victime. La réparation peut prendre plusieurs formes. Il peut s'agir d'une réparation en

nature (ex : repeindre un mur après un méfait) ou monétaire. Nicholas Bala soulève une

problématique très pertinente liée à la réparation des dommages :

Youths without financial resources should not be penalized because of their inability to make restitution, while youths from wealthy families should not be able to in effect "buy their way out" by making an inordinately large "payoff to a victim147.

Dans cette optique, la réparation financière doit être limitée et éviter toute discrimination.

Selon Y Entente-cadre intervenue entre Y Association des centres jeunesse du Québec et

les Organismes de justice alternative, sur laquelle nous reviendrons plus loin, la

Résultats d'une étude faite sur un groupe de 59 victimes contactées par un OJA: « Of the 59 victims who were interviewed, 13 had declined the invitation to participate in médiation, 39 had participated in direct médiation, and the remaining 7 had participated in indirect médiation. » J.A. WEMMERS et K. CYR «Can Médiation Be Therapeutic for Crime Victims? An Evaluation of Victims' Expériences in Médiation with Young Offenders' » (2005) Revue canadienne de criminologie et de justice pénale 527. 145 BALA, N. «Diversion, Conferencing, and Extrajudicial Measures for Adolescent Offenders» (2003) 40 Alta. L. Rev. par. 103 146 K. ROACH, loc. cit., note 49, par 31 : «However, it should be noted that thèse provisions do not give victims a clear right to participate in extrajudicial measures, but only the "opportunity for victims to participate in décisions related to the measures selected and to receive réparation" and the right under s. 12 of the YCJA to be informed on request and after the fact about the disposition of the offence. »

BALA,N. loc. cit., note 145, par. 118 72

Page 73: Les Mesures d'Integration Des Victimes

compensation financière ou le dédommagement financier doivent être proportionnels au

dommage causé et à la capacité de payer de l'adolescent148.

ii- Les groupes consultatifs et les Comités de justice pour la jeunesse

Les dispositions dont nous traiterons maintenant ne se retrouvent pas dans le

chapitre sur les sanctions extrajudiciaires, mais elles y sont fortement liées. Elles font

parties de la section sur l'organisation du système de justice pénale pour les adolescents.

La loi prévoit deux types de regroupements où la communauté peut prendre part au

processus pénal. D'une part, les Comités de justice pour la jeunesse sont formés de

citoyens. Ils ont comme mission de «prêter leur concours à l'exécution de la [...]loi

ainsi qu'à tout service ou programme pour adolescents »' . Ces Comités peuvent jouer

un rôle pour les victimes. L'article 18(2)i) leur permet de recommander des mesures

extrajudiciaires. De plus, conformément à l'article 18(2)ii), ils peuvent s'informer des

préoccupations des victimes et encourager la réconciliation de celle-ci avec le jeune

délinquant.

D'autre part, l'article 19 permet la création des groupes consultatifs. Ces derniers

ont, au plan extrajudiciaire, les mêmes pouvoirs que les Comités de justice pour la

jeunesse tel que le précise Nicholas Bala :

Youth justice committees and conférences are similar but distinct. Youth justice committees are established in spécifie communities and hâve a continuing existence and fixed membership. Committees may deal with individual cases or systemic issues, while conférences deal only with individual cases and hâve a membership determined to deal with spécifie cases. '

148 ASSOCIATION DE CENTRES JEUNESSE DU QUÉBEC, REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, « La concertation au profit des jeunes et des victimes, Entente-cadre sur le programme de mesures de rechange » Août 2001, p. 10 149 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, précitée, note 4, art. 21 150 N. BALA, op. cit., note 7, p. 298.

73

Page 74: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Les groupes consultatifs ont aussi certains pouvoirs en matière judiciaire. Les

membres de ces groupes peuvent faire des recommandations quant aux mesures de

remise en liberté provisoire par voie judiciaire ou sur la peine, et ce, conformément à

l'article 41 de la LSJPA . Il est à noter que la victime et sa famille peuvent être

membres des groupes consultatifs, tout comme des membres de la communauté et des

membres de la famille du délinquant.

Ces groupes s'inscrivent clairement dans le modèle de justice réparatrice. Leurs

interventions soutiennent un équilibre entre les délinquants, les victimes, la communauté

et les familles. Bien que ces deux types de regroupements puissent permettre les

interactions entre les jeunes délinquants et leurs victimes, leur existence est soumise au

bon vouloir des gouvernements provinciaux. Par exemple, il existait au Canada, selon un

sondage effectué en 2003, donc sous l'égide de l'article 69 de la LJC, 262 Comités de

justice pour la jeunesse . Toutefois, comme le mentionne un rapport de recherche, il y a

une grande différence entre les provinces :

Quelques administrations, dont Terre-Neuve et Alberta, comptent un grand nombre de CJJ désignés. Toutefois, le Yukon et le Québec ont formé des comités qui assument la même fonction sans être désignés officiellement. De plus, quelques administrations, dont la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, ont opté pour une approche hybride en désignant quelques comités et en laissant d'autres comités non désignés. Enfin, des administrations comme la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick et l'île-du-Prince-Édouard, n'ont aucun comité153.

iii- Fonctionnement particulier au Québec

L'expérience québécoise d'interactions entre les mineurs délinquants et les

victimes est relativement ancienne. Dès les années 1970, certains projets ont été établis

151 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 41 : « Le tribunal pour adolescents peut constituer ou faire constituer un groupe consultatif en vertu de l'article 19 et lui soumettre le cas d'un adolescent déclaré coupable d'une infraction pour qu'il lui présente des recommandations sur la peine spécifique à imposer. » 152 HANN ET ASSOCIATE, « Un sondage national sur les Comité de justice pour la jeunesse » (2003) Ministère de la justice du Canada, division de la statistique, [EN LIGNE] http://www.iustice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/2003/rr03vj-7/index.html. 153 ld.

Page 75: Les Mesures d'Integration Des Victimes

afin de permettre des rencontres entre ces deux acteurs154. De plus, de nombreuses

expériences liées à la justice réparatrice ont été entamées, particulièrement à partir de

l'adoption de la UC en 1984. Par exemple, dans le cadre des mesures de rechange sous la

LJC, des médiations ont eu lieu entre les jeunes délinquants et les victimes : «[o]n

remarque ainsi qu'il s'est tenu 744 mesures de médiation (ou de conciliation) en 1997-

1998 (soit 5 % du total des mesures [mesures de rechange]).»155 Les mesures

extrajudiciaires sous \aLSJPA s'inscrivent donc sur cette toile de fond, dans la continuité

de ce qui se faisait précédemment.

En ce qui concerne les avertissements, mises en garde et mesures de renvoi, le

policier doit user de son pouvoir discrétionnaire pour décider de leur application. Comme

le précise Sophie Deslile :

Au Québec, le Comité interministériel sur la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants a formé un sous-comité de travail présidé par le Ministère de la sécurité public du Québec, composé de divers intervenants qui se sont penchés sur l'exercice de la discrétion policière. Ce sous-comité a produit le document « Cadre et conditions d'application des mesures extrajudiciaires » qui s'applique sur tout le territoire du Québec. [...] Compte tenu de la nature administrative du cadre, son non-respect n'entraîne aucune conséquence juridique.'56

En bref, pour certaines infractions très mineures, le policier peut prendre une mesure.

Dans ce cas, une inscription au Centre des renseignements policiers du Québec (CRPQ)

n'est pas requise. Pour une infraction un peu plus grave, il fait un avertissement. Dans ce

cas, il y a un rapport d'événement, une inscription au CRPQ et il communique avec les

parents. Pour ce qui est des mesures de renvoi à un organisme ou un programme

communautaire, le policier doit « soumettre le cas pour fin d'évaluation de la preuve

154 S. CHARBONNEAU et D. BÉLIVEAU, « Un exemple de justice réparatrice au Québec : la médiation et les organismes de justice alternative» (1999) 32 Criminologie 61 : « Connue sous le nom de « Projet Intervention Jeunesse », cette expérience se déroule entre les mois de mars 1977 et d'octobre 1979 sur le territoire d'Outremont. Les intervenants du BCJ, en collaboration avec une équipe de policiers-jeunesse, élaborent alors un protocole visant à soustraire les jeunes du processus judiciaire en leur proposant des solutions de rechange (Charbonneau, 1998b). »

155 ld., p. 66 l56S. DESLISLE, «La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. L'application des mesures extrajudiciaires» dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la jeunesse, Cowansville, Éditions Yvon Biais, 2004, p. 9

75

Page 76: Les Mesures d'Integration Des Victimes

auprès du Substitut du Procureur général. » Ensuite, un rapport est rempli et le jeune

est dirigé vers un Organisme de justice alternative pour la participation à un programme.

Par exemple, l'organisme l'Autre avenue, situé dans la ville de Québec, administre un

programme sur le vol à l'étalage et ses conséquences.

Pour ce qui est des sanctions extrajudiciaires, tel que mentionné précédemment,

sous l'égide de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les provinces

sont responsables de leurs établissement. Au Québec, le tout s'opère par l'intermédiaire

du Ministère de la Justice , du Ministère de la santé et des services sociaux , de

Y Association des centres jeunesse du Québec et du Regroupement des organismes de

justice alternative161. Tout d'abord, dès 1986, un premier programme de mesures de

rechange était adopté . Ce programme fut remplacé en 1994 . Aujourd'hui, ce dernier

établit les modalités de fonctionnement des mesures extrajudiciaires.

Selon le Programme de mesures extrajudiciaires, il est d'abord de la

responsabilité du Substitut du Procureur général d'examiner les procédures et documents

se rapportant à l'infraction commise par un jeune délinquant (art.4). Par la suite, il doit

décider de la manière de traiter le dossier. Sophie Deslile résume ainsi la procédure :

Si la preuve est jugée suffisante, il peut, lorsqu'il s'agit d'une infraction ou d'une situation prévue au Chapitre IV du programme soit autoriser des poursuites ou saisir le directeur provincial. Il doit saisir le directeur provincial dans les cas où il ne s'agit pas d'une infraction ou d'une situation prévue au Chapitre IV. Également, il a discrétion de fermer le dossier164.

157

158

159

S. DESLISLE , loc. cit., note 156, p. 10. Voirhttp://vvww.iustice.gouv.qc.ca/francais/accueil.asp# Voir http://www.msss.gouv.qc.ca/

160 Voir http://www.acjq.qc.ca/ 161 Voir http://www.roiaq.qc.ca/ 162 Programme de mesure de rechange, 1986 [(1987) 119 G.O. II, 1563] conformément au décret 788.84 du 4 avril 1984 {Désignation du ministre aux fins d'autoriser un programme de mesures de rechange pour les jeunes contrevenants, (1984) 116 G.O. II, 1825). 163 Programme de mesure de rechange autorisé par le ministre de la Justice et le ministre de la Santé et des services sociaux du 7 janvier 1994 (non publié) - Programme de mesures extrajudiciaires 164 S. DESLISLE, loc. cit., note 1566, p. 14

76

Page 77: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Donc, le Procureur général peut saisir le Directeur provincial afin qu'il évalue la

possibilité du recours à une sanction extrajudiciaire (art. 8). Pour qu'il recommande ce

type de sanctions, les critères de la LSJPA prévus aux articles 10 à 12 doivent être

respectés.

L'article 13 prévoit la nature des sanctions extrajudiciaires : versement d'une

somme d'argent, exécution d'un travail bénévole au bénéfice de la victime ou de la

collectivité, participation à une activité améliorant les aptitudes sociales. Certaines

exigences doivent être respectées conformément à l'article 14 : aucun hébergement en

centre de réadaptation ne peut être prévu, les travaux bénévoles sont limités à 120 heures,

la durée des mesures ne doit pas excéder 6 mois, les ressources pécuniaires et le degré de

développement du jeune doivent être considérés, la mesure ne doit pas excéder la valeur

du tort causé et, dans la mesure du possible, le milieu de vie de l'adolescent doit être mis

à contribution.

Le Programme prévoit aussi toutes les modalités d'échange d'information entre le

Directeur de la protection de la jeunesse et le Substitut du Procureur général afin de

conserver tous les éléments relatifs au dossier. Pour permettre la réalisation des mesures,

une entente doit être consignée. Elle contient l'acceptation du jeune à participer aux

mesures et son engagement à les réaliser (art. 15 à 21).

Dans son application quotidienne, le Programme implique d'autres acteurs que le

Substitut du Procureur général et le Directeur de la protection de la jeunesse. L'article 3

permet la délégation des pouvoirs conférés par le Programme. En pratique, les Délégués

à la jeunesse sont donc responsables de l'évaluation, de l'entente et du suivi du jeune. De

plus, les Organismes de justice alternative sont grandement impliqués dans l'ensemble

du processus, principalement en ce qui concerne la relation avec la victime.

165 Au Québec, le Directeur provincial est le Directeur de la protection de la jeunesse conformément à la Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1.

77

Page 78: Les Mesures d'Integration Des Victimes

À ce sujet, une Entente-cadre^66 est intervenue entre VAssociation des centres

jeunesse du Québec et les Organismes de justice alternative afin de baliser et surtout de

mettre à jour leur participation respective dans le processus. La perspective de base de

cette Entente-cadre est l'équilibre entre les droits de la collectivité, des jeunes

délinquants et des victimes. Cela s'inscrit directement dans le modèle de justice

réparatrice :

Quand un jeune répare les torts qu'il a causés, il restaure les liens avec les victimes et sa communauté. Et quand les torts qu'il a causés impliquent une personne, l'objectif de réparation prend davantage de sens pour la collectivité, la victime et le jeune.167

D'ailleurs, conformément à cette Entente-cadre, les Délégués à la jeunesse doivent

s'assurer que la mesure est significative pour le jeune, pour la victime, pour la collectivité

et qu'elle assure un équilibre entre l'éducation du jeune et la justice pour la victime .

Quant à eux, les Organismes de justice alternative sont responsables, comme

l'exige l'article 12 de la LSJPA, d'informer la victime que des sanctions extrajudiciaires

sont prises à l'égard de l'adolescent. Dans le cadre d'une entrevue téléphonique, ils

doivent recueillir le point de vue de la victime. Ils doivent permettre à la victime

d'expliquer les conséquences qu'elle a vécues relativement à l'acte délictuel. Tout en

étant informées des modes de réparation envers la collectivité et envers elles-mêmes, les

victimes peuvent aussi suggérer une mesure qu'elles considèrent appropriée pour le

jeune délinquant. Aussi, les victimes sont informées quant à la possibilité d'une

médiation directe ou indirecte avec le jeune, afin de déterminer la sanction dans le cadre

d'une approche consensuelle.

166 ASSOCIATION DES CENTRE JEUNESSE DU QUÉBEC et REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, op. cit., note 148. 167 M, p. 4. 168 Id, pages 5-6.

78

Page 79: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Toutes les informations recueillies sur la victime et sur son point de vue sont

transmises au Délégué à la jeunesse pour l'éclairer dans son choix et pour permettre la

réalisation de l'entente sur les mesures extrajudiciaires avec le jeune. Évidemment, le

Délégué sera responsable de la décision finale et pourra utiliser ou non les suggestions

de la victime, particulièrement dans les cas où elles sont déraisonnables. Puisque la

possibilité d'une médiation est mentionnée à la victime, le Délégué à la jeunesse pourra

permettre la réalisation de celle-ci. L''Organisme de justice alternative sera responsable

de procéder à la médiation directe (jeune, victime et famille) ou indirecte (tous sont

rencontrés séparément). Une fois cette dernière réalisée, YOJA fera un rapport au

Délégué à la jeunesse. Celui-ci pourra entériner ou non la décision commune des deux

parties sur la mesure à réaliser par le jeune.

Enfin, Y Entente-cadre est venue réitérer la teneur de toutes les sanctions possibles

dans le cadre des mesures extrajudiciaires. La compensation financière, le travail pour la

victime, la restitution, les excuses verbales ou écrites, le dédommagement financier (à un

organisme à but non lucratif), les travaux communautaires, les activités de formation, les

activités d'intégration sociale et les activités de soutien en sont quelques exemples169

Ce processus québécois de sanctions extrajudiciaires fait plus que prendre les

besoins de la victime en considération : selon son intérêt, elle peut participer activement

au processus. Par l'intervention directe des intervenants des OJA, la victime est impliquée

et ses préoccupations sont transmises à la personne responsable des décisions dans le

dossier (le Délégué à la jeunesse). De plus, un grand accent est mis pour favoriser la

responsabilisation de l'adolescent face à son acte délictuel, par l'intermédiaire de

sanctions lui permettant de comprendre les conséquences de son geste, en réparant le tort

causé soit à la victime, soit à la collectivité. Dans cette perspective, les objectifs de la

LSJPA semblent être respectés. Par ailleurs, nous verrons dans le chapitre suivant dans

169 ASSOCIATION DES CENTRE JEUNESSE DU QUÉBEC et REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE JUSTICE ALTERNATIVE, op. cit., note 148, pages 10-11.

79

Page 80: Les Mesures d'Integration Des Victimes

quelle mesure ce processus est utilisé, entre autres avec les statistiques disponibles sur le

sujet.

b- Fonctionnement des mesures judiciaires

i- Fonctionnement général

En matière judiciaire, le processus d'intégration des victimes est tout autre. Il

ressemble beaucoup plus à ce qui se fait dans le système de justice pénale pour les

adultes. Par ailleurs, il contient certaines ouvertures permettant une participation active

des victimes. Notre examen se fera en deux temps : les droits de la victime lors du procès,

puis lors de la détermination de la peine.

En ce qui concerne les droits des victimes dans le cadre du procès, ils sont

sensiblement les mêmes que dans le système pour adulte. Par exemple, par

l'intermédiaire de l'article 50 de la LSJPA, l'article 722 du Code criminel s'applique au

processus pour les mineurs. Cette disposition prévoit le droit pour la victime de procéder

à une déclaration dont nous avons discuté précédemment.

Malgré l'accent mis sur la déclaration de la victime, ce document ne demeure néanmoins qu'un outil dans le processus de détermination de la peine. [...] Le juge ne sera pas limité à cette seule déclaration dans sa recherche d'information concernant la victime et pourra recourir à tout autre élément de preuve. 170

La victime peut aussi participer dans le cadre prédécisionnel . En vertu de l'article

40(2)a), le rapport doit contenir, dans la mesure du possible, une entrevue avec la

victime.

170 P. BÉLIVEAU et M. VAUCLAIR, Traité général de preuve et de procédure pénale, 13e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 856. 171 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 40.

80

Page 81: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Les principes de détermination de la peine, prévus à l'article 38, s'intéressent à la

victime particulièrement dans la perspective de susciter le sens des responsabilités chez

l'adolescent. L'article 38(2) e)iii) rappelle l'importance de : «susciter le sens et la

conscience des responsabilités notamment par la reconnaissance des dommages causés à

la victime et à la collectivité » De plus, conformément à l'article 38(3), lors de la

détermination de la peine, le juge doit prendre en considération les « dommages causés à

la victime et du fait qu'ils ont été causés intentionnellement ou étaient raisonnablement

prévisibles ».

Le libellé de l'article 38(3) fait une distinction entre un préjudice causé

intentionnellement ou non. À ce sujet, l'auteur Kent Roach émet le commentaire

suivant :

The sentencing principles of the YCJA direct the judge's attention to "the harm done to victims and whether it was intentional or reasonably foreseeable."— In contrast, its principles refer only to the repair of the harm suffered. From the victim's perspective, it makes little différence whether the harm suffered was intended or even reasonably foreseeable; the victim has suffered harm and will want sortie form of réparation.172

Pour notre part, nous croyons plutôt qu'il y a effectivement une différence pour la

victime si l'acte criminel a été perpétré intentionnellement. Le libellé de l'article 38

correspond à cette situation. En effet, le processus de résilience de la victime sera

différent si l'auteur de l'infraction voulait s'en prendre directement à elle et lui causer

directement des dommages, particulièrement en matière d'infraction contre la personne.

En matière de placement sous garde, les articles 38 et 39 sont fondamentaux.

D'abord, l'article 38 LSJPA prévoit les objectifs et principes généraux de détermination

de la peine. Donc, la prise en considération du dommage causé à la victime (article

38(3)) continue de s'appliquer. Toutefois, l'article 39, qui prévoit les modalités

spécifiques de cette peine, ne fait pas référence à la victime. Les facteurs à prendre en

considération pour procéder à cette ordonnance concernent plutôt le type d'infraction

172 K. ROACH, loc. cit., note 49, par. 21. 81

Page 82: Les Mesures d'Integration Des Victimes

commise par l'adolescent (alinéa 1) et l'absence de solutions de rechange (alinéas 2 et 3).

L'un des objectifs de la LSJPA est de diminuer le recours à l'incarcération. Cette peine

privative de liberté doit être utilisée seulement dans les situations de violence ou de lourd

passé criminel. L'ordonnance de placement s'associe avec le modèle de rétribution. Elle

est fondée sur la punition du jeune et la victime n'a pas à être impliquée, outre dans son

rôle, parfois déterminant, de témoin. Pour être justifiée, cette peine doit répondre aux

caractéristiques de l'adolescent et non aux besoins de réparation de la victime.

En plus des principes prenant la victime en considération, les choix de peine

peuvent inclure la victime. L'article 42(2)e) prévoit la possibilité pour le jeune de devoir

verser une somme à titre d'indemnité pour le dommage causé à un bien, pour une perte

de revenu ou encore pour une perte pécuniaire antérieure au procès en lien avec des

lésions corporelles. En vertu de l'article 42(2)f) le juge peut ordonner la restitution du

bien à la victime. L'alinéa suivant prévoit la possibilité d'indemniser financièrement la

personne dans le cas où la restitution est impossible.

Conformément à l'alinéa h) de l'article 42, l'indemnisation pécuniaire prévue aux

alinéas précédents peut aussi se faire en nature ou en service. À ce sujet, la même crainte

existe qu'en matière extrajudiciaire. Il faut éviter la discrimination des adolescents aux

moyens financiers plus critiques .

L'alinéa h) s'inscrit dans une perspective de réparation du dommage autrement que

monétaire. Le jeune doit faire un geste direct envers la victime. Ce geste peut lui faire

prendre conscience de sa responsabilité tout prenant en considération le besoin de

réparation de la victime. De plus, cette mesure a l'avantage de se faire sans

intermédiaire. Par exemple, dans le cas d'une indemnisation financière, les parents

Supra, p. 70 82

Page 83: Les Mesures d'Integration Des Victimes

pourraient décider de payer le montant pour le jeune alors que la réparation en nature ou

en service oblige le jeune à agir directement.

Dans la perspective d'une participation jeune/victime, l'article 41 prévoit la

possibilité pour le juge de consulter un groupe consultatif créé conformément à l'article

19 LSJPA. Lorsque l'adolescent a été déclaré coupable, le groupe consultatif peut

recommander au juge une peine spécifique à imposer. En plus des membres de la

communauté, ce groupe pourrait inclure la victime et des membres de sa famille. Aussi,

comme cela se fait dans certaines provinces, ces groupes peuvent procéder à une

approche consensuelle de type médiation avant de procéder aux recommandations.

L'ensemble des dispositions en matière judiciaire prévoit quelques possibilités

impliquant la victime dans les procédures. Par ailleurs, puisque certains aspects du

fonctionnement sont du ressort provincial, nous allons d'abord examiner les particularités

québécoises, puis nous prolongerons notre étude avec certaines autres provinces.

ii- Fonctionnement particulier au Québec

La victime n'a pas le même soutien en matière judiciaire qu'en matière

extrajudiciaire. Premièrement, nous avons vu que les CAVAC peuvent fournir aide et

assistance à la victime qui fait une déclaration dans le cadre du processus de

détermination de la peine. Dans le cadre du système de justice pénale pour adolescents, le

CAVAC n'accompagne pas systématiquement les victimes. Cela est différent d'un district

judiciaire à l'autre. Lorsque le CAVAC n'accompagne pas les victimes c'est le Substitut

du Procureur général qui s'occupe de faire parvenir le formulaire de déclaration de la

victime à celle-ci.

83

Page 84: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Deuxièmement, nous avons précédemment mentionné que, dans le cadre des

sanctions extrajudiciaires, ce sont les OJA qui ont la responsabilité d'informer la victime

tout au long du processus. Il est possible qu'un dossier qui ait d'abord donné lieu à des

sanctions extrajudiciaires fasse ensuite l'objet de mesures judiciaires pour diverses

raisons. Dans ces cas, même si une première démarche a été faite par les OJA avec les

victimes, le dossier sera transféré au Substitut du Procureur général qui s'occupera

désormais des relations avec la victime. La victime a alors les droits que nous avons vus

antérieurement .

Au moment d'écrire ces lignes, quelques projets pilotes sont en préparation. Ils

tenteront d'inclure des mesures de médiation dans le processus judiciaire175, et ce,

probablement à partir de janvier 2008. Le Comité mixte de Y Association des centres

jeunesse du Québec et du Regroupement des Organismes de justice alternative prépare

actuellement la mise en place d'un programme d'approche consensuelle semblable à

celui existant dans le cadre des sanctions extrajudiciaires. Pour l'instant, ce programme

est encore à l'étape de la préparation et il se déroulera dans quatre régions du Québec :

Laurentides, Montérégie, Mauricie/Centre-du-Québec et Saguenay/Lac-St-Jean.

2- Les programmes ailleurs au pays

Les autres provinces canadiennes ont mis en place des programmes où victimes et

jeunes délinquants peuvent interagir, et ce, dans le cadre des mesures et sanctions

extrajudiciaires ou par l'intermédiaire de programme de justice réparatrice. Ces

programmes peuvent s'avérer différents de ce qui est prévu au Québec. Nous avons

choisi de présenter quelques-uns de ces programmes dans une perspective de

comparaison.

Supra, Titre 1, chapitre 1 175 ROJAC, « Comité mixte ACJQ\ROJAQ», (février 2007) 3 Le délateur 2, [EN LIGNE] http://wvvfw.roiaq.qc.ca/docs/delateur/delateurfevrier2007.pdf, page consultée le 20 juin 2007.

84

Page 85: Les Mesures d'Integration Des Victimes

En ce qui concerne les mesures et sanctions extrajudiciaires, l'une des différences

importantes entre les provinces est la limitation à certaines catégories d'infractions. En

Alberta, les jeunes peuvent être référés au programme de sanctions extrajudiciaires par le

policier ou par le Procureur. Pour participer au programme, l'infraction commise ne doit

pas être une infraction avec violence, une entrée par effraction, un parjure ou une

infraction reliée à la conduite d'un véhicule. En matière de drogue, seule la possession

simple de marijuana peut permettre la participation au programme176. À l'inverse, nous

avons vu qu'au Québec la limitation est beaucoup moindre. Le chapitre 5 du Programme

de sanctions extrajudiciaires prévoit une multitude d'infractions : infractions contre

l'ordre public, infractions en matière d'arme à feu et d'armes offensives, infractions en

lien avec l'administration de la justice, infraction d'ordre sexuel, etc. Il est du ressort du

Substitut du Procureur général et du Directeur de la protection de la jeunesse de

déterminer si la sanction extrajudiciaire est appropriée.

L'une des caractéristiques communes à tous ces programmes de sanctions

extrajudiciaires est l'obligation pour le jeune de décider de sa participation, et ce,

conformément à l'article 10(2)c) LSJPA. Par exemple, en Saskatchewan, le programme

de sanction judiciaire est totalement volontaire et il est conseillé aux jeunes de consulter

un avocat avant de prendre la décision d'y participer ou non177. Il en est de même à Terre-

Neuve178.

Pour ce qui est du rôle des victimes dans les programmes de sanctions

extrajudiciaires, en vertu de l'article 12 LSJPA, la victime doit au minimum être informée

des procédures. Les personnes responsables de cette communication peuvent différer

d'une province à l'autre. En Alberta, les victimes sont rencontrées, lorsqu'elles acceptent

176SOLICITOR GENERAL AND PUBLIC SECURITY, Extrajudicial sanctions program, [EN LIGNE] http://www.solgen.gov.ab.ca/corrections/extraiudicial_sanctions.aspx?id;=2732 , page consultée le 1 août 2007. 177 SASKATCHEWAN CORRECTION AND PUBLIC SAFTY, Alternatives measures, [EN LIGNE] http://www.cps.gov.sk.ca/youth/pdfs/Alternative Measures.pdf. page consultée le 1er août 2007 178 Youngperson offences act, RSNL, 1990, C.Y-l.art.4 [EN LIGNE] http://www.hoa.gov.nl.ca/hoa/statutes/vO 1 .htm#4 page consultée 1 août.

85

Page 86: Les Mesures d'Integration Des Victimes

de collaborer aux sanctions extrajudiciaires, par un membre d'un Comité de justice pour

la jeunesse . Les membres de ces Comités proviennent de la communauté. Au Québec,

il s'agit plutôt d'un organisme communautaire, soit un Organisme de justice alternative.

Le fonctionnement des sanctions extrajudiciaires peut aussi être distinct,

particulièrement dans les rôles attribués à chacun. Par exemple, en Saskatchewan, en plus

des médiations victime\délinquant, il existe des Community justice forum qui interpellent

tous les acteurs impliqués. Le délinquant et sa famille de même que la victime et sa

famille sont réunis afin d'élaborer un plan pour l'adolescent qui convient à tous180.

Les programmes de justice réparatrice ne sont pas exclusifs aux programmes de

sanctions extrajudiciaires. Il existe certaines initiatives de justice réparatrice qui

s'appliquent à plusieurs étapes de la procédure et qui impliquent activement les victimes.

En Alberta, la ville de Calgary possède un programme où le jeune peut être référé à tout

moment vers une conférence familiale (groupe consultatif). Comme le mentionne

Nicholas Bala : « Established in 1999, the Calgary Community Conferencing program is

one of Canada's leading examples of post-adjudication Conferencing. It takes referrals

from the youth court, usually after a guilty plea, as well as directly from police or school

administrators. »181 Après cette conférence, une proposition de peine réparatrice sera

faite. Dans le cas où le dossier est judiciarisé, la sanction suggérée pourra être envisagée

par le juge.

Tout comme dans la ville de Calgary, les jeunes de la Nouvelle-Ecosse peuvent être

référé à un programme de justice réparatrice à tout moment du processus pénal : par le

policier avant les accusations, par le procureur après les accusations mais durant la

9 SOLICITOR GENERAL AND PUBLIC SECURITY, op. cit., note 176. 0 SASKATCHEWAN CORRECTION AND PUBLIC SAFTY, op. cit., note 177. ' N. BALA., loc. cit., notel49, par. 78.

86

Page 87: Les Mesures d'Integration Des Victimes

détermination de la culpabilité, par le juge après la détermination de la culpabilité mais

avant la détermination de la peine et par le personnel des services correctionnels182

En Colombie-Britannique, il existe plusieurs types de programmes liés à la justice

réparatrice : les Multi-disciplinary or integrated case management conférences, les

Family group restorative conférence, les Community accountability programs, les Youth

Justice Committees, les Victim/offender reconciliation programs et les Aboriginal

sentencing circles. L'une des caractéristiques intéressantes des Family group restorative

conférence est l'ouverture à plusieurs types de délits. Tel que le précise un groupe

d'auteurs :

Under BC government youth justice policies, family group conferencing is referred to as "restorative conferencing," in part to avoid confusion with the similarly named process being piloted in child welfare practice in BC. Contrary to popular perception, thèse conférences are not recommended for minor offences but for more serious and repeat offenders where there is an identifiable victim and the possibility of a residential order or custodial sentence. Restorative conferencing is geared to the sentencing stage, and is available in spécifie locations where resources permit the assignment of youth probation officers as conferencing specialists.183

Les jeunes ayant commis des crimes graves ou ayant un lourd passé criminel peuvent

donc aussi participer à des mesures réparatrices. Au Québec aussi, certains crimes de plus

grande gravité peuvent, théoriquement, être admis conformément au Programme de

sanctions extrajudiciaires.

Contrairement au programme de sanctions extrajudiciaires qui s'applique à

l'ensemble d'une province, l'évaluation des programmes de justice réparatrice peut

s'avérer difficile puisqu'elles relèvent parfois d'initiatives locales. Au Manitoba, ce sont

les collectivités qui gèrent les programmes de justice communautaire184. Les programmes

182 NOVA SCOTIA DEPARMENT OF JUSTICE Restorative justice: Nova scotia program [EN LIGNE] http://www.gov.ns.ca/iust/Divisions/CourtServ/ri/program.asp , page consultée le 1 août 2007. 183 HILLIAN D, REITSMA-STREET M., HACKLER, J., « Conferencing in the Youth Criminal Act of Canada : Policy Developments in British Columbia» (2004) 46 Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice 343 184JUSTICE MANITOBA, Justice communautaire, [EN LIGNE] http://www.gov.mb.ca/iustice/criminal/communityiustice.fr.html, page consultée le 3 août 2007.

87

Page 88: Les Mesures d'Integration Des Victimes

locaux peuvent être différents d'un endroit à l'autre dans leur fonctionnement et dans le

rôle prévu pour la victime. Au Québec, l'approche est plus globale. Le Programme de

sanctions extrajudiciaires et Y Entente-cadre entre le Regroupement des organismes de

justice alternative et Y Association des centres jeunesse du Québec encadrent pour

l'ensemble de la province la gestion des sanctions extrajudiciaires et des initiatives de

justice réparatrice qui, pour l'instant, ne s'appliquent pas dans le cadre judiciaire.

En bref, les initiatives sont de toutes sortes dans les 10 provinces et 3 territoires du

Canada. La LSJPA donne beaucoup de pouvoir aux provinces dans l'établissement des

mesures extrajudiciaires et des mesures judiciaires comme le précise Nicholas Bala :

A major limitation of thèse provisions of the YCJA is that they are essentially permissive; they create no new légal rights for youths and impose no new obligations on governments. It will be up to provincial and territorial governments to décide whether to allow police, prosecutors and local program operators to actually implement thèse provisions. 185

L'un des objectifs de la LSJPA est de diminuer les différences entre les sanctions,

particulièrement en matière de détermination de la peine186. Ces pouvoirs créent,

toutefois, des différences dans l'application de la loi d'une province à l'autre. Cela

permet aux provinces d'effectuer des choix correspondant à leur philosophie respective

en matière de délinquance juvénile.

3- Les similitudes et les différences avec les lois précédentes

La LSJPA propose certaines mesures favorisant la prise en considération des victimes

tout en mettant l'accent sur la responsabilisation du jeune par la confrontation de ce

dernier avec les conséquences de son acte délictuel. Il est intéressant de comparer cette

nouvelle législation avec celles qui ont précédé afin de mettre en lumière les initiatives

185 N. BALA, loc. cit, notel45, par. 7. 186 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4 : art. 38(2)b) la peine doit être semblable à celle qui serait imposée dans la région à d'autres adolescents se trouvant dans une situation semblable pour la même infraction commise dans des circonstances semblables.

88

Page 89: Les Mesures d'Integration Des Victimes

novatrices qu'elle comporte, tout en répertoriant les origines de ces nouvelles manières

de faire.

a- La Loi sur les jeunes délinquants

La Loi sur les jeunes délinquants ne contenait pas de mesures propres à l'intégration

des victimes. Par ailleurs, des initiatives de mesures extrajudiciaires, où les victimes

avaient la possibilité de participer, ont vu le jour plusieurs années avant l'adoption de la

Loi sur les jeunes contrevenants.

By the 1970s, the fïrst formai diversion programs were being established by various social agencies in Canada and other countries. Police or prosecutors were starting to send youths to thèse community-based programs rather than to juvénile court.187

Lors de la création de la Loi sur les jeunes contrevenants, ce type de programme

alternatif à la voie judiciaire a été pris en considération.

b- La loi sur les jeunes contrevenants

La Loi sur les jeunes contrevenants ne contenait pas de disposition qui énonçait la

prise en considération des droits ou des intérêts de la victime, comme ce qui est prévu

dans le préambule de laLSJPA. Par ailleurs, certains éléments concernaient ces dernières.

Nous examinerons, comme précédemment, les possibilités dans le cadre pénal, puis dans

le cadre des mesures de rechange, ancêtre immédiat des sanctions extrajudiciaires.

Dans le cadre du procès pénal le rôle des victimes n'était pas plus développé que dans

le système de justice pour les adultes. Le juge du procès pouvait imposer certaines peines

où la victime obtenait la restitution de ses biens188 ou le dépôt d'une somme à titre

d'indemnité pour la victime189. Aussi, les résultats d'une entrevue avec la victime

187 N. BALA, loc. cit, notel45, par. 9. 188 Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 20 (1) d) e). 189 M, art. 20(1) c).

89

Page 90: Les Mesures d'Integration Des Victimes

devaient être présentés dans le rapport pré-décisionnel . Toutes ces mesures se

retrouvent dans la LSJPA avec peu de modifications.

C'est dans le cadre des mesures de rechange que les différences sont les plus

nombreuses. L'article 4 LJC en régissait seul le fonctionnement. L'article 4 (l)a) LJC

précisait qu'il était du ressort des provinces de prévoir les programmes possibles. À la

différence de la législation actuelle, outre quelques critères d'admissibilité et quelques

droits pour l'adolescent, comme celui de la consultation d'un avocat, la forme de mesures

de rechange n'était pas du tout déterminée.

De plus, l'implantation des programmes de mesures de rechange n'était pas

obligatoire. La province ayant été la plus réticente à implanter un processus de ce genre

fut l'Ontario. Le Gouvernement ontarien argumentait, entre autres, que le désir de

diminuer la récidive et la criminalité par l'intermédiaire de mesures de rechange était

ambitieux et conflictuel191. Ce refus de créer un programme a été contesté devant les

tribunaux en 1988. Tout comme la Cour de première instance, la Cour d'appel a

déterminé que l'article 4 conférait une obligation positive de créer un programme de

mesures de rechange et que l'omission de le faire contrevenait au droit à l'égalité prévu à

l'article 15 de la Charte canadienne192. L'Ontario a donc créé des programmes de

mesures de rechange tout en poursuivant la contestation judiciaire.

In June of 1990 the Suprême Court reversed the Ontario Court of Appeal décision in R. v. S.(S.). The Suprême Court observed that s. 4(1) of the YOA provided that "Alternative measures may be used," indicating that there was a discrétion granted to the provincial government as to whether to establish any of thèse programs193.

La Cour suprême a déterminé, d'abord, que l'article 4 ne créait pas une obligation

de créer un programme. Le choix d'établir un programme s'effectue dans le respect du

Loi sur les jeunes contrevenants, précitée, note 5, art. 14. N. BALA, op. cit., note 7, p. 278. Châtre canadienne des droits et libertés, Loi de 1892 sur le Canada, Annexe b, 1982 (R.-U.), ch. 11. N. BALA, op. cit., note 7, p. 278.

90

Page 91: Les Mesures d'Integration Des Victimes

fédéralisme et de la possibilité de déléguer certains pouvoirs aux provinces. De plus,

l'article 4 n'est pas intra vires puisqu'il est du ressort de Gouvernement fédéral et de sa

compétence en droit criminel. Ensuite, la Cour a jugé qu'il n'y avait pas atteinte au droit

à l'égalité, entre autres, parce que l'article 4 ne créait pas une distinction fondée sur une

caractéristique personnelle.

Malgré cette absence d'obligation pour les provinces, le Québec fut l'une des

premières à implanter un système de mesures de rechange. Ces mesures semblent avoir

été d'une certaine efficacité. L'auteur Nicholas Bala mentionne à ce sujet :

In Québec, the government established programs and policies that encouraged police and Crown prosecutors to divert less serious offenders from the youth court System to either informai community-based alternatives or to the child-welfare system. Under the YOA, Québec had the lowest rate of use of youth court in Canada194

Tout d'abord, dans une perspective plus expérimentale et plus isolée195, un

règlement provincial est venu baliser l'utilisation des mesures de rechanges dès 1986. Le

Programme sur les mesures de rechange autorisé par le ministre de la Santé et le

ministre de la Justice a vu le jour sous l'égide de la UC, tout comme Y Entente-cadre.

En vertu de l'article 165(5) de la LSJPA, le programme établi sous la LJC est réputé être

le programme sous la nouvelle législation et aucun changement important ne lui a été

apporté.

Les éléments de base dans le cadre des mesures de rechange et des mesures

extrajudiciaires sont donc demeurés les mêmes au Québec. Malgré les ouvertures plus

grandes que contient la LSJPA en matière de participation active de la victime, le Québec

a, en quelque sorte, maintenu le statut quo. Il faut mentionner que la province était

194 N. BALA, loc. cit., note 145, par. 21. 195 S. CHARBONNEAU et D. BÉLIVEAU, loc. cit., note 154, p. 59, « Il y a près de vingt ans, naissait à Montréal un organisme communautaire se donnant pour objectif d'offrir aux jeunes contrevenants la possibilité de réparer leurs méfaits tout en évitant le processus judiciaire. Cette première expérience en matière de mesures alternatives à la judiciarisation marque le point de départ d'un mouvement qui va rapidement faire boule de neige au Québec. ».

91

Page 92: Les Mesures d'Integration Des Victimes

relativement avancée dans l'établissement de mesures où la victime et le jeune délinquant

sont impliqués. Toutefois, nous croyons que la largesse des dispositions de la LSJPA

permettra d'aller plus loin, entre autres en matière judiciaire. Les balises sont mieux

établies, tout en laissant de larges possibilités pour les provinces. De plus, les grands

objectifs de la LSJPA font définitivement une plus grande place aux victimes ce qui

appuierait une plus grande utilisation des mesures participatives.

Dans le cadre de ce chapitre, nous avons examiné l'ensemble des interactions

possibles entre le jeune délinquant et la victime. En matière extrajudiciaire, ce type de

mesures est grandement favorisé et en matière judiciaire, sans être au cœur du libellé des

dispositions, certaines possibilités intéressantes sont incluses comme la possibilité de

créer un groupe consultatif. Nous croyons que, particulièrement dans le cadre des

sanctions extrajudiciaires, les objectifs de prise en considération des victimes et de

responsabilisation des jeunes délinquants sont tout à fait favorisés par le libellé des

dispositions, particulièrement lorsque les mesures s'associent à la justice réparatrice.

Malgré ces ouvertures, nous avons relevé, tout au long du chapitre, diverses

problématiques qui pourraient contrevenir au respect des ces objectifs. Les mesures

d'intégration des victimes doivent se faire dans le respect et dans l'absence de

discrimination. Par exemple, le choix de la victime de ne pas participer doit être respecté

et ne pas influencer les procédures pour l'adolescent. Aussi, dans le cadre d'une

réparation pour la victime, les moyens financiers et la situation personnelle de

l'adolescent doivent être respectés pour éviter toute discrimination. Enfin, malgré que

cela ne soit pas discriminatoire, conformément à la décision R. c. S.(S.)X9(> rendue sous la

Loi sur les jeunes contrevenants, les larges pouvoirs accordés aux provinces peuvent tout

de même entraîner des différences dans l'application des mesures d'intégration des

R. c. S. (S.), [1990] 2 R.C.S. 254 92

Page 93: Les Mesures d'Integration Des Victimes

victimes, et ce, à rencontre de l'objectif du législateur d'uniformiser les sanctions à

travers le Canada.

Toujours dans l'optique de vérifier la conformité de la mise en œuvre de la loi,

nous procéderons, au cours du prochain chapitre, à l'examen des dispositions dans un

cadre pratique.

93

Page 94: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Chapitre 2

La mise en œuvre québécoise des mesures d'intégration des victimes

Au Québec, en plus du milieu judiciaire, des organismes parajudiciaires et

communautaires travaillent quotidiennement avec cette législation. Au-delà de la

mécanique législative, certaines données liées à l'application de la loi nous permettront

de compléter nos observations. Dans ce dernier chapitre, nous procéderons donc à un

examen de la mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes tout en conservant à

l'esprit les objectifs socio-juridiques de la LSJPA.

Nous procéderons d'abord à une analyse de la jurisprudence. Cette source classique

du droit nous permettra de vérifier comment les décideurs ont interprété les dispositions

que nous avons examinées au chapitre précédent. Nous verrons aussi comment et dans

quelle mesure ces dispositions sont utilisées. Pour ce faire, nous analyserons de manière

exhaustive les décisions des tribunaux supérieurs et inférieurs en ce domaine.

Puisque les sanctions extrajudiciaires se font en marge du système judiciaire, la

jurisprudence ne nous apportera probablement pas un éclairage suffisant. De plus, pour ce

qui est des mesures d'intégration des victimes en matière judiciaire, certaines données

quantitatives peuvent s'avérer des plus pertinentes pour nous donner un juste point de vue

sur leur utilisation par les tribunaux. Donc, afin d'examiner la mise en œuvre des

mesures d'intégration des victimes, nous utiliserons d'autres outils qui offrent de plus

larges informations. Les statistiques et rapports gouvernementaux contiennent une

multitude de données pertinentes et récentes qui nous permettront de procéder à cette

analyse.

94

Page 95: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Aussi, nous ferons l'étude des données recueillies par un Organisme de justice

alternative de la ville de Québec, l'Autre avenue. L'expérience «terrain» de cet

organisme est très révélatrice sur la mise en œuvre des mesures d'intégration des

victimes. Notons que tout au long de ce travail de recherche, nous avons discuté avec

divers intervenants du milieu197, ce qui nous a permis d'avoir accès à des informations

des plus intéressantes sur la loi. Sans les utiliser de manière à appuyer notre

argumentaire, nous mentionnerons, à titre informatif, certains éléments que ces

rencontres nous ont permis d'apprécier.

1- L'analyse jurisprudentielle

a- Les tribunaux supérieurs

La Cour suprême du Canada et la Cour d'appel du Québec ne se sont pas

directement prononcées sur le rôle des victimes dans le cadre de la Loi sur le système de

justice pénale pour les adolescents. Les décisions de ces tribunaux ont cependant réitéré

quelques éléments clés concernant cette législation.

En raison de son adoption récente, les décisions de la Cour suprême sur la LSJPA

sont encore très peu nombreuses. En fait, seules quelques décisions ont été rendues par le

plus haut tribunal du pays. L'une d'entre elles concerne la définition d' « infraction avec

violence »198 , une autre est à propos de l'utilisation de la dissuasion générale dans le

cadre de la détermination de la peine199 et une dernière examine les ordonnances de

Julie Dumont, Directrice générale de l'Organisme L'Autre avenue - Serge Charbonneau, Directeur général du Regroupement des organismes de justice alternative - Clothilde Régnier, Déléguée à la jeunesse au Centre jeunesse de Québec. 198 R. c. CD.; R. c. C.D.K., [2005] 3 R.C.S. 668 Définition d'infraction avec violence dans le cadre d'un placement sous garde pour des infractions de port d'arme dans un dessein dangereux, conduite dangereuse, incendie criminel ayant causé des dommages matériel et possession de biens volés. '"/?. c. B. W.P.; R. c. B. V.N., [2006] 1 R.C.S. 941 .Adolescent ayant tué un homme dans une bagarre. L'utilisation de la dissuasion générale dans la détermination de la peine n'est pas un critère prévu par la LSJPA

95

Page 96: Les Mesures d'Integration Des Victimes

prélèvement génétique pour les adolescents coupables d'une infraction primaire200. Sans

concerner spécifiquement notre sujet, l'une d'entre elle rappelle certains grands objectifs

de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont l'importance de

l'utilisation des voies extrajudiciaires. À ce sujet, la Cour souligne :

La LSJPA est un texte législatif complexe, qui a apporté des changements majeurs au système canadien de justice pénale pour les adolescents à diverses étapes du processus : en première ligne, en encourageant un plus grand recours aux programmes de déjudiciarisation; lors des enquêtes sur cautionnement, en limitant de façon substantielle la détention avant le procès; et, dans le cadre du processus de détermination de la peine relatif aux adultes, par l'application des peines applicables aux adultes pour certaines des infractions les plus graves, expressément désignées20'.

La Cour suprême, sous l'égide de la Loi sur les jeunes contrevenants, s'est

prononcée deux fois sur les mesures de rechange. Comme nous l'avons soulevé

précédemment, la mise en œuvre provinciale des programmes de mesures de rechange a

été jugée constitutionnelle puisqu'elle ne contrevenait pas à l'article 15 de la Charte

canadienne . Dans cette même perspective, dans R. c. S. (G.) , les magistrats du plus

haut tribunal du pays ont jugé que les provinces pouvaient édicter des règles

d'admissibilité aux mesures de rechange sans contrevenir aux articles 7 et 15 de la Charte

Canadienne. La LSJPA ne modifie pas, selon nous, cette interprétation. Il est toujours du

ressort des provinces de baliser la mise en œuvre de programmes de mesures et de

sanctions extrajudiciaires.

Dans le cadre de la création et de l'adoption de la LSJPA, certains acteurs

québécois se sont prononcés contre plusieurs des dispositions qu'elle contient. Cette

contestation a été judiciarisée. Par l'intermédiaire d'un renvoi à la Cour d'appel du

200 R. c. R.C. [2005] 3 R.C.S. 99. Adolescent de 13 ans accusé d'agression armée contre sa mère. Maintien du refus de la juge de soumettre le jeune à un prélèvement d'ADN. 201 R. c. CD.; R. c. C.D.K, précitée, note 197, par. 19. 202 Supra, p. 89 203 R. c.S.G. [1990] 2 R.C.S. 294

96

Page 97: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Québec, le Gouvernement du Québec a questionné la validité constitutionnelle et

internationale de certaines dispositions de la nouvelle loi204.

L'une des questions présentées concernait les articles 19 et 41, qui sont

fondamentaux en matière de relation délinquanfwictime, puisqu'ils établissent le rôle des

groupes consultatifs. Ce n'est pas le contenu de ces articles qui était au cœur des

préoccupations, mais le pouvoir de légiférer du Gouvernement fédéral. « Le Procureur

général du Québec n'attaque pas la validité de la LSJPA dans son ensemble. Il plaide

toutefois que les dispositions attaquées sont ultra vires puisqu'elles empiètent sur les

pouvoirs des provinces en matière de protection de l'enfance et d'administration de la

justice. » La Cour a jugé ces articles intra vires au pouvoir du Gouvernement fédéral.

Malgré cette contestation sur le pouvoir de légiférer du fédéral, notons que les articles 19

et 41 confèrent tout de même un large rôle pour les provinces. Elles ont le pouvoir de

déterminer les règles de fonctionnement des groupes consultatifs, incluant le rôle des

victimes.

Outre certains principes confirmés ou réitérés, les décisions des tribunaux

supérieurs ne contiennent rien de majeur, à ce jour, au sujet de la relation jeune

délinquant/victime. Afin de poursuivre notre analyse jurisprudentielle, nous nous

attarderons maintenant aux décisions des tribunaux inférieurs.

b- Les tribunaux inférieurs - Cour du Québec chambre de la jeunesse

Toutes les décisions rendues par la Cour du Québec chambre de la jeunesse sont

disponibles sur le site Internet www.jugements.qc.ca. En collaboration avec le Ministère

de la justice du Québec, la Société québécoise d'information juridique fournit sur ce

204 Renvoi relatif au projet de loi C-7 sur le système de justice pénale pour adolescents, RE JB 2003-39418. 205 Renvoi relatif au projet de loi C-7 sur le système de justice pénale pour adolescents, précité, note 202, par. 63.

97

Page 98: Les Mesures d'Integration Des Victimes

moteur de recherche toutes les décisions de première instance qui ont été rendues depuis

le 24 septembre 2001. Puisque la Loi sur le système de justice pénale pour les

adolescents est en vigueur depuis le Ie avril 2003, nous sommes en mesure de faire une

recherche exhaustive de ces décisions. Donc, afin de vérifier la mise en œuvre des

dispositions prévoyant un rôle pour la victime, nous procéderons à l'examen de

l'ensemble des décisions rendues. Nous diviserons cette analyse en deux parties, soit les

mesures extrajudiciaires et les sanctions judiciaires.

/- Mesures extrajudiciaires

Très peu de décisions rendues en première instance concernent les mesures

extrajudiciaires. Les juges de la Cour du Québec Chambre de la jeunesse n'ont pas à se

prononcer dans ce domaine, puisque ce type de mesures pour les jeunes délinquants

s'opère en retrait du système de justice traditionnel. Les tribunaux ont, par ailleurs, la

responsabilité de contrôler les cas où il y aurait eu abus de procédure ou non-respect de la

justice fondamentale dans le cadre de l'utilisation des sanctions extrajudiciaires206.

Il existe tout de même quelques décisions sur le fondzu/ et sur la forme , mais

aucune ne concerne le rôle des victimes dans le cadre de l'application de ces mesures.

L'analyse de la jurisprudence ne permet aucune conclusion sur la fonctionnalité du rôle

jeune délinquantWictime dans le cadre extrajudiciaire. Dans cette optique, nous

utiliserons ultérieurement d'autres types de données.

206 À titre d'exemple : Le jeune n'a pas à être entendu par le Directeur provincial dans sa décision d'accorder des sanctions extrajudiciaires ou non - Protection de lajeunesse-587, 1993 [R J.Q.] 1138 (C.Q.), décision rendue sous la Loi sur les jeunes contrevenants. 207 LSJPA-0637, C. Q. jeunesse, Sherbrooke, n ° 450-03-006963-061 450-03-006964-069, 5 septembre 2006, j . Michel Dubois- Respect par le juge du refus du Ministère public d'accorder la possibilité d'exécuter une sanction extrajudiciaire. Toutefois, le juge prend en considération dans le cadre de la détermination de la peine que l'affaire aurait pu se régler ailleurs que devant les tribunaux pénaux. 208 La réalisation d'une sanction extrajudiciaire est prise en considération dans le parcours du jeune soit dans le cadre de la détermination de la peine, dans la décision sur le transfert vers les tribunaux pénaux pour adultes. R. c. J.H.C., C. Q., Montréal n°525-03-028393-049, 525-03-029456-043, 21 décembre 2004, j . Denis Saulnier; Procureur général c. X, C.Q., Québec, n° 200-03-011914-042 / 200-03-011915-048, 200-03-011916-046 / 200-03-011923-042,200-03-011938-040, 1 mars 2005, j . Andrée Bergeron.

98

Page 99: Les Mesures d'Integration Des Victimes

ii- Mesures judiciaires

Nous avons présenté, au cours du chapitre précédent, différents processus et

différentes peines spécifiques pouvant mettre à contribution, plus ou moins activement, la

victime. Dans les décisions de première instance, les victimes ne semblent pas laissées

pour compte. Voici quelques décisions permettant de voir comment la relation jeune

délinquant/victime s'opère dans le cadre judiciaire.

À titre général, de nombreuses décisions209 rappellent, conformément à ce qui est

prévu par l'article 38(3)b), la nécessité de prendre en considération les dommages causés

à la victime par l'adolescent et la possibilité de réparation de ces dommages. À titre

d'exemple, dans une affaire210, la juge Dominique Wilhelmy porte une attention

particulière aux conséquences qu'a vécues la victime afin de déterminer la peine

adéquate.

L'accusé a empêché la victime de se soustraire à ses avances en la maintenant à l'aide de ses genoux, sur un lit. Il était prévisible qu'elle en subirait des conséquences, d'autant plus que la victime est une personne mineure, vulnérable au moment des infractions, et cette vulnérabilité est connue de l'accusé.

Les dommages pour cette victime sont importants. Elle reçoit présentement de l'aide psychologique. Les conséquences pour elle sont donc toujours très présentes, et il est impossible de penser que l'accusé puisse réparer le tort qu'il lui a causé.211

Les dommages causés à la victime et leur réparation sont deux événements distincts qui

peuvent, chacun à leur manière, avoir un impact sur la détermination de la peine. Les

dommages causés à la victime peuvent avoir été importants, mais une réparation faite

avant la judiciarisation du dossier peut démontrer une reconnaissance des dommages et

209 P.G. c. X., C. Q., Rouyn-Noranda, n° 600-03-000964-032, 28 avril 2004, j . Gilles Gendron; J.E, Dans la situation de, C. Q., Montréal, n° 525-03-031048-051, 13 juillet 2005, j . Normand Bastien; R. c. J.G., C.Q., Montréal, n ° 525-03-030826-044, 525-03-030656-045, 525-03-031052-053, 18 janvier 2005, juge Nicole Bernier,; LSJPA-078, C.Q., n°525-03-034564-062, 24 avril 2007, j . Michel Lefevbre. 210 X., C. Q., Montréal, n° 525-03-027626-035, 6 juillet 2004, juge Dominique Wilhelmy, 211 Id., pars. 7-8.

Page 100: Les Mesures d'Integration Des Victimes

des remords de la part de l'adolescent. Dans l'affaire R. c. X212, rendue sous l'égide de la

Loi sur les jeunes contrevenants, la tentative de réparation rapide envers la victime a fait

partie des éléments qui ont joué en faveur de l'accusé, et ce, malgré l'absence, à cette

époque, du critère de l'article 38(3)2). Le juge précise ceci :

Il semble que, dès le lendemain des événements, l'accusé s'est senti mal vis-à-vis de la victime et tenta, en vain, de s'excuser. Devant le Tribunal, par le biais de son avocat, l'accusé a offert ses excuses à la victime et est prêt à rédiger une lettre à cet effet.213

Dans un autre ordre d'idées, les dommages, qu'ils soient moraux ou patrimoniaux,

causés à la victime sont souvent évalués par l'intermédiaire du rapport prédécisionnel.

Conformément à l'article 40 (2)b), le rapport doit contenir une entrevue avec la victime.

Cette entrevue permet d'évaluer les impacts de l'affaire sur la victime et de déterminer

une peine pour l'adolescent délinquant . Dans d'autres cas, les victimes expriment

directement les conséquences qu'elles ont vécues lors de leur témoignage au tribunal.

C'est à partir de ces témoignages directs que le juge prendra une décision qui inclura les

facteurs de l'article 38(3)2).

Certains juges ordonnent aux jeunes de rédiger une lettre d'excuses à la victime.

Cette lettre a l'avantage de s'adresser à tous les types de victimes, qu'elles soient une

personne physique ou une personne morale216. Les lettres d'excuses sont adressées

directement à la victime de l'infraction, ou même aux victimes par ricochet dans les cas

212 R. c. X., C. Q. Beauharnois, n° 760-03-003570-010, 12 décembre 2002, j . Linda Despots. 213 R. c. X., précitée note 207, par. 249. 214 Pour exemple de positions des victimes par l'intermédiaire du rapport pré-décisionnel voir aussi : LSJPA-0616, C. Q, n ° 540-03-005886-055, 540-03-05834-055,15 novembre 2006, j . Françoise Garneau-Fournier; LSJPA-0639, C .Q., Montréal, n° 525-03-035033-067, 525-03-035180-066, 525-03-035181-064, 19 juillet 2006, j . Anne-Marie Jones. 215A titre d'exemple : LSJPA-067, C. Q., Sherbrooke, n° 450-03-006193-040, 13 février 2006, j . Conrand Chapdelaine. 216 X (Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049, 12 octobre 2005, j . Daniel Perrault.

100

Page 101: Les Mesures d'Integration Des Victimes

où la victime est décédée . La victime peut parfois accepter ou refuser de recevoir la -y i Q

lettre . La rédaction et la transmission de la lettre d'excuses dans les délais imposés doit

être respectée, car la non-réalisation de cette mesure peut entraîner un bris de

condition.219 Ce type d'ordonnance s'inscrit directement dans les objectifs de la LSJPA.

Quoiqu'il s'agisse d'une participation passive de la victime, ses besoins sont pris en

considération et la responsabilisation de l'adolescent est favorisée puisqu'il doit faire

directement face aux conséquences de ses actes.

Outre la lettre d'excuses, les juges ordonnent différentes peines en lien avec la

victime, et ce, conformément aux dispositions de la LSJPA. Il est possible, en vertu de

l'article 42, d'ordonner un dédommagement aux victimes. Dans l'affaire LSJPA-078220,

un adolescent de 16 ans avait commis une fraude par carte de guichet. Il n'était pas

l'instigateur direct de la fraude de 14 000$, mais en avait tout de même profité en

recevant 1000$. La victime était une personne morale, soit un collège. Le juge lui a

imposé, en considérant l'ensemble des faits de l'affaire, une absolution conditionnelle.

Toutefois, à titre d'indemnité, le jeune devait verser 500$ au collège contre qui la fraude

a été effectuée.

Les poursuites criminelles ne font pas obstacle aux poursuites civiles. Les

victimes peuvent y récupérer le montant des dommages subis. Dans une affaire où un 991

adolescent avait mis le feu à une école par son insouciance , en plus des multiples

ordonnances, dont une lettre d'excuses, le juge a mentionné qu'une poursuite civile était

en cours :

217 LSJPA-0631, C.Q., Aima, n° 160-03-000041-059, 20 juillet 2006, j . Paul Casgrain; LSJPA-0639, C.Q., Montréal, n° 525-03-035033-067, 525-03-035180-066, 525-03-035181-064, 19 juillet 2006, j . Anne-Marie Jones; P. G. c.X., C. Q., Rouyn-Noranda, n° 600-03-000964-032, 28 avril 2004, juge Gilles Gendron. 218 LSJPA-0632, C. Q., Montréal, n°525-03-034883-066, 525-03-034884-064, 19 juin 2006, j . Carole Brousseau. 219 R. c. X., C. Q, Montréal, n° 525-03-033727-058, 22 décembre 2005, j . Carole Brousseau. 220 LSJPA-078, C. Q., n° 525-03-034564-062, 24 avril 2002, j . Michel Levebvre. 221X (Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049,12 octobre 2005, j . Daniel Perreault.

101

Page 102: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Évidemment, cet apport que l'adolescent apportera à la société au cours des 12 prochains mois, ne comblera jamais toutes les pertes subies mais cela n'est pas le but de la LSJPA. Cette compensation pour les dommages matériels subis est de toute autre nature et l'adolescent devra en assumer toutes les conséquences dans le cadre des réclamations d'ordre civil qui sont actuellement en cours contre lui222.

La réparation envers la victime peut aussi s'effectuer par l'intermédiaire d'un don

à un organisme travaillant pour les victimes de certaines catégories d'actes criminels. Par

exemple, dans l'affaire LSJPA-067223, l'adolescent a été déclaré coupable de conduite

dangereuse ayant causé la mort. Le jeune s'est vu ordonner de verser un montant de

1000$ à un organisme voué au soutien des familles endeuillées.

Toujours dans la perspective de prendre la victime en considération dans la peine,

il est possible, par l'intermédiaire de mesures de réadaptation et de réinsertion sociale, de

faire comprendre aux jeunes délinquants les conséquences de leurs délits sur les victimes.

Dans l'affaire LSJPA-068224, la juge Carole Brousseau ordonne à l'adolescent de

fréquenter et de participer à un groupe de sensibilisation aux victimes.

Les mesures dont nous venons de discuter n'impliquent pas la victime de façon

active, mais elle est prise en considération et ses besoins sont évalués. La possibilité de

participer activement n'est cependant pas exclue. Certaines décisions rendues depuis

l'entrée en vigueur de la LSJPA entrevoient l'utilisation de méthodes alternatives de

résolution des conflits, telles que la médiation. Pour participer à une médiation, il est

nécessaire que la victime donne son accord. Ce désir peut être contenu dans le rapport

pré-sentenciel225. Aussi, il est possible que le juge ordonne une médiation. Celle-ci peut

avoir lieu dans le cadre de la détermination de la peine. Dans une affaire , le juge

ordonnait une interdiction de contact. Toutefois, le juge prévoyait la possibilité de lever

222 X (Dans le dossier de), précitée, note 216, par. 40. 223 LSJPA-067, C.Q., Sherbrooke, n° 450-03-006193-040, 13 février 2006, j . Conrand Chapdelaine. 224 LSJPA-068, C.Q., Montréal, n° 525-03-032232-050 - 525-03-033599-051 525-03-033600-057, 19 janvier 2006, j . Carole Brousseau. 225 LSJPA-0627, C.Q., Montréal, n° 525-03-032742-058, 18 avril 2006, juge Michel Levebvre. 226 R. c.X., C.Q., Iberville, n° 755-03-001907-040, 755-03-001916-041, 23 novembre 2004, juge Linda Despots.

102

Page 103: Les Mesures d'Integration Des Victimes

cette interdiction de contact dans la mesure où le jeune se soumettait à une médiation de

style thérapeutique. Dans une autre affaire, le même genre d'ordonnance a été prononcée 997

dans le cadre d'une mise en liberté sous condition en vertu de l'article 105 LSJPA

D'une part, l'analyse de la jurisprudence en matière judiciaire permet de conclure

que les victimes sont effectivement, et conformément aux objectifs de la loi, prises en

considération. Certaines peines, comme la lettre d'excuses, impliquent un geste concret à

leur égard. Aussi, plusieurs peines permettent aux victimes d'être indemnisées ou

dédommagées. Toutefois, en raison du petit nombre de décisions concernant les

approches participatives comme la médiation, nous concluons à une faible utilisation des

mesures permettant l'interaction entre le jeune et la victime. D'autre part, l'analyse de la

jurisprudence ne nous permet pas d'obtenir un portrait exact de la situation, entre autres

en ce qui concerne les mesures extrajudiciaires. Nous devrons donc poursuivre notre

analyse.

2- Les statistiques et rapports gouvernementaux

En matière de droit criminel, le Gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de

Statistiques Canada, produit annuellement une grande quantité de données statistiques

permettant d'établir un portrait adéquat de la situation au pays. Il s'avère intéressant de

faire un tour d'horizon de ces données afin de voir dans quelle mesure les dispositions

permettant une participation des victimes dans le système de justice pénale pour les

adolescents sont utilisées. Dans ces rapports, on retrouve certaines données sur les jeunes

délinquants qui s'avèrent pertinentes. De plus, depuis l'entrée en vigueur de la LSJPA, le

gouvernement a financé plusieurs recherches contenant des données qualitatives et

quantitatives des plus pertinentes. Nous ferons donc une présentation en trois parties

(mesures extrajudiciaires, mesures judiciaires et victimes) dont l'amalgame nous donnera

un aperçu de la situation.

LSJPA-072, C.Q., n°250-03-002063-068, 250-03-002063-068, 26 mars 2007, j . Martin Gagnon. 103

Page 104: Les Mesures d'Integration Des Victimes

i- Mesures extrajudiciaires

Tout d'abord, nous nous intéresserons aux données liées aux mesures et sanctions

extrajudiciaires. Dès les débuts de la mise en œuvre de la Loi sur le système de justice

pénale pour les adolescents, les données se sont avérées différentes de ce qu'elles étaient

sous la Loi sur les jeunes contrevenants. En 2003, le taux de mise en accusation par voie

judiciaire a chuté. Comme il est mentionné dans le rapport 2003 :

Le taux de jeunes accusés a chuté de 15 % en 2003, mais cette baisse a été compensée par le bond de 30 % du nombre d'affaires impliquant des jeunes qui ont été classées sans mise en accusation. Cela porte à croire que les services de police ont modifié leurs pratiques de mise en accusation pour se conformer à la LSJPA, qui a été adoptée en 2003. Toutefois, il convient de mentionner que toute hausse des jeunes faisant l'objet d'une mesure autre qu'une mise en accusation pourrait être attribuable en partie à une augmentation de la déclaration par la police des affaires dans lesquelles les jeunes n'ont pas été officiellement accusés, en raison des dispositions de la nouvelle LSJPA sur les mesures extrajudiciaires. Le taux combiné des jeunes accusés et de ceux faisant l'objet d'autres mesures qui a résulté était de 5 % supérieur au taux de l'année précédente228.

Cette tendance s'est observée pour toutes les années suivantes229. Dans le rapport 2005,

cette tendance est expliquée ainsi :

La baisse du taux de jeunes mis en accusation pourrait être le reflet de modifications apportées par les services de police quant à leurs pratiques de mise en accusation, afin de se conformer à la LSJPA. Toutefois, il convient de mentionner que toute hausse des jeunes faisant l'objet d'une mesure autre qu'une mise en accusation, comme celle observée en 2003, pourrait être attribuable en partie à une augmentation de la déclaration par la police des affaires dans lesquelles les jeunes n'ont pas été officiellement accusés, en raison des dispositions de la nouvelle LSJPA sur les mesures extrajudiciaires230.

Ces données se confirment dans les rapports de recherche gouvernementaux. Une

étude a été effectuée afin de vérifier l'incidence des nouvelles dispositions de la loi sur

les pratiques policières de mise en accusation des jeunes. Au Québec, la diminution du

228 STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2003, (2003) no 85-002, vol. 24, no 6, p. 15. 229 STATISTIQUES CANADA , Statistique de la criminalité 2004, (2004) no 85-002, vol. 25, no 5, p. 14 : 2004 : Chute de 6% du taux de mise en accusation; STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2005, (2005) no 85-002, vol. 26, no 4, p. 13 : le taux est passé de 56% en 2002 à 43% en 2005 -STATISTIQUES CANADA, Statistique de la criminalité 2006, (2006) no 85-002, vol. 27, no 5, P. 7 : Diminution de 1% du taux d'inculpation par la police et augmentation de 6% du taux d'affaires classées sans mise en accusation. 230 STATISTIQUES C A N A D A , Statistique de la criminalité 2004, (2004) no 85-002, vol . 25 , no 5, p . 14.

104

Page 105: Les Mesures d'Integration Des Victimes

nombre d'accusations, dont nous avons fait état dans les statistiques présentées

précédemment, est très faible. En effet, l'évolution du taux de jeunes pouvant être

accusés a augmenté de 8% au Québec, alors que la moyenne nationale a diminué de 3%.

Cette faible diminution est probablement attribuable à une pratique déjà existante231. Le

Programme de mesures de rechange maintenant devenu Programme de sanctions

extrajudiciaires était déjà établi sous la Loi sur les jeunes contrevenants. L'utilisation du

Programme de sanctions extrajudiciaires se fait donc déjà depuis plusieurs années et le

nombre d'accusations n'a pas massivement diminué avec l'entrée en vigueur de la

nouvelle loi.

Cette augmentation des jeunes dont l'acte délictuel n'est pas traité par une mise en

accusation ne nous permet pas de conclure d'emblée que les interactions victime jeune

délinquant sont plus fréquentes. Par ailleurs, la LSJPA facilite ce contact, tel que nous

l'avons vu précédemment, par l'intermédiaire des sanctions extrajudiciaires. Donc, une

plus grande utilisation de ces dernières pourrait entraîner plus d'interactions entre ces

deux acteurs de l'événement pénal.

Pour l'instant, il n'existe pas de rapport portant exclusivement sur les mesures

extrajudiciaires. Toutefois, il en existe à propos des mesures de rechange prévues par la

Loi sur les jeunes contrevenants. En 1998-1999, la province ayant le plus souvent recours

à ce types de mesure était l'Alberta . Les deux provinces ayant le moins souvent

recours aux mesures de rechange étaient la Colombie-Britannique et l'Ontario233.

L'évaluation des Programmes de mesures de rechange 1998-1999 contient des

informations sur le type de mesures appliquées :

231 P.J. CARRINGTON, J.L SCHULENBERG L'incidence de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sur les pratiques policières de mise en accusation des jeunes : Evaluation statistique préliminaire, Rapport au Ministère de la justice du Canada, 2005, [EN LIGNE] http://justice.gc.ca/fr/ps/yj/research/pcarrington-ischulenberg/index.html page consultée le 29 juillet 2007. 232 STATISTIQUES CANADA, Mesures de rechange pour les jeunes, n 85-002-XIF, vol. 19, p. 11. 233 Id., p. 11.

105

Page 106: Les Mesures d'Integration Des Victimes

[...] les mesures de rechange imposées le plus souvent aux jeunes dans les secteurs de compétence qui ont fourni des données à ce sujet étaient les travaux communautaires (22 %), suivis de la présentation d'excuses (17 %) et du développement des habiletés sociales (11 %). D'autres types de mesures de rechange ont été privilégiés dans 15 % des cas. La surveillance, les services personnels et le counselling tendaient à être imposés le moins souvent (1 % chacun). Ces données s'apparentent à celles de 1997-1998, où les types les plus courants de mesures de rechange étaient les travaux communautaires, la présentation d'excuses et d'« autres » mesures de rechange234.

Dans les statistiques plus récentes sur la criminalité, le type de mesures extrajudiciaires,

conformément à l'article 6 LSJPA, se répartit ainsi :

Sur les mesures extrajudiciaires déclarées par la police en 2003, 71 % étaient des mises en garde non officielles données verbalement, 12 % étaient des avertissements officiels par la police, 11 % consistaient en des renvois officiels à des programmes de sanctions extrajudiciaires et 6 %, en des renvois non officiels à des programmes,

* . , . . ?35

activités ou organismes communautaires .

ii- Mesures judiciaires

Dans un autre ordre d'idées, nous avons vu précédemment que les dispositions en

matière judiciaire permettent aussi certaines interactions entre le jeune délinquant et la

victime. Par ailleurs, il est très difficile de les observer par l'intermédiaire des statistiques

sur la criminalité au Canada. Néanmoins, certaines données s'avèrent intéressantes.

Dans les tableaux statistiques, les Autres peines incluent les réprimandes,

l'absolution inconditionnelle, la restitution, l'interdiction, la saisie et la confiscation,

l'indemnisation, le remboursement à l'acquéreur, les dissertations, la présentation

d'excuses, les programmes de counselling, la garde et la surveillance différées, la

participation à un programme non résidentiel, les programmes de soutien et de

surveillance intensive et l'absolution sous condition. Les statistiques sur les tribunaux de

la jeunesse 2003-2004 indiquent que pour l'ensemble des causes avec condamnation,

234 STATISTIQUES CANADA, loc. cit., note 228, p. 15. 235 là.

106

Page 107: Les Mesures d'Integration Des Victimes

36% ont obtenu une Autre peine. Pour l'année 2002-2003, ce pourcentage s'élevait à

31%.

Les données détaillées les plus récentes sur la ventilation de ces Autres peines

proviennent des tableaux de données sur la jeunesse 1999-2000. Dans celles-ci, on peut

observer que les Autres peines sont réparties pour l'ensemble du pays de la manière

suivante : «En 1999-2000, pour l'ensemble du Canada il y a eu 152 indemnités, 21

remboursements à l'acquéreur, 311 indemnités en nature. »236

Certes, plus du tiers des peines qui sont attribuées appartiennent aux catégories de

peines pouvant être en lien direct ou indirect avec la victime, mais ici encore ces données

sont insuffisamment précises pour nous permettre d'émettre des conclusions sur la

relation délinquant\victime.

wï- Victimes

Il existe aussi certaines statistiques concernant les victimes. Les études réalisées ne

concernent pas précisément les délinquants mineurs. De par leur définition, les

programmes de justice réparatrice, tels que les conférences ou les médiations, sont les

plus susceptibles d'entraîner une participation active des victimes. Plus ces types de

programmes sont utilisés, plus les victimes ont la possibilité de participer au processus

pénal. Dans cette optique, il s'avère intéressant de voir, au plan statistique, si ces

programmes sont nombreux. En 2002-2003, un organisme de soutien aux victimes sur six

s'est dit impliqué dans le processus de justice réparatrice.

Plusieurs organismes de services aux victimes ont déclaré fournir des services liés aux mesures de justice réparatrice ou de médiation, soit directement ou

236 STATISTIQUES CANADA, « Tableau 5- Nombre de causes entendues devant les tribunaux de la jeunesse selon la décision la plus importante, 1999-2000 » Tableaux de données sur les tribunaux de la jeunesse 1999-2000, no 85F0030, 1999-2000.

107

Page 108: Les Mesures d'Integration Des Victimes

au moyen de renvois, sous forme d'accompagnement et de soutien au cours de ces processus (33 % directement) et d'orientation et d'information concernant les processus (22 % directement) (tableau 3). En outre, on a demandé aux organismes s'ils participaient à la prestation et à la coordination de processus de justice réparatrice en matière criminelle. Moins de 1 organisme sur 5 (17 %) a déclaré jouer ce type de rôle dans les activités liées à la justice réparatrice.

Les services relevant de la police étaient les plus susceptibles d'indiquer qu'ils participaient à ces processus (27 %), suivis des services relevant des tribunaux (16 %). Les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle étaient les moins susceptibles d'intervenir (2 %)237.

La place prise par les programmes de justice réparatrice tend à augmenter. Les groupes

de soutien aux victimes font de plus en plus de place à ce mode de justice qu'encourage

la participation active des victimes.

En ce sens, dans un rapport de recherche du Centre de la politique concernant les

victimes, les répondants, soit des professionnels du système de justice et des victimes,

s'accordaient pour dire que les mesures de justice réparatrice sont efficaces pour les

jeunes délinquants lors d'un premier délit. Pour les délits avec violence les réponses

étaient plus mitigées. Cependant, la majorité des personnes s'entendaient sur

l'importance de la consultation de la victime et l'obtention de son consentement avant de

participer à un programme de justice réparatrice.

En somme, les données contenues dans les rapports de recherche et dans les rapports

statistiques nous donnent de nombreuses informations sur l'ensemble du Canada. Par

ailleurs, les données sont insuffisamment précises pour nous permettre d'établir les

modalités de mise en œuvre des dispositions de la LSJPA intégrant les victimes au

processus de justice pénale pour les adolescents.

237 STATISTIQUE CANADA, Aide aux victimes 2002-2003, (2003) vol. 24, no 11. 238 CENTRE DE LA POLITIQUE CONCERNANT LES VICTIMES, L'étude dans de nombreux sites sur les victimes de la criminalité et les professionnels de la justice pénale partout au Canada : Rapport sommaire du sondage, répondants « Services d'aide aux victimes » et « Groupes de revendications », Ministère de la Justice du Canada, 2005.

108

Page 109: Les Mesures d'Integration Des Victimes

3- L'exemple de l'organisme L'Autre avenue

Comme nous l'avons vu au chapitre trois, les Organismes de justice alternative ont

un grand rôle à jouer dans les interactions délinquant/victime dans le cadre

extrajudiciaire. En plus d'assurer le suivi avec la victime afin qu'elle soit informée des

procédures en cours, ces organismes appliquent des programmes de renvoi et ils réalisent

des médiations entre les délinquants et les victimes. Nous croyons nécessaire d'examiner

le travail des OJA.

L'Autre avenue est Y OJA qui est responsable de la Capitale nationale, et ce, depuis

1982. En plus de couvrir un grand territoire (de Charlevoix à Portneuf, en passant par la

grande ville de Québec), cet organisme a une expérience de longue date. Pour nous

donner un bref aperçu de comment opère la LSPJA sur le terrain, nous examinerons

l'expérience de L Autre avenue. Pour ce faire, nous utiliserons les données de

l'organisme se retrouvant dans son rapport annuel depuis l'entrée en vigueur de la

LSJPA239. De plus, dans un cadre tout à fait informel, nous avons rencontré une

intervenante et la Directrice générale de cet organisme ainsi qu'une Déléguée à la

jeunesse. Ces femmes ont fourni un éclairage important sur leur travail concernant la

relation jeune délinquant - victime.

D'abord, en matière de renvoi, conformément à l'article 6 de la LSJPA, L'Autre

avenue s'est vue référer plus de 100 cas par année240 par les policiers. Trois activités de

sensibilisation d'une durée de deux heures sont offertes aux jeunes, soit une activité sur le

vol à l'étalage, une sur les stupéfiants et une autre sur les impacts de la commission d'un

délit241. Pour l'année 2005-2006, seulement 5% des jeunes n'ont pas participé à

l'activité242.

9 L'AUTRE AVENUE, Rapport annuel 2005-2006. °Af.,p.8. 1 ld., p. 9. 2Id.,p. 10.

109

Page 110: Les Mesures d'Integration Des Victimes

En ce qui concerne les sanctions extrajudiciaires, les OJA doivent établir un contact

avec la victime. Au cours des années 2003 à 2006, L'Autre avenue a consulté entre 188 et

269 victimes par année . Pour l'année 2005-2006,

Parmi les 203 victimes consultées :

91 ont fait part de leur désir d'obtenir une réparation de la part de l'adolescent impliqué dans les événements

45 ont fait la recommandation d'une sanction à l'égard du jeune

64 ont choisi de ne pas s'impliquer, préférant laisser la justice suivre son cours

3 n'ont pas donné suite à la période de réflexion qu'elles avaient sollicitée lors de notre premier contact auprès d'elles244.

Évidemment, il est du ressort du Délégué à la jeunesse de décider de la sanction finale. Il

peut arriver que les propositions des victimes ne soient pas retenues parce qu'elles ne

sont pas réalisables ou qu'elles sont saugrenues245. Dans cette perspective, 55 mesures de

réparation envers la victime ont eu lieu. Pour le reste des sanctions, il s'agissait de

travaux communautaires, de mesures visant le développement des habilités sociales et de

versements à la communauté.

Le désir de réparation inclut la demande de la victime de participer à une

médiation. En 2005-2006, 15 médiations indirectes et 29 médiations directes ont été

réalisées246. 37 victimes ont participé à cette approche (23 particuliers et 14 personnes

morales). Dans le cadre des médiations, les accords entre l'adolescent et la victime sont

de plusieurs natures, tels que : des excuses verbales ou écrites, des explications, des

travaux au profit de la victime, des compensations financières, des textes de réflexion,

243 L'AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 8. 244 Ici. p. 11. 245 À titre d'exemple, la Déléguée à la jeunesse que nous avons rencontrée a refusé la demande de la victime qui désirait, à titre de compensation, que le jeune lui achète un carton de cigarettes. 246 L AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 13.

110

Page 111: Les Mesures d'Integration Des Victimes

des travaux au profit d'un organisme sans but lucratif, un don à un organisme de la ,247

communauté .

Les sanctions et mesures extrajudiciaires sont souvent réservées à des situations

délictuelles de moindre gravité. Les données contenues dans le rapport annuel 2005-2006

de l'organisme le confirme. En effet, 35% étaient des infractions contre la propriété248,

18% consistaient en des infractions contre la personne et la réputation249 et 15%250 étaient

des infractions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances25^.

Notons cependant que L'Autre avenue a eu l'occasion d'intervenir à quelques reprises

dans le cadre d'infractions de plus grande gravité telles que les voies de fait simples, les

introductions par effraction ou les agressions sexuelles. Il faut rappeler qu'il est du

ressort du Substitut au Procureur général, du Directeur de la protection de la jeunesse et

du Délégué à la jeunesse de décider si le dossier d'un jeune doit être judiciarisé ou non.

Lorsque les conditions des articles 10 à 12 LSJPA sont remplies, comme la

reconnaissance de la culpabilité et l'absence d'un passé criminel, il est possible que le

jeune soit transféré vers les sanctions extrajudiciaires pour répondre de son acte délictuel.

La dernière donnée que nous trouvons pertinente concerne les sanctions

judiciaires. Depuis 2003, L'Autre avenue s'est vue confier un seul cas où une mesure de

réparation envers la victime avait été ordonnée suite à un procès pénal. Les statistiques de

cet organisme confirment, pour la région de Québec, la faible utilisation des mesures

d'intégration des victimes dans le cadre judiciaire.

Les données fournies par le rapport annuel de cet organisme permettent de

parvenir à certaines conclusions. Ce ne sont pas toutes les victimes contactées qui

247 L'AUTRE AVENUE, op. cit., note 2407, p. 14. 248 M, p. 21. 249 Id. 250 là.

51 Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C., 1996, c l9 . 111

Page 112: Les Mesures d'Integration Des Victimes

désirent prendre part au processus. Celles qui ne sont pas intéressées vont suggérer des

peines plutôt liées à la communauté. Pour les autres, encore là, elles ne préconiseront pas

toutes des médiations directes. Toutefois, si l'on se fie aux personnes rencontrées dans

l'organisme, les victimes apprécient beaucoup d'être consultées, de savoir où en est le

processus et de pouvoir émettre une opinion ou une suggestion quant à la sanction que

l'adolescent peut se voir octroyer. Unanimement, les personnes que nous avons

rencontrées suggèrent une utilisation plus systématique de ce genre de processus et

proposent surtout l'ouverture de ce processus à l'ensemble des infractions, même si elles

sont de plus grande gravité. Aussi, elles souhaiteraient des démarches semblables en

matière judiciaire.

Pour les mesures judiciaires, l'analyse de la jurisprudence nous a permis d'établir

qu'il y a, conformément à l'objectif législatif de la LSJPA, une sérieuse prise en

considération de la victime. De plus, certaines peines s'inscrivent directement dans cette

perspective comme la lettre d'excuses ou le dédommagement, ce qui favorise aussi

l'objectif de responsabilisation de l'adolescent face à son acte délictuel. Toutefois, les

interactions directes semblent être très rares au Québec. Les statistiques et données

gouvernementales sont insuffisamment précises pour nous permettre de faire un constat.

Toutefois, nous remarquons que plus du tiers des peines font partie de la catégorie de

celles pouvant être reliées de manière directe ou non aux victimes.

En ce qui concerne les mesures et sanctions extrajudiciaires, il est difficile d'avoir

un aperçu global du rôle des victimes. Certes, l'augmentation de l'utilisation de ce

processus, qui se fait en marge du système judiciaire traditionnel, est de bon augure. Plus

son utilisation est grande, plus il y a des chances que les victimes soient impliquées

activement. Le Programme de sanctions extrajudiciaires québécois va en ce sens,

puisque les victimes sont contactées et les Organismes de justice alternative leur offrent

112

Page 113: Les Mesures d'Integration Des Victimes

plusieurs possibilités de participation. L'application de ce programme assure une

conformité des dispositions de la LSJPA à l'objectif de prise en considération des

victimes. D'ailleurs, les données des OJA permettent de conclure qu'un certain nombre

de victimes veulent même procéder à une médiation avec le jeune délinquant.

Les constats faits dans ce chapitre et ceux faits dans les chapitres précédents nous

mènent vers certaines conclusions que nous examinerons maintenant.

113

Page 114: Les Mesures d'Integration Des Victimes

CONCLUSION

La place de la victime dans le système de justice pénale pour les adolescents

s'inscrit dans une large réflexion sur le rôle de cette dernière. Les besoins et les attentes

des victimes ont longtemps été laissés pour compte par la justice pénale, qui les

cantonnait à leur strict rôle de témoin. Comme l'affirme une auteure, la

constitutionnalisation des droits des accusés paraît les avoir isolées encore davantage au

sein du processus judiciaire .

L'apparition de mouvements en faveur des victimes et le développement d'une

discipline relevant des sciences sociales, la victimologie, lui ont toutefois donné une

place nouvelle. Les solutions pour une meilleure prise en considération des victimes sont

multiples et concernent toutes les conséquences vécues par ces dernières dans le cadre de

leur parcours pénal. L'une des solutions proposées, qui a été retenue dans la Loi sur le

système de justice pénale pour les adolescents, est la possibilité pour la victime d'être

impliquée dans les procédures. Rappelons que la majorité des victimes impliquées dans

un processus participatif ont été satisfaites :

Ail comparison of victims' expériences find that victims who participated in médiation or a conférence had greater satisfaction than victims who were involved in a traditional responses to crime. They say that they are better informed and supported, experienced more respect and equity, and appreciate the emotional opportunities. [...] A small minority of victims feel worse after a restorative

253

process.

En plus de permettre à la victime de se sentir respectée, cela permet à l'adolescent d'être

confronté directement avec les conséquences de son acte délictuel.

Par ailleurs, les victimes d'un délinquant mineur doivent ajuster leurs attentes aux

spécificités du système de justice pénale pour les adolescents.

J.-A., WEMMERS, op. cit., note 21, p. 23 L. WALGRAVE, loc. cit., note 40, page 563.

114

Page 115: Les Mesures d'Integration Des Victimes

In some cases, because of the spécial nature of youth justice and its primary emphasis on rehabilitation and preventing youth crime, it may be inappropriate to give victims the fiill range of rights or entitlements that they would hâve in the adult

254

system .

Entre autres, le mineur délinquant a droit à la confidentialité des procédures. La LSJPA

prévoit certaines exceptions255 mais, de manière générale, la communauté n'a pas accès à

l'information. Outre le fait de savoir que des procédures sont en cours, la victime n'a pas

non plus accès à l'identité du mineur dans le cadre des sanctions extrajudiciaires.

La victime et le jeune délinquant sont des acteurs bien distincts du processus

pénal. Leurs attentes et leurs craintes face au système de justice diffèrent. Pourtant, ce

dernier doit réconcilier les intérêts des uns et des autres. Dans ce contexte, le rôle de la

victime ne peut pas s'articuler autour de ses seuls besoins. Il doit s'inscrire plus

largement dans les modèles théoriques de réponse à la délinquance juvénile. Suivant le

modèle choisi, la victime a un rôle plus ou moins grand à jouer: de simple témoin à

participant actif du processus. C'est dans le cadre de la justice réparatrice que le rôle de la

victime s'avère le plus riche. Suivant ce modèle, l'infraction pénale entraîne une rupture

du tissu social et toutes les personnes impliquées doivent participer à sa réparation, d'où

l'importante présence de la victime dans ce mode de justice applicable aux jeunes

délinquants. L'adolescent doit être confronté aux conséquences de ses actes, dans une

optique de responsabilisation.

C'est dans cette perspective d'une redéfinition du rôle des victimes au sein d'un

modèle de justice encourageant la responsabilisation de l'adolescent que les mesures

d'intégration des victimes s'avèrent les plus pertinentes suivant la Loi sur le système de

justice pénale pour les adolescents.

Kent Roach, loc. cit., note 49, par. 10. Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, précitée, note 4, art. 110.

115

Page 116: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Malgré la pertinence de ces mesures d'intégration des victimes, soutenue par une

grande popularité « théorique » et de nombreuses études favorables256, le succès de leur

mise en œuvre n'est pas assuré. La deuxième partie de notre étude nous a permis de

relever certains éléments favorables à la participation active des victimes, de même que

certains obstacles. Dans les lignes qui suivent, nous soulignerons les forces de la loi et les

difficultés liées à la mise en œuvre des mesures d'intégration des victimes.

En tout premier lieu, nous nous intéresserons aux éléments plus théoriques. Nous

désirons d'abord souligner deux conditions fondamentales qui, à notre avis, peuvent

assurer un déroulement positif de l'intégration des victimes pour tous les acteurs du

système pénal : le soutien et le respect des droits des victimes et des délinquants.

La LSJPA contient certaines dispositions permettant d'assurer le respect des droits

de chacun des acteurs ce qui est tout à fait favorable à l'application des mesures

d'intégration des victimes. Certains droits fondamentaux en matière de droit criminel

doivent être respectés. En plus de la consultation d'un avocat, tel que prévu par l'article

10(2)d) LSJPA, ou l'admissibilité des déclarations, tel que prévu par l'article 10(3)

LSJPA, le droit de refus du délinquant ou de la victime doit être pris en considération.

Pour l'adolescent, l'article 10(2)c) prévoit cette possibilité.

Pour les victimes, l'article 3(1 )d) LSJPA indique qu'elles doivent subir le moins

d'inconvénients possible dans le cadre de leur participation au système de justice;

qu'elles ont droit à l'information; qu'elles ont le droit de participer et d'être entendues et

qu'elles doivent être traitées avec compassion et respect. Pour le reste, cela relève plutôt

du fonctionnement des programmes de chaque province. Au Québec, le Programme de

sanctions extrajudiciaires et Y Entente-cadre entre les Organismes de justice alternative

et Y Association des centres jeunesse du Québec établissent plus formellement le

Supra, p. 50 et suivantes 116

Page 117: Les Mesures d'Integration Des Victimes

fonctionnement de la participation des victimes. Pour l'instant, il n'existe pas de

programme similaire en matière judiciaire.

Aussi, nous considérons, comme le soulève le juge Stuart dans le cadre des

cercles de justice communautaires autochtones, l'importante nécessité de soutenir les

victimes, les délinquants et leurs familles dans cette démarche.257 Que ce soit dans le

cadre judiciaire ou extrajudiciaire, le processus juridique est complexe pour le non-initié.

Lorsque la victime est invitée à participer (par exemple dans le cadre d'une approche

alternative de résolution des conflits comme la médiation), le fonctionnement et les

conséquences de sa participation doivent être clairs, surtout que l'implication dans ce

genre de processus est plus émotive pour tous les participants258. La LSJPA contient très

peu de précisions à ce sujet.

Ensuite, il ne faut pas omettre le fait qu'une justice où les victimes peuvent

participer comporte certaines limitations intrinsèques. Les mesures offrant des

possibilités de participation pour les victimes nécessitent l'implication de nombreuses

personnes, souvent en marge du système judiciaire. Au plan technique, et même

financier, ces mesures peuvent s'avérer complexes. Enfin, les mesures de participation

des victimes ne peuvent pas toujours s'appliquer. Les actes délictuels ne font pas toujours

des victimes précises ou identifiables.

En second lieu, au plan pratique, l'application de la loi met en exergue divers

éléments pouvant s'avérer problématiques pour les acteurs impliqués dans le système de

justice pénale pour les adolescents.

Supra, p. 56 et suivantes 258 Nous avons appris dans le cadre de nos rencontres informelles avec l'organisme Y Autre avenue que les rencontres peuvent parfois être très émotives particulièrement lorsque la victime connaît le délinquant; lorsqu'ils font parties du même cercle de personnes.

117

Page 118: Les Mesures d'Integration Des Victimes

Premièrement, plusieurs éléments sont du ressort des provinces : la création et les

critères d'application des programmes de mesures et de sanctions extrajudiciaires

(articles 7 et 10(2)a) LSJPA), les modalités d'établissement et de fonctionnement des

Comités de justice pour la jeunesse et des groupes consultatifs, etc. D'un endroit à

l'autre, malgré certaines exigences de base prévues dans la Loi sur le système de justice

pénale pour les adolescents, les balises soutenant une participation active de la victime

peuvent différer ce qui, selon nous, peut s'avérer un obstacle. Ces distinctions peuvent

s'inscrire dans une philosophie ou une approche différente relativement à la délinquance

juvénile et évoluer très différemment d'un endroit à l'autre.

Deuxièmement, il nous a été difficile d'analyser la mise en œuvre des mesures

prévoyant un rôle participatif pour les victimes au Québec. La jurisprudence ne nous

permet pas d'évaluer ce qui se fait en matière extrajudiciaire. De plus, les statistiques et

les rapports gouvernementaux sont insuffisamment précis pour permettre une évaluation

complète. Les données fournies par l'organisme de justice alternative l'Autre avenue

nous ont tout de même permis de voir que ces mesures étaient véritablement utilisées.

Cependant, ces données sont très limitées. Elles ne concernent que la ville de Québec et

ses environs. Une analyse complète des données des Organismes de justice alternative

permettrait de connaître l'ensemble de la situation, par exemple le nombre de médiations

jeune délinquanfwictime effectuées annuellement au Québec et une liste des mesures

réparatrices suggérées par les victimes et entérinées par le Délégué à la jeunesse.

Troisièmement, l'analyse de la jurisprudence nous a permis de constater une

faible utilisation des mesures d'intégration des victimes dans le cadre judiciaire. Certes,

la victime est considérée dans le cadre de la détermination de la peine, mais peu de

mesures l'invitent à participer activement au processus. Nous avons remarqué plusieurs

affaires où des juges de la Cour du Québec Chambre de la jeunesse ont ordonné la

rédaction d'une lettre d'excuses aux victimes de l'acte criminel. Nous trouvons ces

ordonnances intéressantes puisqu'elles s'inscrivent directement dans l'optique de

responsabiliser le jeune en le confrontant avec les conséquences de ses actes. De plus, 118

Page 119: Les Mesures d'Integration Des Victimes

nous avons remarqué une timide utilisation de la médiation. Cette dernière répond

souvent à un besoin de réconciliation entre les acteurs impliqués, surtout lorsque ceux-ci

se connaissent ou qu'ils sont dans les mêmes cercles sociaux.

Tout au long de ce mémoire, notre analyse s'est concentrée sur l'observation des

objectifs socio-juridiques de la LSJPA. Ces objectifs nous indiquent les visées du

législateur en matière de délinquance juvénile pour l'ensemble du Canada. Puisque les

dispositions ne sont pas particulièrement précises, nous croyons qu'elles offrent de

grandes possibilités pour permettre la participation des victimes. Toutefois, malgré la

largesse des dispositions, l'application de ce genre de mesures est relativement mitigée.

Au-delà des grands principes, il est du ressort de chaque province et de chaque décideur

d'en préciser l'application. Le véritable objectif du législateur est-il d'ouvrir les portes

aux victimes pour répondre à la faveur populaire tout en encadrant timidement les

modalités d'application?259

En somme, les mesures d'intégration active des victimes abondent de possibilités

intéressantes de méthodes alternatives de résolution de conflits pénaux. Tant chez les

délinquants adultes que chez les délinquants mineurs, lorsqu'elles sont utilisées dans le

respect de chacun des acteurs, elles permettent à tous d'être satisfaits de l'issue des

procédures pénales, souvent reconnues pour être moralement difficiles et d'une grande

froideur. Sans prétendre à l'harmonie parfaite entre tous, ce genre de mesures doit

continuer d'être dans la mire des décideurs et des acteurs sociaux qui peuvent en assurer

une évaluation. Parce qu'au-delà du traitement judiciaire du crime, il y a la réalité de

ceux qui y sont impliqués.

Voir à ce sujet : R. HASTING, "Victims", dans R. P. Saunders and J. McMunagle, CriminalLaw in Canada : An Introduction to the Theoretical, Social and Légal Contexts, 4e éd., Toronto, Carswell, 2002, pp. 253-275

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LSJPA-068, C.Q., Montréal, n° 525-03-032232-050 - 525-03-033599-051 525-03-033600-057, 19 janvier 2006, j . Carole Brousseau.*

LSJPA-0627, C.Q., Montréal, n° 525-03-032742-058, 18 avril 2006, juge Michel Levebvre.*

Procureur général c. X, C.Q., Québec, n° 200-03-011914-042 / 200-03-011915-048, 200-03-011916-046 / 200-03-011923-042, 200-03-011938-040, 1 mars 2005, j . Andrée Bergeron.*

P.G. c. X., C. Q., Rouyn-Noranda, n° 600-03-000964-032, 28 avril 2004, j . Gilles Gendron*

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R. c.J.G., C.Q., Montréal, n ° 525-03-030826-044, 525-03-030656-045, 525-03-031052-053, 18 janvier 2005, juge Nicole Bernier*

R. c. J.H.C., C. Q., Montréal n°525-03-028393-049, 525-03-029456-043, 21 décembre 2004, j . Denis Saulnier*

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R. c.X, C. Q, Montréal, n° 525-03-033727-058, 22 décembre 2005, j . Carole Brousseau.*

R. c. X, C.Q., Iberville, n° 755-03-001907-040, 755-03-001916-041, 23 novembre 2004, juge Linda Despots.*

X, C. Q., Montréal, n° 525-03-027626-035, 6 juillet 2004, juge Dominique Wilhelmy, X(Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049, 12 octobre 2005, j . Daniel Perrault.*

X(Dans le dossier de), C.Q., Trois-Rivières, n° 400-03-005162-041 400-03-005219-049,12 octobre 2005, j . Daniel Perreault.*

Législation

Châtre canadienne des droits et libertés, Loi de 1892 sur le Canada, Annexe b, 1982 (R.-U.), ch. 11*

Code civil du Québec, LRQ, c. C-1991*

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Loi sur les jeunes contrevenants, L.R. 1985, c. Yl (Abrogée, 2002, ch. 1, art. 199).*

Loi sur les jeunes délinquants, L C, 1908, c. 40*

Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et d'autres dispositions législatives, LQ, c. 4L*

Loi modifiant le Code criminel, L.C. 1988, c.89.*

Loi modifiant le Code criminel en matière d'agression sexuelle et d'autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, L.C. 1982, c. 127.*

Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C, 1996, c.19.*

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Programme de mesure de rechange autorisé par le ministre de la Justice et le ministre de la Santé et des services sociaux du 7 janvier 1994 (non publié) - Programme de mesures extrajudiciaires *

YoungPerson offenses Act, RSNL, 1990, C. Y-l, art. 4 [EN LIGNE] http://www.hoa.gov.nI.ca/hoa/statutes/yO 1 .htm#4 page consultée 1 août.*

Sites Internet d'organismes gouvernementaux ou communautaires

Association des centres jeunesse du Québec

http://www.acjq.qc.ca/

Association des familles de personnes assassinées ou disparues

http://www.afpad.ca/

Association québécoise Plaidoyer-Victime

http://www.aqpv.ca/

Bureau national pour les victimes d'actes criminels

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Centre d'aide aux victimes d'actes criminels

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Indemnisation des victimes d'actes criminels

http://www.ivac.qc.ca/index.asp

Ministère de la justice du Québec

http ://www. j ustice. gouv. qc. ca/francais/accueil. asp#

Ministère de la santé et des services sociaux du Québec

http://www.msss.gouv.qc.ca/

Programme justice autochtone dans les provinces canadiennes

http://www.iustice.gc.ca/rr/ps/ais/programs.html

Regroupement des organismes de justices alternatives

http://www.roiaq.qc.ca/